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10/09/2022

Le Conseil national de transition écologique trompe les citoyens et préfère la pénurie

En France, tout le monde dit qu'il faut agir... mais chacun veut mettre des freins à l'action des voisins! Sans surprise, les lobbies hostiles à l'hydro-électricité et à l'exploitation des sources naturelles non fossiles d'énergie sont aussi hostiles au projet de loi d'accélération de l'énergie renouvelable. Le Conseil national de la transition écologique vient de publier un avis réservé sur ce projet de loi, comportant une assertion trompeuse pour les décideurs en ce qui regarde l'hydro-électricité. Nous montrons ici pourquoi cette assertion est fausse. La recherche constate bel et bien que les freins règlementaires sont devenus la première cause de moindre développement récent de l'hydro-électricité. Soit exactement le problème que veut trancher la loi. Les Français doivent prendre conscience de l'attitude délétère de ceux qui, disant "non" à tout, encouragent aujourd'hui et demain la pénurie alors même que les factures explosent, que des entreprises ferment, que le réchauffement climatique déchaîne les événements extrêmes, que la France est en retard sur la transition bas-carbone et que l'Europe est affaiblie par son manque d'indépendance énergétique.


Le Conseil national de la transition écologique vient d'émettre un avis sur le projet de loi d'accélération de l'énergie renouvelable, qui sera discuté à compter d'octobre au parlement.

Cet avis comporte cette assertion :
"le potentiel de développement en hydroélectricité est limité ; l’enjeu porte sur l’optimisation des grands ouvrages existants permettant le stockage et la production de pointe, dans le respect des objectifs de bon état et continuité des cours d’eau"
Cette assertion est fausse. Son origine est connue, elle n'est pas scientifique mais politique : il s'agit d'un élément de langage de groupes pêcheurs et/ou naturalistes militants qui ont bloqué par leur actions et dès les années 1980 le programme hydraulique de la France et de plusieurs pays européens, puis incité dans les années 2000 le législateur et l'administration à engager une politique scandaleuse et délétère de destruction des ouvrages hydrauliques. Certains de ces groupes font partie du CNTE, mais nous regrettons l'absence de vigilance des autres membres de ce conseil, qui laissent passer de telles manipulations sans exiger des preuves.

La recherche montre que le potentiel hydro-électrique français et européen n'est pas exploité complètement, et que la petite hydro-électricité l'est assez peu
En réalité, le potentiel de développement de la petite hydro-électricité a été étudié par deux publications scientifiques récentes, celles de Punys et al 2019 et celle de Quaranta et al 2022.

La première publication conclut que l'on peut relancer au moins 24878 sites hydro-életriques déjà présents en France, soit une production de l'ordre de 4 TWh pour ces seuls sites. Mais ce chiffre représente un tiers de la catégorie "seuils" et "barrages" du Référentiel français des obstacles à l'écoulement (une liste administrative de tous les ouvrages présents dans les rivières françaises). Punys et al observent que le régulations environnementales sont devenues la première cause de ralentissement de l'hydro-électricité : "Au cours des dix dernières années, le potentiel des nouvelles petites centrales hydro-électriques  a été considérablement affecté, la tendance à la baisse découlant de la législation environnementale qui protège des zones désignées, telles que Natura 2000, les zones affectées par la directive-cadre sur l'eau (DCE), etc.". Ce constat rend donc parfaitement légitime le souhait de la loi d'accélération de l'énergie renouvelable quant aux simplifications liées à ces contraintes règlementaires.

La seconde publication, utilisant une méthodologie différente, conclut que la seule petite hydro-électricité européenne (moins de 10 MW) a un potentiel de 79 à 1710 TWh. La fourchette extrêmement importante démontre que le principal critère est le choix politique, car le potentiel physique des rivières a encore une large possibilité d'exploitation. Les auteurs le disent explicitement : "Les contraintes environnementales affectent le potentiel hydroélectrique au fil de l’eau à grande échelle, de 79 TWh/an à 1 710 TWh/an. Cette grande variation indique que le potentiel de la petite hydroélectricité dépend strictement des objectifs de protection de l'environnement fixés dans l'autorisation des centrales". Là encore, le constat des chercheurs appuie le diagnostic fait par le gouvernement comme par de nombreux producteurs sur le terrain : ce sont les questions règlementaires qui créent l'essentiel des freins, en raison de normes contradictoires, complexes, pour beaucoup dénuées de réalisme énergétique et économique.

Le potentiel de développement de l'hydro-électicité totale incluant la grande hydraulique a été étudié par Gernaat et al 2019 avec un modèle à haute résolution incluant les autres usages de l'eau. A un coût maximum de 100 euros le MWh et en incluant les protections environnementales, le potentiel hydro-électrique européen restant à développer est de 240 TWh. Il augmente de 40% si l'on baisse les contraintes règlementaires environnementales. Les estimations du potentiel physique total sans limitation réglementaire ni économique sont rappelées dans cette publication : de 2200 TWh (Zhou et al 2015) à 4000 TWh (Pokhrel et al 2008) en Europe. Pour rappel, la puissance hydro-électrique aujourd'hui installée en Europe (225 GW) produit de l'ordre de 650 TWh par an, ce qui signifie qu'elle est très en deçà du potentiel physique total, et que la marge de progression reste importante. 

Ainsi, il est faux de dire que la France ne peut pas mobiliser davantage l'énergie de l'eau, non seulement parce que l'ensemble des seuils / barrages déjà construits reste très faiblement équipé (moins de 15% de taux d'équipement en roues, vis ou turbine des bâtis en place), mais aussi parce que de nouveaux sites peuvent être exploités.

Une posture qui date du contre-choc pétrolier et de la désindustrialisation française
L'élément de langage selon lequel le potentiel hydro-électrique est déjà totalement exploité a été développé dans le cadre du contre-choc pétrolier des années 1980 et 1990, à une époque où l'on se préoccupait beaucoup moins du climat et où l'énergie fossile était à très bas prix. C'est aussi à cette époque que l'on a cru à la désindustrialisation de la France et à la dématérialisation de l'économie, alors que nous mesurons aujourd'hui le manque de vision de ces discours. 

Il est impossible de produire de l'énergie à partir de sources naturelles et de renforcer la souveraineté industrielle de l'Europe sans accepter une certaine artificialisation des milieux. Que celle-ci se fasse avec de bonnes pratiques et moins d'impacts écologiques que dans les années 1960 est possible et souhaitable. Mais le refus maximaliste de tout impact est une posture irresponsable, et dénué de sens. Ses conséquences sont qu'à force de dire "non" à tout, nous continuons à consommer beaucoup trop de fossile, ce qui a bel et bien un "impact" majeur sur l'ensemble de la planète, qu'il s'agisse des écosystèmes ou des sociétés. 

Le Conseil national de la transition écologique a donc donné un avis trompeur au gouvernement, au parlement et aux citoyens. Nous allons en informer les parlementaires chargés de voter la loi, car cette manoeuvre indique parfaitement le problème que le législateur doit régler : un certain nombre de lobbies veulent aujourd'hui empêcher l'accélération de l'énergie renouvelable. 

Dans le cas des rivières, c'est même plus grave : ces lobbies ont réussi à convaincre les administrations de l'eau de détruire les ouvrages hydrauliques qui forment le potentiel énergétique, et qui assurent aussi des stockages d'eau face aux crues et sécheresses. L'engagement honteux et ruineux de la France dans cette voie doit cesser. Nous espérons que les parlementaires en auront pleinement conscience.  

Rappel de nos demandes
  • Arrêt immédiat de la destruction des ouvrages hydrauliques
  • Equipement énergétique prioritaire des sites déjà existants et ne créant pas d'impacts nouveaux
  • Révision des classements de continuité écologique pour définir les sites à enjeux réellement prioritaires (présence d'espèce migratrice menacée)
  • Prise en charge publique de tous les chantiers de continuité écologique
  • Suppression des procédures autres que déclaratives pour les sites d'ores et déjà autorisés à produire (fondés en titre et sur titre)
  • Simplification administrative des créations de sites
  • Accélération procédurale de la justice en cas de contentieux après concertation
A lire en complément

06/09/2022

Les producteurs d'hydro-électricité lancent l'alerte depuis 10 ans sur les erreurs publiques aggravant la pénurie énergétique

Le président de la république s'est dit déterminé à "simplifier les choses drastiquement" pour le développement des projets d'énergie renouvelable et a demandé au gouvernement de préparer une loi en ce sens, qui sera débattue en octobre prochain au parlement. Les propriétaires de moulins et d'usines hydrauliques, les porteurs de projets hydro-électriques tirent la sonnette d'alarme depuis 10 ans sur le blocage croissant des initiatives par des règlementations complètement décalées des réalités. Non seulement certaines administrations entravent les projets énergétiques par des exigences intenables, mais elles engagent l'argent public dans la destruction des outils de production hydro-électrique et de stockage de l'eau. La loi à venir est l'occasion d'en finir avec l'idéologie désastreuse qui a présidé à la mise en oeuvre de la "continuité écologique" en France. Le parlement doit poser clairement les priorités du pays. Nous informerons les députés et sénateurs de ces réalités et des causes des blocages afin que les normes changent. 


Destruction sur argent public de barrage producteur, photo Thomas Savalle, droits réservés.

La Russie vient d'annoncer qu'elle coupait ses approvisionnements en gaz de l'Europe, étape supplémentaire d'une crise de l'énergie qui a commencé voici plus d'un an.

Cette crise est beaucoup débattue sous l'angle des consommateurs particuliers, leur chauffage et leur électricité. Mais le plus grave problème que va affronter l'Europe est d'ordre économique : la pénurie d'énergie et la hausse de ses prix affaiblissent les entreprises et les collectivités qui voient des coûts s'envoler ou des activités devenir impossibles. Certaines usines ont déjà annoncé le fermeture des lignes de production cet hiver et le chômage technique. Des villes ont dû fermer des piscines publiques trop énergivores. Ce n'est que le début...

La réponse des dirigeants est double : inciter à la sobriété du côté de la demande d'énergie, augmenter l'offre du côté de la production d'énergie. Il n'y a guère d'autres choix. Mais si la chasse au gaspillage est vertueuse, une sobriété systémique, contrainte et permanente signifierait une récession économique, alors que l'Europe a déjà été affaiblie par la crise de la pandémie.

Une des conséquences de cette crise est la prise de conscience accrue du rôle critique de l'énergie dans l'économie et dans la société. Nous avons fermé des capacités fossiles, nous avons fermé ou gelé des capacités nucléaires, nous n'avons pas assez développé de capacités renouvelables. La France et l'Europe se disent donc décidées à accélérer l'offre énergétique, en particulier renouvelable, afin d'améliorer la résilience énergétique du continent et de lutter en même temps contre des émissions carbone.

Emmanuel Macron en guerre contre les blocages de projets... vraiment ?
Dans sa conférence de presse sur la crise énergétique tenue le 5 septembre 2022, la président de la république a fait cette déclaration : "Il nous faut continuer à avancer à marche forcée, d’abord pour produire davantage et produire davantage via des sources alternatives d’énergie et tout particulièrement d’électricité en France et en Europe. C’est pourquoi j’ai demandé au gouvernement de parachever des textes législatifs pour permettre d’accélérer la production d’énergies renouvelables et de nucléaire. Nos projets sont trop lents.  (...) On doit aller beaucoup plus vite dans la production des énergies renouvelables et simplifier les choses drastiquement. Nous sommes en guerre. C’est un fait. L’énergie fait partie des instruments de guerre utilisés par la Russie et donc nous devons absolument nous mettre en situation de produire plus vite des sources alternatives d’électricité".

Les propriétaires de moulins et d'usines hydrauliques, les porteurs de projets hydro-électriques voient très bien les causes de la lenteur des projets dont parle le président de la république, quand ce ne ne sont pas les causes de leur interdiction et même de la destruction scandaleuse des barrages producteurs.

Depuis des années, nous alertons les décideurs sur des règlementations hors-sol qui aboutissent à geler l'hydro-électricité, à dépenser l'argent public et privé dans la destruction des infrastructures permettant la production d'énergie comme le stockage de l'eau, à exiger des mesures compensatoires qui n'ont aucune sorte de faisabilité et de réalisme. Nous alertons aussi sur le fait que, vu les changements hydrologiques et climatiques en cours, la France doit urgemment augmenter et non baisser ses capacités de stockage d'eau. 

Les parlementaires vont examiner en octobre une loi d'accélération des énergies renouvelables. Nous allons de nouveau informer les députés et les sénateurs de la réalité des blocages législatifs, réglementaires et administratifs sur l'énergie de l'eau. Nous invitons déjà chacun de nos lecteurs à les contacter en ce sens, à titre particulier ou associatif. L'été 2022 a eu son symbole : en pleine crise cumulée de la sécheresse et de l'énergie, sur ordre des administrations publiques, on achevait de détruire deux barrages EDF producteurs sur la Sélune, et en même temps deux lacs de réserve d'eau potable. Derrière ce symbole sur de grands barrages, des milliers d'autres sites plus modestes ont aussi disparu. C'est le symbole de ce que nous ne voulons plus voir. Les parlementaires doivent le comprendre et modifier la loi pour que la réforme ratée de "continuité écologique" ne mène plus jamais à de telles régressions environnementales, sociales et économiques.

23/08/2022

Saisine des ministres de l'écologie et de l'énergie sur la politique française des ouvrages hydrauliques

La coordination Eaux & Rivières humaines (CNERH) saisit les ministres de la transition écologique et de la transition énergétique sur la question des ouvrages hydrauliques. Alors que le pays affronte une crise de l'eau et de l'énergie, diverses administrations placées sous la tutelle de Mme Pannier-Runacher et de M. Béchu continuent d'encourager la destruction des seuils et barrages, l'assèchement des plans d'eaux et canaux, mais aussi de décourager les porteurs de projets hydro-électriques par des demandes dénuées de tout réalisme. Cette grave dérive de nombreux services "eau et biodiversité" de l'Etat et d'établissements publics est d'autant moins tolérable qu'elle est contraire aux lois et jurisprudences, créant dans ce domaine des ouvrages hydrauliques une dégradation de la confiance citoyenne dans la parole publique. 




Madame la ministre,
Monsieur le ministre,

Notre coordination rassemble des acteurs des territoires (associations, syndicats, collectifs, entreprises) impliqués dans l’animation, la valorisation et la gestion des ouvrages hydrauliques et des écosystèmes anthropiques : petits barrages, seuils en rivière créant des étangs, plans d’eau, canaux et zones humides pour divers usages de l’eau comme la petite hydro-électricité, l’irrigation, la pêche, le tourisme mais aussi les réserves incendies et l’adaptation au changement climatique. 

Malgré son importance dans la vie des territoires depuis des siècles et aujourd’hui encore – il y a par exemple au moins 50 000 moulins à eau et 200 000 étangs –, ce monde de la « petite hydraulique » ne dispose d’aucune représentation permanente au comité national de l’eau ni aux comités de bassins des agences de l’eau. Et les commissions locales de l’eau n’intègrent que très imparfaitement les acteurs territoriaux. Aussi nous nous adressons à vous directement, puisque les instances publiques de concertation et de délibération manquent à leur devoir de représentativité. 

Pour dire l’essentiel en peu de mots : malgré la crise de l’eau et la crise de l’énergie que traverse notre pays, malgré l’évolution des lois et des jurisprudences ces trois dernières années, nous constatons toujours une inertie voire une action à contre-emploi des administrations en charge de l’eau, de la biodiversité et de l’énergie placées sous vos tutelles. Ces administrations incitent partout à détruire les ouvrages qui stockent l’eau et peuvent contribuer à la transition bas-carbone, sont réticentes à aider les propriétaires dans la bonne gestion écologique et hydrologique de ces ouvrages, ralentissent l’équipement énergétique par des instructions hostiles, exigent des procédures et travaux de continuité écologique inaccessibles à l’immense majorité des propriétaires faute de financement public proportionné.

Ce problème s’est cristallisé ces dernières années autour du sujet de la « continuité écologique » : les administrations concernées (DDT-M, OFB, agences de l’eau) ont déployé depuis 2012-2013 un discours de « diabolisation » des ouvrages hydrauliques, en appelant à les détruire et à assécher leurs milieux. Au lieu d’équiper des ouvrages en circulation des poissons et sédiments tout en conservant des plans d’eau et biefs face aux sécheresses comme aux inondations – des dizaines de milliards de m3 d’eau renouvelable repartent à la mer chaque année –, on a poussé à détruire. Sur certaines rivières de l’Ouest, du Nord et du Centre de la France, tous les moulins et étangs de bassins ont été rasés. Le résultat est évidemment catastrophique dans les années sèches comme celle que nous subissons. 

Au-delà du cas particulier de continuité écologique, il existe un problème plus profond de philosophie de l’action publique de  l’eau dans ce domaine des ouvrages hydrauliques. 

En effet, alors que dans tous les autres domaines économiques et sociaux on cherche une écologie constructive et adaptative par évolution des pratiques et des équipements, les moulins, les étangs, les plans d’eau se voient opposé un véritable déni de reconnaissance de la part de représentants de l’Etat et d’établissements publics. Les administrations en charge de leur instruction estiment le plus souvent que ces ouvrages ne devraient pas exister. Loin de vouloir valoriser leurs atouts en période de transition énergétique, climatique, hydrique et écologique, ces administrations veulent soit détruire les ouvrages pour créer une « rivière libre et sauvage » ou une « renaturation », soit rester dans une indifférence hostile à leur encontre tout en essayant d’imposer des procédures et des travaux dénués de toute faisabilité et acceptabilité. Il est impossible de construire ensemble un avenir de nos bassins versants tant que de tels préjugés prévaudront dans l’instruction des ouvrages hydrauliques. Au demeurant, nos membres vont encore requérir en justice l’annulation des 6 SDAGE venant d’être adoptés, outre d’autres contentieux ouverts et en cours d’instruction.

L’attitude des administrations en charge des ouvrages hydrauliques est d’autant plus inaudible pour les usagers et riverains qu’elle ne correspond pas du tout à l’évolution des lois et de la jurisprudence. 

En effet, pour ce qui regarde les lois :
  • La loi sur l’eau de 2006 sur la continuité écologique demande des ouvrages gérés, équipés, entretenus (et non détruits) ainsi qu’une indemnisation des travaux lorsqu’ils deviennent une charge exorbitante pour un particulier, un petite exploitant ou une petite collectivité,
  • La loi montagne de 2016 a précisé que la continuité écologique ne doit pas faire obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique comme part de l’identité culturelle et paysagère des territoires,
  • La loi énergie et climat de 2019 a posé que le petite hydro-électricité devait être mobilisée face à l’urgence climatique et écologique,
  • La loi climat et résilience de 2021 a interdit la destruction de l’usage actuel et potentiel des ouvrages dans la mise en œuvre de la continuité écologique.
Et concerne la jurisprudence :
  • Le conseil d’Etat a annulé en 2021 la définition ministérielle de l’obstacle à l‘écoulement (décret de 2019), confirmant sa jurisprudence antérieure selon laquelle un ouvrage peut être compatible avec la continuité écologique et n’a pas à être détruit ou interdit au nom de ce motif,
  • Le conseil constitutionnel a souligné en 2022 lors d’une QPC que le patrimoine hydraulique et l’hydro-électricité sont d’intérêt général ainsi que conformes à la charte de l’environnement.
Madame la ministre,
Monsieur le ministre,

Sur cette question des ouvrages hydrauliques et de leurs milieux en eau, la cohérence de la parole publique et la confiance des citoyens ont hélas régressé. Plus gravement, les citoyens observent chaque jour des choix publics contraires à la protection de la ressource en eau, à la transition énergétique, à la préservation de milieux aquatiques et humides.

Pour sortir de cette impasse, nous sollicitions de votre bienveillance et de votre lucidité une circulaire de mise en application de lois et jurisprudences par les services administratifs eau et biodiversité, incluant notamment :
  • L’arrêt immédiat des destructions des ouvrages, l’interdiction des chantiers remettant en cause le stockage local d’eau douce en surface, aquifère, nappe.
  • La nécessité pour les agences de l’eau, syndicats et régions de financer (au même taux que les destructions jadis) des aménagements au titre de la continuité écologique : vannes, rampes rustiques, passes à poissons, rivières de contournement.
  • Le co-financement public-privé de plans d’eau et zones humides alimentés par l’eau gravitaire excédentaire au lieu de bassines énergivores alimentées par pompage de nappes phréatiques,
  • L’incitation forte à équiper toutes les chutes exploitables en production électrique bas-carbone. 
  • La simplification et accélération des procédures d’instruction des dossiers « aménagements » au lieu de dissuader les porteurs de projets, comme cela se fait depuis quinze ans.
  • La reconnaissance par les services administratifs des écosystèmes anthropiques d’ouvrages hydrauliques comme solutions fondées sur l’usage équilibré et durable de la nature.
  • L’intégration permanente de la petite hydraulique au comité national de l’eau, aux comités de bassin et aux commissions locales de l’eau.
Nous sommes bien entendu à votre entière disposition pour évoquer ces sujets dans le détail et chercher des solutions constructives pour l’avenir de nos ouvrages hydrauliques au service des territoires et de la transition.

08/08/2022

Les casseurs d'ouvrages hydrauliques aggravent la crise de l'eau et de l'énergie

Crise de l'eau, crise de l'énergie : la situation dramatique que connaît la France montre l'erreur historique que fut la politique publique de destructions des seuils, barrages et retenues de rivières au nom de la continuité écologique. Mais le pire est que certaines administrations persistent dans le dogme, même face à la réalité crue des menaces existentielles pesant sur notre pays, menaces dont les experts disent qu'elles iront en s'aggravant. Nous appelons chaque acteur local à saisir dès à présent son député et son sénateur pour exiger du gouvernement une réponse claire en forme d'arrêt immédiat des destructions de barrages, chaussées et retenues, avec changement à 180° de la politique des ouvrages hydrauliques. Nous ferons pour notre part cette demande officielle aux ministres en charge de l'écologie et de l'énergie, assortie en cas de refus ou d'inaction d'une plainte pour carence fautive face au changement climatique et mise en danger des populations. 


Destruction des barrages de la Sélune, une folie en pleine crise hydrique, climatique et énergétique.

Sur la Sélune, deux barrages EDF de réserve d'eau potable et de production d'énergie bas-carbone ont été détruits au prétexte de faire revenir un millier de saumons. Des élus locaux se lamentent de ce choix alors que le département de la Manche est en crise sécheresse comme tant d'autres.

Sur la Vire, on construit d'urgence des barrages provisoires pour maintenir le niveau d'eau et permettre le pompage d'alimentation des habitants, alors que l'administration et le lobby pêche ont massacré un grand nombre d'ouvrages de moulins et plans d'eau. 

Sur l'Oudon, on se désole des assecs qui menacent partout et on déplore la disparition de nombreuses retenues de moulins en Mayenne

Sur le Dhuy réduit à un filet d'eau chaude, les riverains se souviennent de l'époque des barrages et écluses qui garantissaient un lit large et profond toute l'année.

Cette destruction des barrages et chaussées avec assèchement des milieux associés (canaux, biefs, étangs, plans d'eau, retenues, lacs) s'est faite au nom d'une vision dogmatique de l'écologie affirmant qu'il faut revenir à la rivière "libre et sauvage", c'est-à-dire supprimer tous les aménagements humains qui entravent l'eau. Parfois, elle a été exigée par le lobby de pêcheurs de truite et saumon, au nom de son loisir. Loin d'être limitée à une marginalité militante, cette vision est hélas largement partagée par le ministère de l'écologie, sa direction eau et biodiversité, ses administrations sous tutelle (agence de l'eau, office français de la biodiversité) et ses experts engagés dans un naturalisme militant.

La destruction des ouvrages hydrauliques aggrave la crise de l'eau, car les études scientifiques montrent qu'en milieu tempéré (et non aride) comme la France, le bilan des retenues est favorable pour limiter les sécheresses et augmenter l'eau disponible, y compris en réserve incendie. Le bilan est aussi favorable en période de pluie, avec ralentissement et écrêtement des crues, prévention des risques les plus graves d'inondation éclair. Inversement, détruire des ouvrages et des retenues va inciser les lits, réduire le remplissage des nappes.

La destruction des ouvrages hydrauliques aggrave la crise de l'énergie, car les barrages et les seuils peuvent produire une énergie locale, propre, bas-carbone et renouvelable. Là encore, la recherche scientifique a montré l'existence d'un potentiel non négligeable de petite hydro-électricité, y compris sur les seuils de moulins. Non seulement ce potentiel est bloqué par des instructions administratives lentes, hostiles et exorbitantes en exigence, mais on se permet de détruire des ouvrages producteurs en place, alors que le gouvernement appelle à des restrictions, prévient du risque de pénurie et rouvre des centrales à charbon.

Nous sommes confrontés à une crise de quantité, et non pas seulement de qualité : quantité d'eau disponible, quantité d'énergie disponible. C'est donc une crise existentielle. Les événements comme les sécheresses de 2019 ou de cette année ne sont plus l'exception, mais vont peu à peu devenir la norme. Et à la sécheresse de l'été répond un risque élevé de pluies plus torrentielles aux autres saisons, avec les drames à la clé, et des coûts énormes. Vouloir "revenir à la rivière naturelle de jadis" dans ces conditions n'est pas seulement une absurdité intellectuelle, c'est une mise en danger des populations. De même, l'énergie fossile dont notre pays dépend encore à 70% n'est pas inépuisable ; il y a déjà eu inflation forte en 2005-2007 (ayant joué un rôle dans la crise de 2008), il y a inflation forte aujourd'hui dans le cadre de la crise ukrainienne, cela n'ira pas en s'arrangeant. Ralentir la transition énergétique post-fossile dans ces conditions est un véritable suicide collectif. 

Cette dérive est d'autant plus insupportable dans le cas des ouvrages hydrauliques qu'elle est contraire aux lois votées par le parlement. La loi sur l’eau de 2006 sur la continuité écologique demande des ouvrages gérés, équipés, entretenus (et non pas détruits). La loi énergie et climat de 2019 expose que la petite hydro-électricité devait être mobilisée face à l’urgence climatique et écologique. La loi climat et résilience de 2021 interdit la destruction de l’usage actuel et potentiel des ouvrages dans la mise en œuvre de la continuité écologique. En outre, le conseil constitutionnel a reconnu en 2022 que le patrimoine et l'énergie hydro-électrique sont d'intérêt général et conforme à la charte de l'environnement.

Dès la rentrée, nous allons saisir les parlementaires et le gouvernement afin d'exiger un décret d'arrêt immédiat de toute destruction d'ouvrages hydrauliques. Et un changement complet de politique publique sur ces ouvrages, bénéfiques au vivant, à l'économie et à la société. Nous demandons aux collectifs, associations et syndicats de saisir sans attendre leurs députés et sénateurs pour souligner cette urgence, afin de nourrir la prise de conscience politique des erreurs dramatiques commises dans la gestion de l'eau et de faire pression sur le gouvernement pour des actes. Chaque riverain lucide doit s'engager pour protéger l'eau et développer l'énergie dont notre pays a besoin.

30/07/2022

L’exemption de continuité écologique pour les moulins producteurs contestée par le conseil d’Etat

Nouveau rebondissement de jurisprudence dans la continuité écologique : le conseil d’Etat vient de décider que l’administration ne doit pas appliquer l’exemption de continuité écologique pour les moulins producteurs d’électricité, prévue à l’article L 214-18-1 code de l’environnement, car elle serait contraire à la directive cadre européenne 2000 et au règlement anguille 2007. Pourtant le ministère soutenait la position contraire devant le conseil constitutionnel voici quelques mois... Le droit devient incohérent et illisible. Il est temps pour le mouvement des ouvrages hydrauliques de demander aux parlementaires la remise à plat complète de la continuité écologique, source de confusion et de contentieux depuis trop longtemps. Il est déjà acquis que la casse des ouvrages hydrauliques est contraire à l'intérêt général, en particulier à la protection de la ressource en eau et à la promotion de la transition énergétique, deux urgences actées par tous. Il faut désormais poser que les chantiers de continuité ne doivent être exigés que dans les cas réellement utiles à des espèces menacées d'extinction, et financés par la collectivité au titre de la gestion publique de la rivière, comme les autres aménagements d'intérêt général.


Une société exploitait une centrale hydroélectrique alimentée par les eaux de la Creuse (département de l'Indre), au droit d’un ancien moulin. Par un arrêté du 11 décembre 2015, le préfet de l'Indre a fixé des prescriptions supplémentaires de continuité écologique à l'autorisation d'exploiter l'énergie hydroélectrique sur le barrage. L’exploitant a invoqué l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 15 de la loi du 24 février 2017, posant que : «Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l'électricité, régulièrement installés sur les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l'article L. 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l'autorité administrative mentionnées au même 2°

Le conseil d’Etat pose que cette exemption ne s’applique pas si un moulin avait été classé en continuité écologique mais n’avait pas satisfait alors aux exigences du classement : «Il résulte des dispositions de l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement, éclairées par les travaux préparatoires relatifs à la loi du 24 février 2017 précitée, qu’afin de préserver le patrimoine hydraulique que constituent les moulins à eau et de favoriser la production d’énergie hydroélectrique, le législateur a entendu exonérer l’ensemble des ouvrages pouvant recevoir cette qualification et bénéficiant d’un droit de prise d’eau fondé en titre ou d’une autorisation d’exploitation à la date de publication de la loi, des obligations mentionnées au 2° du I de l’article L. 214-17 du même code destinées à assurer la continuité écologique des cours d’eau. Les dispositions de l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement ne peuvent donc être interprétées comme limitant le bénéfice de cette exonération aux seuls moulins hydrauliques mis en conformité avec ces obligations ou avec les obligations applicables antérieurement ayant le même objet.» Le conseil d’Etat considère donc que si une rivière a été classée avant la production électrique, la continuité s’impose.

Allant plus avant, le conseil d’Etat pose que l’administration est fondée à invoquer la directive cadre européenne de 2000 et le règlement européen anguille de 2007 pour ne pas suivre l’exemption prévue par le L 214-18-1 code environnement, qui est inférieur dans la hiérarchie des normes : « Si la société requérante invoque les dispositions de l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement cité au point 2 pour soutenir qu’aucune obligation résultant du 2° du I de l’article 214-17-1 du même code ne peut être imposée à son installation, ces dispositions, en tant qu’elles exonèrent les moulins à eau existant à la date de publication de la loi du 24 février 2017 des obligations mentionnées au 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, indépendamment de leur incidence sur la continuité écologique des cours d’eau concernés et de leur capacité à affecter les mouvements migratoires des anguilles, méconnaissent les objectifs de la directive du 23 octobre 2000 ainsi que le règlement du 18 septembre 2007. Par suite, eu égard aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes dans l’ordre juridique interne telles qu’elles découlent de l’article 55 de la Constitution, il incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire de s’abstenir d’adopter les mesures réglementaires destinées à permettre la mise en œuvre de ces dispositions et, le cas échéant, aux autorités administratives nationales, sous le contrôle du juge, de donner instruction à leurs services de n'en point faire application tant que ces dispositions n'ont pas été modifiées.»

Commentaire
On doit d’abord souligner la surprenante mauvaise foi et incohérence du ministère de l’écologie sur ce dossier. En effet, le même article L 214-18-1 code de l’environnement avait fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité un peu plus tôt dans l’année. L’issue avait été cette fois favorable, avec la reconnaissance du caractère d’intérêt général du patrimoine hydraulique et la production hydro-électrique. Or le ministère, qui défendait alors cet article du code de l'environnement, avait exposé dans son mémoire en défense au conseil constitutionnel que l’exemption de continuité ne contredisait nullement le droit européen. Cette fois, le ministère a procédé à l’inverse pour défendre la position de la préfecture de l'Indre devant le conseil d’Etat. L'administration française ne sait plus où elle va et devient un contre-modèle d'arbitraire...

Selon nos informations, le plaignant et son conseil discutent de l'opportunité de saisir la cour européenne des droits de l'homme dans la mesure où le non-renvoi par le conseil d'Etat à une cour administrative empêche le plaignant de faire valoir ses arguments en contradictoire contre ceux du ministère de l'écologie.

Pour le reste, la doctrine juridique ne résout pas la contradiction de base entre la politique publique de continuité et les autres politiques publiques de l'eau :
  • Il est reconnu que le patrimoine hydraulique et l’énergie hydro-électrique sont d’intérêt général, qu’ils font partie de la gestion équilibrée et durable de l’eau, à ce titre la destruction des ouvrages ne peut être la politique menée par les gestionnaires publics de l’eau – c’est même formellement interdit en rivière classée continuité écologique depuis la réforme de la loi climat et résilience de 2021. La crise énergétique et la crise climatique ne vont certainement pas permettre de revenir à un choix décrié, ruineux et dangereux de destructions des ouvrages de retenues d’eau et d’énergie bas-carbone.
  • Il reste donc des dispositifs de franchissement de poissons migrateurs, sauf que ceux-ci représentent une charge spéciale et exorbitante, inaccessible au budget des particuliers, des petits exploitants et des petites communes, mais les agences de l’eau, les régions et les syndicats de rivière refusent d‘appliquer le financement à 100% alors qu’ils l’appliquaient (outrageusement) sur les destructions désormais interdites.
Tant que les gestionnaires  publics en charge de l’eau et des financements de continuité resteront bloqués sur leur idéologie nuisible de diabolisation et de casse de ouvrages au lieu de reconnaître sans arrière-pensée leur existence et de financer leur modernisation, les problèmes continueront. 

S’il est appelé à réviser une nouvelle fois l’article L 214-18-1 code de l’environnement (comme la décision du conseil d'Etat le lui suggère), le parlement doit donc en profiter pour
  • Renforcer la protection des ouvrages en posant dans la loi de manière forte et explicite qu’ils sont indispensables aux objectifs de protection de la ressource en eau, adaptation au changement climatique, sécurité civile incendie, transition énergétique, relocalisation économique, préservation du patrimoine historique et paysager, donc que la rivière avec ouvrage relève de l’intérêt général et qu’elle restera l’horizon des bassins versants.
  • Recentrer la continuité écologique en long sur lit mineur (distincte et différente de la continuité latérale sur lit majeur) en la redéfinissant comme option de protection des grand migrateurs menacés d'extinction sur le bassin concerné, et non pas en laissant entendre qu'elle vise une "renaturation" des bassins ou de manière indistincte un aménagement de tous les ouvrages même quand il n'existe pas d'enjeu d'espèce menacée. Cela implique de cibler nettement mieux le choix des rivières et tronçons classés.
  • Rappeler la nécessité du financement public des charges d’intérêt général relevant de la continuité écologique, assimilables à d'autres aménagements de la rivière (une passe à poissons n'apporte évidemment rien à un propriétaire, sinon une servitude d'entretien et une hausse de la fiscalité du bâti) ; en conséquence, et du fait du coût de cette politique qui est objectivement très secondaire par rapport aux enjeux du pays sur l’eau et l’énergie, exiger aussi de l’administration une révision réaliste du classement de continuité écologique. 
Pour le fond, la continuité écologique a révélé depuis 10 ans deux visions contradictoires : les partisans de la nature sauvage considérant qu’il faut à terme éliminer tout impact humain d’un milieu naturel et donc soutenir tout ce qui va dans ce sens, ici la destruction pure et simple des ouvrages ; les partisans de l’environnement aménagé considérant qu’il faut viser des objectifs d’intérêt général où la biodiversité endémique est un paramètre parmi d’autres, à ne pas négliger comme jadis mais à ne pas sacraliser non plus par excès inverse, au regard d’autres enjeux critiques et au regard également de la réalité de l’évolution des milieux aquatiques depuis des siècles. Il faut tout de même rappeler que le déclin massif des anguilles date de la seconde moitié du 20e siècle (à partir des années 1980), alors que les moulins sont présents sur les rivières depuis deux millénaires. 

Nous pensons que notre vision, favorable à la gestion intelligente de l’eau, de l’énergie et de l’environnement, est très largement majoritaire quand elle est correctement expliquée ; et que la promotion du retour à la nature sauvage est au contraire une lubie assez marginale et radicale, décalée des menaces majeures qui pèsent sur l’environnement comme des aspirations des citoyens, en particulier ceux qui vivent près des rivières concernées. Mais les propriétaires, les riverains, les associations, les collectifs et les syndicats doivent impérativement et sans relâche expliquer leurs positions dans le débat public et auprès des décideurs, en particulier leurs parlementaires. Cet arrêt du conseil d'Etat est aussi un avertissement : si nous cessons la mobilisation intensive contre les casseurs d'ouvrages hydrauliques, les empêcheurs de transition énergétique et les assécheurs de milieux aquatiques, les nuisances vont reprendre. Que chacun écrive à son député et son sénateur pour les entretenir de ces sujets et leur demander de réviser le droit de l'environnement là où il produit des échecs.

Référence : Conseil d’Etat, 28 juillet 2022, arrêt n° 443911 

Note aux adhérents Hydrauxois : pour notre part, nous demandons aux préfets depuis les classements de 2012 et 2013 de respecter la loi imposant l’indemnisation des charges exorbitantes de continuité. Notre position est donc inchangée : les pouvoirs publics flèchent ce financement des chantiers de mise en conformité ou se mettent en défaut par rapport à la loi. Nous insistons sur la nécessité d’envoyer en recommandé les modèles de courrier que nous proposons, afin de rester cohérents dans votre défense juridique, de montrer que vous n’ignorez pas la loi et de mettre la pression sur les agences de l’eau, dont le blocage financier très dogmatique explique l’essentiel des problèmes observés. Si l’on était venu voir les propriétaires pour leur proposer des solutions adaptées et financées au lieu d'essayer de leur imposer une ruine, nous aurions gagné dix ans… La France se perd dans ces absurdités bureaucratiques alors que l’argent public manque partout. Cela aussi, les citoyens ne l’oublient pas : les pouvoirs publics doivent changer de braquet s’ils veulent sortir de la spirale de déconsidération où ils sont engagés. 

15/07/2022

La recherche confirme le fort potentiel de la petite hydro-électricité en Europe (Quaranta et al 2022)

Le potentiel de développement de la petite hydro-électricité au fil de l’eau en Europe correspond à une production de 79 à 1710 TWh par an, montre une équipe de chercheurs. La valeur haute est considérable, trois fois la production électrique de la France. Cette énorme fourchette tient presque entièrement aux règlementations administratives : si celles-ci cessent de réprimer l’hydro-électricité, les rivières peuvent délivrer tout leur potentiel pour contribuer à atteindre l’objectif de zéro carbone net en 2050. Chacun doit exposer aux décideurs publics l’urgence de mettre les administrations au service de la transition énergétique, ce qui n’est pas le cas sur toutes les rivières françaises, loin s'en faut. Les agences de l’eau et les syndicats de bassin se désintéressent le plus souvent de  l’énergie des rivières, alors que c’est un des enjeux de l'eau depuis deux millénaires et que des dizaines de milliers de sites équipables existent. Pire, ils combattent dans certains cas des projets énergétiques et détruisent même le potentiel de production, alors que la loi a spécifié en 2019 que la petite hydro-électricité devait être désormais mobilisée pour l’urgence climatique. Informez urgemment vos parlementaires de ces données en vue de la prochaine loi énergie qui sera discutée à l'assemblée, et exigez que l’administration de l’eau change immédiatement sa politique néfaste.



L'hydroélectricité est la plus principale source d'énergie renouvelable utilisée dans le monde, représentant 1 330 GW de puissance installée mondiale. La grande hydroélectricité (> 10 MW) contribue également à une meilleure gestion de l'eau (par exemple, le contrôle des inondations), fournit une capacité de stockage, soutient la diffusion de sources d'énergie renouvelables intermittentes (par exemple, éolien et solaire) et offre de la flexibilité au réseau électrique. La petite hydroélectricité (< 10 MW) peut également contribuer au développement local, à la production d'énergie décentralisée et aux opportunités dans les zones reculées. On estime que la capacité installée mondiale de la petite hydroélectricité est de 75 GW, avec 173 GW de potentiel inexploité. La petite hydroélectricité au fil de l'eau représente plus de 75 % des 3 700 centrales hydroélectriques prévues ou en construction dans le monde, en particulier en Europe, leader en ce domaine.

Cinq chercheurs européens (Emanuele Quaranta, Katalin Bódis, Egidijus Kasiulis, Aonghus McNabola, Alberto Pistocchi) ont analysé le potentiel de développement de la petite hydro-électricité en Europe. Leur point était surtout de comparer le potentiel théorique que nous pourrions produire avec le potentiel réduit en cas de régulation environnementale interdisant d'exploiter. C'est-à-dire mesurer le poids de normes écologiques sur la production énergétique des cours d'eau.

Voici le résumé de leur étude :

"Les petites centrales hydroélectriques (puissance installée inférieure à 10 MW) sont généralement considérées comme moins impactantes que les grandes centrales, ce qui a stimulé leur propagation rapide, avec un potentiel de développement qui n'est pas encore épuisé. Cependant, comme ils peuvent avoir des impacts sur l'environnement, en particulier dans le cas d'installations en cascade, il est nécessaire de les exploiter de manière plus durable, par ex. en tenant compte des besoins des écosystèmes et en développant des technologies à faible impact. 

Dans cet article, une évaluation a été menée pour estimer comment le débit environnemental et la densité spatiale des installations affectent le potentiel de la petite hydroélectricité (en tenant compte des systèmes au fil de l'eau comme type de dérivation) dans l'Union européenne. Le potentiel de diversion pour centrale hydro-électrique est de 79 TWh/an sous les contraintes environnementales les plus strictes considérées, et de 1 710 TWh/an sous les contraintes les plus relâchées. 

Le potentiel des microtechnologies à faible impact (< 100 kW) a également été évalué, montrant que le potentiel économique des hydroliennes en rivière est de 1,2 TWh/an, celui des roues hydrauliques dans les anciens moulins est de 1,6 TWh/an, et le potentiel hydroélectrique des réseaux d'eau et d'assainissement est de 3,1 TWh/an, pour un coût d'investissement moyen de 5 000 €/kW. »

Les auteurs soulignent en particulier que notre capacité à développer cette source dépend du choix fait dans la gestion des rivières : « Les contraintes environnementales affectent le potentiel hydroélectrique au fil de l’eau à grande échelle, de 79 TWh/an à 1 710 TWh/an. Cette grande variation indique que le potentiel de la petite hydroélectricité dépend strictement des objectifs de protection de l'environnement fixés dans l'autorisation des centrales."

Il est à noter que pour l'équipement des moulins existants, les auteurs ont calculé selon l'option de la roue horizontale, en raison "de son acceptation sociale et de sa durabilité environnementale". Mais beaucoup de moulins ont été équipés de turbines au 19e siècle et au 20e siècle, cet équipement ayant une meilleure plage d'utilisation et un meilleur rendement. 

Discussion
Une précédente recherche européenne avait analysé plus en détail le potentiel spécifique de relance des moulins à eau les plus faciles à équiper (Punys et al 2019). Ce nouveau travail confirme qu’il existe un fort potentiel de contribution de la petite hydro-électricité à l’objectif européen zéro carbone 2050. Il est notable que la principale variable est non pas la disponibilité des sites, mais la décision d’accepter ou non l’hydro-électricité dans la gestion écologique, sociale et économique des bassins versants. Nous appelons donc les décideurs à faire les bons choix. Aujourd’hui, la prévention du réchauffement climatique et l’indépendance énergétique européenne sont considérées comme des causes d’intérêt public majeur, mais ce n’est pas inscrit explicitement comme tel dans le droit français et européen. Il existe donc des conflits de normes climatiques (baisse du carbone) et écologiques (conservation de milieux), ce qui tend à geler les initiatives, paralyser les investissements et ralentir la transition.

En France, nous observons une situation assez catastrophique en terme de mobilisation de la petite hydro-électricité: les gestionnaires publics en charge des bassins versants (agence de l’eau, syndicat de bassin) n’ont généralement pas de culture énergétique et ne prévoient pas dans leurs schémas de planification l’incitation forte à l’équipement des sites existants. Pire encore, des politiques sont parfois menées pour contrarier cet équipement, l'assortir d'exigences non subventionnées et disproportionnées qui représentent 10 à 20 ans de revenus de la production électrique, voire détruire purement et simplement les ouvrages. Cette politique à contre-emploi doit cesser. 

Nos lecteurs doivent prendre ces données et informer leurs parlementaires, qui votent notamment le budget des agences de l’eau et qui prépare une loi énergie pour la rentrée de septembre 2022. Rappelons que la loi française a déjà précisé en 2019 que la petite hydro-électricité doit être mobilisée face à l’urgence écologique. La crise énergétique consécutive à la guerre en Europe n’a fait qu’accentuer cette urgence, en y ajoutant la nécessité de retrouver notre souveraineté, donc d’exploiter toutes nos ressources locales d’énergie. Il est peu acceptable que l’administration bloque encore ce choix démocratique, nuise à la réponse à l’urgence climatique et énergétique, complexifie et renchérisse ce qui pourrait être relativement simple et rapide. 

Référence : Quaranta E et al (2022), Is there a residual and hidden potential for small and micro hydropower in Europe? A screening‑level regional assessment, Water Resources Management,  36, 1745–1762

28/06/2022

La France détruit un barrage hydro-électrique en même temps qu'elle rouvre une centrale à charbon

C’est un scandale passé sous silence par les grands médias nationaux, un scandale d’Etat : le gouvernement français, prisonnier de l’alliance contre-nature de lobbies intégristes du retour à la nature sauvage et de pêcheurs de saumons, détruit les barrages hydro-électriques du pays en pleine crise énergétique et en pleine transition climatique. Dans le même temps, il annonce qu'il rouvre une centrale à charbon! On marche sur le tête. L’administration de l'eau s'est mise au service de minorités sans rapport à l’intérêt général. Il faut que cela cesse. Nous vous demandons de saisir vos nouveaux députés pour qu'ils interpellent Elisabeth Borne et que la Première Ministre exige de son administration la fin de toute destruction d'ouvrage hydraulique, comme la loi l'ordonne. 


Destruction en cours du barrage EDF de la Roche-Qui-Boit : le lobby casseur a été soutenu par le ministère de l'écologie, malgré les avis du conseil d'Etat et du conseil constitutionnel sur l'intérêt du patrimoine hydraulique.

Cette semaine, deux actualités se percutent. Le gouvernement vient d’annoncer qu'il comptait relancer la centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle. Emmanuel Macron avait promis en 2017 de toutes les fermer avant 2022, car cette source d’énergie est particulièrement polluante et émettrice de carbone. Dans le même temps, EDF a engagé sur pression du même gouvernement la destruction du deuxième barrage hydro-électrique de la Sélune, le site de la Roche-Qui-Boit. 

Ce chantier de pure gabegie prive une région de production hydraulique bas-carbone, d’un lac de réserve d’eau potable et de nombreuses activités nautiques. Pourquoi une telle folie? Car le lobby des pêcheurs de saumon espère le retour de 1300 poissons pour son loisir et parce que l’idéologie intégriste du retour à la nature sauvage a été adoptée sans concertation par les hauts fonctionnaires du ministère de l’écologie en charge des rivières. (Voir notre dossier complet dans les liens en bas de cet article). 

Ce scandale doit cesser : l’avenir énergétique et hydrologique de la France ne doit plus être bloqué voire anéanti sous prétexte que quelques experts, fonctionnaires et lobbies militants se sont arrogés le droit de décider de l’avenir des rivières, de leurs patrimoines et de leurs usages, tout en prenant les riverains comme cobayes de leurs idées hors-sol.

Nous vous demandons de saisir vos nouveaux députés et vos sénateurs pour interpeller Elisabeth Borne à ce sujet. La Première Ministre en charge de la transition écologique ne doit pas avoir une minute de repos sur ce dossier tant qu’elle n’ordonne pas clairement à son administration de cesser les destructions de barrages et le financement public de ces folies. . 

Modèle argumentaire pour écrire à votre député/sénateur
et lui donner les éléments d'une question parlementaire à la Première Ministre

Alors que la France est en retard sur la transition énergétique bas-carbone et que son gouvernement a été condamné en justice pour cela, alors que nous rouvrons des centrales fossiles en urgence pour faire face à la pénurie énergétique et à l’inflation, alors que le changement climatique menace la ressource en eau, le gouvernement a ordonné à EDF de détruire le dernier barrage producteur d’électricité du fleuve Sélune (Manche), après avoir détruit un autre ouvrage du même fleuve voici deux ans. 

D’autres chantiers de destruction de seuils et de barrages sont programmés, sur argent public, alors que ce choix est contraire à la production électrique bas-carbone et à la préservation / régulation de l'eau en situation d’incertitude climatique forte.

Les parlementaires ont demandé en 2021 (loi Climat et énergie) que la continuité écologique des rivières se fasse désormais sans aucune destruction des usages actuels et potentiels des ouvrages hydrauliques. Il est tout fait possible de faire circuler des poissons migrateurs par des méthodes qui conservent les ouvrages des rivières, et sont donc véritablement respectueuses de l'ensemble des enjeux écologiques, sociaux, économiques.

Mme la Première Ministre Elisabeth Borne peut-elle expliquer pourquoi son gouvernement persiste à détruire des barrages sur argent public dans la très grave crise que traverse le pays ? Pourquoi aucune circulaire d’application de la loi Climat et énergie de 2021 n’a été faite pour informer les administrations eau/énergie de la nécessité de restaurer et équiper tous les seuils et barrages de France dans un but de transition écologique, de production énergétique et d’intérêt général ? 


27/06/2022

L’Europe propose une loi de restauration de la nature

La commission européenne vient de proposer un projet de loi relatif à la restauration de la nature. Nous analysons sa disposition sur la continuité des rivières, tout en rappelant que la notion floue de «restauration de la nature» est contestée par une partie de la recherche scientifique: cette construction intellectuelle inspirée de spécialistes de l’écologie de la conservation ne correspond pas à la manière réelle dont les humains vivent leur environnement et interagissent avec lui depuis des millénaires, comme elle n'inclut pas la réalité des nouveaux écosystèmes créés par les humains dans l'histoire. Plusieurs évolutions de ce texte vont donc être suggérées aux parlementaires européens pour son adoption, puis aux parlementaires français pour sa transposition.


La direction générale de l’environnement de la Commission européenne vient de proposer, dans le cadre du Pacte vert, un projet de directive sur les écosystèmes. Voici un extrait de son communiqué :

« La Commission propose aujourd’hui le tout premier acte législatif qui vise explicitement la restauration de la nature en Europe, dans le but de réparer les 80 % d’habitats européens qui sont en mauvais état et de ramener la nature dans tous les écosystèmes, depuis les forêts et les terres agricoles jusqu’aux écosystèmes marins, d’eau douce et urbains. Dans le cadre de cette proposition de loi sur la restauration de la nature, des objectifs juridiquement contraignants en matière de restauration de la nature dans différents écosystèmes s’appliqueront à chaque État membre, en complément de la législation existante. L’objectif est de couvrir au moins 20 % des zones terrestres et marines de l’UE d’ici à 2030 par des mesures de restauration de la nature et, d’ici à 2050, d’étendre ces mesures à tous les écosystèmes qui doivent être restaurés. »

Le memorandum de justification (en anglais) peut se lire à ce lien

Continuité écologique des rivières: la France a déjà largement fait sa part, avec beaucoup de problèmes en retour d'expérience 
Dans le cas particulier des rivières qui nous intéresse, cette proposition européenne vise à obtenir en 2030 un linéaire de 25 000 km de cours d’eau sans obstacle à échelle de l’union européenne. Comme nous l’avions déjà fait observer, la France à elle toute seule a déjà classé à peu près cette dimension de linéaire de rivière par les arrêtés administratifs de continuité écologique de 2012 et 2013, faisant suite à la loi sur l’eau de 2006. 

Cela signifie que notre pays a à en quelque sorte «surtransposé» par avance les normes européennes (non encore existantes voici 10 ans), avec des objectifs qui se sont d'ailleurs révélés très peu réalistes par rapport aux capacités d’action. Si cet acte législatif venait à être adopté au niveau européen, nous pourrons donc informer les décideurs nationaux que la France est déjà largement dans l’excès d’ambition sur ce dossier, et non pas dans le manque d’action. Inversement, la France est très en retard dans la lutte contre les polluants émergents, ce que l'Europe lui a reproché. De surcroît, la méthode de mise en œuvre de la continuité écologique de rivières a soulevé depuis 10 ans des contentieux juridiques, des contestations scientifiques, des conflits sociaux et des réformes législatives, donc l’expérience française indique plutôt à l’Europe que ce sujet particulier doit être repensé avec beaucoup plus de précision et d’attention, certainement pas asséné comme une évidence. 

De nombreux universitaires et chercheurs mettent en garde contre l'opposition stérile et fausse entre nature et société
Sur le fond, ce texte européen déploie parfois une idéologie déjà datée sur l’opposition entre la nature et la société. Il y a un consensus large sur la nécessité de maîtriser des substances toxiques pour la santé humaine et environnementale. Il y a aussi souvent un désir social de préserver des paysages et cadres de vie où la biodiversité n’est pas trop altérée. Mais l’idée directrice de « restauration de la nature » nous semble bien trop contestée au plan scientifique et politique pour en faire une ligne normative directrice à échelle de l’Union européenne. 

Des universitaires ont ainsi critiqué la posture intellectuelle des experts et hauts fonctionnaires de l’Union européenne qui inventent une notion de « nature » plus philosophique ou technocratique que scientifique (voir Linton et Krueger 2020, Vos et Boelens 2020). En effet, pour les sciences d’observation (naturelle, humaine, sociale), il existe des phénomènes physiques, chimiques, biologiques, sociaux, économiques, techniques ne pouvant pas être arbitrairement séparés entre ce qui serait d’un côté « la nature » et de l’autre un « humain » qui en serait exclu, différent. En réalité, nos environnements humains et non-humains ne font qu’évoluer ensemble depuis des millénaires. 

Dans le cas des rivières, la recherche scientifique a montré que les bassins versants actuels sont tous issus d’une co-évolution des conditions  physiques et des pratiques humaines à compter de la sédentarisation néolithique, sans qu’il soit possible ou simplement sensé de dire que la référence «naturelle» serait la rivière telle qu’elle était en l’an 1800, en l’an 1000, en l’an 0, ou encore au paléolithique – sans compter l'effet actuel et futur du changement climatique faisant évoluer ces références «naturelle»  (voir Bouleau et Pont 2014, 2015, Lespez 2015, Verstraeten 2017, Su 2021). Hélas, la direction générale de l'environnement de la commission européenne entretient une ligne de pensée simpliste à ce sujet, dont l’expérience concrète des chantiers de «restauration de la nature» a déjà montré de nombreuses limites.

Deux évolutions nécessaires : intégrer la protection des nouveaux écosystèmes créés par les humains, garantir la priorité à la lutte contre le changement climatique en cas de conflit de normes
Concrètement, nous allons demander aux parlementaires européens en charge de la discussion du texte puis aux parlementaires français en charge de sa transposition deux évolutions indispensables :
  • Les ambitions sur les écosystèmes aquatiques et humides doivent impérativement inclure la préservation et la valorisation écologiques ce que l’on appelle les «écosystèmes culturels», «nouveaux écosystèmes» ou «écosystèmes anthropiques», c’est-à-dire les milieux ayant émergé des activités socio-économiques au fil des siècles passés et ayant produit des états écologiques alternatifs. Cela inclut par exemple la protection des retenues, lacs, mares, étangs, biefs, canaux, etc.
  • Face à la crise climatique et énergétique prenant peu à peu une dimension existentielle en Europe, les normes doivent être hiérarchisées et, comme le proposent de nombreuses voix dans les pays européens, toutes les énergies renouvelables doivent avoir priorité (notion d’ «intérêt public majeur» assurant la hiérarchie des normes dans la conduite des politiques publiques). Cela signifie que les opérations de «restauration de la nature» doivent être placées secondairement aux opérations assurant la souveraineté énergétique et la prévention d’un changement climatique dangereux. Cela exclut tout ce qui affaiblit, retarde, empêche la mobilisation européenne d’une source d'énergie bas-carbone, en particulier dans le cas de l’hydraulique, qui a l’un des meilleurs bilans en ce domaine. 

13/05/2022

L'exemption de continuité écologique est conforme à la constitution française!

Des associations de naturalistes et pêcheurs avaient saisi le Conseil constitutionnel en vue de lui faire déclarer comme contraire à la Charte de l'environnement et à la Constitution l'exemption de continuité écologique de moulins producteurs d'électricité. Notre association et ses consoeurs avaient mandaté leur conseil juridique pour défendre la conformité de la loi à la Constitution. Nous remportons ce jour une victoire juridique importante, car le Conseil constitutionnel reconnaît que la protection du patrimoine hydraulique et la production d'hydro-électivité sont d'"intérêt général" et inscrites dans la recherche d'un "environnement équilibré" tel que stipulé dans l'article 1 de la Charte de l'environnement. Après leur série de défaites au Conseil d'Etat entre 2019 et 2021, les ennemis des moulins et autres patrimoines des rivières n'ont plus de base juridique à leurs dérives. Le mouvement des ouvrages hydrauliques doit poursuivre sa mobilisation au service des intérêts du pays et de l'environnement. 


Les associations France Nature Environnement et Anper-Tos, rejointes par la Fédération nationale de la pêche, avaient demandé au Conseil constitutionnel de statuer sur le caractère constitutionnel de l'article L 214-18-1 du code de l'environnement.

Cet article permet d'exempter de continuité écologique des moulins à eau quand ceux-ci sont équipés pour produire de l'électricité. Le Conseil d'Etat avait confirmé le caractère opposable de cet article en 2021, alors que l'administration de l'eau refusait de le mettre en oeuvre pour des motifs dilatoires. C'est cette décision du Conseil d'Etat qui a poussé les associations de défenseurs de la nature sauvage et le lobby des pêcheurs à saisir le Conseil constitutionnel. Leur but était d'obtenir l'annulation de l'exemption de continuité écologique en ce qu'elle serait contraire à la constitution française.

L'association Hydrauxois et ses consoeurs avaient demandé à Me Remy et Goudemez de défendre la validité de l'article incriminé au regard du droit. Le Conseil constitutionnel a validé notre interprétation. Nous nous en félicitons.

Intérêt général des moulins et de l'énergie hydraulique
La décision du Conseil constitutionnel est importante au plan de la doctrine. Le point le plus décisif est la reconnaissance du caractère d'intérêt général du patrimoine hydraulique et de la production hydro-électrique :
"il ressort des travaux parlementaires que le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d'énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables. Il a, ce faisant, poursuivi des motifs d'intérêt général." 

Posant cela, le Conseil constitutionnel considère que les moulins produisant de l'électricité sont conformes à la lettre et à l'esprit de l'article premier de la Charte de l'environnement (rattachée à la Constitution), disposant que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé".

Cette interprétation entraîne l'abandon des griefs secondaires :
"Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 1er de la Charte de l'environnement doit être écarté. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les articles 2, 3 et 4 de la Charte de l'environnement, ni le principe d'égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution."
Nous commenterons dans de prochains articles les conséquences politiques et administratives de cette décision. 

Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-991, QPC du 13 mai 2022 

05/04/2022

Le GIEC rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité pour limiter les émissions carbone

Le nouveau rapport du groupe 3 du GIEC, en charge de faire le point sur les solutions bas-carbone de prévention du changement climatique, rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité. Nous publions ici la traduction du point de synthèse du GIEC à ce sujet. Il est urgent que la France relance son programme hydraulique stoppé dans les années 1980, déjà qu'elle cesse immédiatement la folie consistant à détruire des moulins et barrages au nom de la continuité des cours d'eau, alors qu'il existe des solutions conciliant production énergétique et résilience écologique. Nous appellerons le nouveau parlement et le nouveau gouvernement à prendre acte des données de la science, ce qui implique de stopper les politiques climaticides dans le domaine de l'eau et des rivières. 



Extrait du rapport complet du GIEC sur l'hydro-électricité

"L'hydroélectricité est techniquement mature, prouvée dans le monde entier comme une source primaire d'électricité renouvelable, et peut être utilisée pour équilibrer l'approvisionnement en électricité en offrant flexibilité et stockage. Le coût actualisé de l'hydroélectricité est inférieur à celui de la nouvelle option à combustible fossile la moins chère. Cependant, le futur potentiel d'atténuation de l'hydroélectricité dépend de la minimisation des impacts environnementaux et sociaux pendant les étapes de planification, de la réduction des risques de rupture de barrage et de la modernisation du parc hydroélectrique vieillissant pour augmenter la capacité de production et la flexibilité (confiance élevée). Les estimations du potentiel hydroélectrique disponible théorique brut mondial varient de 31 à 128 PWh / an (112 à 460 EJ / an), dépassant la production totale d'électricité en 2018 (Banerjee et al. 2017 ; AIE 2021d ; BP 2020). Ce potentiel est réparti sur 11,8 millions d'emplacements, mais nombre d'entre eux ne peuvent pas être développés pour des raisons (actuelles) techniques, économiques ou politiques. Le potentiel technique estimé de l'hydroélectricité est de 8–30 PWh/an (29–108 EJ/an), et son potentiel économique estimé est de 8–15 PWh/an (29–54 EJ/an) (van Vliet et al. 2016c ; Zhou et al. 2015). La production hydroélectrique réelle en 2019 était de 4,2 PWh (15,3 EJ), fournissant environ 16 % de l'électricité mondiale et 43 % de l'électricité mondiale à partir d'énergies renouvelables (BP 2020 ; Killingtveit 2020 ; AIE 2020f). L'Asie détient le plus grand potentiel hydroélectrique (48%), suivie de l'Amérique du Sud (19%) (Hoes et al. 2017).

L'hydroélectricité est une technologie mature avec des solutions adaptées localement (confiance élevée) (Zhou et al. 2015 ; Killingtveit 2020). Le rendement maximal des centrales hydroélectriques est supérieur à 85 %. Les centrales hydroélectriques sans stockage ou avec un petit stockage produisent généralement de quelques kW à 10 MW (des exemples de telles centrales produisant des quantités plus élevées existent) et sont utiles pour fournir de l'électricité à une échelle allant des ménages aux petites communautés (El Bassam et al. 2013 ; Towler 2014). Cependant, les centrales hydroélectriques sans ou avec un petit stockage peuvent être sensibles à la variabilité climatique, en particulier les sécheresses, lorsque la quantité d'eau peut ne pas être suffisante pour produire de l'électricité (Premalatha et al. 2014). Les centrales hydroélectriques avec stockage peuvent produire 10 GW, atteignant plus de 100 TWh/an (0,36 EJ/an), mais nécessitent généralement de grandes surfaces. L'hydroélectricité de stockage par pompage stocke l'énergie en pompant l'eau vers des réservoirs plus élevés pendant les périodes de faible demande (Killingtveit 2020). Le stockage dans les systèmes hydroélectriques offre la flexibilité nécessaire pour compenser les variations rapides des charges et des approvisionnements en électricité. Les caractéristiques de régulation du stockage jouent un rôle important pour assurer la continuité de l'approvisionnement en énergie à partir de sources renouvelables (Yang et al. 2018b).

L'hydroélectricité est l'une des technologies électriques les moins coûteuses (Mukheibir 2013 ; IRENA 2021b). Ses coûts d'exploitation et de maintenance représentent généralement 2 à 2,5 % des coûts d'investissement par kW/an pour une durée de vie de 40 à 80 ans (Killingtveit 2020). Les coûts de construction sont spécifiques au site. Le coût total d'un grand projet hydroélectrique installé varie de 10600 à 804500 USD / kW si le site est situé loin des lignes de transmission, des routes et des infrastructures. Les coûts d'investissement augmentent pour les petites centrales hydroélectriques et peuvent atteindre 100000 USD/kW ou plus pour l'installation de centrales de moins de 1 MW - 20 % à 80 % de plus que pour les grandes centrales hydroélectriques (IRENA 2015). Au cours des 100 dernières années, les coûts totaux installés et le coûts actualisés ont augmenté de quelques pour cent, mais le coût actualisé de l'hydroélectricité reste inférieur à la nouvelle option la moins chère alimentée aux combustibles fossiles (IRENA 2019b, 2021).

Les centrales hydroélectriques peuvent avoir de graves impacts environnementaux et sociétaux (degré de confiance élevé) (Mccartney 2009). Les barrages peuvent conduire à la fragmentation des habitats écologiques car ils agissent comme des barrières à la migration des poissons et d'autres espèces terrestres et aquatiques, des sédiments et du débit d'eau. Ces barrières peuvent être atténuées par des passages de sédiments et des aides à la migration des poissons, ainsi que par la fourniture de débits environnementaux. Sous les barrages, il peut y avoir des altérations considérables de la végétation, des débits naturels des rivières, de la rétention des sédiments et des nutriments, ainsi que de la qualité et de la température de l'eau. La construction de grands réservoirs entraîne la perte de terres, ce qui peut entraîner des conséquences sociales et environnementales. Minimiser les impacts sociétaux et environnementaux nécessite de prendre en compte les aspects physiques, environnementaux, climatologiques, sociaux, économiques et politiques locaux lors de la phase de planification (Killingtveit 2020). De plus, lorsque de vastes étendues de terres sont inondées par la construction de barrages, elles génèrent des gaz à effet de serre (Phyoe et Wang 2019 ; Maavara et al. 2020 ; Prairie et al. 2018).

D'autre part, l'hydroélectricité fournit une électricité flexible et compétitive à faibles émissions, des avantages économiques locaux (par exemple, en augmentant l'irrigation et la production d'électricité dans les pays en développement) et des services auxiliaires tels que l'approvisionnement en eau municipale, l'irrigation et la gestion de la sécheresse, la navigation et les loisirs, et lutte contre les inondations (IRENA 2021b). Cependant, les avantages économiques à long terme pour les communautés affectées par les réservoirs font l'objet de débats (de Faria et al. 2017 ; Catolico et al. 2021). Le soutien public à l'énergie hydroélectrique est généralement élevé (Steg 2018) et supérieur au soutien au charbon, au gaz et au nucléaire. Pourtant, le soutien public à l'hydroélectricité semble différer pour les projets existants et nouveaux (confiance élevée).

Le soutien public est généralement élevé pour l'hydroélectricité à petite et moyenne échelle dans les régions où l'hydroélectricité était historiquement utilisée (Gormally et al. 2014). De plus, les grands projets hydroélectriques existants sont fortement soutenus en Suisse (Plum et al. 2019 ; Rudolf et al. 2014), au Canada (Boyd et al. 2019) et en Norvège (Karlstrøm et Ryghaug 2014), où il s'agit d'une source d'énergie de confiance commune. Le soutien public semble plus faible pour les nouveaux projets hydroélectriques (Hazboun et Boudet 2020), et la construction de nouvelles grandes centrales hydroélectriques s'est heurtée à une forte résistance dans certaines régions (Bronfman et al., 2015 ; Vince, 2010). Les gens perçoivent généralement l'énergie hydroélectrique comme propre et ne contribuant pas au changement climatique et à la pollution de l'environnement (Kaldellis et al. 2013). Par exemple, en Suède, les gens croyaient que les projets hydroélectriques existants avaient aussi peu d'impacts négatifs sur l'environnement que le solaire, et encore moins que le vent (Ek 2005). Cependant, dans les régions où la construction de nouvelles centrales hydroélectriques à grande échelle rencontre une résistance, les gens pensent que la production d'électricité à partir de l'hydroélectricité peut entraîner des risques environnementaux, sociaux et personnels (Bronfman et al., 2012 ; Kaldellis et al., 2013).

Le temps de construction des centrales hydroélectriques est plus long que celui de nombreuses autres technologies renouvelables, et ce temps de construction peut être prolongé du temps supplémentaire nécessaire pour remplir le réservoir. Ce délai prolongé peut créer une incertitude quant à l'achèvement du projet. L'incertitude est due à l'insécurité des variations annuelles des précipitations et des apports d'eau nécessaires pour remplir les réservoirs. Ceci est particulièrement critique dans le cas des centrales hydroélectriques transfrontalières, où le remplissage des réservoirs peut avoir des implications importantes sur les utilisateurs en aval dans d'autres pays. En raison des contraintes sociales et environnementales, seule une petite fraction des projets hydroélectriques économiques potentiels peut être développée, en particulier dans les pays développés. De nombreux pays en développement disposent d'un important potentiel hydroélectrique non développé et il existe des possibilités de développer l'hydroélectricité combinée à d'autres activités économiques telles que l'irrigation (Lacombe et al. 2014). La concurrence pour l'hydroélectricité à travers les frontières du pays peut conduire à des conflits, qui pourraient être exacerbés si le climat modifie les précipitations et le débit des cours d'eau (Ito et al. 2016)."

Source : GIEC / IPCC (2022), Climate Change 2022. Mitigation of Climate Change. Working group III contribution to the IPCC sixth assessment report (AR6)

01/03/2022

Sécuriser eau, énergie, ressources face à la crise climatique

Le 6e rapport du GIEC vient de publier son volet consacré aux impacts, vulnérabilités et adaptations en lien au changement climatique. Les scientifiques soulignent avec gravité la montée des risques en raison du changement du cycle de l’eau et de la multiplication des événements extrêmes. Le résumé pour décideurs de ce rapport du GIEC cite expressément l’hydro-électricité à petite échelle en système décentralisé d’énergie comme l’une des solutions à promouvoir. Nous attendons donc des décideurs français que la politique de l’eau et de l’énergie soit redéfinie à la hauteur des vraies priorités pour notre pays. 


Assec et mortalité piscicole sur le bassin Ource, en Bourgogne.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier son rapport sur les impacts, les vulnérabilités et l’adaptation à la crise climatique. Il a été rédigé par 270 scientifiques du monde entier à partir de l’analyse de 34 000 études. Par rapport au précédent travail comparable, qui datait de 2014, le GIEC confirme l’ampleur des adversités et des risques liés au changement climatique. Outre la montée des eaux due à la fonte des pôles et glaciers, ce sont les événements extrêmes qui présentent des risques majeurs : sécheresses, canicules, crues, tempêtes, cyclones, incendies, avec des effets négatifs sur la santé, l’agriculture, l’industrie. Le climat entraîne aussi une modification très rapide de l’ensemble des écosystèmes, avec la disparition probable de certains d’entre eux comme les récifs coraliens. 


Source Le Monde, droits réservés.

Concernant l’eau en particulier, le GIEC écrit :
« Les risques liés à la disponibilité physique de l'eau et les dangers liés à l'eau continueront d'augmenter à moyen et à long terme dans toutes les régions évaluées, avec un risque accru à des niveaux de réchauffement planétaire plus élevés (degré de confiance élevé). Avec un réchauffement climatique d'environ 2 °C, la disponibilité de l'eau de fonte des neiges pour l'irrigation devrait diminuer jusqu'à 20 % dans certains bassins fluviaux dépendants de la fonte des neiges, et la perte de masse glaciaire mondiale de 18 ± 13 % devrait diminuer la disponibilité de l'eau pour l'agriculture, l'hydroélectricité, et les établissements humains à moyen et à long terme, ces changements devant doubler avec un réchauffement climatique de 4°C (degré de confiance moyen). Dans les petites îles, la disponibilité des eaux souterraines est menacée par le changement climatique (degré de confiance élevé). Les changements de l'ampleur, du moment et des extrêmes associés au débit fluvial devraient avoir un impact négatif sur les écosystèmes d'eau douce dans de nombreux bassins versants à moyen et à long terme dans tous les scénarios évalués (degré de confiance moyen). Les augmentations projetées des dommages directs causés par les inondations sont supérieures de 1,4 à 2 fois à 2 °C et de 2,5 à 3,9 fois à 3 °C par rapport à un réchauffement climatique de 1,5 °C sans adaptation (confiance moyenne). Avec un réchauffement climatique de 4 °C, environ 10 % de la superficie terrestre mondiale devrait faire face à des augmentations des débits fluviaux extrêmes (à la fois élevés et faibles) au même endroit, avec des implications pour la planification de tous les secteurs d'utilisation de l'eau (confiance moyenne). Les défis de la gestion de l'eau seront exacerbés à court, moyen et long terme, en fonction de l'ampleur, du rythme et des détails régionaux du changement climatique futur et seront particulièrement difficiles pour les régions dont les ressources en matière de gestion de l'eau sont limitées (degré de confiance élevé). »
On notera que dans le chapitre des transitions nécessaires, le résumé pour décideurs du GIEC confirme l’urgence de développer des systèmes d’énergie bas-carbone, et cite en particulier dans sa synthèse l’hydro-électricité à petite échelle :
« Dans les transitions des systèmes énergétiques, les options d'adaptation les plus réalisables soutiennent la résilience des infrastructures, des systèmes électriques fiables et une utilisation efficace de l'eau pour les systèmes de production d'énergie existants et nouveaux (degré de confiance très élevé). La diversification de la production d'énergie, y compris avec des ressources énergétiques renouvelables et une production pouvant être décentralisée en fonction du contexte (par exemple, éolien, solaire, hydroélectricité à petite échelle) et la gestion de la demande (par exemple, stockage et améliorations de l'efficacité énergétique) peuvent réduire les vulnérabilités au changement climatique, en particulier dans les populations rurales (confiance élevée). Les adaptations pour la production d'énergie hydroélectrique et thermoélectrique sont efficaces dans la plupart des régions jusqu'à 1,5 °C à 2 °C, avec une efficacité décroissante à des niveaux de réchauffement plus élevés (confiance moyenne). Les marchés de l'énergie réactifs au climat, les normes de conception actualisées des actifs énergétiques en fonction du changement climatique actuel et projeté, les technologies de réseau intelligent, les systèmes de transmission robustes et l'amélioration de la capacité à répondre aux déficits d'approvisionnement ont une faisabilité élevée à moyen et long terme, avec des co-bénéfices liées aux mesures d'atténuation - (confiance très élevée). »

Tous les risques du climat seront donc aggravés si nous continuons à laisser les températures monter sans frein, c’est-à-dire si nous continuons émettre des gaz à effet de serre au lieu d’engager une transition rapide pour se passer d’énergie fossile. Même dans cette hypothèse d’une transition rapide, en raison de l'inertie du système climatique océan-atmosphère, des effets négatifs se feront encore sentir pendant des décennies sinon des siècles, de sorte que la gestion des milieux doit désormais intégrer ce paramètre d'adaptation climatique comme une priorité et une constante de long terme. 

Les travaux du GIEC appellent une politique publique dédiée à la sécurisation de l’eau, de l’énergie et des ressources sur tous les territoires. La politique de l’eau en France est malheureusement très éloignée de cet impératif, car elle a hélas! été confiée à des personnes n’ayant pas le climat et l’énergie en tête de leur agenda. Cela doit changer. Vite. Toutes les mesures nuisibles à la rétention d’eau, à la recharge de nappes et aquifères, à la préservation de milieux aquatiques ou humide d'origine naturelle ou anthropique, au développement des énergies bas-carbone doivent désormais être retirées du droit français, et par conséquence des planifications de l’Etat, des collectivités territoriales et des agences de l’eau. Le mouvement des ouvrages hydrauliques a parfaitement conscience de cette urgence, car il voit la rapidité des changements au bord des rivières, des canaux, des plans d'eau : nous devons être à la pointe de cette exigence et de cette prise de conscience des élus, cela dès la prochaine législature en juin prochain. 

A lire : GIEC / IPCC (2022), Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability, Sixth Assessment Report