08/12/2012

Onema et transparence de l'information

L'association Hydrauxois a engagé hier un recours amiable avant contentieux, adressé à la Direction de l'eau et de biodiversité du ministère de l'Ecologie, à la Direction générale de l'Onema (Office national de l'eau et des milieux aquatiques) et au Défenseur des droits.

Entraves manifestes dans l'accès
aux informations relatives à l'environnement 

L'objet de ce recours est une entrave manifeste dans l'accès à l'information tel que le pose l'article 124-3 du Code de l'environnement : « Toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l'environnement détenues par : 1° L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics ; 2° Les personnes chargées d'une mission de service public en rapport avec l'environnement, dans la mesure où ces informations concernent l'exercice de cette mission. »

Sur son site institutionnel, l'Onema reconnaît cette obligation et, par circulaire du 6 août 2008, a déclaré avoir constitué un répertoire d'informations relatives à l'environnement. Ce répertoire comporte notamment : les avis techniques pour l’instruction d’un dossier de IOTA (Installations, Ouvrages, Travaux et Activités) ; les rapports techniques régionaux sur les milieux aquatiques ; la définition des programmes de surveillance ; les résultats des programmes de surveillance.

 Or il est avéré que :

• le site Internet grand public de l'Onema ne donne aucune indication aux citoyens pour faire la demande de communication des informations relatives à l'environnement (ni adresse physique, ni adresse électronique : l'adresse cnil@onema.fr donnée sur le site n'existe pas et produit un message automatique d'erreur, ce que la CNIL devrait condamner) ;

• les services départementaux (21) et régionaux (Bourgogne-Franche Comté) n'ont pas daigné apporter la moindre réponse aux trois sollicitations d'accès à ces données par notre association ; la première ayant été formulée dès septembre 2012.

Ces faits sont constitutifs d'une entrave dans l'accès à l'information et c'est en ce sens que notre avocat déposera plainte si les éléments demandés à l'Onema 21 ne nous sont pas communiqués dans les meilleurs délais.

Ces éléments que nous demandons, ce sont l'ensemble des pièces du répertoire Onema ayant servi au futur classement des cours d'eau dans le département de la Côté d'Or. Ce classement est à publication imminente, l'Office en a été le maître d'oeuvre principal et notre association entend informer le public sur la manière dont il a été constitué.

Pour la publication du Rapport d'observations définitives
de la Cour des comptes 

Par ailleurs, et dans un tout autre domaine, la Cour des Comptes a effectué un contrôle de gestion de l'Onema sur les exercices 2007-2011. Le Rapport d'observations définitives de la Cour des Comptes a été remis au ministère de l'Ecologie et à l'établissement le 14 novembre. A ce jour, il n'a pas été rendu public.

La Cour des comptes écrit sur son site Internet : « La Cour publie une part croissante de ses travaux. Elle répond ainsi à sa mission constitutionnelle d’information du citoyen et à deux exigences fortes de notre démocratie : la transparence, principe fondamental de l’administration publique et la progression vers plus d’efficacité et d’efficience dans l’emploi des fonds publics. » 

Notre association a donc demandé à la Cour de respecter ce principe fondamental de transparence et de rendre public le Rapport d'observations définitives sur l'Onema.

 La raison en est simple : le journaliste et consultant spécialiste des politiques publiques de l'eau Marc Laimé a publié sur son blog (Eaux glacées) des allégations d'une gravité exceptionnelle contre l'Office (voir ici et ici). Il semble avoir eu copie de ce rapport, constitué alors que le Directeur général de l'Onema a été démis de ses fonctions (23 octobre), de même que la Directrice de l'eau et de la biodiversité au Ministère (Odile Gauthier) a été remerciée et remplacée par Laurent Roy.

Certains syndicats d'employés de l'Office ont fait état à la nouvelle direction de leur émoi après cette publication dans un contexte manifestement tendu, et ont demandé que les faits soient éclaircis. Dans un communiqué, Jean Luc Touly (conseiller régional EELV Ile-de-France, membre du Comité national de l'eau et du Comité de bassin de l'Agence de l'eau Seine Normandie) a pour sa part exigé une séance exceptionnelle du Comité national de l'eau.

Nous n'avons aucune idée sur la vérité des allégations de Marc Laimé, que la directrice de l'Onema a pour sa part contesté dans un message interne. Mais compte tenu de l'importance de l'Onema dans la politique de l'eau en France, et notamment du pouvoir de police de l'eau qui lui est conféré ainsi qu'à la DDT, il paraît urgent que toute la lumière soit faite sur cette question.

Le moyen le plus simple et le plus démocratique est évidement la publication du Rapport d'observations définitives de la Cour des comptes, qui permettra à chaque citoyen de s'assurer de la bonne gestion de l'Office. Ces questions ne préjugent de toute façon en rien de la qualité du travail des agents de terrain, techniciens et ingénieurs de l'Onema, mais elles sont en revanche fondamentales pour la confiance des citoyens dans les institutions publiques et pour la gestion de l'eau en France.

07/12/2012

La Commission européenne juge la politique française de l'eau

Chez les administrations françaises de l'eau (Agences de l'eau ou Onema), il est d'usage de présenter la politique actuelle d'effacement systématique des ouvrages hydrauliques en rivière comme une conséquence de la directive cadre sur l'eau (DCE) européenne de 2000. La Commission européenne vient de publier un rapport de suivi sur l'implémentation de cette DCE (téléchargeable sur ce lien). C'est l'occasion de juger précisément ce que disent les experts européens.

Pas de liens clairs entre mesures hydromorphologiques 
et bon état de la masse d'eau
En ce qui concerne la France, on observe la remarque suivante pour la section « hydromorphologie » (celle associée à l'effacement des seuils et barrages) du rapport de la Commission : « La base de sélection des mesures hydromorphologiques n'est pas claire. Les mesures hydromorphologiques ne sont pas clairement liées aux usages de l'eau et aux pressions sur l'eau. De surcroît, il n'y a pas de lien clair entre les mesures et l'état actuel [du cours d'eau] ou d'explications sur l'amélioration potentielle de cet état » (vol 3, p. 62, nous traduisons de l'anglais, les répétitions sont d'origine).

A notre modeste niveau d'analyse des rivières de Côte d'Or, nous retrouvons très précisément le problème soulevé par les experts de la Commission : la littérature hydrologique abonde de descriptions plus ou moins impressionnistes sur les obstacles à l'écoulement (et les altérations hydromorphologiques en général), mais elle ne propose finalement pas de mesures fiables et reproductibles des altérations en question, pas plus qu'elle n'indique leur part exacte dans la qualité écologique globale (biologique chimique, physique) des rivières.

La seule fois où il nous a été donné de dialoguer à ce sujet avec un syndicat de rivière et un bureau d'études (Sirtava, Cariçaie) sur un projet d'effacement concret (Semur-en-Auxois), nous n'avons jamais obtenu la réponse claire à une question simple : quels sont les objectifs de résultat de la restauration écologique, c'est-à-dire les gains prédictibles et observables à telle ou telle échéance si l'obstacle était effacé ?

Il est tout de même gênant que, dans cet exemple parmi bien d'autres, l'Agence de l'eau Seine-Normandie ait proposé de financer (sur l'argent des contribuables) des mesures à un demi-million d'euros sans être capable d'énoncer clairement les améliorations qu'elle en attendait.

« Le coût des décisions inappropriées... »
La Commission européenne relève dans son rapport (vol I, p. 8) : « Une surveillance fiable et des méthodes permettant une évaluation complète de l'état des masses d'eau sont des éléments essentiels d'une bonne gestion de l'eau. Le coût de la surveillance est beaucoup moins élevé que le coût des décisions inappropriées. (…) Il ressort clairement des informations communiquées à la Commission qu’il y a une lacune dans la surveillance ». Cela tombe en effet sous le sens, et nous l'indiquions récemment dans un commentaire de colloque de l'Onema : tant que l'on ne dispose pas des bases empiriques (programmes de mesures complètes et cohérentes dans la durée) et des modèles théoriques adéquats pour expliquer les mesures, nous prendrons des décisions sans certitude aucune sur leur efficacité relative (par rapport à d'autres décisions dont le bénéfice écologique serait supérieur pour un coût économique identique ou moindre).

On notera enfin que la Commission déplore la même absence de clarté pour les mesure de pollutions chimiques : « La plupart des bassins hydrographiques ont eu recours à l'annexe I du standard de qualité environnementale pour juger de l'état chimique des masses d'eau (Directive 2008/105/EC), mais pas tous. Qui plus est, différentes substances ont été utilisées dans diférentes programmations (et pas toutes celles figurant dans l'annexe). Pour ces raisons, les méthodes d'évaluation de l'état chimique sont très peu claires, ce qui concerne les substance analysées ou les raisons de sélectionner certaines substances ».

Il existe une incapacité manifeste de la France à lutter contre la pollution des rivières depuis 30 ans – incapacité déjà observée par la Cour des Comptes en 2010 dans son rapport sur les Agences de l'eau et par la Cour de Justice européenne dans sa procédure actuelle contre la France à propos des nitrates. La focalisation récente de la « suppression des obstacles à l'écoulement » ne changera pas ce problème de fond, et ne permettra certainement pas à la France d'afficher un résultat correct pour le bon état des masses d'eau en 2015. En tout état de cause, les administrations de l'eau ne peuvent prétendre qu'elles sont confortées dans leurs choix actuels par l'Union européenne

22/11/2012

10 questions & réponses sur l'hydro-électricité

Produire son électricité à partir de sa rivière : c'est possible ! Et à l'heure où notre pays est engagé dans une vaste transition énergétique, c'est même nécessaire. Mais on ne devient pas du jour au lendemain producteur d'hydro-électricité. Voici quelques réponses aux questions les plus fréquemment posées, pour aider à prendre des décisions en ce domaine. Notre association est à disposition de ses adhérents pour les assister et les conseiller dans ces démarches. En attendant l'édition de fiches pratiques détaillées, ces premiers conseils simples aideront à réfléchir à l'équipement des anciens moulins et anciennes usines... qui se comptent par centaines en Côte d'Or.

Sur quels sites puis-je produire ?
A l'exception des grands fleuves à débit fort et constant, plutôt rares en Côte d'Or et en Bourgogne, la production d'hydro-électricité demande la présence d'ouvrages hydrauliques en rivière. Les deux principaux ouvrages sont : l'existence d'un seuil, glacis ou barrage sur le lit mineur, qui crée une hauteur de chute, ainsi qu'une retenue et une dérivation d'eau (appelée « bief ») ; un canal d'amenée et un canal de fuite, où passe tout ou partie du débit de la rivière, canal dont l'eau sera turbinable. Et c'est à peu près tout ce qui est nécessaire, avec ces deux éléments on peut produire de l'énergie.
Le seuil, glacis ou barrage permet d'exploiter l'énergie potentielle de l'eau (énergie de pression et de position de l'eau à une certaine altitude), qui est ensuite transformée en énergie cinétique (quand elle s'écoule dans le canal, puis dans la turbine ou la roue). Bien sûr, beaucoup de sites historiques de moulins ou d'usines sont mieux équipés : outre le seuil et le canal, ils disposent de chambres d'eau en très bon état permettant d'y installer les roues ou turbines, voire ayant conservé leurs équipements du XXe siècle. Mais ce n'est pas indispensable en soi.
Les sites permettant la production hydroélectrique sont généralement d'anciens moulins. Ce peuvent être aussi d'anciennes forges ou autres usines construites au bord de l'eau. En Côte d'Or, on relève 770 barrages et seuils en lit mineur des rivières (ROE 2012). Les sites de production potentielle dans le département sont donc très nombreux !

Ai-je le droit de produire ? (1) Cas du droit d'eau (fondé en titre)
Si votre moulin est antérieur à 1789 (rivière non domaniale, comme l'Armançon) ou à 1566 (rivière domaniale, comme la Seine), il est dit « fondé en titre » et dispose de ce que l'on appelle un « droit d'eau ». Il suffit pour cela que le moulin ne soit pas complètement en ruine – la présence du seuil et du canal (même engravé, envasé ou enherbé) suffit.
Dans ce cas, vous pouvez user de la puissance de l'eau et votre débit d'équipement (le volume d'eau turbinable chaque année) est présumé identique à l'état présent de votre moulin (c'est-à-dire ce que votre canal ou bief permet de dériver une fois qu'il a été nettoyé). C'est à l'administration de prouver le contraire, dans l'hypothèse où elle conteste votre droit d'user du moulin tel qu'il est : pour votre part, vous avez seulement à démontrer l'existence historique de votre moulin.
A noter : ce « droit d'eau fondé en titre » n'est pas une pièce administrative particulière, mais une capacité attachée à l'existence physique et historique du moulin.
Pour retrouver des preuves de l'existence du moulin avant 1789, tous les moyens sont admis : présence sur des cartes (Cassini) ou cadastres anciens, mentions dans des textes, etc. Vous pouvez librement vous renseigner aux archives départementales, par courrier électronique ou en vous déplaçant. Les services des archives de Côte d'Or sont très efficaces. Vous pouvez aussi contacter des érudits et chercheurs locaux (par exemple, la Société des Sciences de Semur).

Ai-je le droit de produire (2) Cas du règlement d'eau (fondé sur titre)
Si votre bien est postérieur à 1789, il a probablement reçu une autorisation préfectorale d'exploiter l'eau, qui s'appelle le « règlement d'eau ». Il est très rare qu'un moulin ou une usine « moderne » n'en ai jamais reçu. Il est en revanche fréquent qu'un moulin ancien (antérieur à 1789, cas précédemment évoqué) ait reçu après la Révolution un règlement d'eau, en plus de son droit d'eau .
A noter : droit d'eau et règlement d'eau sont deux notions bien différentes, à ne pas confondre. On dit parfois moulin fondé en titre s'il a un droit d'eau dû à son existence antérieure à 1789/1566, et moulin fondé sur titre s'il a seulement un règlement d'eau produit par l'administration après 1789.
Ce règlement d'eau est une pièce administrative écrite, de plusieurs pages, qui définit assez précisément la consistance légale de votre site, c'est-à-dire les différents ouvrages hydrauliques, la cote légale de retenue dans le bief et la puissance exploitable. Donc, il suffit de suivre ses prescriptions pour savoir ce que vous avez le droit de produire.
La date de ce règlement d'eau est importante, pour les petites puissances inférieures à 150 kW (quasiment tous les sites de Côte d'Or) :
  • si votre règlement d'eau est antérieur à 1919, votre autorisation d'exploiter est réputée « perpétuelle », vous n'avez pas à faire de démarche particulière (simple déclaration de remise en activité) à condition bien sûr de rester dans la consistance légale du règlement (ne pas changer la hauteur de chute ou le débit) ;
  • si votre règlement d'eau est postérieur à 1919, et ne comporte aucune limitation dans le temps, il est toujours valable aujourd'hui ;
  • si votre règlement d'eau est postérieur à 1919 et comporte une limitation dans le temps, elle est impérative. Au cas où le délai d'exploitation autorisée est passé, vous devez faire une nouvelle demande d'autorisation en préfecture (question suivante).
Pour savoir si votre bien dispose d'un règlement d'eau, il faut écrire (en courrier recommandé) au bureau de Police de l'eau de la DDT (coordonnées du bureau 21, pdf). Vous pouvez aussi commencer à chercher en archives, car la DDT n'a pas conservé tous les règlements d'eau.
A noter : si vous avez un règlement d'eau ancien, il sera actualisé par la préfecture en fonction des nouvelles règlementations. C'est tout à fait normal, mais il faudra montrer la plus grande vigilance à ce moment-là, car ce nouveau règlement définira précisément votre puissance hydraulique exploitable.

Ai-je le droit de produire ? (3) Cas de la demande d'autorisation
Si vous avez un règlement d'eau ayant dépassé la date d'autorisation, ou si vous restaurez un ouvrage totalement en ruine, ou si vous n'avez aucune pièce justificative de droit d'eau ni de règlement d'eau, ou si vous construisez ex nihilo une nouvelle installation, vous êtes obligé de faire un dossier de demande d'autorisation de production hydro-électrique au bureau de Police de l'eau de votre préfecture. Ce n'est pas le cas le plus simple.
Un nouveau classement des rivières va être publié. Il y a trois possibilités :
  • votre cours d'eau n'est pas classé et, s'il n'y a pas d'autres contraintes (Natura 2000, ZNIEFF, corridor biologique), la préfecture devrait vous autoriser sans trop de difficulté ;
  • votre cours d'eau est classé en liste 2, vous aurez 5 ans (comme tous les moulins, qu'ils produisent ou non) pour faire des aménagements écologiques mais a priori, il n'y a pas de raison que la préfecture refuse l'autorisation si vous respectez scrupuleusement les étapes et les besoins du dossier ;
  • votre cours d'eau est en liste 1, ce qui veut dire en très bon état écologique, et il est a priori interdit de construire un nouvel obstacle à l'écoulement. Mais si votre seuil ou barrage est en place, il n'a pas à être effacé. Vous êtes tenu (là encore, avec ou sans production énergétique) de respecter immédiatement et scrupuleusement les consignes données par la Police de l'eau pour préserver la qualité des milieux aquatiques.
Dans l'hypothèse où votre seuil (ou barrage) est en ruine sur une rivière classée en liste 1, vous n'aurez pas l'autorisation de construire un nouveau seuil (ou barrage).
Il faut savoir qu'une demande d'autorisation exige toujours de passer par un bureau d'études spécialisé, produisant une étude de faisabilité qui répond à toutes les demandes de l'administration (avant-projet technique, contraintes environnementales, etc.). La procédure est donc plus compliquée (et plus coûteuse) que si vous êtes fondé en titre ou réglementé avant 1919.
Combien d'électricité puis-je produire ?
Pour avoir une estimation grossière de votre puissance hydraulique, vous devez connaître la hauteur de chute entre le niveau amont (niveau d'eau au seuil ou barrage) et le niveau aval (niveau de la fuite d'eau dans la rivière, à l'extrémité de votre canal de dérivation ou « sous-bief »), ainsi que le débit moyen passant dans votre canal. Soit la hauteur H en mètres et le débit moyen Q en m3/s : vous multipliez ces deux chiffres entre eux, puis vous multipliez encore par 10 (la force de gravité, g) et vous obtenez la puissance de votre site (P=g.Q.H). Par exemple une chute de 2 m et un débit de 1 m3/s donne une puissance hydraulique brute de 20 kW environ (la puissance électrique nette sera plutôt de 12-14 kW ou kVA). Ce sont là des valeurs typiques pour les moulins de Côte d'Or.
Pour connaître ces valeurs, deux hypothèses. Soit vous retrouvez d'anciens papiers (actes notariaux, règlement d'eau) où les chiffres sont précisés. Soit vous n'en disposez pas, et il faut les calculer. Plusieurs moyens permettent un calcul approximatif : nous les exposerons à une autre occasion (d'ici là, voir par exemple cette page pour quelques méthodes artisanales de mesure du débit). La mesure détaillée sera faite soit par un géomètre et un hydraulicien, soit par un bureau d'études spécialisé.
Une fois connue la puissance, vous pourrez estimer la production en fonction de la courbe annuelle des débits et de votre choix d'équipement. Par exemple, prenons une installation de 20 kW de puissance fonctionnant 6000 heures dans l'année avec un rendement global de 70%. Sa production sera de 0,7*6000*20=84.000kWh (la puissance s'exprime en kilowatt, l'énergie en kilowattheure, l'énergie électrique étant simplement la puissance produite par unité de temps).

Dois-je autoconsommer ou vendre au réseau ?
Vous pouvez consommer vous-même votre électricité ou revendre toute l'énergie au réseau d'EDF. Tout dépend de la puissance de votre site... et de vos besoins. Si vous venez d'installer un chauffage tout neuf à bois ou gaz, vous aurez probablement du mal à consommer toute votre électricité. Si vous avez un vieux chauffage fioul à médiocre rendement et risque de pollution de la rivière, cela peut devenir très intéressant de concevoir un projet d'autoconsommation (en électricité directe ou électricité + pompe à chaleur eau-eau par exemple).
Si vous êtes à moins de 10 kW, il est généralement plus intéressant de consommer soi-même (vous devriez couvrir votre consommation sans problème, y compris du chauffage en hiver). Entre 10 et 30 kW, la décision n'est pas toujours facile, votre puissance dépasse vos besoins mais elle est modeste, et un dossier complet pour vendre au réseau impose des contraintes plus importantes que l'autoconsommation. Mais rien n'est insurmontable, on trouve couramment des moulins qui vendent leur production à ces niveaux de puissance. Au-delà de 30 kW, il devient généralement préférable de vendre sa production au réseau national.
Dans la dernière hypothèse, chaque kWh produit vous est racheté environ 8 centimes en été et environ 14 centimes en hiver. Pour donner un ordre de grandeur, un moulin ou une usine de 30 kW en puissance nominale peuvent produire un revenu brut d'exploitation compris entre 11.000 et 13.000 euros par an environ. Ce n'est pas la fortune, mais pas négligeable non plus.
Avant d'entamer la moindre réflexion sur le matériel nécessaire, vous devez choisir la solution que vous préférez : autoconsommation sur place ou vente au réseau. Quand votre choix est fait, vous pourrez chercher les équipements adaptés.

Produire de l'hydro-électricité, est-ce compliqué ?
Oui et non. Oui, parce qu'il est évidemment plus compliqué de développer une petite centrale micro-hydraulique que de mettre sur son toit quelques mètres carrés de panneaux solaires, ou de faire installer une pompe à chaleur par un chauffagiste. Si vous voulez tout faire tout seul à partir de matériels d'occasion (solution la moins coûteuse, évidemment), il vous faudra quelques notions d'hydraulique, quelques connaissances en électricité, une bonne dose de courage pour le génie civil et beaucoup de rigueur pour que tout fonctionne correctement. Mais il existe des réparateurs et installateurs spécialisés dans la remise en fonctionnement des moulins ou petites usines.
Non, car vous pouvez aussi choisir de faire installer un matériel d'occasion garanti ou un matériel neuf par une société spécialisée et de faire automatiser au maximum votre installation, de sorte que vous n'aurez pas beaucoup de maintenance (hormis celle de votre bien en général, puisque tout moulin a des obligations d'entretien hydraulique). Mais évidemment, plus vous sous-traitez à des tiers, plus le coût de revient de votre installation sera élevée.
Compliquée dans ses détails techniques, l'hydro-électricité est simple dans ses principes : l'énergie cinétique-potentielle de l'eau en écoulement est d'abord transformée en énergie mécanique (rôle de la turbine, roue ou vis d'Archimède), puis cette énergie mécanique est convertie en énergie électrique (rôle du système rotor-stator dans le générateur). L'éolien fonctionne de la même manière, sauf que l'énergie cinétique du vent (et non de l'eau) forme sa source primaire.
Dernière chose : l'hydro-électricité peut surtout paraître compliquée à cause des nombreuses contraintes réglementaires, c'est-à-dire de la « paperasse » à accomplir afin de mener son dossier de A à Z. C'est la raison pour laquelle il est préférable de se rapprocher d'une association et/ou d'un bureau d'études, dont le rôle est de vous assister dans ces procédures.

Combien cela coûte ?
Il est particulièrement difficile de répondre à cette question, car la fourchette est large : une installation peut coûter de 1000 à 7000 euros le kW de puissance installée ! L'état initial de votre bien est évidemment déterminant, ainsi que le choix entre un matériel d'occasion ou un matériel neuf pour l'équipement hydraulique et électrotechnique. Il faut savoir qu'une turbine (ou une roue, ou une vis) neuve sera un modèle unique, spécialement conçu en usine pour être adapté à votre hauteur de chute et votre débit d'eau. D'où le coût : ce ne sont pas des équipements standardisés et produits en série comme les groupes électrogènes du commerce, par exemple.
Par ordre décroissant de coût, les principaux postes à étudier sont les suivants dans l'hypothèse d'un matériel neuf et d'un moulin dont l'état général est correct  :
  • l'achat de la turbine
  • le génie civil et l'équipement annexe (incluant vannes, grille, aspirateur, optimisation du bief si nécessaire)
  • le générateur et l'électronique de puissance
  • les systèmes d'automatisation et de contrôle-commande
  • le raccordement au réseau
Mais attention, ce sont là des évaluations moyennes et chaque site est particulier.
On mesure habituellement l'intérêt économique d'une installation hydro-électrique en temps de retour sur investissement : combien d'années d'exploitation sont nécessaires pour rentabiliser le coût d'installation ? Un temps de retour de moins de 10 ans est considéré comme une excellente affaire, un temps de retour de 10-15 ans reste intéressant. Au-delà, l'installation concerne plutôt des passionnés ou des militants des énergies nouvelles, acceptant de bloquer un capital sur une longue période.
A noter : il existe des coûts d'aménagements écologiques (passes à poisson pour le franchissement piscicole et vannes fonctionnelles de chasse pour le transit des sédiments), mais ceux-ci n'ont rien à voir avec la production d'hydro-électricité. Ils seront exigibles par le préfet une fois publié le classement des rivières (début 2013) et dépendront de chaque site. Avec ou sans production d'énergie, tout le monde sera tenu d'aménager. Une exploitation énergétique permet de financer une partie des ces coûts d'aménagement écologique et de mutualiser les frais de chantier qui seront de toute façon nécessaire (passe à poissons, vannage à sédiments).

Aurai-je des subventions pour produire de l'énergie hydro-électrique ?
L'hydro-électricité fait partie des énergies renouvelables subventionnées par l'Ademe et elle est inscrite dans le Schéma Climat Air Energie de Bourgogne. Elle peut donc faire l'objet de subventions pour l'étude de faisabilité ou pour l'équipement (en association avec des fonds régionaux et européens de développement rural). Par ailleurs, si votre dossier est complet et si vous le souhaitez, vous pouvez demander un CODOA (Certificat ouvrant droit à une obligation d'achat) dont la principale conséquence est : ERDF rachète votre énergie à un tarif garanti pendant 20 ans. C'est une forme de subvention, car cette garantie d'achat vous donne une visibilité à long terme sur vos revenus et le tarif de rachat pour les petites puissances est plus avantageux.
Si votre site est très isolé, avec un coût de raccordement élevé au réseau, vous pouvez aussi être assisté par le syndicat d'énergie et d'électrification du département pour installer un site autonome. (En Côte d'or, c'est le Siceco, qui a déjà équipé ainsi un moulin en puissance solaire et hydraulique pour l'autoconsommation).

Et donc, par où dois-je commencer ?
D'abord, il faut bien réfléchir : on ne devient pas producteur d'électricité à la légère, vous aurez besoin de patience et de détermination. Comme pour tout projet ambitieux.
Ensuite, prenez des conseils autour de vous – bien sûr, le réseau des associations (il y a plusieurs en Côte d'Or) est là pour vous accompagner dans votre démarche et vous faire rencontrer d'autres producteurs.
Enfin, vos actions prioritaires dépendront de votre situation juridique (fondé en titre, réglementé, non autorisé), de votre choix initial (autoconsommation ou vente réseau), de vos compétences personnelles (participation active aux travaux ou délégation à des tiers).
La toute première chose à faire, si elle n'est pas acquise : clarifier le statut juridique de votre bien afin de savoir à quelle condition exactement vous pouvez exploiter l'énergie hydraulique. La deuxième chose est d'estimer la hauteur et le débit moyen de l'eau au droit de votre site, afin d'avoir une idée à peu près réaliste de la puissance potentielle.

Pour aller plus loin
Rappel des sites utiles (département Côte d'Or)

13/11/2012

Hydrauxois dans les médias

Radio Eole a reçu le président et le secrétaire général de l'association, le jeudi 8 novembre, pour évoquer la question du barrage de Semur-en-Auxois (émission Jeudi on s'dit tout, prochainement disponible sur le site de la radio). Le Bien Public a consacré un article à l'association dans son édition du 10 novembre, deux semaines après la publication d'un communiqué dans l'Auxois Libre.

09/11/2012

La qualité de la Seine et de ses affluents en Côte d'Or

Comment se portent la Seine et ses affluents de Haute Côte d'Or ? Pour répondre à cette question, le Syndicat intercommunal des cours d'eau du Châtillonnais (Sicec) et la Fédération départementale de pêche et de protection des milieux aquatiques de Côte d'Or (FDAAPPMA 21) viennent de publier les résultats d'une vaste étude menée en 2011. Ce document a pour objet l'analyse de la qualité des eaux superficielles en vue de mettre en valeur les milieux aquatiques et de protéger les espèces piscicoles.

Le travail était d'autant plus nécessaire que l'on ne disposait pas jusqu'à présent de données systématiques sur la Seine et ses affluents cote-doriens : « les informations récentes obtenues dans le cadre des suivis DCE [directive cadre sur l'eau] sont insuffisantes pour dresser un état des lieux complets de la situation piscicole du réseau hydrographique […] Quant aux affluents, ils n'ont jamais fait l'objet d'investigation exhaustive de leur peuplement ». Il s'agit donc d'un « état zéro », en quelque sorte.

Une tête de bassin à socle marneux et calcaire
La Seine a un lit de 85 km en Côte d'Or, département où elle prend sa source (Source-Seine, canton de Venarey-les-Laumes). Ce parcours représente 11% de la longueur totale du fleuve (777 km). Le bassin versant cote-dorien de la Seine totalise 632 km, sur un socle géologique qui est essentiellement composé de marnes et calcaires. Ce terrain très perméable peut provoquer des infiltrations dans les failles et dolines, voire des assecs (zones où la rivière suit son lit souterrain avec de ressurgir en surface).

La Seine est assez rapidement renforcée par des affluents en Côte d'Or. Après 25 km de cours, elle reçoit les eaux du Revinson (long lui-même de 17 km et alimenté par la Coquille, 10 km). A 37 km de sa source, la Seine est rejointe par le Brevon (long de 32 km). L'étude du Sicec et de la Fédération départementale de pêche a concerné au total 21 stations réparties sur 8 masses d'eau : le cours de la Seine elle-même, le Brevon, le Revinson, la Coquille, les affluents de la Coquille, le réseau des ruisseaux formant des affluents directs de la Seine en Côte d'Or.

Quatre dimensions pour un diagnostic
Pour établir son diagnostic, l'étude a examiné à titre principal quatre caractéristiques des cours d'eau de Haute Côte d'Or :

- la qualité physique (Indice d'attractivité morphodynamique, IAM, ou simple description vitesse de courant, hauteur d'eau, rapport substrat/support, température) ;

- la qualité physico-chimique et la présence de certains polluants ;

- les peuplements macrobenthiques (Indice biologique global normalisé, IBGN ; protocole MAG20, pdf, diverses sous-indices de mesures structurelles et hydro-écologiques comme EPTC, RQE, Cb2, etc.), désignant des genres de crustacés, mollusques ou ici insectes (Chloroperlidae, Perlidae, Perlodidae) connus pour être des marqueurs de qualité de l'eau ;

- les peuplements piscicoles enfin, analysés par pêche électrique (méthode Delury) compte tenu de la faible profondeur des tronçons concernés. L'espèce la plus caractéristique et la plus exigeante pour sa reproduction est la truite fario. Certaines espèces d'accompagnement (chabot, vairon, loche franche) donnent également des indications de qualité.
Une qualité physique et physico-chimique dégradée
La qualité physique (morphodynamique) du bassin de Haute Seine laisse à désirer : 80% des stations sont en état mauvais ou très mauvais. Les causes en sont les suivantes : sévérité des étiages, diversité moyenne des substrats, colmatage du fond par des matières fines, piétinement bovin et affaissement des berges, absence de ripisylve (arbres de rive) impliquant la hausse des températures et l'absence de caches racinaires, les obstacles à l'écoulement et étangs artificiels favorisant eux aussi le colmatage ou la hausse des températures.

La qualité physico-chimique n'est pas toujours plus enviable. La totalité du linéaire présente des concentrations trop fortes en ammoniaques et phosphates (NH^4+, PO4^3-). Les nitrates (NO^3-) ont un niveau conforme à la DCE sur la plupart des sites, mais ils sont néanmoins en quantité trois à dix fois supérieure au niveau optimal pour la vie aquatique. Les concentrations de ces substances chimiques augmentent lors des étiages, augmentant le stress sur la vie aquatique. Les matières organiques se prêtent par ailleurs à l'oxydation, et consomment en conséquence l'oxygène dissout présent dans les cours d'eau. Dans certains cas (Revinson), le taux d'oxygénation approche de sa valeur-limite pour les espèces qui en dépendent (la « biocénose aérobie »), même si le bassin reste dans un état global correct de ce point de vue.

Le rapport souligne que « la pollution par les matières organiques, provenant essentiellement de l'épuration défectueuse des communes et de l'activité agricole (épandage d'engrais et de fumier / lisier, rejets de stabulation, piétinement et déjection des bovins au niveau des berges et dans le lit des cours d'eaux), est le problème majeur de l'altération de la qualité physico-chimique des eaux du bassin de Seine ».

Les HAP s'ajoutent aux pollutions agricoles et domestiques
Mais les rejets de matières organiques par les réseaux domestiques et les activités agricoles ne sont pas les seules en cause. La Seine et le Brevon présentent une « forte altération » par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des molécules carbone-hydrogène provenant essentiellement de la combustion du charbon et du pétrole (carburant, fioul). Ces composés étant hydrophobes (insolubles dans l'eau), ils pénètrent préférentiellement les sédiments et les matières en suspension. Comme le rappellent le rapport, « ils vont affecter en tout premier lieu les espèces benthiques (macro-invertébrés et poissons) entraînant la disparition des espèces les plus polluosensibles. Possédant un fort pouvoir de bio-accumulation, les HAP vont transiter dans tous les maillons de la chaîne alimentaire des cours d'eau et s'accumuler dans les tissus des espèces situées au sommet de la pyramide trophique ».

Cette pollution indirecte par les combustibles fossiles rappelle au passage tout l'intérêt qu'il y a de développer des sources d'énergie non carbonées, parmi lesquelles figure l'énergie hydraulique. Les effets des fossiles ne se limitent pas à la concentration atmosphérique et au forçage radiatif des gaz à effet de serre, ils concernent également l'eau et la vie aquatique, qu'il s'agisse de l'acidification des océans ou de la pollution des rivières.

La conséquence logique de la présence des HAP, phosphates, nitrates et ammoniaques est que les peuplements macrobenthiques les plus sensibles à la pollution (groupes 8 et 9) ont quasiment tous disparu du bassin de la Seine cote-dorienne. Mais ce constat doit être nuancé car, au regard de critères retenus par la directive-cadre sur l'eau, les autres peuplements sont dans un très bon état, voire un état de référence dans les parties amont des rivières. L'altération reste donc relative.

Des peuplements macrobenthiques
et piscicoles perturbés
S'agissant des peuplements piscicoles, les situations sont contrastées. Dans l'ensemble, en dehors des zones les moins touchées par l'influence humaine, la population de truite fario est plutôt déficitaire par rapport à ce que l'on peut attendre d'un hydrosystème équivalent en très bon état écologique : le déficit va de 20 à 100 %, avec une moyenne de 50% sur l'ensemble des stations. Il existe des fluctuations fortes sur certaines rivières comme le Brevon, avec des zones proches de l'optimum et d'autres à présence nulle. Le chabot et la loche franche sont également déficitaires dans l'ensemble du réseau étudié, le vairon ayant une présence plus équilibrée. L'ombre a été réintroduit par la fédération de pêche, le blageon (cyprinidé rhéophile) a fait sa réapparition.

Au total, on a relevé 8 espèces dans la Seine (contre 5 signalées voici l'inventaire de 1992), autant dans le Brevon, 7 espèces dans le Revinson, 5 espèces dans les affluents du Revinson. Les ruisseaux affluents de la Seine ont une biodiversité très variable, de 2 à 8 espèces.

Au final, très peu de stations peuvent justifier d'un très bon écologique au regard des peuplements macrobenthiques et piscicoles. L'étude ne permet d'attribuer avec précision (c'est-à-dire avec une mesure relative de chaque facteur) les causes de cette situation. Néanmoins, les auteurs concluent, pour l'ensemble du réseau hydrographique : « La qualité globale de l'eau demeure le facteur limitant essentiel du réseau hydrographique. L'analyse des eaux de surface montre le caractère vulnérable des secteurs karstiques avec une importante contamination aux nitrates liées aux activités agricoles des plateaux, engendrant d'importantes prolifération alguales. Toute action restauratrice engagée verra ses effets pénalisés plus ou moins rapidement par ce facteur prépondérant ». S'y ajoutent « assèchement des zones humides, captages, drainages ».

Les obstacles à l'écoulement – qui intéressent au premier chef notre association dédiée à la promotion du patrimoine et de l'énergie hydrauliques – figurent également parmi les facteurs limitant la biodiversité piscicole : l'étude souligne que cette cause est dominante sur le linéaire de la Seine (obstacle infranchissables en montaison) et sur certains secteurs du Brevon (étangs à eaux réchauffées, faible circulation, potentialisant une pollution locale par l'assainissement défectueux). Enfin, l'absence de ripisylve peut être un facteur dominant sur certains tronçons (Revinson) car elle signifie un défaut de cache et un réchauffement estival important.

En conclusion
D'abord, il convient de souligner la grande qualité du rapport publié par le Sicec et la FDAAPPMA 21. La méthodologie est décrite et référencée, les annexes donnent toutes les mesures réalisées, la synthèse est claire. Il manque éventuellement des résumés pour un plus large public, pas toujours familier avec le vocabulaire de l'hydro-écologie, de l'hydromorphologie et de l'hydrobiologie. Il conviendrait aussi de mieux préciser comment sont fixés les peuplements de référence (permettant de dire que telle espèce est sous-représentée sur un tronçon) : en l'absence de données historiques, puisqu'il s'agit d'un « état-zéro », on ne sait pas comment est évalué le niveau de truite, loche ou chabot « normal » d'un cours d'eau. Mais la qualité de l'étude est bienvenue à l'heure où les réformes de continuité écologique entendent imposer des priorités d'action sont parfois contestées. La cohérence du prochain classement des rivières avec l'étude menée en Haute Seine sera examinée – notamment le choix de classer en liste 1 (ce qui suppose un « très bon état écologique ») et la désignation des espèces cibles.

Ensuite, et pour en venir à ces priorités d'action, la conclusion de l'étude ne permet nullement de désigner les obstacles à l'écoulement comme la cause principale d'altération de la biodiversité. L'absence de profondeur historique interdit à ce stade de corréler les dégradations observées à des facteurs dégradants, mais les polluants agricoles, domestiques et HAP sont néanmoins désignés comme le premier facteur limitant de toute restauration écologique. Comme on l'a signalé lors des débats des derniers mois sur les aménagements écologiques de l'Armançon, la circulation des poissons sera d'abord la circulation des poisons si les causes premières d'altération chimique de l'eau ne sont pas traitées en priorité. Et la France est, hélas, très en retard de ce point de vue. Il n'empêche que le franchissement d'obstacles, le bon transport solide assurant des substrats diversifiés et les régulations de température sur certains plans d'eau sont des facteurs localement pénalisant, et appelant une action commune avec les propriétaires d'ouvrages hydrauliques en vue de définir les meilleures solutions.

Enfin, pour passionnante et nécessaire qu'elle soit, cette étude ne dévoile qu'une dimension de la Seine et de ses affluents. Une rivière n'est pas seulement un phénomène naturel (domaine aquatique), mais elle est aussi et toujours un phénomène culturel, social et désormais technique (domaine hydraulique). Les temples des Lingons en l'hommage de Sequana (déesse des eaux de la Seine) comme les forges gauloises installées au fil des ruisseaux proches des sources de la Seine rappellent que l'histoire des hommes et celles de leurs rivières se sont mêlées très précocement sur les terres bourguignonnes. C'est donc un patrimoine complexe allant de l'état physique, chimique et biologique de l'eau jusqu'à l'histoire et l'avenir de ses usages humains qu'il s'agit aujourd'hui de penser, et d'aménager, pour léguer aux générations futures des rivières de qualité.

Référence : Sicec, FDAAPPMA 21, Etude des peuplements piscicoles et macrobenthiques de la Seine et de ses affluents au regard de la qualité physique et chimique de l'hydrosystème. Défnition d'un état initial (2011), 2012.
Images : toutes les images de cet article (hormis la dernière) sont extraites du rapport. Tous droits réservés Sicec/FDAAPPMA21.