13/06/2013

Rendez-vous de juin

Les Journées du patrimoine et des moulins se tiendront les 15 et 16 juin prochains. Informations sur le site du ministère et celui de la FFAM (Fédération des associations de sauvegarde des moulins).

Hydrauxois organisera pour sa part les rencontres hydrauliques de Côte d'Or le samedi 29 juin, de 15 à 19 h, à Semur-en-Auxois. Le programme sera très bientôt publié sur ce blog. Le président de l'association (C.F. Champetier) assistera le 22 juin prochain à l'AG de France Hydro Electricité, où il évoquera devant les adhérents du syndicat de producteurs les travaux menés dans le cadre de l'Observatoire de la continuité écologique et des usages de l'eau.

A très bientôt !

14/05/2013

Les crues du printemps 2013

La Côte d'Or a connu, au début du mois de mai 2013, un épisode de crue remarquable. Il a concerné le bassin de l'Yonne et de la Saône, avant de se déplacer en Champagne vers le bassin de Seine supérieure. Voici quelques informations à ce sujet.

Les débits enregistrés
Selon les rivières, la crue a atteint un niveau quinquennal, vicennal, cinquantennal voire au-delà (pour l'Ouche). Nous donnons ci-après les débits maxima enregistrés par la Banque Hydro et Vigicrues sur plusieurs rivières du département.

On indique successivement la rivière, la date, le débit (en m3/s) et par la suite la valeur de référence la plus proche en loi de Gumbel (QJ signifie débit quotidien, QIX débit instantané maximal). La loi de Gumbel est une distribution statistique des épisodes extrêmes et de leur temps de retour ― une valeur vicennale signifie par exemple une probabilité de temps de retour de 20 ans pour un épisode.

Tille    04/05/2013 04:00    54
Gumbel quinquenale : QJ=QIX =53

Armançon    03/05/2013 22:00    111
Gumbel cinquantennale : QJ=90, QIX=100

Brenne    04/05/2013 11:00    133
Gumbel vicennale : QJ=120, QIX=130

Serein    04/05/2013 12:00    123
Gumbel vicennale : QJ=110, QIX=130

Vingeanne    05/05/2013 15:00    72
Gumbel vicennale : QJ=72, QIX=81

Ouche     05/05/2013 07:00    175
Gumbel cinquantennale : QJ=140, QIX=160

On observe que les rivières du département ont réagi différemment aux pluies : la Tille n'est montée qu'à son niveau de crue quinquenal (temps de retour 5 ans) tandis que l'Ouche a largement dépassé son niveau de crue cinquantennal.

Le contexte de la crue de mai 2013
Un épisode de crue de cette ampleur n'est généralement pas dû un seul événement pluvieux, fut-il intense. De tels phénomènes (appelés des crues éclairs) existent, mais ils surviennent généralement dans les terrains à pente forte et à épisodes convectifs. Les crues bourguignonnes et champenoises du printemps 2013 ont été plutôt préparées par un contexte hydrométéorologique dont le prévisionniste Joël Marceaux a donné quelques éléments (in Bien Public 2013, voir aussi Meteo France 2013).

Depuis le début de l'année hydrologique (septembre 2012), la région est excédentaire de 10 à 25% pour la pluviométrie, comme une bonne partie du territoire national. En particulier, la Bourgogne se retrouve en avril 2013 avec un taux d'humidité des sols largement excédentaire, les nappes étant remplies et les sols superficiels gorgés d'eau (carte MF ci-dessous). La très faible insolation de l'hiver et du début du printemps a limité l'évaporation. Les températures plus fraîches que la normale ont retardé le signal de la croissance végétale printanière ― croissance qui consomme une bonne part des excédents d'eau accumulés en automne et hiver.

Trois épisodes pluvieux importants ont aggravé cette situation : un premier du 8 au 12 avril, mais suivi d'une brève phase chaude des températures ; un deuxième du 26 au 27 avril, qui a provoqué de premiers débordements de rivière avec un cumul de 50-60 mm ; et un troisième qui a provoqué les crues, à partir du 2 mai. Les météorologues ont observé la formation d'une «goutte froide» sur la Bourgogne : il s'agit d'une poche d'air froid, située vers 5000 m d'altitude, amenée de la région polaire par courant-jet stratosphérique. Cette poche crée un miniblocage et, lorsque des courants chauds et humides de plus basse altitude viennent du Sud-Ouest, il se déclenche des épisodes convectifs plus ou moins intenses. On a pu enregistrer des précipitations de 30 mm/heure les 2 et 3 mai sur la Côte d'Or. Des quantités exceptionnelles de 70 à 100 mm par épisode ont été enregistrées dans les hautes côtes et la montagne dijonnaise.

Les crues du printemps 2013 sont donc nées à la confluence des remontées de nappes et d'une succession d'épisodes pluvieux, dans un contexte de températures fraîches ayant ralenti la croissance végétale.

Voici 400 ans (1613), la grande crue de l'Armançon
Les bassins de la Seine supérieure et de l'Yonne ont connu plusieurs épisodes historiques de référence en matière de crues et inondations, notamment pour les archives modernes : 24-28 septembre 1866, janvier 1910, janvier 1955, janvier 1982, avril-mai 1998, mars 2001, 9-13 mars 2006. Dans son ouvrage classique sur l'histoire des inondations, Maurice Champion note à propos de la grande crue de 1613, survenue voici exactement 400 ans :

«En mai, juin et juillet 1613, on ne vit, dit Sauval (Antiquités de Paris, t. I, p. 205), que grêles et pluies qui gâtèrent tous les fruits et les biens de la terre ; la Cure et l'Yonne se joignirent, et il y eut grande perte de bois flotté à Cravant, Vermanton et autres lieux circonvoisins, où se faisoit le trafic de bois. A vingt lieues de là, on trouva au milieu des blés et dans les vignes quantité de bois que l'eau y avoit porté. Plusieurs maisons de Semur furent abattues, et tant de monde noyé, que la ville envoya sur les lieux des échevins avec le procureur du roi et le greffier, afin de pourvoir sur leur rapport, à tant de dommage ». Les faubourgs de cette ville, que côtoie l'Armançon, furent submergés ; le pont Pinard, bien que d'une construction solide, fut entraîné ; «  cinquante maisons furent renversées et quinze personnes noyées, dit un historien de Semur (Louis Bocquin, Esquisse sur la ville de Semur, in-8, p. 123) ; l'Armançon s'éleva de douze pieds au-dessus de son niveau ordinaire, plusieurs moulins furent détruits et les meules en furent emportées à cinq lieues. Cet événement fut constaté par deux inscriptions dont l'une est à la mairie, et l'autre existait encore en 1786, dans la rue des Vaux. Celle-ci était beaucoup plus exagérée que l'autre ; elle portait à cinquante le nombre des personnes noyées, et il y a lieu de croire qu'elle était aussi la moins exacte. Le couvent des Minimes eut beaucoup à souffrir ; ils ne purent conserver leur infirmerie dans le bas, parce qu'elle était devenue trop malsaine pour les malades ; ils furent obligés de la transporter dans le haut, à l'extrémité du dortoir, et de faire pour cela des dépenses considérables pour eux, car ils étaient pauvres.

Le cours terrible de l'Armançon a été considérablement assagi par la construction du barrage de Pont-et-Massène qui, outre sa fonction d'alimentation en eau du canal de Bourgogne, permet de réguler les crues et étiages de la rivière. (Image : l'échelle limnimétrique du barrage de Pont atteignant sa cote limite de 20,8 m et le déversoir de crue relâchant ses eaux.)

Reprofilages sédimentaires
Si les crues du printemps 2013 ont occasionné des dommages aux biens, elles n'ont heureusement fait aucune victime humaine. Il faut rappeler que ces épisodes hydrologiques extrêmes sont naturels dans la vie d'une rivière. Ils provoquent notamment, par un phénomène d'érosion intense et de transport conséquent de charge solide, un reprofilage morphologique des cours d'eau. La rivière sculpte elle-même son lit. On notera que les seuils de rivière deviennent pour la plupart transparents lors de tels épisodes (photos ci-dessous : la digue du barrage de Semur surversée ; au pied du seuil de Flameney, après la décrue, dépôts de sables et graviers emportés depuis l'amont).

Maurice Champion (op.cit.) se faisait déjà l'écho de ces reprofilages sédimentaires, par exemple sur l'Armançon : «Coulon, en 1644, disait de cette rivière (Rivières de France, t. I, p. 74) : 'L’Armançon étoit autrefois navigable jusqu’à Tonnerre, mais depuis 30 ou 40 ans, il a cessé de porter bateau. Les gens du pays, qui savent combien cette rivière est dangereuse, à cause des fosses et des escueils, ont coutume de dire : Armanson, Mauvaise rivière, et bon poisson.' ― Il y eut délibération aux États de Bourgogne en 1581, pour faire visiter son cours et chercher les moyens de la rendre navigable. En 1669, les officiers municipaux s’occupèrent du même projet. Le P. Claude, carme, bon géomètre, prit les niveaux et reçut 200 livres. (Courtepéc, Ouvrag. cit., t. III, p. 477.) Voici ce que dit à ce sujet l’intendant Phelipeaux dans son Mémoire sur la Généralité de Paris: 'On a essayé autrefois de rendre l’Armançon navigable ; cette entreprise n’a pas réussi, parce que cette rivière, dans les crues d’eau, charie beaucoup de sables qui proviennent des montagnes, comble son lit, et elle s’en forme un nouveau, ce qui arrive fréquemment.»

Gestion des obstacles à l'écoulement : pour un principe de précaution
Coïncidence : au moment même où la Bourgogne et la Champagne souffraient de ces crues remarquables, notre association participait à la publication d'un nouveau dossier de l'Observatoire de la continuité écologique, précisément consacré à la question.

La loi sur l’eau de 2006 et le classement des rivières de 2012-2013 imposent dans les 5 ans à venir des modifications importantes du régime des rivières par effacement ou aménagement des "obstacles à l’écoulement" (seuils, glacis, digues, barrages, etc.). Comme leur nom l’indique, ces ouvrages hydrauliques modifient l’écoulement de la rivière. Leur suppression est susceptible d’avoir des effets dans deux situations extrêmes : les crues et les étiages.

En période de crue, les obstacles à l’écoulement longitudinal contribuent à dissiper l’énergie cinétique en turbulence et à retenir une partie de la charge solide charriée par les rivières. En période d’étiage, les obstacles à l’écoulement assurent des réserves d’eau offrant refuge à la faune et flore aquatiques. Alors que des milliers d’ouvrages sont concernés sur une période très courte (2013-2018), aucune simulation des effets cumulés de leur modification sur les crues et étiages n’a été effectuée. Des exemples montrent pourtant qu’un chantier de restauration hydromorphologique peut avoir des effets négatifs imprévus.

Cette absence de prise en compte du risque pour l’environnement, l’économie, la santé et le patrimoine paraît contraire au principe de précaution inscrit dans la Constitution depuis 2004, comme à l’obligation de réduire les risques de tout type d’inondation résultant de la directive européenne de 2007.

Références
Bien Public (2013), Inondations : comment a-t-on pu en arriver là ?, 13 mai.
Champion M. (1859), Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu'à nos jours. Recherches et documents, Dalmont et Dunod.
Meteo France (2013), Bilan hydrologique, Alimentation du BSH national, avril 2013 (pdf).
OCE (2013), Crues, inondations, étiages. Pour une évaluation du risque lié à la modification des obstacles à l’écoulement, 10 p.

02/04/2013

Transition énergétique en Côte d'Or: la contribution de la micro-hydroélectricité

Dans le cadre du Débat national sur la transition énergétique, la Coordination Hydro 21* publie ce jour un rapport de synthèse sur le potentiel de la micro-hydraulique en Côte d'Or. Moulins, anciennes usines, barrages VNF, adductions d'eau potable… les perspectives de développement de la micro-hydrauliques sont nombreuses dans notre département. Le potentiel est estimé à 5 MW et 22 GWh, l'équivalent de la consommation électrique de 8000 personnes.

Le rapport de la Coordination Hydro 21 fait le point sur l'ensemble des enjeux associés à l'hydraulique : la production d'énergie bien sûr (potentiel, équipement, coût, freins observés), qui est la raison d'être des ouvrages, mais aussi les dimensions environnementales et patrimoniales.

A l'hypothèse d'un effacement massif des ouvrages à fin de continuité écologique — hypothèse dont les premières expériences pilotes ont montré le coût, la difficulté et l'opposition importante des citoyens comme des propriétaires —, le rapport oppose le choix de la double modernisation des ouvrages : énergétique et écologique. Plus respectueux du patrimoine culturel et historique, pleinement inscrit dans la dynamique de transition énergétique, ce choix permettra une amélioration du transit sédimentaire et de la circulation piscicole dans les rivières cote-doriennes.

(*) La Coordination Hydro 21 rassemble les associations de Côte d'Or impliquées dans la défense de l'environnement, du patrimoine et de l'énergie hydrauliques. Elle représente notamment plusieurs dizaines de propriétaires d'ouvrages hydrauliques et producteurs d'énergie, en autoconsommation ou vente réseau.

A télécharger : Coordination Hydro 21, Micro-hydraulique en Côte d'Or. Contribution à la transition énergétique, analyse des enjeux environnemntaux et socioculturels, 13p.

Illustration : directrices de turbine Kaplan (Zeco).

25/03/2013

Le bilan carbone de l'énergie hydraulique

La raison pour laquelle nous développons des énergies renouvelables dans le cadre de la transition énergétique est double. D’une part, les énergies fossiles ne sont pas durables, leur stock géologique offre une quantité finie à un coût d'extraction économiquement accessible et la forte demande mondiale risque de se traduire par une déplétion rapide des ressources en pétrole, puis en gaz puis en charbon. On observe déjà que la hausse du prix du pétrole depuis le milieu de la décennie 2000 affecte les économies, particulièrement les économies totalement dépendantes des importations comme la France.

D’autre part, la combustion des ressources fossiles (pétrole, gaz, charbon) produit des émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ce gaz à effet de serre à longue durée de vie atmosphérique (plus d’un siècle) a pour propriété d’absorber et réemettre le rayonnement infra-rouge émis par le Terre, agissant comme une sorte de couverture qui augmente la température de la surface et de la basse atmosphère : c’est le mécanisme bien connu du réchauffement climatique.

Les sources d’énergie les plus intéressantes sont donc celles qui émettent le moins de CO2 tout au long de leur cycle de vie. Cette notion d’analyse par cycle de vie (LCA en littérature anglo-saxonne) est importante. En effet, un dispositif de production et conversion d’énergie coûte lui-même de l’énergie pour sa production, son installation, son entretien, son démantèlement. Dans la mesure où cette énergie est fossile — car le fossile reste dominant en cimenterie, métallurgie, transport, etc. —, mêmes les sources renouvelables produisent en réalité du CO2.

4 g eqCO2 par kWh produit : le meilleur bilan de toutes les énergies productrices d’électricité
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a produit un rapport sur les énergies renouvelables et leur capacité à limiter la probabilité d’un réchauffement climatique dangereux à l’horizon 2050 (GIEC 2012). Ce rapport inclut notamment une synthèse de toutes les analyses cycles de vie réalisées sur les différentes formes d’énergie. Le tableau de synthèse (cliquer l’image) donne les estimations de ces travaux.

Voici donc en grammes d’équivalent-CO2 par kWh produit la valeur moyenne (50e percentile) constatée pour les différentes sources d’énergie (électrique).
Hydraulique : 4 g
Hydraulique marine : 8 g
Eolien : 12 g
Nucléaire : 16 g
Biomasse : 18 g
Solaire thermodynamique : 32 g
Géothermie : 45 g
Solaire photovoltaïque : 80 g
Gaz naturel : 469 g
Pétrole : 840 g
Charbon : 1001 g

On observe donc que l’hydraulique de fleuve et rivière possède le meilleur bilan CO2 de toutes les sources connues d’énergie électrique. Bien sûr, et sans surprise, l’hydraulique produit 250 fois moins de dioxyde de carbone que les centrales thermiques à charbon. Mais aussi 3 fois moins que les éoliennes, 4 fois moins que le nucléaire, 20 fois moins que le solaire photovoltaïque.

Il faut noter que cette estimation se fait dans le cadre de projet de novo (création de site), c’est-à-dire en incluant le coût carbone (important) de la construction du barrage béton. Quand en plus l’énergie hydraulique se contente de réinvestir un site existant (seuil de moulin ou barrage d’usine), sa charge carbone n’en est qu’améliorée.

Ce bilan carbone très favorable s’ajoute donc aux autres avantages connus de l’énergie hydro-électrique, et en particulier de la petite hydraulique que nous défendons sur notre département. Il rend décidément incompréhensible la timidité du soutien public dont bénéficie aujourd’hui cette source d’énergie — elle devrait être la première à être déployée pour atteindre dans de bonnes conditions les objectifs 2020 de 23% d’énergie produite par source renouvelable et 14% de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Son seul désavantage connu (modification du transit sédimentaire et de la circulation piscicole) peut être aisément corrigé par des aménagements ou des mesures compensatrices, lorsqu’il est avéré que l’effet est nuisible.

Référence : GIEC (2012), Renewable Energy Sources and Climate Change Mitigation. Special Report, Cambridge University Press. Voir annexe II, pp. 979 suiv. pour les modes de calcul.

Illustration : Lucy, centrale thermique charbon de Montceau-les-Mines.

19/03/2013

Continuité écologique et manque de concertation avec les associations: le CGEDD prend acte


Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) vient de publier un rapport de diagnostic sur la mise en œuvre de la continuité écologique. Ce rapport prend acte des nombreux blocages observés entre les propriétaires d’ouvrages hydrauliques et les représentants de l’autorité en charge de l’eau (DDT, Onema, Agences) ou les syndicats de rivière porteurs des SAGE.

On trouvera ci-dessous les recommandations du rapport. Parmi les points à retenir, et qui rejoignent parfaitement les observations menées par Hydrauxois, la Coordination Hydro 21 et l’OCE (voir notre dossier) :
- il existe une carence manifeste d'information sur le terrain;
- il paraît réaliste d’assouplir les délais de mise en œuvre de la continuité s’il y a des accords contractuels entre administrations et associations;
- il est indispensable de clarifier les conditions et coûts de mise en application de la continuité écologique, au regard des bénéfices attendus, et d’envisager des alternatives (par exemple gestion concertée de vannages);
- il est urgent d’évaluer l’apport de la pico- et micro-hydro-électricité (puissance de 5 à 150 kW), sa rentabilité et sa faisabilité;
- il est nécessaire que les associations impliquées dans le patrimoine et l’énergie hydrauliques soient mieux représentées et écoutées à tous les échelons, aussi bien les SAGE au niveau du bassin versant que les SDAGE sur les bassins hydrographiques ou les réunions nationales de concertation à la Direction de l’eau du ministère de l'Ecologie.

Le CGEDD reste en revanche en retrait sur d'autres problèmes observés :
- le manque de robustesse scientifique et de contrôle empirique sur bon nombre d'assertions dans le domaine de la continuité écologique;
- le défaut généralisé de mesure (et information sur la mesure) de la qualité physique, chimique et biologique de chaque masse d'eau;
- la dispersion totalement anormale des coûts d'aménagements, notamment des passes à poissons;
- l'opacité manifeste sur les bonnes pratiques d'aménagément, avec des solutions parfois acceptées sur des ouvrages / des rivières / des départements mais refusées sur d'autres.
- le rappel ferme de l'obligation de réserve et de neutralité des agents administratifs, ainsi que leur obligation de répondre aux sollicitations d'information ou de concertation dans le cadre des missions de service public.

Recommandations du CGEDD

1. La mission recommande d'engager une démarche de qualification/certification des bureaux d'études, axée sur les points suivants: définition de la compétence de l'écologue intervenant, contenu et niveau de sa formation initiale, diplômes universitaires correspondants, niveau des responsabilités assumées actuel et passé, ampleur des références « expertes » maîtrisées, méthodes et matériels utilisés, références de chantiers de réalisation. 

2. La gestion concertée et garantie des vannages paraît constituer, pour certaines rivières une solution simple et pertinente de restauration de la continuité écologique. La mission recommande d'en examiner systématiquement l'intérêt et la faisabilité dans le cadre des études préalables, et d'envisager, lorsque cela peut sembler pertinent, un programme de remise en état des vannes. Il appartient cependant à l'Onema d'en encadrer les conditions et les limites, à la fois en terme d'efficacité et de coût

3. La mission considère cependant que l'intérêt relatif des ouvrages et l'état des équipements ne justifie pas systématiquement des interventions coûteuses pour la collectivité. Par contre, il lui apparaît souhaitable de définir des critères d'appréciation partagés susceptibles de bien identifier ceux qui, de part leur intérêt patrimonial et leurs usages, méritent d'être préservés. 

4. La mission recommande la mise au point de grilles multicritères du type de celle utilisée sur le bassin de la Sèvre Nantaise comme susceptibles de constituer une base d'évaluation de l'intérêt des ouvrages, commune aux différentes parties prenantes concernées par l'aménagement de la rivière. 

5. L'attente de reconnaissance des fédérations de propriétaires paraît légitime. La mission propose qu'elle trouve une réponse au niveau d'une meilleure représentation dans certaines instances nationales, régionales (groupe de travail du Comité national de l'eau, comités de bassin et commissions locales de l'eau (CLE). Pour être fructueuse, une telle reconnaissance doit cependant induire une participation constructive de la part des associations et de leurs fédérations, indispensable au développement d'un véritable partenariat

6. La mission constate un certain blocage sur le sujet sensible de la pico hydroélectricité dont il serait souhaitable de sortir rapidement en donnant la parole aux experts reconnus, voire en diligentant les examens complémentaires nécessaires. Si un inventaire exhaustif du potentiel en matière de pico-électricité devait être lancé, la mission recommanderait la constitution d'un comité de pilotage constitué notamment de professionnels du domaine, de l'administration, de l'Onema ... en prévoyant l’exploitation des bases de données de ce dernier. L'impact environnemental au regard des engagements européens est à prendre en compte, notamment sous l'angle de l'effet cumulatif d'une succession de petits ouvrages hydroélectriques.

7. Il est recommandé à l'Onema de développer un partenariat plus institutionnel, organisé au niveau central, avec les fédérations de propriétaires de moulins. Il pourrait porter sur les thèmes suivants : explicitation des réponses scientifiques aux objections formulées par les fédérations de propriétaires ; aide à la rédaction de cahiers des charges-type pour les travaux de mise aux normes ; mise en commun de bases de données répondant aux attentes directes des propriétaires ... Cette initiative pourrait être élargie, en tant que de besoin, à des juristes. À charge pour les fédérations nationales et associations locales de relayer ces outils auprès de leurs adhérents.

8. La mission recommande à la Deb et aux services : 
- la signature rapide des arrêtés de classement des cours d'eau au titre du L214-17 CE, clés de voûte du Parce. Les conséquences doivent en être expliquées aux usagers dont les propriétaires de moulins, et faire l'objet d'une instruction complémentaire aux services insistant sur la nécessité de fixer des priorités dans les conséquences de ce classement ;
- la mise en œuvre d'un ambitieux programme de formation à l'attention des personnels en charge de l'application du Parce, sans négliger les aspects psychologique, sociologique, patrimoniaux et paysagers ;
- le rappel aux propriétaires de leurs droits et devoirs, sous la forme d'une campagne d'informations, associant si possible étroitement leurs fédérations
- un repositionnement du Parce sous la bannière des plans d'action opérationnels territorialisés (PAOT) au niveau départemental et du schéma régionale de cohérence écologique (SRCE) au niveau régional

9. La mission recommande à l'administration et à ses partenaires de mettre les notaires en capacité de remplir efficacement leur obligation d'information et de transcription dans les actes de transfert de propriété, des droits et devoirs liés à la continuité écologique, et pour cela de fournir un appui au Conseil supérieur du notariat et à son Institut de formation

10. La mission recommande de desserrer les délais de mise en conformité prévus par la loi, dès lors qu'une démarche contractuelle collective active avec les maîtres d'ouvrage est engagée. 

11. La mission suggère à l'administration (DGALN, Onema, agences de l'eau) et aux associations de mieux formaliser de manière concertée des modalités pratiques de mise en œuvre de la loi et du Parce. 

Référence : CGEDD (2013), Plan d'actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau (Parce). Diagnostic de mise en œuvre, Rapport n°008036-01

Voir aussi notre dossier complet : OCE-Coordination Hydro21 (2013), Continuité écologique en Côte d’Or

09/03/2013

Echanges sur l'hydraulique et son potentiel

Le Siceco (Syndicat intercommunal d’énergies de Côte-d’Or) vient de publier le bilan des échanges des Assises de l’énergie en Côte-d’Or, qui se sont tenues le 25 octobre 2012 (voir notre compte-rendu). Le document n’est pas encore disponible en pdf. Deux interventions ont retenu notre attention.

Remettre en service les seuils existants
Dominique Lapôtre (Conseil régional) : « La région de Bourgogne ne dispose pas d’un fort potentiel en hydro-électricité. Il y a là un conflit d’usage entre la volonté de produire une énergie renouvelable et les préoccupations environnementales. On n’est pas en train de créer de nouveaux seuils, mais plutôt d’en effacer. Actuellement, l’hydraulique passe plutôt par la remise en service des seuils existants, là où des turbines n’étaient plus en fonctionnement »

Nous sommes d’accord avec ce point de vue de la Conseillère régionale. L’effet exact des seuils et barrages sur la qualité des milieux aquatiques reste à ce jour un sujet de recherche scientifique, dont les conclusions ne sont pas toutes robustes. En Bourgogne et particulièrement en Côte d’Or, la question prioritaire n’est pas la création de barrages, mais l’équipement énergétique et l’aménagement écologique des infrastructures existantes : barrages-réservoirs de VNF alimentant le canal de Bourgogne, réseau d’adduction d’eau potable, centaines de moulins et anciennes usines dont les seuils en rivières sont déjà en place. Il est beaucoup moins coûteux d’utiliser ce génie civil installé que de créer des sites de novo. Et cela a plus de sens du point de vue du patrimoine et de l’environnement : la fonction originelle des moulins est restaurée, leur usage régulier implique la prise en compte des équilibres sédimentaires et piscicoles.

Evaluer correctement le potentiel et les avantages
François Bellouard (Dreal) : « Il y a bien pour la région Bourgogne des objectifs de croissance de l’hydro-électricité. Ils sont de 3MW. C’est peu et il faut déjà, dans un premier temps, travailler à l’amélioration des installations existantes. 3MW correspondent à une centaine de turbines complémentaires à mettre en place. C’est vraiment très peu au regard d’une éolienne de 2 MW. Trouver ces 3MW supplémentaires est quelques chose qui est loin d’être évident (…) L’idée que l’on se fait de l’hydroélectricité par opposition à l’éolien, c’est que c’est une énergie permanente. C’est loin d’être le cas sur des petits cours d’eau. On n’est pas en région Rhône-Alpes ».

Les arguments du Directeur des études et projets à la Dreal Bourgogne appellent quelques commentaires.

• Trouver 3 MW de puissance hydraulique d’ici 2020 et pour toute la Bourgogne devrait être une chose assez aisée : pour la seule Côte d’Or, qui n’est pas le département bourguignon le plus favorisé en raison de sa position géographique de tête de bassin versant, le potentiel est probablement proche du double (voir ici). Autant dire que la micro-hydraulique peut non seulement aider à atteindre l’objectif de 2020 (23% d’énergie renouvelable), mais aussi l’objectif 2050 (80% d’énergie non carbonée).

• Il sera difficile d’améliorer les centrales en production du point de vue énergétique : en effet, les nouvelles exigences environnementales vont se traduire par des pertes de charge (grilles et exutoires de dévalaison, débit minimum biologique monté à 10% minimum du module en 2014). Une modernisation des turbines pourrait au mieux compenser cette perte. Encore faut-il que cette modernisation ait un sens : la technologie hydraulique en moyenne et grande puissance est mature, aussi est-il peu probable que les centrales EDF ou petite entreprises vendant actuellement au réseau gagnent énormément de rendement (celui-ci se situe déjà à 80-90% au débit d’équipement, il n’y a pas eu d’évolution récente notable dans les Kaplan ou Francis de chutes moyennes à basses).

• Le potentiel hydraulique est bien sûr faible par rapport au potentiel éolien. Mais l’éolien (ou aucune énergie renouvelable en particulier) ne suffit pas à atteindre les objectifs de transition énergétique. Il est donc inutile d’opposer les sources d’énergie entre elles : toutes seront nécessaires pour produire sur le territoire des substituts aux usages fossiles. Même si l’hydraulique ne représente que 1% de cette substitution, il sera opportun de le développer. D’autant que son tarif de rachat reste plus intéressant (moins cher) pour la collectivité : en terme de priorité, mieux vaut exploiter d’abord les sources d’énergie les moins chères, laissant le temps aux autres de gagner en maturité (et donc de voir leur coût de revient baisser, ce que l’on observe à rythme assez rapide pour le solaire).

• Quand elle est exploitée au fil de l’eau et non en éclusée, comme c’est le cas en Bourgogne, l’énergie hydraulique a bel et bien un caractère quasi-permanent : la turbine fonctionne tant que le débit de la rivière est au-dessus du débit d’armement. Et à la conception du dispositif pour un site particulier, on fait en sorte que cette plage de fonctionnement soit la plus large possible. En revanche, le rendement et la production de l’hydraulique varient avec le débit des rivières, donc en dernier ressort avec la pluviométrie. On ne peut bien sûr exclure des années très sèches impliquant des productions faibles.

Illustrations : barrage (eau potable) à Chamboux ; éolienne à Sombernon.

02/03/2013

La petite hydraulique en Côte d'Or d'après la Taxe de statistique de 1921

5 MW de puissance, 22 GWh de production annuelle, l'électricité de 8000 habitants et un équivalent revenu de 2,2 millions d'euros produit sur le territoire : tel pourrait être le bilan de la micro-hydraulique en Côte d'Or si 80% des seuils et barrages exploités en 1921 (au nombre de 451 à l'époque) étaient aujourd'hui remis en service. Ces données n'incluent pas l'équipement des grands barrages-réservoirs gérés par VNF et des systèmes d'adduction d'eau potable.

Source : la Taxe de statistique de 1921
La loi du 16 octobre 1919 sur l'énergie hydraulique stipulait dans ses articles 8, 16 et 39 que les entreprises utilisant la force de l'eau devaient payer un taxe de 5 centimes par kW de puissance nominale. Cette obligation concernait les ouvrages fondés en titre aussi bien que ceux faisant l'objet d'une autorisation ou concession. Les revenus fiscaux étaient reversés pour moitié aux départements et pour moitié aux communes.

Par circulaire interministérielle du 27 février 1921, il a été demandé d'établir un relevé des taxes de perception pour toutes les usines utilisant un moteur hydraulique en dehors des eaux du domaine public. Ce relevé, appelé Taxe de statistique, a été établi dans chaque département français, puis mis à jour les années suivantes (tous les cinq ans à compter de 1922 pour les petites puissances, à revenu fiscal trop faible pour justifier une enquête annuelle, en dehors des nouvelles installations ou changement d'installations existantes ayant été signalées à l'administration par les propriétaires).

Les Archives départementales de Côte d'Or possèdent la Taxe complète de 1921 (cote SM23897). L'intérêt de ce document est qu'il renseigne avec précision les hauteurs de chute, débits et donc puissances hydrauliques brutes au droit de chaque ouvrage.

Les données des 451 sites cote-doriens
La Taxe de statistique 1921 donne une image  très précise de la capacité hydraulique du département. Les résultats confirme ce qui avait été observé par notre association sur la base de la statistique des moteurs hydrauliques de 1899 et l'analyse du catalogue détaillé d'un constructeur. Entre 1899 et 1921, le nombre de sites recensés a baissé de 568 à 451.

Nombre total de sites équipés : 451 ; Bassin de Seine : 235 ; Bassin de Loire : 21 ; Bassin du Rhône : 195

Puissance totale : 6209 kW (6,2 MW) ; Puissance Seine : 2450 kW (40%) ; Puissance Loire : 191 kW (3%) ; Puissance Rhône : 3568 W (57%) ; Puissance moyenne : 13,8 kW ; Puissance médiane : 8,8 kW ; Puissance maximale : 130 kW ; Puissance minimale : 0,7 kW

Hauteur moyenne : 2,8 m ; Hauteur médiane : 2,4 m ; Hauteur maximale : 19,7 m ; Hauteur minimale : 0,5 m

Débit moyen : 644 l/s ; Débit médian : 395 l/s ; Débit maximum : 4000 l/s ; Débit minimum : 12 l/s

Puissance des 10 rivières les plus équipées : Ouche 1356 kW ; Seine 620 kW ; Ignon 479 kW ; Tille 397 kW ; Bèze 275 kW ; Armançon 272 kW ; Ource 248 kW ; Vingeanne 243 kW ; Serein 198 kW ; Oze 156 kW.

Quelques observations
Les puissances décrites dans la Taxe de statistique de 1921 représentent une base plutôt qu'un maximum. On observe par exemple certaines anomalies : ainsi, l'usine hydro-électrique de Semur-en-Auxois est donnée à 25 kW alors qu'en 1921, elle était déjà équipée de deux turbines totalisant plutôt 100 kW. Par ailleurs, d'autres centrales beaucoup plus puissantes n'étaient pas en place lorsque la Taxe de Statistique a été publiée. Quelques exemples de centrales cote-doriennes installées au cours du XXe sècle (données de CLER 1994) : centrale d'Auxonne 700 kW ; centrale de Drambon 210 kW ; centrale d'Heuilley 689 kW ; centrale de Perigny (Belleville) 500 kW ; centrale de Saintte-Colombe-sur-Seine 400 kW ; centrale d'Arc-sur-Tille 260 kW...

Les faibles puissances moyenne (13,8 kW) et médiane (8,8 kW) indiquent que beaucoup de sites cote-doriens sont destinés à l'autoconsommation (quelques kW), par exemple la production de chauffage (ou l'alimentation de véhicules électriques). Cette caractéristique est due à l'hydrologie modeste d'une tête de bassin versant, et de faibles dénivelés en dehors de certaines zones du Morvan et des Hautes Côtes.

Le classement des rivières en liste 1 ou liste 2 n'entrave pas la restauration de sites de production. En effet, seule la construction de nouveaux sites est interdite en liste 1 (mais la remise en fonction des sites anciens est autorisée, si elle est assortie d'une mise en conformité avec la continuité écologique).

En comptant un facteur de production de 0,5 (qui intègre charge, rendement, débit réservé) et en limitant à 5 MW (20% des sites de 1921 non exploitables), on obtient une production annuelle de 22 GWh. La consommation électrique domestique est estimée à 2,75 MWh par an et par habitant (Eurostat, Insee, RTE, 2011), donc la micro-hydraulique pourrait fournir l'équivalent de la consommation de 8000 personnes. En équivalent revenu (10 c€/kWh), elle représenterait 2,2 millions d'euros produits sur le territoire chaque année.

Ces données sont importantes pour les décideurs. Elles montrent que la micro-hydraulique peut apporter une part modeste, mais réelle, à la transition énergétique dans le département.

Références
CLER (1994), Energies renouvelables en Bourgogne. Bilans et propositions. Rapport édité pour le Conseil Régional.
Ministère des Travaux publics (1921), Taxe de Statistique. Etat récapitulatif des usines existantes à la date du 31 décembre 1921.

Remerciements : nous remercions vivement M. Jean-Marie Pingault (FFAM) d'avoir recherché et copié les Taxes de statistique présentes aux Archives départementales de Côte d'Or.

Illustration : les bassins hydrographiques de Côte d'Or, carte accompagnant la mise à jour de la Taxe en 1926.

26/02/2013

Classement des rivières de Côte d’Or: premiers éléments sur la circulation des poissons



L’arrêté de classement des rivières du bassin Seine-Normandie, pour la partie occidentale de la Côte d’Or, impose aux maîtres d’ouvrage d’assurer la libre circulation d’un certain nombre d’espèces piscicoles, ainsi qu’un bon transit sédimentaire. Chaque rivière classée du département (toutes ne le sont pas, ou pas intégralement) a ses obligations en la matière. On peut consulter l’arrêté de classement Seine Normandie à cette adresse. Le classement Loire-Bretagne (qui concerne le bassin de l’Arroux à l’extrême Sud du département) est consultable ici. Les rivières dépendant du bassin Rhône-Méditerranée, à l’Est du département, n’ont pas encore d’arrêté de classement (la proposition en cours est consultable sur ce site). Rappelons qu’une rivière non classée en liste 1 ou 2 n’a pas d’obligation de continuité écologique sur la période 2013-2018.

Pour commencer à éclaircir ces questions, nous évoquons ici la question du franchissement piscicole, notamment du sens de circulation des espèces (l’autre dimension importante étant le transit sédimentaire, qui sera abordée ultérieurement).

Quelles espèces piscicoles concernées ? 
Les espèces les plus souvent concernées par la continuité en Côte d’Or sont les suivantes : anguille, blageon, bouvière, brochet, lamproie de Planer, lote, truite fario, vairon, vandoise. Sont aussi mentionnés parfois les cyprinidés rhéophiles sans précision, ce qui peut inclure (outre les vairons et vandoises déjà cités) le chevesne, le goujon, le hotu, le spirlin et le barbeau. Chaque rivière n’est concernée que par quelques-unes d’entre elles.

Ces espèces sont considérées comme patrimoniales, et certaines sont protégées. L’ombre commun est parfois signalé en Seine Amont (Champagne plutôt que Bourgogne), mais c’est un choix discutable. En effet, les travaux du Piren Seine (un programme du CNRS) ont montré que l’ombre est considéré comme une espèce importée en Seine-Normandie, où il n’est signalé que vers 1950 (Tales 2009). Difficile d’y voir un intérêt patrimonial dans une logique de renaturation. Il en va de même pour le hotu, qui est une espèce importée en Seine-Normandie.

Pour les espèces dont la circulation doit être assurée, quelles vont être les étapes ? La circulaire d’application du classement des cours d’eau donne quelques premières indications. Les maîtres d’ouvrage vont être contactés par les services de la préfecture afin d’être informés de leurs obligations nouvelles. Ils devront en réponse exposer la manière dont ils entendent assurer la continuité écologique au droit de leur ouvrage.

Montaison ou dévalaison ?
Faut-il assurer la montaison ou la dévalaison des poissons ? La montaison désigne la possibilité de remonter la rivière vers l’amont (donc surmonter la hauteur du seuil ou barrage) alors que la dévalaison ou avalaison désigne la capacité de franchir sans heurt l’obstacle vers l’aval.

La circulaire du 18-01-2013 précise : «Assurer la circulation des poissons migrateurs s’entend, d’une manière générale, à la montaison et à la dévalaison. La règle est donc d’assurer la circulation dans les deux sens, ce qui est particulièrement essentiel pour les espèces amphihalines. Cependant, les mesures à imposer doivent tenir compte de la réalité locale et des enjeux réels des cours d’eau, de l’impact des barrages et de la proportionnalité des coûts par rapport à l’efficacité et aux bénéfices attendus.»

Dans bien des cas, la simple dévalaison devrait être suffisante en Côte d’Or, selon la première analyse de notre association. Il y a plusieurs motifs à cela.

• La circulaire d’application insiste sur le caractère «progressif» et «proportionné» des mesures à prendre. Or la Bourgogne étant située en tête de bassin versant, elle est peu concernée par le remontée des grands migrateurs amphihalins (saumons, aloses, anguilles, etc.) depuis l’Atlantique ou la Manche. Les axes prioritaires de ces espèces sont bien sûr sur la façade occidentale du pays. Même les anguilles présentes en Côte d’Or sont par définition adultes puisque l’espèce se reproduit dans la mer des Sargasses et achève sa croissance en fleuve et rivière : elles ont avant tout besoin de dévaler sans heurt pour rejoindre l’océan et, au final, leur lieu de reproduction.

• La simple dévalaison est encore la règle de «bon sens», comme le signale la circulaire d’application, dans l’hypothèse où l’espèce concernée rencontre rapidement un obstacle non franchissable à l’aval ou à l’amont de l’ouvrage. Dans ce cas, assurer la montaison est hors de proportion puisque le poisson sera de toute façon bloqué par la configuration naturelle du cours d’eau.

• Dans le cas de la Côte d’Or s’ajoute la situation particulière due aux grands barrages de retenue de VNF, qui alimentent le canal de Bourgogne (Cercey, Chazilly, Grosbois I et II, Panthier, Tillot et Pont). Ces barrages n’ont aucun projet d’aménagement à ce jour, alors qu’ils représentent des obstacles infranchissables. Leur proximité d’un autre ouvrage suggère que la simple dévalaison sera dans ce cas la solution la plus progressive et proportionnée au sens de la circulaire d’application. D’autant que la circulaire insiste sur le caractère évolutif de la continuité : quand VNF installera des ascenseurs ou écluses à poissons sur ses propres ouvrages, il deviendra réaliste d’assurer la montaison sur les tronçons concernés. Mais ce n’est pas le cas pour la période 2013-2018.

• Pour les espèces holobiotiques (vivant dans un seul milieu, eau douce en Côte d’or en dehors de l’anguille), la question se pose de savoir si elles sont réellement « migratrices » et si cette migration impose la montaison. Par exemple, les cyprinidés rhéophiles ne sont pas usuellement considérés comme des migrateurs : ils recherchent des eaux vives (ce que signifie leur nom de « rhéophile »), et ces eaux plus turbulentes peuvent être disponibles sur le linéaire de la masse d’eau, à l’amont ou à l’aval des ouvrages. Chaque cas devra être étudié — c’est-à-dire chaque espèce dans chaque rivière, et les conditions de son cycle de vie (accessibilité des frayères et milieux de croissance notamment, si possible connaissance historique sur la densité de peuplement de l'espèce).

• En résumé, la dévalaison permet aux poissons d’éviter la « sectarisation » entre les biefs, de rejoindre des zones propices au développement ou de regagner l’océan pour les grands migrateurs. Une transparence migratoire vers l’aval avec un minimum de mortalité et morbidité est souhaitable. La montaison doit répondre à un besoin biologique précis : rejoindre un lieu indispensable à la reproduction et au développement de l’espèce. Peu de poissons présents dans le classement des rivières de Côte d’Or exigent ce besoin, principalement parce que le département est situé en tête des trois bassins versants (rhodanien, séquanien, ligérien) sans enjeu migrateur important. Cette montaison a par ailleurs un coût plus élevé, un entretien plus complexe du dispositif de franchissement et le principe de proportionnalité exige en conséquence d’examiner attentivement le bénéfice attendu.

Comment et dans quel cas assurer la dévalaison ?
La circulaire d’application du classement des cours d’eau donne de premières indications. «La dévalaison peut être assurée par direction des poissons vers un by-pass ou une goulotte de dévalaison  ou  par  surverse  du  barrage  s’il  n’est  pas  trop  haut.  L’aménagement  doit  être accompagné de la mise en place de grilles à espacement adapté, combinées à un réglage de la vitesse d’approche des grilles et un guidage vers l’exutoire, dès lors qu’il y a lieu d’empêcher les individus de pénétrer dans une dérivation dans laquelle ils sont soumis à une forte probabilité de mortalité : turbines non ichtyocompatibles, pompages, conduite forcée, mise en pression, etc.

«La dévalaison peut être assurée par des mesures de gestion telles que l’arrêt du turbinage et l’ouverture des vannes lors des pics de dévalaison de l’anguille notamment, ou encore telles que le piégeage-transport ou un abaissement de la retenue. La mise en place d’une mesure d’arrêt de turbinage dépend très fortement de la possibilité de cibler les pics de dévalaison afin de réduire au maximum les pertes énergétiques.» 

La circulaire envisage donc principalement les ouvrages équipés en hydroélectricité (ou pompage). Qu’en est-il déjà de la dévalaison pour les seuils sans équipement ?

Dans l’ouvrage classique consacré au franchissement piscicole, Michel Larinier et ses collègues observent que les poissons de taille inférieure à 10-13 cm ne subissent aucun dommage quelque soit la hauteur de chute, et que les poissons de taille supérieure risquent des lésions lorsque la vitesse d’impact acquise pendant la chute dépasse 15-16 m/s, soit des hauteurs de chute importante — pour un poisson de taille supérieure à 60 cm, il faut par exemple 13 m de chute pour atteindre la vitesse critique. (Larinier et el 1999)

La plupart des obstacles à l’écoulement de Bourgogne ayant des tailles modestes (moins de 2 m, et jamais plus de 5 m en dehors des ouvrages VNF), le risque de blessures par choc paraît donc très faible. Un simple déversoir suffit à la dévalaison.

Pour les ouvrages possédant un équipement hydromécanique, l’adaptation dépend de chaque site. Les roues et vis d’Archimède sont considérées comme ichtyocompatibles car leur vitesse de rotation est très lente, et les tests n’ont pas montré de mortalité ou morbidité (voir par exemple Hydrauxois 2013 pour les vis d’Archimède). Pour les turbines, dont la mortalité piscicole induite est proportionnelle à la vitesse de rotation, un système grille-exutoire permet de guider le poisson vers une zone non létale (voir Courret et Larinier 2008).

Et dans le cas de la montaison ?
Dans certains cas, la mise en place d’un dispositif de montaison sera nécessaire. On les appelle des passes ou échelles à poissons, pour les ouvrages de taille modeste (jusqu’à 5 mètres environ). On trouve de nombreux guides en ligne : par exemple en référence Aigoui et Dufour 2008, Larinier et al 1999, Larinier et el 2006 (les liens mènent aux pdf ou aux pages où l'on peut charger les pdf).

Pour retenir l’essentiel :

• On peut concevoir des passes dites naturelles ou rustiques, consistant à construire un bras de rivière artificiel partant de l’amont de l’obstacle et rejoignant l’aval. Ce bras est enroché afin de casser la puissance de l’écoulement et permettre au plus grand nombre d’espèces de l’emprunter. Sa pente est typiquement située entre 2 et 4% pour les espèces présentes en Côte d’Or.

• Quand le terrain ne s’y prête pas, on construit une passe à poisson au niveau de l’ouvrage formant obstacle au franchissement. La passe, généralement en béton, peut être à bassins successifs, à échancrures latérales ou à ralentisseurs, le premier modèle étant le plus indiqué pour les espèces de Côte d’Or. La conception de ces passes dépend principalement de la capacité de nage (croisière, pointe) et de saut des espèces concernées.

• Les anguilles demandent des passes spécifiques, dont la pente peut être forte (30-40%) mais dont le fond doit être garni de rugosités (brosses, macroplots) permettant la montée. Néanmoins, ces dispositifs conviennent mieux aux jeunes anguilles (civelles, anguillettes) et pour les anguilles adultes (cas de la Côte d’Or), il peut être plus simple d’adapter la passe « tout poisson » si elle est prévue.

• Ces passes doivent être conçues en fonction des contraintes hydrologiques (persistance d’un tirant d’eau à toutes les hypothèses de débit saisonnier de la rivière) et écologiques (attractivité de l’entrée de la passe). Elles doivent être entretenues, principalement pour les embâcles et les engravements qui provoquent le colmatage de l’entrée ou des bassins intermédiaires.

Ce que l’autorité en charge de l’eau doit produire sur le département (et mettre à disposition de chaque maître d’ouvrage)
La circulaire d’application insiste à plusieurs reprises sur le caractère «proportionné» des aménagements, et elle spécifie que l’on doit analyser les enjeux réels de cours d’eau comme les bénéfices attendus.

Une analyse détaillée de ces enjeux sur chaque ouvrage devra nécessairement être éclairée par les mesures de qualité de la masse d’eau que l’administration doit mettre à disposition des propriétaires, et qu’elle est censée avoir réalisées aussi bien pour le rapportage de la Directive-cadre sur l’eau que pour la constitution du classement lui-même.

Pour ce qui est en particulier de la circulation des poissons, l’Onema doit produire sur chaque masse d’eau — en priorité les masses d’eau classées — l’ensemble des relevés de pêche ayant permis de constituer l’Indice poisson rivière, qui est la mesure de la qualité piscicole. Ces relevés permettent déjà au maître d’ouvrage de connaître les espèces présentes dans le tronçon concerné, notamment lorsque le classement est imprécis (comme pour les cyprinidés rhéophiles sans plus de détail, par exemple). Ils autorisent également à comparer la fréquence des poissons et la qualité IPR selon le taux d‘étagement des rivières similaires, donc à identifier avec plus de précision les espèces sensibles aux seuils et les gains attendus.

Il est également nécessaire, comme cela a été fait en Haute Seine, que les pressions anthropiques sur chaque masse d’eau soient identifiées, en particulier celles qui affectent les populations piscicoles : le bénéfice réel d’une restauration de continuité écologique dépend toujours des autres facteurs dégradant la qualité de l’eau et limitant l’espoir d’une reconquête du tronçon par les poissons. Cela fait partie de la «proportionnalité» de l'aménagement au sens de la circulaire d'application.

Concernant la morphologie, l’autorité en charge de l’eau doit produire la description de chaque tronçon et en particulier les informations sur les substrats, les types d’écoulement, l’état des berges, la présence de frayères, caches et annexes hydrauliques. Seule une cartographie complète aval/amont permettra d’estimer au mieux les aménagements nécessaires sur chaque ouvrage.

Enfin pour la cohérence hydrographique, il serait nécessaire de disposer à l’échelle de chaque bassin et depuis la rivière principale (ordre de Strahler le plus élevé) des axes de continuité envisagés et des points noirs persistants en l’absence de classement de certains tronçons (typiquement les chutes naturelles et les barrages VNF, plus généralement les obstacles dont l’aménagement ne sera pas assuré sur la période 2013-2018 d’exécution de l’arrêté).

Une garantie de succès : des dispositifs simples, efficaces et peu coûteux
Comme notre association et ses consoeurs de la Coordination Hydro 21 l’ont relevé dans le dossier Continuité écologique en Côte d’Or, une condition évidente du succès de la continuité dans le domaine piscicole sera la capacité à mettre à disposition des maîtres d’ouvrage des équipements efficaces, à moindre coût et à moindre entretien.

En soi, assurer un débit minimum biologique le plus transparent possible en montaison et en dévalaison ne poserait pas de difficulté particulière si les travaux des chercheurs, ingénieurs et techniciens avaient conduit à définir progressivement des solutions abordables.

Mais c’est plutôt l’inverse qui s’observe : le problème principal des ouvrages de franchissement est l’anormale dispersion des coûts observés sur les chantiers et, globalement, le coût moyen très élevé au mètre de chute (entre 30.000 et 80.000 euros selon les études). Les passes les plus fréquentes car les plus adaptées à un grand nombre d’espèces — en bassins successifs — ne sont en définitive que des blocs de béton : que, pour des ouvrages modestes entre 1 et 5 m, leur prix puisse couramment dépasser celui d’une berline, voire d’une maison individuelle est tout simplement incompréhensible du point de vue des matériaux mobilisés. Et inacceptable pour les maîtres d’ouvrages comme pour les dépenses publiques (quand la passe bénéficie d’une subvention, ou d'une indemnité si la charge de construction est jugée spéciale et exorbitante, comme le prévoit l'art 214-17 C env.).

Il importe donc de mener une enquête publique sur l’ensemble des passes installées, afin de comprendre l’origine exacte de la dispersion des coûts, d’identifier le juste prix des prestataires (bureaux d’études ou maîtres d’œuvre) et de définir les solutions qui présentent le meilleur ratio coût-efficacité. Ni l’opacité (des dépenses non justifiées par des bénéfices environnementaux non mesurés) ni l’arbitraire (des positions variables de l’administration d’une rivière l’autre en France) ne seront de mise si l’on souhaite que la franchissabilité piscicole soit assurée dans les meilleures conditions sur la période 2013-2018.

Enfin, notre association comme ses consoeurs de la Coordination Hydro 21 conseille à tous les maîtres d'ouvrage de profiter de ces travaux de modernisation écologique pour installer une production hydro-électrique: avoir toutes les contraintes d'aménagement et entretien de son site sans avoir les avantages d'une production n'est pas une situation très avantageuse. De surcroît, un projet hydro-électrique ouvre droit à diverses subventions. Que les moulins et petites usines retrouvent ainsi leur vocation à l'heure de la transition énergétique sera la meilleure garantie d'une attention du maître d'ouvrage à l'ensemble des paramètres de la rivière, dont la continuité écologique.

Inversement, accepter d'effacer son ouvrage hydraulique représente une perte importante pour le propriétaire (disparition du droit d'eau attaché au bien, dégradation du miroir d'eau de la retenue et de la valeur paysagère) et des risques non mesurés (changement des régimes de crue et étiage, effets sur le bâti). Le choix de l'effacement est toujours possible, mais la perte de valeur du bien va généralement au-delà de la subvention consentie par l'Agence de l'eau (ne finançant qu'une partie des travaux en rivière et ne prévoyant rien pour indemniser le maître d'ouvrage).

Références
Aigoui F et M Dufour (2008), Guide des passes à poissons, VNF CETMEF.
Courret Larinier M (2008), Guide pour la conception de prises d’eau ‘ichtyocompatibles’ pour les petites centrales hydroélectriques, Ademe-Onema-Cemagref
Hydrauxois (2013), La vis d'Archimède. De l'irrigation antique à l'énergie moderne, 18 p.
Larinier M et al (1999), Passes à poissons. Expertise, conception des ouvrages de franchissement, Collection Mise au point.
Larinier M et al (2006), Guide technique pour la conception des passes à poissons ‘naturelles’, Rapport d’étude. 67p
Tales E (dir) (2009), Le peuplement de poissons du bassin de la Seine, Piren Seine.

Illustrations : Wikimedia Commons (de haut en bas CMGLee, Harke, sans auteur)

20/02/2013

Circulaire d'application du classement des cours d'eau: l'Etat entendrait-il faire payer aux maîtres d'ouvrage les mesures qu'il n'a pas réalisées?


La circulaire d'application du classement des cours d'eau vient de paraître. On peut la consulter à cette adresse (pdf). Rappelons que le classement des cours d'eau va imposer, dans les rivières classées en liste 1 et surtout en liste 2, un aménagement des obstacles à l'écoulement (seuils, chaussées, barrages, digues, etc.) afin d'améliorer le transit des sédiments et la circulation des poissons. En Côte d'Or, l'immense majorité de ces obstacles à l'écoulement sont des seuils de moulin de taille modeste, généralement en place depuis des siècles. Les plus grands barrages du département sont des établissements publics gérés par VNF (et épargnés par le classement des cours d'eau, bien que leurs altérations du transit et de la circulation soient majeures).

Une ambiguïté fondamentale dans la circulaire
Le texte fera l'objet d'une analyse détaillée, mais on peut d'ores et déjà en relever une ambiguïté fondamentale. La circulaire explique en effet dans ses motifs généraux d'introduction :
Dans tous les cas, le choix des moyens d’aménagement ou de gestion répondant aux obligations de résultat induites par un classement en liste 2, doit tenir compte des principes d’utilisation des meilleures techniques disponibles ainsi que de proportionnalité des corrections demandées au regard de l’impact de chaque ouvrage et de proportionnalité des coûts par rapport aux avantages attendus. Sur la base de ces principes, il appartient au responsable de l’ouvrage d’analyser l’impact de celui-ci sur la continuité écologique et de proposer les aménagements et modalités de gestion adéquats, et à l’autorité administrative, de fournir les éléments de connaissance qu’elle possède le cas échéant  sur ce point et de fixer les prescriptions  permettant de respecter les exigences du classement, à partir de la proposition d’aménagement ou de gestion faite par le responsable de l’ouvrage.
Le texte laisse entendre qu'il reviendrait à chaque maître d'ouvrage de réunir les informations sédimentaires et piscicoles de sa masse d'eau (phrase en gras). Mais ce point est éminemment problématique : l'administration en charge de l'eau ne peut évidemment prétendre qu'un ouvrage pose un problème sédimentaire et piscicole (raison d'être du classement) sans avoir elle-même procédé aux mesures préalables permettant de prouver l'existence du problème sédimentaire et piscicole au droit de l'ouvrage.  Soit elle admet que les mesures n'existent pas, et la demande d'aménagement ou effacement paraît difficilement fondée. Soit les mesures existent, et c'est à l'administration de les produire au maître d'ouvrage.

Il devient impératif que les mesures soient publiées
Notre association réitère donc plus que jamais la demande qu'elle a déjà formulée : que les administrations en charge de l'eau (principalement Agence de l'eau, Dreal et Onema) publient immédiatement l'ensemble des mesures chimiques, physicochimiques, biologiques et morphologiques de chaque masse d'eau de notre département.

Si ces mesures n'existent pas, ce ne sont certainement pas les usagers de l'eau qui vont se substituer aux obligations de la puissance publique et payer de leur poche un travail que l'Etat n'aurait pas engagé depuis 12 ans qu'il est tenu de le faire (directive-cadre sur l'eau, 2000).

Par ailleurs, le principe de proportionnalité impact/correction ne saurait être déterminé par chaque maître d'ouvrage — on se demande comment le propriétaire serait capable de réunir les informations historiques démontrant dans quelle proportion son ouvrage en particulier a quantitativement altéré les sédiments et les poissons à l'aval ou à l'amont. Si l'Onema a été chargé depuis quatre ans de mettre au point le Référentiel des obstacles à l'écoulement (ROE) et de gérer le Système d'information sur l'eau (SIE), c'est bien pour que cette proportionnalité soit établie de manière claire, transparente et partagée. Ou contestable le cas échéant.

Notre association demandera clarification de ces différents points aux autorités départementales et régionales compétentes.

A lire en complément :
Le dossier de la continuité écologique en Côte d'Or
Bilan chimique et écologique : les mesures que l'autorité en charge de l'eau doit produire
Le classement des cours d'eau : introduction générale
Le référentiel des obstacles à l'écoulement

Continuité écologique en Côte d'Or: le dossier!


Dans ce premier dossier départemental, l'Observatoire de la continuité écologique et des usages de l'eau fait le point sur l'ensemble des problèmes observés en Côte d'Or. Ce travail a été rendu possible par la collecte et l'analyse d'information effectuées par le réseau d'associations locales : Hydrauxois bien sûr, mais aussi nos amis de l'Arpohc en Châtillonnais et de l'APGBCO en plaine de Saône.

Dans les semaines qui viennent, ce dossier sera diffusé aux associations, aux administrations, aux syndicats de rivière, aux élus et aux médias. Mais outre les "décideurs", ce sont tous les riverains qui doivent se saisir de la question de la qualité de la rivière, des causes réelles de sa dégradation et des mesures les plus appropriées pour sa restauration.

Ce dossier fait plus de 40 pages, chaque aspect de la continuité écologique y est exposé de manière didactique, sous forme de question (cf ci-dessous) dont les réponses sont toutes référencées. Ce dossier est aussi l'expression d'une vive inquiétude : alors que de nombreux doutes pèsent aujourd'hui sur la qualité du Système d'information sur l'eau, alors que nulle part il n'est démontré que les seuils et petits barrages forment les altérations majeures de l'équilibre de nos rivières, les associations côte-doriennes refusent que des décisions précipitées détruisent le paysage, le patrimoine et le potentiel énergétique que nous avons reçus des générations passées et que nous lèguerons aux générations futures. Nous souhaitons donc une application concertée, équilibrée, prudente et intelligente du nouveau classement des rivières. Et au-delà, une vraie réflexion collective sur  les usages et mésusages de l'eau.

Sommaire

Introduction : Dix motifs d’inquiétude et un urgent besoin de concertation entre associations, syndicats, élus et administrations

Continuité écologique et hydromorphologie: une place modeste dans l’objectif européen de reconquête de la qualité des eaux
> Rappel: le classement des rivières et la continuité écologique
> La question des seuils et de la continuité est-elle centrale pour le bon état chimique et écologique des rivières?
> Mesure-t-on et explique-t-on correctement les causes de dégradation de nos rivières?

Seuils, barrages et qualité de la rivière : des connaissances encore incertaines, des résultats parfois contradictoires
> Les seuils et barrages transforment-ils l’ensemble du linéaire des rivières?
> Les seuils et barrages affectent-ils de façon manifeste et systématique la qualité piscicole
> Tous les poissons ont-ils besoin d'un franchissement en montaison et dévalaison?
> L’auto-épuration des rivières est-elle affectée par les seuils et barrages?
> Connaît-on l'effet des seuils et barrages sur les espèces exotiques envahissantes?
> Pourquoi ignorer l'effacement naturel des obstacles à l'écoulement?

Patrimoine, paysage, énergie : les dimensions oubliées de la rivière
> La valeur patrimoniale, historique, paysagère et touristique des ouvrages hydrauliques est-elle évaluée?
> Le potentiel énergétique des ouvrages hydrauliques est-il pris en compte?

La continuité écologique en action: un niveau de qualité, de concertation et de cohérence insatisfaisant
> L’incitation systématique à l’effacement assure-t-elle à une gestion durable et équilibrée de la rivière ?
> Qu'est-ce qui est fait pour les grands barrages de notre département gérés par les établissements publics?
> Le principe de précaution est-il respecté dans la politique d'effacement des seuils?
> Les règles et bonnes pratiques des travaux de continuité écologique sont-elles suivies dans les chantiers engagés?
> Quel sera le coût de la continuité écologique et qui va le supporter?

Dix mesures pour réussir la continuité écologique et la reconquête des milieux aquatiques en Côte d’Or

Pour le télécharger (pdf, 4,7 Mo) : Continuité écologique en Côte d'Or

13/02/2013

100%, 20%, 1%...


Le rapport 2013 de la Cour des Comptes est donc paru, confirmant l'ensemble des informations circulant depuis deux mois sur les dysfonctionnements de l'Onema et, plus généralement, du Système d'information sur l'eau en France. Le Premier Président de la Cour a par ailleurs annoncé qu'il y aurait des poursuites, contrairement à ce qu'affirmait Mme Dupont-Kerlan, directrice de l'établissement : «L’exemple de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, créé en 2007, révèle une accumulation de missions mal assurées et des déficiences graves dans l’organisation et la gestion. Devant l’ampleur de celles-ci, la Cour des comptes, par une délibération de la septième chambre, a décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de certains des faits constatés et a transmis le dossier au parquet général à cette fin.» 

Nous n'épiloguerons pas ici sur ces faits, que d'autres commentent avec acuité et dont une synthèse sera produite par l'Observatoire de la continuité écologique.

L'acharnement sur les seuils
Deux points retiendront notre attention. Le premier concerne  l'exercice de la Police de l'eau, avec cette observation de la Cour des Comptes (p.329) :

« Alors que des actions contentieuses ont été engagées contre la France sur le non-respect de la directive européenne sur les nitrates, la «pression de contrôle» est insuffisante pour faire diminuer ce type de pollution et se prémunir contre de nouveaux contentieux. La circulaire du ministère de l’environnement du 12 novembre 2010 fixe en effet un objectif de contrôle peu ambitieux au regard des enjeux : dans les zones les plus sensibles, 1 % seulement des exploitations d’un département font l’objet d’un contrôle. Ce taux, à comparer avec ceux des stations d’épuration (20 %) ou des seuils et barrages (100 %), n’est pas de nature à contribuer à une diminution de la pollution de l’eau par les nitrates. »

100% de contrôle sur les seuils, 20% sur les stations d'épuration, 1% sur les exploitations agricoles intensives... voilà un bon résumé en trois chiffres du problème observé sur les cours d'eau depuis quelques années. L'inexplicable acharnement sur un seul aspect du compartiment hydromophologique des rivières répond à l'indéfendable relâchement sur les causes directes de pollution chimique. Et cela alors que les preuves convaincantes manquent singulièrement pour établir le rôle des seuils et de la petite hydraulique dans la dégradation de la qualité piscicole.

Evaluation et audit des données sur l'eau
Le second point concerne ce communiqué de Mme Batho, ministre de l'Ecologie, qui reconnaît sans commentaire les «graves dysfonctionnements» de l'Onema, mais qui précise surtout :

« Concernant les insuffisances structurelles de la  politique de l’eau, mises en évidence par le rapport de la Cour des Comptes, la Ministre de l’Écologie a souhaité qu’une évaluation de la politique de l’eau soit engagée dans le cadre du chantier de modernisation de l’action publique. Les scénarios d’évolution de la politique de l’eau seront présentés à la conférence environnementale en septembre 2013. Le plan d’action de modernisation de cette politique sera lancé au mois d’octobre. Cette évaluation de la politique de l’eau comportera également un audit transparent et partagé de la production et de la gestion des données sur l’eau. »

Nous prenons acte que la qualité du système d'information sur l'eau est à ce point suspecte qu'elle demande une évaluation de sa politique de mise en oeuvre et un audit complet des données déjà produites.

Mais nous nous étonnons que le Ministère persiste à publier des arrêtés de classements de cours d'eau dont les mesures structurantes (définition du très bon état écologique, peuplement piscicole dans chaque masse d'eau, élaboration des corridors biologiques, etc.) proviennent d'un Système dont la robustesse technique et scientifique est l'objet de sa propre suspicion.

09/02/2013

L'équipement hydraulique de la Côte d'Or en 1899


Créé en 1891, l'Office du travail fut incorporé en 1899 dans  la Direction du travail (au sein du ministère du Commerce) et doté d'un bureau de la statistique générale de la France. L'un des objectifs était de fournir au pays un recensement précis de ses capacités industrielles et commerciales. Parmi elles, les « force motrices à vapeur et hydrauliques » intéressaient évidemment les esprits, en cette fin d'un siècle marqué par le rôle prépondérant de l'énergie. Deux enquêtes quinquennales avaient précédé en 1840-1845 et 1860-1865. Le recensement de 1899 de l'Office du travail permet d'évaluer quel était l'équipement hydraulique de la Côte d'Or.

568 sites équipés de moteurs hydrauliques, pour une puissance de 4,92 MW
Pour les rivières non navigables, la Côte d'Or comptait 565 chutes aménagées. Elle se place en 35e position des départements français (en tête le Puy-de-Dôme avec 1529 chutes, en queue la Seine avec 19 chutes). Sur les rivières et canaux navigables, les aménagements ne comptent que 3 sites (contre par exemple 146 en Haute-Garonne, le département le plus équipé sur ce type de cours d'eau).

Les 565 chutes des rivières non navigables sont exploitées par 509 établissements rattachés aux industries de transformation, 33 relevant de la forêt et agriculture auxquels s'ajoutent 2 services de l'Etat ou des communes. La puissance totale est estimée à 6686 chevaux-vapeur (soit 4,92 MW). La répartition par puissance n'est pas individualisée par établissement ou chute, mai donnée par tranche. Elle est de 146 établissements entre 1 et 4 ch (moins de 3 kW), 210 établissement entre 5 et 10 ch (jusqu'à 7 kW), 122 de 11 à 20 ch (jusqu'à 15 kW), 55 de 21 à 50 ch (jusqu'à 38 kW), 6 de 50 à 100 ch (jusqu'à 73 kW), 1 de 100 à 200 ch (jusqu'à 145 kW) et 2 de 201 à 500 ch (jusqu'à 350 kW).

Des activités  diverses,  largement dominées par la minoterie
Les quatre secteurs dominants sont les industries de l'alimentation (352 établissements), les industries du bois (82), les industries chimiques (30) et le travail du fer, acier et métaux divers (17).

Les dix premières activités plus précisément détaillées sont la minoterie et moulin à farine (313 établissements),  la scierie de bois (64), le battage de grains (32), le moulin à farine associé à d'autres industries (31), l'huilerie (15), le moulin à tan (11), la fabrique de ciment, plâtre ou phosphate (8), la tuilerie et briqueterie (7), la fabrique de moutarde (6), la scierie de pierre (4).

S'y ajoutent de nombreux autres activités n'occupant souvent qu'un moulin spécialisé : ferblanterie, émaillerie, clouterie, fonderie, distillerie, chaudronnerie, poudrerie, etc. La plus grande puissance à 320 ch (235 kW) est mobilisée par une forge. Notons que la statistique de 1899 ne compte que deux établissements produisant de l'électricité (à fin d'éclairage), l'un à 35 ch et l'autre à 60 ch.

Quant aux trois sites sur canaux et rivières navigables (37 ch), ils servent à la fabrication du ciment pour deux d'entre eux et au sciage du bois.

Quelques observations pour conclure
La statistique de 1899 donne une base intéressante sur l'hydraulique cote-dorienne, même s'il n'est pas certain qu'elle reflète la totalité des sites équipés. Les services de l'Office du travail se plaignaient d'un manque  de moyens, surtout après la centralisation du dépouillement à Paris (en association avec le recensement général depuis 1896).

La détermination de la puissance effective (relevant de la Direction de l'hydraulique agricole à la fin du XIXe siècle) est également problématique. Il a été observé la difficulté de définir la puissance d'un moteur hydraulique compte tenu des variations de débit — la puissance nominale sera considérée comme celle de la génératrice après l'électrification, mais cet usage était encore rare en 1899  (Huber 1932).

Références : 
Huber M (1932), La statistique des forces motrices, Journal de la société statistique de Paris, 73, 397-422.
Ministère du Commerce de de l'Industrie (1901), Répartition des forces motrices à vapeur et hydrauliques en 1899, Tome II Moteurs hydrauliques, Imprimerie nationale.

Illustration : turbine centrifuge Fourneyron, représentée par Armenaud aîné in Traité théorique et pratique des moteurs hydrauliques (1868).

L'Onema persiste dans le déni: non, les mesures ne sont pas mises à disposition du public!

En réponse au « scandale de l'eau » lancé par Marc Laimé et repris par Le Monde, sur la base d'un rapport (non public) de la Cour des Comptes, l'Onema a publié un communiqué de presse. L'Office affirme notamment :

L’Onema est chargé, entre autres, de la coordination technique du système d’information sur l’eau, piloté par le ministère. Crée en 1993, le SIE rassemble des données produites par les services déconcentrés de l'État, les agences et offices de l’eau, l'Onema, le BRGM, les collectivités territoriales, les industriels, les associations pour la protection des poissons migrateurs, etc. Ces données sont pour la plupart, mises à disposition des autorités et du public sur les sites Eaufrance.
D'autres bases de données, en cours de développement, rassembleront et mettront à disposition du public d'autres données, par exemple sur les prélèvements d'eau ou sur les flux de poissons migrateurs.

Ce propos est un accompagné d'une liste des sites du système Eaufrance (cliquer l'image pour agrandir) — liste dont l'empilement et l'entrecroisement sont déjà en soi une promesse d'illisibilité pour les citoyens, leurs élus ou leurs associations.

Il est regrettable que l'Onema persiste ainsi dans le déni en laissant entendre que tout va très bien dans le Système d'information sur l'eau et que chacun peut connaître l'état de sa rivière.

72 mesures exigibles sur chacune des 11 000 masses d'eau françaises: où sont-elles ?
Car il existe un problème, et un gros : les mesures exigibles depuis la Directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) ne sont tout simplement pas disponibles. On est à vrai dire incapable en ce début 2013 de savoir si une seule masse d'eau a vraiment la totalité des mesures requises, à la fréquence voulue (nous parlons bien de mesures quantifiées de phénomènes chimiques, physiques ou biologiques, et non pas d'avis subjectifs d'expert dont l'indice de confiance est faible ou qui sont tout simplement dépourvus de sens ;  voir le problème ici.)

La DCE 2000 sur l'eau demande aux Etats-membres d'évaluer l'état chimique et écologique de chaque masse d'eau. Il existe en France 11523 masses d'eau superficielles, dont 10824 concernant des rivières. En moyenne, une masse d'eau de rivière représente 22 km de tronçon. Cette masse d'eau est délimitée par sa cohérence : hydrologie, géologie, influence anthropique. (Source : WISE, rapportage français à l'Union européenne.)

Sur chaque masse d'eau, l'Etat-membre doit produire à la fréquence requise pour chaque indicateur (Arrêté du 25 janvier 2010). :
• 5 mesures biologiques
• 18 mesures physicochimiques
• 8 critères de description morphologique
• 41 mesures chimiques

Et c'est là une demande conservatrice de la part de l'Union européenne puisque l'étude menée en 2007-2009 sur les milieux aquatiques continentaux avait révélé la présence de 413 micropolluants en eaux superficielles (Etudes & Documents 54, 2011)

Aucun site ne fournit de manière synthétique et claire ces données pour chaque masse d'eau
Or, quand nous demandons ces mesures sur chacune des masses d'eau de Côte d'Or, ni l'Onema ni l'Agence de l'eau ne sont capables de nous donner un lien efficace, c'est-à-dire un site où chaque masse d'eau dispose de son rapport de mesure comprenant l'ensemble des 72 analyses nécessaires au terme de la DCE. L'Onema renvoie vers des relevés piscicoles (type Indice poisson rivière) ne concernant qu'une poignée de cours d'eau par département, et l'Agence de l'eau vers des sous-sites Eaufrance dont aucune ne comporte l'ensemble des masses d'eau (et dont les rares que nous trouvions à proximité de l'Auxois annonçaient une "base indisponible", encore un exemple ci-contre en date du 7 février).

Il semble que la Direction de l'eau et de la biodiversité au Ministère de l'Ecologie commence seulement à prendre la mesure de l'état déplorable de l'information sur l'environnement aquatique. C'est inquiétant :  cette information est non seulement un devoir vis-à-vis de l'Union européenne (rapportage de chaque état-membre pour le suivi de la Directive-cadre sur l'eau), mais elle est également un devoir vis-à-vis des citoyens, qui entendent pouvoir accéder simplement et efficacement au bilan chimique et écologique de leur rivière.

Si le Système d'information sur l'eau vise la transparence sur les mesures réellement effectuées, rien de plus simple : il suffit de réunir sur un même site, avec entrée par bassins et rivières, la liste des masses d'eau et d'un simple clic accéder à un bilan chiffré des analyses : substance (ou paramètre), année, mesure, écart de cette mesure par rapport à la normale ou la valeur maximale admissible. Nos concitoyens sont capables de lire une analyse de sang sur ce principe, ils peuvent parfaitement lire une analyse de qualité des milieux aquatiques. Pourvu que l'Autorité en charge de l'environnement soit décidée à faire la lumière sur ce qui a été réalisé ou non. Pourvu aussi qu'elle consente réellement à assurer l'accès transparent et efficace aux données relatives à l'environnement.

Le mauvais argument du manque de moyens
L'argument généralement repris ces temps-ci en défense des établissements publics travaillant pour l'Autorité en charge de l'environnement est celui du "manque de moyens". Mais c'est peu recevable : les Agences de l'eau disposent d'un budget annuel de l'ordre de 2 milliards d'euros — auquel s'ajoute le budget des établissements qui, outre l'Onema (principalement abondé par les Agences), concourent à une partie des mesures chimiques et biologiques : Irstea, Ifremer, Museum national d'histoire naturelle, etc.

Les moyens existent donc depuis 12 ans que la Directive-cadre a été adoptée. C'est leur usage qui est en cause. Et c'est la Direction de l'eau et de la biodiversité au Ministère de l'Ecologie qui, en dernier ressort, doit en répondre.

En terme de mésusage, on observera que, à rebours de la méthodologie préconisée par l'Union européenne*, des sommes importantes ont été dédiées au compartiment hydromorphologie (mise en place du Référentiel des obstacles à l'écoulement, opérations-pilotes au budget souvent pharaoniques sur l'effacement de 1200 ouvrages prioritaires de la circulaire Grenelle 2010, etc.). Cela alors même que les mesures de base sur la pollution chimique et la dégradation biologique n'étaient pas réunies — de sorte que l'on se précipite en réalité de faire librement circuler des eaux et sédiments pollués dans les rivières, les fleuves, les estuaires et finalement les océans. Et que nul ne peut estimer le rapport coût économique-bénéfice écologique des opérations dites de "restauration des milieux aquatiques". (Rappelons tout de même à titre d'exemple que, sans l'intervention d'un Collectif associatif, on s'apprêtait à dépenser à Semur-en-Auxois un demi-million d'euro pour supprimer un petit barrage, et son socle granitique naturel dans la foulée ; avec une telle somme, on peut tout de même financer des prélèvements et des analyses sur les rivières de Côte d'Or...)

Les deux premiers travaux de l'Observatoire de la continuité écologique suggèrent fortement que la grande majorité des obstacles à l'écoulement longitudinal ne sont pas les causes de la dégradation piscicole observée depuis le XXe siècle. Aussi la question se pose : les gouvernement successifs ont-ils eu réellement la volonté de chercher et de traiter les causes de détérioration des milieux aquatiques? Ou ont-ils choisi des mesures "visibles" pour dissimuler le catastrophique retard dans la connaissance et dans l'action?


(*) La Communauté européenne a adopté cet arbre de décision (image ci-dessus), au terme duquel les Etats-membres doivent d'abord mesurer l'état biologique (5 marqueurs), puis en cas de résultat médiocre analyser les causes physicochimiques d'altération. L'hydromorphologie (incluant les obstacles à l'écoulement latéraux et longitudinaux, mais aussi 6 autres critères) n'est pas considérée comme un critère décisif pour le bon état de la rivière.

PS : on lira avec la lettre ouverte de M. Jean-Luc Touly, membre du Comité national de l'eau et du Comité de bassin Seine-Normandie (dont dépendent nos rivières en Auxois).