18/12/2012

Etat chimique et écologique de nos rivières: où sont donc les mesures ?

A partir de 2000, l’Union européenne a établi un cadre communautaire pour la protection et la gestion de l’eau, à travers une directive-cadre (DCE). La démarche a été programmée en deux temps : d'abord, identifier et analyser les eaux européennes, recensées par bassin et par district hydrographiques ; ensuite, proposer des plans de gestion et des programmes de mesures adaptés à chaque masse d’eau. Cela en vue en vue d'atteindre un bon état chimique et écologique des masses d'eau européennes en 2015 (avec prorogation justifiée 2021, 2027).

Nous examinons ici les différents critères du bon état chimique et écologique de nos rivières tels que les a définis l'Union européenne, puis la loi française. Nous constatons que la France ne semble apparemment pas capable de produire en 2013 des mesures chimiques et écologiques complètes pour l'ensemble de ses rivières – bien qu'elle prétende par ailleurs les classer selon leur « état écologique », contrevenant manifestement à ses engagements européens.

Les textes cités au fil de l'article sont consultables dans les références finales (sauf exception de lien direct).

Etat chimique d'une masse d'eau
Pour apprécier l'état chimique d'une masse d'eau, la DCE établit une liste de 41 substances chimiques : 33 substances prioritaires et 8 substances dangereuses. Les substances prioritaires doivent être inférieures à des taux maximaux de concentration définis par les normes de qualité environnementale ; les substances dangereuses doivent être éliminées.

Il n'existe pas de gradient dans l'état chimique d'un cours d'eau : il est respecté ou non respecté. Les mêmes valeurs seuils s'appliquent à toutes les masses d'eau (de surface).

Les substances concernées sont des hydrocarbures (HAP), des métaux, des pesticides, des polluants issus de l'industrie ou de l'usage domestique. Une masse d'eau dont les 41 mesures n'ont pas été effectuées contrevient à la DCE et son état chimique ne peut être qualifié.

Etat écologique d'une masse d'eau
L'état écologique d'une rivière ne correspond pas toujours à des seuils déterminés par l'Union européenne, même s'il existe une réflexion commune dans le cadre du groupe Ecostat (Ecological Status). Chaque Etat-membre fixe sa méthodologie. Trois paramètres sont pris en compte en France pour évaluer l'état écologique : état biologique, état physico-chimique dont présence de polluants spécifiques à effet biologique, état hydromorphologique (voir en référence Guide technique 2009 faisant suite à la circulaire du 28 juillet 2005 et aux instructions de décembre 2007, ainsi que l'arrêté du 25 janvier 2010 sur le classement des rivières reprenant ces critères).

Etat biologique - Il est analysé par plusieurs types de mesures complémentaires, dont nous indiquons ici les indices les plus fréquemment employés :
• Indice biologique macrophytique en rivière (IBMR) pour l'eutrophisation (les macrophytes sont des algues visibles)
• Indice biologique global normalisé (IBGN) pour le peuplement macrobenthique
• Indice biologique diatomées (IBD)
• Indice poissons en rivière (IPR), peuplement piscicole en écart à la station de référence du milieu

Etat physico-chimique - Six mesures sont requises pour apprécier cet état :
• Bilan de l'oxygène (dissous, saturation, DBO5 et carbone organique)
• Température
• Nutriments (composés phosphorés PO4x, azotés NO2x, NO3x, NH4x)
• Acidification (pH)
• Salinité (si pertinent)
• Polluants spécifiques (métaux et phytosanitaires : arsenic, cuivre, zinc, chlortoluron, oxadiazon, linuron, 2.4 D, MCPA)

Etat hydromorphologique - Ce critère inclut diverses mesures dont l'appréciation est mal normalisée – la France insiste sur cette dimension spécifique plus que ne le font les textes européens, d'abord attachés aux paramètres mesurables de qualité chimique, biologique et physicochimique. La description de l'état hydromorphologique inclut notamment :
• connectivité latérale et longitudinale (obstacles à l'écoulement)
• nature des substrats
• dynamique sédimentaire érosions / dépôts
• diversité des régimes d'écoulement
• nature de la berge et ripisylve

Une approche fondée sur la preuve
Quoiqu'elles puissent paraître complexes au premier abord, les informations relatives au bon état chimique et écologique des masses d'eau sont finalement assez claires : on a une liste finie de critères à renseigner, avec dans certains cas des valeurs seuil définies par l'UE, dans d'autres cas des valeurs seuil ou des situations de référence décidées par l'Etat-membre dans son rapportage à l'UE.

La liste des substances concernées, le choix de tel ou tel indicateur peuvent nourrir des débats légitimes sur leur capacité à refléter la qualité des milieux aquatiques. On sait par exemple que les micropolluants de rivière se comptent en centaines, et non en dizaines, de sorte que le choix de l'UE peut paraître conservateur. De même, la notion de référence pour le peuplement piscicole d'une rivière donne lieu à des ambiguïtés, car elle est calculée sur des cours d'eau quasi-indemnes de toute influence anthropique ne correspondant plus aux usages économiques et sociaux depuis un grand nombre de générations.

Il n'en demeure pas moins que l'Union européenne a posé le fondement d'une démarche saine, que l'on dit « fondée sur la preuve » (evidence-based). Il ne s'agit de parler dans le vide ou dans le flou, sous prétexte qu'il existe un consensus pour un meilleur état écologique de nos milieux, mais bien de mesurer clairement les facteurs de dégradation. Et de n'agir qu'en connaissance de cause, lorsque l'on possède les informations complètes sur l'état des masses d'eau (souterraines, littorales ou de surface continentale) et sur les mesures prioritaires pour l'améliorer.

Informations non accessibles
Ces informations sur la qualité de l'eau devraient être accessibles à tous, de manière compréhensible par tous. Et en soi, la chose est aisée. C'est un peu comme une analyse de sang, où chacun regarde ses résultats et observe des écarts par rapport à la référence : inutile d'avoir un doctorat en hématologie pour comprendre si notre formulation sanguine a un problème !

Depuis bientôt 12 ans que la directive-cadre sur l'eau a été adoptée, on s'attend donc à ce que les citoyens disposent aujourd'hui d'un atlas Seine-Normandie, avec les données établies pour chaque masse d'eau (état zéro, puis mesures successives de contrôle de l'évolution) sous forme d'une fiche à télécharger ou à consulter en ligne, et d'un rapport annuel.

En d'autres termes, que chaque citoyen puisse savoir facilement : ma rivière est-elle en bon état chimique et écologique ? Et si elle ne l'est pas, quelles en sont les preuves, et les causes présumées ?

Hélas, il n'en est rien.

Un dispositif lourd, un budget conséquent
Pour satisfaire à ces obligations, l'Agences de l'eau Seine-Normandie (dont dépend la partie occidentale de notre département) a mis en place quatre « réseaux de contrôle » dédiés à la surveillance permanente (RCS), aux actions opérationnelles sur certains cours d'eau éloignés de l'objectif (RCO), à l'enquête sur des pollutions accidentelles (RCE) et à l'analyse additionnelle des zones protégées (RCA). Et pour faire bonne mesure, un réseau complémentaire de bassin (RCB) a été ajouté au dispositif.

Outre l'Agence de l'eau et l'Onema, principaux maîtres d'oeuvre de l'évaluation chimique et biologique des cours d'eau, toutes sortes d'organismes et d'administrations ont été mobilisés et sont énumérées dans le rapport 2011 sur l'état des milieux aquatique (AESN 2011, p. 2) : Ifremer, Cemagref (aujourd'hui Irstea), BRGM, Museum national d'histoire naturelle, Cellule de suivi du littoral normand, Centre d'étude et de valorisation des algues, DREAL, collectivités territoriales, bureaux d'études, laboratoire d'analyses...

Le budget alloué à la restauration écologique et la connaissance des milieux aquatiques est conséquent. Dans le Rapport annuel 2011 de l'Agence de l'eau, en Seine-Normandie, on observe que 57,5 millions d'euros sont dédiés à la seule étude de la qualité des eaux (et 48,8 millions d'euros à l'intervention).

Complexité, opacité, inefficacité
Hélas, la complexité du dispositif (que nous simplifions grandement ici en vous épargnant la profusion des bases de données, des référentiels, des méthodologies, etc.) n'a d'égale que l'opacité de ses résultats. Et leur rareté.

La Commission européenne ne s'y était pas trompée dans son premier rapport 2009 sur le suivi de la DCE en observant : «Il est encore nécessaire d’améliorer certains aspects du système afin de garantir la clarté et l’exhaustivité des rapports transmis, condition sine qua non pour que la Commission puisse effectuer une analyse correcte de la mise en œuvre de la DCE. Les rapports de l’Autriche, de la République tchèque, de la Hongrie et des Pays-Bas sont des exemples de bonne pratique en matière de clarté des informations communiquées.»

Chacun aura remarqué que la France ne faisait pas partie des bons élèves en terme de clarté et exhaustivité.

Pour donner un exemple, dans le rapport 2011 précité (AESN 2011, p. 10), l'Agence de l'eau observait : «Les données ont permis d'attribuer un état chimique à 324 masses d'eau suivies, lesquelles représentent 44% du linéaire total sur les 1688 masses d'eau du bassin. Il n'est en effet pas possible d'attribuer un état à plus de 80% des masses d'eau faute de données et/ou d'outils.»

Arriver à 80% des masses d'eau non renseignées sur leur état chimique dix ans après l'adoption de la DCE : on comprend la perplexité de la Commission européenne  !

Quel examen réel des masses d'eau ?
Les points de prélèvement des réseaux de surveillance dont nous parlions précédemment sont (selon l'Agence de l'eau 2011) au nombre de 391 pour l'analyse permanente (RCS) et de 691 pour l'analyse ponctuelle (RCO), ce qui est manifestement inférieur au nombre total de masses d'eau signalées par l'Agence (1688 dans le bilan publié en 2011).

Ce n'est pas très étonnant qu'une masse d'eau n'ait pas de donnée chimique si elle n'a pas pour commencer de point de prélèvement...

De surcroît, le maillage des masses d'eau par l'Agence de l'eau soulève un problème de fond : l'état chimique et écologique d'un cours d'eau ne s'apprécie pas par une mesure prise à 30 ou 60 km des facteurs dégradants (par exemple un élevage, un rejet industriel ou domestique, une succession de seuils, etc.). Donc, on s'interroge la valeur scientifique réelle des « points de prélèvement » et des « masses d'eau » quand il s'agit de statuer sur la qualité de l'eau dans tel ou tel tronçon du Serein, de l'Armançon, de la Brenne ou de tout autre cours d'eau de notre département.

Si l'on se pose des questions sur la qualité chimique et écologique de l'Armançon à Montbard, on ne sera que modérément informé par des mesures faites à Pont ou à Tonnerre, par exemple... La densité des analyses chimiques et écologiques est donc une condition de leur capacité à refléter l'état réel de nos rivières.

Le classement des rivières
Si vous trouviez déjà les précédents développements un peu compliqués, sachez que nous n'êtes pas tout à fait au bout de vos peines. Car au terme de la Loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, la France a décidé de produire le 1er janvier 2014 au plus tard un nouveau classement des rivières (voir ce premier article d'explication). Celui de Loire-Bretagne est paru à l'été 2012, celui de Seine-Normandie vient tout juste d'être publié au Journal Officiel.

Les rivières ont trois statuts possibles : liste 1, liste 2, non classées. La liste 1 correspond à une masse d'eau en très bon état écologique, à un réservoir biologique classé au titre d'une protection ou à une rivière à fort enjeu migrateur. La liste 2 rassemble les rivières « à restaurer » dans lesquelles il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons. Pour le franchissement piscicole, le Code de l'environnement mentionne les poissons « migrateurs », mais d'autres espèces ont été introduites.

On voit donc que le cœur du classement est constitué par la distinction des rivières en bon état écologique (liste 1) et des rivières à simple potentiel de bon état écologique (liste 2). Il n'échappe à personne que cette notion de « bon état écologique » est justement celle que la directive-cadre sur l'eau de 2000 a défini.

Les cours d'eau de l'Auxois et du Châtillonnais ont-ils été analysés ?
Nous publions par exemple en annexe de cet article la liste des tronçons de rivières de Côte d'or (bassin Seine seulement, c'est-à-dire partie occidentale du département) faisant l'objet d'un classement soit en liste 1, soit en liste 2.

Les services publics de l'eau sont-ils capables de produire pour chacun de ces tronçons la liste complète des mesures prévues dans le cadre de l'application de la DCE 2000, pour le volet état écologique ? Ont-ils vraiment mesuré sur chaque tronçon les 4 indices biologiques, les 7 indices physicochimiques, la liste des polluants spécifiques ? Ont-ils une description cohérente et comparative des paramètres hydromorphologiques ?

Nul ne le sait, et il n'est pas tout à fait certain que les services concernés le sachent eux-mêmes, au regard des échanges que nous avons avec ceux qui daignent nous répondre... (pas l'Onema par exemple). Même le travail récent (par ailleurs de bonne qualité) sur le bassin Haute Seine, que nous avons commenté ici, ne comporte pas toutes les informations requises pour juger l'état écologique des cours d'eau concernés (ni l'état chimique). Sans parler des travaux bien plus minces sur les bassins Serein ou Armançon, du moins ceux qui sont accessibles au public à ce jour.

Le préfet coordonnateur de bassin devra justifier le classement
Pourtant, il paraît très difficile d'imaginer que le préfet coordonnateur de bassin ait publié ce 18 décembre 2012 un classement des rivières Seine-Normandie en « bon état écologique » ou en potentiel de « bon état écologique » sans pouvoir le justifier par rapport aux critères retenus par la règlementation française et européenne.

On observe par exemple que dans le classement des cours d'eau du bassin Loire-Bretagne, déjà publié cet été, il n'existe quasiment aucune mesure sur les masses d'eau des 8 polluants chimiques susceptibles d'altérer la biologie, ni des macrophytes. Or, l'arrêté du 25 janvier 2010 stipule que ces données font partie de la définition d'un bon état écologique. (A défaut d'une mesure directe, il faut présenter une modélisation validée permettant de quantifier le polluant dans la masse d'eau concernée... procédure pour le moins étrange, quand on sait la complexité d'une modélisation pour exclure la présence de traces d'éléments chimiques donnés. Nous sommes en conséquence curieux d'obtenir la publication de ce genre de modèle, et notamment de vérifier sa validation scientifique dans des revues évaluées par les pairs).

Il faut également noter qu'au regard de la circulaire DCE 2008/25 sur le même classement des cours d'eau, il avait été précisé par le Ministère de l'Ecologie : «Le gain écologique (maintien ou restauration) doit être vérifié au regard du diagnostic de la continuité des habitats. Si ce gain est faible ou inexistant, le déclassement doit être la suite logique.» En conséquence de quoi le préfet coordonnateur de bassin est tenu de justifier à publication du classement que le gain écologique est «non faible» pour un cours d'eau en liste 2 et que le déclassement n'était pas le choix le plus logique.

Rien de tout cela n'apparaît dans le « Document technique d'accompagnement » ou les autres pièces fournies en Loire-Bretagne. Soit une situation quelque peu ahurissante où la France paraît décréter administrativement l'état de ses rivières sans avoir au préalable analysé scientifiquement cet état. Nous verrons très vite ce qu'il en est sur le bassin Seine-Normandie et nous vous tiendrons ici informés des réponses de l'administration à nos requêtes.

Ce que nous attendons : en finir avec la confusion...
Notre association espère mettre fin dans les meilleurs délais à cet état de confusion totale sur les cours d'eau de Côte d'Or dépendant du bassin de Seine-Normandie. Les citoyens ont le droit d'être informés ce qui a été fait (ou non) pour apprécier la qualité de leurs rivières, mais surtout d'en être informés de manière accessible, en publiant tout simplement l'ensemble des mesures exigées par la directive-cadre sur l'eau de l'Union européenne et par ses translations ou circulaires d'application en France.

La question que nous posons est donc simple : dispose-t-on oui ou non de l'intégralité des mesures d'état chimique et écologique des eaux de surface ?

Sans réponse à cette question, on devra logiquement conclure que l'Onema et l'Agence de l'eau ne sont pas capables de donner un état chimique et écologique de nos rivières conforme à l'ensemble de nos obligations européennes, et surtout conforme à la réalité de nos cours d'eau. Subsidiairement, que le préfet de bassin ne sera pas capable de justifier devant le juge administratif un classement de masse d'eau en liste 1 ou liste 2 fondé sur les mesures règlementaires à cette fin.

… et les diversions
La réponse à ces questions ne saurait évidemment être celle qu'un responsable de l'Agence de l'eau Seine-Amont nous a faite, à savoir d'aller voir sans plus de précision sur le portail labyrinthique et kafkaïen Eau France. Portail qui vous informe par exemple que la base de données requise est «indisponible» (voir capture d'écran ci-contre)...

La base de données serait-elle disponible quelque part dans le labyrinthe des fichiers empilés, le problème est ailleurs : il ne devrait y avoir aucune difficulté à donner à chaque citoyen qui en fait la demande le fichier des diverses mesures chimiques et écologiques du cours d'eau dont il est riverain. C'est une question (constitutionnelle) de bon accès à la documentation et à l'information environnementales. L'Onema le reconnaît d'ailleurs comme une de ses missions :

«Le système d’information sur l’eau (SIE) est conçu pour répondre aux besoins des parties prenantes (y compris le grand public) en matière d’information environnementale publique dans le domaine de l’eau. L’enjeu : disposer d’un outil national, homogène et à fonctionnement partenarial, au service d’une gestion de l’eau pilotée par la connaissance et permettant d’évaluer les politiques, au niveau européen mais également à l’échelle des bassins.»

Pour la Commission européenne, un « problème majeur »
La Commission européenne s'est à nouveau inquiétée en novembre dernier de certains aspects de la politique de l'eau en France pour le suivi de la directive-cadre (voir notre premier article). Voici quelques extraits complémentaires faisant naître le doute sur la capacité de notre pays à juger réellement les causes de dégradation de ses masses d'eau, et notamment de ses rivières :

«Il y a des manques dans la réseau de surveillance des eaux de surface. Tous les éléments de qualité environnementale ne sont pas surveillés dans les programmes de mesure (…) Le statut chimique des eaux de surface a été considéré comme correct pour un peu plus de 53% des masses d'eau, tandis que 23% ne parvenaient pas à ce statut. Le pourcentage élevé (34,1%) de masses d'eau en état chimique inconnu doit être souligné. C'est un problème majeur, car cela entrave le reste du processus de programmation, c'est-à-dire l'établissement des objectifs et la mise au point des mesures appropriées pour améliorer l'état (…) L'analyse des éléments qualitatifs fondant les caractéristiques physico-chimiques et hydromorphologiques n'a généralement été développée que partiellement à ce jour (…) Pour les éléments hydromorphologiques, la continuité de la rivière et les conditions morphologiques n'ont généralement pas été analysés. Dans les premiers programmes par bassin, des standards n'ont pas encore été établis pour les données hydromorphologiques, et l'évaluation a été fondée sur l'information disponible sur les pressions hydromorphologiques».

Des jolies plaquettes (inutiles) aux vraies données (indispensables)
Nous partageons l'inquiétude de la Commission européenne. Nous avons eu droit depuis quelques années à des développements très bavards sur la continuité écologique et particulièrement sur les obstacles à l'écoulement qui, comme on l'observe à l'analyse de ce que demande réellement la DCE, ne représentent qu'une dimension annexe de l'état chimique et écologique de nos rivières.

Inversement, les mesures indicielles claires correspondant à un état objectif de la qualité de l'eau sont fort difficiles à trouver, et peu commentées si elles existent. Il est grand temps que l'on cesse de dépenser de l'argent public dans des belles plaquettes quadrichromiques sans contenu réel (ou dans des pinaillages de droit d'eau sans fondement), et que l'on informe correctement les citoyens sur les vraies mesures scientifiques de pollution et dégradation de nos rivières.

Notre action est territoriale, et volontairement limité aux cours d'eau dont nous sommes riverains. Mais nous encourageons bien sûr toutes les associations de défense de la qualité de l'eau ou du patrimoine hydraulique à poser les mêmes questions aux établissements publics en charge de fournir les réponses.

Références citées
Annexe
Liste des cours d'eau Côte d'Or du bassin Seine Amont dont le préfet de bassin devra justifier le classement en liste 1 ou liste 2 au regard des paramètres mesurés de l'état écologique (arrêté du 25 janvier 2010) et d'une appréciation du gain écologique (circulaire de cadrage DCE 2008/10)
Code Hydro et cours d'eau ; F00-0400 Le Revinson ; F0002000 Ruisseau du Feu ; F0003000     Ruisseau de Jugny ; F0003500 Ruisseau du Movillot ; F0011000 Ruisseau des Trois Fontaines ; F0020600 La Coquille ; F0022000 Le Prelard ; F0028000 Ruisseau de Banlot ; F0050600 Le Brevon ; F0058000 Ruisseau du Noin ; F0110600 Rivière de Courcelles ; F0111000 Ruisseau du Creux Manchard ; F0240600 Ruisseau du Val Dupuis ; F0400800 Fossé 01 de la Tanière ; F0402250     Fontaine au Devin ; F0404000 Ruisseau de Chaugey ; F0404600 Ruisseau des Pres Mous ; F0405000     L'Arce ; F0405500  Ruisseau de Bure ; F0406000 La Groeme ; F0408000 Ruisseau de Valverset ; F0410600 La Digeanne ; F0413000 Ruisseau de Villarnon ; F0413500 Ruisseau du Fays ; F0415000 Ruisseau de la Cave ; F0421000 Ruisseau du Canal ; F0436000     Ruisseau de Beaumont ; F1020600     L'Aubette (bras) ; F1025000 Ruisseau de Combe-Jean ; F1040600  Le Coupe-Charme ; F1042000     Ruisseau de Fontenil ; F3--0210 L'Armançon ; F3132000 Ruisseau de la Vente ; F3133000     Ruisseau des Pontas ; F3134000 Ruisseau de Chaillou ; F3140600 La Romanee ; F3145000 Le Tournesac ; F3147000 Le Vernidard ; F32-0400 Le Serein ; F3232000  La Baigne ; F3232200     Ruisseau de Saulieu ; F3232250 Ruisseau de Balathier ; F3232300 Ruisseau des Comes ; F3232400     Le Brazon ; F33-0400 La Brenne ; F3301000 Ruisseau de la Motte ; F3317000 Ruisseau de la Belle Fontaine ; F3321000 Ruisseau de Roussot ; F3321500 Ruisseau de l'Envers ; F3322000 Ruisseau du Moulin ; F3322500 Ruisseau de la Come ; F3323000 Ruisseau de Vernet ; F3323500  La Golotte ; F3324000 Ruisseau du Val d'Ete ; F3324500     Ruisseau de Roche d'Hy ; F3325000 Ruisseau de Batarde ; F3325500  Ruisseau du Pontot ; F3325501 Bras la Brenne ; F3326000 Ruisseau de Miard ; F3326400 Ruisseau du Grand Pre ; F3326500 Ruisseau de Volnay ; F3327500 Ruisseau de Quionquere ; F3328000 Ruisseau de Chemerey ; F3328500 Ruisseau de la Lochere ; F3330600 L'Ozerain ; F3331000 Les Combes ; F3332000 Ruisseau de Fontette ; F3333000 Ruisseau de Barain ; F3334000  Ruisseau de Saint-Cassien ; F3334500 Ruisseau de Chevrey ; F3335000 Ruisseau Guenin ; F3336000 Ruisseau de Jagey ; F3337000 Ruisseau de Grissey ; F3338000 Ruisseau du Val Sambon ; F3350600 L'Oze ; F3351000 Ruisseau des Fosses ; F3352000 Ruisseau de Vau-Mercy ; F3352700 Ruisseau de Trouhaut ; F3353000 Ruisseau de la Combe de Pâques ; F3354000 La Drenne ; F3354300 Le Drevin ; F3354380 Ruisseau de la Barre ; F3354700 Ruisseau de Come ; F3356000 Ruisseau de Presilly ; F3357000 Ruisseau du Canal ; F3358000 Le Vau ; F3359000 Le Rabutin


Le classement des cours d'eau Seine-Normandie vient de paraître

Le nouveau classement des cours d'eau du bassin Seine-Normandie est paru ce 18 décembre 2012 au Journal Officiel. Ce classement concerne les rivières de Cote d'Or dépendant du bassin sequanien, notamment le Châtillonnais et l'Auxois. Les informations techniques sont disponibles sur le site de la DRIEE : arrêté liste 1, arrêté liste 2, Document technique d'accompagnement, Etude d'impact.

Pour comprendre les enjeux du classement des rivières, vous pouvez lire ce texte d'explication.

Notre association fera dès lundi prochain une demande officielle d'information visant à obtenir l'intégralité des mesures prévues dans les arrêtés du 12 janvier 2010 et du 25 janvier 2010. En effet, attribuer un état écologique (ou un potentiel d'état écologique) demande la connaissance préalable des conditions biologiques, physicochimiques et hydromoprhologiques de chaque masse d'eau. Nous entendons vérifier que ces données sont disponibles, conformément aux engagements européens de la France en matière de surveillance des milieux aquatiques. De même, la circulaire d'application 25/02/2008 DCE2008/25 demandait au préfet coordonnateur de bassin d'évaluer le gain écologique entre un classement L2 et un déclassement, et notre association entend vérifier là aussi que cette démarche a été entreprise pour chaque masse d'eau.

Rappelons que le classement des rivières du bassin Loire-Bretagne, publié en août dernier, a fait l'objet de plusieurs recours en annulation. Et que l'Onema n'a à ce jour pas répondu à nos demandes d'accès aux informations sur les programmes de surveillance en Côte d'Or. Ces points seront exposés en détail dans un prochain article.

13/12/2012

Le projet d'aménagement du barrage de Semur-en-Auxois est lancé!

L'association Hydrauxois vient de signer une convention avec la Commune de Semur-en-Auxois en vue de valoriser le barrage communal, dit Foulon de la Laume. Pour Hydrauxois, c'est évidemment un grand honneur et une grande responsabilité. La Commune a annoncé le lancement du projet d'aménagement dans le magazine de la ville (Semur Mag 12) et dans Dijon Beaune Mag.

Les 7 dimensions d'un vrai projet d'aménagement
Que signifie concrètement un projet d'aménagement du barrage de la ville ? Plusieurs dimensions doivent être prises en compte, qui reflètent tous les usages actuels et futurs de l'eau comme des berges.

Production énergétique. C'est la fonction première du barrage. Et aussi la seule source de revenus, donc la condition de financement des autres aménagements. La puissance d'équipement du barrage est comprise entre 100 et 150 kW (production annuelle entre 3 et 5 MWh) et différents dispositifs peuvent être installés sur des petites centrales de cette dimension : roue hydraulique moderne, vis hydrodymanique, turbine à réaction... La filière est très active en France et d'autres communes de Côte d'Or (comme Gomméville) réfléchissent à la production micro-hydraulique. Avec les 100 kW crête des panneaux solaires installés sur le gymnase, Semur-en-Auxois pourrait envisager de produire elle-même l'équivalent électricité de tout son éclairage public, à moindre coût, dans une logique durable et «verte». Pour le domaine hydraulique, au moins 5 moulins seraient par ailleurs équipables sur Semur-en-Auxois en plus du barrage. A noter : la récente contestation du droit d'eau de la ville par DDT ne remet évidemment pas en question ce volet énergétique, tant cette contestation est manifestement infondée sur le plan des faits et du droit.

Continuité écologique. Comme ils le font dans d'autres communes de Côte d'Or, le syndicat de rivière (Sirtava), l'Onema et l'Agence de l'eau Seine-Normandie ont vocation à examiner comment restaurer au mieux les fonctions écologiques de l'Armançon. Cela prend la forme de différentes hypothèse de passe à poissons (franchissement des migrateurs) et de vannage (bon transit des sédiments). Ces solutions évitent la destruction des sites tout en améliorant la qualité des milieux aquatiques. Il s'agit de viser le meilleur rapport coût économique / efficacité écologique.

Aménagement paysager. Le site du Foulon de la Laume est très apprécié, mais pas toujours très pratique. La plaine à l'aval de la digue est encombrée de gravats (destruction malheureuse de l'ancienne usine en 1987). L'atterrissement devant la digue, au bord de l'eau, peut être élargi pour former une aire de pique-nique très agréable aux beaux jours. De même que, comme à l'époque du centre social EDF, la prairie devant la digue est appelé à offrir un cadre agréable pour les familles semuroises.

Usages sociaux. Le barrage fournit au premier chef de l'énergie, donc des revenus. Mais le site du barrage ne saurait se limiter à cet emploi : pêcheurs, promeneurs, randonneurs (à pied, à vélo ou à cheval) ont leur mot à dire sur l'avenir du site. Celui-ci, du fait de sa géométrie très particulière (large talweg adossé à un cirque de granit venant du socle du Morvan) et de son isolement du reste de la ville, offre un cadre très esthétique pour toute sortes d'activités ne dérangeant pas le voisinage : fêtes, concerts, mariages, etc.

Valorisation patrimoniale. Le patrimoine hydraulique de Semur-en-Auxois est exceptionnel, avec des témoignages allant de l'époque médiévale à l'époque industrielle. Ce patrimoine, déployé au fil de l'Armançon, peut être intelligemment valorisé par l'Office du tourisme de la ville, afin de renforcer le rayonnement de la ville et l'information de ses habitants. Dans le cas du barrage du Foulon de la Laume, nous sommes en présence d'un des plus anciens sites de production hydro-électrique de plaine (première production en 1891, voir cette plaquette d'information). Le ministère de la Culture, l'architecte des bâtiments de France et l'architecte du secteur sauvegardé ont d'ailleurs témoigné récemment de l'intérêt de ce patrimoine hydraulique semurois.

Rôle pédagogique et didactique. Le site du Foulon de Laume a produit de l'énergie de manière continue pendant cinq siècles, de la fondation du premier moulin en 1461 à l'arrêt de l'usine EDF en 1961. Et il en produira demain de nouveau. Les collégiens, les lycéens, les promeneurs et les touristes devraient découvrir sur le site des informations sur l'énergie et l'environnement hydrauliques.

Rigueur économique. Dans un monde idéal, tous les aménagements seraient possibles car on ne regarderait pas à la dépense. Mais nous vivons dans le monde réel, et il faudra être particulièrement vigilant sur l'équilibre budgétaire, indispensable en cette période difficile. Le projet d'aménagement devra tenir compte des aides publiques consenties à la restauration écologique, énergétique et patrimoniale. Beaucoup de projets sont chers – particulièrement des projets publics dans le domaine hydraulique – parce qu'un effort insuffisant est consacré à la préparation de chaque phase et au choix de chaque équipement, en prenant tout le temps de rechercher les meilleures solutions de marché. Ce temps, nous le prendrons à Semur.

Participation et concertation tout au long du projet
Un tel projet ne se réalise pas en quelques semaines ou mois. Car il mobilise de nombreux prestataires et partenaires. Il doit aussi associer toute la population. Le projet d'aménagement du barrage du Foulon de Laume ne doit en aucun cas rester l'affaire d'un «petit comité d'experts» qui décide tout sans consulter les citoyens.

C'est précisément cette dimension antidémocratique qui a été très mal appréciée dans le premier projet d'effacement porté par l'Agence de l'Eau et le Syndicat de rivière : les Semurois se voyaient imposer à la va-vite une «solution» dictée non par une urgence écologique particulière, mais par une simple pression administrative (la circulaire Grenelle 2010 concernant les 1200 ouvrages prioritaires à l'effacement, voir cet article sur les nombreux problèmes que posait le projet d'effacement).

Les citoyens de Semur-en-Auxois auront l'opportunité de s'associer au projet d'aménagement d'au moins deux manières.

Chantier municipal et citoyen. Les premiers travaux de restauration, réalisés sur la base des préconisations déjà effectuées en août 2012 par le bureau d'études Somival, se feront sur la forme d'un chantier ouvert à tous les volontaires. Il faut donner un coup de jeune au Foulon de la Laume ! Retirer les embâcles de rivières, débroussailler pour faire renaître le canal de fuite datant de l'époque médiévale, restaurer la passerelle... au cours des prochains mois, des journées de travail seront organisées, avec parfois l'assistance des employés municipaux de la Commune. Si vous êtes prêts à vous engager, prenez contact avec notre association.

Etats généraux de l'Armançon. A partir de 2013, la Commune et notre association organiseront les «Etats-généraux de l'Armançon». Ces réunions publiques permettront aux représentants des associations semuroises, aux élus et aux partenaires (Onema, DDT, Sirtava) de faire le point ensemble sur l'état d'avancement du projet d'aménagement. Ce sera un lieu de concertation et de participation, chacun pouvant apporter des questions, des observations, des critiques constructives sur les enjeux de l'Armançon à Semur. Hydrauxois est chargée de coordonner la participation associative : donc là encore, prenez contact avec nous dès à présent.

La mobilisation exceptionnelle des associations, des citoyens et des élus a permis au début de l'année de sauver le barrage d'un effacement programmé par des instances lointaines, au mépris de l'intérêt général de la ville. Nous entrons dans une deuxième phase, plus longue, plus difficile mais aussi plus passionnante, où il nous revient de valoriser au mieux le patrimoine de notre ville. Toutes les énergies, toutes les volontés et toutes les idées sont bienvenues !

10/12/2012

Contestation du droit d'eau de Semur-en-Auxois par la DDT

Par courrier du 29 novembre 2012, M. Jean-Luc Linard (Directeur départemental des territoires de Côte d'Or) a fait savoir à la Commune de Semur-en-Auxois que ses services de Police de l'eau considèrent le barrage du Foulon de la Laume comme relevant d'un état de ruine. Et que les services de la préfecture entendent en conséquence décréter par arrêté  la perte du droit d'eau et l'abrogation du règlement d'eau.

Le premier constat à la lecture du document est qu'avant de se prononcer sur la ruine, la Police de l'eau reconnaît le caractère fondé en titre de l'ouvrage communal – et non seulement son caractère règlementé. C'est déjà un progrès puisque le diagnostic du bureau d'études Cariçaie, mandaté par le syndicat de rivière Sirtava, prétendait à l'inexistence du droit d'eau fondé en titre comme du règlement d'eau.

Etat d'abandon ? Surprenante conclusion
La DDT estime que «le rapport de visite de terrain met en évidence un abandon de l'ouvrage manifeste». Mais les services de la Commune et notre association ont précisé lors de leur visite aux trois agents de la DDT et de l'Onema que le barrage avait fait l'objet d'une visite technique approfondie du bureau d'études Somival.

Une visite technique approfondie, obligation décennale pour les barrages de classe D, a pour objet de faire le point sur l'état des ouvrages hydrauliques et de produire des préconisations d'entretien. La Commune de Semur-en-Auxois a annoncé (avant la visite de la DDT) l'organisation d'un chantier municipal et citoyen pour satisfaire aux préconisations issues de la VTA. Il est pour le moins surprenant de décréter un « état d'abandon » alors même que le maître d'ouvrage fait intervenir à ses frais un bureau d'études spécialisé afin de s'enquérir de l'entretien nécessaire de son bien!

Déjà deux ans de réflexion autour du barrage
Rappelons par ailleurs que depuis deux ans, la question du barrage était à titre principal gérée par le syndicat de rivière Sirtava (délégation de maîtrise d'ouvrage signée en 2010) pour le diagnostic et l'étude de faisabilité d'aménagement écologique (produit fin 2011 et début 2012). Ce qui passe difficilement pour un désintérêt et un abandon de la part des élus. Certes, l'avant-projet proposé par le Sirtava a été rejeté comme non conforme à l'intérêt général de la ville : il n'empêche que cette démarche constituait par sa nature même un projet pour le site, lequel ne peut être réputé à l'abandon.

Au printemps 2012, plus de 700 citoyens de Semur et toutes les forces politiques ont refusé l'effacement de l'ouvrage en souhaitant son aménagement. Le maire  a par ailleurs manifesté sa volonté de rétablir l'usage énergétique du site et pris des premières mesures en ce sens (commande d'un rapport sur l'énergie à notre association, pose d'une échelle limnimétrique de mesure de la remontée aval, rencontre avec des équipementiers et exploitants), là encore avant la visite de la DDT et de l'Onema.

Tous ces faits étant connus, et les plus importants ayant été reprécisés aux agents DDT-Onema lors de leur visite du site en septembre dernier, on ne peut que déplorer leur non-prise en compte dans le courrier de M. Linard. C'est d'autant plus étonnant que les agents de la DDT et de l'Onema n'ont pas demandé à consulter le dossier et le registre de l'ouvrage – deux pièces obligatoires pour un barrage de classe D, et deux pièces présentes en mairie lors de leur visite.

Cette consultation aurait permis de constater aisément que le barrage n'est ni en état d'abandon ni en état de non-entretien. Si cela s'avérait nécessaire, la Commune produirait évidemment au juge l'ensemble de ces pièces.

Etat de ruine ? Le Ministère a pourtant informé ses agents...
Concernant l'état de ruine, comme Hydrauxois l'avait déjà mentionné ici, le barrage du Foulon de la Laume ne correspond nullement à la jurisprudence solidement établie par les juridictions administratives. Les agents de la Police de l'eau sont supposés connaître cette jurisprudence puisque le ministère de l'Ecologie a publié à leur intention, en septembre 2010, d'un Guide pratique relatif à la police des droits fondés en titre. Ce Guide précise très explicitement en page 11 :

«La jurisprudence différencie le délabrement de l'ouvrage et l'état de « ruine », ce dernier entraînant la perte du droit. La ruine signifie qu'un des éléments essentiels permettant d'utiliser la force motrice a disparu ou devrait être reconstruit totalement (canal d'amenée ou  de fuite, seuil, fosse d'emplacement du moulin ou de la turbine. Si ces éléments peuvent être remis en marche avec quelques travaux de débouchage, de débroussaillage, d'enrochement complémentaire ou de petite consolidation, le droit n'est pas considéré comme perdu».

Le texte est clair et toute personne connaissant le site du Foulon de la Laume sait que la DDT n'est pas en mesure de démontrer qu'un seul élément nécessaire à l'usage hydro-électrique a «disparu» (condition 1) ou «devrait être reconstruit totalement» (condition 2). L'absence de ces deux conditions explicites dans le Guide du Ministère aurait donc dû amener à la conclusion inverse de celle qui a été choisie.

La jurisprudence du Conseil d'Etat est très explicite
Le courrier de la DDT mentionne de surcroît deux arrêts bien connus du Conseil d'Etat : Laprade Energie 2004 et Arriau 2006. Or, l'un et l'autre ont statué fort précisément... et en sens parfaitement contraire de la décision de la DDT de Côte d'Or. Le premier énonce :

«Considérant que la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété ; qu'il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau ; qu'en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit». 

Quant au second arrêt cité par la DDT, il a sanctionné l'administration prétendant à la nullité du droit d'eau en se bornant à observer que «si cet ouvrage est partiellement délabré, ses éléments essentiels ne sont pas dans un état de ruine tel qu'il ne soit plus susceptible d'être utilisé par son détenteur».

Un aménagement hydro-électrique serait simple,
avec très peu de travaux sur l'existant

Le cas de Semur-en-Auxois entre donc clairement dans la doctrine du Conseil : ni le délabrement d'une partie du bâti, ni son absence d'usage ni son état présent n'empêche d'utiliser la pente et le volume de l'eau. La pente et le volume sont créés en l'espèce par le barrage et la digue, qui sont parfaitement fonctionnels, le débroussaillage et dégravage de la chambre ou du canal de fuite n'étant même pas nécessaires à l'exploitation au regard de diverses solutions déjà proposées par des équipementiers hydrauliques (exemple en image ci-contre, offre de la société TurbiWatt en accolement direct au barrage).

En tout état de cause, ce dégravage et débroussaillage du bief comme de la chambre d'eau représenteraient une restauration légère, affaire de quelques jours et non semaines ou mois : cela n'a rien à voir avec la reconstruction complète d'un ouvrage en état de ruine tel que l'on ne peut rien en faire à moins de consentir des travaux lourds.

La période est-elle bien choisie
pour dilapider ainsi l'argent du contribuable? 

Si nécessaire, la Commune de Semur-en-Auxois n'aura en conséquence aucune difficulté à produire au juge divers éléments (avis d'expert, devis d'entreprise, rapport de bureau d'études, propositions d'équipement hydro-électrique, etc.) démontrant que le site du Foulon de la Laume est très exactement dans la situation décrite par cette circulaire ministérielle et par la jurisprudence : pas plus en ruine qu'à l'abandon.

Monsieur le Préfet de Côte d'Or peut encore revenir sur cette décision manifestement contraire aux faits et à l'état du droit. S'il décide de ne pas le faire, il reviendrait au tribunal de trancher puisque la Commune contesterait évidemment cette décision infondée et abusive. Nous n'avons aucun doute à ce sujet : la force du droit s'imposera. Les éléments jurisprudentiels précisés à deux reprises par le Conseil d'Etat (avant lui par des tribunaux administratifs ou des cours d'appel) sont  clairement établis en faveur du Foulon de la Laume.

Nous tiendrons bien sûr les citoyens informés de ces procédures imposées par l'administration. On appréciera au résultat l'opportunité qu'il y avait à dépenser ainsi l'argent public dans des contestations infondées de droit d'eau, alors qu'il y a tant à faire de plus utile pour nos rivières de l'Auxois, et en particulier pour le barrage de Semur. Cela dans une période de crise où tout le monde doit faire des efforts et où nos dépenses devraient être productives de ressources ou d'emplois.

Quand le Conseil d'Etat annule
les circulaires du ministère de l'Ecologie

Hélas, la problématique de la continuité écologique donne lieu à une précipitation manifeste depuis quelques années, et l'administration de l'eau prend parfois quelques libertés  avec la loi. Il convient à ce sujet de rappeler  que certaines dérives inquiétantes ont été observées et sanctionnées. Dans son arrêt n°345165 du 14 novembre 2012, le Conseil d'Etat a condamné le Ministère de l'Ecologie et annulé sa circulaire du 25 janvier 2010, annexe I-5, au terme de laquelle le Ministère prétendait interdire tout nouvel ouvrage hydro-électrique sur les rivières en très bon état écologique.

Concrètement, cela signifie que pendant deux années, les agents de Police de l'eau obéissant à cette circulaire étaient en situation d'abus de pouvoir lorsqu'ils refusaient des autorisations d'exploiter. Evidemment, le mal est fait puisque le classement des rivières est sur le point de paraître : le Ministère a ainsi ordonné illégalement de bloquer des projets au nom d'une loi qui n'existait pas... le temps que la loi existe. Il a  fallu en arriver à la plus haute autorité administrative du pays pour que cette situation de non-droit soit sanctionnée.

Pour le cas du Foulon de la Laume, et en marge des décisions que prendra la Commune pour défendre son droit d'eau contesté, notre association fera part aux autorités du tutelle des agents administratifs de son étonnement sur la manière dont le Police de l'eau interprète en Côte d'Or les documents édictés par le Ministère, documents qui ont précisément pour fonction de rappeler le droit afin d'éviter les contentieux.

Le projet d'aménagement continue...
avec au moins les encouragements du ministère de la Culture!

Notre étonnement est renforcé par le fait que nous sommes entrés dans le débat national sur la transition énergétique, que la région Bourgogne vient d'adopter son Schéma régional climat air énergie, Schéma prévoyant 2 à 3 MW de puissance micro-hydraulique supplémentaire d'ici 2020, et que le département s'apprête à produire son Plan Climat énergie territoire : lorsqu'un propriétaire d'ouvrage manifeste son désir de participer à cette transition urgente et nécessaire, dans le respect de la continuité écologique, pourquoi donc le décourager et non l'encourager à la production d'une énergie renouvelable, locale, propre?

Le projet de Semur-en-Auxois est d'autant plus cohérent que le Ministère de la Culture, dans un courrier à notre association et au Collectif de sauvegarde du barrage en date du 14 novembre 2012, souligne que la Commune peut «envisager un aménagement du site en tenant compte de la valeur patrimoniale du barrage et de la digue» avec  «une intervention minime sur l'ouvrage permettant de restaurer la continuité écologique». Au moins, nous partageons tout à fait les conclusions de ce Ministère!

Le Foulon de la Laume a commencé à produire de l'énergie voici plus de cinq siècles, il a fait naître l'électricité en Auxois voici 120 ans, et il retrouve aujourd'hui son usage à l'heure des énergies renouvelables : ce ne sont donc pas quelques péripéties de très court terme qui vont remettre en question cette longue et belle trajectoire historique.

En ce sens, l'aménagement du barrage de Semur-en-Auxois continue, et le projet va même prendre de l'ampleur dans les prochains mois. Vous serez informés dès cette semaine des prochaines étapes, et notre association compte bien entendu sur votre forte mobilisation!

08/12/2012

Onema et transparence de l'information

L'association Hydrauxois a engagé hier un recours amiable avant contentieux, adressé à la Direction de l'eau et de biodiversité du ministère de l'Ecologie, à la Direction générale de l'Onema (Office national de l'eau et des milieux aquatiques) et au Défenseur des droits.

Entraves manifestes dans l'accès
aux informations relatives à l'environnement 

L'objet de ce recours est une entrave manifeste dans l'accès à l'information tel que le pose l'article 124-3 du Code de l'environnement : « Toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l'environnement détenues par : 1° L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics ; 2° Les personnes chargées d'une mission de service public en rapport avec l'environnement, dans la mesure où ces informations concernent l'exercice de cette mission. »

Sur son site institutionnel, l'Onema reconnaît cette obligation et, par circulaire du 6 août 2008, a déclaré avoir constitué un répertoire d'informations relatives à l'environnement. Ce répertoire comporte notamment : les avis techniques pour l’instruction d’un dossier de IOTA (Installations, Ouvrages, Travaux et Activités) ; les rapports techniques régionaux sur les milieux aquatiques ; la définition des programmes de surveillance ; les résultats des programmes de surveillance.

 Or il est avéré que :

• le site Internet grand public de l'Onema ne donne aucune indication aux citoyens pour faire la demande de communication des informations relatives à l'environnement (ni adresse physique, ni adresse électronique : l'adresse cnil@onema.fr donnée sur le site n'existe pas et produit un message automatique d'erreur, ce que la CNIL devrait condamner) ;

• les services départementaux (21) et régionaux (Bourgogne-Franche Comté) n'ont pas daigné apporter la moindre réponse aux trois sollicitations d'accès à ces données par notre association ; la première ayant été formulée dès septembre 2012.

Ces faits sont constitutifs d'une entrave dans l'accès à l'information et c'est en ce sens que notre avocat déposera plainte si les éléments demandés à l'Onema 21 ne nous sont pas communiqués dans les meilleurs délais.

Ces éléments que nous demandons, ce sont l'ensemble des pièces du répertoire Onema ayant servi au futur classement des cours d'eau dans le département de la Côté d'Or. Ce classement est à publication imminente, l'Office en a été le maître d'oeuvre principal et notre association entend informer le public sur la manière dont il a été constitué.

Pour la publication du Rapport d'observations définitives
de la Cour des comptes 

Par ailleurs, et dans un tout autre domaine, la Cour des Comptes a effectué un contrôle de gestion de l'Onema sur les exercices 2007-2011. Le Rapport d'observations définitives de la Cour des Comptes a été remis au ministère de l'Ecologie et à l'établissement le 14 novembre. A ce jour, il n'a pas été rendu public.

La Cour des comptes écrit sur son site Internet : « La Cour publie une part croissante de ses travaux. Elle répond ainsi à sa mission constitutionnelle d’information du citoyen et à deux exigences fortes de notre démocratie : la transparence, principe fondamental de l’administration publique et la progression vers plus d’efficacité et d’efficience dans l’emploi des fonds publics. » 

Notre association a donc demandé à la Cour de respecter ce principe fondamental de transparence et de rendre public le Rapport d'observations définitives sur l'Onema.

 La raison en est simple : le journaliste et consultant spécialiste des politiques publiques de l'eau Marc Laimé a publié sur son blog (Eaux glacées) des allégations d'une gravité exceptionnelle contre l'Office (voir ici et ici). Il semble avoir eu copie de ce rapport, constitué alors que le Directeur général de l'Onema a été démis de ses fonctions (23 octobre), de même que la Directrice de l'eau et de la biodiversité au Ministère (Odile Gauthier) a été remerciée et remplacée par Laurent Roy.

Certains syndicats d'employés de l'Office ont fait état à la nouvelle direction de leur émoi après cette publication dans un contexte manifestement tendu, et ont demandé que les faits soient éclaircis. Dans un communiqué, Jean Luc Touly (conseiller régional EELV Ile-de-France, membre du Comité national de l'eau et du Comité de bassin de l'Agence de l'eau Seine Normandie) a pour sa part exigé une séance exceptionnelle du Comité national de l'eau.

Nous n'avons aucune idée sur la vérité des allégations de Marc Laimé, que la directrice de l'Onema a pour sa part contesté dans un message interne. Mais compte tenu de l'importance de l'Onema dans la politique de l'eau en France, et notamment du pouvoir de police de l'eau qui lui est conféré ainsi qu'à la DDT, il paraît urgent que toute la lumière soit faite sur cette question.

Le moyen le plus simple et le plus démocratique est évidement la publication du Rapport d'observations définitives de la Cour des comptes, qui permettra à chaque citoyen de s'assurer de la bonne gestion de l'Office. Ces questions ne préjugent de toute façon en rien de la qualité du travail des agents de terrain, techniciens et ingénieurs de l'Onema, mais elles sont en revanche fondamentales pour la confiance des citoyens dans les institutions publiques et pour la gestion de l'eau en France.

07/12/2012

La Commission européenne juge la politique française de l'eau

Chez les administrations françaises de l'eau (Agences de l'eau ou Onema), il est d'usage de présenter la politique actuelle d'effacement systématique des ouvrages hydrauliques en rivière comme une conséquence de la directive cadre sur l'eau (DCE) européenne de 2000. La Commission européenne vient de publier un rapport de suivi sur l'implémentation de cette DCE (téléchargeable sur ce lien). C'est l'occasion de juger précisément ce que disent les experts européens.

Pas de liens clairs entre mesures hydromorphologiques 
et bon état de la masse d'eau
En ce qui concerne la France, on observe la remarque suivante pour la section « hydromorphologie » (celle associée à l'effacement des seuils et barrages) du rapport de la Commission : « La base de sélection des mesures hydromorphologiques n'est pas claire. Les mesures hydromorphologiques ne sont pas clairement liées aux usages de l'eau et aux pressions sur l'eau. De surcroît, il n'y a pas de lien clair entre les mesures et l'état actuel [du cours d'eau] ou d'explications sur l'amélioration potentielle de cet état » (vol 3, p. 62, nous traduisons de l'anglais, les répétitions sont d'origine).

A notre modeste niveau d'analyse des rivières de Côte d'Or, nous retrouvons très précisément le problème soulevé par les experts de la Commission : la littérature hydrologique abonde de descriptions plus ou moins impressionnistes sur les obstacles à l'écoulement (et les altérations hydromorphologiques en général), mais elle ne propose finalement pas de mesures fiables et reproductibles des altérations en question, pas plus qu'elle n'indique leur part exacte dans la qualité écologique globale (biologique chimique, physique) des rivières.

La seule fois où il nous a été donné de dialoguer à ce sujet avec un syndicat de rivière et un bureau d'études (Sirtava, Cariçaie) sur un projet d'effacement concret (Semur-en-Auxois), nous n'avons jamais obtenu la réponse claire à une question simple : quels sont les objectifs de résultat de la restauration écologique, c'est-à-dire les gains prédictibles et observables à telle ou telle échéance si l'obstacle était effacé ?

Il est tout de même gênant que, dans cet exemple parmi bien d'autres, l'Agence de l'eau Seine-Normandie ait proposé de financer (sur l'argent des contribuables) des mesures à un demi-million d'euros sans être capable d'énoncer clairement les améliorations qu'elle en attendait.

« Le coût des décisions inappropriées... »
La Commission européenne relève dans son rapport (vol I, p. 8) : « Une surveillance fiable et des méthodes permettant une évaluation complète de l'état des masses d'eau sont des éléments essentiels d'une bonne gestion de l'eau. Le coût de la surveillance est beaucoup moins élevé que le coût des décisions inappropriées. (…) Il ressort clairement des informations communiquées à la Commission qu’il y a une lacune dans la surveillance ». Cela tombe en effet sous le sens, et nous l'indiquions récemment dans un commentaire de colloque de l'Onema : tant que l'on ne dispose pas des bases empiriques (programmes de mesures complètes et cohérentes dans la durée) et des modèles théoriques adéquats pour expliquer les mesures, nous prendrons des décisions sans certitude aucune sur leur efficacité relative (par rapport à d'autres décisions dont le bénéfice écologique serait supérieur pour un coût économique identique ou moindre).

On notera enfin que la Commission déplore la même absence de clarté pour les mesure de pollutions chimiques : « La plupart des bassins hydrographiques ont eu recours à l'annexe I du standard de qualité environnementale pour juger de l'état chimique des masses d'eau (Directive 2008/105/EC), mais pas tous. Qui plus est, différentes substances ont été utilisées dans diférentes programmations (et pas toutes celles figurant dans l'annexe). Pour ces raisons, les méthodes d'évaluation de l'état chimique sont très peu claires, ce qui concerne les substance analysées ou les raisons de sélectionner certaines substances ».

Il existe une incapacité manifeste de la France à lutter contre la pollution des rivières depuis 30 ans – incapacité déjà observée par la Cour des Comptes en 2010 dans son rapport sur les Agences de l'eau et par la Cour de Justice européenne dans sa procédure actuelle contre la France à propos des nitrates. La focalisation récente de la « suppression des obstacles à l'écoulement » ne changera pas ce problème de fond, et ne permettra certainement pas à la France d'afficher un résultat correct pour le bon état des masses d'eau en 2015. En tout état de cause, les administrations de l'eau ne peuvent prétendre qu'elles sont confortées dans leurs choix actuels par l'Union européenne

22/11/2012

10 questions & réponses sur l'hydro-électricité

Produire son électricité à partir de sa rivière : c'est possible ! Et à l'heure où notre pays est engagé dans une vaste transition énergétique, c'est même nécessaire. Mais on ne devient pas du jour au lendemain producteur d'hydro-électricité. Voici quelques réponses aux questions les plus fréquemment posées, pour aider à prendre des décisions en ce domaine. Notre association est à disposition de ses adhérents pour les assister et les conseiller dans ces démarches. En attendant l'édition de fiches pratiques détaillées, ces premiers conseils simples aideront à réfléchir à l'équipement des anciens moulins et anciennes usines... qui se comptent par centaines en Côte d'Or.

Sur quels sites puis-je produire ?
A l'exception des grands fleuves à débit fort et constant, plutôt rares en Côte d'Or et en Bourgogne, la production d'hydro-électricité demande la présence d'ouvrages hydrauliques en rivière. Les deux principaux ouvrages sont : l'existence d'un seuil, glacis ou barrage sur le lit mineur, qui crée une hauteur de chute, ainsi qu'une retenue et une dérivation d'eau (appelée « bief ») ; un canal d'amenée et un canal de fuite, où passe tout ou partie du débit de la rivière, canal dont l'eau sera turbinable. Et c'est à peu près tout ce qui est nécessaire, avec ces deux éléments on peut produire de l'énergie.
Le seuil, glacis ou barrage permet d'exploiter l'énergie potentielle de l'eau (énergie de pression et de position de l'eau à une certaine altitude), qui est ensuite transformée en énergie cinétique (quand elle s'écoule dans le canal, puis dans la turbine ou la roue). Bien sûr, beaucoup de sites historiques de moulins ou d'usines sont mieux équipés : outre le seuil et le canal, ils disposent de chambres d'eau en très bon état permettant d'y installer les roues ou turbines, voire ayant conservé leurs équipements du XXe siècle. Mais ce n'est pas indispensable en soi.
Les sites permettant la production hydroélectrique sont généralement d'anciens moulins. Ce peuvent être aussi d'anciennes forges ou autres usines construites au bord de l'eau. En Côte d'Or, on relève 770 barrages et seuils en lit mineur des rivières (ROE 2012). Les sites de production potentielle dans le département sont donc très nombreux !

Ai-je le droit de produire ? (1) Cas du droit d'eau (fondé en titre)
Si votre moulin est antérieur à 1789 (rivière non domaniale, comme l'Armançon) ou à 1566 (rivière domaniale, comme la Seine), il est dit « fondé en titre » et dispose de ce que l'on appelle un « droit d'eau ». Il suffit pour cela que le moulin ne soit pas complètement en ruine – la présence du seuil et du canal (même engravé, envasé ou enherbé) suffit.
Dans ce cas, vous pouvez user de la puissance de l'eau et votre débit d'équipement (le volume d'eau turbinable chaque année) est présumé identique à l'état présent de votre moulin (c'est-à-dire ce que votre canal ou bief permet de dériver une fois qu'il a été nettoyé). C'est à l'administration de prouver le contraire, dans l'hypothèse où elle conteste votre droit d'user du moulin tel qu'il est : pour votre part, vous avez seulement à démontrer l'existence historique de votre moulin.
A noter : ce « droit d'eau fondé en titre » n'est pas une pièce administrative particulière, mais une capacité attachée à l'existence physique et historique du moulin.
Pour retrouver des preuves de l'existence du moulin avant 1789, tous les moyens sont admis : présence sur des cartes (Cassini) ou cadastres anciens, mentions dans des textes, etc. Vous pouvez librement vous renseigner aux archives départementales, par courrier électronique ou en vous déplaçant. Les services des archives de Côte d'Or sont très efficaces. Vous pouvez aussi contacter des érudits et chercheurs locaux (par exemple, la Société des Sciences de Semur).

Ai-je le droit de produire (2) Cas du règlement d'eau (fondé sur titre)
Si votre bien est postérieur à 1789, il a probablement reçu une autorisation préfectorale d'exploiter l'eau, qui s'appelle le « règlement d'eau ». Il est très rare qu'un moulin ou une usine « moderne » n'en ai jamais reçu. Il est en revanche fréquent qu'un moulin ancien (antérieur à 1789, cas précédemment évoqué) ait reçu après la Révolution un règlement d'eau, en plus de son droit d'eau .
A noter : droit d'eau et règlement d'eau sont deux notions bien différentes, à ne pas confondre. On dit parfois moulin fondé en titre s'il a un droit d'eau dû à son existence antérieure à 1789/1566, et moulin fondé sur titre s'il a seulement un règlement d'eau produit par l'administration après 1789.
Ce règlement d'eau est une pièce administrative écrite, de plusieurs pages, qui définit assez précisément la consistance légale de votre site, c'est-à-dire les différents ouvrages hydrauliques, la cote légale de retenue dans le bief et la puissance exploitable. Donc, il suffit de suivre ses prescriptions pour savoir ce que vous avez le droit de produire.
La date de ce règlement d'eau est importante, pour les petites puissances inférieures à 150 kW (quasiment tous les sites de Côte d'Or) :
  • si votre règlement d'eau est antérieur à 1919, votre autorisation d'exploiter est réputée « perpétuelle », vous n'avez pas à faire de démarche particulière (simple déclaration de remise en activité) à condition bien sûr de rester dans la consistance légale du règlement (ne pas changer la hauteur de chute ou le débit) ;
  • si votre règlement d'eau est postérieur à 1919, et ne comporte aucune limitation dans le temps, il est toujours valable aujourd'hui ;
  • si votre règlement d'eau est postérieur à 1919 et comporte une limitation dans le temps, elle est impérative. Au cas où le délai d'exploitation autorisée est passé, vous devez faire une nouvelle demande d'autorisation en préfecture (question suivante).
Pour savoir si votre bien dispose d'un règlement d'eau, il faut écrire (en courrier recommandé) au bureau de Police de l'eau de la DDT (coordonnées du bureau 21, pdf). Vous pouvez aussi commencer à chercher en archives, car la DDT n'a pas conservé tous les règlements d'eau.
A noter : si vous avez un règlement d'eau ancien, il sera actualisé par la préfecture en fonction des nouvelles règlementations. C'est tout à fait normal, mais il faudra montrer la plus grande vigilance à ce moment-là, car ce nouveau règlement définira précisément votre puissance hydraulique exploitable.

Ai-je le droit de produire ? (3) Cas de la demande d'autorisation
Si vous avez un règlement d'eau ayant dépassé la date d'autorisation, ou si vous restaurez un ouvrage totalement en ruine, ou si vous n'avez aucune pièce justificative de droit d'eau ni de règlement d'eau, ou si vous construisez ex nihilo une nouvelle installation, vous êtes obligé de faire un dossier de demande d'autorisation de production hydro-électrique au bureau de Police de l'eau de votre préfecture. Ce n'est pas le cas le plus simple.
Un nouveau classement des rivières va être publié. Il y a trois possibilités :
  • votre cours d'eau n'est pas classé et, s'il n'y a pas d'autres contraintes (Natura 2000, ZNIEFF, corridor biologique), la préfecture devrait vous autoriser sans trop de difficulté ;
  • votre cours d'eau est classé en liste 2, vous aurez 5 ans (comme tous les moulins, qu'ils produisent ou non) pour faire des aménagements écologiques mais a priori, il n'y a pas de raison que la préfecture refuse l'autorisation si vous respectez scrupuleusement les étapes et les besoins du dossier ;
  • votre cours d'eau est en liste 1, ce qui veut dire en très bon état écologique, et il est a priori interdit de construire un nouvel obstacle à l'écoulement. Mais si votre seuil ou barrage est en place, il n'a pas à être effacé. Vous êtes tenu (là encore, avec ou sans production énergétique) de respecter immédiatement et scrupuleusement les consignes données par la Police de l'eau pour préserver la qualité des milieux aquatiques.
Dans l'hypothèse où votre seuil (ou barrage) est en ruine sur une rivière classée en liste 1, vous n'aurez pas l'autorisation de construire un nouveau seuil (ou barrage).
Il faut savoir qu'une demande d'autorisation exige toujours de passer par un bureau d'études spécialisé, produisant une étude de faisabilité qui répond à toutes les demandes de l'administration (avant-projet technique, contraintes environnementales, etc.). La procédure est donc plus compliquée (et plus coûteuse) que si vous êtes fondé en titre ou réglementé avant 1919.
Combien d'électricité puis-je produire ?
Pour avoir une estimation grossière de votre puissance hydraulique, vous devez connaître la hauteur de chute entre le niveau amont (niveau d'eau au seuil ou barrage) et le niveau aval (niveau de la fuite d'eau dans la rivière, à l'extrémité de votre canal de dérivation ou « sous-bief »), ainsi que le débit moyen passant dans votre canal. Soit la hauteur H en mètres et le débit moyen Q en m3/s : vous multipliez ces deux chiffres entre eux, puis vous multipliez encore par 10 (la force de gravité, g) et vous obtenez la puissance de votre site (P=g.Q.H). Par exemple une chute de 2 m et un débit de 1 m3/s donne une puissance hydraulique brute de 20 kW environ (la puissance électrique nette sera plutôt de 12-14 kW ou kVA). Ce sont là des valeurs typiques pour les moulins de Côte d'Or.
Pour connaître ces valeurs, deux hypothèses. Soit vous retrouvez d'anciens papiers (actes notariaux, règlement d'eau) où les chiffres sont précisés. Soit vous n'en disposez pas, et il faut les calculer. Plusieurs moyens permettent un calcul approximatif : nous les exposerons à une autre occasion (d'ici là, voir par exemple cette page pour quelques méthodes artisanales de mesure du débit). La mesure détaillée sera faite soit par un géomètre et un hydraulicien, soit par un bureau d'études spécialisé.
Une fois connue la puissance, vous pourrez estimer la production en fonction de la courbe annuelle des débits et de votre choix d'équipement. Par exemple, prenons une installation de 20 kW de puissance fonctionnant 6000 heures dans l'année avec un rendement global de 70%. Sa production sera de 0,7*6000*20=84.000kWh (la puissance s'exprime en kilowatt, l'énergie en kilowattheure, l'énergie électrique étant simplement la puissance produite par unité de temps).

Dois-je autoconsommer ou vendre au réseau ?
Vous pouvez consommer vous-même votre électricité ou revendre toute l'énergie au réseau d'EDF. Tout dépend de la puissance de votre site... et de vos besoins. Si vous venez d'installer un chauffage tout neuf à bois ou gaz, vous aurez probablement du mal à consommer toute votre électricité. Si vous avez un vieux chauffage fioul à médiocre rendement et risque de pollution de la rivière, cela peut devenir très intéressant de concevoir un projet d'autoconsommation (en électricité directe ou électricité + pompe à chaleur eau-eau par exemple).
Si vous êtes à moins de 10 kW, il est généralement plus intéressant de consommer soi-même (vous devriez couvrir votre consommation sans problème, y compris du chauffage en hiver). Entre 10 et 30 kW, la décision n'est pas toujours facile, votre puissance dépasse vos besoins mais elle est modeste, et un dossier complet pour vendre au réseau impose des contraintes plus importantes que l'autoconsommation. Mais rien n'est insurmontable, on trouve couramment des moulins qui vendent leur production à ces niveaux de puissance. Au-delà de 30 kW, il devient généralement préférable de vendre sa production au réseau national.
Dans la dernière hypothèse, chaque kWh produit vous est racheté environ 8 centimes en été et environ 14 centimes en hiver. Pour donner un ordre de grandeur, un moulin ou une usine de 30 kW en puissance nominale peuvent produire un revenu brut d'exploitation compris entre 11.000 et 13.000 euros par an environ. Ce n'est pas la fortune, mais pas négligeable non plus.
Avant d'entamer la moindre réflexion sur le matériel nécessaire, vous devez choisir la solution que vous préférez : autoconsommation sur place ou vente au réseau. Quand votre choix est fait, vous pourrez chercher les équipements adaptés.

Produire de l'hydro-électricité, est-ce compliqué ?
Oui et non. Oui, parce qu'il est évidemment plus compliqué de développer une petite centrale micro-hydraulique que de mettre sur son toit quelques mètres carrés de panneaux solaires, ou de faire installer une pompe à chaleur par un chauffagiste. Si vous voulez tout faire tout seul à partir de matériels d'occasion (solution la moins coûteuse, évidemment), il vous faudra quelques notions d'hydraulique, quelques connaissances en électricité, une bonne dose de courage pour le génie civil et beaucoup de rigueur pour que tout fonctionne correctement. Mais il existe des réparateurs et installateurs spécialisés dans la remise en fonctionnement des moulins ou petites usines.
Non, car vous pouvez aussi choisir de faire installer un matériel d'occasion garanti ou un matériel neuf par une société spécialisée et de faire automatiser au maximum votre installation, de sorte que vous n'aurez pas beaucoup de maintenance (hormis celle de votre bien en général, puisque tout moulin a des obligations d'entretien hydraulique). Mais évidemment, plus vous sous-traitez à des tiers, plus le coût de revient de votre installation sera élevée.
Compliquée dans ses détails techniques, l'hydro-électricité est simple dans ses principes : l'énergie cinétique-potentielle de l'eau en écoulement est d'abord transformée en énergie mécanique (rôle de la turbine, roue ou vis d'Archimède), puis cette énergie mécanique est convertie en énergie électrique (rôle du système rotor-stator dans le générateur). L'éolien fonctionne de la même manière, sauf que l'énergie cinétique du vent (et non de l'eau) forme sa source primaire.
Dernière chose : l'hydro-électricité peut surtout paraître compliquée à cause des nombreuses contraintes réglementaires, c'est-à-dire de la « paperasse » à accomplir afin de mener son dossier de A à Z. C'est la raison pour laquelle il est préférable de se rapprocher d'une association et/ou d'un bureau d'études, dont le rôle est de vous assister dans ces procédures.

Combien cela coûte ?
Il est particulièrement difficile de répondre à cette question, car la fourchette est large : une installation peut coûter de 1000 à 7000 euros le kW de puissance installée ! L'état initial de votre bien est évidemment déterminant, ainsi que le choix entre un matériel d'occasion ou un matériel neuf pour l'équipement hydraulique et électrotechnique. Il faut savoir qu'une turbine (ou une roue, ou une vis) neuve sera un modèle unique, spécialement conçu en usine pour être adapté à votre hauteur de chute et votre débit d'eau. D'où le coût : ce ne sont pas des équipements standardisés et produits en série comme les groupes électrogènes du commerce, par exemple.
Par ordre décroissant de coût, les principaux postes à étudier sont les suivants dans l'hypothèse d'un matériel neuf et d'un moulin dont l'état général est correct  :
  • l'achat de la turbine
  • le génie civil et l'équipement annexe (incluant vannes, grille, aspirateur, optimisation du bief si nécessaire)
  • le générateur et l'électronique de puissance
  • les systèmes d'automatisation et de contrôle-commande
  • le raccordement au réseau
Mais attention, ce sont là des évaluations moyennes et chaque site est particulier.
On mesure habituellement l'intérêt économique d'une installation hydro-électrique en temps de retour sur investissement : combien d'années d'exploitation sont nécessaires pour rentabiliser le coût d'installation ? Un temps de retour de moins de 10 ans est considéré comme une excellente affaire, un temps de retour de 10-15 ans reste intéressant. Au-delà, l'installation concerne plutôt des passionnés ou des militants des énergies nouvelles, acceptant de bloquer un capital sur une longue période.
A noter : il existe des coûts d'aménagements écologiques (passes à poisson pour le franchissement piscicole et vannes fonctionnelles de chasse pour le transit des sédiments), mais ceux-ci n'ont rien à voir avec la production d'hydro-électricité. Ils seront exigibles par le préfet une fois publié le classement des rivières (début 2013) et dépendront de chaque site. Avec ou sans production d'énergie, tout le monde sera tenu d'aménager. Une exploitation énergétique permet de financer une partie des ces coûts d'aménagement écologique et de mutualiser les frais de chantier qui seront de toute façon nécessaire (passe à poissons, vannage à sédiments).

Aurai-je des subventions pour produire de l'énergie hydro-électrique ?
L'hydro-électricité fait partie des énergies renouvelables subventionnées par l'Ademe et elle est inscrite dans le Schéma Climat Air Energie de Bourgogne. Elle peut donc faire l'objet de subventions pour l'étude de faisabilité ou pour l'équipement (en association avec des fonds régionaux et européens de développement rural). Par ailleurs, si votre dossier est complet et si vous le souhaitez, vous pouvez demander un CODOA (Certificat ouvrant droit à une obligation d'achat) dont la principale conséquence est : ERDF rachète votre énergie à un tarif garanti pendant 20 ans. C'est une forme de subvention, car cette garantie d'achat vous donne une visibilité à long terme sur vos revenus et le tarif de rachat pour les petites puissances est plus avantageux.
Si votre site est très isolé, avec un coût de raccordement élevé au réseau, vous pouvez aussi être assisté par le syndicat d'énergie et d'électrification du département pour installer un site autonome. (En Côte d'or, c'est le Siceco, qui a déjà équipé ainsi un moulin en puissance solaire et hydraulique pour l'autoconsommation).

Et donc, par où dois-je commencer ?
D'abord, il faut bien réfléchir : on ne devient pas producteur d'électricité à la légère, vous aurez besoin de patience et de détermination. Comme pour tout projet ambitieux.
Ensuite, prenez des conseils autour de vous – bien sûr, le réseau des associations (il y a plusieurs en Côte d'Or) est là pour vous accompagner dans votre démarche et vous faire rencontrer d'autres producteurs.
Enfin, vos actions prioritaires dépendront de votre situation juridique (fondé en titre, réglementé, non autorisé), de votre choix initial (autoconsommation ou vente réseau), de vos compétences personnelles (participation active aux travaux ou délégation à des tiers).
La toute première chose à faire, si elle n'est pas acquise : clarifier le statut juridique de votre bien afin de savoir à quelle condition exactement vous pouvez exploiter l'énergie hydraulique. La deuxième chose est d'estimer la hauteur et le débit moyen de l'eau au droit de votre site, afin d'avoir une idée à peu près réaliste de la puissance potentielle.

Pour aller plus loin
Rappel des sites utiles (département Côte d'Or)

13/11/2012

Hydrauxois dans les médias

Radio Eole a reçu le président et le secrétaire général de l'association, le jeudi 8 novembre, pour évoquer la question du barrage de Semur-en-Auxois (émission Jeudi on s'dit tout, prochainement disponible sur le site de la radio). Le Bien Public a consacré un article à l'association dans son édition du 10 novembre, deux semaines après la publication d'un communiqué dans l'Auxois Libre.

09/11/2012

La qualité de la Seine et de ses affluents en Côte d'Or

Comment se portent la Seine et ses affluents de Haute Côte d'Or ? Pour répondre à cette question, le Syndicat intercommunal des cours d'eau du Châtillonnais (Sicec) et la Fédération départementale de pêche et de protection des milieux aquatiques de Côte d'Or (FDAAPPMA 21) viennent de publier les résultats d'une vaste étude menée en 2011. Ce document a pour objet l'analyse de la qualité des eaux superficielles en vue de mettre en valeur les milieux aquatiques et de protéger les espèces piscicoles.

Le travail était d'autant plus nécessaire que l'on ne disposait pas jusqu'à présent de données systématiques sur la Seine et ses affluents cote-doriens : « les informations récentes obtenues dans le cadre des suivis DCE [directive cadre sur l'eau] sont insuffisantes pour dresser un état des lieux complets de la situation piscicole du réseau hydrographique […] Quant aux affluents, ils n'ont jamais fait l'objet d'investigation exhaustive de leur peuplement ». Il s'agit donc d'un « état zéro », en quelque sorte.

Une tête de bassin à socle marneux et calcaire
La Seine a un lit de 85 km en Côte d'Or, département où elle prend sa source (Source-Seine, canton de Venarey-les-Laumes). Ce parcours représente 11% de la longueur totale du fleuve (777 km). Le bassin versant cote-dorien de la Seine totalise 632 km, sur un socle géologique qui est essentiellement composé de marnes et calcaires. Ce terrain très perméable peut provoquer des infiltrations dans les failles et dolines, voire des assecs (zones où la rivière suit son lit souterrain avec de ressurgir en surface).

La Seine est assez rapidement renforcée par des affluents en Côte d'Or. Après 25 km de cours, elle reçoit les eaux du Revinson (long lui-même de 17 km et alimenté par la Coquille, 10 km). A 37 km de sa source, la Seine est rejointe par le Brevon (long de 32 km). L'étude du Sicec et de la Fédération départementale de pêche a concerné au total 21 stations réparties sur 8 masses d'eau : le cours de la Seine elle-même, le Brevon, le Revinson, la Coquille, les affluents de la Coquille, le réseau des ruisseaux formant des affluents directs de la Seine en Côte d'Or.

Quatre dimensions pour un diagnostic
Pour établir son diagnostic, l'étude a examiné à titre principal quatre caractéristiques des cours d'eau de Haute Côte d'Or :

- la qualité physique (Indice d'attractivité morphodynamique, IAM, ou simple description vitesse de courant, hauteur d'eau, rapport substrat/support, température) ;

- la qualité physico-chimique et la présence de certains polluants ;

- les peuplements macrobenthiques (Indice biologique global normalisé, IBGN ; protocole MAG20, pdf, diverses sous-indices de mesures structurelles et hydro-écologiques comme EPTC, RQE, Cb2, etc.), désignant des genres de crustacés, mollusques ou ici insectes (Chloroperlidae, Perlidae, Perlodidae) connus pour être des marqueurs de qualité de l'eau ;

- les peuplements piscicoles enfin, analysés par pêche électrique (méthode Delury) compte tenu de la faible profondeur des tronçons concernés. L'espèce la plus caractéristique et la plus exigeante pour sa reproduction est la truite fario. Certaines espèces d'accompagnement (chabot, vairon, loche franche) donnent également des indications de qualité.
Une qualité physique et physico-chimique dégradée
La qualité physique (morphodynamique) du bassin de Haute Seine laisse à désirer : 80% des stations sont en état mauvais ou très mauvais. Les causes en sont les suivantes : sévérité des étiages, diversité moyenne des substrats, colmatage du fond par des matières fines, piétinement bovin et affaissement des berges, absence de ripisylve (arbres de rive) impliquant la hausse des températures et l'absence de caches racinaires, les obstacles à l'écoulement et étangs artificiels favorisant eux aussi le colmatage ou la hausse des températures.

La qualité physico-chimique n'est pas toujours plus enviable. La totalité du linéaire présente des concentrations trop fortes en ammoniaques et phosphates (NH^4+, PO4^3-). Les nitrates (NO^3-) ont un niveau conforme à la DCE sur la plupart des sites, mais ils sont néanmoins en quantité trois à dix fois supérieure au niveau optimal pour la vie aquatique. Les concentrations de ces substances chimiques augmentent lors des étiages, augmentant le stress sur la vie aquatique. Les matières organiques se prêtent par ailleurs à l'oxydation, et consomment en conséquence l'oxygène dissout présent dans les cours d'eau. Dans certains cas (Revinson), le taux d'oxygénation approche de sa valeur-limite pour les espèces qui en dépendent (la « biocénose aérobie »), même si le bassin reste dans un état global correct de ce point de vue.

Le rapport souligne que « la pollution par les matières organiques, provenant essentiellement de l'épuration défectueuse des communes et de l'activité agricole (épandage d'engrais et de fumier / lisier, rejets de stabulation, piétinement et déjection des bovins au niveau des berges et dans le lit des cours d'eaux), est le problème majeur de l'altération de la qualité physico-chimique des eaux du bassin de Seine ».

Les HAP s'ajoutent aux pollutions agricoles et domestiques
Mais les rejets de matières organiques par les réseaux domestiques et les activités agricoles ne sont pas les seules en cause. La Seine et le Brevon présentent une « forte altération » par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des molécules carbone-hydrogène provenant essentiellement de la combustion du charbon et du pétrole (carburant, fioul). Ces composés étant hydrophobes (insolubles dans l'eau), ils pénètrent préférentiellement les sédiments et les matières en suspension. Comme le rappellent le rapport, « ils vont affecter en tout premier lieu les espèces benthiques (macro-invertébrés et poissons) entraînant la disparition des espèces les plus polluosensibles. Possédant un fort pouvoir de bio-accumulation, les HAP vont transiter dans tous les maillons de la chaîne alimentaire des cours d'eau et s'accumuler dans les tissus des espèces situées au sommet de la pyramide trophique ».

Cette pollution indirecte par les combustibles fossiles rappelle au passage tout l'intérêt qu'il y a de développer des sources d'énergie non carbonées, parmi lesquelles figure l'énergie hydraulique. Les effets des fossiles ne se limitent pas à la concentration atmosphérique et au forçage radiatif des gaz à effet de serre, ils concernent également l'eau et la vie aquatique, qu'il s'agisse de l'acidification des océans ou de la pollution des rivières.

La conséquence logique de la présence des HAP, phosphates, nitrates et ammoniaques est que les peuplements macrobenthiques les plus sensibles à la pollution (groupes 8 et 9) ont quasiment tous disparu du bassin de la Seine cote-dorienne. Mais ce constat doit être nuancé car, au regard de critères retenus par la directive-cadre sur l'eau, les autres peuplements sont dans un très bon état, voire un état de référence dans les parties amont des rivières. L'altération reste donc relative.

Des peuplements macrobenthiques
et piscicoles perturbés
S'agissant des peuplements piscicoles, les situations sont contrastées. Dans l'ensemble, en dehors des zones les moins touchées par l'influence humaine, la population de truite fario est plutôt déficitaire par rapport à ce que l'on peut attendre d'un hydrosystème équivalent en très bon état écologique : le déficit va de 20 à 100 %, avec une moyenne de 50% sur l'ensemble des stations. Il existe des fluctuations fortes sur certaines rivières comme le Brevon, avec des zones proches de l'optimum et d'autres à présence nulle. Le chabot et la loche franche sont également déficitaires dans l'ensemble du réseau étudié, le vairon ayant une présence plus équilibrée. L'ombre a été réintroduit par la fédération de pêche, le blageon (cyprinidé rhéophile) a fait sa réapparition.

Au total, on a relevé 8 espèces dans la Seine (contre 5 signalées voici l'inventaire de 1992), autant dans le Brevon, 7 espèces dans le Revinson, 5 espèces dans les affluents du Revinson. Les ruisseaux affluents de la Seine ont une biodiversité très variable, de 2 à 8 espèces.

Au final, très peu de stations peuvent justifier d'un très bon écologique au regard des peuplements macrobenthiques et piscicoles. L'étude ne permet d'attribuer avec précision (c'est-à-dire avec une mesure relative de chaque facteur) les causes de cette situation. Néanmoins, les auteurs concluent, pour l'ensemble du réseau hydrographique : « La qualité globale de l'eau demeure le facteur limitant essentiel du réseau hydrographique. L'analyse des eaux de surface montre le caractère vulnérable des secteurs karstiques avec une importante contamination aux nitrates liées aux activités agricoles des plateaux, engendrant d'importantes prolifération alguales. Toute action restauratrice engagée verra ses effets pénalisés plus ou moins rapidement par ce facteur prépondérant ». S'y ajoutent « assèchement des zones humides, captages, drainages ».

Les obstacles à l'écoulement – qui intéressent au premier chef notre association dédiée à la promotion du patrimoine et de l'énergie hydrauliques – figurent également parmi les facteurs limitant la biodiversité piscicole : l'étude souligne que cette cause est dominante sur le linéaire de la Seine (obstacle infranchissables en montaison) et sur certains secteurs du Brevon (étangs à eaux réchauffées, faible circulation, potentialisant une pollution locale par l'assainissement défectueux). Enfin, l'absence de ripisylve peut être un facteur dominant sur certains tronçons (Revinson) car elle signifie un défaut de cache et un réchauffement estival important.

En conclusion
D'abord, il convient de souligner la grande qualité du rapport publié par le Sicec et la FDAAPPMA 21. La méthodologie est décrite et référencée, les annexes donnent toutes les mesures réalisées, la synthèse est claire. Il manque éventuellement des résumés pour un plus large public, pas toujours familier avec le vocabulaire de l'hydro-écologie, de l'hydromorphologie et de l'hydrobiologie. Il conviendrait aussi de mieux préciser comment sont fixés les peuplements de référence (permettant de dire que telle espèce est sous-représentée sur un tronçon) : en l'absence de données historiques, puisqu'il s'agit d'un « état-zéro », on ne sait pas comment est évalué le niveau de truite, loche ou chabot « normal » d'un cours d'eau. Mais la qualité de l'étude est bienvenue à l'heure où les réformes de continuité écologique entendent imposer des priorités d'action sont parfois contestées. La cohérence du prochain classement des rivières avec l'étude menée en Haute Seine sera examinée – notamment le choix de classer en liste 1 (ce qui suppose un « très bon état écologique ») et la désignation des espèces cibles.

Ensuite, et pour en venir à ces priorités d'action, la conclusion de l'étude ne permet nullement de désigner les obstacles à l'écoulement comme la cause principale d'altération de la biodiversité. L'absence de profondeur historique interdit à ce stade de corréler les dégradations observées à des facteurs dégradants, mais les polluants agricoles, domestiques et HAP sont néanmoins désignés comme le premier facteur limitant de toute restauration écologique. Comme on l'a signalé lors des débats des derniers mois sur les aménagements écologiques de l'Armançon, la circulation des poissons sera d'abord la circulation des poisons si les causes premières d'altération chimique de l'eau ne sont pas traitées en priorité. Et la France est, hélas, très en retard de ce point de vue. Il n'empêche que le franchissement d'obstacles, le bon transport solide assurant des substrats diversifiés et les régulations de température sur certains plans d'eau sont des facteurs localement pénalisant, et appelant une action commune avec les propriétaires d'ouvrages hydrauliques en vue de définir les meilleures solutions.

Enfin, pour passionnante et nécessaire qu'elle soit, cette étude ne dévoile qu'une dimension de la Seine et de ses affluents. Une rivière n'est pas seulement un phénomène naturel (domaine aquatique), mais elle est aussi et toujours un phénomène culturel, social et désormais technique (domaine hydraulique). Les temples des Lingons en l'hommage de Sequana (déesse des eaux de la Seine) comme les forges gauloises installées au fil des ruisseaux proches des sources de la Seine rappellent que l'histoire des hommes et celles de leurs rivières se sont mêlées très précocement sur les terres bourguignonnes. C'est donc un patrimoine complexe allant de l'état physique, chimique et biologique de l'eau jusqu'à l'histoire et l'avenir de ses usages humains qu'il s'agit aujourd'hui de penser, et d'aménager, pour léguer aux générations futures des rivières de qualité.

Référence : Sicec, FDAAPPMA 21, Etude des peuplements piscicoles et macrobenthiques de la Seine et de ses affluents au regard de la qualité physique et chimique de l'hydrosystème. Défnition d'un état initial (2011), 2012.
Images : toutes les images de cet article (hormis la dernière) sont extraites du rapport. Tous droits réservés Sicec/FDAAPPMA21.