23/02/2014

Qualité piscicole de la Tille et réflexions sur l'Indice poissons rivière (IPR)

La France doit répondre devant l’Union européenne de la qualité chimique et écologique de ses rivières (directive-cadre sur l’eau 2000, DCE 2000). Dans le compartiment biologique, la qualité piscicole d’un cours d’eau est mesurée par l’Indice poissons rivière (IPR). L’IPR consiste à mesurer l’écart entre la composition du peuplement sur une station donnée, observée à partir d’un échantillonnage par pêche électrique, et la composition du peuplement attendue en situation de référence, c’est-à-dire dans des conditions très peu ou pas modifiées par l’homme.

Dans le cadre de la réalisation d’une étude d’opportunité hydro-électrique pour la Commune de Rémilly-sur-Tille, notre association a été amenée à rechercher les IPR disponibles pour la Tille (photo ci-dessous, la rivière en aval du barrage communal).


Quelques rappels préalables sur cette rivière : son bassin versant (1300 km2) est à 90% situé sur la Côte d’Or et 10% sur la Haute Marne. La rivière a un linéaire total de 82,7 km de sa source à la confluence avec la Saône. L’Ignon, la Venelle et la Norges sont les principaux affluents de la Tille. Ce bassin versant est l’objet de cultures céréalières et parfois d’occupations humaines denses (région dijonnaise, sous-bassin de la Norges).

Du point de vue des ouvrages hydrauliques, le bassin versant de la Tille comptait 81 ouvrages à l’époque des relevés de Cassini (XVIIIe siècle), pour 69 aujourd’hui. Sur la Tille même, le nombre d’ouvrages s’établit à 25 (SOGREAH 2010).

Sur 9 données IPR, 7 indiquent une qualité bonne ou excellente
Sur la période 2001-2011, dont les données sont publiquement disponibles, on compte 9 relevés de l’Indice poissons rivière sur la Tille : à Marey-sur-Tille en 2006, à Cessey-sur-Tille en 2008 et 2010, à Til-Châtel en 2007, 2009 et 2011, à Champdôtre en 2007, 2009 et 2011.

Le graphique ci-dessous montre les scores IPR correspondant. Sur ces 9 scores IPR, 2 sont en qualité mauvaise, 5 de qualité bonne, 2 en qualité excellente. Les stations de Champdôtre (à l’aval) et de Til-Châtel (à l’amont) sont notamment en qualité bonne ou excellente sur toutes les mesures.


En faisant hypothèse que le score IPR est un reflet précis de la qualité piscicole d’une rivière, on peut observer que la forte présence historique et actuelle des ouvrages hydrauliques n’est pas associée à une dégradation importante de la rivière. En particulier, la bonne qualité piscicole à Til-Châtel (amont) est notable : la plupart des ouvrages hydrauliques de la Tille étant considérés comme infranchissables (plus de 0,5 m), on aurait dû observer un gradient de dégradation de plus en plus marqué vers la source, avec des espèces pouvant dévaler mais non remonter. Or, il n’en est rien.

On observe en passant  un problème : doit-on exiger pour la qualité piscicole au sens de la DCE 2000 un IPR bon ou excellent sur chaque point de mesure d’une rivière? Ou peut-on tolérer que l’indice soit bon à certains endroits et mauvais à d’autres? A-t-on vérifié lors de la construction de l’IPR la variation spatiale naturelle de la biomasse et de la biodiversité? On imagine aisément que chaque hectare de cours d’eau ne comporte pas exactement la même répartition ni la même densité d’espèces, donc la mesure pour être précise doit intégrer une marge d’erreur ou une échelle qualitative d’incertitude.

Mais on peut faire une autre hypothèse, à savoir que l’IPR est un indice problématique d’évaluation de la qualité d’une rivière.

Quand on regarde de plus près les scores, on s’aperçoit en effet qu’ils peuvent varier presque du simple au double sur une courte période de temps : de 17,0 à 10,2 à Cessey-sur-Tille entre 2008 et 2010, de 11,9 à 6,4 entre 2009 et 2011 à Champdôtre.  La mesure d’une grandeur doit être proportionnée à sa variabilité spatiale et temporelle : si une population de poissons est stable, une mesure rare (par exemple annuelle ou quinquennale) suffit à l’estimer ; si elle présente une forte variabilité (naturelle ou forcée par un facteur externe quelconque), la fréquence de la mesure doit être augmentée. Le seul moyen de mesurer cela est de constituer des séries assez longues pour analyser la variance et l’écart-type des résultats, leur dispersion étant la mesure de stabilité du phénomène (et/ou de la robustesse de l’indice censé quantifier le phénomène).

Questionner la notion de "peuplement naturel" de référence
La présente étude amène donc à questionner le rôle exact des obstacles à l'écoulement dans l'évolution de la qualité piscicole. Mais elle conduit aussi à s'interroger sur la valeur de l'Indice Poissons Rivière.

Les tentatives de classement des cours d'eau sont anciennes (voir Wasson 1989 pour une revue en langue française). La plus ancienne est la capacité biogénique de Léger (1909), la plus récente l'IPR (2001) et entre celles-là on trouve de nombreuses autres d'autres : les niveaux de Ricker (1934), les quatre zones de Huet (1949) rapportées à la largeur, profondeur et pente, les trois zones benthiques d'Ilies et Botosaneanu (1963), les 10 niveaux biotypologiques de Verneaux (1976), etc.

Le dernier indice en date est l'IPR (en anglais FBI pour Fish Based Index), mis au point entre 1996 et 2001, normalisé AFNOR en 2004 et choisi pour répondre aux exigences d'analyses biologiques de la directive-cadre européenne sur l'eau. Du point de vue méthodologique, l'IPR ne se distingue guère de ses prédécesseurs. «La version normalisée de l’IPR prend en compte 7 métriques différentes. Le score associé à chaque métrique est fonction de l’importance de l’écart entre le résultat de l’échantillonnage et la valeur de la métrique attendue en situation de référence. Cet écart (appelé déviation) est évalué non pas de manière brute mais en terme probabiliste  (…) Les modèles de références ont été établis à partir d’un jeu de 650 stations pas ou faiblement impactées par les activités humaines et réparties sur l’ensemble du territoire métropolitain.» (Belliard et Roset 2006, voir aussi Oberdorff et al 2001 et 2002 pour la construction).

La notion de même de « zone » cohérente de grande dimension a été activement critiquée et fait toujours l'objet de débats théoriques en écologie des milieux aquatiques. La succession  rapide des « échelles de mesure » dans chaque pays et les critiques que chacune d'elles soulève invariablement – y compris l'IPR qui, à peine normalisé, est entré en phase de révision –  suggère une interrogation plus fondamentale sur la capacité de toute échelle à permettre une comparaison efficiente entre deux masses d'eau ou même deux stations d'une même masse d'eau.

Chaque biotypologie ou zonation identifie des paramètres qui influent bel et bien le peuplement piscicole, même si cette influence varie. Mais la prédictibilité de la présence d'une espèce exigerait un modèle multiparamétrique d'une grande complexité puisque tous ces paramètres devraient y figurer, ainsi que toutes les interactions entre ces paramètres. Au final, cela revient à considérer que chaque rivière, voire chaque tronçon d'une rivière possède son identité physique, chimique, trophique, morphologique, etc. de sorte que la comparaison par étalonnage manque souvent son objet.

C'était déjà la conclusion tirée par H.B.N. Hynes dans une célèbre lecture à Stuttgart en 1975 où, ayant montré à partir de l'exemple d'un cours d'eau de vallée la chaîne des déterminations physiques de productions de particules minérales et organiques formant la base du système trophique, le chercheur concluait : «Ces relations sont importantes et elles sont si complexes qu'elles défieront la plupart des efforts. Elles rendent clair en revanche que chaque cours d'eau est comme un individu, et donc pas vraiment aisé à classifier» (Hynes 1975). En introduction,  il rappelait malicieusement «Dieu n'est pas plus taxonomiste qu'il n'est mathématicien, ce qui est une illusion écologique».

Depuis bientôt quarante ans que ces remarques ont été formulées, le débat n'est pas clos dans la communauté savante.

Une autre critique, sur le plan épistémologique, concerne l'idée même d'une "naturalité" du peuplement piscicole. De nombreux travaux ont montré (par exemple Tales 2009 en Seine-Normandie) que les espèces aujourd'hui présentes sur nos bassins hydrographiques sont très souvent importées par l'homme, et non pas "naturelles" au sens d'issues directement de l'état des cours d'eau au sortir de la dernière glaciation. De surcroît, viser la parfaite naturalité des cours d'eau ("renaturation") exigerait non seulement de supprimer les obstacles à l'écoulement, mais également de stopper l'intégralité des effluents agricoles, industriels et domestiques, les empoissonnements des fédérations de pêche, les canalisations, etc, bref d’éliminer toute présence et influence humaines.

En conclusion, à retenir
- Malgré la présence importante et ancienne d’ouvrages hydrauliques réputés infranchissables, la qualité piscicole de la Tille mesurée par l’IPR est, dans la majorité des mesures disponibles sur la période 2006-2011, «bonne» ou «excellente».

- Ce constat permet de douter de l’importance des seuils et barrages dans la dégradation des rivières, en particulier de leur volet piscicole. L’impact cumulatif des ouvrages aurait dû aboutir à un IPR mauvais sur l’ensemble du linéaire, ce qui n’est pas le cas.

- Le score d’IPR calculé au même lieu présente cependant une variance notable dans le temps, ce qui pose question sur la robustesse de l’indice et de sa mesure.

- Plus largement, les typologies de rivières présentent des biais méthodologiques et épistémologiques. Cela explique que, malgré plus d’un siècle de réflexion scientifique, aucune de ces typologies n’est parvenue à s’imposer pour ses qualités descriptives et prédictives.

- La notion même de «naturalité» d’un cours d’eau, qui est à la base des comparaisons paramétriques de l’IPR et des autres biotypologies, devrait être questionnée car toutes les civilisations sédentaires utilisent et modifient les masses d’eau depuis sept millénaires. Un indice conçu pour le rapportage à court terme à l’Union européenne devrait a minima inclure une pondération associée à la densité humaine de peuplement le long de la rivière, donnant une vision plus réaliste de ce qui est faisable ou non à l’horizon 2015, 2021 et 2027.

- Plus fondamentalement encore, certains hydrobiologistes considèrent chaque rivière comme un «individu» ayant des propriétés physico-chimiques et une histoire éco-biologique (incluant l’influence anthropique) singulières. Si cette hypothèse est exacte, normaliser la biomasse et la densité spécifiques attendues est un exercice dénué de sens.

- D'un point de vue très pratique, et pour les rivières classées en liste 2 en 2012-2013, la DDT et l'Onema devront produire les IPR disponibles aux maîtres d'ouvrages qui leur en font la demande. L'ambition des aménagements devant être proportionnée au gain environnemental attendu, une rivière en bon ou excellent état piscicole (au sens de l'IPR et de la DCE 2000) ne requiert pas des dispositifs très coûteux puisque la franchissabilité piscicole n'y est pas un facteur dégradant du bon état écologique. Dans les cas où l'IPR est mauvais, une analyse détaillée des causes de dégradation devra être produite par l'autorité en charge de l'eau.

Références
Belliard J, Roset N (2006), Indice Poissons Rivière (IPR). Notice de présentation et d’utilisation, CSP-Onema, 22 p.
EPTB Saône & Doubs (2010), Etat des lieux. Dossier de candidature au contrat de bassin de la Tille, 60 p.
Oberdorff TD et al (2001), A probabilistic model characterizing riverine fish communities of French rivers: a framework for environmental assessment, Freshwater Biology, 46, 399-415
Oberdorff TD et al (2002), Adaptation et validation d’un indice poisson (FBI) pour l’évaluation de la qualité biologique des cours d’eau français, Bull. Fr. Pêche Piscic, 365/366, 405-433.
Oberdorff TD et al (2002), Development and validation of a fish-based index (FBI) for the assessment of rivers “health” in France, Freshwater Biology, 47, 1720-1735.
SOGREAH – EPTB Saône & Doubs (2010), Restauration physique des milieux aquatiques et gestion des risques d’inondations sur le bassin versant de la Tille, 203 p.
Tales E (dir) (2009), Le peuplement de poissons du bassin de Seine, CNRS programme Piren-Seine.
Wasson JG (1989), Eléments pour une typologie fonctionnelle des eaux courantes. I. Revue critique de quelques approches existantes, Bull Ecol, 20, 2, 109-127

04/02/2014

Continuité écologique: la goutte d’eau qui fait déborder le bief…

Nous avons reçu Sur le devant de la Seine, le bulletin d’information du Sicec (Syndicat intercommunal des cours d’eau du Châtillonnais) et de Sequana, contrat de rivière Seine Amont sur les bassins de Seine, Ource, Laigne, Aube, Sarce et Arce.

En pages 2 et 3, un article sur le classement des rivières et la continuité écologique. Le bulletin étant (notamment) financé par les fonds versés par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie étant (notoirement) championne dans la politique aveugle de destruction des seuils et barrages, le contenu de l’article est (évidemment) un éloge de l’effacement présenté comme "solution optimum"


Information ou propagande ?
A l’appui de cet «argumentaire», le dessin ci-contre. Qui résume à lui seul la vision totalement biaisée de nos interlocuteurs. On voit la rivière «en présence d’un ouvrage», et c’est évidemment la désolation : des poissons morts, des bouteilles vides, des boites de conserve, un tas de sédiments que l’on imagine à peu près aussi pollués qu’un site Seveso. Tout cela ayant évidemment pour cause le seuil en rivière. Seconde image : la même rivière sans son barrage. Et là, miracle : les poissons nagent dans une eau limpide d’où toute pollution a disparu.

Cette image est un pur exercice de désinformation.

Et un exercice que nous jugeons extrêmement regrettable pour un syndicat de rivière ayant pour mission une information objective des citoyens et des élus.

La réalité des seuils en rivière pour les meuniers et usiniers, ce sont des monceaux de détritus qui sont retirés par eux chaque année de l’eau, car récupérés dans leurs grilles de bief. Cette pollution, c’est nous, c’est vous, c’est la France entière qui prend ses rivières pour des poubelles. Des dizaines, des centaines voire des milliers de kilos de détritus. Demandez par exemple aux petits producteurs de l’Ouche à l’aval de Dijon, qui récupèrent toutes les immondices de la Préfecture et de son si peu écologique lac Kir. (Il est vrai que les anciens biefs de la Capital de Bourgogne furent pour la plupart asséchés par des «modernisateurs» avisés,  donc leurs héritiers et «décideurs» de nos rivières n’ont sans doute plus tellement la culture hydraulique des Navier, Bazin et Darcy).


Même dans les rivières les plus modestes, même à proximité de leurs sources, on trouve de tels déchets. Voilà ci-dessus la vérité des rivières, la vérité que ne veulent apparemment voir ni les syndicats, ni les agences de bassin ni les autorités en charge de l’eau. (Merci à Pascal qui a photographié ces ordures retirées de sa grille).

La réalité est donc à l'opposé du discours du Sicec : des seuils et biefs bien gérés contribuent à la qualité de l'eau.

Répéter 100 fois un mensonge n’en fait jamais une vérité…
Sur le fond, il est inacceptable de continuer à laisser croire que le seuils et barrages forment la première cause de dégradation des rivières. Répéter 100 fois un mensonge n’en fera jamais une vérité.

Il n’existe aucune base scientifique robuste à la désignation des seuils et barrages comme cause principale ou même importante d’altération de la qualité de l’eau. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France détérioraient gravement la faune piscicole, il n’y aurait plus un seul poisson dans nos cours d’eau depuis longtemps. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France empêchaient le jeu de l’érosion, du transport et de l’alluvion, leurs retenues seraient comblées depuis belle lurette. Car des moulins, il y en avait plus encore voici 150 ans, et ni les truites ni les écrevisses ne manquaient à l’appel.  Quand des impacts existent – et ils peuvent très bien exister –, ce sont des aménagements simples et de bon sens qui doivent les corriger, pas des destructions pseudo-écologiques à la pelleteuse financées par le contribuable sans lui demander son avis.

Le pire est que le Sicec est bien placé pour le savoir : il a réalisé en 2011-2012 un état zéro du bassin de Seine Amont qui concluait que les premiers facteurs d'impact restent les pollutions. Mais alors, pourquoi ce premier numéro de Sur le devant de la Seine n'est-il pas justement consacré à ce problème prioritaire? Pourquoi encore et encore rabâcher le catéchisme de la destruction du patrimoine hydraulique?

L'échec de la politique de l'eau se cherche des boucs émissaires et des écrans de fumée
Mais peu à peu, on commence à comprendre la vérité des rivières et des aquifères : la France a 20 ans de retard sur le traitement des pollutions d’origine agricole, industrielle, ménagère, pharmaceutique. Les seuils et barrages paient l’échec des politiques de l’eau, échec acté par la Cour des Comptes, et encore l’année dernière par le rapport Lesage et par le rapport Levraut, échec qui vaut déjà à la France une nouvelle condamnation pour non-respect de la directive Nitrates de 1991, échec qui lui vaudra soyons-en sûr sa condamnation future pour non-respect de la Directive cadre sur l’eau 2000, de la Directive Pollutions de 2008 et de la Directive Pesticides de 2009.

Ceux-là mêmes qui sont les premiers responsables de ce désastre – les Agences de l’eau créées en 1964, les responsables successifs du Ministère de l’Ecologie et de sa Direction de l’eau, les lobbies ayant l’écoute de Matignon ou de l’Elysée et ayant construit un Grenelle bancal qui ne traite aucun problème de fond mais saupoudre de l'illusion d'action efficace – et qui devraient en rendre des comptes aux citoyens et aux élus essaient depuis quelques années de travestir leur inaction passée par un surcroît stérile d’agitation sur la question des seuils et barrages.

Au fond, ce dessin caricatural promu par le Sicec nous dit une vérité sans bien s’en rendre compte. On ne lutte pas contre la pollution, on se contente de la faire disparaître du regard. De la faire filer au plus vite vers les estuaires et vers les océans. Là où elle ne se voit plus, et permet à chacun de dormir tranquille. Face à cette bonne conscience retrouvée à bon compte, que valent quelques vieilles pierres de nos biefs?

Source : Sicec Sequana (2014), Sur le devant de la Seine, n°1, 8 p.

Pour en savoir plus sur Hydrauxois :
Sur les truites qui ne meurent pas des seuils et barrages
Sur les écrevisses qui ne meurent pas des seuils et barrages
Sur l’Armançon qui n’est pas dégradé au premier chef par les seuils
Sur le Serein qui n’est pas dégradé au premier chef par les seuils
Sur la Seine qui n’est pas dégradée au premier chef par les seuils
Sur les nitrates qui ne reculent guère depuis 20 ans
Sur les mesures de pollution qui sont incomplètes ou inexistantes

Pour en savoir plus sur OCE :
Dossier complet de la Continuité écologique en Côte d'Or
Absence de liens entre seuils et indice de qualité piscicole
Absence de liens entre moulins et qualité de l’eau au XIXe siècle
Corrélation douteuse entre taux d’étagement et qualité piscicole

20/01/2014

Obstacles à l'écoulement?

Senailly, Quincy-le-Vicomte, Rougemont, Aisy-sur-Armançon… il est difficile de voir les seuils en rivière cette journée du 20 janvier 2014 (cliquer l'image ci-dessous pour agrandir). A peine des remous de surface traduisent-ils un ressaut hydraulique. Et pour cause : la brusque montée des eaux suite au passage d'un épisode pluvieux soutenu a noyé les ouvrages. Et inondé les prés riverains. De toute évidence, ces variations hydrologiques naturelles rétablissent à intervalles réguliers la libre circulation des poissons, notamment des migrateurs comme l'anguille. Nous conseillons à tous les maîtres d'ouvrage de réaliser des photos et vidéos de leurs seuils ainsi noyés. Car l'autorité en charge de l'eau (DDT, Onema) doit justifier la nécessité des passes sur chaque ouvrage, dans le cadre d'une procédure contradictoire où il s'agit d'estimer la gravité de l'impact environnemental et la proportionnalité de la réponse à cet impact. Un certain nombre d'experts considèrent que les seuils de moulin ne forment pas des altérations telles qu'elles justifient des effacements ou des aménagements coûteux, surtout en tête de bassin versant.

07/01/2014

Le combat du Moulin du Boeuf dans le Bien Public

Malgré 1700 signatures remises en préfecture, le soutien des pêcheurs, des élus locaux et des riverains, ainsi qu'un argumentaire complet sur la préservation de la qualité écologique de la Seine en cas d'une reprise d'activité énergétique sur le site, le Préfet de Côte d'Or a refusé de revenir sur son arrêté d'annulation du règlement d'eau du Moulin du Boeuf à Bellenod-sur-Seine. Ce sera donc le contentieux devant le tribunal administratif, et le maintien d'une forte mobilisation citoyenne pour défendre les moulins et usines hydrauliques sur nos territoires. En particulier pour que M. Bouqueton reconquiert la liberté de produire son électricité. Il est regrettable que, sur le bassin Seine-Normandie, l'Etat brime ainsi ceux qui investissent dans la restauration du patrimoine et dans la production d'une énergie locale. Ci-dessous, l'article du Bien Public (12/12/2013), journal qui assure une remarquable couverture de nos actions en Côte d'Or.

20/12/2013

Aménagement de la Vallée du Cousin: les truites souffrent-elles des moulins?

Comme nous l'avions annoncé (voir ici et ici), notre association travaille sur une analyse critique du Programme LIFE+ Continuité écologique porté par le Parc du Morvan dans la vallée du Cousin. Il s'agit de savoir si les moulins sont le principal obstacle à la présence de truites fario et de moules perlière dans la rivière morvandelle. Le premier volet est disponible: il concerne la truite fario (téléchargement ci-dessous). Voici la synthèse des principaux points.

• Les populations de truite fario du Cousin Aval (comme du Cousin Amont) exhibent une faible densité et biomasse dans le cours principal, mais une surdensité sur certains des affluents.

• Le profil thermique du Cousin Aval montre des eaux réchauffées sur certaines parties du linéaire, sans que les températures n’excèdent cependant la zone de tolérance des truites fario.  Aucun modèle des variations de température du Cousin n’est proposé dans les travaux de l’Onema, du PNR ou des bureaux d’étude.

• Les analyses historiques, notamment la monographie de référence d’Emile Moreau en 1898, montrent que la truite fario était très commune dans la rivière alors que tous les moulins étaient  déjà présents sur son linéaire.

• Les candidats à la raréfaction de la truite sur le Cousin sont nombreux, notamment : création du lac artificiel de Saint-Agnan, pollutions diffuses (domestique, agricoles, sylvicoles, industrielles, médicamenteuses), modification des berges et de la ripisylve, réchauffement climatique et îlot de chaleur urbain, surpêche et braconnage, introduction d’espèces concurrentes et notamment d’espèces ichtyophages, pathologies.

• S’agissant du cas particulier de la truite,  il est possible d’améliorer le biotope par des interventions ciblées sur certains seuils de moulin : passe en contournement des seuils les plus élevés, bonne gestion du débit minimum biologique, restauration de ripisylve sur des berges déboisées. Toutefois, l’absence de corrélation manifeste entre présence de la truite et présence des moulins exclut des programmes destructeurs du patrimoine hydraulique et invite les parties prenantes du dossier à mieux analyser les difficultés d’implantation de la truite fario.

Référence
Hydrauxois-OCE (2013), Les truites du Cousin Aval souffrent-elles de la présence des moulins ? Restauration hydro-écologique de la Vallée du Cousin Aval étude n°1, 13 p. (pdf)

05/12/2013

Ecrevisses du Morvan: les vraies causes de leur disparition

A l’heure où l’on parle de restaurer la qualité environnementale des cours d'eau, le cas des écrevisses est particulièrement emblématique. Ces crustacés d’eau douce ont longtemps été des mets de choix et les anciennes générations se souviennent encore de leur abondance en rivière.  Les écrevisses autochtones ont aussi besoin d’une eau en bonne santé : absence de pollutions, bonne oxygénation, diversité des écoulements.  Elles sont donc un biomarqueur de la qualité chimique et écologique des milieux aquatiques.

Il existe aujourd’hui trois espèce d’écrevisses autochtone en France : l’écrevisse dite à pieds rouges (Astacus astacus Linné),  l’écrevisse dite à pieds blancs (Austropotamobius pallipes Lereboullet), l’écrevisse de torrent (Austropotamobius torrentium Schrank). L’écrevisse à pattes grêles (Astacus leptodactylus Eschscholtz), parfois considérée comme espèce française, est en réalité originaire d’Europe de l’Est. Rivières, étangs et lacs ont été colonisés par trois autres espèces importées du continent nord-américain : l’écrevisse américaine (Orconectes limosus Rafinesque), l’écrevisse de Californie ou écrevisse du Pacifique (Pacifastacus leniusculus Dana), l’écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus clarckii Girard). A partir du milieu des années 2000, on a identifié une septième espèce, pour la première fois dans le Doubs : Orconectes juvenilis Hagen (Chucholl et Daudey 2008). Elle aussi est originaire d’Amérique du Nord (Kentucky, Indiana).

La situation des écrevisses est marquée par un déclin des espèces autochtones tout au long du XXe siècle, et une expansion rapide des espèces importées (Collas, Julien et Monnier 2007). En particulier, les écrevisses de Californie et du Louisiane ont un comportement agressif, une bonne résistance aux pathologies et une capacité à s’adapter à des milieux aquatiques variés. Elles peuvent donc entrer facilement en compétition avec les espèces autochtones dans leurs dernières niches écologiques préservées. Les espèces nord-américaines sont notamment porteuses saines de la peste de l’écrevisse (aphanomycose, infestation par le parasite Aphanomyces astaci).

Aujourd’hui, on trouve encore en Bourgogne l’écrevisse à pieds blancs dans 128 ruisseaux sur 593 échantillonnées. L’écrevisse à pieds rouges n’est plus présente que dans deux ruisseaux et deux étangs. Les quatre espèces importées ont en revanche colonisé les cours d’eau. (Lerat, Paris et Baran 2006). Une étude menée plus spécifiquement sur le Morvan par Jérôme Mahieu et Laurent Paris a permis de mesurer avec précision l’évolution des populations d’écrevisse (Mahieu et Paris 1998). L’écrevisse américaine a été introduite dès les années 1920, l’écrevisse du Pacifique dans les années 1970, l’écrevisse des torrents dans les années 1980 et l’écrevisse de Louisiane semble apparaître dans les années 1990.

Les écrevisses autochtones à pieds blancs et pieds rouges subirent une première vague de mortalité en Morvan dans les années 1870 et 1880, avec semble-t-il l’apparition de l’aphanomycose. Mais elles survécurent. La comparaison entre les relevés de 1940 et de 1997 montre qu’au cours de la seconde partie du XXe siècle, les écrevisses à pieds blancs ont disparu de près de la moitié de leur ancienne aire de répartition, et les écrevisses à pied rouges des trois-quarts (voir schéma ci-contre).

L’analyse de causes de cette disparition permet de déceler plusieurs facteurs :
- concurrence des espèces importées ;
- maladies (outre la peste des écrevisses, on signale la maladie de porcelaine ou thélohaniose) ;
- apparition de nouveaux étangs dédiés à la pêche de loisir (avec concentration fer et ammonium, réchauffement d’eau, zones propices aux écrevisses importées) ;
- sylviculture (sapin de Noël notamment) avec recul des feuillus, destruction de ripisylve, utilisation d’engins à moteur et usage massif de phytosanitaire ;
- pollution par produits chimiques agricoles ou sylvicoles et rejets domestiques diffus (eaux usées) ;
- braconnage et surpêche, introduction de carnassiers des étangs (brochets, perches).

Le point qui mérite d’être souligné en conclusion, c’est le rôle a priori nul ou marginal joué par les moulins dans l’évolution des populations d’écrevisses morvandelles. En effet, quasiment tous les moulins de Nièvre, Yonne et Côte d’Or sont antérieurs à la Révolution française. Les modifications d’écoulement induites par leurs seuils et chaussées sont donc anciennes, et ne sont pas corrélées au déclin rapide observé au cours des 100 dernières années. Nous disions en introduction que les écrevisses sont emblématiques : élément familier et menacé de notre patrimoine aquatique, elles illustrent bien les vraies causes d’altération des rivières, mais aussi l’absence de discernement des politiques publiques actuelles de continuité écologique.

Références
Chucholl C, T Daudey (2008), First record of Orconectes juvenilis (Hagen, 1870) in eastern France: update to the species identity of a recently introduced orconectid crayfish (Crustacea: Astacida), Aquatic Invasions, 3, 105-107.
Collas M, C Julien, D Monnier (2007), La situation des écrevisses en France. Résultats de l'enquête nationale réalisée en 2006 par le Conseil Supérieur de la Pêche, Conseil Supérieur de la Pêche, Délégation régionale de Metz, 42 p.
Lerat D, L Paris, P Baran, Statut de l’écrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes Lereboullet, 1858) en Bourgogne : bilan de 5 années de prospection, Bull Fr Pêche Piscic, 380-381, 867-882.
Mahieu J, L Paris (1998), Les écrevisses en Morvan, Cahiers scientifiques du Parc Naturel Régional du Morvan, 1, 68 p.

03/12/2013

Moulins du Cousin: une analyse approfondie par le PNR du Morvan, dans le cadre du programme Life+ Continuité écologique

Comme nous l'avions mentionné dans un précédent article, le Parc Naturel Régional (PNR) du Morvan porte aujourd'hui un projet de restauration écologique du Cousin aval, sur financement du programme européen LIFE+ Continuité écologique.

Les travaux des bureaux d'études chargés du diagnostic écologique et morphologique viennent d'être mis en ligne. Nous nous en félicitons puisque nous avions souhaité depuis l'été cette mise en ligne afin de proposer une analyse critique des documents. Les questions que nous poserons seront notamment les suivantes :
- la truite fario et la moule perlière souffrent-elles à titre principal des seuils de moulin?
- l'intervention sur les seuils de moulin a-t-elle une probabilité élevée de restaurer les habitats pour ces espèces?
- y a-t-il une garantie de résultat et une analyse coût-avantage?
- les autres facteurs de dégradation du Cousin sont-ils correctement mesurés?
- quel est le coût comparé des options d'aménagement ou d'effacement?
- la valeur culturelle et patrimoniale des biens est-elle prise en compte?
- la dimension paysagère, notamment l'évolution de la vallée aux étiages, a-t-elle été intégrée?
- le potentiel énergétique a-t-il sa place dans la réflexion?

Seule une lecture approfondie des documents venant d'être publiés nous permettra d'apporter les réponses, au début de l'année 2014. Nous organiserons une réunion publique d'information à ce sujet.

D'ores et déjà, une première lecture rapide permet d'observer que le travail mené sous l'égide du PNR Morvan a très correctement pris en compte l'existence des ouvrages, sans les réduire à leur seule dimension d'obstacle à l'écoulement : une fiche complète et détaillée est consacrée à chacun d'eux, avec une analyse juridique et historique. Sans préjuger de la validité de cet aspect précis (les questions de droit d'eau sont assez complexes), on peut d'ores et déjà souligner qu'il s'agit là d'un bel exemple d'étude approfondie. Il n'est pas isolé puisque l'EPTB Saône & Doubs (avec les syndicats de la Tille) nous a montré en novembre dernier une initiative, elle aussi fort intéressante, de fiches moulins des bassins Tille-Bèze-Albane, commandées par ses soins à un bureau d'études.

Ces bonnes pratiques doivent impérativement se généraliser : elles permettent en effet de prendre en compte la cohérence du bassin versant, d'analyser les problèmes fonctionnels sur chaque ouvrage hydraulique, de chercher des solutions équilibrées et concertées. Nous souhaitons donc que sur financement de l'Agence de l'eau Seine-Normandie, de tels travaux soient menés sur les bassins de Seine amont (SICEC), Armançon (SIRTAVA) et Serein (Syndicat du Haut-Serein). C'est d'autant plus nécessaire que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la continuité écologique (214-17 C Env), l'autorité en charge de l'eau devra de toute façon motiver de façon circonstanciée les mesures de police administrative qu'elle entend imposer sur chaque ouvrage.

Même si nous aurons probablement certains désaccords d'interprétation sur les priorités d'action pour le Cousin, nous devons donc souligner la belle qualité du travail engagé par le PNR du Morvan. Et nous le faisons de bonne grâce : à partir du moment où les maîtres d'ouvrages hydrauliques et leurs associations participent pleinement à la concertation, et où cette concertation n'est pas l'imposition d'une mesure décidée d'avance, le travail sur les rivières se déroulera dans les meilleures conditions.

Illustration : un exemple de plan en crayonné de chaque ouvrage hydraulique du Cousin. Au total, 24 sites de la partie aval de la rivière ont ainsi été étudiés. © PNR Morvan, Life+

01/12/2013

En finir avec une idée reçue: "Equiper un moulin? Cela ne produit presque rien!"

Plusieurs fois,  des interlocuteurs nous ont dit : «Equiper des moulins ? Mais cela ne représente presque rien en énergie !». Dernièrement, c’était un technicien de rivière sur l’Armançon qui tenait ce discours. Examinons si cet argument est fondé.

Tout d’abord, il faut comparer ce qui est comparable : une roue de moulin sur une petite rivière ne représente pas grand chose par rapport à une grande éolienne de 5 MW sur une colline bien ventée (un facteur 1000 en dessous pour la puissance nominale, un facteur 250 pour le production énergétique réelle), et cette éolienne elle-même ne représente pas grand chose par rapport à une centrale nucléaire à cinq réacteurs (un facteur 1000 en dessous, à nouveau). Il n’est pas très fécond de comparer ainsi des pommes et des bananes !

On doit donc comparer la turbine ou roue de moulin avec ce qui est comparable : si l’on parle d’une petite rivière, comme c’est le cas pour tous les tronçons amont de cours d’eau et leurs chevelus de petits affluents en Côte d’Or, on peut par exemple comparer l’équipement du moulin par une turbine ou roue avec l’équipement de son toit par des panneaux solaires photovoltaïques.

Le rayonnement solaire moyen est de 1000 kWh / m2 / an dans nos régions, et le rendement moyen d’un mètre carré de panneaux solaires est de 15%.  Donc tous comptes faits, mettre 20 m2 de panneaux solaires va produire en moyenne 8 kWh par jour. (Chiffre évidemment variable selon la région, l'insolation, etc. mais le productible sera de cet ordre).

Une très petite rivière (comme le Rabutin ou l’Ozerain en tête de bassin par exemple) a un potentiel minimal réaliste de 3 kW en débit d’équipement disponible toute la journée et presque toute l'année. Avec le rendement habituel de l’hydro-électrique, une turbine peut produire 56 kWh par jour, une roue 35 kWh.

On voit que l’équipement hydraulique d’un moulin très modeste produira 4 à 7 fois plus que son équipement solaire photovoltaïque. Rappelons que le solaire PV est aujourd’hui racheté par EDF-OA environ 30 centimes d’euro par KWh alors que l’hydraulique est racheté environ 12 c€ par kWh. Cela signifie que le solaire PV produit 4 à 7 fois moins que l’hydraulique en dimensionnement et coût comparables, mais que l’hydraulique coûte 3 fois moins cher à la collectivité que le photovoltaïque. En fait, le tarif de rachat du kWh hydraulique est devenu quasiment équivalent au prix payé par le consommateur.

Par ailleurs, on a parlé ici des petites rivières et des têtes de bassin. Mais dès que l’on descend un peu sur le bassin versant, le débit est plus soutenu : pour un moulin situé typiquement sur l’Armançon à Semur-en-Auxois, sur le Cousin à Avallon, sur le Serein à Toutry ou sur la Brenne à Montbard, la puissance hydraulique disponible sera dix fois plus élevée que dans notre exemple à 3 kW. Rappelons qu’outre le prix et la puissance, l’hydraulique possède également le meilleur bilan carbone et le meilleur bilan matière première de toutes les énergies renouvelables :  son empreinte écologique est remarquablement faible.

Loin de nous l’idée qu’il faut décourager telle ou telle énergie renouvelable. En revanche, il n’est pas sérieux pour un décideur ou un technicien de prétendre que les moulins sont négligeables en énergie et ne doivent pas être équipés. Si tel était le cas, le même raisonnement conduirait à abandonner en priorité tout équipement solaire PV, micro-éolien et géothermique pour particuliers en France, dont le rendement énergétique est moins intéressant que celui de la petite hydraulique !

La vérité est que le potentiel de la petite hydraulique est négligé dans notre pays. Il l’est soit par ignorance du domaine énergétique et de ses ordres de grandeur, soit par volonté idéologique de détruire les seuils de moulin.  Dans l’un et l’autre cas, cette négligence n’est plus acceptable : aucune rivière de France, si modeste soit-elle, n’est dénuée d’un potentiel énergétique digne d’être exploité à l’heure de la transition énergétique.

Illustrations : le Rabutin à Bussy-le-Grand, hydrologie assez typique d’une très petite rivière des plateaux calcaires à marnes de l’Auxois. Même sur ces modestes cours d’eau, un équipement hydraulique bien conçu peut produire l’équivalent annuel de la consommation électrique dune famille, chauffage compris. Pour un résultat comparable, il faudrait installer 150 m2 de panneaux solaires, ce qui coûterait bien plus cher au propriétaire comme à la collectivité.  Et dans ces vallées parfois encaissées, le micro-éolien aurait un rendement médiocre en raison des turbulences et rugosité de la couche-limite.

Pour aller plus loin : découvrez le potentiel hydraulique de Côte d’Or et la manière dont il était exploité au XXe siècle. Grâce à la volonté des maîtres d’ouvrage et à l’action des associations de la Coordination Hydro 21, ce beau potentiel est aujourd’hui redécouvert et plusieurs projets d’équipement sont déjà en route. Si vous possédez un moulin, contactez-nous pour en parler (mail dans la colonne de droite). Si vous produisez déjà, inscrivez-vous pour partager votre expérience sur le Forum de la petite hydro-électricité.

27/11/2013

Evolution des populations de poissons depuis 20 ans: des résultats qui ne confirment pas l'impact majeur de seuils et barrages

L’Onema vient de rendre publique sur son site une synthèse sur les tendances observées dans les populations de poissons d’eau douce de la France métropolitaine entre 1990 et 2009 (Onema 2013). Ce document reflète, assez tardivement, une étude parue en 2011 dans le Journal of Fish Biology (Poulet et al. 2011).

Au sein de la base de données des milieux aquatiques et piscicoles (BDMAP), une sélection a été faite de 590 stations bénéficiant d’une durée égale ou supérieure à 8 années de suivi. Soit un total de 7746 pêches électriques de contrôle des populations piscicoles en rivière. La couverture est relativement correcte du point de vue national et toutes les tailles de cours d’eau sont représentées, avec  une dominante de petites rivières en ordre de Strahler 3 ou 4 (les ordres 1 à 4 sont nettement plus représentés que les ordres 5 à 8). Au total, 48 espèces ou taxons sont concernés.

A l’échelle nationale, on observe une augmentation de richesse spécifique moyenne (biodiversité), qui gagne 1,4 espèce en moyenne. L’augmentation s’observe sur 58% des stations tandis qu’une diminution est constatée dans 34% d’entre elles.

Concernant l’occurrence par espèce, les résultats sont également positifs puisqu’une augmentation significative est observée dans 42% des cas et un déclin significatif dans 11% des cas seulement.  Concernant la densité moyenne, la même tendance est relevée : une augmentation significative dans 74% des cas, un déclin significatif dans 17% des cas.

Qui sont les gagnants et les perdants (si l’on peut dire) de ces tendances dans la population piscicole ? Le résultat n’est pas toujours celui que l’on pouvait attendre.

Ainsi, sans grande surprise, des poissons nouvellement introduits – comme le silure, l’aspe, le pseudorasbora et l’épirine lippue – voient leur population grimper, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les populations autochtones. D’autres comme l’anguille, le brochet ou la truite commune sont en revanche en déclin.

En revanche, on observe aussi le déclin plus surprenant d’espèces connues comme assez adaptables à des eaux polluées ou réchauffées (tanche, brème commune). Il en va de même pour la carpe.

D’autres espèces plus exigeantes en qualité de milieu ou plus rhéophiles sont en revanche en hausse dans les rivières : barbeau, apron du Rhône, chevesne, lamproies ou chabot.

Ce qu’il faut retenir :

• dans la mesure où il y a augmentation globale (mais pas forcément locale) de tous les indices sur la période (biodiversité, occurrence, densité), il est difficile de parle d’un état catastrophique des populations piscicoles en France métropolitaine ;

• les causes de l’évolution des espèces ne sont pas analysées, et l’on sait que cette attribution de causalité est très difficile en raison des pressions multiples (pollutions diffuses et aiguës, surexploitation par pêches et braconnages, réchauffement climatique, introduction d’espèces invasives, dégradations morphologiques de toute nature, etc.) ;

• le schéma observé d’évolution des espèces ne permet pas de dire que les seuils et barrages (principaux objets des efforts de continuité écologique) jouent un rôle majeur. Si tel était le cas, on devrait en effet observer un gradient de dégradation plus marqué de l’aval vers l’amont (à mesure que les impacts des obstacles se cumulent) et concernant en priorité les espèces rhéophiles (que l’on suppose affectées dans leur cycle de vie par les retenues à écoulement lent). Or il n’en est rien.

Il resterait certainement des points techniques à débattre, comme la mesure de significativité des prélèvements sur une même station, qui est un point assez complexe en hydrobiologie. Mais quand on commence à prendre des mesures scientifiques de long terme, au lieu d’imprécations subjectives, voire idéologiques, on est convié à une grande modestie sur le niveau de nos connaissances des rivières et à une grande prudence dans le choix de nos actions. Puissent les décideurs en prendre compte.

Références
Onema (2013), Tendances évolutives des populations de poissons de 1990 à 2009, Les Synthèses, n°7, mai.
Poulet N, Beaulaton L,  Dembski S (2011), Time trends in fish populations in metropolitan France: insights from national monitoring data, Journal of Fish Biology, 79, 1436-1452.

A consulter également : notre dossier d'analyse des liens entre présence de seuils et indice de qualité IPR (OCE)

Illustrations : richesse spécifique 1990-2009 (en haut), tendances pour trois espèces (en bas). © ONEMA

25/11/2013

Guide des propriétaires de moulins à eau

Les deux fédérations françaises de moulins (FFAM et FMDF) ainsi que l'Association française des établissements publics territoriaux de bassin (AFEPTB) viennent de publier un Guide à l'intention des propriétaires de moulins. Le document, fort bien conçu, rappelle les droits et devoirs des maîtres d'ouvrage, ainsi que les enjeux de la rivière.

Que l'AFEPTB se soit jointe à la conception et la diffusion de ce Guide est une excellente nouvelle pour le patrimoine et l'énergie hydrauliques. Un nombre croissant d'acteurs de terrain s'avisent que la politique de destruction systématique des seuils est une impasse et une erreur. Place à une gestion raisonnable des ouvrages hydrauliques!
Lien (pdf).

17/11/2013

Pas de passe à poissons sans concertation: rappel de nos questions à la DDT et à l'ONEMA

L'article 214-17 du Code de l'environnement pose que les mesures de continuité écologique doivent être prises "selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant".

On a donc deux notions posées par la loi : le définition de règles, la concertation. Nous constatons que les propriétaires de moulins sur des rivières classées en liste 2 commencent à recevoir des courriers de la DDT qui ne respectent pas cette exigence légale.

Nous rappelons ci-dessous les questions que notre association a communiquées à la DDT et à l'ONEMA dès le mois d'août 2013. Tant que l'administration refusera d'entrer dans la définition exacte des règles qu'elle entend imposer et tant qu'elle réduira la concertation à un monologue par courrier officiel (DDT) ou à un silence pur et simple (ONEMA), il ne faut pas attendre autre chose qu'une inertie sur le dossier de la continuité écologique.

Nous l'avons dit et répété : seule une relation de confiance, de réciprocité et de pragmatisme permettra d'avancer sur la question de la continuité écologique. En aucun cas nous n'avancerons par la tentative d'imposition d'études d'impact et de travaux d'aménagement pour lesquels la plupart des propriétaires sont insolvables. Encore moins par des intimidations sur le caractère légal des ouvrages dont l'arrière-pensée d'effacement n'est, hélas, que trop évidente...

Questions techniques

Sur le franchissement piscicole
> Nous avons besoin d'une information sur les espèces concernées, notamment quand celles-ci sont dans une catégorie indistincte (par exemple «  cyprinidés rhéophiles  »). Pour chaque espèce, nous aimerions connaître  : la présence avérée dans la rivière  ; la nature du besoin (montaison, dévalaison, les deux)  ; la période de migration, le stade de développement concerné par la migration (juvénile, adulte)  ; la capacité de nage et de saut. Est-il possible d'avoir un tableur de synthèse pour les espèces présentes dans chacune des masses d'eau concernées? Le travail de diagnostic assez complet du SICEC sur la Seine sera-t-il généralisé aux autres BV?

> Quels sont les points de vigilance qui vont compter particulièrement dans la réception de la passe à poissons (outre les éléments classique de bonne réponse aux capacités de nage et de saut, d'attractivité, etc.)  : facilité d'entretien, bonne adaptation aux variations aval-amont, etc.?

> D'après les retours d'expérience de passes déjà installées sur des seuils dans la région (par exemple Quincy-le-Vicomte, Senailly, Gomméville, etc.) ou dans des cours d'eau à contraintes hydrologiques / piscicoles assez proches, certains modèles sont-ils considérés comme plus efficaces? Qu'est-ce qui est plutôt préconisé en cas de contraintes multi-espèces ayant des capacités très différentes de nage et saut?

> Les moulins situés juste à l'aval de grands ouvrages sans aménagement prévu sur 2013-2018 (typiquement, barrage VNF de Pont) ont-ils obligation d'aménager malgré le gain négligeable en linéaire librement franchissable? La circulaire d'application prévoit par ailleurs que la proximité d'un obstacle naturel infranchissable peut exempter d'aménagement le seuil  : comment est évaluée cette infranchissabilité? Est-ce la hauteur de 50 cm par ailleurs reconnue pour les seuils (l'interdit en liste 1 porte sur tout nouvel ouvrage de hauteur supérieure à 50 cm)?

> Des dispositifs de comptage existent-ils pour mesurer l'efficacité des dispositifs en place, dans le cadre du contrôle biologique des obligations de résultats ? Ces dispositifs seront-ils à la charge du maître d'ouvrage ou le comptage sera-t-il réalisé par l'ONEMA / les syndicats?

> Certaines entreprises (par exemple EVI-GEST en Bourgogne) proposent des modèles de passes plus ou moins expérimentaux. De même, des brevets ont été déposés (par exemple M. Jacquemin).  Comment savoir si ces passes (quand elles existent déjà autrement qu'en prototype) sont «  agréées  », au sens où leurs tests ont été jugés concluants par les experts en hydrobiologie et hydrophysique? La mise en œuvre de la continuité peut-elle être l'occasion de procéder sur certains seuils ou barrages à des expérimentations de dispositifs, et dans l'affirmative, sous quelles conditions?

Sur le transit sédimentaire
> Sur certaines rivières, il existe des diagnostics approfondis (exemple JR Malavoi, mission Hydratec sur l'Armançon). Sur d'autres, l'information est beaucoup plus pauvre. Même dans le cas de l'Armançon, il est difficile de qualifier un état sédimentaire précisément au droit d'un ouvrage, ou sur un tronçon, et de prendre les mesures proportionnées à la correction éventuelle du déficit de charge solide. Comment est effectuée cette évaluation? L'ONEMA dispose-t-il d'un indice dérivé du SYRAH pour objectiver l'altération sur chaque masse d'eau et proportionner la réponse?

> Nombre de seuils sont de simples chaussées à empierrement, sans organe mobile (ou alors une vanne de décharge de faible largeur, généralement à une extrémité du seuil). Dans ces cas-là, et dans l'hypothèse où un déficit sédimentaire a été préalablement démontré, plutôt que d'engager des travaux de construction de novo d'un vannage de décharge, le propriétaire a-t-il la possibilité de proposer une solution comme le curage régulier de la retenue (période à fixer) avec transfert partiel des sédiments solides curés vers l'aval?

> Sur ce curage et transfert des sédiments, existe-t-il un mémo technique et juridique à jour (envisageant notamment le curage dans le cadre de la restauration sédimentaire)?

> Il existe divers modèles de vannes (guillotine, bascule, clapet, etc.). Quand le propriétaire doit installer un système neuf, quels modèles sont considérés comme les plus efficaces pour le transit sédimentaire?

> Sur certains bassins versants, des opérations coordonnées d'ouverture des vannages à certaines périodes de l'année (propices au transit sédimentaire, non dommageables pour les fraies) ont été organisées. Ce type d'initiative est-il envisagé sur notre région? L'autorité en charge de l'eau est-elle ouverte à des propositions en ce domaine?

Sur la base ROE
> Le fichier Excel disponible en information publique ne donne que rarement la hauteur de chute mesurée sur chaque ouvrage. Et il faut des logiciels SIG spécialisés pour accéder à d'autres données en ligne. Un format largement ouvert (PDF, CSV...) des informations complètes sur chaque ouvrage est-il disponible? Ou prévu?

Sur la notion de «  liste 2 à terme  »
Quelle est la signification exacte de cette notion?

Sur le DMB ou débit réservé
La loi prévoit un débit réservé de 10% à compter de 2014. Parfois, on observe que le débit minimum biologique peut monter à 15% ou 20%. Quels sont les critères scientifiques permettant de définir le seuil du DMB? A quel moment et comment le maître d'ouvrage peut-il être informé du DMB, s'il diffère des 10% à mettre en œuvre au 1er janvier prochain? Comment s'estime le module quand il n'y a pas de station hydrologique sur le cours d'eau (petits ordres de Strahler)

Questions administratives, économiques  et de gouvernance

Sur la proportionnalité de l'aménagement et de l'enjeu
La Circulaire d'application de janvier 2013 revient à plusieurs reprises sur la notion d'aménagement proportionnel à l'enjeu. Cela suppose une analyse coût-avantage (ACA) faisant intervenir des facteurs écologiques et des facteurs économiques. En l'absence de «  mode d'emploi  », cette ACA est assez périlleuse. En logique «  service rendu par les écosystèmes  », on peut par exemple s'interroger sur le service rendu par la circulation des chevesnes sur un tronçon de 10 km  et la dépense globale justifiable pour parvenir à ce résultat sur le linéaire concerné. On conçoit que le réponse est difficile à objectiver... L'autorité en charge de l'eau peut-elle préciser sa hiérarchie des enjeux (au sein du volet piscicole et du volet sédimentaire) et sa conception de la proportionnalité des aménagements?

Sur la question du coût des aménagements
> C'est le principal «  point noir  » en terme de réussite future de la continuité écologique, un problème clairement perçu par les maîtres d'ouvrage. Un aménagement complet peut coûter fort cher  : grilles à 20 mm, goulotte de dévalaison, vanne adaptée au transfert sédimentaire de fond, passe à poissons, modification pour garantir le DMB ... pour des seuils qui sont très majoritairement modestes, la dépense paraît importante. D'autant que le gain écologique futur n'est pas toujours clairement perçu par le propriétaire ni même quantifié par les experts. Parfois, cette dépense est tout simplement hors de portée des capacités d'emprunt du maître d'ouvrage (insolvabilité déjà constatée en France sur de nombreux BV). S'ajoute à cela une très forte dispersion des coûts observés de travaux en rivière, point qui a été relevé par l'ONEMA dès 2011 (Dir4 M. Bramard) et qui fait actuellement l'objet d'une enquête de l'Observatoire de la continuité écologique.  Dispose-t-on aujourd'hui d'une base de données économiques sur les opérations de restauration d'ouvrage? A-t-on des analyses sur les principaux postes de variation des coûts? Les autorités en charge de l'eau comptent-elles associer les professionnels à une démarche d'information ? Comment peut-on envisager des bonnes pratiques aboutissant à des coûts raisonnables et proportionnés d'aménagement?

Sur le rôle des Syndicats et EPTB
> Comme cela s'est déjà fait sur plusieurs bassins versants en France, les syndicats de rivière ont-il prévu des études par tronçons permettant d'envisager l'enjeu sédimentaire / piscicole sur tout le linéaire? Les autorités en charge de l'eau encouragent-elles ce type de solution?

Sur la position des Agences de l'eau et les demandes d'indemnités pour charge exorbitante
> Les Agences de l'eau ont prévu un budget important (de l'ordre de 2 milliards d'euros) pour la restauration écologique, sur leur programmation budgétaire 2013-2018. En l'état de leurs arbitrages, elles privilégient les effacements d'ouvrages et se montrent très sélectives pour financer des aménagements. La subvention est souvent nulle, sauf si l'ouvrage est considéré comme «  structurant  » (mais à des conditions assez drastiques et rarement réunies). Mais les choix varient d'une Agence à l'autre (cf plus loin). Cette position est le second «  point noir  », puisqu'elle paraît infondée aux propriétaires  : ils sont le cas échéant disposés à modifier substantiellement leur ouvrage pour améliorer la qualité de l'eau considérée comme «  bien commun  », mais ne comprennent pas pourquoi une telle dépense reposerait entièrement sur leurs épaules alors qu'elle s'inscrit dans la recherche d'un intérêt général. Comme l'art 214-17 C env ouvre la possibilité d'une indemnité en cas de «  charge spéciale et exorbitante  », un blocage des Agences de l'eau sur le refus de toute subvention pour les aménagements de petits ouvrages risquerait de se traduire par des demandes systématiques d'indemnités et des contentieux en cas de refus de payer ces indemnités. Les Agences de bassin concernées — principalement AESN Seine-Amont — participeront-elles à des concertations et informations sur ce point? Comment l'autorité de charge de l'eau (qui recevra les demandes d'indemnités) se positionne-t-elle? Pourquoi l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée propose-t-elle en Côte d'Or des financements à 60% voire 80% des passes quand l'Agence de l'eau Seine-Normandie oppose des fins de non-recevoir?

Sur les pertes de production énergétique
> Un certain nombre d'adhérents de notre association produisent en autoconsommation ou en vente réseau. Les différentes réformes vont occasionner une perte de production (convention d'ouverture des vannages à certaines périodes, perte de charge dans les grilles à faible écartement et goulotte de dévalaison, etc.). Comment ce point sera-t-il géré par l'autorité en charge de l'eau?

Sur la représentation des associations de riverains et propriétaires tout au long de la mise en œuvre de la continuité
> Il a été observé dans divers documents récents (Rapport Cour des comptes 2013, Rapport du CGEDD sur la mise en œuvre de la continuité écologique 2013, rapport Lesage d'évaluation de la politique de l'eau 2013) que des efforts étaient nécessaires en terme de concertation, information et participation. Des dispositifs en ce sens sont-ils prévus  ? Outre des rencontres ponctuelles (comme celle faisant l'objet de ce mémo), nos associations pourront-elles être intégrées le plus en amont possible, afin de jouer leur double rôle d'information des adhérents et des pouvoirs publics?

04/11/2013

Bellenod-sur-Seine, Cry: quand les pêcheurs défendent les seuils en rivière

Nous avons déjà longuement évoqué sur ce blog le moulin du Bœuf à Bellenod-sur-Seine, dont le propriétaire Gilles Bouqueton se bat pour voir reconnaître la validité de son règlement d’eau, et le droit de produire une énergie propre en Châtillonnais.

L’AAPPMA de la Saumonée d’Aignay le Duc vient de prendre position dans ce dossier. Les pêcheurs, représentés par M. Rémy Délery et le bureau de l’association, observent :

«Suite à notre entretien du 19 octobre 2013 avec monsieur Gilles Bouqueton, propriétaire du moulin du Bœuf, l’ensemble du bureau avec son président Rémy Délery et l’appui de plusieurs pêcheurs soutiennent activement l’action menée pour une éventuelle restauration de la roue du moulin.


Nous pensons que cette restauration n’aura aucune incidence sur le plan halieutique et que l’expérience du passé local sur nos rivières la Seine, la Coquille et le Revinson connaissent un peuplement important de poissons ( truites). Ces mêmes rivières disposaient par le passé d’étangs, de moulins et de vannages qui n’ont pas entravés les peuplements.»

Partout, les pêcheurs s’inquiètent de la remise en cause des équilibres actuels de la rivière
Cette position est pleine de bon sens et de réalisme. C’est la voix du terrain, la voix des rivières. Et elle n’est pas isolée.  Par exemple l’été dernier, alors que le syndicat de l’Armançon SIRTAVA commençait l’effacement du barrage de Cry, l'Entente Aisy-Nuits-Ravières-Pacy-Tanlay avait mis en garde par la voix de son Président, M. Jean Boucaux :

«On va assister à une véritable métamorphose de la rivière (…) Détruire les déversoirs risque d'avoir une forte incidence sur les nappes d'accompagnement qui ont un rôle de régulation important avec les zones humides. Avec la disparition de l'ouvrage de Cry, on se dirige tout droit vers un parcours meurtrier. Les possibilités de déplacement des espèces seront fortement réduites.»

Quand nous discutons avec les pêcheurs, nous observons le même attachement à l’équilibre actuel des rivières, à condition que chacun prenne ses responsabilités et que les propriétaires s’engagent dans une gestion active des ouvrages hydrauliques.

Hélas, si les AAPPMA adoptent le plus souvent cette position d’apaisement et de concertation entre les acteurs locaux,  les représentants des Fédérations départementales et plus encore de la Fédération nationale des pêcheurs, il est vrai plus proches des bureaux que des berges, tendent à tenir un discours beaucoup plus extrémiste et idéologique sur l’effacement des seuils…

Espérons que la raison revienne, et que la voix de la base soit enfin entendue. L’effacement systématique des ouvrages hydrauliques n’est pas la solution pour l’indispensable amélioration de l’état chimique et écologique de nos rivières.

03/11/2013

Existence légale des ouvrages (droit d’eau et règlement d’eau): la DDT 21 inverse la charge de la preuve!

Plusieurs adhérents et sympathisants de notre association ont reçu en Côte d’Or un courrier de la DDT 21 leur demandant en substance de «préciser la situation administrative» d’un ouvrage hydraulique et son «existence légale», cela sous 30 jours à peine de voir l’ouvrage considéré comme «non autorisé».

Cette pratique est tout à fait regrettable, et s’il était nécessaire, elle serait condamnable devant un tribunal. Quelques explications juridiques et historiques sont nécessaires pour bien le comprendre.

Rappel du régime général : droit d’eau, règlement d’eau
On appelle droit d'eau « fondé en titre » la capacité d'un propriétaire d'ouvrage hydraulique d'exploiter la force motrice de l'eau sans autorisation administrative. Le propriétaire peut être un particulier, une personne morale de droit privé, une collectivité territoriale ou l'Etat. Il existe deux régimes différents :
• les moulins des cours d'eau domaniaux, navigables et flottables, présents avant l'Edit de Moulins de 1566 ;
• les moulins des cours d'eau non domaniaux présents avant l'abolition des privilège féodaux (4 août 1789) ou aliénés pendant la Révolution (vente des biens nationaux).

Pour l'une et l'autre éventualité, le propriétaire doit attester l'existence de son bien avant les dates de référence (1566, 1789), et cela par tout moyen : cartes anciennes, mention du site dans les documents d'archives ou les actes administratifs.

Un droit fondé en titre (ou "ayant une existence légale") est attaché à un site, donc assimilé à un droit immobilier. Toutefois, ce droit a pu être réglementé ultérieurement par l'administration, suite à un litige ou à une augmentation de puissance ; mais cette réglementation n'annule pas le droit fondé en titre, qui perdure pour la consistance (puissance) initiale ; lorsque celle dernière n'est pas connue, l'état actuel est réputé fondé en titre par de très nombreuses jurisprudences.

Après la première loi sur l'eau de 1790, tout ouvrage hydraulique à créer devait disposer d'une autorisation délivrée par l' État (ordonnance royale, impériale, présidentielle ou préfectorale). A l'inverse d'un droit fondé en titre avant la Révolution, cette autorisation était nominative et tout changement de propriétaire devait être entériné par l'administration.

Un moulin du XVIe siècle peut donc très bien avoir bénéficié d'un règlement d'eau actualisé au XIXe ou au XXe siècle. A noter, car cela provoque souvent des confusions : le droit d’eau fondé en titre n’est pas un document (il découle simplement de l’existence du bien), alors que le règlement d’eau est bel et bien un document administratif précisant les conditions et règles d’usage de l’eau au droit d’un ouvrage.

La loi du 16 octobre 1919 (transposée récemment dans le code de l'Énergie) a réglementé l'usage de l'énergie hydraulique en France. Cette loi (complétée par plusieurs décrets d'application et modifiée par les diverses lois sur l'eau ultérieures) précise qu'il existe trois cas exceptionnels d'autorisation d'utiliser l'énergie hydraulique à durée illimitée :
• pour les usines autorisées avant 1919 et d'une puissance inférieure à 150 kW (art. 18),
• pour les usines fondées en titre (ou ayant une existence légale) (art. 29),
• pour les usines faisant partie d'entreprises déclarées d'utilité publique (art. 29).

Les moulins et usines disposant d’un règlement d’eau antérieur à 1919 et inférieur à 150 kW de puissance hydraulique sont donc dispensés de la nécessité de solliciter le renouvellement de leur autorisation administrative. Leur statut se rapproche de celui des droits fondés en titre.

En conséquence de ces diverses évolutions juridiques, l’article L 214-6 alinéa 2 du Code de l’environnement voté dans le cadre de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 énonce :
II.-Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.

La circulaire 2010 est claire: l’administration doit suivre sans limite de temps les autorisations qu’elle a délivrées
De ce qui précède, il résulte que tous les ouvrages fondés en titre et tous les ouvrages régulièrement autorisés par règlement d’eau sont considérés comme administrativement autorisés.

Jean-Marie Pingault, conseiller juridique de la FFAM,  a adressé dès 2010 au Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie une note d’information démontrant que tous les moulins ont été à un moment ou un autre reconnus par l’Etat français. (Télécharger ce document, pdf).

Le Ministère de l’Ecologie lui-même, dans la Circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’Etat et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau (DEVO0930186C),  a reconnu que l’interprétation de l’article 214-6 du Code de l’environnement suppose que l’Etat assume préalablement un suivi réglementaire de chaque ouvrage. Cette continuité juridique est évidemment le B-A-ba de l’exercice de l’autorité par la puissance publique.
« Le II de cet article dispose que tout ce qui a été autorisé avant la loi sur l’eau de 1992, au titre d’une législation sur l’eau précédente, est considéré comme autorisé au titre de la loi de 1992 (donc des articles L. 214-1 à 6 CE).Cette disposition sous-entend que l’administration est en possession d’un justificatif et des éléments d’information minimum sur l’ouvrage (caractéristiques, emplacement, usage...), il n’est donc pas nécessaire, à la différence des ouvrages relevant du III de ce même article, que le titulaire en 'déclare l’existence'. La loi considère que l’administration est censée connaître, et suivre sans limite dans le temps les autorisations qu’elle délivre. »
Il en résulte une conclusion simple :
Tout propriétaire sommé de prouver le caractère administrativement autorisé de son ouvrage est fondé à renvoyer l’administration (ici la DDT 21) à ses propres responsabilités.

En d’autres termes, c’est à l’administration de prouver qu’un ouvrage n’a pas d’existence administrative (dérivant d’un droit d’eau ou règlement d’eau) ou qu’il l'a perdu en vertu des motifs reconnus par le droit : changement d’usage définitif entraînant la disparition des ouvrages hydrauliques, état de ruine de ces derniers (dans des conditions très restrictives), etc.

Conciliation… vigilante
Dans un souci de conciliation, Hydrauxois conseille à ses adhérents de fournir les informations historiques qu’ils possèdent afin d’aider la DDT 21 (ou les DDT 89 et 58 si le cas se présente) à mettre à jour les dossiers de leurs ouvrages. Et nous sommes à disposition pour partager nos propres ressources documentaires à cette fin.

Nous aimerions sortir une bonne fois pour toutes du climat actuel de suspicion, voire de harcèlement, dont souffrent trop souvent les moulins et usines hydrauliques. Et comme notre action l’a démontré depuis un an, nous sommes prêts pour cela à mener un travail fondé sur la responsabilisation des propriétaires d’ouvrage, sur l’information à propos des obligations nouvelles imposées par la loi ou à propos des aménagements optionnels qui permettraient d’améliorer facilement l’état des cours d’eau.

Toutefois, nous montrerons la plus extrême vigilance sur les points suivants :
  • les tentatives abusives de casser un droit d’eau ou un règlement d’eau pour état de ruine ou de non-entretien, ou pour indisponibilité des archives dans les dossiers que l’Etat est censé conserver;
  • les tentatives également abusives de sortir du régime "perpétuel" du droit d'eau avant 1789 et du règlement d'eau avant 1919 pour imposer une autorisation limitée dans le temps;
  • l’imposition par pression opaque (par exemple blocage d’un dossier) d’un aménagement non obligatoire (par exemple passe sur une rivière non classée sans que l'administration n'en démontre la nécessité impérative);
  • l’obligation de procéder à des aménagements écologiques en passant par des bureaux d’études coûteux sans que les services de l’Etat aient au préalable précisé la nature exacte de l’impact de l’ouvrage et proposé ce qui leur semble une solution proportionnée.
Hydrauxois mène un très gros travail de fond sur nos rivières, afin de permettre la réussite des réformes visant au bon état chimique et écologique. Mais nous ne progresserons réellement que dans un climat de confiance, de réciprocité et de pragmatisme.

Illustrations : vue anonyme du Mont Auxois (v. 1720) ; l'Auxois sur la Carte de Cassini. Deux moyens classiques de prouver l'existence d'un droit d'eau fondé en titre, si le moulin est présent sur ces cartes.

20/10/2013

Nitrates en Bourgogne: un état toujours moyen des rivières

Par un arrêt du 13 juin 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné la France pour ses manquements chroniques au respect de la directive dite Nitrates de 1991. Un nouveau rappel à l’ordre est d’ores et déjà prévu pour sanctionner le manque de rigueur de l’Etat français dans la protection des zones sensibles. Aujourd’hui, 19.000 communes et 55% du territoire sont concernés par ces zones.

Des mesures lacunaires, interdisant toute interprétation scientifique robuste des causes de dégradation des milieux aquatiques
Nous nous sommes déjà longuement étonné de cet état de fait sanctionné par l’Union européenne. L’Etat français et les établissements administratifs comme les Agences de l’eau redoublent actuellement de vigueur pour appliquer une version sélectivement interprétée de la Directive-cadre européenne sur l’eau de 2000. Dans le même temps, les mesures de base manquent sur la pollution chimique, l’état physique et le peuplement biologique de la plupart des masses d’eau.

A propos de ces mesures manquantes ou lacunaires, on ne peut donc que se féliciter de la parution du rapport sur la 5e campagne de mesure des nitrates dans les eaux bourguignonnes, rapport coordonné par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Le réseau de suivi des eaux superficielles et souterraines est très loin d’analyser chaque masse d’eau (comme nous devrions le faire pour le rapportage de la Directive cadre sur l’eau 2000), notamment les ruisseaux, bras morts et petits affluents importants pour la biodiversité, mais il donne au moins une idée de l’évolution des impacts pour les nitrates.

Entre 1992 et 2013, l’état de la contamination par les nitrates ne s’améliore que très lentement, et parfois se dégrade, ce qui indique un effort insuffisant
En région Bourgogne, on relève que seuls 21 % des points de surveillance sont de bonne qualité avec une concentration moyenne en nitrates située dans la classe [2­-10 mg/l] alors que 60% des points de surveillance sont dans la classe de contamination moyenne [10-­25 mg/l]. Pour les eaux superficielles, on constate au graphique ci-contre que les teneurs moyennes et maximales n’évoluent que lentement depuis la première campagne de mesure de qualité de 1992.

Ces résultats montrent de nouveau l’effet très modeste des mesures engagées contre les pollutions chimiques des eaux. On peut s’interroger de la pertinence de certaines opérations de restauration hydromorphologique qui ont un coût non négligeable et qui interviennent alors que le problème de base des pollutions diffuses n’est toujours pas réglé. D’autant que les dérivés azotés ne sont que quelques-unes des 50 substances que nous sommes censés éliminer de nos masses d’eau.

Pour un donner un exemple actuel, le programme Life+ Continuité écologique et le parc naturel régional du Morvan entendent préserver et restaurer la moule perlière sur le bassin de la rivière Cousin (Nièvre, Côte d’Or, Yonne). Mais les experts savent que cette espèce est extrêmement sensible aux pollutions, et notamment qu’elle ne supporte que quelques mg de nitrates par litres. Dès lors, pourquoi indexer le retour de la moule à l’arasement du maximum de seuils de moulins, alors que ceux-ci sont présents depuis fort longtemps et n’ont pas empêché l’abondance des moules jusqu’au début du XXe siècle? Les modèles hydrologiques ont-ils des réelles capacités de détection-attribution des causes de dégradation des indices biologiques de qualité ?

Au-delà de cet exemple particulier, c’est toute la politique de l’eau qu’il faut revoir, comme en ont convenu les tout récents rapports d’évaluation Lesage 2013 et Levraut 2013. La lutte contre les pollutions chimiques diffuses doit redevenir une priorité sur nos bassins versants.

La conclusion complète du rapport DREAL 2013
«Le bilan de cette 5e campagne de suivi de la contamination par les nitrates confirme la plus forte pollution des eaux souterraines que des eaux superficielles.

Il fait apparaître une amélioration des concentrations sur le bassin Rhône Méditerranée, le département de la Côte d’Or et celui de la Saône et Loire. Cette amélioration est cependant à mettre en perspective avec la situation actuelle à l'échelle du bassin et du département de la Côte d'Or où une forte proportion de station de suivi affichent des concentrations supérieures à 40 mg/l (36% à l'échelle du bassin et 44 % à l'échelle du département de la Côte d'Or).

Sur la partie Loire­Bretagne, et en particulier le département de la Nièvre, les concentrations relativement faibles du département (du fait des caractéristiques agricoles) sont difficilement contenues. En effet, on observe une dégradation non négligeable des teneurs en nitrates en eaux souterraines depuis la 1ère campagne en 1993 avec 78% de stations en dégradation dont 11% en forte dégradation. Depuis la 4ème campagne en 2005, le pourcentage total de stations en dégradation est un peu moins élevé (54%), mais comprend 27 % de stations en forte dégradation. On n'observe pas la même tendance en eaux superficielles où la majorité des stations stagnent ou s'améliorent.

Enfin, sur le bassin Seine Normandie et en particulier sur le département de l’Yonne, la situation est à la dégradation : même si quelques améliorations sont enregistrées en eaux souterraines (16 % depuis la 1ère campagne, et 31% depuis la 4ème ), elles ne suffisent pas à contre­balancer la proportion très importante de stations en forte dégradation depuis la 1ère campagne (58% de forte augmentation des teneurs en nitrates sur un total de 75% de stations en augmentation) ou depuis la 4ème campagne (46% de forte augmentation des teneurs en nitrates sur un total de 69% de stations en augmentation).»

Référence :
DREAL Bourgogne (2013), Rapport de synthèse. 5e campagne de surveillance des nitrates dans les eaux de la région Bourgogne (pdf)

15/10/2013

Le bilan environnemental (usage des métaux) de l'énergie hydraulique

L’infographie ci-dessous a été publiée par le Scientific American ce moi-ci. Elle a été conçue à part des travaux de Kleijn et al 2011 et de Van Der Voet et al 2013 (pdf). Elle compare l’usage des métaux par kWh produit selon les différentes sources d’énergie. On constate que l’hydraulique est la championne des énergie renouvelables – ce que nous avions déjà mis en lumière pour son bilan carbone.  Quand de surcroît les moulins choisissent de restaurer une turbine encore en place dans leur chambre d’eau (ce qui est souvent possible), et bien sûr d’exploiter le génie civil du seuil en place sur la rivière au lieu de couler du béton, ce bilan est encore meilleur. Ces éléments sont à prendre en considération dans les choix de la transition énergétique, car tous les kWh ne se valent pas du point de vue de l’empreinte environnementale. Se priver de l’énergie locale la moins chère et la moins polluante est un choix absurde : il est urgent de ré-équiper les 50.000 moulins de France, dont 500 en Côte d'Or!


11/10/2013

L'Etat doit justifier sur chaque ouvrage ses mesures de police administrative en matière de continuité écologique

La continuité écologique nous a habitués à de nombreuses surprises depuis le vote de la Loi sur l'eau et les milieux aquatiques en 2006. Une récente démarche de la DREAL Centre vis-à-vis des maîtres d'ouvrages hydrauliques ne faillit donc pas à cette habitude. Le service de l'Etat en région demande ainsi aux propriétaires dont les rivières ont été classées en L1-L2 ou L2 au titre de l'article 214-17 C Env (ou 432-6 C Env.) de procéder eux-mêmes à une étude d'impact afin de fixer les aménagements nécessaires à la continuité écologique.

En clair, les administrés devraient désormais fixer les mesures de police administrative en évaluant eux-mêmes ce qui justifierait ces mesures… ce qui est assez surréaliste, on en conviendra. Et surtout contraire au droit positif et à la jurisprudence.

Nous avons donc jugé nécessaire d'écrire à M. le Préfet de la région Bourgogne, et aux services déconcentrés de l'Etat en charge de l'eau, pour préciser que cette démarche aberrante se verrait opposer une fin de non-recevoir sur nos rivières.

C'est bien à l'Etat de définir en les justifiant par des analyses in situ les mesures de police de l'eau exigible au droit des ouvrages. Si les données manquent pour cela, il ne revient pas à des propriétaires privés de se substituer aux autorités publiques et établissements publics en charge de l'eau.

Ces points sont détaillés dans le courrier ci-dessous.

A télécharger (pdf) : courrier au Préfet de région Bourgogne et aux services déconcentrés de l'Etat sur la mise en oeuvre du 214-17 C Env

A lire aussi :
Classement des rivières de Côte d'Or : premiers éléments sur la circulation des poissons
Circulaire d'application du classement des cours d'eau: l'Etat entendrait-il faire payer aux maîtres d'ouvrage les mesures qu'il n'a pas réalisées?

01/10/2013

Réchauffement climatique: le Conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie appelle à la prudence sur les effacements d'ouvrages hydrauliques

Alors que le GIEC publie son cinquième rapport sur le réchauffement climatique, le Conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie a émis un avis très intéressant à ce sujet.

Le Conseil note que plusieurs projets scientifiques ont été menés sur ce thème : GICC-Seine, REXHYSS, Explore 2070, ClimaWatt. Il en ressort que si le bassin de Seine-Normandie ne sera probablement pas le plus touché par le changement climatique d'origine anthropique, il devra néanmoins faire face à des perturbation hydrologiques : événements extrêmes plus fréquents de la distribution des précipitations et des températures (sécheresse et canicule, ou au contraire inondations et crues). A cela s'ajoute une pression démographique et économique prévisible sur les prélèvements de la ressource en eau.

Sur la question qui intéresse notre association, la Conseil scientifique de l'Agence avance une observation de première importance : "Une réflexion pourrait être menée sur la mise en cohérence des politiques soutenues dans le cadre du SDAGE ; ainsi par exemple une politique d’arasement des ouvrages est en œuvre, alors que les ressources en eau vont diminuer".

Cette remarque est déjà faite par de nombreux meuniers et usiniers qui, vivant au bord des rivières, font remarquer que leurs biefs sont souvent les dernières ressources lors des étiages sévères. Mais ces témoignages ne sont pas entendus. Gageons que la légitimité incontestable du Conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie aura plus de poids, et que les autorités en charge de l'eau seront amenées à reconnaître très rapidement la nécessité d'un moratoire sur l'effacement des ouvrages hydrauliques.

Cette politique d'effacement n'est pas seulement douteuse quant à la priorité de l'action publique sur les causes réelles de dégradation des rivières : elle pourrait bien se révéler dangereuse pour les milieux et les sociétés.

Ajout du 9 octobre : l'Onema et Irstea viennent de publier une étude très intéressante sur l'évolution des débits des rivières en situation de changement climatique : cliquer ici. Ce travail a été mené sur 236 stations hydrométriques et sur la période 1968-2007. Il montre que certaines rivières du Sud de la France ont une évolution statistiquement significative vers des étiages plus sévères.  Cette détection n'est assortie d'aucune attribution – au sens où aucun modèle climatique n'a produit des simulations pour contrôler les causes de ces évolutions (forçage radiatif anthropique, variations naturelles du régime AO-NAO, mixte des deux).

A lire
Conseil scientifique AESN (2013), Le changement climatique sur le bassin Seine-Normandie, Avis.
Observatoire de la continuité écologique (2013), La continuité écologique au risque des crues, inondations et étiages. Pour une évaluation systématique du risque lié à la modification des obstacles à l’écoulement (seuils, barrages, digues…)

Illustration : barrage du lac de Saint-Agnan (Cousin, Yonne, bassin Seine Amont)