16/11/2014

Pas besoin de l'énergie hydraulique pour la transition? Vérité des chiffres, vanité des paroles...

Quand on travaille à promouvoir la petite hydro-électricité dans les territoires ruraux, on s'entend parfois dire que celle-ci représente un potentiel négligeable et que les objectifs de la transition énergétique seront largement assurés par d'autres moyens que l'équipement des moulins et petites usines à eau.

Nous avions déjà dénoncé ce sophisme dans un précédent article. Les tout récents chiffres sur l'énergie renouvelable publiés dans le bilan annuel du Ministère de l'Ecologie (lien pdf) nous incitent à revenir sur cette question, car ils mettent en lumière la distance qu'il y a entre les belles promesses et les réalités de terrain.

L'hydraulique reste, et de très loin, la première énergie renouvelable française
Ainsi, en terme de production d'abord, on observe que l'énergie hydraulique reste (et de très loin) la première ENR en France. Ave 77,1 TWh en 2012 (dernière année consolidée), l'hydraulique a produit 4 fois plus que l'éolien et 20 fois plus que le solaire.


Mais ce sont surtout les chiffres de proportion des ENR dans la consommation finale d'énergie qui interpellent. Nous sommes censés atteindre 23 % en 2020, mais nous sommes à 13,7% seulement, et les chiffres montrent que pour ce qui concerne les ENR électriques (hors chaleur et carburant), la part des sources d'énergie hors hydraulique reste très modeste : par exemple 0,8% pour l'éolien et 0,6% pour les autres sources (dont solaire) en 2012. De sorte que même si l'on quadruplait la puissance installée, cela ne ferait jamais que 3,2% et 2,4% du bilan de consommation énergétique totale.


La vérité est donc que la transition énergétique progresse lentement, que nous sommes encore très loin des objectifs affichés pour 2020 et que l'hydraulique représente toujours la part majoritaire de l'énergie renouvelable non carbonée en France. Bien sûr, comme le montre l'exemple de certains voisins (Allemagne, Danemark, Espagne), les ENR non hydrauliques ont une forte marge de progression. Il ne s'agit pas pour nous d'opposer des énergies largement complémentaires, mais de souligner que chacune est nécessaire à l'atteinte des objectifs.

Libérer les biefs pour accélérer la transition énergétique
La part de l'hydraulique peut encore augmenter : il y a plus de 700 sites équipables en Côte d'Or, plus de 3000 en Bourgogne, plus de 60.000 en France. Pour engager ces sites dans la production d'une énergie locale et propre, il faut résolument changer les orientations de la politique de l'eau et de l'énergie, en particulier pour les petites puissances :
  • moratoire à effet immédiat sur les effacements de seuils et barrages en rivières classés liste 2 de l'article 214-17 C. env
  • accélération des reconnaissances légales (droit d'eau, règlement d'eau) avec présomption de conformité du génie civil existant ;
  • aide publique systématique et non-conditionnelle si des aménagements écologiques (sédimentaires ou piscicoles) sont demandés ;
  • simplification du dossier réglementaire accompagnant le projet, avec interlocuteur unique du côté des autorités ;
  • instauration du compteur double sens sans limite de durée pour les sites en autoconsommation injectant leur surplus sur le réseau ;
  • simplification des CODOA, contrats de raccordement et de rachat pour toutes les puissances inférieures à 150 kW (seuil de la loi sur l'énergie de 1919 qui définit raisonnablement la petite hydro).

Le potentiel de la petite hydro en équipement des sites déjà existants est d'environ 1 GW en France, soit l'équivalent d'un réacteur nucléaire, avec le meilleur bilan carbone / matière première de toutes les énergies productrices d'électricité, avec également une prévisibilité de 24 h parfaitement pilotable par les réseaux. L'équipement des moulins et usines à eau, avec toutes ses dimensions (turbines, vis ou roues ; génératrices ; transmission et automatisation ; passes à poissons et dispositifs de protection environnementale ; vannes et organes mobiles…), représente un formidable bassin d'emplois, d'échanges et d'activités disséminées sur tous les bassins versants de nos territoires.

On ne peut plus accepter de voir ce potentiel brimé par des dérives conservatrices ou doctrinaires de la réglementation actuelle, au nom d'une politique de l'eau qui est par ailleurs reconnue comme un échec écologique.

14/11/2014

Faites ce que je dis, ne dites pas ce que je fais: le mauvais exemple de l'Etat au barrage de Pont-et-Massène

A l’occasion des travaux de vidange, de confortement et d’adaptation aux hypothèses de crues exceptionnelles du barrage de Pont-et-Massène, une enquête publique est menée. L’association HYDRAUXOIS émet les 3 observations suivantes.

Nous mettons en garde contre toute dégradation de l’Armançon aval par relargages intempestifs des sédiments lors des travaux et nous souhaitons que des contrôles de turbidité (mesure de matières en suspension) soient régulièrement effectués par les services instructeurs de police et surveillance de l’eau. Par exemple, mise en place d’une station de mesure automatique haute fréquence à l’aval du barrage.

Nous regrettons que le maître d’ouvrage (VNF) ne profite pas des travaux pour installer une unité de production énergétique. Le potentiel hydroélectrique du barrage est de l’ordre de 200 kW en puissance, 1.000.000 kWh en productible, soit l’équivalent consommation de 200 foyers. Le temps de retour sur investissement serait très court, l’énergie produite aurait un très bas taux carbone, l’impact sur les milieux ne serait pas aggravé par rapport à la situation actuelle. En pleine transition énergétique, la non-installation d’une centrale hydroélectrique nous paraît en conséquence un choix anti-économique et anti-écologique.

Nous regrettons que le maître d’ouvrage (VNF) ne profite pas des travaux pour assurer la continuité écologique (franchissement piscicole) au droit du barrage de Pont-et-Massène. Celui-ci constitue le plus important obstacle au franchissement de tout le bassin versant de l’Armançon, empêchant notamment toute circulation des cyprinidés rhéophiles et des anguilles vers la tête de bassin. Nous ne comprenons pas que l’État exige d’aménager des moulins modestes et souvent franchissables, alors qu’il ne montre pas l’exemple sur les barrages dont il est gestionnaire.

Image : projet d'évolution de l'évacuateur de crue du barrage de Pont-et-Massène, vue de l'aval, ©VNF.

12/11/2014

Les élus de Côte d'Or pointent des méfaits et incohérences de la politique de l'eau

A lire ci-dessous : les questions écrites de François Sauvadet et Laurent Grandguillaume, élus de Côte d'Or, aux ministres. A signaler que François Sauvadet, président du Comité de bassin Seine-Normandie, a aussi exprimé en conférence de presse à Semur-en-Auxois son fort scepticisme sur la continuité écologique et condamné "l'inutilité" des effacements de seuils de moulins. Sur ce point, il a rejoint la positon publiquement exprimée deux semaines plus tôt par François Patriat (Conseil régional) à Pont-et-Massène. Les élus des territoires ruraux constatent de plus en plus souvent la détresse des maîtres d'ouvrage hydraulique, la complexité inouïe de la règlementation, la gabegie d'argent public malgré la crise et la liquidation d'un potentiel énergétique local. Quant aux maires, dont plusieurs ont adhéré aux associations de la Coordination Hydro 21 ou leur ont demandé conseil, ils ne comprennent pas pourquoi l'Etat se déclare prêt à financer généreusement la destruction de leur patrimoine et paysage de rivière, alors que tant d'argent manque pour améliorer les assainissements, aider les agriculteurs à respecter les normes de dépollution, veiller à limiter le risque croissant d'inondation, entretenir les berges et les ouvrages, etc. Si le Ministère de l'Ecologie et les Agences de l'Eau n'entendent pas ces messages convergents issus de la parole démocratique, le blocage déjà observé va se renforcer.



06/11/2014

Protéger l'anguille pour mieux la pêcher... l'incohérence du Ministère de l'Ecologie a-t-elle une limite?

Le Ministère de l'Ecologie a décidé de doubler le quota de civelles (juvéniles des anguilles) destinées à la commercialisation, cela alors même que l'anguille est considérée comme une espèce menacée dans les cours d'eau français et européens, à la suite de sa raréfaction brutale depuis le début des années 1980 (voir la fiche INPN de cette espèce).

Dans un communiqué (pdf), la FNPF exprime son désaccord sur ce choix gouvernemental, tout en soulignant qu'il n'existe toujours aucun retour d'évaluation sur le Plan de gestion de l'anguille.

En Yonne et Côte d'Or, la rivière Armançon a été classée en liste 2 au titre de la continuité écologique (art 214-17 C env.) avec l'anguille comme principal enjeu migrateur amphihalin. Le Ministère de l'Ecologie et l'Agence de l'eau imposent donc des effacements d'ouvrages ou des aménagements coûteux sur le bassin de Seine Amont pendant qu'ils délivrent un blanc-seing de prédation sur le bassin de Seine Aval et autres zones estuariennes.

Cette incohérence, où seul surnage le poids de plus en plus manifeste des lobbies dans la politique de l'eau, serait risible si ses conséquences n'étaient pas aussi graves pour le patrimoine hydraulique de nos territoires, et pour les propriétaires désemparés des ouvrages menacés.  Et également pour l'anguille, bien sûr, espèce dont le recrutement reste très faible dans les rivières malgré une petite amélioration récente. Rappelons que les ouvrages hydrauliques de l'Armançon étant présents depuis un à huit siècles, il est peu probable qu'ils soient la cause d'un déclin essentiellement documenté depuis 30 ans.  Rappelons aussi que les pêcheurs avaient autorisation de traquer l'anguille comme espèce "nuisible" dans les rivières de première catégorie jusque dans les années 1980, de sorte que leurs fédérations à la mémoire courte ne sont pas toujours les mieux placées pour donner des leçons de bonnes pratiques...

Photo : Wikimedia, CC

A lire sur le sujet : l'excellent ouvrage d'Eric Feunteun (2012), Le rêve de l'anguille, Buchet-Castel. Un des meilleurs spécialistes internationaux de l'anguille expose de manière précise et vivante nos connaissances sur l'espèce, ainsi que les enjeux de sa protection.

05/11/2014

Dahm et al 2013: encore une étude scientifique observant le faible impact de la morphologie sur la qualité piscicole

Veronica Dahm et ses collègues travaillent au Département d'écologie aquatique de l'Université de Duisburg-Essen (Allemagne) et à l'Institut d'hydrobiologie et de management des écosystèmes aquatiques de l'Université des sciences de la vie de Vienne (Autriche).

Qu'ont fait les chercheurs germano-autrichiens dans leur travail? Ils ont d'abord constaté que la majorité des études analysent les mesures biométriques des rivières et de leurs réponses aux facteurs environnementaux de stress à partir de bases de données petites et hétérogènes. Un problème méthodologique que nous soulevons depuis longtemps, mais qui n'inquiètent pas plus que cela les décideurs, hélas… Les auteurs ont donc sélectionné 2302 sites de mesure en Allemagne et en Autriche, qui présentent des résultats assez cohérents pour permettre l'analyse des populations de poissons (n=713), de macro-invertébrés (n=1753) et de diatomées (n=808). Les sites en question ont été subdivisés en rivières de plaine et rivières de montagne.

Corrélation faible entre les facteurs hydromorphologiques
et la dégradation piscicole

L'indice multimétrique prédictif utilisé pour la faune piscicole n'était pas l'IPR exploité en France, mais l'EFI + (European Fish Index), mis en oeuvre dans le cadre de la Directive européenne sur l'eau DCE 2000. Au sein de l'EFI+, onze facteurs sont pris en compte qui indiquent la plus ou moins grande tolérance des espèces à des environnements dégradés.

V. Dahm et ses collègues ont ensuite croisé ces mesures de qualité biologique avec les données disponibles sur quatre causes connues d'impact : l'hydromorphologie, la qualité physico-chimique, l'occupation des sols en rive, l'usage des sols sur le bassin versant. Chacune de ces causes est subdivisée en facteurs. Par exemple pour la physico-chimie : conductivité, oxygène, pH, nitrate, phosphate total. L'hydromorphologie comporte 8 facteurs dont trois sont liés aux obstacles à l'écoulement.

Quel est le principal résultat ? La mesure de coefficient de corrélation de rangs de Spearman indique qu'il n'y a pas de facteur majeur de stress, mais tous les indices biologiques dans tous les types de rivières sont impactés de manière plus forte par la qualité physico-chimique de l'eau. Par exemple, pour les poissons, le r de Spearman varie de 0,14 à 0,16 selon les indices formant la métrique EFI+, ce qui est positif mais faible (moins de 2% de la variance expliquée), alors que pour les nitrates, cette corrélation monte de 0,29 à 0,45 et, pour les phosphates, de 0,24 à 0,45. La corrélation positive avec la dégradation de l'indice est donc deux à trois fois plus prononcée pour la physico-chimie que pour l'hydromorphologie.

L'excès de nutriment lié aux usages des sols sur bassin versant
reste le premier facteur de dégradation

Conclusions des chercheurs : "L'excès de nutriment et l'occupation des sols sur le bassin versant sont les deux facteurs de stress discriminant pour tous les groupes d'organisme, dépassant les effets du stress hydromorphologique à l'échelle des sites." Et ils ajoutent : "Nos résultats suggèrent que beaucoup de rivières sont encore considérablement affectées par l'excès de nutriments (eutrophisation), ce qui peut être directement relié à l'usage des sols sur leur bassin versant".

Certes, comme nous avons coutume de le rappeler, une étude scientifique n'est jamais qu'un élément parmi d'autres dans un vaste corpus de connaissances en cours de construction. La position de sagesse consiste à examiner les raisons pour lesquelles les conclusions des travaux divergent (si c'est le cas), afin d'améliorer les outils d'observation, d'expérimentation et de modélisation. C'est la différence entre la science et l'idéologie, la première progresse par autocritique permanente et ouverte de ses méthodes et de ses résultats, la seconde se bloque sur des dogmes indiscutables.

Comme le travail de Van Looy et al 2014 sur la Loire et ses affluents, cette étude germano-autrichienne incite donc à la plus grande prudence dans nos choix publics sur les rivières. Elle va à l'encontre des positions dogmatiques des autorités françaises en charge de l'eau, dont la politique de qualité des rivières a manifestement été choisie en fonction du travail d'influence des lobbies plutôt que du travail de recherche des scientifiques. L'ensemble de ces éléments sera bien sûr opposé aux dites autorités publiques lorsque, conformément à la loi, elles devront motiver et justifier sur chaque ouvrage du caractère proportionné des aménagements à fin de continuité écologique.

Référence : Dahm V. et al. (2013), Effects of physico-chemistry, land use and hydromorphology on three riverine organism groups: a comparative analysis with monitoring data from Germany and Austria, Hydrobiologia, 704, 1, pp 389-415

Note complémentaire : rappelons que dans la même revue Hydrobiologia, une équipe de chercheurs allemands a étudié 24 tronçons de rivières ayant bénéficié d’une opération de restauration morphologique, et a testé le résultat directement en fonction des critères de qualité de la DCE (les indicateurs objectifs du rapportage à l’Union européenne). On observe un effet sur les populations de poissons (dans 11 cas sur 24, soit une minorité d’expériences), mais rien de notable sur les populations de macrophytes et macro-invertébrés. Conclusion la plus remarquable : une seule opération de restauration écologique sur 24 permet d’arriver au bon état écologique au sens de la DCE, soit un taux d’échec énorme montrant que l’hydromorphologie n’est pas au cœur des enjeux les plus urgents de qualité des rivières au sein de l’Union européenne. Il est donc mensonger de prétendre que l'effacement des seuils est une condition sine qua non du "bon état" au sens de la DCE 2000, et il est temps que les représentants du Ministère de l'Ecologie et des Agences de l'eau cessent de proférer ces mensonges d'Etat tout en dilapidant l'argent public. Pour une autre étude récente montrant que la restauration a malgré tout de effets positifs, voir Lorenz AW et al. 2013 ci-dessous. Cela n'est pas contradictoire et cela rappelle l'importance des études quantitatives multicritères (comme Dahm et al 2013 ou Van Looy et al 2014), qui sont rares en hydro-écologie, par rapport aux études qualitatives sur site, qui sont légion : on peut toujours trouver quelques effets positifs sur tel ou tel compartiment biologique quand un barrage est effacé, mais cette mesure seule ne dit jamais si un effet supérieur aurait été obtenu avec un autre choix. C'est donc une affaire de balance entre les coûts engagés, les avantages écologiques relatifs obtenus et, aussi, les effets non-environnementaux indésirables (qui sont nombreux dans le cas des effacements de seuils et barrages).
Références : Haase P. et al (2013), The impact of hydromorphological restoration on river ecological status: a comparison of fish, benthic invertebrates, and macrophytes,  Hydrobiologia, 704, 1, pp 475-488. Lorenz AW et al. (2013), Do adult and YOY fish benefit from river restoration measures?, Ecological Engineering, 61, A, 174–181

04/11/2014

Avis négatif de la Coordination Hydro 21 sur le SRCE Bourgogne

Les associations de Côte d'Or rassemblées dans la Coordination Hydro 21 ont émis un avis négatif sur le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) de Bourgogne, soumis à enquête publique cet automne. Vous trouverez dans le document (pdf) joint la motivation détaillée de cet avis.

Le premier motif de refus, c'est la gouvernance totalement biaisée de ce Schéma. Alors que nos associations sont parmi les seules à avoir rédigé un travail complet sur la continuité écologique avec l'OCE et alors que les services de l'Etat comme de la Région en sont parfaitement informés puisqu'ils l'ont reçu, parfois en mains propres, aucune d'entre elles n'a été conviée à participer aux concertations présidant à l'élaboration du Schéma. C'est un scandale supplémentaire dans le défaut manifeste de concertation pour toutes les questions touchant à l'environnement aquatique.

Le deuxième motif, c'est l'indigence générale du contenu du Schéma dans son volet dit de Trame bleue. De toute évidence, il n'existait pas de budget suffisant pour élaborer un réel diagnostic, de sorte que le SRCE repose sur des généralités imprécises, tout en prétendant malgré cela se doter déjà d'orientations d'action. C'est hélas ! un trait devenu familier de l'action publique : tout à la frénésie de montrer que l'on est concerné, on n'attend pas le niveau suffisant de connaissances pour agir, occasionnant des choix et des dépenses que l'on pourra regretter des années ou décennies plus tard, lorsque des conséquences adverses et imprévues auront émergé.

Le troisième motif, c'est que le Rapport environnemental joint au SRCE prévoit d'ores et déjà quelques-unes de ces dimensions problématiques, dont il n'est pas réellement tenu compte par les décideurs dans le Schéma lui-même. Ainsi le rapport souligne à très juste titre des effets indésirables potentiels du SRCE, en particulier « les relations entre le rétablissement de continuités écologiques et certaines activités humaines : les carrières alluvionnaires et la trame bleue, l’énergie hydroélectrique et la trame bleue (…)les effets de la restauration des continuités aquatiques sur le risque inondation et sur la disponibilité de la ressource en eau (…) le risque de propagation d’espèces invasives et indésirables animales ou végétales du fait de la restauration de certains corridors (…)l’effet de barrière physico-chimique naturelle de certains milieux de la trame bleue (étang) (…)les liens étroits entre les paysages et les continuités écologiques » .

Ces motifs d'inquiétude, pour la première fois reconnus publiquement, ne valent pas seulement pour le SRCE, mais aussi pour la politique de continuité écologique engagée sur les rivières de Bourgogne classées L2 au titre de l'article 214-17 C env. Dans la mesure où il y a manifestement des risques sur les milieux (mais aussi, dans un autre registre, sur la sécurité des biens et personnes), cela nous conduira sans doute à saisir le préfet d'une demande de moratoire à l'exécution du classement L2, en particulier à l'effacement de seuils, afin de vérifier qu'aucun dommage irrémédiable ne résulte de l'action publique. A suivre.

A télécharger : Coordination Hydro 21, Avis sur le SRCE Bourgogne (pdf).

02/11/2014

Deuxième rencontre régionale de la petite hydro en Bourgogne: bilan positif, mais les problèmes de fond demeurent

Les 2e Rencontres régionales de l’hydro-électricité en Bourgogne ont été un franc succès, avec plus d’une centaine de participants. Il faut d’abord en féliciter les organisateurs, Bourgogne Energies Renouvelables et l’Ademe. L’association BER illustre ainsi sa forte implication dans l’animation de la petite hydro à l’échelle régionale. Et l’Ademe, comme l’a rappelé Lilian Geney en tribune, confirme le soutien efficace qu’elle procure aux porteurs de projets sur toutes les gammes de puissance. Plusieurs producteurs (Paul Joliet, Frère Guillaume, Philippe Bourotte) ont d’ailleurs témoigné de ce soutien à des restaurations de moulins ou d’usines dans l’Yonne comme dans la Côte d’Or.

L’Agence de l’eau Seine-Normandie portera la responsabilité de l’échec de la continuité écologique
La première partie de la journée a été consacrée à une tentative de conciliation entre la continuité écologique et l’énergie hydro-électrique. Hélas, on est encore (très) loin du compte. Emeric Bussy (DREAL) comme Mathieu Moes (Agence de l’eau Seine-Normandie) ont persisté à véhiculer en tribune des idées fausses, tenant plus de l’idéologie que de la science : il a par exemple été affirmé sans aucune preuve que les problèmes morphologiques liés aux seuils et barrages sont l’une des causes principales de déclassement de la qualité écologique des rivières de Bourgogne ou de Seine-Normandie. Cette assertion est infondée : aucun modèle hydrologique complet n’a jamais été conçu pour estimer le poids respectif des facteurs dégradants de la qualité de l’eau et pour valider sa robustesse sur un jeu de mesures transversales / longitudinales assez complètes. Les travaux scientifiques les plus récents suggèrent qu’en réalité, les obstacles à l’écoulement ont un effet relativement faible sur les milieux aquatiques (voir Van Looy et al 2014) comme sur le respect futur de nos obligations réglementaires vis-à-vis de l’Europe (voir Haase et al 2013). Et il en va de même sur l'auto-épuration des rivières, à propos de laquelle les chercheurs de l'Onema ont pris des positions beaucoup plus mesurées que ne le laisse entendre le discours de propagande que continue de tenir M. Moes dans ses présentations publiques.

Par ailleurs, Mathieu Moes a confirmé la politique absurde et inéquitable de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, consistant à ne financer des passes à poissons que sur une faible hauteur des coûts (40 %) et dans des conditions extrêmement strictes (subventions limitées aux ouvrages dits « structurants », soit moins de 5 % des ouvrages en rivières classées L2). Tout le monde sait (à commencer par les services instructeurs de l’Etat, DDT et Onema) que ce refus de financer la continuité écologique nourrit un ressentiment de plus en plus fort chez les riverains et ne peut qu’aboutir à des contentieux et conflits d’ici 2018, les maîtres d’ouvrage n’étant pas solvables à hauteur des aménagements demandés tout en n’ayant aucune envie de céder au chantage inadmissible à l’effacement de leur bien. L’Agence de l’eau portera donc la responsabilité de l’échec de la politique de continuité écologique, comme elle porte déjà celle de l’échec dans la lutte contre les pollutions chimiques depuis 50 ans.

Le Sirtava oublie de préciser quelques détails peu reluisants sur ce qui se passe réellement en rivière…
La stratégie des syndicats de rivières (Vincent Govin, Sirtava), dont le financement dépend essentiellement des Agences de l’eau, ne fait que répercuter sur le terrain cette déplorable orientation. Vincent Govin s’est flatté de la présence d’un représentant EAF à la Commission locale de l’eau du SAGE de l’Armançon, ce qui est tout à fait exact. Il a omis de mentionner que la politique d’effacement du Sirtava lui a valu un soulèvement massif des élus, des associations et des citoyens de Semur-en-Auxois, entraînant en 2013 l’abandon de projet de destruction du barrage communal. Et que depuis cette date, le président du Sirtava ne daigne répondre ni aux courriers électroniques ni aux courriers recommandés de notre association, ce qui indique assez précisément ce qu’il faut penser de la prétendue « démocratie de l’eau » et de la supposée « concertation » à l’œuvre sur nos rivières. En dehors de quelques effacements en catimini dans la région de Cry et de Tonnerre, le Sirtava n’a pas le commencement d’une stratégie publiquement assumée sur le traitement des dizaines de seuils classés L2 du bassin versant de l’Armançon...

Pour ce qui du thème de l’énergie proprement dite, Bruno Charpentier (DREAL) a rappelé les chiffres de convergence issus de l’étude UFE-Ministère de l’écologie. En création de nouveaux sites, le potentiel de la Bourgogne est de 6,9 MW en puissance et 24,5 GWh/an en productible énergétique. En équipement de sites existants, les chiffres sont de 26,0 MW et 92,0 GWh/an.

Mais ces chiffres sont très partiels car l’étude UFE-Ministère exclut les puissances inférieures à 100 kW. Or, 80 % des 4000 moulins et usines hydrauliques que compte la Bourgogne ont moins de 100 kW (voir à ce sujet l’analyse du cas de la Côte d’Or par notre association). C'est dans ces petites puissances de 1 à 100 kW que se situe le plus gros potentiel de développement de l'hydro-électrcité bourguignonne, et non pas dans la limitation contre-productive de la réflexion publique à quelques aménagements EDF, VNF ou centrales de moyenne puissance. Hélas, l'Etat s'est lui-même enfermé dans le dogme de l'effacement des seuils de moulins, de sorte qu'il est condamné au déni de réalité ou à la schizophrénie quand il évoque par ailleurs la possible contribution de la petite hydro à la transition énergétique.

La transition énergétique demande de changer le logiciel dans les mentalités
Comme l’a rappelé le président de BER, la transition énergétique ne peut réussir que par un changement de modèle et de mentalité, notamment une prise en main par les particuliers et les collectives de l’autonomie énergétique dans les territoires. Un moulin même modeste peut produire de l’énergie pour plusieurs familles, contribuer à la décarbonation du chauffage et du transport. Il ne s’agit donc pas d’entretenir l’illusion que quelques grandes centrales (en hydro mais aussi en éolien, biomasse, solaire) suffiront à relever le défi. C’est le concept même de « centrale » qui est en question à travers la dissémination et l’auto-appropriation des moyens de production énergétique (voir par exemple ce que peut produire un modeste moulin bourguignon).

Pour développer cette énergie hydraulique, encore faut-il un cadre législatif et réglementaire accueillant. Ce n’est pas toujours le cas et Maître Jean-François Remy, avocat et producteur d’hydro-électricité, s’est attaché à décrire une dizaine de procédures judiciaires récentes montrant des désaccords d’interprétation entre les services de l’Etat et les propriétaires porteurs de projets. Me Remy a également signalé que deux fédérations de moulins portent au Conseil d’Etat une requête en annulation du nouveau décret de juillet 2014 qui modifie notamment le régime des droits d’eau fondés en titre. Du point de vue du droit, un des points remarquables de la continuité écologique comme de la transition énergétique est que les textes législatifs, ayant théoriquement plus de poids car émanant des débats de la représentation nationale, sont régulièrement dépassés voire vidés de leur substance par des textes réglementaires et des interprétations administratives ultérieures. De là l’impression d’une « bureaucratie de l’eau » dont les décisions opaques et parfois brutales ne respectent pas toujours le principe de gestion équilibrée et durable de l’eau pourtant inscrit par le législateur dans le Code de l’environnement.

Visite de la centrale de Brienon-sur-Armançon
Après une matinée de débats, l’après-midi a été consacrée à la visite du chantier de la centrale de Brienon-sur-Armançon, propriété de Bruno Chatillon, Laurent Maciaszek et Laurent Jacquel, membres du Bureau d’études Jacquel & Chatillon. Déjà équipée de trois turbines, cette centrale devait être aménagée à fin de continuité écologique, car elle est située sur un tronçon  de l’Armançon classé Liste 2 au titre de l'art. 214-17 C env. L’aménagement a consisté à modifier les grilles de la centrale (élargissement de la section d’entrée, prise d’eau ichtyocompatible avec 20 mm d’écartement entre les barreaux pisciformes de la nouvelle grille), à construire une passe à poissons et une goulotte de dévalaison, à équiper le débit minimum biologique d’une vis d’Archimède. Cette dernière, conçue par Ritz-Atro, est censée tourner 8000 heures par an pour une production de 450 MWh/an (équivalent de consommation électrique hors chauffage de 150 foyers).

Les propriétaires ont souhaité faire de cette centrale une vitrine de l’excellence écologique. L’excellence a cependant un coût : plus de 1,1 M€ pour le chantier, ce qui est très élevé si l’on rapporte à la seule puissance installée de la vis (les équipements écologiques ne produisent aucun revenu et ils tendent plutôt à limiter le productible). Le temps de retour sur investissement dépasse les 14 ans malgré 50 % de subventions publiques.

La centrale de Brienon-sur-Armançon représente un bel effort qu’il convient de saluer, mais elle illustre aussi très bien le problème des réformes actuelles de continuité écologique : très coûteuses en argent public et privé, elles ne sont pas généralisables pour le petit millier de seuils et barrages classés de la région Bourgogne ; très complexes dans leur mise en œuvre en raison de l’hypervigilance technique et réglementaire des services instructeurs de l’Etat, elles découragent bon nombre de propriétaires de se lancer dans la modernisation écologique et énergétique de leur bien.

Au final : un grand bravo à l’Ademe et à BER pour leur soutien à la petite hydro dans un contexte difficile. Mais les problèmes de fond persistent et l’interprétation actuelle de la continuité écologique est incompatible avec le plein développement de l’énergie hydraulique.

Photographies : visuels de l'assemblée et du chantier de Birenon-sur-Armançon. Merci à Gérard L. pour les photos de la passe et de la vis.

31/10/2014

Pétition pour soutenir le Moulin Maurice à Saint-Marc-sur-Seine

Après le Moulin du Boeuf à Bellenod-sur-Seine, c'est le Moulin Maurice de Saint-Marc-sur-Seine qui est en danger et qui risque de fermer son activité. Notre association participera aux côtés des élus locaux à la recherche d'une solution constructive. Pour donner du poids à notre action, soutenez massivement la pétition lancée par les derniers meuniers en activité de la Seine Amont.  A voir aussi : reportage France 3 Bourgogne. Nous comptons sur vous !

28/10/2014

Décret du 1er juillet 2014: nouvelle tentative de l'Etat pour liquider les droits d'eau fondés en titre

Depuis 1790, les droits d’eau fondés en titre sont reconnus par l’Etat français et protégés par une jurisprudence administrative constante du Conseil d’Etat. On entend par « fondé en titre » le droit réel d’usage permettant à un moulin ou une usine d’exploiter la puissance de l’eau, pourvu que l’établissement existe de fait avant 1790 (abolition des droits féodaux) sur les rivières non domaniales, avant 1566 (Edit de Moulins) sur les rivières domaniales.

La copieuse jurisprudence des juridictions administratives montre que ce droit d’eau fondé en titre a fait l’objet de nombreuses et régulières attaques. Pourtant, le Conseil d’Etat a toujours maintenu avec fermeté le principe de protection de ce droit contre les manoeuvres abusives et arbitraires qui l’ont menacé au fil du temps. La haute juridiction a même consolidé ce droit d’eau fondé en titre en posant les conditions les plus strictes à son annulation pour cause de ruine ou de non-entretien.

Cette interprétation juridique forgée par deux siècles de réflexion des plus éminents de nos magistrats administratifs sera-t-elle maintenue ? Nous le saurons bientôt puisque plusieurs associations de moulins et de riverains se sont réunies pour déposer au Conseil d’Etat deux requêtes en annulation du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d'autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement.

Deux articles surtout mis en cause
Sont particulièrement en cause deux dispositions de ce décret. L’article 7 pose une nouvelle exigence : «Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation». L’article 17 stipule : «Sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai, l'arrêté d'autorisation ou la déclaration cesse de produire effet lorsque l'installation n'a pas été mise en service, l'ouvrage n'a pas été construit ou le travail n'a pas été exécuté ou bien l'activité n'a pas été exercée, dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation, ou, à défaut, dans un délai de trois ans à compter du jour de la notification de l'autorisation ou de la date de déclaration.»

L’article 7 entend ainsi soumettre la reprise d’une production d’énergie sur un ouvrage de droit fondé en titre à l’appréciation (subjective) de l’autorité administrative, alors même que le principe du droit fondé en titre consiste à soustraire l’ouvrage de cette obligation générique d’autorisation – tout en respectant bien sûr les dispositions légales et règlementaires du droit de l’eau et de l’environnement.

L’article 17 quant à lui, interprété lato sensu pour les fondés en titre et non les seuls autorisés, aboutirait à prononcer la déchéance et l’annulation du droit d’eau au seul motif qu’il n’y a pas «activité» sur l’ouvrage hydraulique pendant 3 ans. Quant à savoir ce que le rédacteur entendait par «activité»… on appréciera le caractère très flou de ces textes – un flou auquel on reconnaît  la patte si caractéristique de la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie depuis une dizaine d’années.

Détruire le droit d'eau d'abord, détruire l'ouvrage ensuite
Que l’on assiste à une enième tentative de « liquider » les droits d’eau fondés en titre n’a rien de très étonnant, puisque les technocraties gestionnaires des rivières ont depuis longtemps ce supposé archaïsme dans la ligne de mire de leur prétendue modernité. Que cette tentative se masque de l’alibi d’une « modernisation » et « simplification » de l’action publique a quelque chose de pathétique, puisque les dispositions envisagées reviennent de toute évidence à alourdir un peu plus la complexité règlementaire qui assomme déjà toute initiative en rivière. Mais ce n’est pas comme si la parole publique restait crédible et audible après tant de contradictions entre ses dires et ses faits.

Pendant ce temps-là, le Ministère de l’Ecologie fête en grandes pompes et avec force langue de bois les 50 ans de la politique de l’eau – 50 ans d’échec et de dégradation sans précédent de la qualité de nos rivières. Mais tout n’est-il pas supposé aller mieux quand, après avoir détruit leur droit d’eau, on pourra détruire les ouvrages hydrauliques eux-mêmes ? Les technocraties gestionnaires s’en sont d’ores et déjà auto-persuadées, ce qui est d’autant plus simple qu’enfermées dans leurs bureaux et ne se parlant plus qu'à elles-mêmes, leurs élites n’ont pas trempé la botte dans un bief depuis longtemps.

Il reste qu’avant d’envoyer une pelleteuse dans une rivière d’Auxois-Morvan contre la volonté d’un maître d’ouvrage, il coulera encore  beaucoup d’eau.

Photographies : destruction du barrage de La Mothe (Ellé, Finistère) en 2013 avec engins mécaniques en rivière malgré le référé en cours d’un tiers riverain et l’interdiction de cette pratique par l’arrêté préfectoral d’effacement, le tout sous les yeux des services instructeurs de l’Etat. L’image même du progrès, du droit et de la protection de l’environnement tels qu'on les entend désormais à la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie. 

27/10/2014

Un des derniers meuniers de la Seine Amont menacé de fermeture d'activité

L'association Hydrauxois avait pourtant produit un rapport de conciliation à l'intention de M. le Sous-Préfet et des parties prenantes, mais rien n'y a fait : le Moulin Maurice (Saint-Marc-sur-Seine) est sous le coup d'une double procédure, liée à une plainte de voisinage d'une part, à une instruction DDT pour non-respect de consistance légale d'autre part. L'affaire est d'autant plus étrange que le moulin tourne à sa consistance légale actuelle (déterminée par un déversoir et une vanne bascule) depuis la fin des années 1980, période à laquelle la Commune de Saint-Marc avait financé la nouvelle vanne. A l'époque, les services instructeurs de l'Etat avaient autorisé ces travaux. Une solution constructive doit être recherchée pour éviter la fermeture du moulin, dans un Châtillonnais qui n'a pas besoin de cela en pleine crise économique et sociale. Le propriétaire est (légitimement) attaché au fonctionnement mécanique de son moulin, entraîné par une robuste turbine Ossberger (type cross-flow), présente depuis l'après-guerre, mais le niveau de la consistance légale estimé par l'administration ne permettrait pas cet usage. A suivre. Ci-dessous et à ce lien, la couverture de l'affaire par le Bien Public.  Visitez aussi le site du Moulin Maurice.


17/10/2014

Impact nul sur la biodiversité et faible sur la qualité piscicole: une étude scientifique sur les barrages questionne les idées reçues

Kris Van Looy, Thierry Tormos et Yves Souchon travaillent à l’unité de recherche  MALY (Milieux aquatiques, écologie et pollutions Lyon), sous tutelle Onema-Irstea. Ils viennent de publier dans la revue Ecological Indicators une étude aux conclusions très intéressantes pour la politique actuelle de restauration écologique des cours d’eau, en particulier pour l’estimation de l’impact biologique des modifications morphologiques associées aux seuils et barrages.

17.000 km de rivières, 5500 barrages, 6 critères d’analyse des obstacles à l’écoulement
En quelques mots, qu’ont fait les auteurs ? Dans le bassin de Loire, ils ont sélectionné un réseau de 17.000 km de linéaire, divisés en 4930 segments homogènes du point de vue géomorphologique. Ces sections de cours d’eau ont une longueur de 1 km en moyenne pour les petites rivières de tête de bassin, et de 20 km pour les cours d’eau plus larges des zones aval.

Sur ces 4930 points d’étude, les auteurs ont estimé les impacts à partir du référentiel SYRAH sur les pressions hydromorphologiques d’origine anthropique et naturelle, et de la banque de données CORINE sur les usages des sols. Plus particulièrement, les trois chercheurs ont utilisé le ROE (Référentiel des obstacles à l’écoulement) de l’Onema afin de construire un modèle fin d’impact des seuils et barrages : plus de 5500 de ces obstacles à l’écoulement sont présents sur le linéaire étudié.

Les auteurs ont intégré dans leur modèle le nombre absolu de barrages, leur densité normalisée, la densité rapportée à la pente du segment de rivière, la distance au barrage aval le plus proche et, à l’échelle régionale, le calcul de perte de l’indice Intégré de Connectivité (IIC) en fonction de la densité agrégée sur l’ensemble des segments connectés.

Ce modèle n’est pas complet puisqu’il ne dispose pas d’informations sur les hauteurs, débits réservés et équipements de franchissement (ou échancrures par vétusté) des barrages. Mais il offre néanmoins une grille très fine d’analyse au plan local comme au niveau du bassin versant. Et compte tenu de l’échantillonnage large, il permet des conclusions assez robustes.

IPR et I2M2 : les barrages n’ont pas d’effet très important sur les poissons et les macro-invertébrés (et aucun sur la biodiversité)
Du côté des indicateurs biologiques, Van Looy, Tormos et Souchon ont utilisé deux métriques : l’Indice Poissons Rivières (IPR), qui mesure la qualité piscicole, et l’Indice Invertébrés Multimétrique (I2M2), qui mesure la réponse des invertébrés (mollusques, bryozoaires, amphipodes, trichoptères, plécoptères, etc.) aux pressions. Ces indices sont eux-mêmes multifactoriels et les auteurs ont également analysé comment leurs composantes constitutives (5 pour l’I2M2, 7 pour l’IPR) varient en fonction des ouvrages hydrauliques.

Premier résultat notoire : le score global IPR ou I2M2 ne montre aucune corrélation significative (p<0.05) avec la densité locale de barrages. La corrélation n’apparaît qu’avec l’échelle supérieure de densité régionale (sur le bassin versant).

Deuxième résultat important : la variance globale des scores (R2) n’est que faiblement associée à la densité des barrages : 25% pour les macro-invertébrés, mais 12% seulement pour les poissons.  Les auteurs rappellent au passage que ces valeurs se retrouvent ailleurs dans la littérature scientifique (Wang et al 2011, Bush et al 2012).

Troisième résultat à retenir : au sein des indices, les métriques de la biodiversité (NTE et DTI pour l’IPR, indice de Shannon et richesse taxonomique pour l’I2M2) ne répondent pas à la présence des barrages par des variations significatives. Là encore, les chercheurs avertissent que ce résultat n’est pas étonnant et que d’autres travaux ont trouvé un effet nul (Pohlon et al 2007) voir positif sur la richesse en espèces des zones impactées par des barrages (Maynard et Lane 2012).

Quatrième résultat intéressant : au sein de l’IPR, ce sont les espèces rhéophiles et lithophiles qui expliquent l’essentiel de la réponse observée (12%). Ce résultat ne s’observe pas seulement avec la densité locale, mais aussi au niveau du bassin versant.

Cinquième résultat enfin : les macro-invertébrés montrent un réponse plus forte à la densité de barrage dans les zones amont, alors que ce trait ne se retrouve pas pour les populations piscicoles.

Prudence et rigueur : un moratoire nécessaire des politiques publiques en matière d’obstacles à l’écoulement
Que peut-on déduire de cette recherche ? Une précédente étude sur le taux d’étagement (Chaplais 2010) avait montré que les seuils ont un impact, mais assez modéré. Cette étude était cependant sous-échantillonnée, ce qui n’est pas le cas de Van Looy et al 2014. Leur nouveau travail montre que :

  • les seuils et barrages ont un impact nul sur la biodiversité et faible sur l’indice de qualité piscicole (IPR) utilisé pour le rapportage de la directive-cadre européenne sur l’eau (DCE 2000) ;
  • l'analyse scientifique des rivières, en particulier de leur dynamique hydrobiologique, reste un domaine d'étude dans l'enfance, avec relativement peu de modèles complets d'impact et peu de profondeur historique des données d'observation pour tester la robustesse des modèles ;
  • les lois, arrêtés et plans de restauration de la continuité écologique ont été adoptés dans la précipitation, sans base scientifique robuste ;
  • la communauté des chercheurs en hydrobiologie, hydromorphologie et hydro-écologie gagnerait à exprimer plus fortement la prudence et la rigueur propre à sa profession et, surtout, indispensable à la qualité et à la légitimité de la recherche scientifique ;
  • le classement très large des rivières françaises occasionne des coûts considérables en destruction ou aménagement des barrages, sans avantages écologiques clairement mesurés ni comparaison avec d’autres mesures environnementales favorables à la qualité de l’eau.

Un moratoire paraît nécessaire sur l’application du classement des rivières au titre de la continuité écologique.

Référence : Van Looy, K., Tormos, T. & Souchon, Y. (2014) Disentangling dam impacts in river networks, Ecological Indicators ,37, pp. 10-20 DOI: 10.1016/j.ecolind.2013.10.006

03/10/2014

Cousin : bilan rapide de la réunion de concertation d'Avallon

La réunion organisée à Avallon le 29/09/2014 fut dans l'ensemble constructive. Une trentaine de personnes y ont participé : représentants de la DDT, du Parc du Morvan, du SIVU du Cousin, de la ville d'Avallon, des associations, et bien sûr propriétaires de moulins. Qu'ils en soient ici remerciés.

Le président de l'association Hydrauxois a exprimé les principaux blocages actuels de la politique de l'eau en France, dont on observe les conséquences directes sur le Cousin comme sur l'ensemble des rivières de la région : menace sur les droits d'eau, classement des rivières impliquant des aménagements écologiques très coûteux et peu subventionnés, choix privilégié de destruction du patrimoine historique, manque d'analyse du potentiel énergétique, défaut de robustesse scientifique sur la question de la morphologie et de son influence sur le bon état chimique / écologique au sens de la directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000).

Parmi les points à retenir :

• la DDT a nié toute politique systématique de déchéance des droits d'eau ou d'animosité envers les moulins, et elle a rappelé qu'elle instruit les demandes de productions hydro-électriques qui lui parviennent. Toutefois, plusieurs propriétaires ont exprimé un ressenti différent, avec une manque de concertation, une perception de décisions parfois autoritaires et une trop grande complexité des évolutions règlementaires. Il a été convenu qu'il est nécessaire de poursuivre des réunions de travail avec les services instructeurs de l'Etat,  pour trouver des solutions d'ici 2018, date d'échéance de l'obligation d'aménagement des seuils du Cousin. A signaler que l'Onema SD 89 n'avait pu envoyer de représentants.

• le Parc naturel régional du Morvan a tenu à rappeler qu'il n'a aucune responsabilité dans les lois actuelles sur l'eau et dans l'évolution des règlementations, son rôle étant d'assister quand il le peut les maîtres d'ouvrages. Par ailleurs, le Parc a précisé que le budget réel de 800 k€ pour le Cousin (au sein des 3 M€ de dotation globale) interdira d'aménager les 24 moulins du linéaire Natura 2000. Toutefois, le Parc a reconnu qu'une seule solution de passe à poissons sans arasement a été retenue (Moulin Léger), avec deux autres passes associées à une baisse conséquente du niveau de la retenue (remettant en question le droit d'eau des sites concernés). Les choix s'orientent plutôt vers les propriétaires qui acceptent l'arasement ou le dérasement de leur seuil, comme le moulin des Templiers. Il y a donc de facto une prime à l'effacement plutôt qu'à la solution de modernisation passe à poissons + vanne fonctionnelle.

Pour la suite, les propriétaires de moulins vont continuer de discuter avec le PNR du Morvan des aménagements possibles dans le cadre du programme LIFE+, qui arrive à échéance en 2015.

L'association Hydrauxois prépare déjà la prochaine étape, qui sera une concertation élargie à l'ensemble du Cousin et de ses affluents, avec cette fois tous les représentants publics : Agence de l'eau Seine-Normandie, DDT, Onema, Dreal, Ademe, élus des communes riveraines et syndicat de rivière. La situation actuelle liée au classement de la rivière sera très difficile à gérer, et comme la plupart des propriétaires sont prêts à se battre pour éviter la destruction de leurs ouvrages hydrauliques, le laisser-faire ne peut aboutir qu'à un pourrissement de la situation, avec des querelles procédurières et des contentieux. On observe déjà certains de ces conflits en Côte d'Or, hélas. Il est donc indispensable de chercher des issues constructives pour la patrimoine hydraulique, la continuité écologique et, pourquoi pas, la restauration énergétique d'un certain nombre de sites. Il est aussi urgent de trouver des solutions techniques de franchissement piscicole / sédimentaire à coût moindre que les budgets actuellement observés, hors de portée du financement public comme privé.

Les moulins du Cousin, Hydrauxois et le Parc du Morvan dans l'Yonne républicaine




26/09/2014

Potentiel énergétique du Cousin aval: une source d'énergie locale menacée par le projet du Parc du Morvan

Malgré un financement généreux de plus de 3 millions d'euros, le Parc naturel régional du Morvan n'a pas jugé nécessaire de demander à ses deux bureaux d'études une analyse du potentiel énergétique des moulins de la Vallée du Cousin Aval. Certes, l'objectif du projet du Parc financé par LIFE+ est la restauration de la continuité écologique. Mais cette restauration n'a de sens que si elle intègre les autres dimensions de la rivière : le patrimoine, le paysage, le tourisme, la culture et bien sur l'énergie, puisque la forte densité des moulins témoigne de cet usage ancien.

Pas de projet réellement écologique sans réflexion énergétique
Aujourd'hui, un moulin du Cousin aval (Léger) produit encore de l'énergie électrique raccordée au réseau, pour une puissance de l'ordre de 50 kW. Et il existe d'autres producteurs sur le linéaire de la rivière (Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Moulin Simonnot) et au moins trois propriétires intéressés par un projet. La micro-hydraulique est donc une réalité vivante sur le territoire, susceptible de produire une énergie propre, non carbonée, locale. Et, bien sûr, des revenus associés à cette production. En pleine période de transition énergétique, et alors que la plupart des experts considèrent le réchauffent climatique comme l'une des principales menaces sur la biodiversité (aquatique notamment) et la ressource en eau, il est pour le moins léger d'ignorer totalement cette dimension dans un projet d'aménagement de rivière.

L'association Hydrauxois a signalé au SIVU du Cousin son intérêt pour la question énergétique et son souhait d'une étude à échelle du bassin versant, affluents inclus. La question est encore en discussion. Nous ne pouvons évidemment pas improviser cette analyse qui demande du temps. Toutefois, puisque le Parc naturel régional du Morvan souhaite précipiter les décisions d'aménagement en cette fin d'année 2014, il paraît nécessaire de donner au moins aux citoyens et aux décideurs un ordre de grandeur.

Première estimation de puissance: environ 879 kW sur le Cousin aval
Pour estimer cet ordre de grandeur, on prend la formule classique en hydraulique de puissance brute:
P=rho*g*Q*H
Avec P la puissance en W, g accélération de la gravité, rho masse volumique de l'eau, Q débit nominal d'exploitation et H hauteur de chute.

L'énergie produite à l'année s'obtient par
E=n*P*h
Avec E l'énergie en Wh ou kWh, n le rendement croisé des installations (hydrauliques, mécaniques et électriques) et h le nombre d'heures de turbinage au débit nominal (facteur de charge)

L'étude BIOTEC 2013 montre que le cumul des hauteurs de seuil sur le Cousin aval est de 25,6 m (taux d'étagement de 21,6% sur le linéaire concerné).

La station hydrologique d'Avallon indique un module inter-annuel du Cousin de 3,90 m3/s. Compte-tenu de la géographie du bassin versant, on prendra 3,5 m3/s comme valeur moyenne de débit d'équipement des moulins sur le linéaire concerné par le projet du Parc.

La puissance hydraulique brute s'élève donc à 879 kW.

Un productible annuel de 2 GWh, soit plus de 400 foyers
Dans la logique d'une étude de potentiel, on fait l'hypothèse que l'ensemble des ouvrages hydrauliques sont préservés, et le cas échéant restaurés dans leur pleine fonctionnalité. Le classement du Cousin en liste 1 au titre de l'article 214-17 C env interdit de sur-élever les ouvrages ou d'en construire de nouveau, mais il n'interdit nullement l'équipement des ouvrages existants.

Les chutes des moulins du Cousin sont relativement faibles : 24 sites pour 25,6 m de hauteur ouvragée représente une hauteur moyenne de 1,07 m. En conséquence, il est réaliste de prendre un facteur de rendement de l'ordre de 0,6 (au lieu des 0,7 qui sont la norme de primo-estimation dans la profession), car les faibles chutes sont plus difficiles à équiper. En revanche, on peut tabler sur 5000 heures de fonctionnement en équivalent débit nominal (c'est-à-dire, une production un peu plus forte quand on est au-dessus du module compensant les périodes où l'on est en-dessous, le débit réel d'équipement étant généralement choisi au Q60, et non au module).

Le productible annuel E serait donc de l'ordre de 2 millions de kWh ou 2 GWh.

Le kWh est racheté (en moyenne) 10 c€ dans le cadre des contrats d'achat EDF-OA sur 20 ans. Donc l'équivalent revenu brut d'exploitation est de 200.000 euros. Sur les 20 ans de contrat, on aboutit à 4 millions d'euros, somme assez comparable aux 3 millions d'euros du programme LIFE+. Il faut noter que la production hydraulique continue après ce contrat de 20 ans, le matériel et le génie civil ayant une durée de vie plus longue.

La consommation annuelle moyenne d'un site résidentiel en France est de l'ordre de 4500 kWh, toutes résidences confondues. L'aménagement hydro-électrique des moulins du Cousin représente donc un potentiel équivalent à 444 foyers (environ 1500 personnes). Ce n'est pas négligeable du tout à l'heure de la transition énergétique.

Le Parc doit reprendre sa réflexion sur de nouvelles bases
Cette courte étude ne prétend pas à autre chose qu'un ordre de grandeur. Elle donne une idée de ce qu'il serait possible de produire si les ouvrages du Cousin aval étaient tous restaurés et équipés des dispositifs les plus performants pour leurs débits et hauteurs de chute. Seule une étude plus approfondie, si possible à échelle de l'ensemble du bassin versant du Cousin, permettrait de dégager le productible réel.

Aussi frustes soient-ils, les ordres de grandeur indiquent que le potentiel n'est pas négligeable. Il paraît donc indispensable que le Parc du Morvan reprenne sa réflexion sur ses choix d'aménagement avant d'engager la destruction irrémédiable du potentiel énergétique de la Vallée du Cousin (qui est aussi la destruction d'un patrimoine historique pluricentenaire, comme nous l'avons rappelé). Ce sera l'un des objets de la réunion de concertation du 29 septembre 2014.

Pour aller plus loin sur l'énergie hydraulique
10 questions et réponses sur la petite hydro-électricité 
Le EROEI de l'énergie hydraulique 
En finir avec une idée reçue: un moulin ne produirait presque rien 
Le bilan environnemental de l'énergie hydraulique
La Cour des Comptes souhaite intégrer l'hydraulique dans le mix énergétique
Transition énergétique : l'exemple de la Côte d'Or en potentiel hydraulique 
Le bilan carbone de l'énergie hydraulique 

Illustrations
Visite de l'Abbaye de la Pierre-qui-Vire et de ses installations hydro-électriques par les membres de l'association, au printemps 2014. Par son choix d'énergie durable, l'Abbaye offre un modèle de développement local et propre, parfaitement intégré dans un environnement préservé.

16/09/2014

Un moulin-bateau en Saône-et-Loire

Chez nos voisins de Saône-et-Loire, un chantier d'archéologie subaquatique met au jour un moulin-bateau sur le Doubs. Le reportage de France 3 régions est complet et passionnant. Les rivières et fleuves à large lit présentent une puissance régulière et importante, mais leur dérivation vers des biefs n'est pas aisée. Aussi les meuniers utilisaient-ils des bateaux dotés de roues à aubes (roue de dessous) et meules, afin de moudre le grain directement dans le lit. Les techniques de construction en sont peu connues, car les premiers traités apparaissent tardivement, au XVIIIe siècle. Le moulin-bateau de Sermesse date du XVIe siècle, et il est très bien conservé avec son matériel, à la suite d'un naufrage probablement accidentel : cela promet une belle moisson d'informations sur les techniques hydrauliques!

15/09/2014

Avallon et ses moulins en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager: où sont les analyses d'impact des projets du Parc du Morvan?

Les ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) visent à définir, par accord entre l'État et les collectivités, les modalités de gestion d'un secteur urbain d'intérêt patrimonial. Il se trouve que la ville d'Avallon est en ZPPAUP et, comme le montre la carte ci-dessous, la protection concerne également le Cousin, ses rives, sa vallée… et ses moulins!


Le document d'accompagnement du ZPPAUP précise en particulier les points suivants :
La vallée du Cousin est un secteur naturel qui est inclus dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. en tant que « zone naturelle constituant un espace complémentaire aux zones bâties » : rôle d’écrin, de toile de fond. Les relations visuelles entre le centre ancien d’Avallon et la vallée du Cousin sont particulièrement étroites, ce que soulignait déjà Victor Petit au siècle dernier : si « la vallée n’est belle que vue de la ville, [...] la ville n’est réellement belle que vue de la vallée ». Cette notion de réciprocité visuelle justifie pleinement l’intégration d’une partie de la vallée dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. (..) On y trouve en outre des constructions pittoresques restées à l’abri de l’urbanisation de l’après-guerre : anciens moulins à eau, petites fabriques, etc. Ils sont généralement bien intégrés au paysage naturel et participent au caractère romantique des lieux.

Environ la moitié des moulins du Cousin concernés par le programme de restauration écologique LIFE+ du Parc du Morvan sont situés dans la zone de protection.

Le patrimoine et le paysage sont une affaire d'intérêt général: notre association s'étonne donc qu'il n'existe à ce jour aucune délibération publique relative à l'intérêt des ouvrages hydrauliques, ni aucune simulation du profil de vallée avant et après les aménagements souhaités par le Parc, en particulier quand ces opérations consistent à détruire les ouvrages hydrauliques et à modifier substantiellement le miroir d'eau. Si ces travaux existent, ils ne sont pas accessibles aux citoyens sur les sites du Parc, du Stap 89 ou de la Drac Bourgogne.

Nous avons donc saisi M. Jean-Pierre Mayot et Mme Isabelle Humbert du Service territorial de l'architecture et du patrimoine (Stap 89), afin de pouvoir consulter les délibérations des architectes des bâtiments de France sollicités par le Parc du Morvan et afin de signaler la préférence de notre association pour des aménagements écologiques non destructeurs du patrimoine et du paysage. Nous vous tiendrons au courant de l'évolution du dossier, qui sera également débattu le 29 septembre avec les acteurs concernés.

13/09/2014

Chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21)

A l'invitation de l'ADEME, l'association Hydrauxois a participé parmi une douzaine de maîtres d'ouvrages à la visite du chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21), sur la Tille. Les visiteurs ont pu appréhender les enjeux de génie civil d'une restauration énergétique : batardeau avec mise à sec du barrage et du bief, pose de nouvelle vannes motorisée (sur 20 m), construction du radier de la vis et confortement des parements du bief… La vis aura une puissance d'environ 50 kW, relativement modeste mais en charge une grande partie de l'année à sa puissance nominale. La pose de la vis elle-même est prévue en octobre pour une première injection réseau d'ici novembre. Avec le chantier sur le débit réservé de la centrale de Brienon-sur-Armançon (89), Champdôtre sera l'une des deux premières vis hydrodynamiques en Bourgogne. (Voir le dossier de l'association sur cette technologie).


08/09/2014

Moulins du Cousin : réflexions sur 8 siècles de patrimoine

Grâce aux travaux de Françoise Wicker sur l'histoire des moulins du Cousin, nous disposons des dates de premières mentions des moulins concernés par le programme LIFE+ de restauration écologique de la rivière.

En voici le tableau, classé par ordre croissant d'apparition :


Tous les ouvrages sont fondés en titre
Les moulins du Cousin ont donc un présence attestée depuis 3 à 8 siècles, le plus récent d'entre eux apparaissant au tout début du XVIIIe siècle. Il est permis de tirer de cette remarquable ancienneté du patrimoine hydraulique du Cousin quelques réflexions.

Du point de vue juridique d'abord, tous les moulins du Cousin sont de droit d'eau fondé en titre, et seul un état de ruine complet de leurs ouvrages hydrauliques permettrait de nier leur caractère légal. Notre association aura prochainement l'occasion de le rappeler à la DDT 89, dont les services de police de l'eau ont entrepris de contester la validité de certains droits d'eau. Notre association est hélas! coutumière de cette posture, dont nous nous sommes déjà plaint jusqu'à la direction de tutelle des agents administratifs au Ministère de l'Ecologie, et que nous continuerons de combattre, y compris devant les tribunaux quand ce sera nécessaire.

L'impact morphologique des moulins est faible
Du point de vue écologique ensuite, et surtout, le bon sens indique que si les moulins du Cousin affectaient gravement la faune de la rivière, leurs effetsn'aurait pas attendu des centaines d'années pour se manifester.

En fait, il est très improbable que les altérations morphologiques des moulins (changements d'écoulement et de franchissabilité dus au seuil en rivière) entraînent un impact notable sur les populations de truites et de moules perlières. On sait en effet par des témoignages historiques assez robustes (cf les références citées dans nos travaux sur les moules et sur les truites) que ces espèces étaient observées dans la rivière à la fin du XIXe siècle, malgré la présence pluricentenaire des moulins. On sait aussi qu'au cours du XXe siècle, l'effet morphologique des moulins n'a fait que s'atténuer (ruine et disparition de certaines ouvrages, présence de brèches et échancrures facilitant le transit piscicole, etc.), et non pas s'amplifier. Cela signifie que la disparition progressive des moules et la raréfaction des truites s'expliquent très vraisemblablement par l'apparition d'autres facteurs limitants / dégradants au cours des 100 dernières années, et certainement pas par les modifications morphologiques modestes, présentes depuis fort longtemps et ayant créé un nouveau profil d'équilibre de la rivière dès les XVIIe-XVIIIe siècle. (A noter que ces observations valent pour d'autres espèces sensibles aux perturbations comme les écrevisses du Morvan, dont le déclin n'a aucune corrélation manifeste avec la densité des seuils).

Nos connaissances sont encore lacunaires
Parmi les causes d'altération piscicole méritant un examen, on peut citer notamment : réchauffement climatique (hausse de la T moyenne de l'air ayant des effets sur la T de l'eau par transfert thermique), changement quantitatif des prélèvements en eau pour les usages humains, pollution par les composés chimiques d'apparition récente (domestiques, agricoles, sylvicoles et industriels, ainsi que les micro-polluants médicamenteux), recalibrage du lit / modification des rives (avec effets sur les températures, les sédiments, les macro-invertébrés et les niches écologiques en berges), effets direct (prédation, surpêche, braconnage) et indirects (rempoissonnement d'élevage, introduction accidentelle d'espèces concurrentes et de pathogènes) de la pêche de loisir.

Il est remarquable que les deux bureaux d'études (BIOTEC et SIALIS) ayant procédé à l'étude du Cousin Aval n'ont pas développé de modèle de la rivière incluant l'ensemble de ces impacts que nous venons de mentionner (fût-ce pour les disqualifier, mais de manière scientifiquement robuste). Pas plus que ces bureaux d'étude (ni l'ONEMA) n'ont disposé d'un état zéro de la population piscicole assez ancien dans le temps pour juger de l'évolution réelle des truites et des moules, de sorte que la quantification même du déséquilibre piscicole est finalement absente (ou simplement présumée par des biotypologies posant des problèmes intrinsèques de méthode, cf nos observations à ce sujet sur la Tille).

Ces observations ne sont pas anodines pour l'avenir de la rivière :
- d'une part, les choix du Parc du Morvan en terme de restauration du Cousin doivent être proportionnés à l'importance des impacts ;
- d'autre part, dans le cadre du classement L1-L2 du Cousin prenant effet d'ici 2017, l'autorité en charge de l'eau (DDT, ONEMA) doit motiver ses demandes d'aménagements sur chaque site, dans le cadre d'une procédure contradictoire, avec des éléments de preuve sur la proportionnalité impact / solution.

Ne soyons pas amnésiques!
Pour conclure, les huit siècles (au moins) de présence des moulins dans la Vallée du Cousin devraient inciter les acteurs de la rivière à quelque humilité lorsqu'ils doivent prendre des décisions relatives à ce patrimoine. La dictature du court-terme et de l'urgence nous aveugle souvent et, sous prétexte que nous avons l'opportunité de quelques moyens juridiques et financiers, nous nous croyons libres de faire ce que nous voulons, sans consacrer trop de réflexion à la longue durée, vers le passé comme vers l'avenir. Mais l'amnésie n'enfante généralement que l'erreur!

La restauration du patrimoine hydraulique presque millénaire du Cousin et la réflexion sur de nouveaux usages adaptés aux enjeux de notre siècle seraient créatrices de valeur pour l'Avallonnais. L'enjeu mérite une large concertation entre les riverains, les élus, les gestionnaires de la rivière et les autorités administratives.

Notre énergie pour la France

L'association Hydrauxois a exposé sur le site participatif "Votre énergie pour la France" son action pour le développement de la petite hydro-électricité en Bourgogne (restauration du site du Foulon de la Laume à Semur-en-Auxois, conseils aux communes et particuliers qui souhaitent se lancer dans la production d'électricité d'origine hydraulique). La petite hydro, avec près de 80.000 sites de production en France dont plus de 3500 en Bourgogne, doit prendre toute sa place dans la transition énergétique ! C'est en effet une énergie propre, locale, à très faible bilan carbone et matières premières, possédant un bon facteur de charge, appréciée des riverains, susceptible d'apporter des revenus et des emplois dans les territoires ruraux.

06/09/2014

Vallée du Cousin, LIFE+ : échanges avec le Parc du Morvan

Nous avons reçu de Nicolas GALMICHE (Parc du Morvan) cette réponse à notre précédent article. Nous la publions volontiers, avec à sa suite notre réponse.

Pour faire suite à votre dernier article « Vallée du Cousin : la destruction des seuils de moulins coûte deux fois plus cher que leur aménagement écologique », je tenais à vous éclairer sur quelques points:

« Or, bien que l’étude de juin 2013 commandée à BIOTEC démontre que l’aménagement des seuils de moulin coûterait deux fois moins cher... le Parc semblerait préférer leur destruction. »

Le Parc n’a pas de préférence pour la suppression des seuils de moulin. Il s’est attaché à apporter son aide aux propriétaires d’ouvrages dans la Vallée du Cousin, en proposant des solutions écologiquement et sociologiquement acceptables. A ce titre, tous les propriétaires d’ouvrages concernés ont reçu une fiche individuelle avec des solutions permettant de rétablir la continuité écologique. Ensuite, avec les propriétaires volontaires, souhaitant donc poursuivre la démarche vers la phase travaux, un scénario d’aménagement a été choisi en concertation avec eux et validé par les services de l’Etat (DDT et ONEMA) et les financeurs. Le choix des scénarii s’appuie sur l’étude de BIOTEC et tient compte de l’existence légale de l’ouvrage, de son usage (économique) et de son état. Les intérêts patrimoniaux ont également été pris en compte dans les solutions techniques qui ont été imaginées par la suite : maintien du bief en eau, maintien du seuil ou d’une partie… Les solutions étudiées et imaginées, avec chaque propriétaire,  ne répondent pas au seul besoin réglementaire, mais ont une visée plus globale de restauration de cours d’eau et du patrimoine naturel de la Vallée du Cousin. 


« Il est reconnu que les seuils du Cousin Aval ont des hauteurs modestes et un impact proportionné. On est très loin des grands ouvrages hydrauliques et infranchissables ».

Oui, tout est relatif... Plus que le dimensionnement des ouvrages, ce sont leur accumulation et leur absence de gestion qui créent des impacts. La franchissabilité n’est pas le seul critère à prendre en compte. La modification des facies, générée par la retenue d’eau, est un critère prépondérant.

Concernant les impacts des grands barrages, ils sont autrement plus importants et plus « directs » sur la rivière. De la même façon, le PNRM intervient sur ces questions. Par exemple, par le financement de bassins de décantation à l’aval du barrage de St Agnan, via le contrat global Cure-Yonne, ou en participant au relèvement du débit réservé du lac de Crescent.

« Au vu de cette estimation, les décideurs devraient sans regret favoriser les solutions de franchissement piscicole et profiter des économies ainsi réalisées pour améliorer d’autres aspects de la morphologie et de l’écologie de la rivière. Par exemple pour aider les collectivités à lutter contre la pollution chimique du Cousin et de ses affluents. »

Pour les raisons citées précédemment, le Parc mène les actions qu’il juge efficaces, dans un budget raisonnable. Le critère coût n’est pas le seul facteur à prendre en compte. Le PNRM mène aussi tout un panel d’actions de restauration, à l’échelle des bassins-versants, avec différents acteurs socio-professionnels (Agriculteurs, forestiers, maires, riverains…). Il lutte entre autre contre les pollutions chimiques (Mesures agro-environnementales, plan de désherbage en ville…). Il entreprend également des actions de restauration hydromorphologique, sur le Cousin amont par exemple (Champeau-en-Morvan). Et il agit sur la continuité écologique « hors seuils de moulins »… Je vous encourage alors à visiter le site du Parc afin de vous informer sur l’ensemble des programmes d’actions liés à la restauration des cours d’eau du Morvan.

« Ils représentent par ailleurs un certain potentiel énergétique, à l’heure où le Ministère de l’Écologie a décidé d’appuyer sur l’accélérateur en ce domaine et de créer des  emplois verts ».

Concernant le potentiel hydroélectrique du Cousin, il ne s’agit pas de mettre en opposition sur un plan idéologique la micro-électricité et la biodiversité mais il faut relativiser le gain de la production d’énergie escompté par rapport au coût et à l’impact du maintien de l’artificialisation du cours d’eau. Etant donné ses faibles débits et les hauteurs de chute peu importantes, le potentiel hydro-électrique semble peu important. D’ailleurs, peut être pourrez-vous, à votre tour, m’apporter des éléments sur la rentabilité d’une nouvelle installation sur le Cousin aux regards de tous les critères évoqués (Installation, rénovation, entretien…) ? De plus, nous prévoyons l’équipement d’une passe à poissons sur le moulin Léger. Moulin qui, comme vous le savez, fait actuellement usage de l’hydroélectricité !


Concernant votre tableau de synthèse « Estimation des coûts travaux seuls en milliers d’Euros, BIOTEC 2013 », vos conclusions sont un peu hâtives et usent de nombreux raccourcis.

Tout d’abord, il est vrai que le dérasement ou l’arasement d’un ouvrage peut avoir un coût supérieur à l’installation d’une rampe en enrochement. Cela s’explique assez simplement par le fait que les mesures d’accompagnement de tels travaux (diversification du lit mineur exondé, recepage…) et les reprises de maçonnerie sont assez onéreuses, si les linéaires sont importants.  Ceci dit, de manière générale, je tiens à souligner que cela est moins vrai lorsque l’on parle de passe à poissons de type « à bassins successifs » (De mon expérience, environ 30 000 euros par mètre de chute).

Ensuite, pour revenir au cas du Cousin, ces coûts estimatifs ont évolué dans les différents projets avec les propriétaires. Sachez, par exemple, que le dispositif de franchissement au Moulin Cadoux est estimé à 153 000 euros et à 134 000 euros au Moulin de la Papeterie. Pour mémoire, sachez également, que le projet de contournement du Moulin Sapin a été estimé à 80 000 euros. Ce projet de contournement est effectivement moins cher et certainement plus efficace en termes de franchissement piscicole mais malheureusement tous les propriétaires ne disposent pas suffisamment de foncier pour un tel aménagement. A contrario, les travaux de dérasement partiel de la Rochette sont estimés à 74 000 euros, Michaud 63 000 euros, Ferme des nids 64 000 euros et Templier 62 000 euros. Le dérasement du Moulin de la côte Cadoux a coûté 6 000 euros. Donc, dans le cas du Cousin, les travaux de dérasement (partiel) ont un coût moins élevé que les dispositifs de franchissement ! 

Vous aurez donc compris qu’il est difficile de donner un coût moyen en fonction de la typologie de l’aménagement. Vous aurez compris également que les choix qui sont faits par le Parc et ses partenaires sont autrement plus complexes que ce que vous décrivez. C’est pourquoi, je vous demande donc de bien vouloir apporter les rectifications nécessaires à votre article afin de ne pas créer de la confusion pour vos lecteurs et ne pas attiser les tensions.

La réponse de l'association

Nous remercions M. GALMICHE et le Parc du Morvan de ces précisions. Nous nous félicitons évidement des actions générale du Parc en faveur de l'environnement mentionnées dans la réponse ci-dessus. Et pareillement quand il y accord entre le Parc et le maître d'ouvrage hydraulique sur un projet, avec un consentement éclairé par une information sincère sur les conditions de cet accord. Toutefois, sur le dossier précis du Programme LIFE+ Cousin Aval, nous apportons ci-dessous quelques précisions nécessaires. Et nous rappelons que si le territoire du Parc du Morvan recouvre un très beau patrimoine naturel, c'est aussi un patrimoine historique, culturel et paysager, ainsi qu'un tissu social qui doit préserver son avenir économique.

Destruction ou aménagement. Le Parc du Morvan dit ne pas avoir de préférence pour la destruction des ouvrages hydrauliques des moulins du Cousin. Nous nous en félicitons, mais pour juger des actes et non pas des paroles, nous manquons d'information à ce sujet. Soyons donc clair : sur les 24 sites concernés par le projet LIFE+ Cousin Aval, combien de fois le Parc a-t-il proposé / engagé une destruction (dérasement, arasement) et combien de fois un aménagement (passes à poissons, rivière de contournement) ? Par ailleurs, puisque le Parc se dit très ouvert, pourquoi refuse-t-il encore la construction de passes à poissons à certains propriétaires, alors qu'il dispose largement du budget pour cette solution?

Modification de faciès. Le Parc du Morvan souligne que la hauteur de chute n'est pas le seul critère pour juger des ouvrages, mais que l'on doit aussi envisager le changement de faciès dû à la retenue. Il va de soi qu'une rivière ouvragée par l'homme n'a pas le même type d'écoulement sur son linéaire qu'une rivière naturelle. Le Cousin est en l'occurrence modifié par les moulins depuis plusieurs siècles. La question est de donner une mesure objective, réelle, de la gravité de cet état de fait ; en particulier de la gravité relative du changement de dynamique par rapport aux autres causes d'altération des milieux, car les actions correctives doivent être proportionnées aux impacts. Comme nous l'avons montré dans nos travaux de relecture critique des travaux des bureaux d'études (voir ici et ici), il n'existe pas de démonstration convaincante à ce sujet. Le taux d'étagement du Cousin est relativement faible par rapport à d'autres rivières (21,6%, alors qu'à titre de comparaison, les bassins versants de Loire-Bretagne se donnent comme objectif de qualité DCE de ramener à 50% le taux d'étagement des cours d'eau, soit deux fois plus que le Cousin). Qu'il existe des zones d'écoulement lentique (retenues) en alternance à l'écoulement lotique (naturels) n'est certainement pas une catastrophe de nature justifier des arasements / dérasements le plus nombreux possibles : la diversité des écoulements est préservée, la majorité du linéaire reste non impactée dans sa morphologie et sa dynamique et la biodiversité totale est à tout prendre plus importante. De même, des réchauffements locaux peuvent rendre les retenues peu propices aux espèces thermosensibles au plus chaud de l'été, mais cela n'empêche évidement pas la rivière de disposer de nombreux habitats plus frais et donc plus favorables à ces espèces. Les bilans piscicoles faits par l'ONEMA sur le Cousin se gardent d'ailleurs de conclure que le recrutement faible de truites et espèces d'accompagnement est essentiellement dû aux moulins, de même que ces analyses montrent des recrutements salmonicoles normaux à élevés dans des zones non impactées de la rivière. A dire vrai, aucun modèle hydro-écologique ou hydro-biologique du Cousin n'a été conçu (malgré le financement assez large de l'Europe et de l'Agence de l'eau depuis plusieurs années), donc on n'est pas en mesure de procéder à des simulations scientifiquement robustes de la rivière en faisant varier tel ou tel paramètre. Pas plus qu'on est capable de simuler l'évolution historique de son peuplement piscicole. Dès lors, où sont les preuves réelles et les quantifications exactes de l'impact des moulins? Et si le Cousin en son profil actuel offre déjà des zones propices aux truites, au nom de quelle vision extrémiste faudrait-il que la totalité de la rivière, en chaque recoin de son linéaire, soit reprofilée à la seule fin d'optimiser la présence de cette espèce? 

Prise en compte du patrimoine. Dans certains cas que nous avons étudié, il n'y a aucune prise en compte réelle de l'intérêt historique, patrimonial et paysager des ouvrages. A notre grand regret puisque nous avions mentionné la bonne tenue des premiers travaux. On mentionne certes en quelques paragraphes l'histoire du site… mais on n'en déduit rien ! Or l'intérêt pour le patrimoine ne doit pas seulement se déclarer, il doit se manifester par des actions concrètes. Le meilleur moyen de montrer la prise en compte du patrimoine hydraulique, ce serait donc d'aider à le restaurer dans le respect des milieux. Donc à faire preuve d'une gestion durable, équilibrée et raisonnée de la rivière, où un seul facteur ("renaturation" environnementale) n'engage pas le sacrifice de tous les autres (énergie, patrimoine, paysage, tourisme, etc.). Vouloir transformer l'écologie en force de destruction du patrimoine, c'est le meilleur moyen d'en détourner les citoyens, alors que les rivières sont bel et bien des enjeux environnementaux de premier plan ! Rappelons que jusque dans les années 1980 et 1990, il était courant que les établissement publics en charge des rivières et bassins versants aident les propriétaires à construire des vannages fonctionnels, des ouvrages de franchissement, des berges consolidées ou reboisées, etc. Il n'y a donc aucune fatalité au divorce écologie-patrimoine observé depuis la loi sur l'eau de 2006 et l'on ne doit pas rayer 5 siècles d'histoire au prétexte d'une mode passagère dont le principal motif est le retard français sur les vraies causes de dégradation des rivières.

Estimation coût et coût réel. Dans notre article, nous nous basons sur les seuls documents publics disponibles, en l'occurrence la stratégie BIOTEC 2013. Si cette estimation a été faite l'an passé, c'est bien pour guider le décideur. Nous souhaitons évidement que le Parc publie dans les meilleurs délais les coûts réels des travaux, puisqu'il s'agit d'argent public. Concernant ces coûts, nous attirons l'attention sur la nécessité de les décomposer précisément. Par exemple, deux bureaux d'études ont déjà été sollicité (BOTEC et SIALIS) pour le programme LIFE+ Cousin Aval et certains propriétaires bénéficiant de passes à poissons ont même eu la surprise de voir arriver sur leur bief un troisième bureau d'études… dont les plans sont de surcroît différents des projets proposés par l'un des deux premiers ! Donc évidement, s'il n'y a pas efficience dans l'organisation de la dépense et si l'on multiplie les prestataires, on pourra toujours conclure que telle ou telle solution est coûteuse. Nous aurons l'occasion d'échanger à ce sujet avec la presse sur un cas précis, afin de donner les bonnes informations aux riverains. Le Parc mentionne par ailleurs le cas du Petit Cadoux comme exemple un coût faible. Mais la plupart des observateurs et riverains se demandent pourquoi on a dépensé le moindre centime à faire venir des engins en rivière, alors que ce seuil très modeste et déjà presque effacé avait un impact à peu près nul. Toujours dans le registre des coûts, signalons que tout projet de restauration écologique devrait faire l'objet d'une analyse coût-avantage claire, permettant de quantifier les bénéfices écologiques réels selon différentes hypothèses de dépense. A notre connaissance, il n'y a aucune garantie du retour de la truite et de la moule perlière au terme des aménagements du Cousin. Dans une situation où l'argent public est rare, nous sommes en droit de questionner la rationalité des dépenses et leur priorité réelle pour l'environnement.

Potentiel énergétique. Celui-ci n'a fait l'objet d'aucune estimation par le Parc et ses prestataires, et donc d'aucune information des propriétaires et du public. Nous trouvons pour le moins étonnant que la Parc du Morvan emploie le mot "idéologie" quand, justement, son absence d'analyse montre à tout prendre un certain a priori idéologique ou doctrinal : celui d'un désintérêt manifeste pour l'hydraulique comme énergie renouvelable. C'est bien dommage car cette énergie hydraulique a le meilleur bilan carbone / environnemental à plus bas coût, un atout non négligeable à l'heure où le réchauffement climatique est considéré comme menace de premier ordre sur l'avenir de la biodiversité (y compris en rivière, cf. l'avis prudent et raisonnable du Conseil scientifique du bassin de Seine-Normandie). Par ailleurs, affirmer que la plupart des propriétaires n'ont pas de projet énergétique est doublement discutable : d'une part, tout est fait pour ne pas les informer ou les décourager de ces projets (voir plus loin à propos de la DDT) ; d'autre part, si un propriétaire n'a pas de projet énergétique aujourd'hui, un héritier ou un futur acquéreur en aura peut-être demain. Toute personne connaissant l'histoire pluriséculaire des moulins sait que ceux-ci sont parfois restés au chômage pendant des années, voire des décennies, mais qu'ils finissaient le plus souvent par retrouver un usage conforme à leur destination (produire un travail grâce à la force de l'eau). Une fois détruit en revanche, le moulin disparaît et avec lui son potentiel… Sur cette question énergétique, nous publierons prochainement une première analyse d'ordre de grandeur et nous avons exprimé au SIVU du Cousin notre souhait que cette dimension soit désormais systématiquement analysée.

"Créer de la confusion", "attiser les tensions". En démocratie, il est normal de débattre et il est sain que tout le monde ne soit pas du même avis. La confusion et la tension viennent de l'absence de transparence dans l'action, alors qu'un budget de 3 millions d'euros d'argent public s'apprête à modifier le visage séculaire d'une vallée. Elles viennent du fait que concrètement, la restauration de continuité écologique consistera à envoyer des pelleteuses en rivières pour détruire des sites, sans que ce choix quelque peu violent ait été formulé avec clarté et sans que les riverains, qui ont aussi leur mot à dire, ne soient saisis de la question et ne puissent exprimer leurs choix. Elles viennent encore du fait que les propriétaires n'ont pas été complètement informés sur la valeur foncière de leur droit d'eau, dont la disparition est présentée comme anecdotique (alors qu'un moulin sans droit d'eau devient juste une maison en zone inondable).  Ajoutons à cela ce qui ne se dit pas, mais se pratique hélas : par exemple la DDT 89 qui menace de casser certains droits d'eau des moulins du Cousin, cela à seule fin de pousser les propriétaires à accepter la disparition de leur bien. Tant que les parties prenantes du dossier adopteront ces positions agressives ou opaques, tant qu'un vrai débat démocratique ne sera pas engagé, les amoureux du patrimoine, de l'énergie et de l'environnement hydrauliques seront contraints de se défendre par tous les moyens dont ils disposent.  

Pour conclure, nous prenons M. GALMICHE et le Parc du Morvan au mot : si aucun propriétaire ne souhaitant de passe à poissons n'est rebuté dans sa demande, et si le Parc inclut désormais le patrimoine et l'énergie dans sa communication sur la Vallée du Cousin (comme sur les autres rivières du Morvan), notre association figurera parmi les plus fervents promoteurs de sa démarche. Nous voulons construire ensemble, et non pas diviser : les moulins sont prêts à se mobiliser pour la qualité de l'eau si l'on cesse les menaces de destruction et le harcèlement administratif. Nous aurons l'occasion de mesurer les intentions réelles des uns et des autres dans une réunion de concertation, le 29 septembre prochain. D'ici là, nous exposerons à la presse et sur le web les évolutions du dossier.