28/10/2014

Décret du 1er juillet 2014: nouvelle tentative de l'Etat pour liquider les droits d'eau fondés en titre

Depuis 1790, les droits d’eau fondés en titre sont reconnus par l’Etat français et protégés par une jurisprudence administrative constante du Conseil d’Etat. On entend par « fondé en titre » le droit réel d’usage permettant à un moulin ou une usine d’exploiter la puissance de l’eau, pourvu que l’établissement existe de fait avant 1790 (abolition des droits féodaux) sur les rivières non domaniales, avant 1566 (Edit de Moulins) sur les rivières domaniales.

La copieuse jurisprudence des juridictions administratives montre que ce droit d’eau fondé en titre a fait l’objet de nombreuses et régulières attaques. Pourtant, le Conseil d’Etat a toujours maintenu avec fermeté le principe de protection de ce droit contre les manoeuvres abusives et arbitraires qui l’ont menacé au fil du temps. La haute juridiction a même consolidé ce droit d’eau fondé en titre en posant les conditions les plus strictes à son annulation pour cause de ruine ou de non-entretien.

Cette interprétation juridique forgée par deux siècles de réflexion des plus éminents de nos magistrats administratifs sera-t-elle maintenue ? Nous le saurons bientôt puisque plusieurs associations de moulins et de riverains se sont réunies pour déposer au Conseil d’Etat deux requêtes en annulation du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d'autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement.

Deux articles surtout mis en cause
Sont particulièrement en cause deux dispositions de ce décret. L’article 7 pose une nouvelle exigence : «Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation». L’article 17 stipule : «Sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai, l'arrêté d'autorisation ou la déclaration cesse de produire effet lorsque l'installation n'a pas été mise en service, l'ouvrage n'a pas été construit ou le travail n'a pas été exécuté ou bien l'activité n'a pas été exercée, dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation, ou, à défaut, dans un délai de trois ans à compter du jour de la notification de l'autorisation ou de la date de déclaration.»

L’article 7 entend ainsi soumettre la reprise d’une production d’énergie sur un ouvrage de droit fondé en titre à l’appréciation (subjective) de l’autorité administrative, alors même que le principe du droit fondé en titre consiste à soustraire l’ouvrage de cette obligation générique d’autorisation – tout en respectant bien sûr les dispositions légales et règlementaires du droit de l’eau et de l’environnement.

L’article 17 quant à lui, interprété lato sensu pour les fondés en titre et non les seuls autorisés, aboutirait à prononcer la déchéance et l’annulation du droit d’eau au seul motif qu’il n’y a pas «activité» sur l’ouvrage hydraulique pendant 3 ans. Quant à savoir ce que le rédacteur entendait par «activité»… on appréciera le caractère très flou de ces textes – un flou auquel on reconnaît  la patte si caractéristique de la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie depuis une dizaine d’années.

Détruire le droit d'eau d'abord, détruire l'ouvrage ensuite
Que l’on assiste à une enième tentative de « liquider » les droits d’eau fondés en titre n’a rien de très étonnant, puisque les technocraties gestionnaires des rivières ont depuis longtemps ce supposé archaïsme dans la ligne de mire de leur prétendue modernité. Que cette tentative se masque de l’alibi d’une « modernisation » et « simplification » de l’action publique a quelque chose de pathétique, puisque les dispositions envisagées reviennent de toute évidence à alourdir un peu plus la complexité règlementaire qui assomme déjà toute initiative en rivière. Mais ce n’est pas comme si la parole publique restait crédible et audible après tant de contradictions entre ses dires et ses faits.

Pendant ce temps-là, le Ministère de l’Ecologie fête en grandes pompes et avec force langue de bois les 50 ans de la politique de l’eau – 50 ans d’échec et de dégradation sans précédent de la qualité de nos rivières. Mais tout n’est-il pas supposé aller mieux quand, après avoir détruit leur droit d’eau, on pourra détruire les ouvrages hydrauliques eux-mêmes ? Les technocraties gestionnaires s’en sont d’ores et déjà auto-persuadées, ce qui est d’autant plus simple qu’enfermées dans leurs bureaux et ne se parlant plus qu'à elles-mêmes, leurs élites n’ont pas trempé la botte dans un bief depuis longtemps.

Il reste qu’avant d’envoyer une pelleteuse dans une rivière d’Auxois-Morvan contre la volonté d’un maître d’ouvrage, il coulera encore  beaucoup d’eau.

Photographies : destruction du barrage de La Mothe (Ellé, Finistère) en 2013 avec engins mécaniques en rivière malgré le référé en cours d’un tiers riverain et l’interdiction de cette pratique par l’arrêté préfectoral d’effacement, le tout sous les yeux des services instructeurs de l’Etat. L’image même du progrès, du droit et de la protection de l’environnement tels qu'on les entend désormais à la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie. 

27/10/2014

Un des derniers meuniers de la Seine Amont menacé de fermeture d'activité

L'association Hydrauxois avait pourtant produit un rapport de conciliation à l'intention de M. le Sous-Préfet et des parties prenantes, mais rien n'y a fait : le Moulin Maurice (Saint-Marc-sur-Seine) est sous le coup d'une double procédure, liée à une plainte de voisinage d'une part, à une instruction DDT pour non-respect de consistance légale d'autre part. L'affaire est d'autant plus étrange que le moulin tourne à sa consistance légale actuelle (déterminée par un déversoir et une vanne bascule) depuis la fin des années 1980, période à laquelle la Commune de Saint-Marc avait financé la nouvelle vanne. A l'époque, les services instructeurs de l'Etat avaient autorisé ces travaux. Une solution constructive doit être recherchée pour éviter la fermeture du moulin, dans un Châtillonnais qui n'a pas besoin de cela en pleine crise économique et sociale. Le propriétaire est (légitimement) attaché au fonctionnement mécanique de son moulin, entraîné par une robuste turbine Ossberger (type cross-flow), présente depuis l'après-guerre, mais le niveau de la consistance légale estimé par l'administration ne permettrait pas cet usage. A suivre. Ci-dessous et à ce lien, la couverture de l'affaire par le Bien Public.  Visitez aussi le site du Moulin Maurice.


17/10/2014

Impact nul sur la biodiversité et faible sur la qualité piscicole: une étude scientifique sur les barrages questionne les idées reçues

Kris Van Looy, Thierry Tormos et Yves Souchon travaillent à l’unité de recherche  MALY (Milieux aquatiques, écologie et pollutions Lyon), sous tutelle Onema-Irstea. Ils viennent de publier dans la revue Ecological Indicators une étude aux conclusions très intéressantes pour la politique actuelle de restauration écologique des cours d’eau, en particulier pour l’estimation de l’impact biologique des modifications morphologiques associées aux seuils et barrages.

17.000 km de rivières, 5500 barrages, 6 critères d’analyse des obstacles à l’écoulement
En quelques mots, qu’ont fait les auteurs ? Dans le bassin de Loire, ils ont sélectionné un réseau de 17.000 km de linéaire, divisés en 4930 segments homogènes du point de vue géomorphologique. Ces sections de cours d’eau ont une longueur de 1 km en moyenne pour les petites rivières de tête de bassin, et de 20 km pour les cours d’eau plus larges des zones aval.

Sur ces 4930 points d’étude, les auteurs ont estimé les impacts à partir du référentiel SYRAH sur les pressions hydromorphologiques d’origine anthropique et naturelle, et de la banque de données CORINE sur les usages des sols. Plus particulièrement, les trois chercheurs ont utilisé le ROE (Référentiel des obstacles à l’écoulement) de l’Onema afin de construire un modèle fin d’impact des seuils et barrages : plus de 5500 de ces obstacles à l’écoulement sont présents sur le linéaire étudié.

Les auteurs ont intégré dans leur modèle le nombre absolu de barrages, leur densité normalisée, la densité rapportée à la pente du segment de rivière, la distance au barrage aval le plus proche et, à l’échelle régionale, le calcul de perte de l’indice Intégré de Connectivité (IIC) en fonction de la densité agrégée sur l’ensemble des segments connectés.

Ce modèle n’est pas complet puisqu’il ne dispose pas d’informations sur les hauteurs, débits réservés et équipements de franchissement (ou échancrures par vétusté) des barrages. Mais il offre néanmoins une grille très fine d’analyse au plan local comme au niveau du bassin versant. Et compte tenu de l’échantillonnage large, il permet des conclusions assez robustes.

IPR et I2M2 : les barrages n’ont pas d’effet très important sur les poissons et les macro-invertébrés (et aucun sur la biodiversité)
Du côté des indicateurs biologiques, Van Looy, Tormos et Souchon ont utilisé deux métriques : l’Indice Poissons Rivières (IPR), qui mesure la qualité piscicole, et l’Indice Invertébrés Multimétrique (I2M2), qui mesure la réponse des invertébrés (mollusques, bryozoaires, amphipodes, trichoptères, plécoptères, etc.) aux pressions. Ces indices sont eux-mêmes multifactoriels et les auteurs ont également analysé comment leurs composantes constitutives (5 pour l’I2M2, 7 pour l’IPR) varient en fonction des ouvrages hydrauliques.

Premier résultat notoire : le score global IPR ou I2M2 ne montre aucune corrélation significative (p<0.05) avec la densité locale de barrages. La corrélation n’apparaît qu’avec l’échelle supérieure de densité régionale (sur le bassin versant).

Deuxième résultat important : la variance globale des scores (R2) n’est que faiblement associée à la densité des barrages : 25% pour les macro-invertébrés, mais 12% seulement pour les poissons.  Les auteurs rappellent au passage que ces valeurs se retrouvent ailleurs dans la littérature scientifique (Wang et al 2011, Bush et al 2012).

Troisième résultat à retenir : au sein des indices, les métriques de la biodiversité (NTE et DTI pour l’IPR, indice de Shannon et richesse taxonomique pour l’I2M2) ne répondent pas à la présence des barrages par des variations significatives. Là encore, les chercheurs avertissent que ce résultat n’est pas étonnant et que d’autres travaux ont trouvé un effet nul (Pohlon et al 2007) voir positif sur la richesse en espèces des zones impactées par des barrages (Maynard et Lane 2012).

Quatrième résultat intéressant : au sein de l’IPR, ce sont les espèces rhéophiles et lithophiles qui expliquent l’essentiel de la réponse observée (12%). Ce résultat ne s’observe pas seulement avec la densité locale, mais aussi au niveau du bassin versant.

Cinquième résultat enfin : les macro-invertébrés montrent un réponse plus forte à la densité de barrage dans les zones amont, alors que ce trait ne se retrouve pas pour les populations piscicoles.

Prudence et rigueur : un moratoire nécessaire des politiques publiques en matière d’obstacles à l’écoulement
Que peut-on déduire de cette recherche ? Une précédente étude sur le taux d’étagement (Chaplais 2010) avait montré que les seuils ont un impact, mais assez modéré. Cette étude était cependant sous-échantillonnée, ce qui n’est pas le cas de Van Looy et al 2014. Leur nouveau travail montre que :

  • les seuils et barrages ont un impact nul sur la biodiversité et faible sur l’indice de qualité piscicole (IPR) utilisé pour le rapportage de la directive-cadre européenne sur l’eau (DCE 2000) ;
  • l'analyse scientifique des rivières, en particulier de leur dynamique hydrobiologique, reste un domaine d'étude dans l'enfance, avec relativement peu de modèles complets d'impact et peu de profondeur historique des données d'observation pour tester la robustesse des modèles ;
  • les lois, arrêtés et plans de restauration de la continuité écologique ont été adoptés dans la précipitation, sans base scientifique robuste ;
  • la communauté des chercheurs en hydrobiologie, hydromorphologie et hydro-écologie gagnerait à exprimer plus fortement la prudence et la rigueur propre à sa profession et, surtout, indispensable à la qualité et à la légitimité de la recherche scientifique ;
  • le classement très large des rivières françaises occasionne des coûts considérables en destruction ou aménagement des barrages, sans avantages écologiques clairement mesurés ni comparaison avec d’autres mesures environnementales favorables à la qualité de l’eau.

Un moratoire paraît nécessaire sur l’application du classement des rivières au titre de la continuité écologique.

Référence : Van Looy, K., Tormos, T. & Souchon, Y. (2014) Disentangling dam impacts in river networks, Ecological Indicators ,37, pp. 10-20 DOI: 10.1016/j.ecolind.2013.10.006

03/10/2014

Cousin : bilan rapide de la réunion de concertation d'Avallon

La réunion organisée à Avallon le 29/09/2014 fut dans l'ensemble constructive. Une trentaine de personnes y ont participé : représentants de la DDT, du Parc du Morvan, du SIVU du Cousin, de la ville d'Avallon, des associations, et bien sûr propriétaires de moulins. Qu'ils en soient ici remerciés.

Le président de l'association Hydrauxois a exprimé les principaux blocages actuels de la politique de l'eau en France, dont on observe les conséquences directes sur le Cousin comme sur l'ensemble des rivières de la région : menace sur les droits d'eau, classement des rivières impliquant des aménagements écologiques très coûteux et peu subventionnés, choix privilégié de destruction du patrimoine historique, manque d'analyse du potentiel énergétique, défaut de robustesse scientifique sur la question de la morphologie et de son influence sur le bon état chimique / écologique au sens de la directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000).

Parmi les points à retenir :

• la DDT a nié toute politique systématique de déchéance des droits d'eau ou d'animosité envers les moulins, et elle a rappelé qu'elle instruit les demandes de productions hydro-électriques qui lui parviennent. Toutefois, plusieurs propriétaires ont exprimé un ressenti différent, avec une manque de concertation, une perception de décisions parfois autoritaires et une trop grande complexité des évolutions règlementaires. Il a été convenu qu'il est nécessaire de poursuivre des réunions de travail avec les services instructeurs de l'Etat,  pour trouver des solutions d'ici 2018, date d'échéance de l'obligation d'aménagement des seuils du Cousin. A signaler que l'Onema SD 89 n'avait pu envoyer de représentants.

• le Parc naturel régional du Morvan a tenu à rappeler qu'il n'a aucune responsabilité dans les lois actuelles sur l'eau et dans l'évolution des règlementations, son rôle étant d'assister quand il le peut les maîtres d'ouvrages. Par ailleurs, le Parc a précisé que le budget réel de 800 k€ pour le Cousin (au sein des 3 M€ de dotation globale) interdira d'aménager les 24 moulins du linéaire Natura 2000. Toutefois, le Parc a reconnu qu'une seule solution de passe à poissons sans arasement a été retenue (Moulin Léger), avec deux autres passes associées à une baisse conséquente du niveau de la retenue (remettant en question le droit d'eau des sites concernés). Les choix s'orientent plutôt vers les propriétaires qui acceptent l'arasement ou le dérasement de leur seuil, comme le moulin des Templiers. Il y a donc de facto une prime à l'effacement plutôt qu'à la solution de modernisation passe à poissons + vanne fonctionnelle.

Pour la suite, les propriétaires de moulins vont continuer de discuter avec le PNR du Morvan des aménagements possibles dans le cadre du programme LIFE+, qui arrive à échéance en 2015.

L'association Hydrauxois prépare déjà la prochaine étape, qui sera une concertation élargie à l'ensemble du Cousin et de ses affluents, avec cette fois tous les représentants publics : Agence de l'eau Seine-Normandie, DDT, Onema, Dreal, Ademe, élus des communes riveraines et syndicat de rivière. La situation actuelle liée au classement de la rivière sera très difficile à gérer, et comme la plupart des propriétaires sont prêts à se battre pour éviter la destruction de leurs ouvrages hydrauliques, le laisser-faire ne peut aboutir qu'à un pourrissement de la situation, avec des querelles procédurières et des contentieux. On observe déjà certains de ces conflits en Côte d'Or, hélas. Il est donc indispensable de chercher des issues constructives pour la patrimoine hydraulique, la continuité écologique et, pourquoi pas, la restauration énergétique d'un certain nombre de sites. Il est aussi urgent de trouver des solutions techniques de franchissement piscicole / sédimentaire à coût moindre que les budgets actuellement observés, hors de portée du financement public comme privé.

Les moulins du Cousin, Hydrauxois et le Parc du Morvan dans l'Yonne républicaine




26/09/2014

Potentiel énergétique du Cousin aval: une source d'énergie locale menacée par le projet du Parc du Morvan

Malgré un financement généreux de plus de 3 millions d'euros, le Parc naturel régional du Morvan n'a pas jugé nécessaire de demander à ses deux bureaux d'études une analyse du potentiel énergétique des moulins de la Vallée du Cousin Aval. Certes, l'objectif du projet du Parc financé par LIFE+ est la restauration de la continuité écologique. Mais cette restauration n'a de sens que si elle intègre les autres dimensions de la rivière : le patrimoine, le paysage, le tourisme, la culture et bien sur l'énergie, puisque la forte densité des moulins témoigne de cet usage ancien.

Pas de projet réellement écologique sans réflexion énergétique
Aujourd'hui, un moulin du Cousin aval (Léger) produit encore de l'énergie électrique raccordée au réseau, pour une puissance de l'ordre de 50 kW. Et il existe d'autres producteurs sur le linéaire de la rivière (Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Moulin Simonnot) et au moins trois propriétires intéressés par un projet. La micro-hydraulique est donc une réalité vivante sur le territoire, susceptible de produire une énergie propre, non carbonée, locale. Et, bien sûr, des revenus associés à cette production. En pleine période de transition énergétique, et alors que la plupart des experts considèrent le réchauffent climatique comme l'une des principales menaces sur la biodiversité (aquatique notamment) et la ressource en eau, il est pour le moins léger d'ignorer totalement cette dimension dans un projet d'aménagement de rivière.

L'association Hydrauxois a signalé au SIVU du Cousin son intérêt pour la question énergétique et son souhait d'une étude à échelle du bassin versant, affluents inclus. La question est encore en discussion. Nous ne pouvons évidemment pas improviser cette analyse qui demande du temps. Toutefois, puisque le Parc naturel régional du Morvan souhaite précipiter les décisions d'aménagement en cette fin d'année 2014, il paraît nécessaire de donner au moins aux citoyens et aux décideurs un ordre de grandeur.

Première estimation de puissance: environ 879 kW sur le Cousin aval
Pour estimer cet ordre de grandeur, on prend la formule classique en hydraulique de puissance brute:
P=rho*g*Q*H
Avec P la puissance en W, g accélération de la gravité, rho masse volumique de l'eau, Q débit nominal d'exploitation et H hauteur de chute.

L'énergie produite à l'année s'obtient par
E=n*P*h
Avec E l'énergie en Wh ou kWh, n le rendement croisé des installations (hydrauliques, mécaniques et électriques) et h le nombre d'heures de turbinage au débit nominal (facteur de charge)

L'étude BIOTEC 2013 montre que le cumul des hauteurs de seuil sur le Cousin aval est de 25,6 m (taux d'étagement de 21,6% sur le linéaire concerné).

La station hydrologique d'Avallon indique un module inter-annuel du Cousin de 3,90 m3/s. Compte-tenu de la géographie du bassin versant, on prendra 3,5 m3/s comme valeur moyenne de débit d'équipement des moulins sur le linéaire concerné par le projet du Parc.

La puissance hydraulique brute s'élève donc à 879 kW.

Un productible annuel de 2 GWh, soit plus de 400 foyers
Dans la logique d'une étude de potentiel, on fait l'hypothèse que l'ensemble des ouvrages hydrauliques sont préservés, et le cas échéant restaurés dans leur pleine fonctionnalité. Le classement du Cousin en liste 1 au titre de l'article 214-17 C env interdit de sur-élever les ouvrages ou d'en construire de nouveau, mais il n'interdit nullement l'équipement des ouvrages existants.

Les chutes des moulins du Cousin sont relativement faibles : 24 sites pour 25,6 m de hauteur ouvragée représente une hauteur moyenne de 1,07 m. En conséquence, il est réaliste de prendre un facteur de rendement de l'ordre de 0,6 (au lieu des 0,7 qui sont la norme de primo-estimation dans la profession), car les faibles chutes sont plus difficiles à équiper. En revanche, on peut tabler sur 5000 heures de fonctionnement en équivalent débit nominal (c'est-à-dire, une production un peu plus forte quand on est au-dessus du module compensant les périodes où l'on est en-dessous, le débit réel d'équipement étant généralement choisi au Q60, et non au module).

Le productible annuel E serait donc de l'ordre de 2 millions de kWh ou 2 GWh.

Le kWh est racheté (en moyenne) 10 c€ dans le cadre des contrats d'achat EDF-OA sur 20 ans. Donc l'équivalent revenu brut d'exploitation est de 200.000 euros. Sur les 20 ans de contrat, on aboutit à 4 millions d'euros, somme assez comparable aux 3 millions d'euros du programme LIFE+. Il faut noter que la production hydraulique continue après ce contrat de 20 ans, le matériel et le génie civil ayant une durée de vie plus longue.

La consommation annuelle moyenne d'un site résidentiel en France est de l'ordre de 4500 kWh, toutes résidences confondues. L'aménagement hydro-électrique des moulins du Cousin représente donc un potentiel équivalent à 444 foyers (environ 1500 personnes). Ce n'est pas négligeable du tout à l'heure de la transition énergétique.

Le Parc doit reprendre sa réflexion sur de nouvelles bases
Cette courte étude ne prétend pas à autre chose qu'un ordre de grandeur. Elle donne une idée de ce qu'il serait possible de produire si les ouvrages du Cousin aval étaient tous restaurés et équipés des dispositifs les plus performants pour leurs débits et hauteurs de chute. Seule une étude plus approfondie, si possible à échelle de l'ensemble du bassin versant du Cousin, permettrait de dégager le productible réel.

Aussi frustes soient-ils, les ordres de grandeur indiquent que le potentiel n'est pas négligeable. Il paraît donc indispensable que le Parc du Morvan reprenne sa réflexion sur ses choix d'aménagement avant d'engager la destruction irrémédiable du potentiel énergétique de la Vallée du Cousin (qui est aussi la destruction d'un patrimoine historique pluricentenaire, comme nous l'avons rappelé). Ce sera l'un des objets de la réunion de concertation du 29 septembre 2014.

Pour aller plus loin sur l'énergie hydraulique
10 questions et réponses sur la petite hydro-électricité 
Le EROEI de l'énergie hydraulique 
En finir avec une idée reçue: un moulin ne produirait presque rien 
Le bilan environnemental de l'énergie hydraulique
La Cour des Comptes souhaite intégrer l'hydraulique dans le mix énergétique
Transition énergétique : l'exemple de la Côte d'Or en potentiel hydraulique 
Le bilan carbone de l'énergie hydraulique 

Illustrations
Visite de l'Abbaye de la Pierre-qui-Vire et de ses installations hydro-électriques par les membres de l'association, au printemps 2014. Par son choix d'énergie durable, l'Abbaye offre un modèle de développement local et propre, parfaitement intégré dans un environnement préservé.

16/09/2014

Un moulin-bateau en Saône-et-Loire

Chez nos voisins de Saône-et-Loire, un chantier d'archéologie subaquatique met au jour un moulin-bateau sur le Doubs. Le reportage de France 3 régions est complet et passionnant. Les rivières et fleuves à large lit présentent une puissance régulière et importante, mais leur dérivation vers des biefs n'est pas aisée. Aussi les meuniers utilisaient-ils des bateaux dotés de roues à aubes (roue de dessous) et meules, afin de moudre le grain directement dans le lit. Les techniques de construction en sont peu connues, car les premiers traités apparaissent tardivement, au XVIIIe siècle. Le moulin-bateau de Sermesse date du XVIe siècle, et il est très bien conservé avec son matériel, à la suite d'un naufrage probablement accidentel : cela promet une belle moisson d'informations sur les techniques hydrauliques!

15/09/2014

Avallon et ses moulins en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager: où sont les analyses d'impact des projets du Parc du Morvan?

Les ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) visent à définir, par accord entre l'État et les collectivités, les modalités de gestion d'un secteur urbain d'intérêt patrimonial. Il se trouve que la ville d'Avallon est en ZPPAUP et, comme le montre la carte ci-dessous, la protection concerne également le Cousin, ses rives, sa vallée… et ses moulins!


Le document d'accompagnement du ZPPAUP précise en particulier les points suivants :
La vallée du Cousin est un secteur naturel qui est inclus dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. en tant que « zone naturelle constituant un espace complémentaire aux zones bâties » : rôle d’écrin, de toile de fond. Les relations visuelles entre le centre ancien d’Avallon et la vallée du Cousin sont particulièrement étroites, ce que soulignait déjà Victor Petit au siècle dernier : si « la vallée n’est belle que vue de la ville, [...] la ville n’est réellement belle que vue de la vallée ». Cette notion de réciprocité visuelle justifie pleinement l’intégration d’une partie de la vallée dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. (..) On y trouve en outre des constructions pittoresques restées à l’abri de l’urbanisation de l’après-guerre : anciens moulins à eau, petites fabriques, etc. Ils sont généralement bien intégrés au paysage naturel et participent au caractère romantique des lieux.

Environ la moitié des moulins du Cousin concernés par le programme de restauration écologique LIFE+ du Parc du Morvan sont situés dans la zone de protection.

Le patrimoine et le paysage sont une affaire d'intérêt général: notre association s'étonne donc qu'il n'existe à ce jour aucune délibération publique relative à l'intérêt des ouvrages hydrauliques, ni aucune simulation du profil de vallée avant et après les aménagements souhaités par le Parc, en particulier quand ces opérations consistent à détruire les ouvrages hydrauliques et à modifier substantiellement le miroir d'eau. Si ces travaux existent, ils ne sont pas accessibles aux citoyens sur les sites du Parc, du Stap 89 ou de la Drac Bourgogne.

Nous avons donc saisi M. Jean-Pierre Mayot et Mme Isabelle Humbert du Service territorial de l'architecture et du patrimoine (Stap 89), afin de pouvoir consulter les délibérations des architectes des bâtiments de France sollicités par le Parc du Morvan et afin de signaler la préférence de notre association pour des aménagements écologiques non destructeurs du patrimoine et du paysage. Nous vous tiendrons au courant de l'évolution du dossier, qui sera également débattu le 29 septembre avec les acteurs concernés.

13/09/2014

Chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21)

A l'invitation de l'ADEME, l'association Hydrauxois a participé parmi une douzaine de maîtres d'ouvrages à la visite du chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21), sur la Tille. Les visiteurs ont pu appréhender les enjeux de génie civil d'une restauration énergétique : batardeau avec mise à sec du barrage et du bief, pose de nouvelle vannes motorisée (sur 20 m), construction du radier de la vis et confortement des parements du bief… La vis aura une puissance d'environ 50 kW, relativement modeste mais en charge une grande partie de l'année à sa puissance nominale. La pose de la vis elle-même est prévue en octobre pour une première injection réseau d'ici novembre. Avec le chantier sur le débit réservé de la centrale de Brienon-sur-Armançon (89), Champdôtre sera l'une des deux premières vis hydrodynamiques en Bourgogne. (Voir le dossier de l'association sur cette technologie).


08/09/2014

Moulins du Cousin : réflexions sur 8 siècles de patrimoine

Grâce aux travaux de Françoise Wicker sur l'histoire des moulins du Cousin, nous disposons des dates de premières mentions des moulins concernés par le programme LIFE+ de restauration écologique de la rivière.

En voici le tableau, classé par ordre croissant d'apparition :


Tous les ouvrages sont fondés en titre
Les moulins du Cousin ont donc un présence attestée depuis 3 à 8 siècles, le plus récent d'entre eux apparaissant au tout début du XVIIIe siècle. Il est permis de tirer de cette remarquable ancienneté du patrimoine hydraulique du Cousin quelques réflexions.

Du point de vue juridique d'abord, tous les moulins du Cousin sont de droit d'eau fondé en titre, et seul un état de ruine complet de leurs ouvrages hydrauliques permettrait de nier leur caractère légal. Notre association aura prochainement l'occasion de le rappeler à la DDT 89, dont les services de police de l'eau ont entrepris de contester la validité de certains droits d'eau. Notre association est hélas! coutumière de cette posture, dont nous nous sommes déjà plaint jusqu'à la direction de tutelle des agents administratifs au Ministère de l'Ecologie, et que nous continuerons de combattre, y compris devant les tribunaux quand ce sera nécessaire.

L'impact morphologique des moulins est faible
Du point de vue écologique ensuite, et surtout, le bon sens indique que si les moulins du Cousin affectaient gravement la faune de la rivière, leurs effetsn'aurait pas attendu des centaines d'années pour se manifester.

En fait, il est très improbable que les altérations morphologiques des moulins (changements d'écoulement et de franchissabilité dus au seuil en rivière) entraînent un impact notable sur les populations de truites et de moules perlières. On sait en effet par des témoignages historiques assez robustes (cf les références citées dans nos travaux sur les moules et sur les truites) que ces espèces étaient observées dans la rivière à la fin du XIXe siècle, malgré la présence pluricentenaire des moulins. On sait aussi qu'au cours du XXe siècle, l'effet morphologique des moulins n'a fait que s'atténuer (ruine et disparition de certaines ouvrages, présence de brèches et échancrures facilitant le transit piscicole, etc.), et non pas s'amplifier. Cela signifie que la disparition progressive des moules et la raréfaction des truites s'expliquent très vraisemblablement par l'apparition d'autres facteurs limitants / dégradants au cours des 100 dernières années, et certainement pas par les modifications morphologiques modestes, présentes depuis fort longtemps et ayant créé un nouveau profil d'équilibre de la rivière dès les XVIIe-XVIIIe siècle. (A noter que ces observations valent pour d'autres espèces sensibles aux perturbations comme les écrevisses du Morvan, dont le déclin n'a aucune corrélation manifeste avec la densité des seuils).

Nos connaissances sont encore lacunaires
Parmi les causes d'altération piscicole méritant un examen, on peut citer notamment : réchauffement climatique (hausse de la T moyenne de l'air ayant des effets sur la T de l'eau par transfert thermique), changement quantitatif des prélèvements en eau pour les usages humains, pollution par les composés chimiques d'apparition récente (domestiques, agricoles, sylvicoles et industriels, ainsi que les micro-polluants médicamenteux), recalibrage du lit / modification des rives (avec effets sur les températures, les sédiments, les macro-invertébrés et les niches écologiques en berges), effets direct (prédation, surpêche, braconnage) et indirects (rempoissonnement d'élevage, introduction accidentelle d'espèces concurrentes et de pathogènes) de la pêche de loisir.

Il est remarquable que les deux bureaux d'études (BIOTEC et SIALIS) ayant procédé à l'étude du Cousin Aval n'ont pas développé de modèle de la rivière incluant l'ensemble de ces impacts que nous venons de mentionner (fût-ce pour les disqualifier, mais de manière scientifiquement robuste). Pas plus que ces bureaux d'étude (ni l'ONEMA) n'ont disposé d'un état zéro de la population piscicole assez ancien dans le temps pour juger de l'évolution réelle des truites et des moules, de sorte que la quantification même du déséquilibre piscicole est finalement absente (ou simplement présumée par des biotypologies posant des problèmes intrinsèques de méthode, cf nos observations à ce sujet sur la Tille).

Ces observations ne sont pas anodines pour l'avenir de la rivière :
- d'une part, les choix du Parc du Morvan en terme de restauration du Cousin doivent être proportionnés à l'importance des impacts ;
- d'autre part, dans le cadre du classement L1-L2 du Cousin prenant effet d'ici 2017, l'autorité en charge de l'eau (DDT, ONEMA) doit motiver ses demandes d'aménagements sur chaque site, dans le cadre d'une procédure contradictoire, avec des éléments de preuve sur la proportionnalité impact / solution.

Ne soyons pas amnésiques!
Pour conclure, les huit siècles (au moins) de présence des moulins dans la Vallée du Cousin devraient inciter les acteurs de la rivière à quelque humilité lorsqu'ils doivent prendre des décisions relatives à ce patrimoine. La dictature du court-terme et de l'urgence nous aveugle souvent et, sous prétexte que nous avons l'opportunité de quelques moyens juridiques et financiers, nous nous croyons libres de faire ce que nous voulons, sans consacrer trop de réflexion à la longue durée, vers le passé comme vers l'avenir. Mais l'amnésie n'enfante généralement que l'erreur!

La restauration du patrimoine hydraulique presque millénaire du Cousin et la réflexion sur de nouveaux usages adaptés aux enjeux de notre siècle seraient créatrices de valeur pour l'Avallonnais. L'enjeu mérite une large concertation entre les riverains, les élus, les gestionnaires de la rivière et les autorités administratives.

Notre énergie pour la France

L'association Hydrauxois a exposé sur le site participatif "Votre énergie pour la France" son action pour le développement de la petite hydro-électricité en Bourgogne (restauration du site du Foulon de la Laume à Semur-en-Auxois, conseils aux communes et particuliers qui souhaitent se lancer dans la production d'électricité d'origine hydraulique). La petite hydro, avec près de 80.000 sites de production en France dont plus de 3500 en Bourgogne, doit prendre toute sa place dans la transition énergétique ! C'est en effet une énergie propre, locale, à très faible bilan carbone et matières premières, possédant un bon facteur de charge, appréciée des riverains, susceptible d'apporter des revenus et des emplois dans les territoires ruraux.

06/09/2014

Vallée du Cousin, LIFE+ : échanges avec le Parc du Morvan

Nous avons reçu de Nicolas GALMICHE (Parc du Morvan) cette réponse à notre précédent article. Nous la publions volontiers, avec à sa suite notre réponse.

Pour faire suite à votre dernier article « Vallée du Cousin : la destruction des seuils de moulins coûte deux fois plus cher que leur aménagement écologique », je tenais à vous éclairer sur quelques points:

« Or, bien que l’étude de juin 2013 commandée à BIOTEC démontre que l’aménagement des seuils de moulin coûterait deux fois moins cher... le Parc semblerait préférer leur destruction. »

Le Parc n’a pas de préférence pour la suppression des seuils de moulin. Il s’est attaché à apporter son aide aux propriétaires d’ouvrages dans la Vallée du Cousin, en proposant des solutions écologiquement et sociologiquement acceptables. A ce titre, tous les propriétaires d’ouvrages concernés ont reçu une fiche individuelle avec des solutions permettant de rétablir la continuité écologique. Ensuite, avec les propriétaires volontaires, souhaitant donc poursuivre la démarche vers la phase travaux, un scénario d’aménagement a été choisi en concertation avec eux et validé par les services de l’Etat (DDT et ONEMA) et les financeurs. Le choix des scénarii s’appuie sur l’étude de BIOTEC et tient compte de l’existence légale de l’ouvrage, de son usage (économique) et de son état. Les intérêts patrimoniaux ont également été pris en compte dans les solutions techniques qui ont été imaginées par la suite : maintien du bief en eau, maintien du seuil ou d’une partie… Les solutions étudiées et imaginées, avec chaque propriétaire,  ne répondent pas au seul besoin réglementaire, mais ont une visée plus globale de restauration de cours d’eau et du patrimoine naturel de la Vallée du Cousin. 


« Il est reconnu que les seuils du Cousin Aval ont des hauteurs modestes et un impact proportionné. On est très loin des grands ouvrages hydrauliques et infranchissables ».

Oui, tout est relatif... Plus que le dimensionnement des ouvrages, ce sont leur accumulation et leur absence de gestion qui créent des impacts. La franchissabilité n’est pas le seul critère à prendre en compte. La modification des facies, générée par la retenue d’eau, est un critère prépondérant.

Concernant les impacts des grands barrages, ils sont autrement plus importants et plus « directs » sur la rivière. De la même façon, le PNRM intervient sur ces questions. Par exemple, par le financement de bassins de décantation à l’aval du barrage de St Agnan, via le contrat global Cure-Yonne, ou en participant au relèvement du débit réservé du lac de Crescent.

« Au vu de cette estimation, les décideurs devraient sans regret favoriser les solutions de franchissement piscicole et profiter des économies ainsi réalisées pour améliorer d’autres aspects de la morphologie et de l’écologie de la rivière. Par exemple pour aider les collectivités à lutter contre la pollution chimique du Cousin et de ses affluents. »

Pour les raisons citées précédemment, le Parc mène les actions qu’il juge efficaces, dans un budget raisonnable. Le critère coût n’est pas le seul facteur à prendre en compte. Le PNRM mène aussi tout un panel d’actions de restauration, à l’échelle des bassins-versants, avec différents acteurs socio-professionnels (Agriculteurs, forestiers, maires, riverains…). Il lutte entre autre contre les pollutions chimiques (Mesures agro-environnementales, plan de désherbage en ville…). Il entreprend également des actions de restauration hydromorphologique, sur le Cousin amont par exemple (Champeau-en-Morvan). Et il agit sur la continuité écologique « hors seuils de moulins »… Je vous encourage alors à visiter le site du Parc afin de vous informer sur l’ensemble des programmes d’actions liés à la restauration des cours d’eau du Morvan.

« Ils représentent par ailleurs un certain potentiel énergétique, à l’heure où le Ministère de l’Écologie a décidé d’appuyer sur l’accélérateur en ce domaine et de créer des  emplois verts ».

Concernant le potentiel hydroélectrique du Cousin, il ne s’agit pas de mettre en opposition sur un plan idéologique la micro-électricité et la biodiversité mais il faut relativiser le gain de la production d’énergie escompté par rapport au coût et à l’impact du maintien de l’artificialisation du cours d’eau. Etant donné ses faibles débits et les hauteurs de chute peu importantes, le potentiel hydro-électrique semble peu important. D’ailleurs, peut être pourrez-vous, à votre tour, m’apporter des éléments sur la rentabilité d’une nouvelle installation sur le Cousin aux regards de tous les critères évoqués (Installation, rénovation, entretien…) ? De plus, nous prévoyons l’équipement d’une passe à poissons sur le moulin Léger. Moulin qui, comme vous le savez, fait actuellement usage de l’hydroélectricité !


Concernant votre tableau de synthèse « Estimation des coûts travaux seuls en milliers d’Euros, BIOTEC 2013 », vos conclusions sont un peu hâtives et usent de nombreux raccourcis.

Tout d’abord, il est vrai que le dérasement ou l’arasement d’un ouvrage peut avoir un coût supérieur à l’installation d’une rampe en enrochement. Cela s’explique assez simplement par le fait que les mesures d’accompagnement de tels travaux (diversification du lit mineur exondé, recepage…) et les reprises de maçonnerie sont assez onéreuses, si les linéaires sont importants.  Ceci dit, de manière générale, je tiens à souligner que cela est moins vrai lorsque l’on parle de passe à poissons de type « à bassins successifs » (De mon expérience, environ 30 000 euros par mètre de chute).

Ensuite, pour revenir au cas du Cousin, ces coûts estimatifs ont évolué dans les différents projets avec les propriétaires. Sachez, par exemple, que le dispositif de franchissement au Moulin Cadoux est estimé à 153 000 euros et à 134 000 euros au Moulin de la Papeterie. Pour mémoire, sachez également, que le projet de contournement du Moulin Sapin a été estimé à 80 000 euros. Ce projet de contournement est effectivement moins cher et certainement plus efficace en termes de franchissement piscicole mais malheureusement tous les propriétaires ne disposent pas suffisamment de foncier pour un tel aménagement. A contrario, les travaux de dérasement partiel de la Rochette sont estimés à 74 000 euros, Michaud 63 000 euros, Ferme des nids 64 000 euros et Templier 62 000 euros. Le dérasement du Moulin de la côte Cadoux a coûté 6 000 euros. Donc, dans le cas du Cousin, les travaux de dérasement (partiel) ont un coût moins élevé que les dispositifs de franchissement ! 

Vous aurez donc compris qu’il est difficile de donner un coût moyen en fonction de la typologie de l’aménagement. Vous aurez compris également que les choix qui sont faits par le Parc et ses partenaires sont autrement plus complexes que ce que vous décrivez. C’est pourquoi, je vous demande donc de bien vouloir apporter les rectifications nécessaires à votre article afin de ne pas créer de la confusion pour vos lecteurs et ne pas attiser les tensions.

La réponse de l'association

Nous remercions M. GALMICHE et le Parc du Morvan de ces précisions. Nous nous félicitons évidement des actions générale du Parc en faveur de l'environnement mentionnées dans la réponse ci-dessus. Et pareillement quand il y accord entre le Parc et le maître d'ouvrage hydraulique sur un projet, avec un consentement éclairé par une information sincère sur les conditions de cet accord. Toutefois, sur le dossier précis du Programme LIFE+ Cousin Aval, nous apportons ci-dessous quelques précisions nécessaires. Et nous rappelons que si le territoire du Parc du Morvan recouvre un très beau patrimoine naturel, c'est aussi un patrimoine historique, culturel et paysager, ainsi qu'un tissu social qui doit préserver son avenir économique.

Destruction ou aménagement. Le Parc du Morvan dit ne pas avoir de préférence pour la destruction des ouvrages hydrauliques des moulins du Cousin. Nous nous en félicitons, mais pour juger des actes et non pas des paroles, nous manquons d'information à ce sujet. Soyons donc clair : sur les 24 sites concernés par le projet LIFE+ Cousin Aval, combien de fois le Parc a-t-il proposé / engagé une destruction (dérasement, arasement) et combien de fois un aménagement (passes à poissons, rivière de contournement) ? Par ailleurs, puisque le Parc se dit très ouvert, pourquoi refuse-t-il encore la construction de passes à poissons à certains propriétaires, alors qu'il dispose largement du budget pour cette solution?

Modification de faciès. Le Parc du Morvan souligne que la hauteur de chute n'est pas le seul critère pour juger des ouvrages, mais que l'on doit aussi envisager le changement de faciès dû à la retenue. Il va de soi qu'une rivière ouvragée par l'homme n'a pas le même type d'écoulement sur son linéaire qu'une rivière naturelle. Le Cousin est en l'occurrence modifié par les moulins depuis plusieurs siècles. La question est de donner une mesure objective, réelle, de la gravité de cet état de fait ; en particulier de la gravité relative du changement de dynamique par rapport aux autres causes d'altération des milieux, car les actions correctives doivent être proportionnées aux impacts. Comme nous l'avons montré dans nos travaux de relecture critique des travaux des bureaux d'études (voir ici et ici), il n'existe pas de démonstration convaincante à ce sujet. Le taux d'étagement du Cousin est relativement faible par rapport à d'autres rivières (21,6%, alors qu'à titre de comparaison, les bassins versants de Loire-Bretagne se donnent comme objectif de qualité DCE de ramener à 50% le taux d'étagement des cours d'eau, soit deux fois plus que le Cousin). Qu'il existe des zones d'écoulement lentique (retenues) en alternance à l'écoulement lotique (naturels) n'est certainement pas une catastrophe de nature justifier des arasements / dérasements le plus nombreux possibles : la diversité des écoulements est préservée, la majorité du linéaire reste non impactée dans sa morphologie et sa dynamique et la biodiversité totale est à tout prendre plus importante. De même, des réchauffements locaux peuvent rendre les retenues peu propices aux espèces thermosensibles au plus chaud de l'été, mais cela n'empêche évidement pas la rivière de disposer de nombreux habitats plus frais et donc plus favorables à ces espèces. Les bilans piscicoles faits par l'ONEMA sur le Cousin se gardent d'ailleurs de conclure que le recrutement faible de truites et espèces d'accompagnement est essentiellement dû aux moulins, de même que ces analyses montrent des recrutements salmonicoles normaux à élevés dans des zones non impactées de la rivière. A dire vrai, aucun modèle hydro-écologique ou hydro-biologique du Cousin n'a été conçu (malgré le financement assez large de l'Europe et de l'Agence de l'eau depuis plusieurs années), donc on n'est pas en mesure de procéder à des simulations scientifiquement robustes de la rivière en faisant varier tel ou tel paramètre. Pas plus qu'on est capable de simuler l'évolution historique de son peuplement piscicole. Dès lors, où sont les preuves réelles et les quantifications exactes de l'impact des moulins? Et si le Cousin en son profil actuel offre déjà des zones propices aux truites, au nom de quelle vision extrémiste faudrait-il que la totalité de la rivière, en chaque recoin de son linéaire, soit reprofilée à la seule fin d'optimiser la présence de cette espèce? 

Prise en compte du patrimoine. Dans certains cas que nous avons étudié, il n'y a aucune prise en compte réelle de l'intérêt historique, patrimonial et paysager des ouvrages. A notre grand regret puisque nous avions mentionné la bonne tenue des premiers travaux. On mentionne certes en quelques paragraphes l'histoire du site… mais on n'en déduit rien ! Or l'intérêt pour le patrimoine ne doit pas seulement se déclarer, il doit se manifester par des actions concrètes. Le meilleur moyen de montrer la prise en compte du patrimoine hydraulique, ce serait donc d'aider à le restaurer dans le respect des milieux. Donc à faire preuve d'une gestion durable, équilibrée et raisonnée de la rivière, où un seul facteur ("renaturation" environnementale) n'engage pas le sacrifice de tous les autres (énergie, patrimoine, paysage, tourisme, etc.). Vouloir transformer l'écologie en force de destruction du patrimoine, c'est le meilleur moyen d'en détourner les citoyens, alors que les rivières sont bel et bien des enjeux environnementaux de premier plan ! Rappelons que jusque dans les années 1980 et 1990, il était courant que les établissement publics en charge des rivières et bassins versants aident les propriétaires à construire des vannages fonctionnels, des ouvrages de franchissement, des berges consolidées ou reboisées, etc. Il n'y a donc aucune fatalité au divorce écologie-patrimoine observé depuis la loi sur l'eau de 2006 et l'on ne doit pas rayer 5 siècles d'histoire au prétexte d'une mode passagère dont le principal motif est le retard français sur les vraies causes de dégradation des rivières.

Estimation coût et coût réel. Dans notre article, nous nous basons sur les seuls documents publics disponibles, en l'occurrence la stratégie BIOTEC 2013. Si cette estimation a été faite l'an passé, c'est bien pour guider le décideur. Nous souhaitons évidement que le Parc publie dans les meilleurs délais les coûts réels des travaux, puisqu'il s'agit d'argent public. Concernant ces coûts, nous attirons l'attention sur la nécessité de les décomposer précisément. Par exemple, deux bureaux d'études ont déjà été sollicité (BOTEC et SIALIS) pour le programme LIFE+ Cousin Aval et certains propriétaires bénéficiant de passes à poissons ont même eu la surprise de voir arriver sur leur bief un troisième bureau d'études… dont les plans sont de surcroît différents des projets proposés par l'un des deux premiers ! Donc évidement, s'il n'y a pas efficience dans l'organisation de la dépense et si l'on multiplie les prestataires, on pourra toujours conclure que telle ou telle solution est coûteuse. Nous aurons l'occasion d'échanger à ce sujet avec la presse sur un cas précis, afin de donner les bonnes informations aux riverains. Le Parc mentionne par ailleurs le cas du Petit Cadoux comme exemple un coût faible. Mais la plupart des observateurs et riverains se demandent pourquoi on a dépensé le moindre centime à faire venir des engins en rivière, alors que ce seuil très modeste et déjà presque effacé avait un impact à peu près nul. Toujours dans le registre des coûts, signalons que tout projet de restauration écologique devrait faire l'objet d'une analyse coût-avantage claire, permettant de quantifier les bénéfices écologiques réels selon différentes hypothèses de dépense. A notre connaissance, il n'y a aucune garantie du retour de la truite et de la moule perlière au terme des aménagements du Cousin. Dans une situation où l'argent public est rare, nous sommes en droit de questionner la rationalité des dépenses et leur priorité réelle pour l'environnement.

Potentiel énergétique. Celui-ci n'a fait l'objet d'aucune estimation par le Parc et ses prestataires, et donc d'aucune information des propriétaires et du public. Nous trouvons pour le moins étonnant que la Parc du Morvan emploie le mot "idéologie" quand, justement, son absence d'analyse montre à tout prendre un certain a priori idéologique ou doctrinal : celui d'un désintérêt manifeste pour l'hydraulique comme énergie renouvelable. C'est bien dommage car cette énergie hydraulique a le meilleur bilan carbone / environnemental à plus bas coût, un atout non négligeable à l'heure où le réchauffement climatique est considéré comme menace de premier ordre sur l'avenir de la biodiversité (y compris en rivière, cf. l'avis prudent et raisonnable du Conseil scientifique du bassin de Seine-Normandie). Par ailleurs, affirmer que la plupart des propriétaires n'ont pas de projet énergétique est doublement discutable : d'une part, tout est fait pour ne pas les informer ou les décourager de ces projets (voir plus loin à propos de la DDT) ; d'autre part, si un propriétaire n'a pas de projet énergétique aujourd'hui, un héritier ou un futur acquéreur en aura peut-être demain. Toute personne connaissant l'histoire pluriséculaire des moulins sait que ceux-ci sont parfois restés au chômage pendant des années, voire des décennies, mais qu'ils finissaient le plus souvent par retrouver un usage conforme à leur destination (produire un travail grâce à la force de l'eau). Une fois détruit en revanche, le moulin disparaît et avec lui son potentiel… Sur cette question énergétique, nous publierons prochainement une première analyse d'ordre de grandeur et nous avons exprimé au SIVU du Cousin notre souhait que cette dimension soit désormais systématiquement analysée.

"Créer de la confusion", "attiser les tensions". En démocratie, il est normal de débattre et il est sain que tout le monde ne soit pas du même avis. La confusion et la tension viennent de l'absence de transparence dans l'action, alors qu'un budget de 3 millions d'euros d'argent public s'apprête à modifier le visage séculaire d'une vallée. Elles viennent du fait que concrètement, la restauration de continuité écologique consistera à envoyer des pelleteuses en rivières pour détruire des sites, sans que ce choix quelque peu violent ait été formulé avec clarté et sans que les riverains, qui ont aussi leur mot à dire, ne soient saisis de la question et ne puissent exprimer leurs choix. Elles viennent encore du fait que les propriétaires n'ont pas été complètement informés sur la valeur foncière de leur droit d'eau, dont la disparition est présentée comme anecdotique (alors qu'un moulin sans droit d'eau devient juste une maison en zone inondable).  Ajoutons à cela ce qui ne se dit pas, mais se pratique hélas : par exemple la DDT 89 qui menace de casser certains droits d'eau des moulins du Cousin, cela à seule fin de pousser les propriétaires à accepter la disparition de leur bien. Tant que les parties prenantes du dossier adopteront ces positions agressives ou opaques, tant qu'un vrai débat démocratique ne sera pas engagé, les amoureux du patrimoine, de l'énergie et de l'environnement hydrauliques seront contraints de se défendre par tous les moyens dont ils disposent.  

Pour conclure, nous prenons M. GALMICHE et le Parc du Morvan au mot : si aucun propriétaire ne souhaitant de passe à poissons n'est rebuté dans sa demande, et si le Parc inclut désormais le patrimoine et l'énergie dans sa communication sur la Vallée du Cousin (comme sur les autres rivières du Morvan), notre association figurera parmi les plus fervents promoteurs de sa démarche. Nous voulons construire ensemble, et non pas diviser : les moulins sont prêts à se mobiliser pour la qualité de l'eau si l'on cesse les menaces de destruction et le harcèlement administratif. Nous aurons l'occasion de mesurer les intentions réelles des uns et des autres dans une réunion de concertation, le 29 septembre prochain. D'ici là, nous exposerons à la presse et sur le web les évolutions du dossier.

31/08/2014

Vallée du Cousin: la destruction des seuils de moulins coûte deux fois plus cher que leur aménagement écologique

Le Parc naturel régional du Morvan bénéficie d'un contrat LIFE+ pour la restauration écologique du Cousin Aval. Sur la période 2011-2015, le contrat est de 3,2 millions d'euros. Soit une somme considérable, et une somme prélevée sur l'argent public.

Comme notre association l'a montré dans ses précédentes publications (voir ci-dessous), les seuils des moulins du Cousin représentent une altération modeste des écoulements, et rien ne démontre à ce jour qu'ils sont les principaux responsables de la raréfaction des truites et des moules perlières. Ces deux espèces étaient présentes dans la rivière au XIXe siècle, alors même que tous les moulins étaient déjà en place depuis 150 à 400 ans. Il est reconnu que les seuils du Cousin Aval ont des hauteurs modestes et un impact proportionné. On est très loin des grands ouvrages hydrauliques et infranchissables.

Un faible impact écologique, une vraie valeur patrimoniale et touristique, 
un potentiel énergétique
Ces moulins, s'ils ne représentent pas une grave atteinte à l'écologie et la morphologie du Cousin, sont en revanche partie intégrante du paysage de la vallée et du patrimoine historique de l'Avallonnais. Ils représentent par ailleurs un certain potentiel énergétique, à l'heure où le Ministère de l'Ecologie a décidé d'appuyer sur l'accélérateur en ce domaine et de créer des "emplois verts".

Le Parc du Morvan a demandé au bureau d'études BIOTEC de proposer une stratégie de restauration. Dans 9 cas sur 24, le bureau d'études a proposé des solutions alternatives : soit la destruction complète du seuil de moulin, soit son aménagement par une passes à poissons (ou une rivière de contournement). Il va de soi que, compte-tenu du fort intérêt patrimonial et énergétique des moulins, notre association préfère le choix de l'aménagement non destructif, qui a pour vertu d'améliorer la circulation des truites, espèce hôte des larves de moules perlières.

Mais ce choix est-il économique ?

Comme le montre l'estimation de BIOTEC dans le tableau ci-dessus (travaux seuls, hors coût de dossier, avec chois de la solution la plus ambitieuse dans chaque cas), la destruction des 9 seuils para arasement ou dérasement représente un coût de 845 k€ alors que leur aménagement écologique représente un coût de 410 k€. Autrement dit la destruction, qui a de nombreux désavantages, est aussi l'option la plus dépensière: deux fois plus coûteuse.

Pourquoi pousser à la destruction du patrimoine hydraulique?
On doit donc sans regret favoriser les solutions de franchissement piscicole, et profiter des économies ainsi réalisées pour améliorer d'autres aspects de la morphologie et de l'écologie de la rivière. Et pour aider les collectivités à lutter contre la pollution chimique du Cousin et de ses affluents.

Hélas, plusieurs adhérents et riverains nous ont prévenu que le Parc du Morvan refuse dans certains cas le financement des passes à poissons, préférant le choix le plus destructeur (ou abandonnant le maître d'ouvrage à ses problèmes, sans lui faire bénéficier du financement très généraux de LIFE+ et sans améliorer du même coup l'état écologique du site).

Notre association aura l'occasion de revenir sur ce problème manifeste de gouvernance, auprès des médias et dans une réunion d'information en septembre. Nous verrons dans un prochain article la question du potentiel énergétique des 24 sites, question qui a malheureusement été totalement délaissée.

Autres études sur le Cousin
Les moulins du Cousin et les truites
Les moulins et les moules perlières

29/08/2014

Transition énergétique: le message de Ségolène Royal aux agents de l'Etat

A l'occasion du séminaire de travail de Madame la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, avec les directrices et directeurs départementaux et régionaux du ministère (DDT, DREAL) et les directrices et directeurs de l’Agence de l’Environnement et de l’Energie (Ademe), Ségolène Royal a tenu les propos suivants :

1) la mutation énergétique n’est pas une contrainte à subir mais une chance à saisir et la clef de ce que, pour le dire vite, j’appellerai une vraie sortie de crise. Il faut donc, de toutes nos forces, accélérer le mouvement pour obtenir des résultats;  
2) il faut un cadre clair à l’action conjointe des citoyens, des entreprises, des collectivités et de l’Etat et en finir avec les usines à gaz procédurales, fussent-elles inspirées par les meilleures intentions : clarifier n’est pas alourdir les pressions réglementaires, fiscales et autres qui dissuadent d’agir alors que, dans l’action publique, c’est le pouvoir d’impulsion qui doit l’emporter, au service de la protection de l’environnement et des personnes;  
3) d’où l’importance de mettre en place des outils concrets et des aides incitatives accessibles à tous, qui permettent à chacun de s’impliquer et d’y trouver un bénéfice.  
4) Simplifier, innover et faciliter pour entraîner : tels sont, à mes yeux, les maîtres-mots de la démarche à mettre en œuvre avec le renfort de la loi, avec l’appui du Ministère et grâce à votre implication dans tous les territoires. 

Avec tous les acteurs de la petite hydro, nous aurons à coeur de rappeler dans les prochains mois ces engagements. Car pour le moment, moulins et usines hydrauliques doivent affronter la réalité suivante :

  • remise en cause des droits d'eau et règlements d'eau qui fondent légalement l'usage de l'énergie hydraulique;
  • découragement fréquent à équiper les sites;
  • contrôles environnementaux systématiques et répétés (quand les gros pollueurs sont bien moins contrôlés);
  • menace de destruction des seuils et barrages sans lesquels il n'y a aucune puissance hydraulique;
  • financement totalement injuste en faveur de l'effacement des ouvrages;
  • exigences disproportionnées de franchissement piscicole qui plombe la rentabilité des projets ;
  • complexité des dossiers IOTA "loi sur l'eau", multiplicité des interlocuteurs sur un même projet;
  • opacité du contrôle règlementaire par l'Onema et les DDT-M.


On jugera donc la nouvelle orientation du Ministère de l'Ecologie aux actes sur le terrain, plutôt qu'aux paroles en séminaires...

28/08/2014

Un guide Onema 2014 sur la franchissabilité des obstacles par les poissons

L'Onema vient de publier dans sa collection "Comprendre pour agir" un guide complet sur l'évaluation du franchissement des obstacles à l'écoulement par les différentes espèces de poissons. Le guide a été conçu selon le protocole ICE (information sur la continuité écologique) partagé par les administrations, les acteurs de l'environnement, de l'eau et du territoire, les bureaux d'études, les chercheurs, ingénieurs et techniciens. Au sommaire de cet ouvrage de 200 pages : rappel sur la continuité écologique et l'ichtyofaune, énoncé des principes généraux du protocole ICE, diagnostic de la franchissabilité à la montaison, prédiagnostic pour les obstacles équipés de dispositifs de franchissement piscicole (passes à poissons de divers types).

La lecture de ce guide est très conseillée pour tous les maîtres d'ouvrages dont la rivière a été classée en liste 2 et qui ont une obligation d'aménagement à terme. En particulier, pour des rivières comme l'Armançon dont le principal enjeu migrateur de montaison est l'anguille adulte, on peut estimer que nombre de seuils présentent déjà des voies de reptation depuis l'aval, dont la pente et la rugosité sont à examiner de près selon les critères indiqués dans le guide.

Référence : Onema, Baudouin JM et al (2014), Evaluer le franchissement des obstacles par les poissons. Principes et méthodes, 202 p. (Si le téléchargement est long, essayez cet autre lien direct sur le site Onema).

01/08/2014

Aménagement de la vallée du Cousin: les moules souffrent-elles des moulins?

Après un premier travail consacré à la truite fario, la deuxième étude de notre association sur le Cousin aval est dédié à la moule perlière. En voici les principales conclusions. Elles ne justifient en rien la pression actuelle des animateurs du Parc naturel régional du Morvan (et des autorités en charge de l'eau) pour détruire les seuils de la rivière, effaçant l'histoire, le paysage et le potentiel énergétique de la vallée avallonnaise sans gain important pour l'environnement. Nous reviendrons prochainement sur les graves problèmes de gouvernance dans l'action du PNR Morvan.

• Jadis présente en grande quantité dans les bassins à socle cristallin des rivières françaises et européennes, la moule perlière a été progressivement décimée par des pêches surabondantes, des modifications des écoulements et des berges, et surtout par des pollutions chimiques diffuses ou concentrées, pollutions auxquelles l’espèce est très sensible.

• Les populations de moules perlières du Cousin sont attestées par des observations au XIXe siècle, mais leur signalement est alors noté comme récent et leur population paraît déjà peu nombreuse. On ignore l’évolution démographique locale de cette population.

• Les moulins, leurs retenues et leurs biefs ne constituent pas des milieux particulièrement hostiles à l’implantation de populations de moules perlières. Le ralentissement de l’écoulement peut avoir un rôle bénéfique dans certaines circonstances. 

• L’arasement des seuils de moulins du Cousin devrait être sans effet notable sur les populations de moules perlières dans la zone Natura 2000, car les facteurs dégradants ne sont pas liés au premier chef à la continuité longitudinale. Les études menées depuis une dizaine d’années suggèrent que les recalibrages du lit et les modifications de berges sont les premières causes d’évolution négative des populations. 

• Les pollutions d’origine agricole et domestique ont également eu un impact négatif. La charge en phosphore et phosphates est aujourd’hui localement supérieure à la tolérance des moules perlières en certaines zone du linéaire. 

• Enfin, le taux d’étagement de la zone du Cousin étudiée par le programme LIFE+ / PNR Morvan est de 21,6% (25,6 m de hauteur aménagée sur 118,4 m de dénivelé total), qui signifie globalement un faible impact. 

Référence
Hydrauxois-OCE (2014), Les moules perlières du Cousin Aval ont-elles disparu à cause des moulins et ont-elles la capacité de recoloniser la rivière ?, Restauration hydro-écologique de la Vallée du Cousin Aval, étude n°2, 13 p. 

27/07/2014

Hydro-électricité en Bourgogne: rencontres régionales BER-ADEME 2014

Pour plus d'informations et pour inscription, contactez Bourgogne Energies Renouvelables au téléphone (03.80.66.54.57), par courriel (visites@ber.asso.fr) ou courrier (BER, Tour Elithis, 1C boulevard de Champagne, 21000 Dijon).

21/07/2014

Pollution: l'état déplorable de certains bassins français

Une équipe française (EDF, CNRS-Université de Lorraine), suisse (Institut fédéral de science et technologique aquatique, Dübendorf) et allemande (Universités de Leipzig et de Coblence-Landau) vient de publier dans les PNAS une analyse des pollutions organiques sur 4000 sites européens disposant de mesures.

Parmi les principales conclusions de ce travail :

  • 223 composés chimiques sont identifiés en rivière ;
  • aux doses mesurées, ils présentent un risque toxique aigu (14% des cas) et chronique (42%) pour les invertébrés, les algues et les poissons ;
  • les substances les plus dommageables sont les pesticides, les tributylétain (TBT), les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les ignifuges bromés ;
  • l’effet cocktail (interaction et potentialisation des substances) n’a pas été modélisé, de sorte que l’évaluation de toxicité est éventuellement sous-estimée ;
  • toutes les substances artificielles chimiques ne sont pas analysées (notamment pas les molécules médicamenteuses à effet perturbateur endocrinien) et tous les sites n’ont pas la même qualité de mesure.

Le constat est donc celui d’un échec de la politique de qualité de l’eau, notamment en France comme le démontrent les cartes en illustration. On constate notamment que les bassins Seine-Normandie et Loire-Bretagne figurent parmi les plus pollués d’Europe occidentale.

Combien de temps va-t-on prétendre que la continuité écologique longitudinale est une mesure prioritaire pour l’atteinte du bon état écologique au sens de la Directive-cadre 2000 sur l’eau? Quand les Agences de l'eau et la Direction de l'eau et de la biodiversité au Ministère de l'Ecologie vont-elles reconnaître la responsabilité de leur échec?

Il devient urgent de sortir de l’idéologie (ou du jeu des lobbies en Comités de bassin), de regarder ce que nous disent les mesures et d’agir en conséquence pour adresser les besoins prioritaires de nos rivières, et non l'absurde cosmétique des effacements d'ouvrages hydrauliques.

Référence : E. Malaj et al (2014), Organic chemicals jeopardize the health of freshwater ecosystems on the continental scale, PNAS, epub

Illustration : risques aigus (gauche) et chroniques (droite) pour les espèces d’eau douce dans les bassins fluviaux d’Europe occidentale et centrale. © PNAS

19/07/2014

Autre temps, autres mœurs: le rapport de Louis Suquet sur la Seine (1908)

On désigne par « perte » la propension d’un cours d’eau à voir disparaître son lit naturel par infiltration souterraine dans des zones calcaires (karstiques).  Lors des basses eaux (étiage), la rivière peut connaître des assecs complets sur une partie de son linéaire, qui alterne alors des pertes et résurgences.

Ce problème se pose depuis longtemps dans le bassin amont de Seine, en particulier autour de Châtillon-sur-Seine où la rivière, au débit peu soutenu en été, traverse des terrains géologiquement très perméables du Bathonien et de l’Oxfordien. La ville de Châtillon a procédé dès le début du XIXe siècle à une artificialisation du cours de la rivière (création d’un canal de dérivation), pour éviter les problèmes de salubrité liés au défaut d’eau, ainsi que le chômage complet de certaines usines et l’absence de ressource pour l’irrigation.  Mais le problème a néanmoins persisté.


Dans un rapport de 1908 (voir lien ci-dessous), Louis Suquet, ingénieur des Ponts et Chaussées, expose à M. le Maire de Châtillon-sur-Seine ses préconisations pour remédier aux pertes de la Seine.


Le document est très intéressant à lire, car il montre comment la création et la gestion des ouvrages hydrauliques concourent à un usage équilibré de l’eau. Sa lecture devrait intéresser les décideurs et techniciens du SICEC, syndicat de rivière désormais en charge du linéaire séquanien. La tendance actuelle à la « renaturation » des cours d’eau part de l’idée qu’on doit rendre aux rivières leur libre-cours. Hélas, les rivières font peu de cas des hommes, et leur libre-cours peut aussi bien signifier des crues en hiver que des sécheresses en été, toutes dommageables aux riverains et à leurs activités.

Comme le réchauffement climatique est par ailleurs appelé à modifier l’hydrologie, le Conseil scientifique de l’Agence de l’eau Seine-Normandie a récemment suggéré de réfléchir à deux fois avant d’effacer les ouvrages. Un conseil de bon sens, que M. Suquet n’aurait pas renié et que ses successeurs devraient méditer…

Référence : M. Suquet (1908), Etude sur les pertes de laSeine en amont de Châtillon-sur-Seine, 7 pages (pdf)

13/07/2014

La Bèze en lutte contre l'effacement de ses ouvrages hydrauliques

L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse (AERMC) est réputée avoir des positions moins intégristes que ses consoeurs de Seine-Normandie et Loire-Bretagne, dont on sait hélas! l'ardeur à encourager et financer les seuls travaux de destruction absurde du patrimoine hydraulique et du potentiel énergétique de nos bassins versants. Mais c'est aussi parce qu'en Bourgogne et sur ce bassin rhodanien, il y a relativement peu de rivières classées en liste 2 de l'article 214-17 C env. Ce classement, rappelons-le, impose la correction des impacts écologiques des seuils et barrages avant 2017 ou 2018. Cette insistance sur les seuils et barrages n'est nullement une obligation européenne: c'est un choix franco-français, tenant à divers facteurs (positions très radicales de la Direction de l'eau au Ministère de l'Ecologie, attitude maximaliste de certains agents ONEMA, ententes cordiales entre certains lobbies pollueurs au sein des Comités de bassin, trop ravis de détourner l'attention sur les seuils pour continuer les pollutions chimiques, etc. Voir notre synthèse complète sur la Cöte d'Or et le rappel de ce qu'exige réellement la DCE 2000).

Un reportage intéressant de France 3 nous enseigne néanmoins que lorsqu'une rivière du bassin RMC est classée en L2, comme c'est le cas de la Bèze, les pratiques sont les mêmes qu'en Seine-Normandie ou en Loire-Bretagne : une forte pression pour la suppression des barrages par les syndicats et les agences. Le Syndicat Intercommunal du Bassin de la Bèze et de l'Albane a ainsi mandaté un bureau d'études pour analyser le cas de la poudrerie de Vonges et, comme c'est le cas sur toutes les autres rivières classées L2, la solution la plus destructive est celle retenue. Mais ce n'est du tout du goût des riverains.

Des propriétaires ayant des centrales hydro-électriques ou des projets de centrale sur la Bèze nous avaient déjà avertis qu'ils ont rencontré un discours assez radical de la part de la DDT et  de l'ONEMA, avec l'imposition de passes à poissions de plusieurs centaines de milliers d'euros, décourageant toute activité énergétique et dépassant évidemment la solvabilité des maîtres d'ouvrage. Ce chantage financier a pour seul but de contraindre les propriétaires à accepter la destruction. Il décourage totalement ceux qui ont envie de reprendre une activité de production électrique dans le cadre de la transition énergétique.

La Coordination Hydro 21, rassemblant les associations de défense du patrimoine et de l'énergie hydrauliques (APGBCO, ARPOHC, Hydrauxois), a rencontré le cabinet du préfet de Côte d'Or à la fin de l'année 2013 pour demander de toute urgence une concertation sur cette politique désastreuse, qui rencontre une hostilité croissante sur les rivières et les biefs. Malgré la promesse que le directeur territorial nous rencontrerait rapidement, on attend toujours. Faut-il en venir au contentieux, voire au conflit, pour être entendu ? Ce serait dommage.

09/07/2014

Moulin du Boeuf en lutte !

Le dimanche 28 juin, une bannière a été posée sur le Moulin du Boeuf à Bellenod-sur-Seine. Cette propriété de M. Bouqueton est le symbole de l'acharnement actuel des autorités en charge de l'eau en vue de détruire les ouvrages hydrauliques et les droits d'eau qui leur sont attachés. Le cas est désormais en contentieux au tribunal administratif. Le nombre croissant de propriétaires qui rejoignent les associations de la Coordination Hydro 21 et leurs consoeurs de Bourgogne suggère la nécessité d'une vraie concertation collective sur les rivières, pour le moment absente. Nous avions déposé un dossier de travail au cabinet de la préfecture de Dijon, en copie à la DDT : aucune suite n'a été donnée à nos demandes d'information. De la même manière, les nombreuses réflexions contenues dans notre dossier complet sur la continuité écologique n'ont fait l'objet d'aucun retour de la part de la DDT, de l'Onema, ni des syndicats de rivières, des agences de l'eau ou des autorités politiques en charge de l'environnement. Nos documents sont publics : chacun peut donc juger sur pièce, et constater que les associations sont force de proposition, mais qu'elles rencontrent un silence hostile. L'absence volontaire de concertation est donc largement caractérisée, et si elle devait persister, les tribunaux seront saisis pour la sanctionner.


06/07/2014

Les Rencontres hydrauliques dans le Bien Public

Compte-rendu très fidèle de nos Rencontres dans le Bien Public (édition du 6 juillet 2014). Un grand merci à tous les participants, à la Commune de Semur-en-Auxois et aux exposants professionnels : Green City Energy, Watec Hydro / Ercisol, Turbiwatt, Hydreo Engineering. La date des prochaines Rencontres est déjà connue, dernier week-end de juin comme chaque année, soit les 27-28 juin 2015. Nous comptons sur vous tous qui nous lisez pour nous rejoindre et pour renforcer la belle dynamique créée depuis 2 ans.