06/06/2015

Avis négatif sur le SDAGE Seine-Normandie

Le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin de Seine-Normandie, porté par l'Agence de l'eau (AESN), est soumis à enquête publique jusqu'au 18 juin prochain. Nous invitons nos adhérents et sympathisants à donner leur opinion dans le questionnaire en ligne, et nous exprimons ci-dessous les réserves qui nous conduisent à refuser ce SDAGE. Les principales raisons en sont le déficit démocratique de la gouvernance, l'absence de représentants des moulins et des riverains dans les processus de décision, l'inefficacité de l'action publique pour l'état chimique et écologique des rivières du bassin, le manque de transparence et d'accès aux données réelles sur cet état, le caractère autoritaire et irréaliste des mesures de continuité écologique, l'inégalité persistante devant les charges publiques liées à l'amélioration de la qualité de l'eau. Ces points seront soumis au Préfet coordonnateur de bassin.

L'association Hydrauxois observe que :

- le 2e Collège du Comité de bassin ne comporte aucun représentant des moulins ni des riverains, les commissions techniques et géographiques de l'AESN n'ont pas procédé à des auditions systématiques des associations et fédérations rassemblant ces usagers, en conséquence le SDAGE dès sa conception ne respecte pas le principe d'une gestion équilibrée de l'eau et d'une participation démocratique aux décisions la concernant;

-  le bon ou très bon état écologique des rivières de Seine-Normandie ne concerne que 38% d'entre elles, très loin de l'objectif affiché et maintes fois répété de 68% pour 2015, laissant planer un sérieux doute sur l'efficience de la dépense publique en matière de gestion de l'eau du bassin;

- le bon état chimique ne concerne que 32% des masses d'eau, le déclassement en mauvais état venant dans la majorité des cas de la pollution diffuse des HAP, sans que ce déclassement chimique ne soit réellement analysé dans ses causes, ses conséquences (réglementaires et environnementales) ni les moyens réels d'y remédier pour respecter nos obligations de bon état chimique et écologique de 100% des masses d'eau à l'horizon 2027;

- les documents présentés en analyse au public n'offre aucun accès aux données brutes d'analyse de la soixantaine d'indices de qualité biologique, physico-chimique et chimique exigés par la mise en oeuvre de la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000);

- les services techniques de l'AESN n'ont pas été en mesure de nous fournir un fichier de données démontrant que les mesures de qualité de la DCE 2000 sont réellement et intégralement effectuées sur l'ensemble des masses d'eau du bassin (les fichiers fournis n'offrant que des résultats partiels eu égard à nos obligations de suivi et rapportage de la qualité de l'eau), ce qui induit un soupçon légitime d'un défaut de connaissances scientifiques approfondies de l'état écologique et chimique réel de chaque bassin versant, donc d'un défaut de fondement objectif pour les décisions du SDAGE relatives à la priorisation et hiérarchisation des mesures de gestion de l'eau;

- dans le domaine de la restauration morphologique et de la continuité écologique, l'Agence de l'eau SN n'arrive de son propre aveu à suivre en moyenne qu'une centaine de travaux sur les seuils et barrages par an sur l'ensemble du bassin, admet elle-même que 750 ouvrages seulement seront suivis entre 2016 et 2021, cela alors que le nombre de seuils classés L2 sur le bassin est compris entre 5000 à 7000 ce qui impliquerait un rythme de gestion des dossiers dix fois plus important que celui admis comme réaliste par l'Agence de l'eau;

- le projet de schéma directeur du SDAGE SN acte de la difficulté de mise en oeuvre des opérations de restauration morphologique, en particulier de celles concernant les aménagements de seuils et barrages en lit mineur : coût économique important, complexité technique sous-estimée, manque d'acceptabilité sociale et de consensus politique, difficulté à caractériser le bénéfice environnemental des travaux liés à ce compartiment;

- le SDAGE ne tient aucun compte de son propre constat de difficulté sur la période 2004-2015 et son Orientation 19 du projet (Assurer la continuité écologique pour atteindre les objectifs environnementaux des masses d’eau) se contente de réitérer les mêmes objectifs sans apporter de solution nouvelle pour s'affranchir des limites mises en lumière dans le bilan;

- plus gravement encore, le SDAGE SN 2016-2021 ferme dans son Orientation 19 la porte à toute évolution de la réflexion sur l'aménagement des ouvrages et se contente d'enjoindre l'administration à persister dans une voie qui donne déjà lieu à des contentieux judiciaires, des protestations politiques, des difficultés économiques et troubles sociétaux sur les rivières;

- en particulier, le SDAGE ne modifie en rien la politique actuelle de l'Agence de l'eau SN qui consiste à financer la seule destruction des seuils et barrages, laissant aux propriétaires publics et privés la charge exorbitante de supporter le coût élevé des aménagements de continuité écologique, cela en contradiction avec le principe d'égalité des citoyens eu égard aux nombreuses aides publiques accordées à des usagers ayant des activités bien plus dégradantes pour la qualité de l'eau que la présence de seuils et barrages.

En conséquence de ce qui précède, l'Association Hydrauxois :

- donne un avis négatif au projet actuel de SDAGE 2016-2021 sur le bassin Seine-Normandie;

- demande au Préfet coordonnateur de bassin de différer l'adoption de ce SDAGE afin d'apporter une réponse adaptée aux manquements signalés dans la présente;

- examinera l'opportunité d'un recours en contentieux administratif si le SDAGE Seine-Normandie venait à être adopté sans que ces demandes soient satisfaites.

21/05/2015

Vidange du lac de Pont et décharge sédimentaire dans l'Armançon

Paysage lunaire de la retenue du barrage de Pont-et-Massène, où l'Armançon recreuse son lit primitif dans les sédiments accumulés au fond du lac. On note une forte turbidité de la rivière sur l'aval du barrage, jusqu'à la confluence avec la Brenne. L'association Hydrauxois avait demandé lors de l'enquête publique la pose d'une sonde pour estimer l'importance de cette décharge de matières fines en suspension... qu'en est-il?





14/05/2015

Mortalité des poissons en turbine, une analyse critique

Andreas Rick (ingénieur) nous a fait parvenir une intéressante étude critique sur la mortalité des anguilles en turbine telle qu'elle est aujourd'hui considérée par les services instructeurs de l'Onema. Son analyse met notamment en lumière la faible robustesse (voir non significativité) statistique de certains modèles de mortalité présentés comme références. Elle souligne aussi que ces études concernent des sites de puissances importantes, sans commune mesure avec les équipements modestes des moulins. Ce dernier point est un travers fréquent des travaux menés sur l'hydraulique en lien avec l'environnement, travaux qui ont souvent été réalisés sur des grands sites dont l'hydraulicité n'est pas représentative de la problématique des seuils, chaussées et glacis.

A lire : Rick A (2015), Mortalité des anguilles dans les turbines : les conclusions de l’Onema sont-elles robustes et applicables aux moulins ? (pdf)

09/05/2015

Rivières de Seine-Normandie: 50% des déclassements biologiques associés à l'indice diatomées (13% aux poissons)

Les diatomées sont des algues unicellulaires brunes, dont la taille varie de 5 à 500 µm. Ce sont elles qui forment, par agrégation d'autres éléments microbiens, les biofilms visqueux autour des pierres de fond de rivière. Les diatomées sont utilisées pour évaluer la qualité des cours d'eau à travers l'Indice biologique diatomées (IBD) et l'Indice de polluosensibilité spécifique (IPS).

Leur propriété de bio-indicateurs s'explique par un cycle de vie rapide (permettant de déceler des pollutions ponctuelles), une forte sensibilité aux nutriments (azote, phosphore) et aux matières organiques, une variabilité selon le pH et le taux d'oxygénation. Dans l'ensemble, les diatomées sont considérées comme des indicateurs d'eutrophisation selon la répartition des espèces que l'on retrouve dans l'échantillon d'analyse. La qualité de l'indice sera inversement proportionnelle à la surface agricole cultivée des sols versants, à l'absence de peuplement forestier, à l'altération de la bande riveraine.

A la lumière de ces informations, il est particulièrement intéressant d'observer que dans l'Etat des lieux 2013 du bassin Seine-Normandie – dernier exercice disponible et texte de référence pour le SDAGE en cours de discussion –, les diatomées représentent à elles seules 50% des cas de non-atteinte du bon état écologique des rivières au sein des seuls indicateurs biologiques. Rappelons que la méthode d'analyse de l'état écologique d'une rivière consiste d'abord à mesurer ses indices biologiques (diatomées, poissons, macrophytes, invertébrés, phytobenthos), et si ceux-ci sont dégradés, à vérifier les indices de pollution chimique ou d'altération physico-chimique.

Le même Etat des lieux indique que 37% des rivières déclassée pour cause biologique le sont à cause des invertébrés, et 13 % seulement des poissons. On en déduira (une fois de plus) que le dogme selon lequel les obstacles à la continuité longitudinale (seuils et barrages) sont une cause majeure de dégradation des rivières est mis à mal sur ce bassin. Comme il l'est au demeurant sur la plupart des rivières d'Europe au regard des premières analyses quantitatives à grande échelle dont nous disposons dans la littérature scientifique.

A lire en complément : Auto-épuration des rivières, quand l'Onema contredit l'Onema (pour répondre à l'argument assez aberrant selon lequel l'excès de pollution en rivière serait imputable… aux seuils et barrages)
Illustration : in AE/Artois-Picardie, DR
Source : Agence de l'eau Seine-Normandie, Etat des lieux 2013

07/05/2015

Lettre ouverte FNE-FNPF sur les rivières: répéter 1000 fois un slogan n'en fait pas une vérité

France Nature Environnement (FNE) et la Fédération nationale de la pêche (FNPF) estiment que les rivières de France encourent de graves dangers. Elles ont adressé au Président de la République une lettre ouverte à ce sujet, signée de leurs deux présidents (Denez L'Hostis et Claude Roustan).

Hélas, la première partie consacrée à la morphologie des rivières, à la continuité écologique et à l'hydro-électricité est un tissu d'approximations et de contre-vérités. Il est assez frappant d'observer combien le ton de ces deux lobbies se radicalise et dégénère dans le slogan autoréférencé à mesure que la science se montre au contraire plus posée et plus nuancée dans ses travaux (voir ce qu'il en est réellement en lisant cet article, et plus généralement notre rubrique science).

Ce dérapage n'est pas un accident, c'est une routine : nous avions déjà corrigé les désinformations de FNE sur les moulins voici quelques mois (voir ici et ici). Quant aux pêcheurs – du moins aux représentants officiels des pêcheurs car sur le terrain, le discours est bien différent –, ils ne doivent qu'à de vieilles complicités dans l'appareil d'Etat d'avoir échappé jusqu'à présent à un vrai bilan scientifique de l'impact cumulé de leurs pratiques depuis des siècles (empoissonnements anarchiques, introduction d'espèces invasives ou porteuses de pathogènes, surpêches, etc.). Mais l'Onema est l'ancien Conseil supérieur de la pêche (dissous suite à un rapport Cour des comptes sur les dérives de gestion), n'est-ce pas, donc ce petit monde a l'habitude de penser ensemble en rond dans les couloirs du Ministère et des Agences.

Beaucoup d'entre nous se demandent : "Mais comment donc l'obsession de la continuité écologique a-t-elle pu tenir lieu de politique publique pendant quelques années, et représenter une dépense publique aussi élevée?" Cela alors que l'évidence de la dégradation chimique et de ses effets biologiques est massive, que la France est déjà très en retard sur ces obligations plus anciennes, qu'au sein de la morphologie les seuils et barrages sont moins impactants que bien d'autres pratiques (bétonnage de berges, rectification de lit, destruction de ripisylves, extraction de granulats, excès de fines par érosion des sols versants, etc.).

La lettre ouverte de FNPF et FNE apporte un élément de réponse parmi d'autres. En propageant la confusion et en trompant sur les ordres de grandeur des impacts sur nos rivières, ces lobbies entretiennent l'incohérence et l'impuissance qu'ils prétendent combattre, mais à laquelle ils participent en réalité depuis des décennies dans les Comités de bassin. Rappelons par exemple que le bassin Loire-Bretagne est le "terrain historique" de France Nature Environnement (combat pour la Loire vivante) et que ce bassin se trouve être aussi celui qui admet être incapable de dresser un état chimique de ses eaux en 2015, reconnaît une avancée nulle sur l'état écologique des rivières depuis 2006, tout en publiant des chiffrages fantaisistes sur la morphologie. Voilà où mènent les mauvais diagnostics des idéologues et les jeux de lobbies en coulisses...

Nous appelons évidemment les pêcheurs sincères et les naturalistes lucides à dénoncer les positions caricaturales de ceux qui se prétendent encore leurs représentants, pour travailler sur le terrain à des solutions plus respectueuses des patrimoines naturel et culturel de nos rivières.

Pour aller au-delà des slogans et creuser ces questions, prenez le temps de quelques lectures :
Complément (MAJ 7 mai 2015)