02/10/2016

Le saumon de l'Allier va-t-il devenir le symbole des échecs et inconséquences de la politique de l'eau?

La politique du saumon Loire-Allier depuis 40 ans est une sorte de laboratoire de la continuité écologique. Son but est louable, ses efforts conséquents, ses résultats décevants. Quand on observe l'importance de l'engagement public et la difficulté à obtenir des effets notables, pour un poisson par ailleurs excellent nageur et sauteur, on se demande quel vent de folie a conduit les décideurs à généraliser la continuité écologique dans les années 2000. D'autant que si la préservation d'une souche unique de saumon sauvage migrant à très longue distance a certainement du sens sur le bassin Loire-Allier, les mobilités réduites des espèces communes en rivières ordinaires représentent des enjeux nettement moins évidents au regard de la dépense publique et des effets négatifs de la politique de destruction des ouvrages. Outre la difficulté à montrer un bilan satisfaisant, le saumon de l'Allier permet d'observer certains doubles discours et certaines pratiques à géométrie variable. L'actualité nous en donne quelques exemples : pressions politiciennes pour satisfaire les pêcheurs contre l'avis des scientifiques, report par EDF de l'aménagement du barrage le plus impactant du linéaire, rêve d'un "saumon-business" pas vraiment écologique… 


Le saumon de l'axe Loire-Allier est considéré comme un enjeu écologique national et européen. La souche sauvage paraît génétiquement conservée, et c'est un des derniers exemples en Europe continentale de migration naturelle à longue distance à l'intérieur des terres. Nous ne sommes pas tout à fait dans une problématique comparable à la Sélune (voir cet article), fleuve côtier de linéaire court (et dégradé sur les zones de frayères à l'amont), dont il existe des centaines d'autres exemples sur les côtes françaises et européennes.

Le saumon circulait à l'âge des moulins et de la petite hydraulique
Le saumon était encore largement présent sur le bassin de l'Allier à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, malgré la présence déjà ancienne de la petite hydraulique (voir cet article sur les discontinuités historiques du bassin de Loire). Ce sont pas les moulins et petites usines qui ont fait disparaître le grand migrateur, mais plutôt les barrages de navigation, puis les barrages hydro-électriques. La raison en est la grande dimension de ces ouvrages, infranchissables même en crue, formant une  barrière physique d'accès aux zones de reproduction (frayères) à leur amont.

Le bassin du haut Allier (hors affluents) a été bloqué au saumon successivement et principalement par le barrage de la Jonchère (Saint-Etienne-de-Vigan, 1895-1896) puis le barrage de Poutès-Monistrol (1939-1941), deux ouvrages gérés par EDF à partir de l'après-guerre. En dehors des grands ouvrages, on estime qu'il existe pour le saumon (excellent nageur et sauteur) une transparence migratoire, même si certains obstacles créent un retard à la montaison ou à la dévalaison. Ces retards peuvent être pénalisant en fonction notamment de la température de l'eau (plus elle est haute, moins le saumon est actif) et d'autres contraintes dans le parcours vers la mer (comme le bouchon vaseux de l'estuaire de la Loire).

Deux barrages en particulier ont entravé la remontée du saumon de l'Allier
Le premier barrage le plus impactant (Saint-Etienne-de-Vigan) a été détruit le 24 juin 1998 dans le cadre du Plan Loire Grandeur Nature, pour un montant d'environ 2,5 millions d'euros, après une vigoureuse campagne de SOS Loire Vivante. C'est un des premiers cas en France de barrage d'une certaine importance (14 m de hauteur) démantelé à fin de continuité écologique.

Le barrage de Poutès-Monistrol (hauteur 17,7 m), quant à lui, paraissait promis au même destin. Le complexe hydroélectrique est situé sur le haut cours de l’Allier, à l’amont de la ville de Langeac, à environ 860 km de la mer et 80 km de la source. L'usine est en fait alimentée par trois retenues (outre Poutès sur l'Allier, les retenues de Saint-Prejet et de Pouzas sur l'Ance du Sud).

Poutès-Monistrol est situé vers le premier tiers d'un tronçon de 200 km formant la principale zone historique de fraie du saumon après montaison (entre Pont-du-Château et Luc, à environ 700-920 km de l'estuaire). Ce linéaire est aujourd'hui une "zone refuge sanctuaire", spécialement protégée pour le saumon sauvage, y compris par rapport aux déversements de saumons d'élevage, même s'ils proviennent à l'origine de la souche sauvage de l'Allier.

Comptage des individus adultes remontant à Vichy depuis le premier Plan saumon lancé en 1976. 

Quarante ans d'effort pour un retour moyen de 500 individus à la passe de Vichy, moins d'une centaine à Poutès
Cela fait maintenant quarante ans que le saumon de la Loire mobilise massivement les efforts publics: Plan saumon 1976-1980, Plan national Poissons migrateurs 1981-1990, Contrat CSP Retour aux sources 1992, Programme Life 2001-2004, Plans Loire Grandeur Nature I, II et III, plans de bassin Plagepomi Loire depuis 1996, etc. La plus grande salmoniculture de repeuplement d’Europe a été créée à Chanteuges (Conservatoire national du saumon sauvage, CNSS). Auparavant, le Conseil supérieur de la pêche (devenu Onema) avait géré une pisciculture dédiée à Augerolles jusque dans les années 1990, avec déjà plus de 800.000 déversements en 20 ans (chiffre in Cohendet 1993). Ce sont donc des millions d'alevins ou smolts qui ont été déversés.

Même si la population des saumons est encore "fonctionnelle", cette politique n'a pas à ce jour portée les fruits attendus.

Pour l'Allier, l'objectif d'étape était d'obtenir entre 2000 et 3000 retours annuels de saumons (après séjour en mer, en majorité des saumons deux hivers, parfois trois, mais la phase maritime de ce poisson est elle aussi soumise à pression depuis les années 1980). Or, on compte en moyenne 500 saumons remontants à la station de Vichy (entre 227 et 1238 depuis 1997, sans tendance claire voir image ci-dessus) et moins d'une centaine à Poutès (entre 14 et 154). Les poissons d'élevage de Chanteuges, en dépit de leur score médiocre de survie et taux de retour après déversement (de l'ordre de 1 pour 1000 à 2000), représentent près de 80% des poissons remontants depuis le début des déversements massifs des années 2000.

En clair, il y a une chute assez nette des poissons remontant l'Allier à la charnière des années 1980 et 1990, le niveau reste bas aujourd'hui et les remontées sont sous perfusion des déversements massifs des années 2000.

Malgré ce score très inférieur aux attentes, les saumons sauvages parviennent à se maintenir : il y a encore environ 30.000 saumons dévalants sur Poutès après reproduction en tête de bassin (avec une mortalité que l'on estime à peu près comparable dans la retenue, le circuit de dévalaison ou les turbines). Tous ces saumons n'atteindront pas l'océan, et peu reviendront.

Premier enseignement : certaines hypothèses de repeuplement n'ont pas été confirmées, le saumon de l'Allier a moins d'effectif remontant dans les années 2000 et 2010 qu'il n'en avait à la fin des années 1970 et au début des années 1980. On ignore si les modèles de dynamique de population du saumon intègrent correctement tous les éléments de son cycle de vie et leur variabilité de longue durée (pluridécennale).

Poutès-Monistrol, un "symbole" à l'aménagement indéfiniment repoussé par EDF
Il existe un certain consensus scientifique aujourd'hui pour dire que le barrage de Poutès-Monistrol forme le principal obstacle à la colonisation du Haut Allier par le saumon. Poutès-Monistrol fait aussi figure de symbole pour le lobby pêcheur et écologiste, le premier étant particulièrement actif.

Malgré la pose d'ascenseur et de passe à poissons ainsi que de système de dévalaison dans les années 1980, les évolutions du complexe de Poutès-Monistrol n'ont pas été jugées suffisantes. Certains espéraient que le barrage de Poutès soit sur la liste des ouvrages à abattre avec ceux de la Sélune, dans le cadre du Grenelle et des marchandages entre ONG-gouvernement (voir cet article sur la décision de la Sélune), mais ce ne fut pas le cas. Des oppositions locales vigoureuses à la perte de l'activité ont différé les choses. Le faible nombre de poissons remontant de Vichy à Poutès n'incitait pas non plus à engager des solutions radicales.

Finalement, un projet alternatif rétablissant la transparence migratoire amont-aval et conservant environ 85% de la production actuelle a été élaboré à partir de la fin des années 2000. Problème : ce projet dit "Poutès II" coûte cher (20-25 millions d'euros). EDF vient d'annoncer que compte tenu de la déprime du marché européen de l'électricité, la rentabilité de la concession n'est plus garantie et le projet du nouveau Poutès est reporté sine die (voir cet article).

Deuxième enseignement : tout le monde n'est pas logé à la même enseigne en France face aux obligations de continuité écologique. Quand on s'appelle EDF, on discute avec les ministres et on fait patienter les préfets en salle d'attente. Quand on s'appelle propriétaire de moulin, on se fait harceler par les agents administratifs jusqu'à accepter la pelleteuse pour démolir son seuil. Au-delà de cette inégalité de traitement, les mesures de continuité écologique sont parfois incompatibles avec la production hydro-électrique, du moins tant que le prix carbone n'est pas réellement reflété dans le marché de l'électricité et dans l'analyse cycle de vie de chaque source renouvelable, et tant que les mesures pour la biodiversité ne font pas l'objet d'un financement public plus conséquent, vu leur caractère d'intérêt général.

Les pêcheurs et le Conservatoire de Chanteuges font du lobbying, "Peter" Vigier est leur porte-parole
Le groupe d’experts saumon qui travaille au Plagepomi Loire a considéré que le sauvetage de la souche Loire -Allier doit reposer prioritairement sur la valorisation maximale des aires de reproduction de saumoneaux sauvages du Haut Allier, en amont de Langeac, désormais considérée comme "zone sanctuaire" fonctionnant comme réservoir biologique. Et non plus sur le soutien d’effectif par le repeuplement en poissons d’élevage, qui a montré ses limites.

Mais voilà : pour certains, le saumon est aussi un business et les contraintes posées par les scientifiques peuvent se révéler un peu trop lourdes. C'est leur voix que porte Jean-Pierre "Peter" Vigier, député du Haut Allier. Son nom est familier aux lecteurs de ce site : il a censuré notre association dans le rapport de février 2016 sur les continuités écologiques, un filtre probablement exigé par le lobby pêcheur dont il est fidèle parte-parole (voir notre lettre ouverte à ce sujet).

Deux articles récents du journal La Montagne (voir ici et ici) lèvent ainsi un voile intéressant sur certaines manoeuvres de la politique du saumon. On apprend que Jean-Pierre Vigier s'est battu becs et ongles pour faire plier le Cogepomi et obtenir le vote de mesures attendues par les pêcheurs locaux et par la pisciculture de Chanteuges. Voilà comment l'enjeu est résumé par le journaliste s'étant entretenu avec le député et les lobbyistes :  "Faut-il soutenir de manière importante le repeuplement afin d'ouvrir une pêche au saumon encadrée, qui constituerait une manne financière importante pour le Haut-Allier, et motiverait les acteurs à améliorer la qualité de l'eau ? Ou faut-il mener des actions a minima afin que le saumon sauvage ne disparaisse pas, même si sa population s'étiole au point qu'on n'en trouve plus que 200 ou 300 individus adultes dans l'Allier ? Avec un risque de disparition de l'espèce… Le Haut-Allier préfère la première solution, et souhaite une 'valorisation' du saumon".

En clair, les pêcheurs considèrent que les scientifiques se trompent, veulent revenir sur l'interdiction de déversement de poissons d'élevage dans la zone sanctuaire et commencent à mettre en avant l'idée d'une "valorisation", à savoir le tourisme halieutique. Il faut dire que la principale hostilité des élus et riverains sur le cas des barrages du complexe de Poutès-Monistrol vient des emplois et revenus que procure l'hydro-électricité pour les territoires. Donc, certains échangeraient bien une rente pour une autre, même si le retour du saumon devait être le fruit de déversement massif d'individus d'élevage.

Jean-Pierre Vigier se félicite d'avoir eu gain de cause en Cogepomi. Nous verrons si cette inflexion décidée la semaine dernière est validée dans le plan de gestion, et notamment ce qu'en pense le conseil scientifique.

Troisième enseignement : même sur l'espèce symbole de leur mobilisation collective, les pêcheurs ne sont pas si à l'aise avec ce que dit la science quand elle commence à aller à l'encontre de leurs convictions ou de leurs intérêts (nous avions d'ailleurs pronostiqué cette tendance, tant il est évident qu'une rivière gérée selon des canons écologiques les plus stricts au bénéfice des milieux aquatiques est une rivière qui deviendra peu à peu inhospitalière à tous les usages humains). Il est étrange qu'un député engagé pour le retour du saumon préfère l'avis des associations locales de pêche à celui des chercheurs.

Un bilan nécessaire, d'autant que les mesures supplémentaires vont coûter cher 
Comme nous l'avons rappelé, après 40 ans d'efforts publics, il n'y a que 500 saumons en moyenne qui remontent jusqu'à Vichy (moins d'une centaine jusqu'à Poutès) et pas de signe clair d'amélioration. Avant de réclamer "toujours plus" (de moyens, de réglementations, de contraintes), il serait certainement nécessaire de faire déjà le bilan chiffré de la politique menée, sur le plan scientifique (pourquoi si peu de saumons par rapport aux prédictions sur les capacités d'accueil, quelle probabilité d'en avoir davantage dans un futur proche) mais également sous son angle économique (coûts directs et indirects du suivi et des mesures cumulées).

Ce bilan paraît d'autant plus nécessaire que nous n'avons peut-être encore rien vu en terme d'investissements. Si l'on veut améliorer la viabilité de la population du saumon de l'Allier et de la Loire, il apparaît en effet que d'autres facteurs sont à corriger, à savoir :
  • la morphologie de la rivière, concernant tous les seuils et barrages du linéaire (même si transparents, ils sont toujours améliorables sur le critère montaison-dévalaison) et la qualité du substrat,
  • la chimie de la rivière, la pollution de l'eau étant reconnue comme un facteur d'appauvrissement de la population du saumon, "sans qu’il soit possible de caractériser clairement cet effet et encore moins de le quantifier" (Philippart 2009),
  • la régulation de la température de la rivière, qui connaît une hausse depuis plusieurs décennies et qui ne devrait pas changer de tendance au cours de ce siècle,
  • la gestion de la pêche professionnelle au filet (qui prend des saumons par inadvertance) et du braconnage (qui implique des garderies)
  • le bouchon vaseux de l'estuaire, qui peut représenter un obstacle à certaines conditions de débit,
  • les espèces prédatrices du saumon, dont le silure en expansion,
  • les conditions du saumon atlantique dans son cycle océanique, lui aussi impacté de diverses manières, comme par exemple les effets du changement climatique sur les zones d'engraissement ou sur les routes migratoires.
Cela fait beaucoup d'éléments à traiter, impactant beaucoup d'activités et demandant beaucoup d'investissements. Or, nous ne sommes plus dans la phase d'enthousiasme présidant à la mobilisation écologiste des années 1970, aux premiers plans saumon, aux premières mesures symboliques comme l'effacement Saint-Etienne-de-Vigan. Les gains pour le saumon ne sont pour le moment pas à la hauteur des actions engagées ni des espérances affichées. Cela n'incite pas la société à signer un chèque en blanc à la poursuite de cette politique.

De surcroît, la réforme de continuité écologique, d'abord testée sur des axes grands migrateurs comme le bassin Loire-Allier, a prétendu se généraliser aux rivières ordinaires. Elle soulève un peu partout une vague d'interrogations sur son bien-fondé, de critiques sur ses conséquences adverses pour les enjeux autres que les poissons, de doutes sur sa représentativité démocratique. On efface des ouvrages le plus souvent modestes, en promettant sans preuve que cela apportera une contribution décisive au bon état des eaux et de leurs poissons. Cette action désordonnée à effet non démontré paraît surtout de nature à généraliser la suspicion sur l'efficience et la pertinence des politiques de continuité.

Faut-il souhaiter la survie du saumon de l'Allier, qui a frôlé l'extinction mais y résiste encore, pour un temps incertain? Certainement. Mais on souhaite également un discours de vérité sur les conditions de cette survie ainsi qu'un débat démocratique allant bien au-delà des échanges en cercles restreints d'experts ou des slogans consensuels abêtissant l'esprit public.

A lire
Sur le saumon de l'Allier : la thèse (vétérinaire) devenue livre de Cohendet F 1993, Le saumon de l'Allier. Son histoire, sa vie, son devenir, AIDSA/CGE.
Sur Poutès-Monistrol : Baglinière JL et al (2005), Le complexe hydroélectrique de Poutès-Monistrol (Haute-Loire). Impact sur la population de saumon de l’Allier et sur les autres espèces migratrices, rapport d’expertise GRISAM. Philippart JC (2009), Rapport Expertise Saumon-Poutès pour MEEDDAT, 115 p.  Travade F et al (2005), Impact de l’aménagement hydroélectrique de Poutès-Monistrol (Allier) sur les poissons migrateurs. Bilan des études réalisées de 1983 à 2000, Rapport EDF HP-76/2001/039/A, 90 p. Sur le nouveau Poutès : site de présentation des enjeux.
Sur les gestions des migrateurs : Les rapports d'études du Plagepomi 

Illustration : le saumon de l'Allier, aux grandes heures de sa pêche (aujourd'hui interdite).

29/09/2016

Apron du Rhône: les petits ouvrages expliquent-ils sa disparition?

A Rosières (Ardèche), les élus et habitants ne décolèrent pas. Le plan d'eau de la Tourasse, créé par un seuil présent depuis 4 siècles sur la Beaume, a été asséché et sa digue percée par le Syndicat de rivière Beaume Drobie. La levée avait résisté aux crues cévenoles, mais elle n'aura pas survécu à la réforme de continuité écologique. Comment en est-on arrivé là? L'objectif principal avancé est la préservation de l'apron du Rhône, espèce gravement menacée d'extinction. Problème: les données dont on dispose sur l'apron démontrent difficilement que les ouvrages anciens sont responsables de la disparition de ce poisson, qui était encore bien réparti sur 2200 km de cours d'eau au début du XXe siècle. A l'époque, les moulins fragmentaient pourtant les lits depuis des siècles. Ce qui incite à chercher et traiter d'autres causes. Mais détruire un petit seuil, c'est devenu de l'ordre du réflexe pour le gestionnaire et l'administration, malgré les résistances démocratiques à cette furie de l'effacement…

Concernant l'effacement du seuil et du plan d'eau de la ville, les élus de la commune de Rosières font observer les points suivants :
  • une passe à poissons a été proposée, mais outre son caractère disgracieux et impactant pour le paysage, elle était jugée absurde (prenant tout le débit et n'étant probablement pas fonctionnelle à certains étiages, se comportant on ne sait trop comment face aux crues pouvant atteindre 500 m3/s);
  • des castors étaient présents sur le site, qui ont dû décamper après la vidange forcée de la retenue, tout comme une mortalité piscicole a été observée malgré la pêche de sauvegarde (ayant montré au passage le peuplement piscicole du plan d'eau);
  • cette opération est perçue comme le saccage d'un patrimoine très apprécié de la ville, ne laissant plus qu'un filet d'eau à l'étiage;
  • la Beaume et la plupart des affluents sont en bon état écologique et chimique DCE, avec présence de nombreuses espèces d'intérêt (apron du Rhône, loutre, écrevisse à pied blanc, etc.), ce qui ne paraît pas justifier des mesures coercitives sur les ouvrages, en l'occurrence celui de Rosières ;
  • aucun objectif clair n'est apporté (à part une franchissabilité "de principe"), aucun résultat n'est garanti. 
C'est le lot commun de la continuité écologique en France, qui sème son cortège de désolation et de destruction, mais aussi désormais de colère (voir notre article de la veille). Comment en est-on arrivé là à Rosières? Le motif se nomme l'apron du Rhône. Mais les seuils anciens, comme celui de la Tourasse, sont-ils responsables de la disparition progressive de ce poisson d'une grosse quinzaine de centimètres à l'âge adulte? Il y a de fortes raisons d'en douter.

Source France Bleue, droits réservés 


L'apron, une espèce plutôt sédentaire et résistante
L'apron du Rhône (Zingel asper) est un poisson de fond (benthique), de la famille des Percidés. Il est endémique du bassin du Rhône, appelé en Ardèche et Provence anadelo, ane, asse, varlet ou raste, mais aussi nommé roi du Doubs dans le Jura franco-suisse.

L'apron est aujourd'hui considéré comme une espèce gravement menacée d'extinction, à ce titre en stricte protection Convention de Berne 1979 et directive Habitats-Faune-Flore 1992. Encore présent sur 2200 km de cours d'eau au début du XXe siècle, il n'est plus documenté aujourd'hui que sur environ 240 km de cours d'eau (380 km dans les années 1980).

L'apron est assez tolérant en variation de température, courant, pH, conductivité et substrat, fréquentant les plats, les profonds et les chenaux lentiques (donc compatible avec la vie en retenue ou bief, mais la reproduction demande accès à des radiers peu colmatés). Il est assez peu polluosensible, même s'il devient plus rare dans les zones aval des grandes villes. L'apron n'est pas un migrateur, l'essentiel de la mobilité se faisant entre 50-250 m, quelques déplacement à 500-1000 m. La génétique des populations suggère la possibilité de déplacements de plusieurs kilomètres à dizaines de kilomètres dans l'histoire de vie de l'espèce. L'apron peut se reproduire en captivité.

Présent sur tout le bassin au début du XXe siècle, quand les seuils étaient là depuis longtemps
La synthèse du Plan national d’actions en faveur de l’apron du Rhône 2012-2016 a publié cette carte de répartition, où l'on voit les zones anciennes (en jaune) et actuelles (en rouge). L'apron vit généralement en dessous de 450 m d'altitude.


Il existe une contradiction manifeste entre cette carte, les analyses de capacités de franchissement de l'apron et la fragmentation historique des bassins.

En effet, cette carte nous dit de manière assez claire que l'apron du Rhône n'a nullement été menacé dans sa survie et son expansion par les ouvrages de petite hydraulique, qui fragmentent depuis plus de dix siècles les rivières du bassin rhodanien (comme le font aussi des chutes naturelles dans les vallées encaissées des affluents du Rhône). Or, quand on lit les analyses "théoriques" de la franchissabilité (Guide de gestion pour la conservation de l'apron du Rhône 2001, protocole ICE Onema), l'apron ne serait capable d'aucun saut et d'une vitesse de pointe de 1 m/s sur de courtes distances seulement. Ce sont au demeurant ces médiocres qualités de sauteur et de nageur qui expliquent la nécessité de passes à poissons complexes (beaucoup de zones de repos et de rugosités) et coûteuses (très faible pente).

Mais dans ce cas, comment expliquer la survie de l'apron sur son aire de répartition jusqu'au XXe siècle? Prenons le cas du bassin de l'Ardèche où la population subsiste  même aujourd'hui. Les seuils anciens y ont rarement des vannes de chasse en raison de la forte activité sédimentaire transportant galets et blocs, engravant rapidement les retenues. Ces ouvrages auraient dû représenter des obstacles totalement infranchissables en montaison (comme les chutes naturelles), et les violentes crues des rivières cévenoles auraient dû de longue date chasser l'apron (épisodes exceptionnels éliminant une population locale sans possibilité de recolonisation). On devait d'ailleurs repérer des goulots d'étranglement dans les arbres phylogénétiques. Or ce ne fut pas le cas, jusqu'à voici un siècle.

Il y a donc quelque chose qui cloche, soit dans les données de peuplement (pourtant faites à partir d'inventaires de pêche, de témoignages historiques, d'analyses génétiques), soit dans l'approche théorique du comportement migratoire ou des stratégies de dispersion de l'apron.

D'autres facteurs que les petits ouvrages sont à considérer
En revanche, quatre facteurs ont augmenté ou sont apparus au cours du XXe siècle, sans rapport avec les petits ouvrages anciens et leurs béals, comme on nomme les biefs dans le Sud:
  • les extractions de granulats ont pu prendre une dimension quasi-industrielle, aboutissant au pavage de certains tronçons (sur le Chassezac par exemple) et à la dégradation d'habitats;
  • la grande hydraulique a fortement fragmenté le Rhône et la plupart de ses affluents, par des ouvrages totalement infranchissables et sans commune mesure avec les anciens seuils, ainsi que parfois des débits d'éclusée modifiant le régime hydrologique et la morphologie;
  • la pollution s'est généralisée, en particulier la pollution estivale quand les rivières ont des débits faibles (quoique profitant à cette saison des lâchers des grands barrages) et leurs rives une surpopulation de touristes (phénomène de deuxième partie du XXe siècle);
  • les prélèvements quantitatifs en eau ont fortement augmenté (y compris en lien avec le tourisme), ce qui peut être problématique dans des secteurs karstiques à étiage faible voire assec. 
Ajoutons que les connaissances scientifiques sur l'apron (comme sur beaucoup d'espèces) restent assez rares et préliminaires. En science, il ne faut jamais préjuger de ce que les découvertes à venir apporteront à notre compréhension.

Conclusion: construire des alternatives sans opposer patrimoine et écologie
Protéger une espèce menacée d'extinction comme l'apron du Rhône, tout le monde y est (ou devrait y être) favorable. Le faire en détruisant le patrimoine et le paysage des communes, sans rapport de causalité claire entre leurs petits ouvrages hydrauliques et la raréfaction du poisson, cela ne passe pas.

Il faut donc réfléchir à des alternatives : dispositifs de contournement ou de franchissement qui respectent la qualité des sites ; priorité au soutien d'une lame d'eau à l'étiage par les seuils et digues (cette saison n'étant pas forcément très pénalisante au plan reproductif pour l'apron) ; stratégies de repeuplement vu que la reproduction artificielle a été maîtrisée (au MHN de Besançon) et testée (Drôme), avec déversement dans les tronçons présentant assez de méso-habitats connectés.

Pour aller plus loin
Outre les liens donnés dans le texte, Jacques Labonne a consacré une thèse doctorale à l'apron. Il est à noter que si ce travail souligne l'importance de la connectivité vers des "patch" présentant des alternances d'habitats plats-profonds-radiers en nombre suffisant, il cite principalement à propos de la déconnexion "l’aménagement du Rhône, débuté dans les années 1930, terminé en 1986". Ce qui appuie plutôt l'hypothèse d'une responsabilité des grands aménagements hydrauliques. La thèse contient aussi d'intéressantes réflexions sur la biologie de la conservation.

A lire aussi concernant l'Ardèche
En défense du seuil des brasseries de Ruoms

28/09/2016

La contestation de la continuité écologique se répand, le gouvernement doit prononcer un moratoire

Un vent de colère souffle sur des rivières où les syndicats continuent d'effacer les ouvrages hydrauliques, malgré l'appel répété de Ségolène Royal à stopper la casse et son instruction aux Préfets en ce sens. L'administration fait-elle le choix irresponsable de pourrir la situation en restant totalement sourde et aveugle aux problèmes manifestes que pose la réforme, en particulier l'interprétation tendancieuse de la loi et le harcèlement en vue de détruire? Un moratoire sur ces destructions doit être proclamé, en attendant le recadrage nécessaire de ce dossier en passe de devenir ingérable. 

Notre association mène une veille nationale de la continuité écologique sur Twitter. Le temps manque évidemment pour commenter plus en détail chaque événement, car il se passe difficilement une semaine sans que l'on rapporte des problèmes et des conflits associés à la mise en oeuvre administrative brutale de la loi de continuité. Voici à titre d'exemples les nouvelles des seuls derniers jours.


A Montreuil-Bellay et Rimodan, des élus, des agriculteurs et des riverains ont décidé de bloquer purement et simplement le chantier d'arasement de seuils sur la rivière Thouet (voir ici).

A Lhommaizé, les élus sont tout aussi motivés à ne pas laisser disparaître l'étang de la Forge sur la Dive, qui fait partie du patrimoine de la commune (voir ici).

A Vagney sur la Moselotte, rivière où des destructions d'ouvrages ont déjà suscité de vives contestations (voir ici), les choses ont pris un tour plus dramatique avec l'incendie de la pelleteuse devant effacer la vanne des Grands-Jardins (voir ici). On ne sait cependant pas si cet acte de vandalisme est directement lié au projet de destruction.



Rappelons de la manière la plus claire et la plus ferme que tout acte de violence contre les biens ou les personnes est une solution non tolérable en démocratie.

Mais la radicalisation progressive de la contestation contre la continuité écologique n'est hélas pas surprenante. Elle fait suite à l'insupportable pression institutionnelle de l'administration française en faveur de la destruction du patrimoine hydraulique de notre pays. Depuis 4 ans, nous exposons posément et raisonnablement à l'administration et aux syndicats combien les choix actuels en rivière sont socialement réprouvés par les riverains, économiquement intenables par leurs exigences pharaoniques, écologiquement disproportionnés aux enjeux et, pour beaucoup, scientifiquement mal fondés dans leur diagnostics.

Nos interlocuteurs font mine d'écouter, mais la machine à détruire, à ruiner ou à menacer continue comme si de rien n'était, sans l'once d'une remise en cause. Encore récemment, une haut fonctionnaire du Ministère de l'Environnement appelle sans discernement à la "suppression des retenues". De telles provocations jettent l'huile sur le feu et sont irresponsables.

Le gouvernement doit reconnaître les troubles créés par la réforme de continuité écologique, proclamer un moratoire sur les effacements d'ouvrages (déjà demandé par plus 2000 élus associations, personnalités, chercheurs...) et rechercher de toute urgence des solutions apaisées. En attendant, nous appelons plus que jamais les citoyens, les associations et les usagers à se mobiliser face aux effacements problématiques par tous les moyens à leur disposition : interpellation des élus et des médias, participation aux enquêtes publiques, création de collectifs riverains, contentieux judiciaires, manifestations pacifiques devant les chantiers ou devant les sièges des décideurs de ces chantiers, diffusion de l'appel à moratoire et des nombreux argumentaires déjà rédigés sur notre site.

Pour ce qui est du Nord-Bourgogne, nous nous opposerons ainsi aux effacements de l'Armançon qui ont reçu un avis défavorable en enquête publique et nous attendons toujours le résultat de l'enquête publique sur l'ouvrage de Belan-sur-Ource, où le commissaire-enquêteur a suspendu son jugement pour le moment.

26/09/2016

La Natouze, rivière humaine

Des propriétaires d’ouvrages hydrauliques sur la Natouze (petit affluent rive gauche de la Saône) ont demandé l’assistance de l’association Hydrauxois et de l’Association des moulins de Saône-et-Loire pour comprendre les enjeux écologiques et les propositions de travaux auxquels ils sont confrontés. La note rédigée à cette occasion par notre association, publiée ci-dessous et enrichie du bilan de la réunion, contient divers éléments d'interprétation. Certains sont exploitables dans d'autres contextes. Nous en profitons pour pointer le problème de la confiscation du débat démocratique en rivière, cette dépossession des citoyens de leur capacité de décider de leur cadre de vie étant particulièrement sensible dans les petites vallées rurales.

Cette première note fait le point sur la Natouze à partir de la documentation disponible (Fédé de pêche 71, Étude piscicole et astacicole 2010; Fluvialis, Dynamique alluviale et espaces de mobilités, Synthèse phase 1, 2011; Contrat de rivière du Mâconnais, synthèse 2013; Sinbio, Étude 2015).


Natouze, masse d’eau "naturelle" ou "fortement modifiée"?
Il est posé dans les études préparatoires que la Natouze a été profondément modifiée en morphologie sur l’ensemble de son lit par recalibrage, rectification, seuils de moulins ou lavoirs, destruction de ripisylve, usage agricole du bassin versant et changement de l’érosion, etc. Cela se traduit par un peuplement piscicole qui n’est pas celui attendu en fonction de la pente, de la température et du substrat, et qui en est même très éloigné (absence totale de certaines espèces repères, présence d’espèces très décalées par rapport à la biotypologie). L'Indice poisson rivière (critère biologique de qualité piscicole) est cependant le seul paramètre déclassant pour l'état écologique au sens de la directive cadre européenne (DCE).

La première idée qui vient à l’esprit en lisant ce constat, c’est de proposer une qualification DCE de la masse d’eau comme "fortement modifiée" et non pas "naturelle", avec ce que cela implique en fixation des objectifs d’état écologique et chimique. Rappel, la DCE définit (article 2.9) la notion de masse d'eau fortement modifiée : "une masse d'eau de surface qui, par suite d'altérations physiques dues à l'activité humaine, est fondamentalement modifiée quant à son caractère" (voir Circulaire DCE n° 2006/13).

En effet, il n’est pas logique d’affirmer d’un côté (pour s'en plaindre) l’ancienneté et l’extension des modifications humaines de l’écoulement et du peuplement, de poser de l’autre côté que la rivière est toujours en état naturel (ou pourrait le redevenir à moindres frais). La France a la capacité de faire acter auprès de l'Union européenne le fait que ses rivières ont été pour nombre d'entre elles durablement modifiées dans l'histoire. Ne pas y procéder (comme l'Allemagne l'a fait bien plus que nous) relève d'un assez incompréhensible déni de réalité.

Natouze, bon état 2015, 2021, 2027… ?
Le bon état écologique et chimique de la Natouze avait été fixé initialement à 2015 (SDAGE 2010, Fluvialis 2011), il a été repoussé à 2021.

Au regard des données de la littérature scientifique montrant la lenteur des évolutions de milieux après restauration (sauf dans des cas particuliers), il est très incertain que la Natouze parvienne à un bon état 2021 ou même 2027 sur le compartiment qui la dégrade aujourd’hui pour l'écologie (biologie, poissons, en lien à morphologie et sans doute thermie). D'autant que l'état chimique de la rivière reste mauvais en raison d'un HAP, contamination diffuse présente dans un grand nombre de masses d'eau françaises.

Le repeuplement piscicole conforme aux objectifs souhaités (dans des biotypologies de référence) dépend de l’existence de pools reproducteurs des espèces sur le bassin et d’une action coordonnée sur l’ensemble des impacts à la recolonisation depuis ces pools. Ces conditions ne paraissent pas réunies ici, en tout cas pas de manière démontrée (pour le pool reproducteur) ni garantie (pour l’engagement financier dans une restauration avancée et non superficielle de la morphologie du bassin, minimum de 1,1 M€ selon Fluvialis 2011 pour les tronçons prioritaires, avec les réserves indiquées dans ce document sur les coûts complémentaires relatifs aux garanties sur la stabilité berge / bâti). Le bureau d'études observe par ailleurs à propos des cours d'eau du bassin de la Natouze qu'ils possèdent "des potentiels dynamiques naturels limités à très limités" (cohésion des berges, faible puissance de transport, peu de substrat grossier).

Par ailleurs, plusieurs riverains ont constaté des débordements ou inondations de lagunages d'épuration placés dans le lit majeur de la rivière, ainsi que l'extension récente des activités agricoles jusqu'aux bords de berge. Le bon état physico-chimique de la masse d'eau (selon les données AERMC) demanderait donc un suivi vigilant, mais aussi un examen plus attentif des analyses déjà faites (par exemple date et lieu des campagnes de mesure, paramètres mesurés). Au-delà des points de mesure réglementaires DCE, il serait aussi utile de contrôler la charge (azote, phosphore, MES, micropolluants) à l'amont et à l'aval des successions d'ouvrages, pour vérifier de quelle façon ils contribuent ou non à l'épuration de l'eau se dirigeant vers la Saône. Le gestionnaire pose sans preuve que leur rôle est négatif, mais ce n'est pas ce qui ressort des études scientifiques sur l'épuration de certains contaminants dans les retenues. (Au demeurant, ce n'est pas non plus ce que traduit l'état physico-chimique de la Natouze décrit aujourd'hui comme bon, résultat non conforme à l'idée que les ouvrages dégraderaient cet état.)

Information des maîtres d’ouvrage : précisions nécessaires sur le caractère obligatoire ou volontaire des aménagements
Un maître d’ouvrage peut être obligé de procéder à des aménagements ou des effacements des ouvrages hydrauliques dont il est propriétaire dans certaines conditions :
  • si le tronçon est classé en liste 2 selon l’art L 214-17 CE (délai de 5 ans après le classement avec un complément de 5 ans pour faire des travaux, soit 2023 en bassin RMC);
  • si le droit d’eau est abandonné ou annulé par un arrêté préfectoral, avec obligation de remettre la rivière en l’état selon l’art L 214-3-1 CE;
  • si des modifications de l’autorisation sont nécessaires face notamment à une "menace majeure pour le milieu aquatique" ou des "conditions hydrauliques critiques" selon l’art L 214-4 CE.
En l’état de notre information, la rivière Natouze n’a pas fait l’objet de classement de continuité écologique au titre du 2 du L 214-17 CE, les droits d’eau des ouvrages n’ont pas été annulés, des prescriptions spécifiques n’ont pas été édictées par la Préfecture.

Nous en déduisons, sauf contredit, que les opérations inspirées par le contrat territorial des rivières du Mâconnais ou le SDAGE Rhône-Méditerranée-Corse ne sont pour le moment que des hypothèses de travail, dont la réalisation dépend uniquement et en dernier ressort de la volonté du propriétaire de s’y engager.



Position des moulins : améliorer certaines fonctionnalités écologiques sans remettre en cause le patrimoine ni la consistance légale du droit d’eau (chute, débit)
La valeur propre d’un moulin dépend de sa qualité et identité de moulin, différente d’une simple maison en bord de l’eau (et donc en zone inondable). Le moulin est défini par la présence et la fonctionnalité de ses ouvrages hydrauliques, qui permettent de dériver l’eau et le cas échéant de l’exploiter à une certaine condition de hauteur et de débit (ce que l’on nomme la "consistance légale" d’un droit d’eau).

Les moulins ont une valeur historique et culturelle (patrimoniale) ainsi que parfois sociale, selon les usages locaux de leurs retenues. Ils ont également pour certains un usage économique (production d’énergie ou production de bien). La plupart ont une fonction d’agrément paysager (voir Lespez, Germaine et Barraud 2016 sur cette évolution). Nous sommes en désaccord sur ce point avec le diagnostic Sinbio 2015 (et la position de la DDT) qui limite l’usage du moulin au seul usage économique direct de la chute. Cette vision est appauvrie par rapport à la réalité du patrimoine des moulins et des autres ouvrages hydrauliques — patrimoine ayant une valeur en soi, indépendante des fonctions économiques – ainsi que décalée par rapport à la sympathie dont jouit ce petit patrimoine dans les populations.

Il faut ajouter que, sous l’angle écologique, les retenues et biefs des moulins n’ont pas que des aspects négatifs : ils augmentent le linéaire et le volume en eau disponible pour le vivant ; ils peuvent abriter ou servir une biodiversité spécifique (laquelle ne se réduit pas aux poissons, 2 % des organismes aquatiques) ; ils contribuent à épurer l’eau de certains contaminants à certaines conditions (temps de résidence hydraulique, température) ; ils soutiennent les nappes et offrent des zones refuges en étiages sévères, etc.  L'étude morphologique, sédimentaire ou piscicole ne résume donc pas tous les angles de recherche.

Entre nature et société: une autre vision de la rivière et de ses ouvrages
En conséquence, nous ne souscrivons pas au portrait réducteur des moulins comme étant seulement des "obstacles à l’écoulement" pour des rivières qui seraient seulement des "phénomènes naturels". Comme le CGEDD l’a déjà demandé en 2012 dans son audit des politiques publiques de continuité écologique, il convient de développer de "grilles multicritères" d’analyse des hydrosystèmes. Et il convient de le faire sérieusement (c’est-à-dire par exemple de ne pas attendre d’un bureau d’études spécialisé en biologie et morphologie un avis informé sur l’histoire, la sociologie ou le droit, tout comme l’inverse n’aurait pas de sens, chacun sa spécialité d’étude).

De la même manière, nous ne considérons pas particulièrement qu’un écoulement lentique de retenue ou bief serait par nature "dégradé" par rapport à un écoulement lotique ni que l’ambition du gestionnaire devrait être de "renaturer" la totalité d’un linéaire de rivière. Bien souvent, la présence d’ouvrages hydrauliques augmente la diversité bêta en ajoutant des habitats anthropisés qui hébergent d’autres espèces que celles issues de l’évolution spontanée des rivières et encore présentes dans les parties de linéaire non impactées. Que les espèces ajoutées soient "désirables" ou "non désirables" est davantage un jugement de valeur qu'un énoncé scientifique. Les espèces présentes, introduites plus ou moins récemment, sont simplement les mieux adaptées à des milieux modifiés de longue date. Le vivant colonise ainsi les espaces disponibles en fonction de leurs propriétés physiques et chimiques. On observe d'ailleurs le phénomène sur certains sites de la Natouze (par exemple, le milieu artificiel de la rivière chenalisée du moulin du Coq jouxte immédiatement une zone humide fonctionnelle, en bas de thalweg.)

Nous incitons donc les parties prenantes à accepter le fait, mis en avant par un certain nombre de chercheurs aujourd’hui, que les rivières relèvent d’une "socio-nature hybride" (Laurent Lespez) ou d’un "anthroposystème" (Christian Lévêque), et non pas d’une naturalité idéale qu’il faudrait restaurer et fixer à jamais. En un mot, les écoulements et les peuplements ont changé dans l’histoire, ils continueront de le faire. Les bassins versants du Mâconnais ou d'ailleurs n'ont plus grand chose de "naturels" après des millénaires d'occupation des sols. Il existe des stratégies écologiques très louables de mobilisation ciblée (comme le sauvetage d’espèces directement menacées d’extinction) ou de conservation (pour des systèmes très peu modifiés par l’homme ou très riches en biodiversité malgré les modifications, par exemple des cœurs de parcs, des zonages type ZNIEFF, Natura 2000). Mais l’idée de bouleverser le patrimoine hydraulique des rivières ordinaires pour simplement changer la répartition de densité d’espèces communes et non menacées n’a pas notre agrément.

Grille de décision d'aménagement pour les moulins
De ce qui précède, voici la grille de gestion et aménagement que nous défendons pour l’amélioration des fonctionnalités écologiques :
  • démonstration préalable d’un impact sédimentaire / piscicole du moulin, objectivation de sa gravité
  • si impact jugé sérieux, mesures spécifiques de gestion des vannes
  • si gestion des vannes insuffisante, dispositif de franchissement ou contournement, sous réserve de la solvabilisation par financement public, du respect de la consistance légale (usage du débit minimum biologique pour alimenter le dispositif) et de l’absence d’effets indésirables pour les milieux / les tiers.
Les solutions de destruction des ouvrages hydrauliques (arasement, dérasement) ne sont pas soutenues par nos associations (hors cas particuliers), car contraires à la préservation du patrimoine historique, de la qualité paysagère, du potentiel énergétique ainsi qu’à la conservation du droit d’eau des moulins ou étangs.

Cette grille s’applique à la Natouze, où nous proposons en conséquence de réfléchir à des solutions de type de gestion coordonnée des vannages ou dispositifs de franchissement. Tout en conservant à l’esprit la nécessité préalable de démontrer plus clairement qu’une recolonisation du lit par les espèces cibles est possible à horizon et coût raisonnables: une description de l'état présent n'est pas une prédiction de l'état futur, or c'est bien ce dernier qui intéresse au premier chef le gestionnaire et l'administration par rapport aux obligations réglementaires sur l'état de la rivière. Le diagnostic sédimentaire montre que des projets assez simples, comme la restauration et l'ouverture régulière des vannes, peuvent déjà améliorer des excès observés de colmatage. Il paraît à nos associations plus sage de s'engager dans ce type de démarche progressive d'amélioration de l'environnement, peu coûteuse pour les finances publiques, conforme aux obligations de gestion des maîtres d'ouvrage et respectueuse du patrimoine.


Conclusion: un nécessaire débat démocratique sur les services rendus par nos choix en rivière
Lors des échanges sur la Natouze, nous avons observé la persistance des idées reçues sur l'évaporation, le réchauffement, l'auto-épuration, etc. On voit certains effets pervers de discours simplificateurs diffusés par le Ministère en direction de ses agents et des autres parties prenantes. Un débat constructif sur les ouvrages hydrauliques est difficile si l'on arrive bardé de préjugés négatifs à leur encontre, avec la conviction déjà acquise d'une préférable disparition de ces ouvrages, ou du débit qui les alimente. Sur la Natouze comme ailleurs, le simple bon sens indique qu'il est à peu près impossible d'associer des propriétaires à un projet fondé pour l'essentiel sur la disparition d'un élément structurant de leur bien, surtout pas en usant de procédés inaptes à créer de la confiance et de l'envie  (dissimulation, euphémisation, moralisation, menace, etc.). Le débat a le mérite de porter un premier enseignement: si la Natouze devait être classée en liste 2 (à aménagement obligatoire), la mise en oeuvre serait très conflictuelle.

Autre observation : les travaux préalables (diagnostic de bureaux d'études, de fédérations de pêche ou de syndicat) ne sont pas assez problématisés. Or, c'est dès le stade du diagnostic que l'on doit éclaircir les choses, car il est très facile à cette phase de céder à l'excès dans un sens ou dans l'autre (soit nier des problèmes, soit les exagérer). L'écologie est encore trop peu démocratisée en terme de connaissances, ce qui conduit souvent à un monologue des experts et à un désintérêt des citoyens…. qui s'aperçoivent parfois de la portée des enjeux au dernier moment, quand les travaux s'apprêtent à bouleverser leur paysage familier. Il faut en conséquence objectiver les impacts écologiques en termes les plus simples possibles, mais aussi et dans le même mouvement interroger les citoyens sur l'importance qu'ils donnent aux enjeux ainsi objectivés et sur leur consentement aux solutions possibles, cela avant même de construire le moindre budget pour la suite.

Au-delà des batailles de faits et chiffres sur tel ou tel impact (surtout sa gravité relative par rapport à d'autres impacts ou aux milieux tels qu'ils ont évolué), l'évanescence des services rendus aux citoyens par les écosystèmes dans ces opérations est finalement frappante. Il s'est mis en place une étrange métaphysique selon laquelle la "nature renaturée" relèverait forcément d'un "intérêt général" des citoyens, le reste étant écarté d'un revers méprisant de la main comme relevant des "intérêts particuliers" par définition égoïstes ou immobilistes. Sauf que les gens font société autour d'activités individuelles et collectives, non dans la pure contemplation, et que les activités de ces gens modifient toujours à quelque degré la nature (elles en font partie, à dire vrai).

Malgré sa taille modeste, la Natouze possède un riche patrimoine hydraulique associé à ses moulins, châteaux, lavoirs, ponts. On demande aux riverains d'accepter l'engagement dans un processus de modification substantielle de l'écoulement et du paysage d'une vallée entière, impliquant inévitablement des destructions partielles de l'existant, et la mise en danger à plus long terme de certaines fondations bâties sur couche argileuse ou argilomarneuse. En face de cela, que promet-on aujourd'hui? Une eau un peu plus courante, moins de limon et vase en fond, avec davantage de chabots, spirlins ou loches, moins de carpes, brèmes ou rotengles. Et la notion assez abstraite de rivière "fonctionnelle". Le jeu en vaut-il la chandelle? Les citoyens et leurs élus consentent-ils à la dépense d'argent public et à l'altération de leur cadre de vie pour ce genre de résultats? L'écologie des milieux aquatiques consiste-t-elle à produire une "nature-musée" intouchable avec son quota administrativement surveillé de "bonnes" espèces dans les "bons" milieux? Où est le projet global de territoire au-delà du bénéfice pour telle ou telle espèce, surtout pour des investissements aussi importants quand on les rapporte à la taille des communes et à ce qu'elles reçoivent par ailleurs en dotation de l'Etat?

Ne pas poser préalablement ces questions fondamentales en débat public, continuer d'arriver chez les gens après un travail de bureau où l'on a décidé à l'avance et à leur place de ce qui est "bon" pour eux n'est pas durable. La Natouze est une rivière humaine, pas une rivière sauvage. C'est aux habitants de ses rives de débattre et décider au premier chef de son avenir. Et ce principe vaut pour toutes les rivières.

Illustrations : visages de la Natouze, photos Marie Dupasquier-Marin, Association des moulins de Saône-et-Loire.

24/09/2016

J'évapore, tu évapores, il évapore…

En débit, l'évaporation estivale d'une petite retenue de moulin représente à peu près la consommation d'eau d'un équivalent-habitant. Autre image, il faudrait 20 millions de petits moulins évaporant à qui mieux mieux pour arriver à la quantité d'eau utilisée par la seule entreprise EDF pour refroidir ses centrales thermiques françaises. Affirmer que les moulins ont une grave responsabilité en ce domaine est donc assez grotesque. 


Lors d'une réunion sur la continuité écologique, un argument fuse : "une retenue évapore 6 mm par jour en été, c'est conséquent!". Nous avons rétorqué à notre interlocuteur que ce chiffre, à supposer qu'il soit exact (cela dépend en réalité de pas mal de facteurs), est au contraire assez négligeable.

Prenons une retenue de 1000 m2 (nous évoquions dans cet échange une petite rivière). Une perte de 6 mm représente 6 m3 ou 6000 litres par jour. Cela peut paraître impressionnant, mais un débit de rivière se mesure en litre par seconde, et il y a 86400 secondes dans une journée. L'évaporation représente une perte de 0,07 l/s. Il faut comparer ce chiffre avec le débit d'étiage de la rivière, qui se mesure habituellement en dizaines à centaines de l/s pour les petits cours d'eau.

Une moyen mnémotechnique assez simple : l'évaporation estivale d'une petite retenue de 1000 m2 est sensiblement équivalente à la consommation d'eau d'un Français (qui représente un débit moyen d'usage lissé de 0,06 l/s, toutes activités du territoire confondues et rapportées à la population).

Autre ordre de grandeur : le parc thermique d'EDF (nucléaire, gaz, charbon) consomme 42 milliards de m3 d'eau par an pour se refroidir (source EDF 2007).  Soit 1,3 million de litres par seconde, l'équivalent de ce qu'évaporeraient… 20 millions de petits moulins.

Ajoutons que, comme l'observent usuellement les propriétaires de ces moulins, l'évaporation contribue ensuite à la condensation qui profite grandement à la végétation alentour.

Moralité : on a compris que le Ministère, en désespoir de sauver sa très impopulaire réforme de continuité écologique, a lancé comme (absurde) élément de langage la responsabilité écrasante des moulins dans une situation de réchauffement climatique. Mais même pour prétendre que son chien a la rage avant de le mener à l'abattoir, il faudra faire un petit effort. A trop jouer avec ce catastrophisme déplacé, on ne sert vraiment pas la cause de l'écologie.

A lire aussi
Idée reçue #16: "L'évaporation estivale des retenues nuit fortement aux rivières"

Illustration : tours de refroidissement de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0. Qui, incidemment, a rejeté un peu de plutonium dans la Loire (surnommée sans rire "le dernier fleuve sauvage d'Europe").

22/09/2016

Avallon: le chantier "exemplaire" Life+ / Parc du Morvan commence mal

La pelleteuse s'active déjà en berge de la rivière Cousin, face au seuil du moulin Nageotte qui vit ses derniers jours, mais l'arrêté préfectoral autorisant les travaux est introuvable sur le site ou en mairie.  Pas vraiment l'idéal pour permettre aux citoyens de vérifier le bien-fondé et le bon déroulé du chantier.


Des berges défoncées par les engins mécaniques, des arbres coupés, c'est le lot commun des chantiers si "écologiques" de destruction de seuils en rivière. Nous verrons dans quelques années s'ils ont permis le retour de la truite et de la moule perlière dans les eaux polluées* du Cousin avallonnais. Pour l'instant, ils font surtout la joie des bureaux d'études et entreprises de BTP.

Mais ce 21 septembre 2016, à Cousin-le-Pont dans la commune d'Avallon, tout le monde est néanmoins surpris par la précipitation dans la mise en oeuvre: aucune signalétique de chantier, aucune publication de l'arrêté préfectoral autorisant les travaux sur le lieu où s'active déjà la pelleteuse. Les riverains ont bien cherché, mais aucun panneau n'est présent en berge, sur le parking attenant ou devant le lieu d'installation des engins et matériaux. Nous n'avons pas eu plus de chance en mairie : aucun affichage extérieur ni aucune copie de l'arrêté au service urbanisme (qui n'était pas au courant). Des propriétaires d'un moulin voisin se disent surpris vu la vigilance dont ils font l'objet pour de modestes curages d'entretien sans engin mécanique, alors que les travaux sont ici autrement impactants et ne concernent pas un canal privé, mais bien le lit et ses berges.


La DDT de l'Yonne, contactée par notre association, est elle aussi étonnée et préoccupée de cette absence de publicité de la décision préfectorale. Le Parc du Morvan, maître d'ouvrage par délégation, est responsable de la bonne tenue du chantier et de la bonne information du public. Les citoyens ne peuvent pas contrôler si le chantier respecte les pratiques fixées par l'arrêté préfectoral tant que ce dernier est enfermé dans un tiroir. Ou s'il est affiché dans un endroit très éloigné des travaux.

En berge, un pêcheur s'inquiète pour sa part de l'absence de pêche de sauvegarde, dont on lui aurait dit qu'elle ne "servait à rien". La DDT nous assure pourtant qu'elle est prévue pour bientôt… mais sur place, d'aucuns affirment que le démantèlement des seuils commencera dès le lendemain. Ce qui paraît un agenda compliqué à respecter.

Bref, une certaine confusion règne. On y mettra vite de la clarté, puisque si le chantier continue dans un telle opacité sur son fondement réglementaire et sur les prescriptions relatives aux travaux, plainte sera déposée en gendarmerie.


Pour rappel, Hydrauxois avait demandé dix jours plus tôt au Préfet une assurance que le chantier respecte les obligations d'urbanisme et de protection du patrimoine propres à la démolition d'un site en zone classée ZPPAUP et au nouvel alinéa IV de l'article L 214-17 CE. Aucune réponse à ce jour (fut-ce pour assurer que la démarche avait été faite), ni évidemment aucune transmission de l'introuvable arrêté d'effacement. Que la destruction ait lieu ou non, la copie de la saisine de l'ABF sera de nouveau demandée, ainsi que la réponse du service, puisque cet élément était une étape nécessaire à la légalité du chantier. A suivre.

(*) Sur la pollution, voici ce que dit l'état des lieux du contrat global Yonne-Cure-Cousin 2015-2020: "Les ruisseaux de Minimes et de Potots qui traversent le bourg d’Avallon sont fortement chargés en HAP, métaux lourds [arsenic, plomb], un insecticide et un phtalate. Leur état physico-chimique est mauvais. Des rejets domestiques arrivent directement sur ces cours d’eau." Il se trouve que le ruisseau des Minimes se jette dans la retenue du seuil Nageotte en voie de destruction. Ces pollutions pourront donc se diffuser plus librement dans le Cousin aval (on appelle cela la libre-circulation du poison). Les espèces-cibles de ces opérations de destruction du patrimoine hydraulique (truites, moules) sont connues pour être très polluosensibles. Pas grave, on fera des lâchers de surdensitaires pour soutenir la vente de cartes de pêche et entretenir l'illusion de la sauvage rivière morvandelle.

21/09/2016

Suppression des ouvrages et retenues: le Ministère persiste dans l'impasse

Les hauts fonctionnaires du Ministère de l'Environnement, qui fabriquent la politique des rivières et interprètent les lois dans leurs textes d'application, ont-ils compris le message déjà porté par plus d'une centaine d'interventions parlementaires sur le caractère problématique des choix actuels de continuité écologique, en particulier l'effacement prioritaire des ouvrages et de leurs retenues au lieu de leur aménagement et de leur gestion? Sont-ils réceptifs à l'appel répété de leur ministre de tutelle, Ségolène Royal, pour cesser la destruction des moulins et envisager plutôt désormais leur équipement? Il n'en est rien si l'on en juge la présentation faite avant l'été par la représentante de la Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) de ce Ministère en conclusion d'un séminaire sur les trames verte et bleue. Le mot d'ordre reste la "suppression des retenues", au nom d'arguments incomplets et imprécis. Une attitude dogmatique qui ne manquera pas de braquer les principaux concernés au lieu de les inciter à s'engager dans des actions favorables à la qualité écologique des milieux et à la prévention du changement climatique.


Le séminaire avait pour objectif de former les gestionnaires des SAGE en vue de coordonner les attentes publiques sur le climat, la trame verte et bleue, l'eau et les milieux aquatiques. Le nom de l'auteure de cette conférence (téléchargeable ici) vous est peut-être familier: il s'agit de la même représentante de l'Etat qui appelait en 2010 à "encercler les récalcitrants" pour mieux effacer 90% des ouvrages "sans usage" de nos rivières (voir cet article). Au moins observe-t-on une certaine constance: aujourd'hui comme hier, on appelle à détruire.


Les politiques publiques sont synthétisées dans cette diapositive ci-dessus, qui aurait plu à Courteline (voire à Orwell). On y retrouve l'énumération des sigles fort peu compréhensibles aux citoyens, émiettant l'action publique dans toutes sortes de "stratégies", "schémas", "planifications". L'administration y exprime sa manie de multiplier les boites rassurantes, sans que cette profusion se traduise par des avancées importantes dans le bon état chimique et écologique des masses d'eau ni au demeurant dans le rythme de progression des énergies renouvelables au sein du mix énergétique (voir par exemple notre article sur le greensplashing et le grand désordre de la politique de l'eau ; la récente analyse de l'OCDE sur les choix et résultats français en matière d'environnement; les nombreuses critiques venues de l'Europe sur notre politique de l'eau).

Quand on observe le sens des flèches dans le schéma ci-dessus, on comprend que la politique de l'eau, du climat, de la biodiversité est déclinée de manière autoritaire et verticale du plan européen au plan local : le citoyen qui la subit, bien loin d'avoir la capacité d'émettre des idées, de partager des expériences ou de poser des recommandations, est déjà écrasé par quatre échelons de travail de bureau où tout a été décidé dans le moindre détail, l'enjeu final étant de multiplier des stratégies de communication pour limiter la friction dans la machine (de fait, beaucoup de participants au séminaire ont parlé de cet angle, éduquer le citoyen au bonheur d'accepter les solutions technocratiques, dialoguer dans la limite de l'acceptation des objectifs et des moyens déjà posés, etc.)


La diapositive ci-dessus expose quelques arguments de fond de notre représentante de la DEB. Son contenu est assez navrant pour un séminaire à destination des gestionnaires (sur le fond, voir notamment cette idée reçue sur la question du réchauffement). Reprenons quelques éléments.

Rafraîchissement des eaux : quel est le différentiel de température, quel effet sur les organismes aquatiques, quelles espèces sensibles à la chaleur sur quels bassins? On ne sait pas. Certaines retenues peuvent rafraîchir l'eau de fond en été et pour parler d'eau "courante", encore faut-il que l'eau coure, ce qui n'est pas le cas dans toutes les rivières à l'étiage (et le sera de moins en moins en tendance sur certaines régions, vu le changement hydroclimatique en cours). Enfin, l'objectif d'eau toujours plus courante est contradictoire avec le reméandrage, qui ralentit l'écoulement.

Réduction d'évaporation : mêmes remarques que ci-dessus, les quelques estimations d'évaporation par retenues sur les bassins versants montrent des quantités négligeables par rapport au cycle hydrologique total et aux prélèvements quantitatifs de l'eau. On omet de signaler le caractère minime du bénéfice et d'évoquer le coût (social, économique, culturel, etc.) des solutions.

Capacité auto-épuratoire : ce mantra revient invariablement dans la communication du Ministère et de certains établissements publics, alors même que l'Irstea, l'Onema et l'Inra ont publié une expertise scientifique collective montrant qu'il n'est pas possible de tirer des assertions robustes de la recherche sur les retenues et qu'à tout prendre, cette recherche montre une épuration de l'azote et du phosphore à certaines conditions (voir aussi cette idée reçue sur l'épuration et ce travail français récent sur l'épuration des pesticides par les étangs). Le Ministère devrait s'inquiéter de ses résultats très perfectibles dans la lutte à la source contre les pollutions agricoles, industrielles et domestiques au lieu de fabriquer des cautères pour des jambes de bois.

Ralentissement écoulements : propos incompréhensible, puisque ce dernier point est clairement contradictoire des précédents.

Il y a ce que le Ministère dit et déforme, mais aussi ce qu'il ne dit pas sur le rôle des retenues (par seuil, digue, barrage) dans le changement climatique :
  • possibilité de produire une énergie locale bas carbone,
  • rôle de puits carbone (variable, à définir localement par un bilan biogéochimique),
  • rôle de puits azote et phosphore (idem),
  • zone refuge lors des étiages sévères,
  • oxygénation aval dans le sillage de la chute (compense la perte dans le retenue),
  • intérêt pour la biodiversité dans certains cas (inventaire nécessaire),
  • soutien de nappe amont, plutôt précieux en situation de réchauffement,
  • ralentissement de la cinétique de crue.


Quant à la diapositive suivante (ci-dessus), elle tire les conséquences logiques d'un diagnostic faussé : appel systématique à la "suppression des retenues", c'est-à-dire à la destruction des ouvrages.

Ce qui est quand même frappant, c'est le ton autoritaire et définitif de ces contenus. On pourrait avoir des messages (ô combien plus conformes à la réalité des conclusions de la recherche comme des échanges au bord des rivières) comme :
  • les mécanismes sont complexes, nos connaissances encore lacunaires, la prudence s'impose ;
  • en matière de biodiversité, l'examen au cas par cas doit être privilégié ;
  • une politique fondée sur la preuve s'appuie d'abord sur des diagnostics écologiques complets de chaque rivière ;
  • les rivières et les retenues n'ont pas que des enjeux écologiques ou énergétiques, d'autres angles doivent être intégrés dans une grille multi-critère (droit, culture, paysage, loisir) 
  • la question du changement climatique se pose à l'horizon du siècle, la remontée des espèces en altitude (moyenne = 13,7 m/décennie) et vers l'amont (moyenne = 0,6 km/décennie) conservant pour le moment des taux modestes ;
  • l'effet thermique d'une retenue, s'il est négatif pour le milieu concerné, peut être atténué par diverses solutions (moine, contournement), voire géré dans un sens favorable (rejet hypolimnique frais compensant une canicule par exemple). 
Mais non, la précipitation obsessionnelle à supprimer des ouvrages et retenues ne fait montre d'aucune prudence, d'aucune ouverture ni d'aucune proportion à la temporalité de l'enjeu.

Hydro-électricité face au changement climatique ? Connaît pas
Sur la question eau-climat-énergie-continuité, un thème-clé sera absent de cette conférence (alors que plus de la moitié de la consommation finale française d'énergie est encore fossile, de sorte que la prévention du réchauffement reste une problématique de premier plan par rapport à l'adaptation): l'hydro-électricité.

Pourtant, cette hydro-électricité est la première énergie renouvelable du mix bas carbone français, et celle qui a le meilleur bilan carbone en région tempérée; elle conserve un bon potentiel de développement sur les rivières et les littoraux, en particulier sur plus de 50.000 ouvrages déjà existants (voir cette synthèse, voir cet article sur le taux d'équipement), mais cette évolution est impossible si, au nom d'une vision extrémiste de la continuité écologique, on continue d'effacer ces ouvrages qui incarnent le potentiel de développement énergétique.

La solution de bon sens serait de soutenir le développement de l'énergie hydraulique bas carbone (comme le font nos voisin belges, anglais, etc.) tout en aménageant les sites pour améliorer leurs fonctionnalités écologiques, mais le Ministère a choisi depuis 10 ans de décourager les petites productions et d'encourager la destruction du patrimoine hydraulique.

Surdité complète aux objections et contestations
La Direction de l'eau et de la biodiversité reste donc sourde aux objections et contestations que suscite sa politique. Des propos rassurants sont certes distillés dans les réponses toutes faites et toutes factices aux parlementaires (voir cet exemple en mai 2016 et cet exemple en août 2016), sans qu'ils se traduisent cependant dans la pratique administrative telle qu'elle est définie par l'autorité de tutelle des agents. Celle-ci reste soumise à des orientations incomplètes et idéologiques, conduisant à des solutions dogmatiques et radicales pour le cas des ouvrages hydrauliques.

La continuité écologique a soulevé une vive opposition depuis le PARCE 2009? Peu importe, on avance sans rien entendre. De nombreuses publications scientifiques sont parues au cours des années 2000 et 2010? On les ignore en sélectionnant certaines conclusions de certaines synthèses de l'Onema, synthèses qui sont elles-mêmes déjà souvent des versions filtrées des conclusions de la recherche.

"Un peu de bon sens et moins de dogmatisme", demandait récemment l'hydrobiologiste Christian Lévêque: on n'en prend pas le chemin.

Des outils existent... mais qui les emploie au juste pour fonder les choix sur la preuve et la donnée?
Ce ton platement dogmatique des orientations du Ministère en conclusion du séminaire est d'autant plus dommageable que dans les mêmes journées de formation, il y a eu des interventions plutôt intéressantes: les outils scientifiques d'analyses de la connectivité par Kris Van Looy, Thierry Tormos et Sylvie Vanpeene (Onema, Irstea), les référentiels de diagostics par Karl Kreuzenberger (Onema), les analyses génétiques en lien à la franchissabilité de Simon Blanchet (Cnrs), cette dernière présentation étant très mesurée (voir les travaux des chercheurs sur le Célé et le Viaur).

Hélas, entre ces présentations de "pointe", ce que dit la direction de l'eau et de la biodiversité, ce que font les syndicats, parcs et EPTB sur le terrain, il y a un fossé, et parfois un gouffre. Assez typiquement, pourquoi les contrats de millions à dizaines de millions d'euros signés entre l'Agence de l'eau et les établissements gérant nos rivières (SICEC sur la Seine, Syndicat du Serein, Syndicat de l'Armançon, Parc du Morvan sur Yonne-Cure-Cousin) n'incluent pas une obligation préalable d'attribuer une partie des fonds à la mobilisation des outils présentés lors du séminaire, afin de faire de vrais diagnostics sur les pressions, les ruptures de connectivité, les priorités? Au lieu de cela, on dépense l'argent au cas par cas pour des bureaux d'études dont les travaux n'enrichissent pas vraiment le socle de connaissance commune de manière durable et n'exploitent pas de manière cohérente tous les référentiels disponibles à échelle station, tronçon et bassin (voir cet article sur le diagnostic écologique des rivières que nous attendons).

Conclusion
Une politique de l'eau, en particulier une politique de continuité écologique, se condamne à l'échec si les responsables de l'action publique au plan national persistent à adopter des argumentations aussi partiales que partielles et à imprimer des orientations aussi radicales. Il est tout à fait possible d'améliorer certains effets écologiques négatifs des ouvrages, mais aussi de les faire participer à la lutte contre le changement climatique: ce n'est pas en commençant par braquer tout le monde avec le dogme de l'effacement du maximum d'entre eux que l'on y parviendra. Que les fonctionnaires de la DEB ne le comprennent toujours pas en 2016 indique une très inquiétante incapacité à tenir compte de la réalité. Mais soyons-en sûr, celle-ci se rappellera à leur bon souvenir.

19/09/2016

Sur la Cure, deux poids deux mesures

Les moulins des tronçons de la Cure classés au titre de la continuité écologique doivent affronter toute la rigueur des contrôles administratifs et des exigences de mise en conformité. Pendant ce temps-là, les grands barrages de la rivière continuent d'impacter le franchissement piscicole, le transit sédimentaire, le régime des débits et la température de l'eau. Les associations de pêche sont quant à elles autorisées à déverser des poissons qui ne sont pas autochtones au bassin de Seine, curieuse conception de la défense de "l'intégrité biotique" affichée avec tant de détermination quand il s'agit d'autres usagers de l'eau. Les gestionnaires actuels de rivière (DDT, Onema, Fédération de pêche, Agence de l'eau, Parc du Morvan) ne sauraient cautionner indéfiniment cette rigueur à géométrie variable. Soit on admet que le bassin de la Cure est un hydrosystème anthropisé, et l'on respecte l'ensemble de son patrimoine et de ses usages tout en cherchant des bonnes pratiques consensuelles pour ne pas dégrader son environnement. Soit on prétend "renaturer" le milieu, et on montre l'exemple sur les ouvrages gérés par les entreprises à capitaux publics comme dans les pratiques des associations ayant un agrément public. Les riverains et les propriétaires d'ouvrages refusent d'être plus longtemps les victimes expiatoires de choix aussi irrationnels qu'inéquitables.

Notre association est engagée sur plusieurs chantiers de défense des ouvrages de la Cure, notamment la suppression indue du droit d'eau du moulin de Chastellux-sur-Cure et la résistance aux fortes pressions administratives pour l'effacement du plan d'eau et du déversoir de Bessy-sur-Cure.

L'acharnement de certaines parties prenantes de la politique de l'eau sur les ouvrages de petite hydraulique a de quoi surprendre.

D'abord, nombre d'ouvrages de moulins ont aujourd'hui disparu de la Cure ou sont échancrés, de sorte que leur impact (s'il existe) est plutôt en baisse tendancielle. Cette influence n'empêche pas la rivière d'avoir d'excellents scores sur les composantes biologiques de son état écologique tel qu'il est défini par la directive cadre européenne européenne sur l'eau.

Ensuite, la problématique de continuité longitudinale de la Cure a été décidée "à la carte" par l'administration, et non pas en fonction d'une logique purement environnementale. Que nous dit en effet le classement de décembre 2012 sur le bassin Seine-Normandie ?  La Cure a été classée en liste 2 au titre du L 214-17 CE de la manière suivante (voir l'arrêté, pdf) :
  • De sa source à la limite aval de la masse d’eau: [FRHR. 49A] la Cure de sa source à l’amont du lac des Settons (exclu)
  • De la limite amont de la masse d’eau : [FRHR. 49C] la Cure de l’aval du lac des Settons à l’amont de la retenue de Crescent (exclu) au point défini par les coordonnées L. 93 : X : 770998, Y : 6698207
  • Du point défini par les coordonnées L.93: X: 768404, Y : 6699076 à la confluence avec le cours d’eau principal : [F3--0200] L’Yonne
Un image aide à comprendre ce très étrange découpage, qui n'a évidemment rien d'écologique (ni de très honnête intellectuellement) : il s'agit des équipements hydro-électriques EDF sur le bassin.


Aménagements EDF en Morvan, citation extraite de la brochure "Les aménagements hydro-électriques du groupement Bourgogne", EDF. Sur la Cure on voit ici les barrages de Crescent et de Malassis, ainsi que le débit dérivé qui est exploité à Bois-de-Cure. L'ouvrage de Chaumeçon est sur un affluent, le Chalaux. Le lac des Settons, plus à l'amont, n'est pas représenté. 

Outre le barrage des Settons, qui dès le XIXe siècle a empêché la remontée du saumon vers les sources, la Cure est massivement modifiée par des grands ouvrages qui changent son hydrologie, sa franchissabilité piscicole, son transit sédimentaire et sa température. Mais ces ouvrages n'ont pas fait l'objet d'obligation de continuité, alors que de tels impacts sont justement au coeur de l'exploration scientifique de la notion de discontinuité de la rivière.

Enfin, en examinant le dernier rapport annuel de l'association Avallon Morvan pour la pêche (lien pdf), nous avons la surprise de lire cette information :
"Pour la 9 ème année consécutive, nous avons réalisé un alevinage de 2000 ombrets sur la moyenne Cure, en participation avec la Fédération de l’Yonne qui nous apporte toujours son soutien. Des poissons, dont la taille varie de 20 à 38 cm, sont régulièrement capturés entre le lac de Malassis et le Chalet du Montal."
Nous sommes surpris parce que l'ombre commun (Thymallus thymallus), originaire du Danube, est autochtone en France dans le Nord-Est et le Massif central, mais n'est nullement attestée sur le bassin de Seine. Sa présence y résulte d'introductions volontaires afin de satisfaire les pêcheurs. Il est pour le moins étonnant que les services instructeurs de l'Onema ou les services techniques des fédérations de pêche (qui ont un agrément public), connus pour développer des grilles de lecture "biotypologique" où chaque déviation par rapport au peuplement supposé "naturel" d'une rivière est déplorée comme une preuve d'altération, ne trouvent par ailleurs rien à redire quand on déverse des poissons exogènes dans la rivière pour satisfaire un loisir.

A dire vrai, cette "naturalité idéale" du peuplement piscicole paraît assez fantaisiste puisque le tiers de la diversité spécifique des poissons du bassin de Seine est d'ores et déjà composé d'espèces importées (voir les travaux du Piren 2009), et les lacs du Morvan sont abondamment peuplés de certains de ces nouveaux-venus, y compris quand ils sont gérés par des associations de pêche (voir des données d'histoire chez Belliard et al 2016).

En revanche, la moindre des choses est de ne pas tenir des doubles discours ni d'adopter des doubles standards : tolérer qu'on modifie un peuplement quand on est pêcheur, mais ne pas le tolérer quand il s'agit de l'effet local d'un seuil de moulin ; accepter des barrages de dizaines de mètres de hauteur et barrant le lit majeur, mais exiger la destruction des chaussées de moins de 2 m noyées en crue.

Cette politique à géométrie variable n'est pas tolérable. Et les citoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus la tolérer, dès lors qu'ils en sont informés.

Note sur l'étang de Bussières
Dans le même bilan de l'association Avallon Morvan pour la pêche, nous lisons : "A notre demande, la Fédération de pêche s'est portée acquéreur de l'étang de Bussières qui était à vendre. Cet étang, qui a des effets désastreux sur la rivière Romanée, devait être arasé dans le cadre de la continuité écologique. La vidange de l'étang est programmée sur plusieurs mois de sorte à permettre la végétalisation progressive des boues de sorte à ne pas envaser le lit de la Romanée." Notre association va bien entendu réclamer des explications à la Préfecture sur ce projet, et en particulier vérifier si un inventaire complet de biodiversité de l'étang a été réalisé. Des plans d'eau proches, comme par exemple l'étang de Marrault (co-géré par l'AAPPMA), sont en effet classés ZNIEFF en raison de leur intérêt pour la biodiversité, qui ne se résume nullement aux salmonidés si chers aux pêcheurs (les poissons en général représentent environ 2% de la biodiversité aquatique). Un projet d'aménagement doit prendre soin de vérifier qu'il n'entraîne pas de perte nette de cette biodiversité, et le fait que ce projet soit à prétention "écologique" ne signifie nullement qu'il respecte les bonnes pratiques (d'autant que certains confondent facilement enjeu écologique et enjeu halieutique).

Quant au Parc du Morvan, nous lui rappellerons les termes de sa charte : "Le Parc naturel régional véhicule une image forte, en tant que territoire reconnu pour ses qualités naturelles et paysagères. Le paysage est donc une des sources principales de l'image du Morvan pour la société actuelle (dans ses dimensions sociales et culturelles). Il est utilisé comme valeur de référence pour évoquer le Morvan et comme un atout économique pour l'attractivité du territoire (tourisme et nouveaux habitants)." Les plans d'eau font partie intégrante de ce paysage morvandiau, et l'on ne voit guère ce que leur destruction apporte aux riverains et aux visiteurs.


La chute après la digue de l'étang de Bussières.