09/03/2017

SOS Loire vivante sur la continuité: un concentré d'approximations

Les récentes réformes apportées à la continuité écologique déplaisent à SOS Loire vivante comme au réseau clonal des pêcheurs à la mouche en colère qui gravite autour de cette structure. On se demande s'il est encore possible de trouver dans le mouvement environnementaliste des interlocuteurs disposés à un minimum de recul et d'autocritique, pour avancer sur ce thème de la continuité sans adopter des langues de bois et des postures stériles qui ont d'ores et déjà mené à l'échec. Mais après tout, chacun est libre de ses opinions. Le plus inquiétant pour la légitimité des politiques publiques reste la porosité d'une partie de l'administration française à ce discours maximaliste, alors que  la loi n'a jamais promu l'effacement du patrimoine hydraulique et que le législateur vient encore de repréciser sans aucune ambiguïté sa réprobation de cette issue.


La déjà vénérable association SOS Loire Vivante est née de l'opposition à la construction de barrages sur la Loire dans les années 1980. Une action qui n'était pas dépourvue de sens à l'époque, car les lourds aménagements du XXe siècle sur les grands axes fluviaux montraient des effets négatifs sur la biodiversité et le fonctionnement des hydrosystèmes. Autre temps, autres moeurs: en fait de lutter contre l'Etat aménageur de grands barrages, SOS Loire vivante et son réseau se mettent désormais à la remorque de l'Etat effaceur de petits moulins et empêcheur de leur relance énergétique. C'est aujourd'hui un lobby piloté par les mêmes équipes que l'European River Network, Rivières sauvages et quelques autres produits dérivés – pourquoi se priver de subventions lorsque le clonage associatif est autorisé et les troupes pas si nombreuses?

L'association se plaint ainsi dans sa lettre d'information LoireFlash du 6 mars 2017 de l'évolution récente de la loi française sur le thème de la continuité écologique. Il est écrit dans cette publication : "Depuis plusieurs années un lobby intéressé exerce une pression contre la politique de restauration de la continuité écologique exemplaire de la France. Dernier acte: le 15 février, le Sénat a voté un projet de loi incluant un amendement abusif déposé en catimini. Il inscrit dans la loi un moratoire sur les continuités écologiques, permettant l’équipement d’un nombre important de microcentrales de petite taille sur des moulins."

Est associée à cette courte analyse une copie de la lettre aux sénateurs qui avait suscité de notre part un précédent commentaire.

On trouve une concentration d'imprécisions assez remarquable en si peu de lignes, mais il est vrai que depuis le début, la rigueur n'est pas vraiment de mise sur ce dossier. Voici donc quelques commentaires, où l'on va prendre comme d'habitude le temps d'expliquer et ré-expliquer assez précisément les choses, car nous préférons pour notre part la pédagogie et l'argumentation au simplisme et au raccourci.

"Lobby intéressé", le jeu du "c'est celui qui dit qui l'est" -  Un "lobby intéressé" de la pêche (qui contresigne la lettre aux sénateurs, qui co-finance Rivières sauvages et son réseau, qui porte au premier chef la continuité dans toutes les obscures commissions administratives) et de l'écologie radicale du ré-ensauvagement se plaint qu'un "lobby intéressé" défende une autre idée de la rivière que la sienne. En fait de "lobby" (mais pourquoi pas ce terme), on parle ici d'associations ou de syndicats qui interpellent des élus pour transmettre des protestations, des objections ou des propositions. Cela s'appelle la démocratie, SOS Loire vivante fait exactement la même chose, et pareillement ses camarades de FNE, de la FNPF et autres groupes essayant d'influencer les politiques publiques en fonction de leur vision particulière de la rivière – une vision que sont très loin de partager tous les citoyens –, ainsi que de certains usages. En l'occurrence, la demande de moratoire sur la mise en oeuvre catastrophique de la continuité écologique est portée par des représentants nationaux des moulins, des riverains, des étangs, des forestiers, des agriculteurs, des micro-hydro-électriciens, des défenseurs du petit patrimoine rural, du patrimoine historique et du paysage, à quoi s'ajoutent les centaines de signataires associatifs locaux, plus divers encore. Cela fait quand même beaucoup de monde qui se plaint de l'absence de concertation et du parti-pris manifeste de l'administration française en faveur d'une approche peu partagée de la rivière, et parmi ce monde beaucoup de structures sans but lucratif. Cela sans compter les collectifs spontanés de riverains qui se lèvent un peu partout pour s'opposer aux projets de destruction planifiée de leur cadre de vie. Balayer toute cette réalité comme un "lobby intéressé", c'est infantile et cela indique le mépris dans lequel on tient la vraie concertation, celle qui doit se mener avec des gens ne partageant pas votre point de vue. Pour un mouvement né du refus social des grands projets inutiles et nuisibles imposés par l'Etat, se retrouver du côté de l'éloge des attitudes autoritaires et des manoeuvres opaques de la bureaucratie a de quoi interroger.

"Exemplaire"... pour qui au juste? - Le caractère "exemplaire" de la restauration française de continuité n'est pas la qualification qui vient à l'esprit, sauf peut-être si l'on touche des subventions publiques pour caresser la main qui nourrit. Car enfin, outre les critiques des partenaires mentionnés ci-dessus du moratoire, les politiques ont été assez unanimes à reconnaître qu'il y a des problèmes dans cette mise en oeuvre (à des degrés divers, les nombreuses déclarations de la ministre en charge de l'environnement, le rapport Pointereau, la proposition sénatoriale visant au pragmatisme et discernement récemment adoptée, le rapport Dubois-Vigier, etc.) tout comme le rapport CGEDD 2016 sur la biodiversité et, en 2012, le premier rapport du CGEDD sur ce thème de la contidnuité (audit interne à l'administration, peu suspect d'être "télécommandé"). On attend toujours le nouveau rapport du CGEDD sur la continuité, demandé par le Ministère en décembre 2015, transmis à la ministre un an plus tard, mais non rendu public pour le moment. Ces critiques sur la continuité écologique s'accompagnent des reproches faits à la France de négliger la lutte contre les pollutions, qu'ils viennent de l'OCDE ou de l'Europe (laquelle doute notamment du flou français sur l'impact réel de l'hydromorphologie), négligence où l'on voit l'effet indirect des billevesées et centaines de millions d'euros gâchés à traquer le plus petit moulin sur la plus petite rivière comme un soi-disant facteur gravissime de dégradation de l'eau. Par ailleurs, la Commission européenne ne demande nullement d'effacer les ouvrages, mais propose de les aménager dans son Blue print 2012, tout comme la Directive cadre européenne insiste avant tout sur la pollution, où la France est tout sauf "exemplaire". Bref, la folie consistant à classer 20.000 ouvrages hydrauliques à traiter de manière obligatoire en 5 ans sans même avoir le budget, le personnel et le consentement des principaux intéressés pour le faire ne rend en rien la France admirable. Au contraire, nous avons pris le contrepied de la plupart des préconisations de bonne gouvernance des projets en restauration écologique, et nous en payons le prix.

Un large consensus assumé… "en catimini" - En fait d'un "amendement abusif déposé en catimini", il y a eu avis négatif du gouvernement sur le premier amendement Chasseing déposé au Sénat, puis un travail de la commission mixte paritaire Assemblée nationale - Sénat, puis une adoption d'un texte de consensus qui a donné lieu à des commentaires par chaque groupe lors du vote. Ce travail a été parfaitement transparent. Notre association a des réserves sur ce texte, mais dire qu'il est passé en douce est totalement inexact. Et cela devrait faire réfléchir SOS Loire vivante, ses amis et ses alliés dans l'administration, puisqu'il y a eu au contraire une convergence politique transpartisane pour cesser la casse du patrimoine hydraulique et de son potentiel énergétique. Si certains préfèrent s'enfermer dans la pureté des attitudes ultraminoritaires, grand bien leur fasse. Mais qu'ils ne se plaignent pas de la régression assez logique de leur cause dans l'opinion et dans la décision politique.

Illusion de "moratoire", portée restreinte de la réforme - Ce texte n'inscrit absolument pas "un moratoire sur les continuités écologiques" dans la loi, il se contente d'exempter les moulins producteurs d'électricité en rivière de liste 2 des obligations de continuité longitudinale. Il faut noter que l'administration s'est dotée de plusieurs autres outils réglementaires pour imposer cette même continuité (article R 214-17 CE, article R 214-18-1 CE, arrêté du 11/09/2015), et pas seulement sur les rivières classées L2.  C'est d'ailleurs le problème : le nouvel article L 214-18-1 CE n'adresse pas les problèmes de fond que rencontre la continuité écologique à la française. Il ne sera donc pas le dernier sur ce sujet, car nous avons besoin d'un travail constructif pour une continuité plus intelligente et plus équilibrée.

Des moulins qui avaient déjà le droit de s'équiper - Dire que ce texte permet "l’équipement d’un nombre important de microcentrales de petite taille sur des moulins" est un non-sens (sauf à suggérer que certains au sein de l'administration envisageaient froidement la continuité comme étant en fait une mesure dissuasive du ré-équipement des petites puissances, hypothèse que l'on n'ose imaginer vu la nécessaire neutralité des fonctionnaires...). Que ce soit en liste 1, en liste 2 ou ailleurs, on peut déjà équiper un moulin en hydro-électricité, pourvu que l'ouvrage dispose d'une autorisation reconnue par l'administration. Le nouvel article L 214-18-1 CE n'y change rien. Le Conseil d'Etat a d'ores et déjà annulé et condamné des excès de pouvoir de l'administration, comme le refus de principe de construire un nouvel ouvrage en liste 1 ou le refus de reconnaître la puissance réelle liée au droit d'eau des moulins.  N'en déplaise à un petit groupe de structures très partiales sur ce sujet, et parfois très "intéressées" elles aussi quand leur loisir est concerné, l'hydro-électricité est une énergie reconnue par les programmations françaises et européennes relatives à la transition énergétique, dont le développement est inscrit dans la "gestion équilibre et durable" de l'eau que définit notre droit (article L 211-1 CE). Elle figure parmi les sources d'énergie qui ont le meilleur bilan carbone, donc la meilleure efficacité dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. En particulier, les anciens moulins à eau visés par le nouvel article L 214-18-1 CE (retenues de petite taille avec un génie civil ancien déjà en place et évitant de couler trop de béton) offrent le bilan CO2 le plus remarquable, et devraient donc être soutenus en proportion de la qualité carbone de leur kWh.

Conclusion: la continuité dégradée par des postures extrêmes - Que certains milieux pêcheurs, loin d'être représentatifs de la totalité de la pratique de ce loisir, expriment une hargne militante en faveur de la destruction des moulins, étangs, usines hydro-électriques et autres ouvrages hydrauliques, c'est leurs oignons après tout, 97% des Français ne sont pas concernés par ce loisir, encore moins par sa déclinaison bizarrement agressive envers d'autres usages de l'eau. Que l'approche environnementaliste soit presqu'uniquement représentée par ces postures radicales sur la question de la continuité écologique, cela nous paraît en revanche un vrai problème pour la qualité du débat sur l'environnement et pour l'indispensable construction de solutions consensuelles (car il faudra bien avancer sur cette continuité). Que le ministère et les agences de l'eau aient aligné leur politique de suppression souhaitée de "90% des ouvrages inutiles" sur cette aile radicalisée et non représentative des riverains, ce n'est plus seulement un problème : c'est un scandale démocratique. Fort du soutien de la loi, nous aurons pour notre part une tolérance zéro vis-à-vis des pressions administratives tendant à persister dans la voie sans issue des destructions imposées par chantage financier et réglementaire ; et nous appelons toutes les associations de défense des ouvrages, des rivières et de riverains à adopter cette ligne claire. Ensemble, nous allons rendre l'écologie réellement exemplaire en France, en rappelant qu'elle ne peut exister sans intégrer les dimensions multiples de la rivière.

07/03/2017

Un cas d’école dans le Calvados: l'effacement des ouvrages du moulin de Crocy

Suite à notre article sur les ravages paysagers et patrimoniaux de la continuité écologique sur la Dives, M. Marcel Coulon, de l'Association pour la sauvegarde de la Dives, nous fait parvenir ce compte-rendu détaillé de la manière dont le moulin de Crocy a vu son système hydraulique plusieurs fois centenaire détruit et son bief asséché. On y rencontre une fortunée Fédération de pêche qui peut se permettre d'acheter un barrage et un bief pour 70 k€ dans le but de les détruire, puis rétrocéder le foncier à l'euro symbolique à une commune dont plusieurs édiles, ô surprise, sont aussi impliqués dans le monde halieutique. Et nos "sauveurs de la rivière" font disparaître sans état d'âme le système hydraulique de l'un des plus importants moulins de la région, tout en proposant pour calmer les riverains d'alimenter le cloaque du bief desséché par une pompe électrique, et de construire un pont en béton dont l'esthétique peut faire débat. Coût: un demi-million d'euros couvert par l'Agence de l'eau Seine-Normandie, connue pour son acharnement dogmatique en faveur des effacements. On a hâte de comparer les indicateurs biologiques avant et après pour comprendre les gains sans doute prodigieux de ce pharaonique chantier, car les riverains sont pour le moins sceptiques sur le caractère d'intérêt général de telles dépenses d'argent public. Pour ceux qui ont échappé au massacre et sont attachés au patrimoine, rappelez-vous les règles de base: adhésion à une association pour vous défendre, refus de tout effacement et de tout chantage visant un effacement, contentieux si vos interlocuteurs administratifs ou halieutiques persistent à exercer des pressions en ce sens. Le clan des casseurs n'a prospéré que sur la faiblesse, l'ignorance et l'isolement des gens: ce temps est révolu. 


Le Syndicat Mixte du Bassin de la Dives (SMBD) est créé le 1er janvier 2013. Il fonctionne avec son comité de pilotage composé d’élus des communes concernées du Calvados. A peine installé, suivant les préconisations de l’Agence de l’eau, le SMBD lance les études d’arasement de tous les barrages du bassin versant de la Dives par des agences spécialisées.

Crocy est une petite commune rurale de 300 habitants située le long de la Dives, au sud du Calvados à la limite de l’Orne. L’existence d’un important moulin à blé au Hameau des Moulins sur la commune de Crocy est attestée depuis le XVIIe siècle dans des documents aux Archives Départementales. Ce moulin a cessé son activité en 1984. Il était alors composé de :

  • un barrage sur la Dives situé dans le hameau de Vitreseul constitué de 4 vannes métalliques d’un seul tenant en parfait état, installées au début des années 2000. Répartition des débits entre la Dives et le bief estimée respectivement à environ 30 % et 70 %, en moyenne,
  • 50 m plus bas, un petit barrage sur le bief avec 2 vannes du même type et déversoir,
  • le moulin installé au bord du bief à 2km en aval qui disposait d’une hauteur de chute de 4m,
  • son équipement : une turbine, 8 cylindres de mouture, une génératrice électrique, etc.,
  • la capacité de production de la minoterie : 80 quintaux par jour, ce qui en faisait un des moulins à blé et orge les plus importants de la région. 

Le SMBD commande l’étude de l’arasement du barrage de Crocy / Vitreseul à la société Artelia en 2013. L’ensemble formé par le barrage, son long bief et le moulin appartenaient à la "Société Civile Immobilière (SCI) Le Moulin de Crocy" qui l’a acheté en 1992 à la famille Vauvrecy résidant à Montigny (14). Le SMBD informe cette SCI qu’elle doit mettre ses 2 barrages en conformité avec la réglementation : ils ne sont pas équipés de passes à poissons permettant la libre circulation des poissons migrateurs. De plus, pour assurer le transit des sédiments, le mieux serait l’arasement des barrages. Dans ce cas, les travaux seront pris en charge à 100 % par l’Agence de l’Eau. La SCI répond qu’elle n’est pas intéressée par ces travaux, qu’elle est prête à tout vendre. Son souhait de vendre arrange tout le monde.

La Fédération de pêche du Calvados se porte acquéreur mais uniquement des parcelles constituant le bief. Marché conclu. Mr B., propriétaire-riverain au niveau du barrage de Vitreseul, soutient le projet d’arasement avec vigueur car il n’arrive pas à s’entendre avec la SCI à propos de l’exploitation du vannage.

Les élections municipales de mars 2014 approchent avec une possibilité de changement pour une équipe municipale favorable à l'arasement. On préfère donc attendre le résultat des élections tout en continuant à travailler sur le dossier. Mme Clara Dewaele, jeune et récente résidente à Crocy (depuis 2012), brigue la mairie de Crocy. Sa liste est élue dès le premier tour. Mme B. entre au Conseil Municipal et est nommée 1ère adjointe.

Cette configuration favorable se prolonge autour de la Société de pêche : un concours de circonstances fait que le Président de la Société de pêche de Crocy souhaite passer la main.  On propose alors le poste à Mr B. qui l’accepte volontiers bien qu’il ne soit pas pêcheur. Il sera nommé Président de la Société de pêche de Crocy en février 2015.  Mme Clara Dewaele, une fois maire, est élue 8ème vice-présidente du Conseil départemental du Calvados en mars 2015. Elle est aussi une membre active de la Société de pêche de Crocy, élue à la commission de contrôle. On compte sur elle. Avec cet ancrage, l’opération peut être lancée, puis les travaux réalisés.

En juin 2014, la Fédération de pêche du Calvados achète le barrage, le bief et son droit d’eau à la "SCI Le Moulin de Crocy" pour 70 000 €. On ignore comment la Fédération a financé cet achat. Quant au moulin, il sera vendu séparément un an plus tard à un couple de particuliers.

Le rapport d’avant-projet d’Artelia est présenté au Conseil municipal par des techniciens spécialistes des rivières. Le barrage et son vannage seront supprimés, l’entrée du bief sera remblayée. L’eau dans le bief sera maintenue au même niveau qu’avant les travaux par un pompage électrique dans un puits à créer à proximité dans le lit de la rivière. Il est proposé en prime de supprimer les 2 ponts de Vitreseul, l'un sur le bief en bon état et l'autre sur la rivière un peu fatigué, et de les remplacer par un beau pont tout neuf sur la Dives. Coût de l’opération : 0,5 M €.

Le projet est "discutable mais non négociable" avec le rituel chantage financier:  ou bien vous l’acceptez tel quel et il est financé à 100 % par l’Agence de l’Eau, ou bien vous le refusez, vous ne bénéficierez d’aucune subvention et le bief sera remblayé. Le Conseil municipal accepte le projet à la demande des riverains du bief qui souhaite le conserver en eau.

Il y eut aussi une réunion de présentation aux riverains à laquelle n’assistaient aucun des conseillers municipaux à l’exception de Mme Dewaele. Celle-ci n’a pas dit un seul mot pendant toute la réunion ce qui a parait-il, étonné les participants. Selon plusieurs témoignages, les présentateurs auraient surtout brillé par leurs certitudes et leur arrogance.

Dans le rapport général d'Artelia réf. 4-53-1224 de novembre 2013 - page 78, le débit mesuré dans le bief de Crocy est 0,4 % de celui de la Dives en amont. Or d'après plusieurs riverains, beaucoup d'eau coulait dans le bief avant les travaux, on y pêchait des truites. Une personne âgée s’y est même noyée, un soir. Il semblerait donc que la modélisation ait été pipée, en fermant les 2 vannes qui se trouvaient à l'entrée du bief. Cela reste à vérifier dans le rapport spécifique à Crocy auquel nous n'avons pas pu avoir accès.

Les travaux de destruction des ouvrages hydrauliques et de modification du bief sont commandés comme d’habitude à l’entreprise Lafosse, Sannerville (14) qui a le monopole des travaux sur la Dives. Ils sont réalisés tambour battant entre fin 2015 et début 2016. Nous rappelons ici que ces travaux sont payés par des fonds publics.

Aujourd’hui, l'entrée du bief est effectivement remblayée, le niveau d’eau y est maintenu artificiellement par une pompe de relevage de trop faible débit (25 m³/h) et par plusieurs petits barrages en béton répartis sur son parcours. La Municipalité gère le pompage assumant "les coûts inhérents" (sous-entendu l’alimentation électrique). L’eau dans le bief est pratiquement stagnante, elle n’atteint plus le moulin. Il n’y a plus de poissons, peut-être des grenouilles puisqu’on y a vu un héron l’été dernier.


Aux dernières nouvelles, la Fédération de Pêche céderait le marigot (ex-bief) à la Municipalité pour 1 € symbolique, charge à celle-ci d’en assurer l’entretien. Elle aurait donc une perte sèche de 70 000 €. La Fédération semble avoir joué ici un rôle de paravent afin de justifier "qu'il s'agit de travaux privés sur des biens privés" (réf. lettre du 03 janvier 2017 signée par la Mairie de Crocy, mais ostensiblement rédigée par le SMBD : même présentation, même police de caractères). La question posée portait sur la responsabilité des élus face à la politique de l’Agence de l’eau.

Les riverains rencontrés sont conscients que l'affaire n'est pas claire. Certains se plaignent du résultat. De plus, ils auraient préféré que les deniers publics soient utilisés pour installer un assainissement tel qu’un tout-à-l’égout. A noter que les propriétaires actuels du moulin auraient été d'accord pour l'équipement d'une micro-centrale hydroélectrique. Mais comme nous l’a dit un conseiller municipal : "Vous arrivez bien trop tard !"

Maintenant plutôt que maintenir un pompage ridicule et contraire aux économies d’énergie, il serait envisageable d'agencer une répartition naturelle des débits entre la Dives et le bief à l’aide de seuils convenablement dimensionnés. Dans son courrier cité plus haut, la Mairie de Crocy nous a écrit que les travaux réalisés "permettent dorénavant de limiter le débordement au droit de 2 habitations". Or parmi ces 2 habitations, se trouve celle de Mr et Mme B. Surprenant, non ?

Les questions de fond demeurent : pourquoi l’Agence de l’eau Seine-Normandie met-elle un tel acharnement dans l'arasement des barrages? Comment accepter qu’une agence publique utilise pour ce faire des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt collectif?

06/03/2017

Des carpes, des moules et des ouvrages: défragmentation et invasion

Inquiétude des gestionnaires : la carpe de roseau se répand dans le Saint-Laurent au Canada tandis que l'anodonte chinoise, une moule, envahit les eaux belges. L'arrivée d'espèces dites exotiques voire envahissantes est un événement fréquent. Dans ces deux exemples, la fragmentation des rivières par les barrages et les seuils est un trait reconnu pour ralentir ou stopper le front de colonisation. Inversement, la promotion de la libre circulation du maximum d'organismes aquatiques, par suppression des obstacles, favorise aussi les invasions et donc affaiblit l'intégrité biotique des assemblages d'espèces patrimoniales. En écologie, on vise le long terme sur la base d'une information incomplète et d'une évolution incertaine des milieux: ne vaut-il pas mieux favoriser des solutions réversibles de franchissement au droit des ouvrages hydrauliques, option qui nous laisse un pouvoir de régulation et donc d'adaptation aux enjeux de demain?

Lors de la rencontre des scientifiques avec les parlementaires du 23 novembre 2016, Christian Lévêque avait évoqué la question des espèces invasives en lien avec la continuité: "Quelques mots de la trame bleue : nous avons réalisé le rêve de Charlemagne en réunissant le bassin du Danube à celui du Rhin, grâce au canal Main-Danube. Depuis, des espèces danubiennes arrivent dans nos rivières… La continuité écologique, c’est donc aussi la progression des espèces invasives. Je n’ai personnellement rien contre ces dernières – mais il existe des programmes de lutte contre leur propagation. Il faudrait donc assurer une certaine cohérence politique : soit on lutte contre les espèces invasives, soit on crée les conditions de leur arrivée" (source).

Le fait que ce chercheur en hydrobiologie ait publié un livre sur la question n'a pas empêché, sur les forums de discussion, des critiques généralement anonymes de considérer cet argument comme irrecevable et de mauvaise foi. Il est vrai qu'une certaine doxa de la continuité écologique défend chèrement sa position installée dans les instances de gestion, et ne montre guère d'aptitude à l'autocritique ni au débat.

L'actualité nous offre pourtant deux exemples précis de la question soulevée par Christian Lévêque.


Au Canada, les gestionnaires de l'eau se sont récemment alarmés de la présence, dans le fleuve Saint-Laurent, de la carpe de roseau (Ctenopharyngodon idella), l’une des quatre espèces de carpes asiatiques. L'espèce a été identifiée grâce aux techniques de metabarcording par ADN environnemental. Depuis les années 1960, quatre espèces de carpes asiatiques (argentée, à grosse tête, de roseau et noire) ont été importées aux États-Unis. Ces espèces atteignent une grande taille, avec une forte vitesse de croissance et un taux de reproduction élevé. Après quelques décennies de colonisation du bassin du Mississippi, ces carpes asiatiques y représentent 90 % de la biomasse par endroits et altèrent l’habitat des espèces patrimoniales, entraînant perte de biodiversité et effondrement de l’offre de pêche.

Parmi les mesures du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs pour contrer un semblable scénario dans le bassin du Saint-Laurent, on peut lire: "Afin d’agir sur les vecteurs de propagation de pathogènes et d’espèces aquatiques envahissantes, le Ministère entend poursuivre l’implantation de saines pratiques de nettoyage des embarcations et de gestion de l’eau des viviers. Une attention particulière sera également portée à la gestion des barrages et des passes migratoires afin de limiter la propagation de carpes asiatiques du fleuve Saint-Laurent vers les eaux intérieures."

Cette mesure n'a rien d'exceptionnel : nous avions rappelé dans un article de synthèse comment les barrages et seuils sont utilisés pour essayer de réguler les populations des espèces aquatiques invasives. Le Canada s'y emploie déjà pour prévenir la colonisation des lamproies marines dans les Grands Lacs.


Autre exemple de l'actualité : l'inquiétude manifestée en Belgique face à l'arrivée de l'anodonte chinoise (Sinanodonta woodiana), une moule d'origine asiatique considérée comme invasive. Elle a été introduite en Europe dans les années 1960, en France en 1982 lors de l’importation de carpes communes et d’amours blancs. Comme les moules zébrées et les corbicules, l'anodonte montre une grande plasticité et une bonne tolérance à des conditions très diverses (substrat, température). Elle est donc capable de se répandre facilement dans les rivières, canaux ou étangs, où elle tend à s'installer de manière hégémonique en extirpant les espèces patrimoniales de mollusques.

Au sujet de cette moule chinoise dans le bassin rhodanien, Benjamin Adam (Biotope) faisait les observations suivantes : "La colonisation du Rhône et des parties aval de certains de ses affluents jusqu’à Donzère, des eaux douces de Camargue et Petite Camargue ainsi que de la partie aval du fleuve Vidourle est facilement compréhensible. En effet, il n’existe pas de discontinuités majeures entre ces milieux aquatiques et les poissons porteurs de glochidies peuvent s’y déplacer librement. (…) Toujours concernant cette colonisation, il faut souligner le rôle des canaux en tant que voie de pénétration dans les milieux naturels -canaux d’irrigation, de drainage, de navigation- et en particulier le canal du Rhône à Sète qui a pu permettre à l’espèce de sortir du bassin du Rhône pour rejoindre le bassin du Vidourle. (…) A l’inverse, les barrages et les seuils limitent les possibilités de déplacement des poissons et ont de fait limité l’expansion de l’Anodonte chinoise, comme cela a été noté sur la Cèze. Sur cette rivière il existe en amont de seuils infranchissables pour les poissons des milieux favorables à l’espèce qui n’ont pas été colonisés" (Adam 2010).

Quelques observations pour conclure :
  • si les tendances déjà observées (globalisation, changement climatique) se poursuivent au cours de ce siècle, plus on rendra les rivières transparentes à toutes espèces, plus on accélérera les changements biologiques par des espèces introduites;
  • cette issue n'est pas forcément dramatique, car le vivant n'est pas un musée à jamais figé, mais cela rend peu audible l'espoir de conservation d'une "intégrité biotique" généralisée à toutes les rivières. Une bonne part de la biodiversité est désormais hybride, résultant aussi bien des activités humaines; 
  • en dernier ressort, la présence d'ouvrages n'empêche pas la circulation d'espèces sur un grand nombre de bassins, souvent en effet secondaire d'autres activités humaines (pisciculture, pêche, tourisme) ce qui contredit une certaine doxa selon laquelle un obstacle à l'écoulement bloquerait les échanges au sein du vivant;
  • mais, si l'on préserve les ouvrages hydrauliques avec des solutions réversibles pour les rendre franchissables ou infranchissables en fonction des conditions de milieu, on dispose néanmoins d'un moyen de régulation et de ralentissement du front de colonisation des invasives, permettant éventuellement de développer des plans d'éradication si certaines espèces se révèlent particulièrement dangereuses pour des populations patrimoniales menacées;
  • le même raisonnement peut s'appliquer à certaines souches génétiques d'intérêt au sein des espèces, comme nous l'avions suggéré à propos de souches méditerranéennes de truites fario qui semblent avoir profité de l'isolement des têtes de bassin par des ouvrages pour échapper à l'introgression génétique par des souches atlantiques d'élevage;
  • aménager plutôt qu'effacer donne donc plus de latitude pour l'avenir, et cela incite à se méfier des apprentis sorciers s'appuyant sur des connaissances encore bien provisoires, qui garantissent aujourd'hui le bénéfice écologique de choix irréversibles, mais qui ne seront plus là demain pour répondre des conséquences réelles de leurs actes.

04/03/2017

Réponse à long terme des poissons à une restauration de rivière allemande (Höckendorff et al 2017)

Un travail de chercheurs allemands sur un affluent du Rhin (Lippe) ayant bénéficié d'une restauration physique montre une réponse durable des poissons après 21 années de suivi. Le chantier sur 2 km de rivière était ambitieux et concernait surtout la continuité latérale (élargissement du lit et créations d'annexes). Tous les poissons n'en bénéficient pas également et leur réponse dépend de traits fonctionnels adaptés à la nouvelle situation. La restauration de rivière n'a donc pas que des issues négatives (heureusement!): elle a avant tout des résultats incertains, dont on doit mieux comprendre les conditions de réussite ou d'échec. Ce qui oblige le gestionnaire à reconnaître son caractère encore expérimental, en lançant moins de chantiers mais avec un investissement plus ambitieux et un suivi plus rigoureux, afin déjà de consolider les connaissances.

La rivière Lippe est un affluent du Rhin, en Westphalie. Elle a fait l'objet de nombreux travaux d'aménagement depuis 1815 et perdu environ le cinquième de sa longueur initiale par des recalibrages. Des travaux de restauration ont été exécutés dans les années 1990 sur un tronçon de 2 km et une surface de 1,3 km2: suppression des soutiens de berge, élargissement du lit de 18 à 45 m et surélévation de 2 m, création de petites îles, introduction de bois mort, aménagement d'annexes et mares en lit majeur. La dimension morphologique du chantier est considérée comme un succès : le transport des matériaux variés est assuré, les berges s'érodent, le lit majeur est inondé au moins une fois dans l'année.

Stefanie Höckendorff et ses collègues ont suivi ce chantier. Ils observent que "la compréhension de l'efficacité des restaurations de rivière est souvent détériorée par le manque de données de qualité à long terme". Et que trop peu de restaurations cherchent à comprendre la réponse des milieux à partir des caractéristiques des espèces.


Abondance et diversité des poissons sur le tronçon restauré (vert) par rapport aux conditions de référence avant restauration (noir), art cit, droit de courte citation. L'abondance montre un effet rebond et une forte diversité interannuelle. Les conditions restaurées ont des résultats durablement meilleurs sur les 17 premières années de suivi.

Leur travail a consisté à suivre en détail la réponse des poissons sur le tronçon restauré. Des pêches électriques par bateau ont été effectuées entre 1993 et 2013, quatre années avant le chantier et 17 années après. Un modèle de traits fonctionnels des espèces pisciaires a été utilisé (Schmidt-Kloiber et Hering 2015, voir ce site). Voici les principales observations:
  • l'abondance totale des poissons a connu un rebond (overshooting) après la restauration suivi d'un retour à des résultats plus variables, mais toujours plus élevés qu'avant la restauration (gain de 27% à 571% selon les années);
  • dans le détail, 17 espèces ont montré une hausse, 6 espèces une baisse et 15 espèces aucune réponse;
  • la diversité totale des poissons n'a pas montré d'effet rebond, mais une hausse régulière qui s'est stabilisée à environ le double de la diversité avant travaux, après 7 ans;
  • la corrélation avec les traits biologiques et fonctionnels des assemblages de poissons reste faible (rho de Spearman à 0.15 maximum), avec comme association plus marquée la longévité, la morphologie, la stratégie de fraie et la maturité des femelles;
  • ce sont les espèces dites à stratégie opportuniste (vie courte, reproduction précoce, plusieurs fraies annuels) qui montrent l'effet le plus marqué (able de Heckel, épinoche, vairon).

Discussion
Comme l'observent les auteurs, les résultats des restaurations sont très variables. On considère qu'elles sont une fonction du temps (Stoll et al 2014, Tonkin et al 2014) mais avec réponses pouvant être non linéaires (Schmutz 2016), parfois contrariées par d'autres dégradations du bassin (Leps et al 2016) et parfois avec une reconvergence du peuplement vers les conditions antérieures (Kail et al 2015, Thomas et al. 2015). Les chercheurs soulignent donc la nécessité de faire un suivi rigoureux (plusieurs années avant, pour estimer la variabilité) et long voire continu après, mais aussi de travailler à comprendre les facteurs de réussite ou d'échec, notamment la réponse des espèces cibles sur leurs traits de vie. Nous ajouterons plusieurs observations.

D'abord, il est manifeste dans la littérature scientifique que la restauration de rivières est encore considérée comme une démarche expérimentale. Elle doit être présentée ainsi dans le débat public et dans les choix gestionnaires, au lieu des effets rhétoriques de certitude voire de suffisance qui l'entourent trop souvent. Il est notamment indispensable que le suivi soit réalisé sérieusement et en vue d'un retour d'expérience réellement scientifique, pas cosmétique (on voit fréquemment des campagnes avec une seule année de mesure pour l'état initial, ce qui est insuffisant, des analyses à N+1 et N+3 pas forcément significatives car il y a tantôt des effets rebond tantôt des dépressions dans les années suivant le chantier, des mesures biologiques limitées et donnant lieu à peu de modélisation, etc.).

Ensuite, l'ambition du projet (l'ampleur des modifications opérées) sur la Lippe est sans doute un des facteurs de réussite, ce qui implique des coûts et des bouleversements des usages, avec une concentration de moyens. La restauration physique est un engagement long et complexe. Associé au caractère expérimental donc non garanti en résultats, cela indique qu'il vaut mieux réaliser moins de chantiers en rivière, mais avec un plus fort investissement dans la gouvernance et dans le suivi. Soit le contraire des stratégies actuelles de restauration en France, où l'on tend à multiplier des petites interventions pas toujours bien coordonnées, relevant plus d'un "catalogue des bonnes actions" que de projets mûris et cohérents.

Enfin, le travail de Stefanie Höckendorff et ses collègues concerne une restauration de continuité latérale (avec des réaménagements du lit mineur). Dans un travail à l'époque programmatique sur la restauration morphologique de rivière à partir d'observations dans l'aire danubienne (Ward et al 1999), on pouvait remarquer que la biodiversité des rivières non-fragmentées et fragmentées longitudinalement est sensiblement équivalente, mais que celle de rivières canalisées (coupées des lits majeurs) est nettement plus faible que celle des rivières à divagation libre. On a beaucoup insisté en France sur la continuité, mais on l'a fait sur la dimension longitudinale, surtout en réplique des anciennes lois halieutiques sur les échelles à poissons. Il serait nécessaire d'analyser la réponse de la biodiversité aux différentes formes de discontinuités, pour affiner les enjeux prioritaires en restauration.

Référence : Höckendorff S et al (2017), Characterizing fish responses to a river restoration over 21 years based on species traits, Conservation Biology, doi: 10.1111/cobi.12908

02/03/2017

Protection des ouvrages hydrauliques en liste 2: modèle de lettre associative à adresser aux préfets

Nous publions ci-dessous à l'intention des associations de moulins, riverains et défenseurs du patrimoine un modèle de lettre à adresser dans les meilleurs délais au préfet de chaque département. N'attendez pas le terme du premier délai légal (dès juillet 2017 pour Loire-Bretagne) pour envoyer ce courrier. Faites en copie après envoi à l'intention de chaque adhérent en liste 2, qui pourra l'opposer aux administrations (ou gestionnaires) le relançant sur la mise en oeuvre de la continuité écologique. Les informations données par les DDT-M dans leurs courriers précédents relatifs à la continuité écologique ne sont plus à jour. Sauf accord du propriétaire sur une solution acceptée sans contrainte, aucun chantier ne doit être engagé tant que les services du préfet n'ont pas reprécisé les conditions d'exécution de la continuité écologique, à la lumière de l'instruction ministérielle de décembre 2015 comme des lois votées entre juillet 2016 et février 2017. Il est important que le maximum d'associations entreprenne cette démarche, afin d'exprimer l'unité et la solidarité du mouvement de défense des ouvrages hydrauliques. Les lois de 2006 et 2009 ont déjà été interprétées de manière biaisée et excessive par l'administration et le gestionnaire. Nous n'accepterons pas que cette dérive persiste.


Le modèle peut être téléchargé en format traitement de texte à ce lien. Les objectifs de ce courrier sont les suivants :

  • obtenir une information claire et complète pour les maîtres d’ouvrage, qui ont reçu en 2013 un premier courrier administratif désormais inexact et imprécis, voire qui ont reçu des propositions d’aménagement parfois devenues contraires à la loi,
  • inciter l’administration à intégrer rapidement les dispositions légales récentes concourant à la protection des ouvrages,
  • avant le premier terme de 5 ans du classement, construire une barrière de protection pour les ouvrages orphelins de solution, afin de prévenir des mises en demeure qui mèneraient à des contentieux,
  • par copie du courrier aux élus (députés et sénateurs de chaque département), entretenir la vigilance sur le dépassement effectif (et non déclaratif) des excès ayant été associés la continuité écologique et s’assurer que les services de l’Etat accompagneront pleinement le texte et l’esprit des lois, en évitant les surinterpétations ou surtranspositions que nous avons connues jadis. 

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Objet : mise à jour par vos services de l’information donnée aux propriétaires ou exploitants d’ouvrages hydrauliques sur rivières classées en liste 2 

Concerne : l’ensemble des adhérents de l’association propriétaires d’un ouvrage en liste 2 L 214-17 CE, pour valoir ce que de droit en procédure ultérieure concernant ces adhérents

Madame la Préfète, Monsieur le Préfet [conserver  la mention exacte],

Après le classement de continuité écologique promulgué en conformité aux dispositions de l’article L 214-17 code de l’environnement, vos services ont écrit aux maîtres d’ouvrage des rivières concernées pour les informer de leur obligation, particulièrement en liste 2. 

Le texte de l’article L 214-17 code de l’environnement indique à propos des rivières en liste 2 : «Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant.». De nombreux propriétaires n’ont reçu à ce jour aucune définition de règles de gestion, équipement et entretien de la part de l’autorité administrative. D’autres ont reçu de telles propositions sous la forme d’un diagnostic validé par vos services. Mais en l’absence d’un taux de financement correct par l’Agence de l’eau, les mesures envisageables représentent une « charge spéciale et exorbitante » telle que l’entend l’article susvisé, sans précision de votre part sur les indemnités prévues dans ce cas d’espèce. 

Outre ces problèmes de bonne exécution, la présente vise surtout à rappeler que les dispositions relatives à la continuité écologique (directement ou indirectement) ont connu plusieurs évolutions législatives importantes depuis 8 mois, ainsi que des précisions réglementaires.

En voici le rappel succinct. 

Lettre d’instruction  du 9 décembre 2015 de Mme le ministre de l’Environnement aux préfets, demandant de «ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas.»

Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (JORF n°0158 du 8 juillet 2016)
Elle introduit dans l’article L 214-17 code de l’environnement un nouvel alinéa de protection du patrimoine hydraulique dans la mise en œuvre de la continuité écologique.

Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (JORF n°0184 du 9 août 2016)
Elle introduit un délai supplémentaire de 5 ans pour modifier la gestion de l’ouvrage ou réaliser des travaux de mise en conformité, à condition cependant que l’administration ait défini des règles en concertation avec le propriétaire, lui permettant de déposer un dossier (cf supra). 

Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (JORF n°0302 du 29 décembre 2016)
Elle modifie la notion de « gestion équilibrée et durable » de l’eau telle que définie dans l’article L 211-1 du code de l’environnement, en indiquant qu’il est d’intérêt général de favoriser la « stockage de l’eau » comme « élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales », et elle indique que la gestion de l’eau ne fait pas obstacle à la « préservation du patrimoine hydraulique »

Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (JORF n°0048 du 25 février 2017)
Elle crée un article L 214-18-1 du code de l’environnement portant exemption d’obligation de continuité écologique au titre du classement en liste 2 pour les moulins à eau équipés ou choisissant de s’équiper en vue de produire de l’électricité. 

Il ressort de cette activité législative récente et de l’instruction de Mme la ministre que :

  • le courrier que vos services ont envoyé aux maîtres d’ouvrage indique des obligations ou interprétations qui ne sont plus nécessairement conformes à l’état du droit,
  • certaines propositions d’aménagement faites à des maîtres d’ouvrage depuis le classement des rivières ne sont plus forcément d’actualité, voire peuvent contenir des dispositions désormais contraires au droit,
  • les propriétaires ou exploitants en désaccord avec des propositions qui ont pu leur être faites sont toujours dans l’attente d’une solution au cas par cas souhaitée par Mme la ministre de l’Environnement,
  • l’ensemble est devenu très complexe à comprendre et très incertain à interpréter pour les maîtres d’ouvrage.

En conséquence, nous souhaitons que vos services adressent aux propriétaires ou exploitants concernés par la mise en conformité à la continuité écologique un courrier de mise à jour les informant de leur situation administrative par rapport aux nouvelles dispositions légales, cela dans les conditions similaires à votre premier courrier d’information, et bien sûr avant le premier terme d’échéance du classement. Nous souhaitons également que les ouvrages orphelins de solutions de gestion, équipement, entretien fassent l’objet d’une proposition de vos services, dans le cadre normal de la procédure contradictoire. 

En absence de cette information actualisée transmise par vos services aux maîtres d’ouvrage, notre association se verrait contrainte d’interpréter tout futur courrier de mise en demeure de ses adhérents en vue d’une exécution de l’article L 214-17 du code de l’environnement comme un excès de pouvoir et d’agir en conséquence — voie contentieuse que nous souhaitons bien sûr éviter, grâce à une concertation de qualité permettant d’aborder sereinement la question de la continuité écologique.

De manière très explicite lors des débats législatifs ayant mené à l’adoption des lois susvisées, madame la ministre de l’Environnement, madame la ministre de la Culture, mesdames et messieurs les parlementaires ont exprimé leur souhait unanime que la mise en œuvre (nécessaire) de la continuité écologique se fasse désormais dans le respect plus affirmé des autres dimensions d’intérêt des ouvrages hydrauliques, en particulier leur valeur paysagère et patrimoniale ainsi que leur enjeu énergétique et hydrologique. Certaines solutions ayant pu être défendues dans le passé, comme la prime financière à l’effacement mise en avant par les Agences de l’eau et acceptée par vos services sans que les lois ne contiennent pourtant une telle option, ont donc reçu un désaveu clair de la part des représentants des citoyens. 

Nous pensons que l’esprit ouvert et constructif manifesté par les élus et inscrit dans les lois anime également l’ensemble des services administratifs en charge de l’eau, et nous espérons en conséquence que votre prochain courrier d’information aux maîtres d’ouvrage traduira pleinement cette évolution.

Veuillez recevoir, Madame la Préfète, Monsieur le Préfet [conserver  la mention exacte], l’expression de nos respectueuses salutations.

En copie à : mesdames et messieurs les députés et sénateurs du département

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Concernant la copie de ce courrier aux parlementaires, vous pouvez trouver (par département) l'adresse postale et électronique de chaque sénateur à cette adresse, de chaque député à cette adresse.  Il est préférable que le courrier aux élus soit personnalisé, si possible en citant des chantiers d'effacement prévus sur le département et en alertant à ce sujet. Voici néanmoins un exemple de contenu "générique".

Madame/Monsieur la/le Député(e), Sénatrice(eur)

Veuillez trouver ci-joint copie d'un courrier adressé par notre association à Madame la Préfète / Monsieur le Préfet concernant la mise en oeuvre de la continuité écologique des rivières, plus particulièrement la protection et valorisation des ouvrages hydrauliques dans leurs différentes dimensions (patrimoine, paysage, énergie, écologie, usages locaux).

La représentation parlementaire a récemment voté plusieurs lois visant à défendre ce patrimoine hydraulique et à repréciser les conditions d'exécution de la continuité écologique. Nous vous remercions de ces évolutions très positives.

Hélas, l'expérience nous a appris qu'entre le vote d'une loi et sa mise en oeuvre, il peut se glisser de dommageables distorsions. 

Ainsi, ni la loi sur l'eau de 2006 ni la loi de Grenelle de 2009 ne prévoyait l'option de destruction des ouvrages de nos rivières, en particulier les ouvrages anciens des moulins et étangs : c'est pourtant devenu le choix de première intention en financement et en préconisation dans plus de la moitié des chantiers observés. Parfois, des ouvrages sont sans intérêt reconnu. Mais parfois, cette solution est imposée malgré les protestations des riverains et les réticences du propriétaire, ce dernier acceptant par peur de la sanction. Une telle pression n'est pas digne d'une bonne gestion de la rivière, et elle ne rend pas service à la cause de l'écologie en la rendant synonyme de mesure impopulaire, décidée à l'avance et imposée sans réelle alternative.

De nombreux maîtres d'ouvrage accueillent favorablement l'idée d'assurer une meilleure continuité écologique (gestion des vannes, passes à poissons, rivières de contournement), mais les solutions les plus simples leur sont généralement refusées par l'administration, et les autres ont des coûts exorbitants qui ne sont pas ou très mal financés par l'Agence de l'eau.

Nous comptons donc sur votre pleine vigilance pour que, dans l'esprit du courrier joint aux services de la préfecture et dans l'esprit des lois que vous avez récemment votées, la continuité écologique se déroule désormais dans un climat apaisé, avec des solutions raisonnables, proportionnées et surtout solvabilisées.

Nous apprécierions que vous souteniez notre démarche auprès de Madame la Préfète / Monsieur le Préfet en lui exprimant à votre tour cette nécessité d'un dialogue environnemental approfondi et d'une recherche de solutions concertées. 

[politesse]

01/03/2017

Cartographie des cours d'eau: qui a intérêt à entretenir le flou?

Le magazine Reporterre a consacré un long article à la cartographie des cours d'eau, présentée de manière assez univoque et tendancieuse comme une stratégie des agriculteurs pour avoir le droit de polluer librement. En fait, cette cartographie est la fille naturelle de la complexité et de la sévérité réglementaires dans le domaine de l'eau: sur tout sujet (pas seulement l'environnement), plus on élargit le champ du contrôle par les règles administratives, plus on soulève des problèmes d'exécution ou d'interprétation, plus on doit re-préciser le détail des règles ou de leurs exceptions. Bienvenue dans le monde merveilleux des bureaucraties où les codes doublent de volume tous les dix ans ! Davantage que la pollution, la question de la cartographie a été liée au curage, à l'entretien et au risque inondation, avec des conflits autour de la distinction fossé-cours d'eau et de l'intermittence de l'écoulement. Il y a plus de 500.000 km de rûs, ruisseaux, rivières et fleuves en France, la plupart en territoires ruraux avec un dense chevelu de tête de bassin, cela sans compter les fossés, drains et autres ravines. Donc ceux qui jettent la pierre aux agriculteurs sont les bienvenus pour proposer une solution économiquement viable d'entretien de cet immense réseau, et une solution juridiquement responsable quand un problème survient en cas de défaillance de cet entretien. Les têtes de bassin sont des lieux qui peuvent être riches en biodiversité. Leur préservation morphologique et chimique est donc d'intérêt sur le principe, mais ce sont également des surfaces considérables, représentant un vrai problème de réalisme dans leur gestion.  


Le magazine Reporterre publie un article en deux volets (ici et ici) sur la cartographie des cours d'eau. Cette démarche est présentée comme une action de la FNSEA visant à "en faire déclasser le maximum" et à "échapper aux règles sur la lutte contre la pollution". Par ailleurs, des associations environnementalistes se plaignent de ne pas avoir été entendues en Préfecture. Si c'est le cas, elles ont bien entendu raison de s'en plaindre. Et elles ne sont pas seules, puisque les associations de moulin n'ont pas été spontanément invitées par les préfectures à la concertation, alors qu'elles sont concernées par le statut des canaux et biefs. Le dialogue environnemental est comme toujours restreint: pas assez de moyens et de personnels en rapport à l'abondance des normes adoptées, des objectifs ambitieux et souvent irréalistes fixés par les politiques, il faut donc aller vite au lieu de prendre le temps d'argumenter, exposer ses accords ou désaccords, chercher des solutions raisonnables.

Le magazine écrit à propos de la définition des cours d'eau : "La fameuse instruction du 3 juin 2015 retient trois critères cumulatifs : la présence et permanence d’un lit naturel à l’origine, un débit suffisant une majeure partie de l’année, et l’alimentation par une source. Une définition « très restrictive », selon nombre d’experts, mais qui figure désormais dans la loi biodiversité. À la demande de la FNSEA : «Nous voulions que les choses soient claires, et cet article de la loi n’a presque pas été retouché : il y a eu un consensus», indique M. Thirouin. C’est donc sur ces critères désormais officiels que s’appuient les chambres d’agriculture et nombre de DDT."

Ce propos de Reporterre est inexact. Ce n'est pas la FNSEA ni la circulaire de 2015 qui a inventé ces critères repris dans la loi biodiversité, mais le Conseil d'Etat dans son arrêt du 21 octobre 2011. Que l'administration suive la décision de la plus haute cour de justice administrative paraît assez logique : l'aurait-elle ignorée que les contentieux auraient fleuri et auraient de toute façon été perdus par l'Etat (ou des ONG environnementalistes) si l'écoulement concerné n'avait pas les attributs posés par cette jurisprudence récente. De surcroît, on ne sait pas qui sont au juste les nombreux "experts" jugeant que la définition d'un cours d'eau naturel par une source, un écoulement et une origine non humaine serait quelque chose de particulièrement restrictif. Une expertise est légitime quand elle est définie et argumentée ; ici, on se demande ce qui manque au droit comme attribut essentiel d'un cours d'eau. Cela peut difficilement être la présence du vivant, car un grand nombre de milieux artificiels (ornières, fossés routiers, bassins de rétention et décantation, etc.) sont colonisés par des espèces opportunistes, ce qui n'amène pas à demander pour autant des protections particulières.

Mais surtout, l'article de Reporterre ne donne pas l'ensemble de l'arrière-plan de cette cartographie :

  • le renforcement des dispositions réglementaires depuis les lois de 1992, 2004, 2006 sur l'eau a rendu de plus en plus complexe la moindre intervention en rivière, pour laquelle il faut déposer soit une déclaration motivée soit une demande d'autorisation en préfecture (régime IOTA, installations, ouvrages, travaux et activités),
  • beaucoup d'agriculteurs estiment qu'ils n'ont pas la possibilité de suivre de telles complications procédurières alors que le curage des fossés et des rûs obéit généralement à des logiques d'urgences (risque inondation d'un chemin, d'une route, d'une propriété par des dépôts d'embâcles et atterrissements) ou à des effets d'opportunités (curage ou faucardage réalisé quand on a le temps et la machine à disposition, sans planifier à l'avance ni attendre qu'un agent de l'AFB-Onema vienne examiner la faune et la flore pour donner son avis),
  • les choses se sont localement envenimées quand des agriculteurs (ou des maires) et des agents de l'Etat se sont trouvés en désaccord sur la définition d'un fossé (intervention libre) ou d'un cours d'eau (intervention a minima déclarée, parfois avec dossier complet d'autorisation). Il y a eu des procès – certes rares, mais avec un fort retentissement local – et de manière générale une accentuation des contrôles et des antagonismes (exemples à Sainte-Florence, Laprade, Saint-Pourçain-sur-Sioule, Salency, etc.),
  • ces distinctions entre fossé et cours d'eau ne sont donc pas toujours claires, de même que les distinctions entre actions en cours d'eau appelant précaution particulière et celles qui sont moins problématiques (voir cette fiche de l'Onema aujourd'hui AFB, d'où il ressort qu'avant d'agir il faudrait vérifier à chaque fois si des poissons ou des amphibiens ne sont pas présents, si un dépôt de 20 cm n'est pas créé car ce serait un obstacle à la continuité, si enlever un atterrissement relève ou non d'une modification du gabarit du lit, etc.)
  • par ailleurs et en tête de bassin versant, les naissances de petits cours d'eau se confondent parfois avec des zones humides aux frontières mal définies, et au regard de la tendance actuelle à imposer de fortes contraintes sur certains types de milieux, les propriétaires n'ont nulle envie de se retrouver du jour au lendemain en responsabilité d'un conservatoire d'espace naturel intouchable (surtout sans compensation pour les contraintes créées).


Aujourd'hui, un moyen d'échapper à ces incertitudes, complications et sources de conflit est donc la solution du classement en "cours d'eau" et "non cours d'eau". Ce qui peut paraître radical ou simpliste, mais il faut cependant rappeler plusieurs choses :
  • cours d'eau ou non cours d'eau ne sont pas pour le moment des catégories à valeur réglementaire opposable, simplement des indications de la manière dont l'administration instruira a priori des dossiers (la nuance est cependant un peu hypocrite, un adhérent de notre association est par exemple en pré-contentieux pour un étang qui est alimenté par un soi-disant cours d'eau devenu bel et bien opposable, écoulement pour lequel il faudrait faire de la continuité écologique malgré l'assec 6 mois dans l'année et l'absence manifeste de migrateurs)
  • le processus est itératif et les catégories sont réputées révisables, donc l'Etat n'a pas fermé la porte à une concertation dans le temps
  • on ne sait pas au juste (l'article de Reporterre n'apporte aucune précision factuelle validée) combien de présumés cours d'eau auraient été déclassés comme non cours d'eau. On croit comprendre que certains voudraient tout classer et tout contrôler, d'autre rien classer et rien contrôler, ce qui laisse probablement une marge de manoeuvre entre les deux pour chercher un juste milieu. A condition d'y être disposé et de ne pas refuser d'avance toute concession au nom de postures intégristes...
Les chevelus de tête de bassin sont des lieux qui peuvent être riches en biodiversité. Leur préservation morphologique et chimique est donc d'intérêt sur le principe, l'analyse motivée au cas par cas des potentialités biologiques étant cependant nécessaire. Mais ce sont également des surfaces considérables et cela représente donc un vrai problème.

Une solution cohérente pourrait être que l'Etat (ou une collectivité territoriale ou des associations à agrément public) décide de protéger ces espaces, de faire l'acquisition du foncier agricole / forestier nécessaire et d'en assumer la gestion conformément au souhait de haute qualité environnementale. Mais ce serait évidemment un gigantesque coût économique vu le nombre d'écoulements concernés, et une source inépuisable de contentieux dès que des écoulements débordent chez les riverains pour cause de non-entretien. Il apparaît que des zonages de protection comme les Natura 2000 ont déjà une gestion très défaillante (voir cet article), cela rend assez peu crédible l'hypothèse d'une soudaine avalanche de moyens humains et financiers pour faire les choses correctement et durablement en sanctuarisant la gestion des têtes de bassin. On est donc finalement assez soulagé que cette gestion revienne aux propriétaires privés, le plus souvent agriculteurs ou forestiers. Mais dans ce cas, on ne voit guère comment on échapperait à la demande des principaux intéressés: une définition précise de ce qu'est un cours d'eau et ce qui ne l'est pas, de ce qui est autorisé et non autorisé, afin de ne plus subir l'incertitude réglementaire et le risque judiciaire.

Illustrations : en haut, quoique réduit à des flaques éparses, cet écoulement de bas de thalweg à Montigny (21) est considéré comme un cours d'eau par la préfecture, qui réclame à un propriétaire d'étang de quelques centaines d'ares en aval d'assurer la continuité écologique et le débit minimum biologique à toute saison. La cartographie est née de ce genre de demandes absurdes ou disproportionnées. Ci-dessous, modélisation d'un chevelu de tête de bassin (source Territ'eau - Agro-transfert Bretagne, droits réservés).

28/02/2017

Dérives sur la Dives: des pompes électriques pour des biefs transformés en marigots

La revue associative Le Pays d'Auge publie un témoignage sur la destruction du patrimoine hydraulique de la Dives. Avec la Sée, l'Andelle ou encore la Sélune, ce petit côtier normand fait partie des cibles privilégiées du lobby pêcheur associé aux bureaucraties engagées dans la casse des ouvrages. Extraits de ce récit qui reflète bien la pression subie par les propriétaires et riverains sur toutes les rivières classées au titre de la continuité écologique. Une pression désormais insupportable...



La DCE invoquée par le bureau d'études -  Dans son étude pour la restauration de la continuité écologique sur la Dives, le cabinet ARTELIA écrivait en introduction : «C’est ainsi qu’aujourd’hui 17 sites hydrauliques sont présents sur la Dives dans le département du Calvados. L’ensemble de ces sites est à l’origine soit de blocages sédimentaires, soit de blocages piscicoles, soit des deux. La Directive Cadre sur l’Eau européenne impose à l’ensemble de ses Etats membres d’atteindre le bon état écologique d’ici 2015. Ce bon état écologique concerne différents paramètres tels que les paramètres chimiques et physico-chimiques, mais il fait également référence à la continuité écologique qui consiste en le libre transit sédimentaire et la libre circulation piscicole.»

Rollon a-t-il vu des saumons? - Et si promouvoir la remontée des poissons migrateurs n’a rien de choquant, est-ce nécessaire là où leur présence n’a jamais été attestée ? Sait-on seulement si Rollon, chef viking, a vu un saumon à Saint-Pierre-sur-Dives en 911? La consternation des propriétaires d’ouvrages ou de riverains est forte quand ils découvrent les conséquences sur le niveau de l’eau et surtout le coût des travaux réalisés en cette période de disette budgétaire. On peut douter que le coût et l’efficacité de la politique d’arasement soient à la hauteur des attentes en matière d’amélioration de la qualité de l’eau.

Paysage saccagé ? Dégât collatéral inévitable - Le Président du syndicat mixte du bassin de la Dives a eu l’occasion de déclarer : «C’est bon pour l’écologie et la qualité de l’eau mais ce n’est pas sans impact sur le paysage car les niveaux d’eaux sont très sensiblement abaissés ! Pour des propriétaires habitués à voir leur moulin se refléter dans l’eau, le choc est grand.» Les conséquences pour les riverains sont ainsi présentées comme un dégât collatéral inévitable. Le rapport d’un commissaire enquêteur, lors d’une enquête publique dans une région voisine, va dans le même sens. Les remarques de riverains regrettant l’écoulement paisible et les larges retenues d’eau de leur rivière sont réfutées au motif que la conception que chacun a du paysage est subjective.

Promesse de concertation non tenue de la préfecture - Les travaux sont saucissonnés par ouvrage. Qu’en est-il de la vision d’ensemble et de la nécessaire obligation d’information ? Et pourtant, dans une lettre du 19 janvier 2015, la préfecture du Calvados en réponse aux inquiétudes exprimées par l’Association pour la Sauvegarde de la Dives déclarait : «Cependant, je tiens à vous rassurer sur le fait qu’une fois les travaux de restauration arrêtés, les projets devraient faire l’objet d’une enquête publique dans le cadre de la procédure loi sur l’eau où l’ensemble des acteurs concernés pourront se manifester». A ce jour, aucun riverain n’a été consulté.

Menaces de l'Agence de l'eau, pas de soumission, pas de subvention - On évoque des commissions ou comités de pilotage lointains, sans que l’on sache précisément quel rôle y jouent l’Agence de l’Eau Seine Normandie, les instances régionales au travers de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du logement), et la DDTM (Direction Départementale des territoires et de la mer). On se garde bien d’y associer des associations de riverains ou des propriétaires d’ouvrage. De fait, l’Agence de l’Eau y joue un rôle primordial par le financement qu’elle accorde directement aux propriétaires (à Thiéville, par exemple). Et pour preuve, les propriétaires qui refuseraient les modalités des travaux envisagés sont menacés de perdre toute possibilité de subvention : la concertation a ses limites. L’eau est un patrimoine commun. Quel contrôle exercent les autorités régionales sur ces relations bilatérales ?

Grotesque compensation, une pompe électrique pour le bief asséché - Le barrage sur la Dives à Crocy a été supprimé, conduisant à l’assèchement des roues du moulin faute d’alimentation par le bief. Mais une pompe électrique a néanmoins été installée dans la Dives pour maintenir un filet d’eau dans le bief transformé en une succession de flaques d’eau croupie. Pourquoi condamner l’alimentation du bief transformé en marigot pour la remplacer par une pompe électrique même d’un débit très réduit ? L’actuel propriétaire du moulin a d’ailleurs fait combler une partie du bief en amont du moulin pour ne pas en subir les nuisances du fait du manque de circulation des eaux stagnantes.

Référence : Serrat J (2017), Principe de restauration de la continuité écologique des rivières quand les « apprentis sorciers » s’en mêlent !, Le Pays d'Auge, 1, 30-32

Illustration : le bief asséché de Crocy, tous droits réservés.

A lire en complément
Pont-Audemer: l'Agence de l'eau Seine-Normandie fait-elle pression pour fermer une centrale hydro-électrique en production?
Non seulement l'Agence de l'eau Seine-Normandie dilapide l'argent public à détruire le patrimoine des moulins et le paysage des plans d'eau, mais elle serait prête à financer la fermeture de centrales hydro-électriques en activité. Qui va stopper les dérives de ces bureaucraties polluées par le dogmatisme, poursuivant un objectif idéologique de plus en plus éloigné de la gestion durable et équilibrée de l'eau telle que la définit la loi française?

27/02/2017

Mauvaise gestion du réseau Natura 2000: le manque de rigueur des politiques environnementales menace leur crédibilité

La Cour des comptes européenne vient de publier un rapport pointant la mauvaise gestion des zones Natura 2000 par les Etats-membres. Au coeur des critiques des magistrats: les politiques de la biodiversité ne fixent pas d'objectifs clairs de conservation et ne mettent pas en place des indicateurs rigoureux de performance, de sorte que l'argent public est dépensé sans certitude sur la nature des bénéfices écologiques et sans progrès des connaissances sur la réponse des milieux aux mesures. Ce problème de sous-information de la programmation publique en écologie est chronique: on préfère multiplier des annonces de mesures plutôt qu'allouer le budget nécessaire à la connaissance sur chacune d'elles, ce qui est moins spectaculaire mais beaucoup plus nécessaire. Cela pose un sérieux problème d'efficacité et de crédibilité des politiques environnementales, comme on l'observe aussi bien dans le domaine de l'eau. 

Les directives européennes "Oiseaux" (2009/147/CE) et "Habitats" (1992/43/CEE) ont institué le réseau Natura 2000, conçu comme "réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation". C'est la pierre angulaire de la stratégie de l'UE en matière de biodiversité. Au total, 230 types d'habitats naturels et près de 1200 espèces animales et végétales bénéficient de cette protection. Concernant le zonage, 46 % du réseau Natura 2000 sont constitués de forêts, 38 % d'agro-écosystèmes, 11 % d'écosystèmes prairiaux, 16 % d'écosystèmes de landes et de fourrés, 11 % de zones humides et d'écosystèmes lacustres. Le réseau comprend également des écosystèmes fluviaux et côtiers.


L'audit de la Cour des comptes européenne visait à répondre à la question suivante: "Le réseau Natura 2000 a-t-il été mis en œuvre de manière appropriée?". Avec trois angles : la gestion, le financement et le suivi.

Nous publions ci-dessous quelques extraits du rapport de la Cour des comptes sur la question du suivi, qui apparaît avec la gestion comme le maillon faible du dispositif. C'est un phénomène que nous observons dans d'autres politiques environnementales, en particulier celle de l'eau : le législateur et l'administration dressent un catalogue de mesures allant dans toutes les directions (greensplashing), mesures auxquelles il manque souvent l'armature préalable d'un diagnostic scientifiquement rigoureux et l'accompagnement d'un suivi sur l'ensemble des paramètres d'intérêt (ceux visés par les mesures, mais aussi d'éventuels effets imprévus et indésirables).

L'écologie a été portée depuis 50 ans par un mouvement d'opinion (ONG, associations) fondé sur le sentiment diffus que la nature s'altère, parfois de manière irrémédiable, que le cadre de vie se dégrade s'il n'intègre pas la qualité de l'air, de l'eau, du sol et de leurs habitants. Mais l'écologie est aussi une science qui doit décrire avec précision les mécanismes d'évolution des milieux. Et quand elle devient une politique de conservation ou de restauration, elle a rapidement des coûts importants au regard desquels le résultat devient une nécessité, pas une option. Si l'on veut que l'environnement reste un objet important de la programmation publique, il faut faire la pédagogie de cette réalité et ré-équilibrer les budgets en faveur de la connaissance (diagnostic, suivi, compréhension) qui en est le parent pauvre par rapport aux immenses besoins de données et de travail sur ces données. Les bonnes intentions et belles déclarations ne suffisent pas à faire des choix efficients pour l'environnement:  ceux-ci se construisent sur des faits, des preuves et des modèles, comme toutes les politiques inspirées par la science.

Extraits de la synthèse de la Cour des comptes européenne :

"Les États membres n'ont pas suffisamment bien géré le réseau Natura 2000. La coordination entre les autorités compétentes, avec les parties prenantes et avec les États membres voisins n'a pas été suffisamment développée. Trop souvent, l'adoption des mesures de conservation nécessaires a été remise à plus tard ou ces mesures n'ont pas été définies de manière appropriée. Dans les États membres visités, l'évaluation des projets ayant une incidence sur les sites Natura 2000 n'a pas été effectuée de manière satisfaisante. Certes, la Commission supervisait activement la mise en œuvre de Natura 2000 par les États membres, mais la diffusion de ses orientations auprès de ces derniers n'a pas été optimale. La Commission a traité de nombreuses plaintes concernant Natura 2000. Dans la plupart des cas, une solution a été trouvée avec les États membres, mais la Commission a également diligenté des procédures d'infraction lorsque cela s'est avéré nécessaire.

Les systèmes utilisés pour assurer le suivi du réseau et établir des rapports le concernant n'étaient pas propres à fournir des informations complètes sur son efficacité, et aucun système d'indicateurs de performance spécifique de l'utilisation des Fonds de l'UE au profit de Natura 2000 n'avait été défini. Il existait des indicateurs au niveau du programme de financement (par exemple le Feader), mais ceux-ci portaient sur des objectifs généraux en matière de biodiversité et visaient davantage les réalisations que les résultats obtenus dans le domaine de la conservation grâce au réseau Natura 2000. Au niveau des sites, des plans de surveillance faisaient souvent défaut dans les documents de gestion des sites et, quand tel n'était pas le cas, les plans n'étaient pas suffisamment détaillés ou n'étaient pas assortis de délais et d'échéances. Les formulaires standard des données, qui contiennent des informations de base sur les caractéristiques des sites, n'ont généralement pas été mis à jour à la suite des activités de surveillance. Les données communiquées par les États membres en vue de l'établissement du rapport périodique de la Commission sur l'état de la nature ont apporté des indications sur les tendances en matière d'état de conservation, mais elles étaient trop souvent incomplètes et leur comparabilité était loin d'être assurée."

Concernant en particulier la question du suivi des indicateurs écologiques, le rapport souligne :

"Les systèmes de suivi et de surveillance ainsi que d'établissement de rapports visent à tenir la Commission et les États membres au courant de l'état d'avancement du réseau Natura 2000 et à fournir une base pour la prise de mesures de gestion appropriées. Plusieurs activités de suivi, de surveillance et d'établissement de rapports sont utiles dans le cadre de la mise en œuvre de Natura 2000. En ce qui concerne les fonds de l'UE, le suivi au niveau du programme devrait fournir des informations sur la mise en œuvre et les axes prioritaires de celui-ci: les indicateurs de performance devraient apporter des données fiables et à jour sur la question de savoir si les mesures de soutien du réseau Natura 2000 produisent les réalisations, les résultats et l'impact escomptés. Au niveau du site, un suivi des mesures de conservation devrait être effectué afin d'évaluer leur efficacité et leurs résultats. (…) 

Aucun système d'indicateurs de performance spécifique du réseau Natura 2000 n'avait été défini (…) n système consolidé pour assurer le suivi des réalisations et résultats liés à Natura 2000 dans le cadre des instruments de financement en gestion partagée au cours de la période de programmation 2007-2013 a fait défaut. En matière d'indicateurs, aucune approche commune aux différents programmes et Fonds n'a été adoptée au niveau des États membres ni à celui de l'UE. Pour la période de programmation 2014-2020 – hormis dans le cas du FEAMP, pour lequel deux indicateurs spécifiques de Natura 2000 ont été définis –, les éventuels indicateurs en rapport avec Natura 2000 seront «noyés» dans les indicateurs relatifs à la biodiversité. De ce fait, assurer le suivi des réalisations et des résultats spécifiquement attribuables au réseau Natura 2000 dans l'ensemble des Fonds comportera des difficultés.

Au niveau national, seuls trois des cinq États membres visités disposaient de plans détaillés pour assurer la surveillance de l'état de conservation de certains habitats naturels et espèces. Or, en France, la mise en œuvre de ces plans était restée incomplète ou avait été différée en raison de son coût élevé. En Roumanie, la seule mesure de surveillance spécifique dont notre audit ait permis d'établir l'existence concernait la population d'ours.

Au niveau des sites, nous avons constaté que des indicateurs, des valeurs cibles et des échéances appropriés faisaient défaut dans les plans de gestion. Cette absence est source de difficultés pour assurer efficacement le suivi de la mise en œuvre des mesures de conservation et s'avère donc préjudiciable à la réalisation des objectifs de conservation. Les plans de gestion présentés par quatre États membres visités comportaient des activités de surveillance, mais celles-ci n'étaient souvent ni suffisamment détaillées (par exemple, les plans ne précisaient pas comment l'impact des mesures envisagées sur les espèces et les habitats visés serait mesuré) ni assorties de délais et d'échéances (par exemple, la fréquence des activités de surveillance n'était pas indiquée)."

Il en résulte une recommandation finale :

"Recommandation n° 3 – Mesurer les résultats obtenus grâce au réseau Natura 2000
En ce qui concerne le système d'indicateurs de performance relatifs aux programmes de financement de l'UE, les États membres devraient, en vue de la prochaine période de programmation (qui débutera en 2021):
a) intégrer, au niveau des différents Fonds, des indicateurs et des valeurs cibles spécifiques de Natura 2000 et faire en sorte de permettre un suivi plus exact et plus précis des résultats obtenus grâce au financement de Natura 2000;
et la Commission devrait, pour la prochaine période de programmation:
b) définir des indicateurs Natura 2000 communs à tous les Fonds de l'UE.
En ce qui concerne les plans de surveillance des habitats, des espèces et des sites, les États membres devraient, d'ici à 2020:
c) pour pouvoir mesurer les résultats des mesures de conservation, élaborer des plans de surveillance au niveau des sites, les mettre en œuvre et actualiser régulièrement les formulaires standard des données."
Référence : Cour des comptes européenne (2017), Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel du réseau Natura 2000, Rapport spécial n° 1/2017, 77 pages.

26/02/2017

Moulins producteurs et continuité écologique: un courrier-type pour vérifier la position de l'administration sur la nouvelle loi

La loi exemptant les moulins producteurs de mise en conformité à la continuité écologique au titre du classement en liste 2 vient de paraître au Journal officiel, et elle est donc applicable partout en France depuis le 26 février 2017. Il est utile de vérifier l'interprétation des administrations à ce sujet. Voici un courrier-type à envoyer. Vous pouvez nous communiquer copie de la réponse ou la publier sur le Forum de la petite hydro-électricité. Objectifs : faire circuler l'information de manière transparente au lieu de pressions opaques sur des maîtres d'ouvrage isolés; comparer rapidement les attitudes de chaque DDT-M sur le territoire français ; saisir les parlementaires (ainsi que les syndicats, associations et avocats) dans tous les cas où l'administration persiste à ignorer la volonté démocratique de redéfinir l'esprit de la continuité écologique dans un sens plus respectueux des ouvrages hydrauliques et plus incitatif vis-à-vis de leur relance énergétique. 

Les moulins producteurs ou en projet de production d'électricité peuvent envoyer le courrier suivant à l'administration en charge de l'eau. Le courrier, recommandé avec accusé de réception, s'adresse à la direction territoriale des territoires (DDT-M). L'administration dispose d'un délai de deux mois pour vous répondre.
Madame, Monsieur,
Au regard des dispositions nouvelles de l'article L 214-18-1 du code de l'environnement, créées par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, il est posé depuis le 26 février 2017 (publication au JORF) :
"Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l’électricité, régulièrement installés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l’article L. 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l’autorité administrative mentionnées au même 2°." 
Notre moulin produisant de l'électricité / étant en projet de production d'électricité [supprimer mention inutile], et la rivière étant classée en liste 2, pouvez-vous confirmer que les obligations de continuité écologique telles que prévues par l'article L 214-17 du code de l'environnement, et liées à cette liste 2, ne s'appliquent plus sur le site? Par avance, merci. 
Cette démarche concerne les maîtres d'ouvrage à titre individuel. Pour les associations, nous préparons un autre courrier-type à l'intention des mêmes administrations, courrier reprenant l'ensemble des dispositions votées depuis juillet 2016 et demandant que chaque propriétaire en soit informé de manière claire et complète. Les DDT-M avaient écrit en 2013 à tous les maîtres d'ouvrage pour leur signaler le classement des rivières et les obligations afférentes, il est indispensable qu'elles les informent également, et dans les mêmes conditions, des évolutions récemment apportées à ce classement.

A noter : si votre moulin est non pas producteur, mais en projet de production d'électricité, deux hypothèses. Soit il s'agit d'un simple entretien de machines existantes qui s'étaient par exemple arrêtées le temps de trouver les pièces de rechange, sans aucune autre modification notable du site ni de sa gestion, et cela n'appelle pas de démarches particulières. Soit il s'agit d'un projet réel de remise en service (pose de nouvelles machines, reprofilage du bief, reprise de l'ouvrage répartiteur,  etc.). Dans ce second cas, vous avez désormais obligation de faire une lettre de "porter à connaissance" au préfet en vertu de l'article R 21-18-1 code de l'environnement (ne pas confondre les articles, qui se distinguent avant leur numéro par le "L" pour la partie législative du code et "R" pour la partie réglementaire du même code). Cette démarche n'est pas une demande d'autorisation (l'ouvrage est déjà autorisé) mais une simple information, au terme de laquelle l'administration choisit ou non de vous demander des prescriptions complémentaires sur le site. Ces éventuelles prescriptions doivent être débattues dans le cadre d'une procédure contradictoire.