08/02/2018

L'agence française pour la biodiversité, auxiliaire des pêcheurs de truites de l'Ource?

Notre association fait régulièrement observer que l'AFB (ex Onema, ex Conseil supérieur de la pêche) développe sur les rivières une expertise très centrée sur l'halieutisme, avec une ignorance de la plupart des enjeux autres que piscicoles (en particulier que les salmonidés et espèces de milieux lotiques). On en trouve encore un exemple dans l'avis de l'AFB sur la destruction de 3 ouvrages hydrauliques de l'Ource, un chantier récemment autorisé par un arrêté préfectoral dont Hydrauxois requiert l'annulation. L'AFB s'y intéresse essentiellement aux truites et fait comme si la disparition de plus de 2000 m de biefs et annexes en eau ne représente pas un enjeu local digne d'un diagnostic écologique avant intervention. De quelle "biodiversité" parlent au juste ces fonctionnaires? Pourquoi le lien d'une agence publique avec les enjeux d'intérêt pour les seuls pêcheurs est-il toujours aussi manifeste?


Après avoir subi un vote négatif en comité syndical du syndicat mixte Sequana le 6 septembre 2017, le projet absurde de destruction de 3 ouvrages hydrauliques sur l'Ource a malgré tout été acté par l'arrêté préfectoral n°792 du 13 décembre 2017. Notre association a déposé un recours amiable en annulation de cet arrêté et, en cas de refus de la préfecture, portera cette requête en annulation devant le tribunal administratif.

A cette occasion, nous avons eu accès à l'avis de l'Agence française pour la biodiversité accompagnant ce projet. Cette pièce émanant d'une administration et concernant l'environnement, donc pouvant être accessible à tout citoyen, nous la rendons publique à ce lien.

Pour ceux qui l'ignorent encore, l'Agence française pour la biodiversité a intégré l'ancien Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), qui était lui-même le successeur du Conseil supérieur de la pêche (CSP). L'AFB-Onema-CSP se caractérise par un traitement des questions écologiques en rivière centré sur les poissons des milieux lotiques, particulièrement des poissons qui se trouvent très appréciés de certains types de pêche (salmonidés). Ce qui est bien dommage, car la biodiversité aquatique dont cette agence est supposée être la garante est représentée dans 98% des cas par des espèces autres que les poissons (et dans 99,5% des cas par des poissons autre que spécialisés en eau courante). Si l'on ajoute la biodiversité rivulaire, le poisson est loin d'occuper la place centrale qu'il a aujourd'hui dans l'instruction des dossiers concernant les milieux aquatiques (voir ce rapport).

L'avis de l'AFB sur la destruction des ouvrages de l'Ource montre à nouveau ces biais :
  • appréciation de pure complaisance de la qualité du diagnostic ("le projet présenté s’appuie sur un état initial solide") alors qu'à peu près tout manque dans le dossier présenté par le syndicat Sequana (pas d'analyse des peuplements faune-flore de 2000 m de biefs et zones humides menacés, pas d'état initial correct des poissons avec mesure amont-retenue-aval et bief, absence de la moindre référence aux diverses mesures obligatoires de la directive cadre européenne sur l'eau, pas d'analyse chimique des sédiments, etc.), 
  • généralité sur les sédiments consistant à dire en termes savants et inutilement complexes que la rivière n'aura pas localement la même substrat avec ou sans ouvrage, sans qu'il soit précisé en quoi l'habitat lentique des retenues actuelles et leur fosse en aval de chute poseraient un problème pour le vivant (hors frayères à truite) et en quoi la fin des habitats aquatiques de biefs asséchés et de leurs annexes ne sera pas une perte plus impactante pour le vivant qu'un changement de faciès sur le lit mineur,
  • centrage de tout le document sur les poissons (en particulier les rhéophiles, et bien sûr les truites) sans aucune considération pour d'autres espèces,
  • même sur les poissons, aucune mise en contexte sur les peuplements du tronçon, aucune analyse des causes des densités observées (on cite des impacts de manière impressionniste, sans modèle explicatif), aucune projection de l'évolution de l'hydrosystème et de ses assemblages biologiques en changement climatique (alors les assecs de l'Ource sont signalés, sans que leur discontinuité hydrologique soit cartographiée et analysée), évocation d'un "potentiel piscicole" qui serait "fort" sans élément pour le démontrer (le rapport de la fédération de pêche cité en référence a utilisé des méthodologies datées et absentes de la littérature scientifique récente en écologie), le potentiel est "historiquement reconnu pour la truite fario", mais les ouvrages fondés en tire sont là depuis plusieurs siècles, donc il faut supposer qu'ils n'ont pas empêché "historiquement" la présence de ces truites, etc.
L'AFB suggère sans l'imposer (ni préciser les bonnes pratiques, voir Smith et al 2017 par exemple)  qu'un suivi biologique serait "intéressant" - car le syndicat envisage seulement un suivi morphologique. Vérifier qu'une zone de retenue change de morphologie quand elle devient une zone d'eau courante est sans grand intérêt (car trivial) si l'on ne mesure pas la diversité et la biomasse des espèces présentes avant et après, à des périodes comparables de l'année (dont les étiages). Car c'est bien pour le vivant que l'on est censé agir, pas pour une "diversité de faciès" répétée ad nauseam sans démonstration qu'il y aura gain de diversité alpha ou bêta sur les stations du tronçon. Mais une bonne analyse avant-après suppose plusieurs années de mesure avant travaux (pour analyser la variabilité saisonnière et annuelle du système visé par des travaux) : ce n'est pas fait ici, donc on agit aveuglément, sans se fonder sur des mesures mais seulement sur quelques principes génériques appuyés par de pauvres relevés de pêche.

On note par ailleurs une erreur de droit (qui n'est de toute façon pas la spécialité ni la mission de l'AFB, donc son intervention sur le sujet est étrange) : "Le projet présenté, avec un démantèlement des ouvrages transversaux, consiste en fait à une remise en état des lieux telle que définie par l’article L.214-3. De fait, l’opération projetée ne peut relever du régime de l’autorisation au sens de la rubrique liée aux ouvrages transversaux comme mentionné dans le dossier (p.8)." Or toute modification de plus de 100 mètres de profil de rivière impose une autorisation loi sur l'eau au titre du régime IOTA R 214-1 CE, que cette modification résulte du L 214-17 CE, du L 214-3 CE ou de tout autre article du code de l'environnement. L'AFB semble encore véhiculer la vue naïve selon laquelle un chantier dit de restauration écologique ne serait pas d'abord un chantier, donc une intervention en lit et berge susceptible de dégrader l'état actuel des milieux (ou de nuire aux droits des tiers, par ailleurs).

Comme celui déjà réalisé sur Tonnerre à l'époque de l'Onema (voir cet article), ce rapport sur l'Ource confirme donc que l'AFB cherche certainement à optimiser chaque mètre carré de rivière pour des espèces rhéophiles, mais ne travaille pas sérieusement sur la biodiversité aquatique en dehors de ce cadre étroit. C'est sans doute pour la même raison que l'Onema puis l'AFB n'ont jamais éprouvé la nécessité d'une estimation scientifique des impacts de la pêche sur les milieux, assortie de préconisations sur l'évolution des pratiques.

Ces biais halieutiques et excès de spécialisation piscicole / lotique de certaines instructions en écologie des rivières sont aujourd'hui anachroniques. Ils ont déjà été observés dans des travaux universitaires (par exemple Lespez et al 2015, Dufour et al 2017). L'agence française pour la biodiversité en tiendra-t-elle compte? Ou continuera-t-elle l'enfermement corporatiste qui a déjà caractérisé le CSP, puis l'Onema?

Illustration : bief d'un des ouvrages de Prusly-sur-Ource, milieu riche en vivant qui risque d'être asséché sur plusieurs milliers de mètres sans la moindre étude d'impact par le syndicat Sequana, la fédération de pêche ou l'AFB, alors que le commissaire enquêteur en a demandé le diagnostic. Mais tout ce qui contredit aujourd'hui le dogme de la continuité écologique "à la française" est écarté d'un revers de main : on rationalise les destructions d'ouvrages à la chaîne par des justifications répétitives, copiées-collées d'un site à l'autre, et d'une grande pauvreté de contenu.

07/02/2018

Des zones humides permanentes plus riches en diversité (Gleason et Rooney 2018)

À l'échelle mondiale, de nombreux écosystèmes aquatiques connaissent une dessiccation périodique qui impose un stress sur le vivant. Jennifer E. Gleason (Université de Guelph) Rebecca C. Rooney (Uuniversité de Wterloo) ont étudié la  région des cuvettes des prairies du Nord (PPPR) en Alberta (Canada), qui renferme d'abondantes zones humides sous forme de mares se remplissant lors de la fonte des neiges printanière, avant baisser de niveau en été. On peut leur assigner une classe de permanence selon la durée de présence de l'eau. Résultat : les zones humides permanentes sont plus riches en invertébrés, et les zones humides temporaires n'abritent pas de faune spécifique. De telles études seraient utiles à mener en France, afin d'éclairer la politique de restauration ou conservation de zones humides.  



Les zones humides dynamiques, à hydropériode variable, abritent des communautés diverses macro-invertébrés. La question posée par les chercheurs est de savoir si la permanence des mares transforment les communautés de macro-invertébrés. Outre la composition taxonomique, ils ont caractérisé ces communautés par groupes fonctionnels afin de tester les associations entre la dessiccation des étangs, les typs alimentataires ou les guildes comportementales.

Les macroinvertébrés aquatiques ont été échantillonnés sur 87 milieux humides de la RPPN qui couvraient une gamme de classes de permanence des étangs, soit 600 prélèvements, 62 taxons plus plus de 2,25 millions d'individus. L'abondance moyenne par site était de 22,31 (± 7,61) taxons, et de 6776,19 (± 5617,31) individus au mètre carré. la profondeur moyenne des mares était de 0,51 ± 0.23 m. Des analyses multivariées ont visé à identifier les différences dans la composition et les groupes fonctionnels selon les classes de permanence.

Principaux résultats :

  • la composition de la communauté de macro-invertébrés est statistiquement distincte selon les classes de permanence des étangs, les zones humides les plus extrêmes en caractère temporaire ou permanent différant le plus,
  • les macro-invertébrés dans les zones humides temporaires ne sont pas des taxons uniques spécialement adaptés, mais un sous-ensemble de la communauté que l'on trouve dans les zones humides plus permanentes,
  • la plupart des taxons sont plus abondants dans les zones humides plus permanentes. Seuls deux groupes taxonomiques (Culicidae et Anostraca) sur 62 sont plus abondants dans les milieux humides temporaires.
  • étonnamment, la qualité de l'eau (conductivité, turbidité, cations dominants, phosphore, azote et carbone), n'est pas fortement associée aux principaux gradients de composition des communautés.

Nous ne connaissons pas d'étude en France de la biodiversité des zones humides selon le niveau de permanence en eau de leurs milieux (on trouve en revanche des travaux sur les rivières intermittentes). Il serait intéressant de mener ces analyses dans diverses hydro-écorégions. A l'heure où la préservation et la restauration de ces zones humides forment une politique publique, le gestionnaire gagne à faire les meilleurs choix pour optimiser la biodiversité, finalité de ces programmes.

Référence : Gleason JE et RC Rooney (2018), Pond permanence is a key determinant of aquatic macroinvertebrate community structure in wetlands, Freshwater Biology, 63, 3, 264–277

Illustration : une petite zone humide intermittente se formant en pied de bief d'un moulin du Morvan.

05/02/2018

Droit de pêche, propriété et riveraineté: un point sur les lois et règlements

En cours d'eau domanial et non domanial, la pêche de loisir en eau douce ne répond pas aux mêmes règles d'exercice. Nous proposons ici une première présentation synthétique des textes régissant le droit de pêche. Tout pêcheur doit avoir un permis de pêche, quelque soit la rivière et le régime de propriété. En cours d'eau domanial, l'Etat ou la collectivité détient le droit de pêche (sauf dans les cas de droit fondé en titre), le riverain doit respecter une servitude de passage pour les pêcheurs. En cours d'eau non domanial, les riverains sont les propriétaires du droit de pêche (découlant de la propriété des berges et du lit). Les associations de pêche ne peuvent alors proposer à leurs adhérents que les linéaires où elles détiennent des droits de pêche (soit par propriété des fonds, soit par accord avec leurs propriétaires). Voici les principaux textes de loi, leurs liens vers les codes et quelques commentaires.


Article L435-1 code de l'environnement
I. - Le droit de pêche appartient à l'Etat et est exercé à son profit :
1° Dans le domaine public de l'Etat défini à l'article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, sous réserve des cas dans lesquels le droit de pêche appartient à un particulier en vertu d'un droit fondé sur titre ;
2° Dans les parties non salées des cours d'eau et canaux non domaniaux affluant à la mer, qui se trouvaient comprises dans les limites de l'inscription maritime antérieurement aux 8 novembre et 28 décembre 1926. Ces parties sont déterminées par décret.
II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'exploitation par adjudication, amodiation amiable ou licence, du droit de pêche de l'Etat, et les modalités de gestion des ressources piscicoles du domaine et des cours d'eau et canaux mentionnés aux 1° et 2° du I. Il fixe, en particulier, la liste des fonctionnaires, des agents et des membres de leur famille qui ne peuvent prendre part directement ou indirectement à la location de ce droit de pêche.
Article L435-3-1 code de l'environnement
Dans le domaine public fluvial d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales, le droit de pêche appartient à cette collectivité territoriale ou à ce groupement.
Article L2131-2 code général de la propriété des personnes publiques 
Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons.
Sauf exception, l'accès aux rives et la pêche sont libres (moyennant le paiement d'une carte annuelle) sur les cours d'eau domaniaux, qui sont généralement les canaux publics et les anciennes rivières dites navigables et flottables, propriété de l'Etat ou des collectivités. Le droit fondé en titre sur rivière domaniale (ouvrage devant exister avant 1566) fait exception en ce que le droit de pêche reste attaché à la propriété privée. En cours d'eau ou plan d'eau domanial, le riverain a une servitude de passage pour les pêcheurs (voir les détails de cet article L2131-2 CPPP ci-dessus pour la mise en oeuvre). 

Article L435-4 code de l'environnement 
Dans les cours d'eau et canaux non domaniaux, les propriétaires riverains ont, chacun de leur côté, le droit de pêche jusqu'au milieu du cours d'eau ou du canal, sous réserve de droits contraires établis par possession ou titres.
Dans les plans d'eau non domaniaux, le droit de pêche appartient au propriétaire du fonds.
Dans les plans d'eau et cours d'eau non domaniaux (ni navigables ni flottables), le droit de pêche est lié à la propriété privée riveraine. Par défaut, il est interdit à toute autre personne que le propriétaire de pêcher depuis la berge. L'accès en bateau est autorisé (l'eau est bien commun) à condition de ne pas débarquer sur la rive ou le lit (de même pour la pêche depuis un pont sur une route publique). Pour rappel un bief est un canal privé, non assimilable à un cours d'eau selon la loi (lit "non naturel" à l'origine).

Article L434-3 code de l'environnement
Les associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique contribuent à la surveillance de la pêche, exploitent les droits de pêche qu'elles détiennent, participent à la protection du patrimoine piscicole et des milieux aquatiques et effectuent des opérations de gestion piscicole.
Les AAPPMA (associations agréées de pêche) ne peuvent exploiter que les droits de pêche qu'elles détiennent, ce qui suppose en cours d'eau non domaniaux la capacité à démontrer des accords en ce sens avec les propriétaires des berges sur tout le linéaire du domaine réputé pêchable par ces associations.

Article L435-5 code de l'environnement
Lorsque l'entretien d'un cours d'eau non domanial est financé majoritairement par des fonds publics, le droit de pêche du propriétaire riverain est exercé, hors les cours attenantes aux habitations et les jardins, gratuitement, pour une durée de cinq ans, par l'association de pêche et de protection du milieu aquatique agréée pour cette section de cours d'eau ou, à défaut, par la fédération départementale ou interdépartementale des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique.
Pendant la période d'exercice gratuit du droit de pêche, le propriétaire conserve le droit d'exercer la pêche pour lui-même, son conjoint, ses ascendants et ses descendants.
Cet article prévoit une exception à l'attribution du droit de pêche au seul propriétaire riverain dans un cours d'eau non domanial : le propriétaire ayant bénéficié d'un financement public majoritaire de travaux, et pour l'entretien du cours d'eau, doit concéder le droit de pêche à l'association agréée. Cette concession est limitée sur une période de 5 ans après les travaux. Le conseil d'Etat (n° 320852 , 23 décembre 2010) a précisé que cette disposition s'applique si toutes les conditions requises par les articles R. 435-34 CE et suivant pour la définition et l'évaluation des travaux sont remplies.

Article L435-6 code de l'environnement 
L'exercice du droit de pêche emporte bénéfice du droit de passage qui doit s'exercer, autant que possible, en suivant la rive du cours d'eau et à moindre dommage. Les modalités d'exercice de ce droit de passage peuvent faire l'objet d'une convention avec le propriétaire riverain.
Article L435-7 code de l'environnement 
Lorsqu'une association ou une fédération définie à l'article L. 434-3 exerce gratuitement un droit de pêche, elle est tenue de réparer les dommages subis par le propriétaire riverain ou ses ayants droit à l'occasion de l'exercice de ce droit.
Lorsqu'un droit de pêche a été concédé par le propriétaire, les usagers sont tenus de respecter les lieux et de réparer des dommages. 

Article R436-71 code de l'environnement
Toute pêche est interdite à partir des barrages et des écluses ainsi que sur une distance de 50 mètres en aval de l'extrémité de ceux-ci, à l'exception de la pêche à l'aide d'une ligne.
En outre, la pêche aux engins et aux filets est interdite sur une distance de 200 mètres en aval de l'extrémité de tout barrage et de toute écluse.
Seule la pêche à la ligne est autorisée à proximité des ouvrages hydrauliques de type barrage ou écluse.

Article Article R436-70 code de l'environnement
Toute pêche est interdite :
1° Dans les dispositifs assurant la circulation des poissons dans les ouvrages construits dans le lit des cours d'eau ;
2° Dans les pertuis, vannages et dans les passages d'eau à l'intérieur des bâtiments.
La pêche est totalement interdite dans les passes à poissons et rivières de contournement, ou depuis les pertuis et vannages des ouvrages en rivière.

Illustration : photo par Janter, CC BY-SA 3.0.

02/02/2018

La définition juridique des zones humides

Deux critères permettent de définir une zone humide : la présence temporaire ou permanente d'eau, la présence de végétation hygrophile (plantes spécialisées de milieu aquatique ou humide). Le Conseil d'Etat a précisé que ces critères doivent être cumulatifs. Explications. [MAJ 2019 : voir cet article sur la modification de la loi]


Les zones humides sont définies en droit français dans l'article L 211-1 du code de l'environnement, qui entend assurer
"La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année"
Deux critères sont donc requis :
  • l'hydromorphie du sol, les terrains devant être "inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire";
  • la présence de végétation hygrophile. 
Dans un arrêt récent (n° 386325, 22 février 2017), le Conseil d'Etat a précisé que "une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d'eau et, pendant au moins une partie de l'année, de plantes hygrophiles", c'est-à-dire que "ces deux critères sont cumulatifs" et non alternatifs. [MAJ 2019 : la loi a restauré la notion de critères alternatifs]

Le caractère partiellement ou totalement inondé est assez évident à observer.

Le critère botanique doit être par ailleurs caractérisé. Comme le précise cet article du site "zones humides" de l'administration de l'environnement:
"On désigne par le terme d’hygrophytes toutes les plantes qui poussent en milieux humides mais, selon leur niveau d’adaptation, celles-ci se distribuent selon des gradients d’humidité et/ou de salinité. En France, on distingue ainsi les hydrophytes, toujours immergées ou affleurant à la surface de l’eau (cératophylles, potamots, nénuphars, élodées, lentilles d’eau…) et les amphiphytes qui poussent à la limite terre-eau et sont adaptées aux deux environnements ; ce groupe inclut les hélophytes qui sont enracinées au fond de l’eau et dont les parties aériennes sont émergentes (roseaux, Typha, Baldingère, carex…)"
Des plantes hygrophiles indicatrices des zones humides sont répertoriées dans des listes établies par région biogéographique (article R-211-108 code de l'environnement, à noter que le 2 aliéna de cet article n'est plus conforme à la loi).

L'annexe II A l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 code de l'environnement  définit une première liste de 775 espèces et 26 sous-espèces permettant de qualifier une zone humide sur le critère végétal.

Malgré leur intérêt pour la biodiversité, les zones humides naturelles sont aujourd'hui menacées par l'extension de l'artificialisation des sols et des milieux (construction, drainage, etc.). Les zones humides anthropiques (étangs, lacs, plans d'eau, biefs) sont mises en danger par certaines destructions d'ouvrages dans le cadre de la restauration de continuité en long (souvent pour des motifs halieutiques). Divers outils juridiques existent pour protéger les zones humides, même si le droit se montre encore contradictoire en ce domaine (voir Cizel 2017).

Illustration : marges et queue de l'étang de Bussières (89), dont on observe qu'elles réunissent les deux critères de définition de la zone humide. Ce site en ZNIEFF de type II est aujourd'hui menacé par des travaux de démolition de la digue et mise à sec des milieux humides d'intérêt par la fédération de pêche de l'Yonne, sans que notre association ait obtenu l'étude d'impact environnemental.

01/02/2018

Transporter des sédiments... mais lesquels? Le problème des sédiments fins (Mathers et al 2017)

On parle beaucoup en France du "transport des sédiments" comme d'une fonction vertueuse pour la santé des rivières et de leurs milieux. Mais l'invocation de ce mécanisme naturel de transport de la charge solide par les cours d'eau doit s'interroger au préalable sur la qualité et la quantité de sédiments que le bassin versant peut produire. En particulier, comme vient de le rappeler un numéro spécial de la revue River Research and Application, la question des sédiments fins (moins de 2 mm de diamètre), de leur évaluation et de leur impact biologique reste encore largement sous-traitée dans la recherche, et plus encore dans son application à la gestion écologique de la rivière. 


Un colloque national de la British Hydrological Society s'est tenu en 2016, à l'Université de Loughborough (Royaume-Uni), et un numéro de River Research Applications vient d'en publier les actes. Trois thèmes principaux sont associés à la gestion du problème des sédiments fins: caractériser les sources primaires dans les systèmes fluviaux; définir des approches physiques et biologiques de l'évaluation des pressions des sédiments fins sur les écosystèmes aquatiques; évaluer les conséquences écologiques des sédiments fins en excès, par des mesures empiriques et des modélisations.

Comme l'observent K.L. Mathers et ses 4 collègues dans l'article introductif de synthèse, "l'érosion, le transport et le stockage des sédiments fins dans les bassins fluviaux sont largement reconnus comme une cause mondiale de dégradation de l'habitat et de l'environnement. Ces sédiments sont une composante essentielle d'un fonctionnement normal de la rivière. Cependant, les charges sédimentaires de nombreux cours d'eau dépassent actuellement les niveaux usuels en raison du changement de la couverture végétale, de l'utilisation des terres et des pratiques de gestion." Certains modèles prévoient que les pressions des sédiments fins augmenteront à l'avenir en raison des changements de régimes de précipitations et de ruissellement. Il paraît donc essentiel aux chercheurs de développer une meilleure compréhension de la dynamique des sédiments fins : leurs sources, leurs voies d'exportation, leurs dépôts et infiltrations dans les substrats riverains, leurs implications pour les habitats aquatiques et l'écologie.

On considère en général comme sédiment fin une particule de moins de 2 mm de diamètre. Mais la taille n'entre pas seule en considération :  "il est important de noter que la prédiction de l'effet des surcharges sur les organismes dépend fortement d'un certain nombre de facteurs critiques, notamment la granulométrie, la composition chimique, la durée d'exposition et la concentration", soulignent les chercheurs.

Un premier enjeu est de savoir le potentiel de mobilisation du bassin versant et de la rivière. La méthode la plus communément utilisée pour identifier les sources est le "fingerprinting" qui va quantifier les contributions relatives des classes de sédiments dans des échantillons ciblés, recueillis dans le lit ou la charge en suspension. Les sources minérales et organiques sont alors estimées (sols supérieurs agricoles, berges, bordures et talus, fosses septiques et fumiers, végétation en cours de décomposition, etc.).

La mesure des matières en suspension de l'eau (ce qui définit sa turbidité) est souvent effectuée sur les rivières au titre du contrôle pour la directive-cadre européenne sur l'eau. Mais "les effets délétères des niveaux de sédiments fins sur l'écologie des cours d'eau sont associés à leur composante déposée plutôt que suspendue, car les caractéristiques du substrat exercent un contrôle important sur la disponibilité de l'habitat, particulièrement aux stades critiques de la vie", rappellent les chercheurs. Il y a donc un enjeu dans la capacité de quantifier avec précision la teneur en sédiments fins d'un lit de rivière soit directement (analyse physique), soit indirectement (présence ou absence de communautés d'organismes tolérantes des sédiments).

Enfin, comme le soulignent les scientifiques, "une meilleure compréhension des effets négatifs de l'excès de sédiments fins sur le fonctionnement des écosystèmes demeure un domaine où la recherche fondamentale est toujours requise. Malgré la richesse de la littérature et l'intérêt historique pour les conséquences écologiques de la sédimentation, de nombreux processus fondamentaux entourant les effets restent non étudiés". Les chercheurs observent que les implications des dépôts de sédiments fins sur les embryons de salmonidés ont été très étudiées, en raison de l'intérêt économique ou social donné à ces espèces. Mais bien d'autres aspects restent méconnus.

Référence : Mathers KL et al (2017), The fine sediment conundrum; quantifying, mitigating and managing the issues, River Res Applic, 33, 10, 1535-1467

29/01/2018

Dégradation volontaire de la digue de l'étang de Bussières

L'association Hydrauxois a constaté la destruction partielle et volontaire de la digue de l'étang de Bussières, étang d'Ancien régime sous la maîtrise d'ouvrage de la fédération de pêche de l'Yonne, situé dans une ZNIEFF où les étangs et queues marécageuses sont expressément désignés comme habitats d'intérêt. Aucune information n'est disponible sur site et aucune précaution de chantier (accès, information) n'est respectée. Aucune étude d'impact n'a été publiée. La préfecture a été contactée afin de connaître la justification réglementaire de cette dégradation : les pièces avancées par la DDT 89 jusqu'à présent faisaient état d'une déclaration de "vidange", non d'une modification complète et définitive du site, de son profil d'écoulement et de peuplement, des conditions de stabilité de la route longeant l'étang. L'action de la fédération de pêche revient pour le moment à faire disparaître 5 hectares de zones humides sans aucune autorisation ni étude d'impact. Une situation proprement aberrante, à l'heure où la moindre action en rivière et berge fait l'objet d'exigences très scrupuleuses de l'administration. Le dossier est en cours d'étude par l'avocat de l'association, qui déterminera les opportunités de plaintes devant les instances pénales et administratives.

26/01/2018

Après Notre-Dame-des-Landes, Edouard Philippe doit stopper le projet contesté de destruction des barrages et lacs de la Sélune

Edouard Philippe a déclaré à tous les Français qu'un projet d'aménagement ne pouvait se poursuivre s'il est contesté et divise la population concernée. Le gouvernement doit être cohérent et demander au ministre de l'écologie Nicolas Hulot de stopper immédiatement son projet annoncé de destruction de deux barrages et lacs de la Sélune, projet contre lequel les 20 000 riverains se sont exprimés massivement en consultation locale. Ce chantier a un rapport coût-bénéfice déplorable (50 millions € minimum pour 1300 saumons maximum), il détruit des outils de production bas carbone pour la transition énergétique, il anéantit les activités et le cadre de vie de la population locale, il met en danger les zones aval et la baie du Mont-Saint-Michel. L'enquête publique a été réalisée alors que l'on ne disposait pas de tous les éléments d'information. Ségolène Royal avait eu la sagesse de stopper le projet au regard de son coût et de la forte opposition locale. Il existe aujourd'hui un plan alternatif déjà communiqué au ministère de l'écologie, sans que Nicolas Hulot daigne recevoir son porteur. Les riverains et le collectif national de défense des lacs et barrages de la Sélune s'opposeront à cette caricature de concertation et de démocratie.


Dans sa déclaration du 17 janvier 2018 justifiant l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, Edouard Philippe a affirmé :
"les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet (…) un tel projet d'aménagement, qui structure un territoire pour un siècle, ne peut se faire dans un contexte d'opposition exacerbée entre deux parties presque égales de la population. Les grands projets qui ont réussi dans les années récentes (…) se sont tous réalisés (…) parce qu'ils étaient largement portés et acceptés par la population".
Cette déclaration vaut condamnation du projet de destruction des barrages de la Sélune, annoncé de manière brutale et non concertée par Nicolas Hulot le 14 novembre 2017.

Ce projet consiste à détruire deux barrages et leurs lacs sur le fleuve normand de la Sélune, cela afin d'augmenter de 1300 individus la population locale de saumon. Les barrages sont en état de fonctionnement et capables de produire de l'énergie. C'est la plus grande destruction de barrage en Europe, et non un chantier mineur.

Les barrages de la Sélune appartiennent à l'Etat après la fin de la concession EDF, donc le choix revient entièrement à la puissance publique en fonction de l'intérêt général.

La consultation locale de 2016, contrôlée par huissier, a recueilli 19 276 participations avec 98,89% de voix contre la suppression des barrages. La vallée refuse massivement le choix de destruction.

La recherche en sciences sociales a montré que ce projet a été construit de manière très critiquable, avec une faible implication des acteurs locaux et une forte contestation dès la première annonce de destruction en 2010 (voir Germaine et Lespez 2017).

Les 200 hectares de lacs et zones humides en marge des plans d'eau risquent de disparaître, avec la biodiversité lacustre qu'ils hébergent.

Une alternative à la destruction est possible : reprise de la production hydro-électrique, transfert des saumons de l'aval à l'amont comme EDF le fait déjà sur plusieurs sites en France.

Le coût minimum de la destruction a été estimé à plus de 50 millions €, le coût réel global n'est pas sérieusement déterminé à ce jour.

Nous sommes donc dans une situation tout à fait comparable à Notre-Dame-des-Landes :
  • ce projet est conflictuel et rejeté par la population,
  • ce projet a un coût public important et évitable,
  • ce projet contredit la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement,
  • ce projet a des bénéfices modestes et disproportionnés à ses coûts,
  • ce projet a une alternative viable.
L'Etat doit stopper immédiatement le projet de destruction des barrages de la Sélune, poursuivre l'inspection technique engagée en 2016 et relancer la production sur le site si l'inspection confirme que les barrages ne présentent pas de problème de sécurité.

Toute position contraire serait perçue comme un double langage du gouvernement et un mépris des citoyens avec des arbitrages à géométrie variable. Il produirait donc une farouche résistance, devant les tribunaux comme sur le terrain.

Edouard Philippe a dit qu'il ne voulait plus créer en France les conditions d'un nouveau Notre-Dame-des-Landes : sur la Sélune, ce souhait passe par l'abandon du projet contesté de destruction des barrages et des lacs.

25/01/2018

Barrages de castors et d'humains: quels effets sur les rivières? (Ecke et al 2017)

Après avoir été quasiment éliminés par l'homme du Moyen Âge au XIXe siècle, les castors sont de retour sur les rivières eurasiennes et nord-américaines, parfois même au-delà de leur aire connue de répartition ancienne. Ces grands constructeurs de barrages modifient les écosystèmes où ils s'installent, notamment par la création de zones lentiques (stagnantes) en milieu lotique (courant). Une équipe suédoise a procédé à une méta-analyse des effets connus des castors sur les écosystèmes. La comparaison avec les barrages artificiels créés par l'homme montre une assez nette convergence pour les effets biologiques (insectes, poissons) et biochimiques. L'analyse des effets des barrages de castors sur les salmonidés et migrateurs suggère qu'il n'y a pas d'impact réel, même si nombre d'études en ont fait l'hypothèse.


Les castors sont ingénieurs des écosystèmes reconnus pour leur capacité à construire des barrages et à créer des retenues. Ils colonisent des sites à travers l'Holarctique (hémisphère Nord) après une extirpation quasi-généralisée à partir du Moyen Âge en Europe et au XIXe siècle ailleurs. Les castors recolonisent aujourd'hui les eaux, y compris des zones en dehors de leur aire de répartition historique.

Frauke Ecke et dix collègues des universités suédoises d'Uppsala et Umea ont souhaité analyser les conséquences possibles de ce retour du castor, dont ils observent qu'il "a le potentiel d'altérer profondément l'hydrologie, l'hydrochimie et l'écologie aquatique dans les zones nouvellement colonisées et recolonisées".

Pour approfondir la connaissance des effets des barrages de castors sur les milieux aquatiques, les chercheurs ont extrait 1366 tailles d'effets de 89 études sur les retenues en cours d'eau et lacs. Les effets ont été évalués pour 16 facteurs liés à l'hydrogéomorphologie, à la biogéochimie, au fonctionnement de l'écosystème et à la biodiversité.

Principales conclusions de ce travail: "Les barrages de castors ont affecté les concentrations de carbone organique dans l'eau, le mercure dans l'eau et le biote, les conditions sédimentaires et les propriétés hydrologiques. Aucun effet négatif global n'est causé par les barrages ou les étangs de castors sur les salmonidés. L'âge du barrage est un déterminant important de la magnitude de l'effet. Alors que les jeunes retenues sont une source de phosphore, il y a une tendance à la rétention du phosphore dans les systèmes plus anciens. Les jeunes retenues sont une source de méthylmercure dans l'eau, mais les anciennes ne le sont pas."

Les chercheurs ont également évalué les similitudes et les différences entre les effets environnementaux des barrages construits par les castors et ceux construits par l'homme (767 tailles d'effet provenant de 75 études). Les dimensions des barrages ne sont malheureusement pas précisées (alors la catégorie "barrage" peut désigner des systèmes de dimensions très différentes, donc d'effets très variables).



Comparaison des effets des barrages artificiels (triangles) et de castors (cercles) sur différents paramètres, intervalle de confiance à 95% (cliquer pour agrandir) : poissons et invertébrés (diversité, abondance), mercure dans l'eau et le biote, fonctionnement de l'écosystème (CHl-a, biomasse fongique, turnover carbone, décomposition foliaire). On observe des effets souvent similaires, notamment des diversités et abondances de poissons et invertébrés plus fortes à l'aval qu'à l'amont. Source: art cit, droit de courte citation.

Voici leurs commentaires : "Les bassins artificiels ont montré une rétention de phosphore, tandis que les étangs de castors ont généralement libéré ce phosphore (…). Les bassins artificiels et les digues de castor présentaient des concentrations de Hg plus élevées dans l'eau et le biote dans les sites en aval que dans les sites en amont (…). L'effet moyen sur le mercure dans le biote était plus de deux fois plus élevé dans les systèmes artificiels que dans les systèmes à castors. Les valeurs pour le fonctionnement de l'écosystème [matière organique] étaient plus élevées dans les bassins de retenue artificiels et de castors que dans les sites en amont. Les valeurs étaient également plus élevées dans les bassins de retenue que dans les sites en aval, mais seulement pour les systèmes de castors. En se concentrant sur Chl-a seule [chlorophylle a], qui était le seul indicateur fonctionnel avec des tailles d'échantillon adéquates dans les deux types de systèmes, on a observé une augmentation nette des concentrations dans les systèmes artificiels, mais pas des systèmes de castors en aval (…). Les effets de la construction des barrages sur les macro-invertébrés différaient entre les types de systèmes, les systèmes artificiels ayant généralement une plus grande diversité et / ou abondance dans les sites en amont que les sites en aval. Pour le poisson, il n'y avait pas de différences globales entre les systèmes artificiels et les systèmes de castors."

Discussion
Les systèmes naturels sont loin d'être toujours continus : ils présentent aussi des discontinuités thermiques, géologiques, rhéologiques plus ou moins marquées. Les barrages de castors sont un exemple classique de discontinuités d'origine animale : elles devaient être beaucoup plus répandues dans les rivières avant l'expansion humaine et l'élimination progressive des rongeurs semi-aquatiques pour leur fourrure, leur chair ou la concurrence dans l'occupation du même espace.

Concernant les poissons migrateurs en particulier, les chercheurs observent : "Il a été suggéré que les poissons migrateurs, en particulier les salmonidés, sont les plus affectés négativement par la construction de barrages artificiels (revue in Quiñones et al 2015). Pour les systèmes de castors, cependant, il a été démontré que la plupart des effets négatifs rapportés (78% de toutes les études) sur les poissons migrateurs en raison de la construction de barrages sont uniquement spéculatifs (Kemp et al 2012). Contrairement aux barrages artificiels activement gérés, les barrages de castors sont a) régulièrement inondés et l'eau excédentaire contourne les barrages en traversant la zone riveraine pendant les périodes de fortes précipitations, b) perturbés (partiellement ou même complètement) par de fortes inondations (Hillman 1998, Butler et Malanson 2005), c) maintenu à des degrés divers (examiné dans Gurnell 1998) ou d) potentiellement perforé par des loutres (Reid et al 1988). Par conséquent, comme le soutient notre étude, nous ne prévoyons pas que des effets significatifs sur les espèces de poissons migrateurs soient causés par les barrages de castors."

On observera que certaines causes de moindre impact (notamment le fait que les barrages de castors sont inondés, contournés et surversés en crue) sont valables pour beaucoup de petits ouvrages de moulins, comme les chaussées anciennes. Cela converge avec le constat que les anguilles et saumons n'ont réellement déserté les têtes de bassin versant qu'avec l'apparition des grands barrages de navigation et irrigation ainsi qu'avec les rehausses de certaines usines hydrauliques à compter du milieu du XIXe siècle (voir les saumons dans le bassin de la Loire ou les anguilles dans la zone ibérique, voir aussi cependant cette discussion sur Lenders et al 2016).

Le retour des castors sur les rivières européennes ne manquera donc pas de modifier leur profil d'écoulement et de sédimentation, ainsi que les peuplements locaux. L'espèce étant désormais protégée, et les prédateurs naturels (loup, lynx, ours) en forte régression (par rapport aux siècles et millénaires antérieurs), la recolonisation sera peut-être rapide au cours des prochaines décennies. Au début des années 2010, on notait sa présence dans 52 départements de la métropole et dans 60% des cours d'eau prospectés (source).

Référence : Ecke F et al (2017), Meta-analysis of environmental effects of beaver in relation to artificial dams, Environ Res Lett, 12, 113002

Image (haut)
 : barrage de Castor fiber, par Athanasius Soter (travail personnel, domaine public)

A lire sur le même thème
Les petits barrages (de castor) ont aussi des avantages (Puttock et al 2017) 
Les barrages des moulins ont-ils autant d'effets sur la rivière que ceux des... castors? (Hart et al 2002)

23/01/2018

Etude de biodiversité des chaussées de la Sarthe: "Toute destruction sans connaissance préalable de la faune présente est un non sens!"

Suite à la publication de notre rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques, l'Association de sauvegarde des moulins et rivières de la Sarthe nous a fait parvenir un document très intéressant. Il s'agit d'un inventaire partiel de biodiversité (odonates, papillons, reptiles, amphibiens) des ouvrages hydrauliques de la Sarthe, de l’Huisne et du Loir, qui a été réalisé en 2009 par la Société d’histoire naturelle Alcide d’Orbigny. Nous en publions ci-dessous de courts extraits. Les naturalistes montrent que chaque ouvrage est plus ou moins intéressant pour la biodiversité, et que plusieurs espèces protégées profitent de leurs habitats. Chaque site est particulier, toute destruction sans étude préalable du vivant et des enjeux réels de biodiversité est donc un non-sens écologique. 

Introduction (extraits) 
Les rivières de la Sarthe, de l’Huisne et du Loir sont parcourues par de nombreux moulins et bar- rages de taille et d’usages divers, installés pour la plupart depuis plusieurs siècles. Pour l’essentiel, ils sont référencés dans la carte de Cassini établie au XVIIIème. Ces moulins et barrages modifient, souvent depuis le Moyen-âge, le régime de la rivière par rapport à un fonctionnement antérieur, dit « naturel ». La directive cadre sur l’eau du 23 octobre 2000 adoptée par le Conseil et par le Parlement européen définit un cadre pour la gestion et la protection des eaux par grand bassin hydrographique au plan européen. Elle fixe des objectifs ambitieux pour la préservation et la restauration de l’état des eaux superficielles (eaux douces et eaux côtières) et pour les eaux souterraines. Aussi un retour à une plus grande naturalité de ces rivières est actuellement souhaité, menaçant à terme l’existence de nombreux barrages et moulins. 


Dans ce travail nous nous intéresserons au potentiel biologique des eaux au niveau des barrages. Ces derniers sont-ils néfastes à la diversité de la vie aquatique, ne peuvent-ils pas être également générateurs de milieux favorables à certaines espèces, remarquables de par leur rareté et leur valeur patrimoniale (statuts de protection)?

Conclusion (extrait)
En conclusion de ce travail, nous pouvons affirmer qu’il ne faut pas généraliser les conclusions sur l’impact des barrages d’un point de vue écologique. La destruction d’un barrage peut se révéler pertinente dans un cas et ne pas l’être dans un autre. L’environnement global de la rivière est très certainement sous-estimé dans cette problématique. La destruction de barrages dans des zones d’eau polluées permettrait elle de retrouver un fonctionnement naturel ? Rien n’est moins sûr tant que tous les facteurs environnementaux ne sont pas pris en compte.

Chaque cas est particulier et doit être pris individuellement. Des équilibres se créent et les espèces sont capables d’adaptation (comme l’illustre les espèces d’Odonates qui affectionnent les zones calmes des rivières), ce qui est d’autant plus vrai dans le cas de barrages et seuils anciens, qui représentent aujourd’hui la majorité des ouvrages sur les rivières considérées.

Les espèces se sont adaptées au cours du temps à leur environnement et des espèces rares profitent des milieux crées par les barrages. En témoigne la Cordulie à corps fin, Oxygastra curtisii, protégée au niveau européen (Annexes II et IV de la Directive habitat). L’espèce est protégée mais également ses milieux de développement, c’est-à-dire la rivière elle-même. Détruire le barrage dans ce cas précis revient à détruire un habitat protégé au niveau européen! Toute destruction sans connaissance préalable de la faune présente est un non sens!

Ce que vous devez faire
Les associations de propriétaires et riverains comme les associations naturalistes doivent se saisir pleinement de cette question de la biodiversité. La destruction actuelle des ouvrages au nom de la continuité écologique obéit trop souvent à des enjeux halieutiques et piscicoles, non pensés dans une approche écologique globale. Il convient désormais pour les associations de :
  • motiver les propriétaires à étudier, documenter, protéger la biodiversité au droit de leurs ouvrages hydrauliques et des annexes (souvent les plus riches),
  • rechercher des partenariats pour étudier cette biodiversité orpheline, à ce jour largement ignorée par l'Agence française pour la biodiversité et par certaines structures naturalistes posant à tort que tout habit anthropique serait sans intérêt pour le vivant,
  • demander aux syndicats, parcs , fédérations de pêche et tous autres EPCI ou collectivités en charge de l'eau une étude préalable de biodiversité avant toute destruction d'ouvrage hydraulique,
  • engager des contentieux judiciaires si des chantiers de destruction de zones humides et de milieux d'intérêt sont engagés sans examen préalable de leur biodiversité, s'il est décidé de détruire malgré une perte nette de biodiversité, si les espèces invasives ne sont pas prises en compte, de manière générale si toutes les précautions demandées par la loi ne sont pas respectées (pour un aperçu de ces obligations, voir les annexes juridiques de la Grille des bonnes pratiques en effacement d'ouvrage).
Source : Société d’Histoire naturelle Alcide d’Orbigny (2009), Inventaires naturalistes des rivières de la Sarthe, de l’Huisne et du Loir. Département de la Sarthe (72), 31p.

20/01/2018

1392 élus et 349 associations demandent à Nicolas Hulot un moratoire sur la mise en oeuvre de la continuité écologique

Détruire le patrimoine hydraulique français et dépenser chaque année des centaines de millions d'euros pour des bénéfices incertains : la réforme de continuité écologique ne passe décidément pas en France. Ainsi, 1392 élus dont 36 parlementaires, 514 personnalités du monde économique, artistique, technique et scientifique, 349 associations représentant 110.000 adhérents directs ont signé l'appel à moratoire sur la destruction des ouvrages dans le cadre de la continuité écologique. Le texte et les signatures ont été officiellement déposés le 12 janvier 2018 au secrétariat de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire. Les 12 organisations nationales qui portent le moratoire ont demandé audience. Nous publions leur lettre d'accompagnement. Cette remise du moratoire au ministre inaugure une campagne nationale d'information des élus et de préparation d'actions sur les sites problématiques. L'administration en charge de l'eau doit cesser d'ignorer les nombreux rappels à l'ordre des parlementaires et stopper les choix les plus réprouvés d'une réforme mal concertée, mal financée, mal acceptée.


Monsieur le Ministre d’Etat,

Sur tous les territoires de notre République, la destruction des ouvrages de moulins, forges, étangs, lacs, usines hydroélectriques, canaux d’irrigation, soulève  une vive émotion et des contestations ouvertes. Des riverains sont déconcertés, des services de l’État interpellés, et des élus locaux désemparés.

Face à ce problème, nous avons lancé voici 2 ans un appel à moratoire sur la destruction des ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique (voir annexe 1).

A ce jour, 1392 élus dont 36 parlementaires, 514 personnalités du monde économique, artistique, technique et scientifique, 349 associations représentant 110.000 adhérents directs l’ont signé, auxquels s'ajoutent 66 questions écrites de parlementaires.

Leur souhait ? Que le rétablissement du transit sédimentaire et de la circulation piscicole sur les rivières classées au titre de la continuité écologique se fasse dans le respect de  l’art. L 211-1 du code de l’environnement, c'est-à-dire dans le respect de tous les usages au sein d’une «gestion équilibrée et durable de l’eau».

Les ouvrages hydrauliques ont un intérêt historique, économique, social, patrimonial et paysager.  Beaucoup sont présents depuis des siècles et tous participent au cadre de vie des vallées françaises.

Mais nous tenons à rappeler que ces ouvrages concernent aussi des enjeux écologiques, qui ont été rappelés par divers travaux scientifiques ces dernières années :

  • ils génèrent des zones humides (étangs, lacs, retenues, biefs, canaux), qui hébergent de nombreuses espèces, et alimentent l’hydrologie de la plaine alluviale; 
  • ils préservent, stockent et régulent l’eau à l’heure où le climat change, où les sécheresses deviennent fréquentes et les étiages sévères; 
  • ils contribuent souvent à l’épuration des nutriments et phytosanitaires circulant dans les masses d’eau;
  • ils peuvent pour certains produire une énergie très bas-carbone à l’heure où il nous faut accélérer la transition énergétique sur tous les territoires.

La destruction pure et simple des seuils est, dans la majorité des cas, prioritairement préconisée par tous les services administratifs – DDT[M], Agences de l'Eau et AFB –à grand renfort de subventions bonifiées, alors que cela n'a jamais été inscrit dans la loi sur l'eau de 2006 qui demande uniquement que chaque ouvrage sur cours d'eau en liste 2 soient « équipé, géré et entretenu ». Ces arasements sont aussi contraires à de nombreuses autres politiques publiques.

Le rapport récent du CGEDD, demandé par Mme Royal, acte de nombreux dysfonctionnements dans la mise en œuvre de la continuité écologique. Vous en trouverez une synthèse en annexe de la présente (voir annexe 2). Un premier rapport du CGEDD en 2012 pointait déjà des problèmes, mais ses recommandations sont restées sans effet.

Le coût estimatif de l’application complète du classement au titre de la continuité écologique dépasserait les 2 milliards d’euros d’argent public, auxquels il faut ajouter la part de financement privé. Par ailleurs, au rythme actuel des opérations, il faudrait cinq décennies (et non les 5 ans du délai légal) pour respecter la mise en conformité du nombre manifestement déraisonnable de cours d’eau classés la plupart du temps sans justification avérée.

Ces données du CGEDD démontrent que la réforme de continuité écologique a été mal préparée, mal gérée et mal acceptée.

Nos demandes ont fait l’objet d’une écoute de la part de certains pouvoirs publics et de beaucoup d'élus. On a pu observer ces trois dernières années :

  • des demandes des ministres de l’environnement et de la culture comme des parlementaires de cesser désormais la destruction du patrimoine ancien et/ou industriel ;
  • le vote de la loi «création architecture et patrimoine» de 2016 introduisant une mesure de sauvegarde, mais seulement pour le patrimoine déjà classé ; 
  • le vote de la loi «biodiversité» de 2016, ajoutant un délai de 5 ans pour l’exécution des travaux demandés ;
  • le vote loi de ratification des ordonnances sur l’autoconsommation énergétique de 2017 exemptant les moulins producteurs et encourageant leur équipement hydroélectrique.

Nous constatons, hélas, que certains services instructeurs (DDT-M), certains représentants de l’État au sein des Agences de l’eau et de l’Agence française pour la biodiversité prennent insuffisamment en compte ces nouvelles orientations.

En effet :

  • certains services de l’État et des établissements administratifs ignorent les grilles multi-critères sur chaque chantier; 
  • des ouvrages et des plans d’eau sont effacés sans inventaire de leur biodiversité, au risque d’avoir un bilan écologique négatif;
  • les riverains ne sont pas intégrés dans la concertation en amont, se trouvant mis en face d'une mise en œuvre opaque et autoritaire;
  • même lorsque l’enquête publique émet des réserves ou conclut à un avis négatif, l’administration n’en tient pas compte;
  • les sommes demandées pour des aménagements non destructeurs (passes à poissons, rivières de contournement) sont exorbitantes et l’État refuse de les indemniser alors qu’il s’y était engagé en 2006;
  • les solutions les plus simples, comme la gestion des vannes sur les ouvrages modestes, ne sont quasiment jamais évoquées;
  • les projets hydroélectriques font l’objet d’instructions très longues et de prescriptions complémentaires, aléatoires, la plupart du temps en logique de moyens et non de résultats,  sans réelle évaluation du coût-bénéfice des mesures imposées, et sans prise en compte du diagnostic de l’état initial. 

Monsieur le Ministre d’Etat, la France et l’Europe affrontent aujourd’hui des défis écologiques sans précédent.

La politique de destruction des ouvrages hydrauliques et de refus de leur équipement hydroélectrique néglige tous les enjeux autres que piscicoles et sédimentaires, tels que patrimoine, paysage, usages, biodiversité et énergie renouvelable. La transition énergétique ne peut réussir sans la capacité des ouvrages hydroélectriques à accompagner les autres énergies renouvelables intermittentes. Cette politique de destruction bafoue également la démocratie locale, en particulier dans des territoires ruraux qui souffrent aujourd’hui d’un manque d’écoute sur ce qu’ils estiment être leurs enjeux de développement.

C’est la raison pour laquelle, au nom de tous les signataires de notre appel, des plus de 110.000 adhérents qu’ils représentent et des 12 organisations nationales qui le portent, nous sollicitons un moratoire sur les effacements d’ouvrages hydrauliques, d'étangs et plans d’eau, le temps d'instaurer une vraie concertation sur une nouvelle manière d’envisager les enjeux piscicoles et sédimentaires des rivières françaises, en lien avec les autres usages de l’eau et les autres politiques publiques. Nos organisations se tiennent à disposition pour vous rencontrer rapidement et pour trouver la meilleure manière d’avancer sur cette question.


Signataires nationaux
Association des riverains de France (ARF)
Coordination rurale (CR)
Electricité autonome française (EAF)
Fédération des moulins de France (FMDF)
Fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM)
France hydro électricité (FHE)
Fédération nationale des syndicats de forestiers privés (FRANSYLVA)
Maisons paysannes de France (MPF)
Observatoire de la continuité écologique et des usages de l’eau (OCE)
Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF)
Union nationale des syndicats et associations des aquaculteurs en étangs et bassins (UNSAAEB)
Vieilles maisons françaises (VMF)

Et 1392 élus, 349 associations, 514 personnalités

18/01/2018

Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes

Le Comité national de l'eau a ouvert un cycle de discussion sur les problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de la continuité écologique et les meilleurs moyens d'y remédier. A cette occasion, notre association et l'Observatoire de la continuité écologique ont publié un rapport sur la question de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques négligées des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes. Sa diffusion est libre et conseillée, pour informer les élus, les commissaires enquêteurs, les animateurs de syndicats, etc. 

Téléchargement du rapport (pdf)

Introduction
Les ouvrages hydrauliques ont des impacts physiques, chimiques, biologiques sur la rivière, et modifient localement le vivant. Dans certains cas, les modifications excèdent la station et s’observent sur un tronçon de rivière, voire un bassin versant. Des espèces de poissons ayant besoin de grandes migrations sont pénalisées, d’autres ayant une préférence pour les eaux vives voient leurs habitats restreints sur le bassin versant.

Mais les ouvrages hydrauliques, dont beaucoup sont anciens en France, produisent aussi des habitats qui leur sont propres, ils augmentent la surface en eau du bassin versant, ils dessinent des zones humides artificielles.

La politique de continuité écologique aboutit aujourd’hui à la destruction d’ouvrages et de leurs annexes hydrauliques, choix majoritaire dans plusieurs bassins majeurs (Seine-Normandie, Artois-Picardie Loire-Bretagne). Ces ouvrages conditionnent l’existence de divers milieux aquatiques et humides : retenues, réservoirs, lacs, étangs, canaux, biefs, rigoles de déversoir, annexes humides, etc.

Outre la mauvaise prise en compte de certaines dimensions d’intérêt général (paysage, patrimoine, énergie, etc.), les conditions de mise en œuvre de ces destructions sont problématiques :

  • La biodiversité et les fonctionnalités (comme l’épuration) des systèmes hydrauliques concernés ne sont pas étudiées.
  • Le choix de favoriser la biomasse de certains poissons spécialisés (parfois non migrateurs et non amphihalins) ne signifie pas un gain total de biodiversité (ignorance presque totale des oiseaux, amphibiens, mammifères, insectes, végétaux, etc.). Les gains ne sont pas évalués en vérifiant des pertes pour d’autres assemblages biologiques.
  • Les milieux lentiques sont assimilés par construction à des milieux « dégradés » par rapport à des milieux lotiques, alors qu’ils sont aussi des habitats pour des espèces adaptées.
  • Une certaine vision de la nature idéale comme « nature sans l’homme » voire « nature avant l’homme » est mise en avant alors qu’elle est loin d’être consensuelle dans la communauté savante et encore moins chez les riverains (loin aussi d’être avancée de manière aussi brutale dans les autres compartiments des politiques publiques).
  • Les renaturations de rivières ont des coûts conséquents avec des impacts sur les usages ou aménités, sans qu’il soit clairement démontré que les services rendus par les écosystèmes aux citoyens sont modifiés dans un sens favorable.

Des travaux de recherche, y compris français et récents, critiquent désormais certains aspects de cette politique de restauration physiques des rivières, appelant à une approche plus intégrée et plus rigoureuse des choix publics.

Nous proposons pour l’avenir de

  • Séparer plus nettement la gestion halieutique (poisson et pêche) et la gestion écologique (diversité du vivant et des habitats) des rivières
  • Mieux préparer les chantiers en développant une grille d’analyse de biodiversité et de fonctionnalité des sites, préalable à toute destruction
  • Rehausser le niveau d’étude des bassins versants, avec une écologie du terrain et de la donnée évitant d’appliquer de manière trop rigide les orientations trop systématiques des programmations administratives.
  • Solvabiliser ce niveau d’ambition, qui ne peut relever que des politiques publiques d’expertise et non des particuliers ou exploitants.

Chaque rivière a une histoire de vie qui lui est propre, chaque site est un cas particulier. La réalité écologique doit être étudiée sans préjugé avant intervention.

17/01/2018

Après Notre-Dame-des-Landes, les luttes riveraines sont légitimes

Le gouvernement a décidé de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes. Cette question n'entre pas dans le domaine d'expertise et d'intervention de notre association, hormis sur un point : l'attitude des citoyens vis-à-vis des politiques publiques, et en particulier du pouvoir exécutif et de son administration. Nous recevons ainsi ce message de l'Etat : les luttes pour protéger les cadres de vie menacés par des politiques jugées brutales et inutiles par les riverains sont désormais légitimes en France. L'immense et ruineuse folie de la destruction des patrimoines historique, culturel et naturel des rivières, des étangs, des lacs doit donc être combattue sur le terrain comme devant les tribunaux tant que le gouvernement et son administration n'entendent pas les attentes des citoyens.



Quels que soient ses qualités et ses défauts, le projet de NDDL avait été validé par l'ensemble des votes intermédiaires, des enquêtes publiques, des contentieux judiciaires. Il avait aussi donné lieu à une procédure exceptionnelle de référendum local, avec issue favorable au projet.

Le gouvernement a néanmoins jugé préférable de donner raison aux opposants, incarnés notamment par la "zone à défendre" ayant pris la place de la zone d'aménagement différée dans le bocage de la région nantaise.

L'évacuation de cette "ZAD" et les justifications apportées par le gouvernement sont ici secondaires par rapport au message principal que contient la décision : les citoyens voient reconnaître la légitimité d'une opposition aux choix néfastes de la puissance publique. Et cela au-delà des procédures de concertation ou de contentieux, qui avaient été respectées dans le cas de Notre-Dame-des-Landes.

Ce droit de résistance aux décisions publiques absurdes, nous le revendiquons donc ici, maintenant et partout pour la défense des ouvrages hydrauliques menacés de destruction.

Nous rappelons que la réforme dite de "continuité écologique", initialement conçue pour aider des poissons grands migrateurs à remonter les rivières là où l'intervention avait un bilan coût-bénéfice raisonnable, est devenue une machine administrative folle à détruire les cadres de vie appréciés des riverains et les paysages hérités des vallées françaises.

Le ministre Nicolas Hulot a encore pris le 4 novembre 2017 la décision isolée et autoritaire de programmer la destruction des deux grands barrages de la Sélune, contre l'avis de dizaines de milliers de riverains et en ignorance des discussions en cours. Des centaines de moulins, forges, étangs sont déjà détruits chaque année dans le pays.

Cette réforme dite de continuité écologique :
  • est menée dans le mépris des citoyens avec une concertation minimaliste et des comités de pilotage fermés,
  • coûtera plus de 2 milliards € d'argent public sur les 20 000 ouvrages menacés,
  • détruit à marche forcée le patrimoine hydraulique français,
  • fait disparaître des zones humides et milieux d'intérêt,
  • contredit la lutte contre le changement climatique en sacrifiant des énergies locales et bas-carbone.
La continuité écologique telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée par l'administration française a toutes les caractéristiques des "grands projets inutiles et coûteux". Elle relève d'abord de l'abus de pouvoir des bureaucraties autoritaires, et non de la volonté des citoyens comme de leurs représentants élus.

Cela doit cesser.

Les riverains sont fondés à s'engager par tous les moyens démocratiques à leur disposition pour lutter contre la destruction des ouvrages hydrauliques. Après Notre-Dame-des-Landes, le choix des possibles s'est élargi pour cette mobilisation nécessaire, urgente, collective.

15/01/2018

Trois orientations simples pour une politique apaisée des ouvrages hydrauliques

Dans les coursives du ministère de la Transition écologique et solidaire, dans les cénacles du Conseil national de l'eau, dans les bureaux des administrations aquatiques, on discute beaucoup des issues à trouver pour la réforme ratée de continuité écologique, décrite comme une "épine dans le pied" des politiques environnementales par le récent rapport du CGEDD. Hélas, ces discussions tendent toujours à contourner les problèmes principaux. Nous revenons ici à trois idées simples formant la base des attentes des propriétaires et des riverains. Et revenant surtout sur ce que dit la loi française. Nous invitons les associations, syndicats et collectifs à les rappeler aux administrations et gestionnaires, en demandant si, oui non, ils s'engagent à respecter ces trois orientations. Si la réponse est négative, les problèmes ne pourront pas trouver de solutions. Si la réponse est positive, la continuité écologique sera apaisée.


Une continuité écologique privilégiant la gestion, l'équipement, l'entretien des ouvrages
Enjeu : la loi française (article L 214-17 Code de l'environnement) a demandé que chaque ouvrage soit "géré, équipé, entretenu" dans le cadre de la continuité écologique. Ce qui signifie : ouverture des vannes, passes à poissons, rivières de contournement, rampes enrochées. Certains établissements administratifs comme les Agences de l'eau ou l'Agence française pour la biodiversité expriment une préférence pour la destruction des ouvrages, choix qui n'est pas spécifié par les parlementaires. Or, il ne revient pas à l'administration d'interpréter la loi, mais de l'exécuter en conformité à la volonté générale. Des destructions sont possibles dans certains cas, mais elles n'ont aucune légitimité à devenir le choix des pouvoirs publics.
Attente : la politique de continuité doit revenir à son orientation première, cesser les destructions qui posent problème et privilégier les solutions non destructrices.

Une continuité écologique indemnisant les solutions inabordables pour les maîtres d'ouvrage
Enjeu : les aménagements de continuité écologique, visant au bien commun, ont des coûts considérables. Ils ne sont donc pas abordables pour les particuliers et petits exploitants, ces derniers ayant déjà la servitude lourde de surveiller et gérer les dispositifs de franchissement. La loi de 1984 avait programmé le franchissement piscicole sur certaines rivières à migrateurs, mais elle avait été très peu appliquée car elle ne prévoyait justement pas d'indemnisation des travaux, aboutissant à un blocage de terrain. La loi de 2006 a corrigé cette erreur en prévoyant l'indemnisation des travaux représentant une charge spéciale et exorbitante.
Attente : les solutions de continuité écologique doivent faire l'objet d'un financement public, les solutions les moins coûteuses étant privilégiées.

Une continuité écologique respectant la gestion équilibrée et durable des rivières
Enjeu : la continuité écologique n'est qu'un des nombreux éléments définissant dans la loi la "gestion équilibrée et durable" de l'eau (article L 211-1 Code de l'environnement). Sa mise en oeuvre doit donc être compatible avec les autres dimensions de la rivière. Dès 2012, le Conseil général de l'environnement et du développement durable a demandé que les ouvrages soient analysés selon une grille multicritères incluant le patrimoine, le paysage, l'énergie, les usages locaux, la valeur foncière, la biodiversité en dehors des poissons spécialisés, etc.
Attente : les projets de continuité écologique doivent améliorer le franchissement piscicole et le transit sédimentaire en tenant compte des droits établis, des autres attentes d'intérêt général, des différents aspects de l'écologie, sur la base d'analyse coûts-avantages.

14/01/2018

Guide de bonnes pratiques pour les projets d’effacement de seuils et barrages en rivière

Les collectifs ou les associations de riverains sont souvent confrontés au même problème dans le domaine de la continuité écologique: un bureau d'études, un syndicat de rivière ou une fédération de pêche présente un projet d'effacement d'un ouvrage hydraulique qui ne correspond pas à la réalité perçue et vécue de l'ouvrage. La raison en est que dès le départ, le diagnostic du site a été biaisé par des mauvaises pratiques, avec l'oubli de nombreux éléments à étudier. Pour les collectifs et les associations, nous proposons une grille d'élaboration des diagnostics et avant-projets d’effacement de seuils et barrages en rivière (version 1.3, janvier 2018). Il s'agit de l'adresser au début de toute étude à la structure en charge du diagnostic. Si vous rencontrez un interlocuteur fermé et peu disposé à entendre la nécessité d'une approche complète, objective et concertée de l'ouvrage hydraulique, contactez-nous. 


Télécharger le document

Introduction du document :

Depuis le vote de la LEMA en 2006, la mise en œuvre de la continuité écologique se traduit par la multiplication des commandes pour les bureaux d’études, le plus souvent des commandes publiques ou financées par argent public.

Mais les dossiers qui en résultent font apparaître un certain nombre de problèmes, le plus souvent fonction du maître d’oeuvre : lacunes, erreurs, improvisations, distorsion des commentaires ou des conclusions par rapport aux résultats de calcul, etc.

Ces travers sont particulièrement marqués dans le cas des effacements d’ouvrages, auxquels cette note est spécifiquement dédiée. Une autre note évoquera la question des aménagements non destructifs.

De manière non exhaustive, on citera :

  • mauvaise information sur les bases juridiques du droit d’eau / règlement d’eau, voire oubli pur et simple de cette dimension ;
  • absence d’évaluation économique de ce droit d’eau (et de compensation afférente en cas de disparition) ;
  • carence d’évaluation des éléments immatériels (histoire, paysage, patrimoine) impliqués dans la valeur foncière du site ;
  • centrage sur les poissons, non prise en compte de la biodiversité ordinaire et des fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes humides ;
  • absence d’objectifs chiffrés et d’analyse coût-avantage de la restauration écologique envisagée (seule et en comparaison au coût-avantage de mesures compensatoires pour les milieux) ;
  • défaut de concertation élargie à l’ensemble des riverains impactés par la modification du lit suite à l’effacement ;
  • manque d’indépendance vis-à-vis du financeur de l’étude, dévalorisation de la qualité technique des travaux et donc de la signature du bureau.

Pour restaurer la crédibilité des BE, respecter les droits des propriétaires et riverains, produire une réforme de continuité écologique en phase avec les exigences du public, il est donc nécessaire de produire des études de restauration écologique / morphologique plus solides et plus équilibrées.

Ce guide a été réalisé à partir de l’étude de la littérature technique / scientifique et du retour d’expérience d’une cinquantaine d’ouvrages en France ayant fait l’objet d’une étude d’impact / étude de faisabilité en restauration. Distribué aux maîtres d’ouvrages, il sera pour eux la garantie que le BE mandaté par eux-mêmes, l’EPCI-EPTB ou l’Agence de l’eau accomplira un travail complet et objectif sur les différentes dimensions des ouvrages hydrauliques, les enjeux réels des chantiers et de tous leurs impacts.

Chaque volet du guide doit être rempli lors des travaux d’analyse diagnostique et une analyse coût-avantage doit intégrer l’ensemble des volets, afin que la décision d’effacement reflète fidèlement l’ensemble des coûts réels pour le maître d’ouvrage et pour la collectivité.

11/01/2018

La restauration physique de rivière peine à modifier les peuplements aquatiques dans la durée (Lorenz et al 2018)

Une nouvelle étude de chercheurs allemands montre que même après 15 ans, les mesures de restauration morphologique des rivières ne parviennent pas à produire le bon état écologique au sens de la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000). Les résultats sont plus notables en berge (carabes, végétation riveraine) que dans les peuplements aquatiques (poissons, invertébrés, macrophytes), ces derniers ne permettant pas d'observer des variations significatives dans le temps.  Il paraît donc important que les gestionnaires publics des rivières ré-évaluent la portée de leurs actions : recalage des objectifs de la DCE, rigueur dans le suivi des opérations, évaluation comparée plus fine des différentes mesures de restauration, débat sur le coût des interventions et l'évolution avant-après des services rendus par les écosystèmes aux citoyens.

La recherche en écologie appliquée a montré que la restructuration hydromorphologique des rivières a souvent peu d'effets sur le biote aquatique, même en cas de forte altération de l'habitat. Les scientifiques supposent que la réponse biotique est simplement retardée car les espèces ont besoin de plus de temps pour recoloniser les nouveaux habitats et établir des populations.

Pour identifier et spécifier ce temps de latence supposé entre la restauration et la réponse biotique, Armin W. Lorenz et ses 4 collègues ont étudié 19 tronçons de rivière réaménagés, et cela deux fois (2007-2008, 2012-2013) dans un intervalle de cinq ans. Les sites avaient été restaurés un à dix ans avant le premier échantillonnage, ce qui permet de vérifier si les variations de durée écoulée depuis la restauration se traduisent par des variations biologiques (espèces observées). Ces rivières se situent en plaine ou en basse montagne.

Les chercheurs ont échantillonné trois assemblages d'espèces aquatiques (poissons, invertébrés benthiques, macrophytes) et deux groupes d'organismes riverains (Carabidés, c'est-à-dire des coléoptères terrestres, et végétation riveraine). Ils ont analysé les changements dans la composition des assemblages de ces espèces et dans les paramètres biotiques. Ils ont aussi vérifié si l'état écologique de la rivière tel qu'il est mesuré par la directive cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) a changé avant et après la restauration.


Changements dans le nombre de taxons (a), l'abondance (b),le nombre (c) et le % d'abondance (d) des espèces indicatrices. FI = poisson, MIV = macro-invertébrés, MP = macrophytes, RV = végétation riveraine, GB = carabes. La ligne centrale indique la médiane des données, le premier et le troisième quartiles définissent la boîte à moustaches. Cliquer pour agrandir. Source : art cit, droit de courte citation

Les chercheurs résument ainsi leur principaux résultats : "À l'exception des assemblages de carabes, nous n'avons observé aucun changement important dans les paramètres de mesure de la richesse et de l'abondance utilisés pour l'évaluation biologique. Toutefois, les taxons indicateurs des conditions d'habitat quasi naturel dans la zone riveraine (indicateurs d'inondation régulière chez les plantes et de spécialistes des berges chez les carabes) se sont considérablement améliorés au cours de l'intervalle de cinq ans. Contrairement aux attentes générales en matière de planification de la réhabilitation des rivières, nous n'avons pas observé de succession distincte de communautés aquatiques ni de tendance générale vers un 'bon état écologique' au fil du temps. De plus, plusieurs modèles de régression linéaire ont révélé que ni le temps écoulé depuis la restauration ni l'état morphologique n'ont eu d'effet significatif sur les mesures biologiques et les résultats de l'évaluation. Ainsi, la stabilité des assemblages aquatiques est forte, ce qui ralentit les effets de restauration dans la zone aquatique, alors que les assemblages riverains s'améliorent plus rapidement."

Les auteurs rappellent que plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la relative stabilité des assemblages aquatiques malgré les restaurations morphologiques :
  • longueur insuffisante des tronçons de rivières restaurées,
  • potentiel de recolonisation (populations sources) absentes,
  • influences prédominantes d'autres impacts du bassin versant,
  • durée longue nécessaire au retour de la biodiversité attendue.
Ils concluent en soulignant que des ré-introductions artificielles d'espèces cibles peuvent aider à accélérer le processus de recomposition biologique.

Discussion
Quand le bilan de restauration physique des rivières est réalisé par des scientifiques plutôt que par des associatifs ou des organismes administratifs, la conclusion est généralement plus sévère. Ce point avait été soulevé en France dans un travail montrant que le bénéfice des opérations est inversement proportionnel à la rigueur de l'examen des résultats (Morandi et al 2014). Contrairement à une idée reçue, les discussions des chercheurs en écologie appliquée à la restauration de rivières sont plutôt dominées depuis une dizaine d'années par un constat d'écart entre les attentes et les résultats (voir cette synthèse sur 2005-2015)

Les rivières et leurs bassins versants sont soumis à de multiples pressions, à différentes échelles spatiales et temporelles, avec des effets complexes (additifs, synergistiques, antagonistes). Ces hydrosystèmes sont modifiés, parfois lourdement, et généralement depuis longtemps. Des travaux de modélisation ont souvent montré que les usages des sols sur le bassin versant - pression diffuse et difficile à corriger - exercent un impact plus notable que des altérations locales d'habitats.

Par ailleurs, la restauration physique de rivière concerne des interventions différentes sur le lit mineur, la berge ou le lit majeur - en Allemagne, on pratique plus souvent des interventions stationnelles pour créer des micro-habitats, en France on investit davantage dans la continuité longitudinale. Il faut donc aller dans le détail des types de mesures et des résultats pour vérifier leurs effets relatifs.

Quoiqu'il en soit, ces travaux de recherche sur l'évaluation critique de la restauration devraient conduire les gestionnaires à rappeler plusieurs choses :

  • l'espoir que la restauration physique / morphologique de rivière parvienne à produire le bon état écologique au sens de la DCE dans les délais impartis par l'Europe (en 2015, 2021 ou 2027 au maximum) n'est guère fondé,
  • le caractère multifactoriel, ancien et profond des altérations de bassins versants implique que les coûts d'intervention et de restauration vont être cumulatifs et considérables, ce qui pose la question du consentement à payer des citoyens pour les objectifs que l'on se fixe, pour le délai espéré dans l'atteinte ces objectifs et pour les services réellement rendus par les écosystèmes restaurés.

La DCE 2000 va connaître un cycle de ré-examen sur la période 2019-2021. Il serait utile que les chercheurs, les administratifs et les politiques en profitent pour tenir un discours de vérité, et repenser les objectifs de manière plus réaliste (au plan écologique et biologique, mais aussi économique et social).

Référence : Lorenz AW et al (2018), Revisiting restored river reaches – Assessing change of aquatic and riparian communities after five years, Science of the Total Environment, 613–614,1185–1195