08/06/2018

La Mérantaise, ses poissons et ses ouvrages (Roy et Le Pichon 2017)

Deux hydro-écologues ont étudié une petite rivière d'Ile-de-France pour comprendre l'impact des ouvrages hydrauliques sur la circulation des truites. Ils observent qu'une petite partie des obstacles à l'écoulement bloque l'essentiel des gains possibles d'accès en habitats de frai ou de nourriture. Tout traiter n'aurait pas un bon bilan coût-bénéfice par rapport à des interventions ciblées. Cette recherche montre donc que l'on peut prioriser les interventions de continuité écologique, d'autant que la mobilité des truites mesurée par radiotélémétrie (quelques centaines de mètres) se révèle assez modeste. Mais cette recherche ne répond pas à d'autres questions. Et notamment : pourquoi dépenser de l'argent public et imposer des contraintes en faveur de la truite commune si l'espèce n'est pas menacée (contrairement aux grands migrateurs amphihalins)? 


La Mérantaise est une rivière de la haute vallée de Chevreuse (Yvelines), affluent de l'Yvette, bassin de Seine. Elle a un bassin versant de 31 km2. Cette rivière a été identifiée comme réservoir biologique en raison de la présence de 28 espèces terrestres et aquatiques protégées, dans le cours d'eau ou ses zones humides attenantes. La rivière comporte aussi plusieurs moulins, en place depuis un à plusieurs siècles.

Mathieu Roy et Céline Le Pichon ont analysé un tronçon de 6 km, d'une largeur de 2-5 m, pente moyenne de 0,75%, substrat mêlée de limon, sable, gravier et galets. Douze barrières ont été retrouvées : 3 associées à des moulins, d'autres à des buses, passages routiers, lavoir.

Entre mars 2012 et avril 2013, 39 truites communes âgées de plus de 1 an ont été suivies en radio-télémétrie. Leur taille variait de 178 à 554 mm. L'analyse a révélé que les poissons immatures circulent sur une distance moyenne de 143 m (maximum 366 m) hors période de reproduction et les poissons mature de 170 m (maximum 774 m), ces derniers circulant en moyenne 351 m (maximum 830 m) en période de frai.

Les ingénieurs ont ensuite utilisé un logiciel (Anaqualand) pour estimer le gain que représenterait le traitement des obstacles à la circulation. Ils en présentent ainsi le fonctionnement:  "Le logiciel permet à l'utilisateur de quantifier la connectivité structurelle et fonctionnelle entre les parcelle d'habitat ou des points de coordonnées en amont ou en aval, ou les deux (Le Pichon et al 2006). La connectivité structurelle peut être quantifiée en calculant les distances entre les parcelles d'habitat dans le cours d'eau (c'est-à-dire le chemin le plus court à l'intérieur des limites du chenal) et la résistance au mouvement est supposée homogène. En revanche, la connectivité fonctionnelle intègre la distance entre les parcelles et une résistance variable au mouvement, ce qui permet d'identifier les chemins les moins coûteux, exprimés en résistance minimale cumulée (MCR) (Adriaensen et al 2003; Knaapen et al 1992). Cette approche est basée sur les hypothèses générales de la théorie de la stratégie optimale de recherche de nourriture (Davies et al 2012) prédisant que les poissons auront tendance à minimiser les coûts d'énergie lorsqu'ils voyagent (Giske et al 1998). Ainsi, le chemin le moins coûteux entre deux parcelles d'habitat fonctionnel peut parfois impliquer de parcourir une distance plus longue que l'option la plus courte afin d'éviter un obstacle ou une zone à risque."

Le principal résultat du travail est qu'en rendant franchissable 3 barrières sur 12, on obtient un gain d'accès à des frayères qui ne s'améliore pas significativement ensuite. Les barrières en place ne sont pas des obstacles pour la circulation liée aux besoins quotidiens de recherche de nourriture, cf image ci-dessous, cliquez pour agrandir.

Gain en accès d'habitats de frai (gauche) et de circulation courante (droite) selon le nombre d'ouvrages rendus transparents. Cliquer pour agrandir. Extrait de Roy et Le Pichon, art cit.

Mathieu Roy et Céline Le Pichon concluent : "A la lumière de l'analyse, les efforts dans le cas de la Mérantaise devraient se concentrer sur l'amélioration de la franchissabilité de la barrière B3, à la fois pour augmenter la superficie des habitats de fraie accessibles de 13% de la superficie totale de l'habitat pour la truite, et maximiser la connectivité entre l'habitat de fraie et les parcelles d'habitat à usage quotidien. Un tel changement serait favorable, car une meilleure connectivité entre les habitats de fraie et d'utilisation quotidienne pourrait accroître la probabilité d'utilisation de l'habitat (Flitcroft et al 2012). Cependant, l'élimination d'autres obstacles en amont n'augmenterait que légèrement la superficie totale de l'habitat accessible, en raison des obstacles plus franchissables et de la moindre disponibilité d'habitats fonctionnels dans cette zone en amont. Par conséquent, l'élimination ou la modification de ces obstacles pourrait être considérée comme peu prioritaire pour la gestion et la conservation de l'habitat de la truite".

Discussion
A l'heure où certaines réfléchissent à la priorisation du traitement des ouvrages hydrauliques à fin de continuité, cette étude de Mathieu Roy et Céline Le Pichon suggère que traiter la totalité des barrières à la circulation n'est pas forcément utile, car le rapport coût-bénéfice peut devenir défavorable à mesure que les gains diminuent et que les dépenses s'accumulent. Les gestionnaires de bassin versant seraient avisés d'utiliser de tels outils, au lieu de multiplier des opérations. Le syndicat concerné a fait des travaux lourds de continuité écologique sur certaines zones et parle de "projet ambitieux du rétablissement de la continuité écologique de la Mérantaise".  Il est vrai que ces travaux étaient d'abord motivés par le risque inondation à Gif-sur-Yvette, impliquant plutôt la continuité latérale et l'expansion de crue, mais il a été aussi posé à l'occasion le supposé besoin d'intervenir sur le maximum d'ouvrages.

Or, outre le peu d'intérêt de traiter systématiquement les ouvrages, cette étude pose d'autres questions. Ainsi, la Mérantaise est déjà classée comme réservoir biologique (28 espèces protégées dans le bassin), donc la nécessité de mobiliser l'argent public pour agir sur la continuité en long de ce cours d'eau doit être questionnée, alors que tant d'autres sont dans un état plus dégradé appelant des actions plus utiles (voire plus impératives pour atteindre notre obligation européenne de bon état écologique et chimique, prioritaire par rapport à la question des densités locales de poissons migrateurs). Par ailleurs, la truite commune est une espèce abondante et non menacée en France et en Europe, outre que les populations présentes en rivière sont souvent issues des empoissonnements de pêcheurs depuis plus d'un siècle. Les données sur la Mérantaise suggèrent qu'elle n'est pas menacée non plus dans cette rivière, les mobilités observées étant compatibles avec la fragmentation. Enfin, aucune étude ne permet de dire si les ouvrages et leurs annexes hydrauliques ont des effets sur cette biodiversité locale. Nous souhaitons que le gestionnaire des rivières fondent leurs réflexions et actions sur la réalité biologique des bassins - inventaires faune-flore, étude des habitats singuliers, - plutôt que sur des principes abstraits qui seraient valables partout.

Référence : Roy ML, Le Pichon C (2017), Modelling functional fish habitat connectivity in rivers: A case study for prioritizing restoration actions targeting brown trout, Aquatic Conserv: Mar Freshw Ecosyst, 1–11.

Illustration en haut : photo Jlbailleul, CC BY-SA 3.0

06/06/2018

L'agence de l'eau Seine-Normandie a déjà engagé 45,6 millions € pour détruire lacs et barrages de la Sélune

Notre association a finalement obtenu la communication des décisions de financement de l'agence de l'eau Seine-Normandie relatives aux barrages de la Sélune. Il en ressort qu'entre 2012 et 2018, l'agence de l'eau a engagé plus de 45 M€ d'argent public pour effacer les ouvrages hydrauliques. Cette somme finance un projet consistant à détruire contre l'avis des 20.000 riverains deux barrages en état de produire de l'hydro-électricité, qui servent également de réserve d'eau potable, de lieux de loisir et de ralentisseurs de crue, tout en évitant l'arrivée d'eaux polluées dans la baie du mont Saint-Michel. Cette gabegie incroyable et ce mépris des habitants sont un cadeau fastueux au lobby des pêcheurs de saumon et à quelques intégristes minoritaires des rivières sauvages, dont l'objectif affiché depuis 30 ans est de détruire le maximum de barrages en France. En plein transition énergétique bas-carbone et alors que l'action publique manque de moyens, Nicolas Hulot laisse faire voire encourage cette absurdité. Le gouvernement a-t-il toute sa lucidité sur ce dossier? Pourquoi tient-il un double discours sur la nécessité d'abandonner les grands projets qui divisent à Notre-Dame-des-Landes mais pas sur la Sélune, renouant avec la duplicité usuelle des dirigeants dont les citoyens sont si las? Le président mesure-t-il l'image donnée, quand il avait promis aux Français un usage juste, intelligent et modéré de la dépense publique? Quand on rogne sur les investissements d'accessibilité des personnes handicapées mais qu'on dépense ainsi à vannes ouvertes sur l'accessibilité des saumons?  Il est temps de stopper cette folie héritée des dérives antérieures de la continuité écologique, folie qui est combattue sur le terrain comme devant les tribunaux.


Pour l'ouvrage de Vézins (Etat maître d'ouvrage), le 16 janvier 2012, l'agence de l'eau Seine-Normandie a signé une convention d'étude préalable à l'effacement (sous forme d'un fond de concours) et une première convention d'aide financière.

Le versement de 1 million € (M€) a eu lieu en deux fois en juin et octobre 2012.

Le 11 février 2014, un second fond de cours a été décidé par l'agence de l'eau pour la poursuite des travaux préalables à l'effacement, suivi le 3 mars 2014 par une autre convention d'aide financière.

Les sommes versées ont cette fois atteint 25 M€ (en juillet 2014 et en juillet 2016).

Pour l'ouvrage de La Roche-qui-Boit (EDF maître d'ouvrage), la commission des aides a donné un avis favorables pour 4 subventions de 38148 €, 94850 €, 19964 €, 392080 €, correspondant à des travaux de préparation du démantèlement du barrage et de l'usine.

Cela représente 545.042 € (0,5 M€).

Enfin en février 2018, l'agence de l'eau Seine-Normandie a décidé de verser :
- un troisième fond de concours à l'Etat pour un montant de 13,5 M€,
- une subvention à EDF de 5,553 M€.

On atteint donc déjà au total la somme exorbitante de 45,598 millions € dépensés pour détruire les barrages et les lacs de la Sélune.

Ces sommes ne prévoient aucune compensation ni aucun projet de substitution dans la vallée défigurée — l'Etat laisse aujourd'hui entendre que ce sera à charge des collectivités locales, qui sont désargentées et n'ont nulle somme importante à investir dans le cloaque que laisseraient les travaux.

La bureaucratie de l'eau dilapide ainsi l'argent public pour effacer des barrages qui
  • produisent une énergie bas carbone,
  • ralentissent les inondations de la vallée aval,
  • forment la principale réserve d'eau potable locale,
  • nourrissent les activités socio-économiques autour des lacs,
  • protègent la baie du Mont-Michel des pollutions.
Mais pourquoi, diront ceux qui découvrent le dossier ?

Cette dépense a pour objectif principal la présence de 1300 saumons supplémentaires alors même que cette espèce circule déjà dans tous les fleuves de la baie du Mont Saint-Michel, dont la Sélune aval. Cette quantité (hypothétique) de salmonidés est remarquablement faible par rapport au coût et aux standards de projets de cette ampleur dans le monde, où ce sont plutôt des centaines de milliers de migrateurs qui sont le cas échéant concernés. L'enjeu écologique est ici assez secondaire, d'autant que la zone amont des barrages est dégradée, sans budget disponible pour la restaurer à ce jour. De plus un repreneur industriel a proposé dans son projet de tester sur 30 ans un transport des saumons vers l'amont, comme cela se pratique en France et dans certains fleuves à saumon dans le monde (voir par exemple Kareiva 2017 sur la Snake River, où le déclin du migrateur a été conjuré). Enfin, un nombre croissant de chercheurs appellent à la prudence sur la gestion des barrages en situation de changement climatique (voir Beatty et al 2017).

Ce grand projet inutile et imposé est principalement un cadeau fait au lobby des pêcheurs et à quelques intégristes des rivières sauvages, cadeau se payant par le sacrifice du cadre de vie de 20 000 riverains ayant dit leur opposition à la casse lors d'une consultation.

En septembre 2018 se tiendra la fête annuelle des barrages. Nous appelons tous ceux qui le peuvent à converger vers la Sélune pour dire leur opposition à cette folie sur le terrain, comme cela est déjà engagé devant les tribunaux.

Image : une rupture de digue lors de la vidange de 2017, DR.

04/06/2018

L'ouvrage hydraulique comme passé et comme avenir, l'exemple anglais (Edgeworth 2018)

Au Royaume-Uni, l'Agence de l'environnement a produit au début des années 2010 une carte des sites de petite hydraulique exploitables pour la transition énergétique en Angleterre et au Pays de Galles. Soit plusieurs dizaines de milliers d'opportunités d'installer des dispositifs hydro-électriques. Dans un essai collectif venant de paraître et consacré aux rivières comme infrastructure matérielle des sociétés humaines, l'archéologue Matt Edgeworth (université de Leicester) souligne que la plupart de ces sites sont des héritages du passé, en particulier des moulins construits au cours du dernier millénaire.  L'universitaire montre combien nos trajectoires s'inscrivent dans les usages anciens et les ré-inventent. Un message dont on aimerait qu'il soit entendu par le décideur français, alors que l'administration de notre pays a été saisie d'une manie sectaire et autoritaire de destruction de cet héritage, qui est aussi un avenir.  Restaurer et équiper les moulins, forges et autres dispositifs d'Ancien Régime doit devenir une priorité des propriétaires et des collectivités. Extraits du texte de Matt Edgeworth.

"Le point de départ de ce document est une carte produite par l'Agence britannique pour l'environnement en 2010 (Figure 1). Elle identifie les sites sur les rivières avec un potentiel de production hydroélectrique à petite échelle. Étonnamment, la carte indique près de 26 000 sites en Angleterre et au Pays de Galles. Le rapport ne précise pas en quoi consistent ces sites, d'où ils viennent et comment ils sont arrivés. Il les classe simplement en fonction de la puissance potentielle en kilowatts qui pourrait être générée sur chaque site (Environment Agency 2010).



Le rapport reconnaît que tous les sites identifiés sur la carte ne seront pas adaptés et utilisés pour la production d'hydroélectricité. Certains sont dans des zones non peuplées où l'entretien serait difficile, ou trop loin des points de connexion avec le réseau national. Même si tous les sites identifiés étaient développés, l'hydroélectricité à petite échelle ne peut jamais correspondre à l'échelle de production des centrales au charbon ou des centrales nucléaires. (…)

Mais ce n'est pas le sujet. L'énergie renouvelable a une valeur symbolique importante pour la société qui va bien au-delà de la valeur économique et, dans ce contexte, la petite échelle de l'exploitation peut avoir des avantages par rapport aux processus industriels de production d'énergie. Le développement de programmes énergétiques «verts» est essentiel à l'objectif plus large de parvenir à une vie durable et de s'attaquer aux problèmes liés au changement climatique, à la pollution de l'environnement et à l'épuisement des ressources. Même si seulement un tiers des sites identifiés sur la carte étaient développés, l'hydroélectricité à petite échelle pourrait fournir une part substantielle de l'énergie renouvelable du pays, aux côtés de l'énergie éolienne et solaire. (…)

Ce qui est vraiment extraordinaire à propos de la carte, comme le montrera cet article, c'est que la vision du développement futur potentiel des rivières qu'elle présente repose sur une infrastructure matérielle déjà existante, sous la forme de dispositifs et aménagements fluviaux plus anciens mais souvent encore en fonctionnement. Cette dimension temporelle et culturelle des rivières - le fait qu'elles ont été façonnées par les générations passées d'êtres humains en sorte que cela autorise et contraint à la fois ce qui peut être fait à l'avenir - sera cruciale pour l'analyse présentée ici. (…) 

Revenant maintenant à la carte de l'Agence pour l'environnement montrée à la figure 1, et aux 25 000+ sites ayant un potentiel pour la production hydroélectrique, nous pouvons voir que c'est une carte du passé et de l'avenir - ou plutôt, une carte des potentiels pour l'avenir fondée sur une carte du passé. Dans la plupart des cas, l'installation de turbines hydroélectriques ne devrait pas repartir de zéro. La plupart des travaux essentiels d'infrastructure ont déjà été faits: une infrastructure matérielle, comme nous l'avons vu, existe déjà. Dans de nombreux cas, il faudrait modifier ces structures et les aménagements existants pour y installer des turbines, s'il est jugé approprié de le faire. (…)

Ce chapitre a été en partie dédié aux sites hydroélectriques, mais en réalité, il a essayé de regarder au-delà de l'hydroélectricité pour arriver à quelque chose de plus fondamental - l'étendue de l'intrication des rivières dans les affaires humaines, pas seulement dans la période industrielle, mais au cours des mille dernières années, et au-delà." 

Référence : Edgeworth Matt (2018) Rivers as material infrastructure: a legacy from the past to the future. In Holt, Emily (ed), Water and Power in Past Societies, Albany, SUNYPress, 243-257

03/06/2018

Moret-sur-Loing ne veut pas perdre ses ouvrages hydrauliques

Patrick Septiers, maire de Moret-sur-Loing, appelle ses concitoyens à le soutenir dans une pétition pour préserver les ouvrages hydrauliques de la commune, menacés par les réformes de continuité écologique. Comme partout, les services de l'Etat font pression pour des options visant à faire disparaître partiellement ou totalement le patrimoine ancien et le paysage local, notamment en refusant le barème maximal de subvention aux passes à poissons. Nous soutenons cette commune dans sa lutte, et nous appelons les élus locaux à suivre son exemple. L'administration centrale et les agences publiques méprisent la loi et la volonté générale en voulant imposer le dogme décrié de la casse irrémédiable des ouvrages. Voir aussi les mobilisations actuelles dans le Sud-Ouest et en Lorraine contre les mêmes diktats bureaucratiques qui apportent aux populations des brimades et des nuisances plutôt que des services.



Suite à un problème technique survenu au barrage de Champagne sur Seine, la Seine puis le Loing ont vu leur hauteur d'eau diminuer d'une soixantaine de centimètres. 
Notre site Morétain a ainsi été complètement dénaturé pendant quelques semaines. Cette baisse des eaux montre ce que pourrait devenir notre paysage, si la destruction des vannages afin de faciliter la remontée des poissons, était appliquée à Moret-sur-Loing. Depuis plusieurs années, avec les élus locaux, je me bats pour éviter cette solution, pour converser la qualité de notre site et éviter que celui-ci soit à sec…

Je poursuivrai avec les élus, durant les réunions à venir à défendre d'autres solutions, comme une passe à poissons, qui n'abimeraient pas notre environnement… J'espère faire entendre raison aux décideurs afin que les fondations des berges et des bâtiments ne soient pas fragilisées, que notre site immortalisé par de nombreux artistes comme Sisley et connu mondialement soit préservé et continue à célébrer l'union de la nature et du patrimoine forgé par l'Homme.
Et sans eau.. comment les poissons remonteront ils la rivière ?
J'attends toujours la réponse des experts !

Si vous êtes comme moi contre la destruction des barrages sur le Loing signez cette pétition.

Patrick SEPTIERS, Maire de Moret-Loing-et-Orvanne

Signez la pétition 
— — —
Envie de comprendre les enjeux, de rencontrer d'autres personnes confrontées au même problème, de débattre des solutions? Le samedi 30 juin 2018 à Semur-en-Auxois (21), venez participer aux 6es rencontres hydrauliques régionales de notre association. Invitation sur demande.

02/06/2018

Tombeau du patrimoine: une lettre à Stéphane Bern en défense des moulins, forges et étangs que l'Etat français détruit

On entend beaucoup parler du loto du patrimoine, mis en place par Stéphane Bern à la demande d'Emmanuel Macron, en vue d'aider à financer la sauvegarde du patrimoine en péril. Mais qu'en est-il du petit patrimoine rural et technique, qui a accompagné au cours des siècles le développement de nos provinces et qui forme aujourd'hui encore le paysage de ses vallées? Luc Lefray, Marie-Geneviève Poillotte, Pierre Potherat (Société mycologique du Châtillonnais) et François Poillotte (Société archéologique et historique du Châtillonnais) attirent l'attention de Stéphane Bern sur la scandaleuse campagne administrative de destruction systématique des chutes, ouvrages, vannages, canaux, biefs, retenues et étangs, souvent présents depuis le Moyen Âge. La France doit cesser cette gabegie d'argent public, qui est un appauvrissement culturel sans précédent des paysages riverains et, bien souvent, une aberration écologique. 



Le Président de la république vous a récemment confié une mission spéciale consacrée à la recherche de moyens financiers destinés à sauvegarder le patrimoine français en péril.  Nous vous avons entendu avec satisfaction et espoir quand vous avez déclaré que tout le patrimoine vous intéressait, y compris le petit patrimoine ou patrimoine vernaculaire. Hormis le patrimoine mentionné habituellement (cathédrales, châteaux, abbayes…etc), notre région, le nord Côte-d’Or, partie intégrante du plateau de Langres, est particulièrement bien dotée en petit patrimoine en raison du grand nombre de ruisseaux et rivières y prenant naissance, tels la Seine et ses principaux affluents : Marne, Aube, Ource et Laignes…etc. Le plateau de Langres n’est-il pas considéré par les spécialistes géologues et hydrogéologues, comme le château d’eau du bassin parisien ?

Dès le Moyen Âge, ces rivières et ruisseaux, compte tenu de leur fort potentiel en énergie hydraulique, de la présence de bois en quantité ainsi que d’un minerai de fer aisément exploitable, ont vu fleurir sur leurs cours de nombreuses installations artisanales telles que des moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries…

La construction de ces installations, à l’architecture souvent remarquable, s’est accompagnée de l’aménagement des cours d’eau au moyen d’astucieux systèmes de vannages, de biefs et de canaux destinés à acheminer l’eau jusqu’aux installations en question puis à la rendre à la rivière principale, contribuant ainsi à créer un entrelacs de rivières, chenaux, petites retenues et chutes d’eau, à fort potentiel patrimonial et touristique sur l’ensemble de la région.

Par ailleurs ces aménagements semblent avoir été extrêmement bénéfiques pour le peuplement des rivières comme nous l’enseigne la longue histoire de la truite chatillonnaise qui remonterait également au Moyen Âge.

Les rois de France de passage dans la région, de Charles VI à Louis XIV, se sont vus offrir le célèbre pâté de truites châtillonnais. François Ier, Louis XIII et Louis XIV l’ont tellement apprécié qu’ils ont fait repeupler à plusieurs reprises les étangs de Fontainebleau avec des truites prélevées entre Châtillon-sur-Seine et Mussy-sur-Seine.

Jusqu’au milieu du XXème siècle, quand la pêche commençait à  devenir une activité de loisirs,  toutes les rivières de la région étaient considérées comme des « spots » exceptionnels pour la pêche à la truite, au brochet et même à l’anguille.

 Ces dernières années, notre association ainsi que la population locale se sont émues devant l'effacement et/ou l'absence d'entretien de quelques étangs aménagés à l'époque médiévale (début XIVème siècle) par les ducs de Bourgogne, en forêt domaniale de Châtillon, laquelle doit devenir l'un des cœurs du futur parc national des forêts de feuillus.

Ces étangs faisaient partie d’un ensemble unique en France de sept plans d’eau disposés en chapelet le long du ru du val-des-Choux, depuis la source située dans l’ancienne abbaye éponyme, jusqu’à la confluence avec l’Ource, soit sur un linéaire de seulement 5,5 km. Outre l’application très rigoriste de la directive européenne sur  la « continuité écologique des cours d’eau », une des raisons principales avancées pour justifier l’absence d’entretien est le manque de moyens de l’ONF, gestionnaire des étangs.

Or, dans le même temps l’État engage des dépenses très importantes pour détruire le petit patrimoine que sont les vannages et chutes d’eau des anciens moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries dont un grand  nombre remonte au moins au XIIème siècle. 

Cette campagne de suppression massive des anciens ouvrages, orchestrée et financée par les pouvoirs publics, va au-delà des recommandations de la directive européenne relative à la continuité écologique des cours d’eau et nous paraît sans fondement puisque, compte tenu de leur faible hauteur (inférieure à 2,5m), l’excellente qualité halieutique de nos rivières a toujours été de pair avec ces aménagements  pluriséculaires jusqu’à leur abandon progressif, dans la deuxième moitié du siècle dernier.

Plus de 600 petits ouvrages, dont le plus grand nombre est encore en bon état ou, pour le moins, faciles à restaurer, ont été répertoriés dans le périmètre du futur parc national. A raison de 100 à 250 k€ nécessaires par ouvrage, leur suppression couterait près de 100 million d’euros. Ce chiffre ne concerne que les vannages et seuils recensés dans le périmètre du parc national d’une superficie de 240 000 ha. Etendu à tout le territoire national, sur les ouvrages de même gabarit, le montant des travaux promet d’être colossal pour un résultat qui ne saurait  être partout à la hauteur des objectifs fixés.

Nous espérons Monsieur Bern, que vous prendrez notre message en considération et que vous saurez œuvrer efficacement pour stopper la casse programmée de notre petit patrimoine. Nous pensons que l’argent ainsi épargné sera plus utile dans votre quête de moyens de sauvegarde.

Photographie : les étangs des Marots en automne, par Christal de Saint-Marc (droits réservés).