13/01/2019

Sur les obstacles en rivière dont l'aménagement n'est pas écologiquement utile

La demande de continuité écologique est-elle toujours justifiée pour les milieux ou d'un coût proportionné à ses effets? Non. Après avoir classé en 2011-2012 plus de 20000 ouvrages hydrauliques (seuils, barrages, digues, écluses) au titre de la continuité écologique des rivières, ce qui représenterait un coût public de plus de 2 milliards € et un coût privé sans doute équivalent sur une durée de 5 ans seulement, le gouvernement français a fini par admettre (à demi-mots) le caractère aberrant et hors-sol de l'effort demandé par sa bureaucratie. Il est désormais question de définir des ouvrages réellement prioritaires en terme d'aménagement pour le franchissement de poissons. Ce sera l'occasion de débattre de cette priorité, qui doit être fondée sur des critères objectifs, partagés, et non laissée à l'arbitraire de services instructeurs de l'administration (a fortiori de quelques lobbies choisis par l'Etat). Nous publions ici des éléments de priorisation qui avaient été préconisés dans un rapport d'universitaires belges en 2007. On voit que certains intérêts écologiques des ouvrages anciens y sont reconnus, de même que leur faible impact. 



En Belgique, la réflexion sur la continuité écologique a donné lieu au milieu des années 2000 à une mission universitaire confiée à l'unité de biologie du comportement de l’Université de Liège (département des sciences et gestion de l’environnement, laboratoire de démographie des poissons et d’hydro-écologie LDPH).

Dès le départ, cette mission s'est posée la question de la priorisation des interventions sur les rivières et les ouvrages. Elle l'a fait de manière plus transparente qu'en France, avec publication de rapports sur les analyses des chercheurs (et non travail en commissions fermées sans compte-rendu).

Le travail qui a été publié alors comporte des informations intéressantes sur la question de la priorisation, qui doit devenir d'actualité en France : le gouvernement s'est engagé à définir des ouvrages et des rivières prioritaires où l'aménagement de continuité écologique a un sens.

Voici un premier extrait concernant les cas où traiter un obstacle n'a pas d'intérêt (nous avons conservé es arguments généraux en retirant seulement les exemples de rivières belges concernées).

Types d'obstacles dont l'aménagement ne serait pas écologiquement utile 
Dans plusieurs situations détaillées ci-dessous, il n'est pas justifié écologiquement de rendre un obstacle franchissable par les poissons: 
* Existence d'un obstacle naturel permanent (cascade, barrage en travertin, cours souterrain) auquel les populations de poissons se sont adaptées depuis des temps immémoriaux et qui, parfois, constituent en soi des éléments d'habitat aquatique à protéger (barrages naturels en travertins par ex.). 
* Faible intérêt écologique et piscicole de donner accès à un cours d'eau caractérisé par une eau acide peu ou pas productive. (...) 
* Faible intérêt de permettre la remontée de poissons migrateurs dans un plan d'eau artificiel (réservoir, étang) d'où ils ne pourraient plus aisément dévaler sous la forme de juvéniles ou d'adultes en post-reproduction et où ils subiraient une très forte prédation par les brochets et les oiseaux piscivores. (...). 
* Absence d'habitats, spécialement de frayères, de qualité et d'une certaine superficie dans le cours d'eau en amont de l'obstacle candidat à l'aménagement. Cela pose le problème du coût financier de l'ouvrage par rapport au bénéfice écologique et piscicole attendu. Cette situation se rencontre essentiellement avec la truite commune dans de nombreux petits cours d'eau qui forment le chevelu des ruisseaux en têtes de bassins; 
* Rôle écologiquement positif d'un obstacle infranchissable comme facteur d'isolement d'une population de l'amont présentant des caractéristiques génétiques originales (biodiversité) à préserver de la contamination par des poissons de l'aval plus ou moins fortement introgressés par des sujets d'élevage issus de repeuplements. Cette situation se rencontre surtout chez la truite commune (Van Houdt et al., 2005) et probablement chez l'ombre.

Aucune de ces propositions de bon sens n'est pour le moment appliquée en France : nous avons des rivières classées alors qu'elles présentent de nombreuses chutes naturelles, nous avons des rivières classées par tronçons disjoints alors que de grands barrages y sont infranchissables (et non classés), nous n'avons aucune analyse de routine de la structure génétique des populations et de la différenciation entre poissons issus d'élevage et poissons endémiques (alors que des travaux exploratoires ont montré l'importance de l'empoissonnement sur la génétique, cf Le Cam et al 2015, Prunier et al 2018), etc.

Concernant la zone à truite (tête de bassin, petits fleuves côtiers), les auteurs font les observations suivantes :
(a) Obstacles naturels (chute, cascade, zone sous l'influence d'un chantoir, cours souterrain). Il n'y a pas de raison d'intervenir pour les supprimer ou les aménager car on peut supposer que les populations locales de truite se sont adaptées à ces situations depuis très longtemps. 
(b) Obstacles artificiels anciens majeurs et manifestement infranchissables (grand barrage artificiel, barrage d'étang, vestiges d'infrastructures de production de force motrice hydraulique ou de forge, etc.). Comme pour les obstacles naturels, il n'y a pas, sauf démonstration évidente du contraire, de raison d'intervenir en priorité car on peut supposer que les populations de truite se sont adaptées à ces situations généralement anciennes au point qu'il pourrait y avoir une certaine différenciation génétique entre, d'une part, les truites de l'aval de l'obstacle qui font partie d'un grand ensemble démographique comprenant parfois des truites remontées de très loin en aval et, d'autre part, les truites de l'amont de l'obstacle qui forment une population restreinte fonctionnant sur elle-même, sans échange avec l'aval et génétiquement différenciée en raison d'un processus écologique naturel de dérive génétique. Dans certains cas, les populations de truites isolées en amont d'un obstacle majeur sur un petit cours d'eau peuvent représenter une ressource de biodiversté originale lorsqu'il n'y a jamais eu d'introduction de poissons issus d'élevages en pisciculture. Dans de tels cas, le maintien en place d'un obstacle infranchissable sur un petit cours d'eau constitue un outil de gestion au bénéfice de la conservation de souches de truite originelles (implication en matière de conservation de la biodiversité) (voir étude par Van Houdt et al., 2005).
On voit donc qu'il est reconnu l'adaptation des poissons à l'existence ancienne des ouvrages artificiels comme des chutes naturelles, et même un possible rôle de différenciation génétique.

Ces éléments de réflexion devront être versés dans les débats sur la définition des ouvrages prioritaires, particulièrement dans les têtes de bassin versant où, assez loin des enjeux saumons ou anguilles (espèces faisant l'objet de plans européens de sauvegarde), on a classé des rivières pour des enjeux "truite" paraissant relever d'un lobbying halieutique d'usagers (pêcheurs) davantage que d'enjeux écologiques réels.

Source : Philippart JC et Ovidio M (2007), Définition de bases biologiques et éco-hydrauliques pour la libre circulation des poissons dans les cours d'eau non navigables de Wallonie. Volume 3. Identification des priorités d'action d'après les critères biologiques et piscicoles, 71 p.

Illustration : seuil de moulin noyé en crue. Les ouvrages modestes et anciens sont régulièrement franchissables par la plupart des espèces piscicoles. Ce critère devrait conduire à des exemptions de continuité écologique, la priorité étant donnée aux ouvrages impossibles à remonter en toutes conditions (et aux grands migrateurs en risque d'extinction plutôt qu'à une faune piscicole restant assez commune).

Note aux associations : nous créons un label (mot-clé sur la colonne de droite) "priorisation" qui vous permet en le cliquant d'afficher tous les articles dédiés à ce sujet, notamment ceux comportant des références techniques ou scientifiques. Si vous avez besoin de certaines publications scientifiques d'origine pour discuter avec les services de l'Etat de vos rivières et ouvrages, écrivez-nous. Nous consacrerons une formation à cette question à notre prochaine séminaire d'été.

11/01/2019

Pêche commerciale et pêche de loisir du saumon dans l'Adour et les Gaves

A l'occasion de "l'année du saumon" en 2019, l'association pyrénéenne Salmo Tierra - Salva Tierra lance une pétition pour interdire sa pêche commerciale aux filets dérivants au niveau des estuaires du bassin Adour-Garonne. Elle rappelle que 50 millions € ont déjà été dépensés pour favoriser la migration des saumons, qui sont donc simultanément protégés et exploités avec l'aval de l'Etat. Ce qui est peu audible pour ceux à qui on demande des efforts coûteux, notamment les propriétaires des barrages et moulins, ou les riverains voyant disparaître certains sites appréciés au nom du saumon. Cette pétition concerne la pêche commerciale, mais pas la pêche de loisir, qui pose pourtant question lorsqu'elle s'exerce sur des espèces menacées, même en "no kill".  



Extraits de la pétition : 

"Le saumon sauvage de l'Atlantique a été décimé par une multitude d'agressions : les barrages, la pollution, la dégradation du lit des rivières, la surpêche en mer et en rivière, l'explosion des parasites liée à l'aquaculture, et maintenant le réchauffement climatique.

Les stocks s'amenuisent, l'espèce est déjà en voie d'extinction comme pour les axes Garonne-Dordogne, Loire-Allier, la Seine, ou encore le bassin Rhin-Meuse ... où la pêche professionnelle aura été interdite trop tard.

Alors que les saumons du bassin de l'Adour et des Gaves sont menacés de disparition prochaine, alors que 50 millions d’euros ont été investis pour faciliter leur remontée, l'Adour est la seule rivière en France et l'une des dernières d’Europe et dans le monde où est encore autorisée leur pêche aux filets dérivants, les empêchant d’atteindre leurs rivières natales pyrénéennes et de s’y reproduire.

Depuis déjà bien longtemps, tous les pays de l’atlantique-nord concernés ont interdit la pêche professionnelle et la commercialisation du saumon sauvage. 

La France s’honorerait en 2019, année internationale du saumon, à s’engager définitivement dans la protection de ce poisson-roi, emblématique de la biodiversité, qui pourrait ainsi pour tous les territoires du bassin de l’Adour, de ses vallées et de ses gaves, en redevenir le héros."

Lien vers la pétition 

Remarques sur la pétition
Le bassin Loire-allier a déjà interdit la pêche de loisir du saumon pour en préserver le stock migrateur et reproducteur : la demande de Salmo Tierra - Salva Tierra ne concerne pas cette prédation-là. Et pour cause, la présentation de cette association précise : "Pour la reconquête de nos rivières, Le saumon sera notre emblème. De l’océan nourricier aux frayères secrètes de nos Pyrénées, nous le voulons rétabli dans son abondance, symbole de gaves qui portent le rire des enfants à la baignade, le vagabondage des canoës au fil de l’eau, les repas de famille sur les berges accueillantes et la passion des pêcheurs pour le poisson roi, pour sa beauté, sa combativité, son insolence, son imprévisibilité."

Chacun est libre de ses positions en démocratie. Mais la confusion entretenue d'un discours halieutique et d'un discours écologique produit une mauvaise information pour les citoyens et le débat. On demande de dépenser de l'argent public pour un enjeu qui répond à des usages : pourquoi pas, il faut l'assumer et l'argumenter, pas juste brandir le mot "écologie" comme sésame. 

Cet extrait d'un forum de passionnés du saumon (adresse de la source) montre que certains sont sensibles au problème :



Moins de 10% des saumons attrapés par les pêcheurs de loisir sont remis à l'eau dans les Gaves, selon les chiffres donnés dans les bulletins internes de ces pêcheurs. Encore cela ne tient-il pas compte du braconnage, des pêches accidentelles, et cela n'intègre pas les problèmes que pose aussi le no-kill (blessures, contaminations, acceptabilité sociale d'une souffrance animale infligée pour le plaisir, sans besoin alimentaire ni vocation économique).

L'écologie des rivières a d'innombrables enjeux et la focalisation avec arrière-pensée sur le saumon comme symbole peut aussi conduire à des choix dont le bilan coût-efficacité est mauvais et l'acceptabilité sociale problématique (cf les réflexions des écologues américains à ce sujet, cf le cas du saumon de Loire-Allier). Il convient donc de mettre à plat les attentes, les positions et les impacts de l'ensemble des acteurs. C'est le rôle de l'Etat, à condition que celui-ci soit impartial, notamment que son agence en charge de la biodiversité coupe ses liens organiques et sa complaisance avec le monde des pêcheurs de salmonidés.

09/01/2019

Aux gorges du Pont d'Enfer du Bastan, les saumons franchissent des chutes naturelles de 5 m

Un riverain nous fait parvenir un document de l'AFB-Onema sur le Bastan, affluent de la Nive. Il en ressort que malgré des chutes naturelles de 5 m sur une assez courte distance, le classement de cette rivière à fin de continuité écologique est justifié selon les services de l'Etat, car le saumon peut franchir de tels obstacles. Dans le cadre de la définition des ouvrages prioritaires au titre de la continuité, nous appelons donc les propriétaires en rivières salmonicoles à conserver ce document et à proposer l'exemption de leur ouvrage s'il est dans des hauteurs et conditions similaires. Nous attendons par ailleurs toujours une gouvernance ouverte sur la définition des ouvrages et rivières prioritaires pour les poissons migrateurs, promise par le gouvernement mais non mise en place par son administration. 



Le Bastan est un affluent franco-espagnol de la Nive, avec 5 km de linéaire situés en France (13 km3 du bassin versant, pour un total de 60 km2).

La rivière présente des chutes naturelles au lieudit des gorges du Pont d'Enfer. Ces chutes sont composées de 3 obstacles : un premier rebond de 1,2 m, puis un massif granitique  à chenal étroit d'une hauteur de 5 m décomposable en série de chutes intermédiaires de 0,7 à 1,2 m

Un riverain a eu la surprise de voir le Bastan classé au titre de la continuité écologique, malgré ces chutes. Il a demandé à l'Onema (aujourd'hui AFB) de justifier le classement (télécharger ce document).

Voici la conclusion de l'AFB-Onema :
"Il est possible d'avancer , sur la base notamment du document ICE (Information sur la Continuité Ecologique - Evaluer le franchissement des obstacles par les poissons) en cours de parution, que les chutes naturelles du Pont d'Enfer situées en aval de la pisciculture Cabillon sont franchissables par les grands salmonidés migrateurs comme le saumon. Les difficultés de franchissement sont toutefois variables selon les conditions hydrologiques."

Donc les saumons peuvent franchir des série d'obstacles cumulant 5 m sur courte distance (dont certaines chutes de plus de 1m en débit moyen) quand ils sont naturels. On suppose que des obstacles artificiels présentant des caractéristiques similaires sont dans le même cas.

Dans le cadre de la priorisation des ouvrages hydrauliques à aménager au titre de la continuité envisagée par le gouvernement, nous demanderons que les services de l'Etat harmonisent leurs évaluations sur les exemptions d'aménagements de seuils (ou les déclassements de rivières L2 à chutes naturelles). Et que le processus se passe de manière concertée et entièrement transparente, avec dépôts des documents et compte-rendus de débats dans des répertoires ouverts à tous.

Vu l'importance du sentiment d'arbitraire dans l'instruction publique des ouvrages, les cas avérés de classements n'ayant aucune cohérence de connectivité écologique et des retours scientifiques critiques sur l'intérêt de certains choix (lire quelques références récentes en bas de l'article), il est de première importance  pour la restauration de la confiance entre les riverains et l'Etat que la pleine transparence soit désormais garantie sur les motifs et les arguments visant à classer ou non certains cours d'eau et certains ouvrages. C'est de toute façon une nécessité au regard du coût économique considérable et de la faible acceptabilité sociale de ces mesures, exigeant qu'elles soient réservées à des situations d'intérêt peu contestable.

A lire sur le même thème
Quand les saumons franchissent un seuil de moulin... en évitant les passes à poissons! (Newton et al 2017)
Le silure, le saumon et la passe à poissons (Boulêtreau et al 2018) 
Des saumons, des barrages et des symboles, leçons de la Snake River (Kareiva et Carranza 2017) 

07/01/2019

Les préfets peuvent protéger des habitats aquatiques d'intérêt... y compris d'origine humaine

Le 9 mai 2018, le Conseil d'Etat avait mis en demeure le gouvernement de dresser une liste limitative des habitats naturels à protéger, selon une disposition jamais appliquée de la loi Grenelle 2. Le gouvernement a publié les textes réglementaires répondant à cette injonction. Le dispositif est composé d'un décret relatif à la protection des biotopes et des habitats naturels, complété par deux arrêtés du ministre de la Transition écologique. On observe que des eaux stagnantes d'origine artificielle font partie des habitats pouvant présenter un intérêt écologique. Ce qui ne surprendra pas les propriétaires et riverains de tels habitats, parfois victimes de destructions et assèchements pour cause d'application dogmatique de la "continuité écologique". 


Le décret publié donne la possibilité aux préfets de prendre des arrêtés de protection des habitats naturels (APHN) en tant que tels, sans que ces espaces abritent nécessairement des espèces protégées. Cela complémente les arrêtés de protection de biotopes (APB) et les arrêtés de protection des géotopes (ou sites d'intérêt géologique) (APG), outre les zones spéciale de conservation (parc national, réserve naturelle, Natura 2000, etc.).

La liste des habitats métropolitains pouvant faire l'objet d'un APHN est fixée par un arrêté du ministre de la Transition écologique paru simultanément (JORF n°0295 du 21 décembre 2018 texte n° 7).

L'examen de cet arrêté révèle que les "eaux stagnantes" par retenues artificielles peuvent être considérées comme des habitats d'intérêt.

Voilà en effet la description qu'en donne le Muséum national d'histoire naturelle

C1 Eaux dormantes de surface :
"Lacs, étangs et mares d’origine naturelle contenant de l’eau douce, saumâtre ou salée. Les plans d’eau douce artificiels, dont les lacs, réservoirs et canaux artificiels, sont compris, à condition qu’ils hébergent des communautés aquatiques semi-naturelles."
Conclusion : plutôt que de promouvoir un idéal de "renaturation" par disparition ou exclusion de l'homme, les politiques publiques doivent admettre le caractère anthropisé de la nature en France et proposer d'autres critères de choix publics. C'est particulièrement vrai dans la politique de "trame bleue" et de continuité écologique des rivières, qui conduit à des choix contestables de disparition de nombreux plans d'eau, canaux et zones humides annexes.

A lire en complément
Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes 

03/01/2019

2019 : une année d'engagements pour les rivières et leurs patrimoines

L'année 2019 va être riche en engagements : plan gouvernemental pour une continuité écologique apaisée, contentieux contre la prime à la casse des agences de l'eau, participation au "grand débat" sur le déficit démocratique et l'abus de pouvoir de certaines administrations, oppositions locales aux chantiers contestés de destruction du patrimoine des rivières, étangs et plans d'eau, révision de la directive cadre européenne sur l'eau, nouveau format pour un séminaire d'été. Tour d'horizon de ces étapes qui concerneront toutes les associations et tous les collectifs riverains.


Le plan gouvernemental de "continuité apaisée" - En août 2018, le ministère de l'écologie a publié un texte (provisoire) pour un plan de continuité écologique apaisé. Ce plan faisait suite au désastre de la mise en oeuvre agressive et dépensière de la continuité écologique, constaté dans un rapport du CGEDD publié en 2017, mais aussi par de nombreux contentieux judiciaires et des interpellations parlementaires du gouvernement. Nous n'avons aucune nouvelle de la mise en oeuvre de ce plan, qui est censé se traduire principalement par la distinction entre ouvrages "prioritaires" et "non prioritaires". Nous avons demandé la pleine transparence dans ce processus pour le moment opaque de définition d'une "priorité". Nous y veillerons en 2019, quitte à attaquer en justice toute texte ministériel ou préfectoral qui persisterait dans l'arbitraire.

Le recours contre les agences de l'eau - Une dizaine d'associations dont Hydrauxois ont déposé recours contre les programmes d'intervention des agences de l'eau Loire-Bretagne et Seine-Normandie, qui continuent de donner la prime à la casse sur argent public des ouvrages hydrauliques. Ce blocage financier empêche la construction des passes à poissons et rivières de contournement, inabordables pour les particuliers et petits exploitants. C'est une scandaleuse dérive idéologique de ces établissements publics, qui vont bien au-delà de ce que demandent les lois françaises et les directives européennes (tout en montrant de coupables retards dans le financement des luttes contre les pollutions chimiques de l'eau). Cette procédure globale contre le programme des agences sera doublée d'une interpellation des chargés de mission et directeurs territoriaux, en exigeant désormais des explications écrites sur leur choix de financement, ouvrant éventuellement la possibilité de contentieux en abus de pouvoir sur chaque site où le financement des passes à poissons est indûment refusé.

L'opposition aux effacements d'ouvrages - Certains ouvrages sans intérêt énergétique, hydrologique, patrimonial, paysager ou écologique sont effacés sans opposition particulière des riverains. Mais d'autres chantiers, ou des blocages administratifs dénués de sens, soulèvent une vive émotion et un refus des populations riveraines. Nous appelons les associations et les collectifs à organiser des contentieux judiciaires quand les cas s'y prêtent, mais aussi des manifestations devant les syndicats de rivières et les préfectures. Partout où les bureaucraties de l'eau ne comprennent pas la nécessité de stopper leur politique hors-sol et leurs gâchis aux antipodes des urgences écologiques en France, il conviendra de rendre visible le mécontentement et de faire monter la pression sur les décideurs.

Le "grand débat", le déficit démocratique et le défi climatique - Suite au mouvement des "gilets jaunes", témoignant à sa manière de la colère d'une France ignorée par ses technocraties et ne comprenant plus l'usage de l'argent public, il a été décidé l'organisation d'un grand débat en France. Parmi les thèmes avancés, certains concerneront la transition écologique, l'organisation de l'Etat et le comportement de l'administration. Nous préparons un argumentaire complet à ce sujet et un mode d'emploi pour la participation aux débats. Il est indispensable de montrer combien la destruction des ouvrages hydrauliques de France relève des dysfonctionnements profonds de notre démocratie, avec une administration centrale jacobine s'estimant au-dessus du contrôle parlementaire, mais aussi des dérives regrettables d'une certaine écologie punitive et intégriste, travaillant en vase clos, coupée des populations et de leurs attentes. Il importera également de relayer le rôle des ouvrages dans la transition bas carbone, qui est exigée par une pétition de 2 millions de citoyens.

Appels de la base à l'autonomie locale et à la défense des cadres communs de vie - Nous sommes en discussion sur certaines rivières avec des associations locales (pêcheurs, riverains) et des collectivités (communes) pour lancer des appels communs ou des votes municipaux tendant à la préservation des ouvrages hydrauliques dont l'existence est menacée, et à la généralisation d'une continuité respectueuse du patrimoine. Ces appels ou votes n'auront pas de portée opposable à la loi et à la réglementation, bien sûr, mais ils enverront un message clair à l'Etat, à ses représentants préfectoraux et aux EPCI (syndicats, parcs) : les politiques décidées à Paris et imposées de manière uniforme dans tout le pays ne sont plus acceptées, les territoires veulent retrouver une autonomie de décision et une véritable démocratie locale, où les choix sont faits en écoutant tout le monde et dans la transparence des arguments.

Révision de la DCE - La directive cadre européenne commence en 2019 son processus de révision. Elle en a bien besoin : la DCE est d'ores et déjà un échec avec moins de la moitié des masses d'eau en bon état écologique et chimique à moins de 10 ans de l'échéance où 100% des rivières, lacs, estuaires et nappes devaient être dépolluées. Et encore la France n'est-elle pas le pire élève de l'Europe. La DCE pose des problèmes structurels : construction hâtive sous l'influence d'idées écologiques datées du 20e siècle, mise en avant d'un "état de référence" ignorant la dynamique du vivant et des milieux, rapport cout-bénéfice très mauvais dans toutes les zones peu peuplées où se trouve la majorité du linéaire aquatique. Nous allons donc intervenir auprès des instances européennes et du gouvernement français afin de solliciter une redéfinition normative de cette directive. En particulièrement, la notion déjà existante en droit européen de "masse d'eau anthropisée" doit être repensée comme la nome (et non l'exception) à partir de laquelle on évalue l'état présent et les évolutions possibles du vivant.

Séminaire d'été 2019 - En 2019, les traditionnelles rencontres hydrauliques de notre association seront décalées dans l'été, organisées avec nos consoeurs de toute la Bourgogne et sous la forme d'un séminaire plus centré sur la formation des cadres associatifs. Cela tout en conservant un cadre convivial et familial. Il apparaît important de mieux structurer le mouvement des ouvrages et des riverains, de partager les expériences et de porter des actions plus efficaces pour faire entendre la voix aujourd'hui ignorée des citoyens dans les choix publics concernant les rivières.