19/10/2019

SDAGE 2022 : il faut s'engager maintenant dans la bataille

Les prochains schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) sont entrés cette année en phase de préparation. Ce sont ces SDAGE qui ont permis de dépenser depuis 2010 des centaines de millions d'euros d'argent public pour détruire des barrages, étangs, moulins et plans d'eau. Ce sont ces SDAGE qui ont permis à des fonctionnaires non élus et des comités de bassin non représentatifs d'imposer arbitrairement une idéologie de la rivière sans consulter les riverains. Mais il ne faut pas seulement s'en plaindre et ne rien faire : le temps est venu de s'engager, de désigner les dérives et ceux qui les portent, d'exiger le changement de cap. L'ensemble du mouvement des ouvrages doit donc se coordonner et se mobiliser pour que les SDAGE 2022 évoluent résolument sur leur doctrine : reconnaissance de la valeur des ouvrages, des écosystèmes anthropisés et des milieux lentiques, prime aux solutions douces de continuité en long, engagement dans la transition bas-carbone, dépollution des eaux par limitation à la source des contaminants. Toutes les associations et tous les collectifs doivent porter leurs attentes et exiger qu'elles soient inscrites dans les textes en 2022. Le plan A est une prise en compte de ces points par le décideur public, actant l'échec manifeste de la mise en oeuvre de la DCE et de la restauration brutale de continuité écologique. Le plan B sera le contentieux contre les SDAGE puis contre leur exécution sur chaque site, comme cela a commencé pour les SDAGE en cours. 


Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) sont les principaux outils de la politique publique de l'eau. Engagés pour 6 ans, ces SDAGE sont élaborés au niveau de chaque grand bassin hydrographique (Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse, Seine-Normandie et DOM-TOM) par les agences de l'eau.

Les SDAGE sont à la fois des orientations politico-administratives sur les choix en rivière et des instruments financiers (de l'ordre de 2 milliards € par an). Les taxes de l'eau paient les actions sur l'eau. Les SDAGE se déclinent en programmes d'intervention qui financent les collectivités et leurs syndicats.

Un processus aujourd'hui opaque et fermé qui prend des mesure arbitraires sur les ouvrages
Les SDAGE et les pratiques des agences de l'eau sont au coeur de la conflictualité sur la question de la continuité écologique. Mais aussi sur les retards que la France accumule dans la pollution, par  mauvaises allocations des fonds publics. En voici les raisons :

  • les comités de bassin (qui votent formellement les SDAGE) sont nommés par les préfets, donc peu démocratiques dans leur mode désignation, et ils ne sont pas représentatifs de la diversité des points de vue;
  • l'essentiel du travail préparatoire des SDAGE est réalisé par les représentants de l'Etat, dans une logique technocratique où les experts des secrétariats techniques de bassin (agence, DREAL, Onema-OFB) décident en conclaves, sous la direction des hauts fonctionnaires du ministère de l'écologie qui contrôle la conformité;
  • les riverains, les moulins, les étangs et bien d'autres acteurs de la vie des rivières sont exclus des comités de bassin et des commissions techniques, alors que de puissants lobbies y ont leurs représentants;
  • la plupart des agences de l'eau (hors Rhône-Méditerranée) votent des programmes d'intervention qui financent en priorité la destruction des ouvrages hydrauliques, donc bloquent les budgets pour des solutions douces moins conflictuelles;
  • la plupart des agences de l'eau défendent depuis la fin des années 1990 une idéologie de la "renaturation" désignant l'humain et les milieux créés par l'humain comme problème a priori (non sans avoir financé, entre 1960 et 1990, l'excès inverse d'intervention massive sur les bassins), ce qui conduit à des choix néfastes d'assèchements de milieux aquatiques et humides (retenues, plans d'eau, étangs, canaux et biefs etc.);
  • la lutte contre les pollutions accuse des retards, déjà sur l'eutrophisation dans les années 1980-2000 et aujourd'hui sur tous les polluants émergents et ceux issus du ruissellement.  


Aujourd'hui, les agences de l'eau ont lancé le cycle de discussion du SDAGE 2022-2027.

Le mouvement des riverains et des ouvrages doit s'organiser pour que ce SDAGE 2022 cesse une fois par toutes les dérives observées dans les SDADGE 2010 et 2016 en matière de continuité écologique, de "renaturation", de retard sur les pollutions désignées par la directive cadre européenne et d'indifférence aux attentes du terrain.

Le mouvement des ouvrages doit porter ses revendications et restaurer le respect des lois
Les SDAGE sont des constructions bureaucratiques complexes qui, par leur nature même, découragent d'y participer. Pourtant, ces outils sont au coeur des choix publics. Si les SDAGE 2022 continuent de financer la destruction des ouvrages (moulins, étangs, barrages), ce sont encore des centaines de millions € qui seront dépensés pour payer en ce sens des syndicats, des élus, des techniciens. Une gabegie d'argent public alors que d'autres dépenses sont prioritaires et que les ouvrages doivent au contraire être intégrés dans la transition écologique.

Il ne faut donc pas laisser passer cette étape : aucun SDAGE 2022 ne doit persister dans les dérives subies depuis le plan 2009 de restauration de continuité écologique et les choix hors-sol du ministère de l'écologie.

Concrètement, il s'agit de :

  • vérifier que l'état des lieux du bassin (première étape, en cours) est exempt de manipulations non fondées sur la science (comme le prétendu rôle important des ouvrages dans la dégradation de la qualité de l'eau, ce que la recherche scientifique en écologie n'a jamais confirmé, au contraire);
  • exiger que le SDAGE respecte la loi et donc qu'il finance en matière de continuité en long des solutions pour des ouvrages "équipés, gérés, entretenus" (les termes de la loi de 2006);
  • intégrer l'urgence climatique et la transition bas-carbone dans les choix des bassins, en particulier la relance de l'hydro-électricité prévue dans la loi française de 2019 et la directive européenne de 2018, ainsi que la gestion des crues et étiages;
  • reconnaître pleinement la réalité des nouveaux écosystèmes anthropisés (biefs, canaux, étangs, lacs) et travailler de manière positive à améliorer leur gestion écologique; 
  • stopper toute perte de surface en eau, favorise des usages économiques en production locale et circuit court;
  • repenser la lutte actuellement inefficace contre les pollutions chimiques et physico-chimiques qui dégradent plus de la moitié des masses d'eau, en particulier aider le monde agricole à une transition vers des pratiques moins impactantes.
Ces attentes seront portées par un travail d'information et sensibilisation du comité de bassin, par la requête de participation aux commissions techniques ou à tout le moins de droit de regard minimal sur tout document concernant les ouvrages, mais aussi en cas de résistance de l'appareil administratif par la préparation de contentieux systématiques là où certains dogmes persisteraient. Les programmes d'intervention 2019-2024 des agences Seine-Normandie et Loire-Bretagne sont ainsi en contentieux aujourd'hui, il doit désormais en aller de même pour tout texte des agences qui portent des choix délétères pour les riverains et les milieux, mais aussi des dispositions non prévues dans la loi.

Pour mener ce travail de fond (parmi d'autres), il s'est formé une coordination nationale eaux et rivières humaines (CNERH). Hydrauxois l'a rejointe. Un premier courrier a été envoyé aux 6 agences de bassin pour recevoir des précisions sur la construction scientifique des états des lieux (diagnostic de base qui justifie la priorisation des mesures). Nous appelons les associations, syndicats, collectifs, fédérations qui ont envie d'avancer sur les enjeux concrets à se mobiliser et à travailler les dossiers dans chaque bassin. Ensemble, nous améliorerons nos argumentations et nous pèserons sur les choix collectifs dont nous sommes aujourd'hui exclus en phase de concertation et de décision. Les riverains doivent se réapproprier les rivières et se faire entendre dans les SDAGE. Ce combat est essentiel. Chaque association doit en avoir conscience, s'engager et se coordonner dès aujourd'hui pour agir au niveau du bassin. En 2022, il sera trop tard car tout sera finalisé: c'est maintenant que le travail commence.

18/10/2019

Une cigogne noire au bord d'un moulin du Serein

Après avoir quasiment disparu de nos contrées au 20e siècle, la cigogne noire (Ciconia nigra) est de retour. C'est un oiseau migrateur qui, lors de son séjour en Europe après hivernage africain, fréquente les forêts à vieux arbres, proches de ruisseaux, petites rivières, étangs. Elle se nourrit d'insectes, de poissons, d'amphibiens et de crustacés. Parmi ses habitats aussi : des retenues et biefs de moulins, leurs zones humides annexes de faible profondeur, où elle trouve une nourriture parfois abondante – notamment si des sécheresses poussent les poissons et autre faune aquatique à se réfugier là où il reste un peu de hauteur de lame d'eau, ce qui fut le cas sur plusieurs rivières de la région. La cigogne noire est revenue en Bourgogne, en particulier en Côte d'Or lui offrant les eaux et forêts nécessaires à son cycle de vie. Un adhérent a surpris la cigogne en train de chercher pitance au bord d'un moulin du bassin amont du Serein. Bravo, car l'animal est farouche et ne se laisse pas aisément photographier sauf au télé-objectif. Cette espèce se reconnaît à son manteau noir (plus ou moins irisé de vert et pourpre) sauf le ventre, le dessous de la queue et les aisselles (blanc), des pattes rouge vif, le long bec droit et le tour de l'oeil rouge carmin. 


16/10/2019

Quelques réponses à Brune Poirson sur la biodiversité et la continuité

Le sénateur de l'Orne Vincent Segouin a interpellé Brune Poirson sur les problèmes de la réforme de continuité écologique. La réponse de la secrétaire d'Etat à l'écologie montre que son ministère reste enfermé dans une vision fausse : les moulins et autres ouvrages hydrauliques seraient un joli patrimoine historique de carte postale  mais une anomalie voire une catastrophe pour la biodiversité. Non : les rivières, canaux et plans d'eau ayant évolué depuis 3000 ans par l'effet des ouvrages hydrauliques et de bien d'autres facteurs sont tout simplement les milieux aquatiques et humides du pays tels que la rencontre de la nature et de la société les a produit. Il ne faut pas raisonner en terme d'hypothétique retour à un état antérieur ou originel, ni confondre la biodiversité avec des demandes sectorielles sur quelques espèces de poissons, mais déjà étudier l'état présent de cette biodiversité pour débattre ensuite sur chaque bassin avec les citoyens des valeurs que nous attachons aux paysages, aux usages, aux milieux, aux habitats et aux espèces.



Mme Poirson,

Dans votre réponse au sénateur Segouin légitimement inquiet des dérives de la continuité écologique, vous avez opposé le moulin comme élément de patrimoine à respecter au cas par cas à la reconquête de la biodiversité qui exigerait la défragmentation des cours d'eau, sous-entendant que "l'effondrement" de la biodiversité serait associé à ce sujet particulier de la continuité en long.

Cette représentation des enjeux est fausse, voici quelques notes rapides à ce sujet. La bibliographie en annexe de ces notes en assoit quelques observations. 

- Vous parlez d'abord des "assises de l'eau" qui ont fixé des objectifs de continuité écologique sur 50 000 km de rivières, mais ces assises de l'eau ont écarté les représentants des riverains, des moulins, des étangs (donc, les premiers concernés par cette continuité), tout comme ces représentants sont écartés des comités de bassin des agences de l'eau, tout comme ces représentants sont écartés d'une représentation permanente au comité national de l'eau. Vous nous parlez donc de processus de décision assez sclérosés dont les corps intermédiaires et les lobbies sont sélectionnés par vos soins, dans la tradition jacobine de contrôle par l'Etat central des avis recevables car à peu près conformes à des directives posées à l'avance. Cela n'a rien à voir avec une démocratie de l'eau construite depuis le terrain : les citoyens vivant au bord des rivières ne reconnaissent plus ces manières de faire et résisteront aux injonctions aberrantes qui en découlent. Si vous ne percevez pas la gravité de la crise de l'action publique en France et la nécessité d'en corriger les travers  à la racine en cessant de tout décider par cénacles choisis depuis Paris, vous préparez le pays à des lendemains difficiles.

- La continuité longitudinale n'est pas la continuité latérale, or c'est la continuité latérale (le fait d'avoir des lits majeurs complexes avec des bras morts, des marais, des forêts humides, etc.) qui est généralement associée aux pertes majeures (et peut-être gains futurs demain) de biodiversité : les rives des cours d'eau et les sols versants ont été massivement occupés, artificialisés et banalisés depuis 100 ans, avec en particulier "l'effondrement" (dont vous parlez) de toutes les annexes aquatiques et humides du lit mineur. Casser des ouvrages en incisant parfois ces lits mineurs, en asséchant les biefs, en faisant couler l'eau plus vite et en limitant donc encore ses débordements apportera à terme des régressions de diversité dans nombre de cours d'eau.

- La fragmentation seule du lit mineur par des ouvrages transversaux a sans aucun doute modifié le profil des bassins versants, cela sur un pas de temps millénaire, avec d'avantage d'impacts pour les grands barrages construits depuis 150 ans. Elle n'est cependant pas associée en soi à une baisse de biodiversité totale à échelle du bassin versant (ce qui n'a jamais été mesuré, donc ce qui rend difficile toute assertion par vous ou quiconque à ce sujet), mais parfois à une baisse de densité de certains poissons spécialisés en eaux vives (qui ont moins d'habitats) et une disparition de certains poissons migrateurs sur des zones amont (pour les cours d'eau où les obstacles sont non franchissables), tout en augmentant la densité et la présence d'autres espèces de poissons. Certains perdent, d'autres gagnent, c'est la règle quand des milieux changent, le vivant n'est jamais figé. Le point important et qui différencie la discontinuité en long de la discontinuité latérale, c'est que les ouvrages ne transforment pas un milieu aquatique en milieu sec, les ouvrages ne créent pas de pollution du milieu aquatique, ils changent la nature locale de ce milieu aquatique tout en augmentant (et non diminuant) la surface en eau disponible pour le vivant. Et avant les moulins ou les étangs, c'était les castors qui fragmentaient les lits de toutes les rivières petites et moyenne (outre des chutes, des torrents, des seuils naturels, des cascades, des barrages d'embâcles etc.). En tout état de cause, la focalisation extrême de la politique de continuité sur les poissons lotiques ou migrateurs n'a pas beaucoup de rationalité écologique (c'est au départ une demande halieutique), cela représente une part modeste de la biodiversité : il est tout aussi important de veiller au devenir des invertébrés, des oiseaux, des amphibiens, des mammifères, des boisements rivulaires, etc. et donc de se demander si les milieux nés de fragmentations leur sont en soi favorables ou défavorables. Une retenue qui héberge des mulettes épaisses et des loutres mais qui a vu ses truites ou chabots remplacés par des chevesnes ou brochets est-elle un problème? Qui le dit et pourquoi?

- Une littérature scientifique déjà solide témoigne que les milieux lentiques (lacs, retenues, plans d'eau, étangs, canaux et biefs) sont aussi associés à la présence de nombreuses espèces, parfois à la conservation d'espèces menacées. Dans des milieux agricoles ou urbains dégradés, leur diversité peut être supérieure à celle de la rivière. Ces sites d'origine humaine et nés de fragmentation sont d'ailleurs parfois classés en ZNIEFF, en Natura 2000, en zone conservatoire de biodiversité. Cela contredit le discours simpliste selon lequel ce type d'habitat est forcément dégradé et cela devrait inciter vos services à engager des campagnes systématiques d'inventaire, ce qui n'a jamais été fait puisqu'un dogme a décrété que l'ouvrage était mauvais, ses milieux et ses annexes sans intérêt.

- La protection de la biodiversité n'est pas la promotion de la bio-intégrité avec un idéal de retour à un état antérieur (pré-industriel) de la nature ou à une "nature sauvage" qui est une construction imaginaire. La recherche reconnaît le caractère non-réversible de diverses évolutions du vivant et souligne désormais que les écosystèmes anthropisés ou "nouveaux écosystèmes" sont à étudier au cas par cas (donc que l'existence d'un écosystème anthropisé ne peut être assimilée par principe à une anomalie à corriger). La directive cadre européenne sur l'eau de 2000 proposait au demeurant à tous les Etats-membres de signaler des masses d'eau fortement modifiées (sur le volet hydromorphologique) et des masses d'eau artificielles : vos services ont pratiqué un déni de réalité au début des années 2000, en ne recourant quasiment pas à ces classements... tout en reconnaissant ensuite que la morphologie de nombreux bassins versants a changé au fil des siècles passés. Pourquoi a-t-on dit une chose et son contraire? Car on se basait sur une perception fausse de l'histoire longue des bassins, sur des modèles mécaniques pression-impact ou des modèles déterministes habitat-peuplement trop simplistes, sur une opposition factice entre la nature originelle (qui serait facile à retrouver) et nature modifiée (qui serait forcément dégradée).

- Dans le même ordre d'idée, si l'UICN trouve encore récemment que le sort des espèces de poissons d'eau douce ne s'est pas amélioré depuis 10 ans – ce qui est inquiétant au regard des sommes dépensées par les agences de l'eau, en particulier sur la "restauration" qui devait apporter des résultats –, le choix des instances de conservation de se pencher uniquement sur les espèces endémiques ne donne qu'une version partielle du tableau. Sur le long terme (plusieurs siècles) et contrairement aux idées reçues, le nombre total d'espèces de poissons augmente en France dans la plupart des bassins versants (ce n'est donc pas en soi un "effondrement" de biodiversité sous cet angle ichtyologique). Tous les chercheurs en écologie ne sont pas d'accord pour opposer systématiquement les endémiques aux exotiques, comme si la nature devait et pouvait partout rester fixée à des assemblages du début du Holocène (incidemment, les ouvrages ralentissent certaines espèces invasives et sont parfois utilisés à cette fin dans le monde). De plus, les experts soulignent que les écotypes des rivières européennes vont évoluer avec le réchauffement climatique et ses effets hydrologiques au cours du siècle, donc il est peu sensé de fixer un "état de référence" dont on sait par avance qu'il sera altéré, et même qu'il l'est déjà depuis la sortie du petit âge glaciaire européen voici deux siècles. A ce sujet, entraver l'hydro-électricité ne sera pas de nature à prévenir l'intensité de ce réchauffement et comme l'ont montré les sécheresses des dernières années, la continuité temporelle de l'eau dans certaines rivières devient hypothétique. Quand il n'y a plus que du sable et des galets, tout le monde est d'accord sur l'état de santé de la faune aquatique...

- La dimension conflictuelle de la continuité écologique en long ne vient pas d'un mépris de la biodiversité : elle est tout entière concentrée sur le problème de la promotion de la destruction irrémédiable du patrimoine hydraulique, de ses paysages et de ses milieux. Il n'y aurait jamais eu de conflit si certains agents de la direction de l'eau et de la biodiversité, des agences de l'eau, de l'OFB-Onema et des DREAL de bassin n'avaient promu sciemment une stratégie de destruction des sites par tout moyen (exigences démesurées d'aménagements, peu ou pas d'aides publiques à autre chose que la casse, discours implicite ou explicite du retour de la nature sauvage comme idéal que la loi n'a jamais sanctionné et que des fonctionnaires se permettent de sortir de leurs chapeaux en lieu et place des représentants élus par les citoyens). Le conflit sera résorbé quand ces services recevront l'ordre simple, clair et sans ambiguïté de respecter la loi, à savoir gérer, équiper ou aménager des ouvrages au titre de la continuité en long, prendre en charge les dépenses quand elles sont exorbitantes.

- Aucune association de moulin, d'étang, de riverain de notre connaissance n'a jamais objecté sur le principe à la possibilité d'un retour des poissons migrateurs menacés (anguilles, saumons, esturgeons, etc.) sur certains bassins versants, à condition que les causes de déclin soient bien identifiées, que ce retour se fasse à un coût économique réaliste pour la collectivité et qu'il respecte les autres usages autorisés de l'eau. Ce qui est possible sur certains bassins, mais pas tous. Ne sont pas acceptés ni acceptables en revanche les discours qui demandent de revenir partout et rapidement aux densités et aux abondances de siècles passés sur tous les bassins, car cela n'a aucun sens, provoque bien trop de nuisances sociales et détruit les milieux en place quand l'effacement des ouvrages est requis au nom du moindre coût. Or votre administration ne manifeste aucun discernement sur ces sujets, elle peut tenir des discours arbitrairement différents d'un lieu à l'autre sur des enjeux parfaitement similaires pour ce qui est des espèces cibles, elle opère de manière confuse sur quasiment tous les bassins à la fois, y compris là où il n'existe aucun enjeu migrateur et où certains veulent simplement changer des densités de truite commune pour leur loisir, elle est indifférente aux milieux en place et produit un copié-collé de principe pour traiter de l'ouvrage à la chaîne, ce qui n'a plus rien à voir avec l'écologie et l'étude locale des biotopes.

- La restauration écologique (de continuité ou de milieu en général) est une discipline jeune, qui est loin d'obtenir des résultats toujours bons, et qui dans certains cas peut même se traduire par des dégradations. Cela relève encore de l'expérimentation devant faire l'objet de suivis scientifiques par une analyse rigoureuse des effets observables, mais pas de la programmation publique à grande échelle que n'importe quel syndicat de rivière pourrait manipuler sans risque d'erreur malgré peu de moyens. Votre gouvernement se trompe à poursuivre la mauvaise habitude de son administration centrale qui consiste à s'enticher un peu trop rapidement de modes et à les transformer en politique massive pour constater parfois avec le recul que les résultats ne sont pas au rendez-vous malgré l'argent public dépensé à foison, et que des effets indésirables n'ont pas été anticipés (par exemple sur les sécheresses ou les crues pour les ouvrages). La protection des milieux encore riches en espèces et habitats est partout considérée comme stratégie de première intention, et au lieu que de "restaurer" de-ci de-là sans toujours beaucoup de cohérence – à grands renforts de chantiers BTP et de bureaux d'études profitant de l'aubaine –, cette protection devrait être notre première politique de biodiversité.  Plutôt que "ré-ensauvager" au bulldozer, déjà défendre la faune sauvage où elle vit encore paraît avisé. D'autant qu'il n'est pas simple de limiter des activités humaines sur des larges territoires ni de compenser monétairement les conséquences de cette restriction, donc la création de réserves naturelles d'une certaine importance mobilise à elle seule beaucoup de temps et de moyens. L'Union européenne nous reproche au demeurant notre peu de rigueur dans le suivi des zones spéciales de conservation, ce qui n'est pas surprenant car nous n'avons pas les ambitions de nos moyens et nous multiplions des annonces sans budget à hauteur de leurs implications.

- Depuis l'explosion de la consommation et de la production au 20e siècle ("grande accélération" de l'Anthropocène), les eaux et les sédiments des rivières sont pollués par des milliers de produits de synthèse, les sols érodés et lessivés déchargent des matières fines, l'eau est consommée en quantité croissante, le réchauffement modifie la température et les débits, les espèces exotiques s'invitent en grand nombre dans les habitats des espèces endémiques, mais dans le même temps la pression des moulins, étangs et autres ouvrages anciens en lit mineur a tendu à diminuer dans la plupart des bassins. Il n'y a aucune base pour attribuer une crise de la biodiversité aquatique et humide à ces ouvrages anciens dont la plupart sont présents depuis des siècles, alors que tant d'autres causes manifestes sont présentes sous nos yeux. Ces causes sont d'ailleurs observées dans les travaux d'hydro-écologie quantitative et comparative menés par des chercheurs français ou européens. Si ces chercheurs montraient que la densité de barrage est le premier prédicteur de baisse de qualité des métriques DCE ou d'effondrement de la biomasse et de la biodiversité, les choses seraient fort claires et le présent échange sans objet. Mais ils ne montrent pas cela du tout, ce sont toujours les usages des sols du bassin versant qui reviennent en causes majeures de dégradation des eaux et de leurs populations biologiques, de très loin.

Donc non, Mme Poirson, le débat n'est pas de dire que la biodiversité demanderait d'effacer les ouvrages anciens mais que le patrimoine pourrait exiger d'en conserver quelques-uns : cette présentation datée ne correspond plus aux enjeux, elle correspond seulement à la manière fausse dont certains hauts fonctionnaires de votre ministère (et certains lobbies ayant leur protection) ont voulu présenter les enjeux depuis 15 ans. Ces hauts fonctionnaires et ces lobbies avaient tort hier, ils ont tort aujourd'hui.

Continuez tant que vous voulez à lire leurs fiches ayant mené au désastre actuel de rejet de la réforme de continuité, nous ferons pour notre part ce que nous estimons être notre devoir citoyen : nous protégerons le vivant aquatique et rivulaire y compris dans les retenues et les biefs, nous appellerons à le connaître et le respecter, nous ne laisserons pas effacer le patrimoine hydraulique français, nous ne laisserons pas entraver la transition bas-carbone, nous ne laisserons pas assécher les milieux en eau qui ont émergé dans l'histoire et qui aideront à traverser les crises hydrologiques liées au réchauffement climatique, nous ne laisserons pas creuser le fossé entre l'écologie et les citoyens sous prétexte de couvrir des dérives technocratiques qui sont d'ores et déjà des échecs massifs et qui appellent la sanction de leurs responsables dans une démocratie fonctionnant normalement. Cette sanction, nous avons commencé à l'obtenir devant la justice et nous continuerons d'y recourir, ainsi qu'à tout autre moyen pour faire cesser ce que nous croyons être une erreur grave d'appréciation sur les priorités du pays pour les rivières, pour les plans d'eau, pour les milieux humides, pour le cadre de vie des riverains et pour l'environnement en général.

Quelques lectures en appui des présentes notes, pour passer des slogans simplistes et des politiques imprudentes à la prise en compte des réalités complexes
  • les biefs de moulins hébergent des moules protégées (Sousa et al 2019a)
  • les canaux d'irrigation sont colonisés par des moules menacées (Sousa et al 2019b)
  • les barrages sont à conserver et gérer pour le vivant et le débit en adaptation au changement climatique (Beatty et al 2017
  • l'indifférence et l'ignorance sur les écosystèmes aquatiques artificiels conduit à des mauvais choix de conservation biologique (Clifford et Hefferman 2018)
  • les masses d'eau d'origine anthropique servent aussi de refuges à la biodiversité (Chester et Robson 2013
  • un étang augmente la densité de certains invertébrés et la disponibilité d'eau pour le vivant (Four et al 2019)
  • plans d'eau et canaux contribuent fortement à la biodiversité végétale (Bubíková et Hrivnák 2018
  • mares, étangs et plans d'eau doivent être intégrés dans la gestion européenne des bassins hydrographiques en raison de leurs peuplements faune-flore (Hill et al 2018)
  • la biodiversité des poissons d'eau douce provient en partie de la fragmentation des milieux (Tedesco et al 2017)  
  • la fragmentation des milieux serait favorable à la biodiversité (Fahrig et al 2017, 2019)
  • un effet positif des barrages est observé sur l'abondance et la diversité des poissons depuis 1980 (Kuczynski et al 2018)
  • la biodiversité des étangs piscicoles est d'intérêt en écologie de la conservation (Wezel et al 2014)
  • les canaux servent de corridors biologiques pour la biodiversité (Guivier et al 2019)
  • les petits ouvrages ont des effets comparables aux barrages de castor (Ecke et el 2017)
  • la morphologie des rivières françaises est modifiée depuis déjà 3000 ans et nos choix de gestion l'ignorent (Lepsez et al 2017)
  • les effacements d'ouvrages avantagent certaines espèces mais en pénalisent d'autres et ce n'est pas correctement évalué (Dufour et al 2017)
  • les chantiers de restauration de rivières françaises souffrent d'une faiblesse scientifique, d'une dimension subjective et de résultats incertains (Morandi et al 2014
  • les sciences humaines et sociales ont leur mot à dire sur la valeur des ouvrages hydrauliques et les représentations de la nature (Sneddon et al 2017)
  • la densité des barrages n'est que le 13e facteur d'influence sur les critères DCE de l'eau, très loin derrière les pollutions et usages de sols (Villeneuve et al 2015)
  • les seuils dénitrifient les rivières en zone agricole (Cisowska et Hutchins 2016)
  • les barrages stockent les excès de phosphore (Maavara et al 2016)
  • des retenues d'étangs piscicoles éliminent les pesticides (Gaillard et al 2016
  • les effacements d'étang ont un bilan défavorable pour l'eau et le vivant (Aldomany 2017)
  • les alevinages des pêcheurs influencent davantage la génétique des poissons que les ouvrages hydrauliques (Prunier et al 2018
  • les alevinages historiques des pêcheurs ont modifié davantage le peuplement de certaines rivières que la présence de barrages (Haidvogl et al 2015
  • les saumons peuvent franchir un seuil de moulin... en évitant même les passes à poissons (Newton et al 2017)
  • les ombres et les truites peuvent franchir la plupart des ouvrages de moulins d'une chute inférieure à 1,8 m (Ovidio et al 2007)
  • l'écrevisse à pattes blanches bénéficie de la fragmentation des cours d'eau par les chutes naturelles et artificielles (Manenti et al 2018
  • des truites vivent depuis 200 générations dans un cours d'eau fragmenté (Hansen et al 2014)
  • supprimer les ouvrages des moulins à eau incise les rivières et assèche leurs lits majeurs (Maaß et Schüttrumpf 2019)
  • la restauration physique de rivière peine à modifier les peuplements aquatiques dans la durée (Lorenz et al 2018
  • restauration morphologique de rivières anglaises : résultats décevants sur les invertébrés (England et Wilkes 2018)
  • réponse à long terme des poissons à une restauration de rivière allemande (Höckendorff et al 2017
  • Etats-Unis: le suivi des effacements de barrage est défaillant (Brewitt 2016
  • pourquoi la restauration écologique produit-elle des échecs? (Hiers et al 2016
  • à quoi ressemblent les bénéfices réels de la continuité en rivières ordinaires? (Tummers et al 2016)
  • restauration morphologique des rivières: pas d'effet clair sur les invertébrés, même après 25 ans (Leps et al 2016)
  • États-Unis: des effacements de barrages peu et mal étudiés (Bellmore et al 2016
  • suivi d’un effacement d’ouvrage sur le Bocq: quel bilan après quelques années? (Castelain et al 2016
  • restauration de rivière, un bilan critique (Wohl et al 2015)
  • la restauration physique des rivières peine à prédire ses résultats (Muhar et al 2016)
  • la restauration écologique active d'un milieu a souvent le même effet qu'une simple récupération passive (Jones et al 2018)
  • la moitié des rivières européennes devrait changer d'écotype d'ici 2050 (Laizé et al 2017)
  • la notion de condition de référence d'une rivière est problématique (Bouleau et Pont 2014, 2015)
  • la réalité des écosystèmes culturels questionne la cohérence de l'écologie de la restauration (Evans et Davis 2018)
  • l'écologie aquatique doit modéliser nouveaux écosystèmes de l'Anthropocène (Mooij et al 2019)
  • les nouveaux écosystèmes révèlent la construction sociale de la nature (Backstrom et al 2018)

14/10/2019

L'impact sédimentaire de retenues de moulins disparaît rapidement à l'aval (Foster et al 2019)

Des chercheurs anglais analysent l'évolution historique et le comportement actuel des sédiments au droit de quatre retenues dans des petites rivières du Sussex, certaines étant historiquement associées à des moulins à farine et à fer. Ils montrent que si les retenues limitent la continuité sédimentaire, elles perdent leur pouvoir de piégeage dans le temps. Et les rivières retrouvent de toute façon leur composition en sable dans les quelques centaines de mètres à l'aval des ouvrages. La perturbation reste donc assez négligeable – à supposer que l'existence d'un habitat lentique à fond limoneux soit vue comme une perturbation d'un état antérieur souhaitable et non comme la création d'un nouveau milieu à part entière ayant ses caractéristiques propres. 


L'étude porte sur le bassin versant du fleuve Rother (350 km2) se jetant dans la Manche (entre Kent et Sussex), plus précisément deux sous-bassins versants du Hammer (25 km2) et du Lod (54 km2). Le dénivelé de l’ensemble du bassin va de 240 m à 0,4 m au-dessus du niveau de la mer. Les précipitations annuelles moyennes (1881-2016) sont de 863 mm, les plus fortes pluies mensuelles étant enregistrées en décembre (102 mm) et en novembre (100 mm). L’usage des sols dans l’ensemble du Rother a connu une diminution des prairies et une augmentation des terres arables depuis le début des années 1930. Les deux sous-bassins concernés par l'étude ont nettement plus de terres boisées et moins de terres arables et de prairies que le bassin du Rother dans son ensemble.

Les chercheurs analysent des données pour les deux affluents où des petites retenues d’âge médiéval et d'autres plus récentes existent. Les anciens réservoirs, appelés localement "étangs", ont été construits soit pour moudre la farine, soit pour concasser avec des marteaux le minerai destiné à l'industrie du fer. Les taux de sédimentation depuis un siècle dans ces quatre retenues sont analysés (carotte analysée au Cs137), puis une des retenues est étudiée pour explorer son impact sur les caractéristiques de la taille des particules stockées et en aval. L'analyse paléo-environnementale permet notamment de corréler le piégeage de sédiments à l'intensité des pluies et de l'écoulement.

Premier enseignement : les plans d'eau retiennent une partie de la fraction grossière (sable), même si cette efficacité diminue dans le temps.
"Il est clair que ces petits étangs perturbent la connectivité longitudinale dans les corridors fluviaux, mais leur effet diminue à mesure qu’ils diminuent en profondeur et réduisent l’efficacité de leur rétention. Cependant, même avec des rendements de rétention considérablement réduits, les sédiments les plus grossiers (sable fin) restent dans le bassin ou peuvent même s'y déposer, et ne sont pas acheminés vers le cours d'eau récepteur en aval. Les sédiments immédiatement en aval sont dominés par la fraction fine de limon et d'argile qui n'est pas retenue dans l'étang."
Deuxième enseignement : la connectivité varie selon le débit de pluie et d'amenée dans les retenues.
"La connectivité dépend non seulement de la taille des particules, mais également de l'ampleur du ruissellement qui transporte les sédiments vers les étangs, comme en témoigne la répartition granulométrique de ce qui a été piégé dans le passé".
Troisième enseignement : si l'aval immédiat de la retenue reçoit davantage de limons, la granulométrie de la rivière se reconstitue par d'autres apports grossiers dans les centaines de mètres qui suivent.
"Les différences de granulométrie entre les échantillons en exutoire et ceux plus en en aval montrent que les rivières peuvent reconstituer leur apport en sédiments sur une distance longitudinale relativement courte, probablement à partir d'emplacements proches"
L'impact des ouvrages sur les sédiments est donc contexte-dépendant, tout comme celui sur le vivant: seules des analyses par bassin versant et par ouvrage permettent de mesurer les enjeux.

Référence : Foster IDL et al (2019), A palaeoenvironmental study of particle size‐specific connectivity—New insights and implications from the West Sussex Rother Catchment, United Kingdom, River Research and Applications, doi: 10.1002/rra.3477

Illustration : paysage à l'aval d'une chaussée de moulin dans le bassin du Rother (Lurgashall), travail de Chris Gunns, CC BY-SA 2.0

13/10/2019

La restauration écologique active d'un milieu a souvent le même effet qu'une simple récupération passive (Jones et al 2018)

La restauration écologique de milieux est devenue très populaire au fil des dernières décennies et le gestionnaire public qui l'engage nous garantit que ses résultats sont formidables. Mais est-ce exact? Les retours d'expérience commencent seulement à être analysés à grande échelle depuis une dizaine d'années par les scientifiques. Dans une méta-analyse de 400 travaux, des chercheurs montrent qu'en général, une restauration active d'un milieu perturbé n'obtient pas beaucoup plus de résultats qu'une simple récupération passive en cessant l'impact et en laissant les sites évoluer. Et en tout état de cause, notamment pour les milieux aquatiques, le résultat de la restauration active comme de la récupération passive n'est pas le retour aux objectifs fixés avant les travaux, notamment un état proche d'une situation antérieure non perturbée. A l'heure où en France les agences de l'eau envisagent de ne plus financer les traitements des pollutions pour se concentrer davantage sur des travaux de restauration, cela pose de sérieuses questions sur le bon emploi de l'argent public et sur l'engagement des gestionnaires à obtenir des résultats tangibles qui augmentent les services rendus par les écosystèmes à la société. A supposer que l'on soit encore capable de se poser des questions – voire de se remettre en question – dans les technocraties, bien sûr...

La restauration écologique est devenue une politique publique depuis une trentaine d'années, et les scientifiques essaient d'évaluer ses résultats. Une dizaine de chercheurs de divers pays (dont Daniel Montoya, INRA-CNRS, en France) ont réalisé une méta-analyse de 400 études portant sur 5142 variables de réponse - les variables mesurées par les chercheurs dans les études - afin de documenter le rétablissement de l'écosystème à la suite de perturbations anthropiques à grande échelle (agriculture, eutrophisation, perturbation hydrologique, exploitation forestière, extraction minière, déversements d'hydrocarbures). Ces études résultantes ont catalogué la récupération après perturbations selon une combinaison d’actions pour mettre fin à la perturbation (notion de "récupération passive") ou pour augmenter le taux de récupération des écosystèmes endommagés (notion de "restauration active"). Les principaux objectifs de ce travail étaient de calculer l’étendue et le taux de rétablissement des écosystèmes endommagés, et de comparer cela selon les écosystèmes, les perturbations, les types d’organismes, le degré de rétablissement selon le choix de restauration active versus récupération passive des écosystèmes.

Voici le résumé de leur recherche :

"Étant donné que peu d’écosystèmes sur la Terre n’ont pas été affectés par les humains, leur restauration est très prometteuse pour enrayer la crise de la biodiversité et garantir que les services écosystémiques sont fournis à l’humanité. Néanmoins, peu d'études ont documenté le rétablissement d'écosystèmes à l'échelle mondiale ou les taux de rétablissement des écosystèmes. Encore moins ont pris en compte l'avantage supplémentaire de la restauration active des écosystèmes par rapport au choix de leur permettre de se rétablir sans intervention humaine après la cessation d'une perturbation. 

Notre méta-analyse de 400 études réalisées à travers le monde et documentant la récupération à la suite de perturbations à grande échelle, telles que les marées noires, l'agriculture et l'exploitation forestière, suggère que, même si les écosystèmes progressent progressivement vers la récupération, ils se rétablissent rarement complètement. Ce résultat renforce la conservation des écosystèmes intacts en tant que stratégie clé pour la protection de la biodiversité. Les taux de récupération ont ralenti avec le temps depuis la fin de la perturbation, ce qui suggère que les phases finales de la récupération sont les plus difficiles à atteindre. 

La restauration active n'a pas abouti à un rétablissement plus rapide ni plus complet que la simple cessation des perturbations auxquelles les écosystèmes sont confrontés. Nos résultats sur le bénéfice supplémentaire de la restauration doivent être interprétés avec prudence, car peu d'études ont directement comparé différentes actions de restauration au même endroit après la même perturbation. Le manque de valeur ajoutée claire de la restauration active après une perturbation suggère que la récupération passive devrait être considérée comme une première option; si la reprise est lente, alors les actions de restauration active devraient être mieux adaptées pour surmonter les obstacles spécifiques à l'amélioration, et atteindre les objectifs de la restauration. Nous appelons à un investissement plus stratégique de ressources de restauration limitées dans les efforts de collaboration innovants entre scientifiques, communautés locales et praticiens pour développer des techniques de restauration viables sur les plans écologique, économique et social."

En particulier, la restauration des rivières, des lacs, des zones humides est loin de parvenir à produire l'état espéré, qui est généralement présenté par le gestionnaire comme l'état "naturel" ou "originel" du site restauré :



(Cliquer pour agrandir)
La ligne pointillé grise indique les valeurs cibles des restaurations, plus les lignes rouges (récupérations passives) ou bleues (restaurations actives) sont éloignées de cette ligne grise, moins la restauration est efficace. On observe que les milieux aquatiques ont peu de réponses. Extrait de Jones et al 2018, art cit.

Conclusion des chercheurs, il vaut mieux définir plus précisément ce que l'on veut restaurer, privilégier la récupération passive des milieux et en cas de restauration active, adapter aux conditions locales : "Premièrement, les objectifs de projets de restauration spécifiques doivent être clairement définis afin que des méthodes appropriées puissent être sélectionnées et que leur efficacité pour atteindre les résultats souhaités soit évaluée. Deuxièmement, la récupération passive devrait être considéré comme une option potentiellement rentable pour le rétablissement de l'écosystème. Troisièmement, si les taux de récupération passive sont insuffisants pour atteindre les objectifs du projet, des stratégies de restauration active doivent alors être adaptées aux conditions écologiques et socio-économiques locales; ces stratégies devraient idéalement être comparées à une approche de restauration passive pour aider à informer les efforts futurs."

Discussion
L'écologie de la restauration est devenue une industrie multimilliardaire dans le monde, tant en raison des politiques publiques de l'environnement qu'en raison des compensations écologiques de plus en plus souvent exigées des projets artificialisant des milieux. Elle s'inscrit dans le répertoire désormais normal de protection de la biodiversité et des services rendus à la société par les écosystèmes.

Mais cette discipline est loin du consensus sur son objet et ses méthodes, comme le prétendent indûment certains discours publics (en France par exemple, le discours du ministère de l'écologie ou des agences de l'eau, qui ont fait de la restauration un angle important de leur action, cf Morandi et al 2016). Nous avions documenté quelques exemples de retours scientifiques d'expérience en restauration de rivières et milieux aquatiques, dont la tonalité est souvent critique. Le gestionnaire dit que tout va bien et que le résultat de son action est formidable... mais le chercheur n'est pas toujours de cet avis quand un suivi sérieux et robuste de la restauration est effectué (Morandi et al 2014). Il y aussi des biais de partialité et de subjectivité dans la définition des périmètres et objectifs des restaurations : sur le cas des restaurations de continuité en long par exemple, des institutions comme l'OFB-AFB (ex Onema) ont pu définir dans les années 2000 des critères très restreints et spécialisés - revenir à faciès lotique local en lit mineur, augmenter la présence de certains poissons d'intérêt halieutique - qui intéressent souvent certains usagers (pêcheurs d'eau vive) mais qui ne répondent pas vraiment à l'enjeu plus global des structures et fonctions de l'écosystème concerné par l'action (voir cette analyse sur les effacements d'ouvrages, cette analyse sur le suivi des étangs et plans d'eau).

Ces critiques ne signifient pas que toutes les restaurations sont sans effet : il y a de très beaux chantiers qui ont des résultats partiels déjà intéressants (par exemple, la réhabilitation des bras morts du Rhône qui avait disparu du fait de l'endiguement, Provansal et al 2012, Lamouroux et al 2015). Mais en règle générale, ces chantiers mobilisent des financements conséquents et des surfaces importantes sur la base d'un état originel pré-restauration très dégradé. Or, le gros de la dépense publique des agences de l'eau en restauration de milieux aquatiques est plutôt dispersé dans de très nombreux contrats avec des syndicats locaux, qui vont à leur tour fragmenter le budget et multiplier des petits chantiers d'opportunité, souvent sans moyens de suivi rigoureux et sans effet autre que sur un ou deux compartiments dans un périmètre très limité. Comme les agences de l'eau sont censées se concentrer de plus en plus sur la restauration et de moins en moins sur les pollutions (voir ce rapport CGEDD-OGF 2018), cela pose clairement et urgemment la question de la rationalité des choix publics en écologie et de la transparence sur ce qu'ils garantissent aux citoyens comme résultats.

Enfin, on rappellera que ces débats sur l'efficacité de l'écologie de la restauration sont accompagnés d'autres échanges scientifiques encore plus fondamentaux sur ses finalités : tous les chercheurs ne sont pas d'accord sur la nature exacte de ce qu'il conviendrait de restaurer ni sur la valeur que l'on doit donner à des écosystèmes différents et nouveaux, nés de l'influence humaine sur les milieux naturels pré-humains (voir Hobbs et al 2006Backstrom 2018, Evans et Davis 2018, Mooij et al 2019). Ces débats fort intéressants sont complètement absents des échanges démocratiques en France: du fait de leur situation très particulière d'écosystèmes anthropisés témoins de l'histoire longue des bassins versants, il revient au mouvement des moulins, canaux, étangs, lacs et plans d'eau de porter ces questionnements dans le débat.

Référence : Jones HP et al (2018), Restoration and repair of Earth's damaged ecosystems, Proc. R. Soc. B, 285, 20172577

10/10/2019

Le conseil d'Etat précise comment s'apprécie la compatibilité d'un projet à un SDAGE et un SAGE

Le conseil d'Etat vient de confirmer l'incompatibilité entre une réserve d'eau pour l'irrigation et un SAGE. A cette occasion, la haute cour précise que la "compatibilité" à un SDAGE n'est pas la conformité, que le "contrôle de compatibilité" doit faire l'objet d'une "analyse globale" de ce que disent les SDAGE et SAGE, non de la mise en avant d'une disposition générale parmi d'autres. En l'occurrence, le SDAGE Loire-Bretagne ne permettait pas à lui seul d'interdire une réserve d'irrigation, c'est une mesure précise du SAGE sur les limites de volume stockable qui a conduit à annuler l'autorisation du projet. Voilà qui rappelle un point essentiel aux représentants des moulins, étangs, riverains : chaque mesure des SDAGE comme des SAGE doit être étudiée et discutée car elle sera par la suite opposable. Hélas, les SDAGE sont des machines très peu démocratiques des agences de l'eau dont les comités de bassin nommés par les préfets ne reflètent en rien la diversité des usagers et des citoyens, en particulier excluent les ouvrages hydrauliques hors industriels de l'énergie... un scandale qui n'émeut personne. Raison de plus pour systématiser désormais les contentieux si les bureaucraties et les lobbies régnant aux agences de l'eau refusent d'entendre les citoyens et prétendent imposer des vues contestées dans les textes. Notamment la destruction des ouvrages hydrauliques, qui n'est certainement pas de nature à protéger la ressource en eau sur laquelle les conseillers d'Etat statuaient dans ce cas d'espèce. Avant de faire des bassines, commençons donc par respecter les retenues, réservoirs et canaux en place.


Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE), déclinés localement en schémas d'aménagement et gestion de l'eau SAGE), sont des outils de programmation politico-administrative de l'eau. Ils ont la forme d'arrêtés préfectoraux opposables.

Ces outils sont connus de nos lecteurs puisque le choix de certains SDAGE de mépriser le patrimoine hydraulique, de nier sa valeur contre toute raison et de financer sur argent public sa destruction est un ingrédient important de nombreux troubles dont nous couvrons l'actualité en rivière depuis bientôt 10 ans. En particulier dans le bassin Seine-Normandie, champion du dogmatisme et du sectarisme qui, pendant des années, refusait le moindre soutien financier à ce qui n'était pas une casse pure et simple des barrages, digues, seuils et autres déversoirs.

C'est un cas différent qui a sollicité l'attention des conseillers d'Etat, celui d'une création de réserve d'eau en Loire-Bretagne.

Par un arrêté du 6 août 2012, le préfet de la Charente-Maritime a autorisé la création de deux réserves de substitution sur les territoires des communes de Benon et de Ferrières. Le tribunal administratif de Poitiers a annulé l’arrêté préfectoral. Pour confirmer l’annulation, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est notamment fondée sur l’absence de compatibilité de cet arrêté avec le SDAGE Loire-Bretagne (CAA Bordeaux, 29 décembre 2017, n°15BX04118).

Dans ses arrêts  n°418658, 418706, les conseillers d'Etat annulent partiellement la décision de la cour d'appel sur le cas de l'interprétation du SDAGE, tout en la confirmant pour celui du SAGE.

Les conseillers rappellent que les SDAGE des agences de l'eau, complétés éventuellement par les SAGE des EPCI-EPTB-EPAGE, sont des instruments d'application de la directive européenne sur l'eau et qu'ils encadrent la police administrative de l'eau :
"le SDAGE constitue l’un des instruments destinés à assurer la transposition de la directive du 23 octobre 2000, en particulier son article 11. Il est complété, lorsque c’est nécessaire dans un périmètre géographique donné, par le SAGE, ces deux types de plan de gestion encadrant l’exercice de la police administrative de l’eau défini à l’article L. 214-1 du code de l’environnement, visant « les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ». Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les dispositions du règlement du SAGE et ses documents graphiques sont opposables dans un rapport de conformité aux décisions individuelles prises au titre de cette police. 
Les règles générales prévues dans la partie législative du code s'appliquent aussi :
"Ces décisions doivent par ailleurs être conformes aux règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux prises en application de l’article L. 211-2 du code de l’environnement, ainsi qu’aux prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire prévues par l’article L. 211-3 du même code, ces règles générales et prescriptions étant précisées aux articles R. 211-1 et suivants du même code." 
Il en résulte que la cour d'appel était fondée à estimer un rapport de comptabilité (et non de conformité) au SDAGE :
"Par suite, la circonstance que le législateur a prévu, au XI de l’article L. 212-1 du code de l’environnement cité au point 7, un rapport de compatibilité, et non de conformité, entre les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau et les dispositions des SDAGE, ne méconnaît pas les objectifs définis par la directive du 23 octobre 2000. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel de Bordeaux n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que les autorisations administratives délivrées dans le domaine de l’eau sont dans un rapport de compatibilité et non de conformité avec les dispositions du SDAGE."
Mais ce contrôle de compatibilité ne s'estime pas à partir d'une seule mesure - visant à limiter l'usage de l'eau - retenue par la cour d'appel, elle doit s'apprécier à partir de "l'analyse globale" du SDAGE, dont d'autres dispositions admettent cet usage de l'eau :
"Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour juger que les projets de réserves litigieux n’étaient pas compatibles avec le SDAGE 2016-2021 du bassin Loire-Bretagne, la cour s’est bornée à les confronter à la seule disposition de ce schéma limitant le volume des réserves nouvellement créées. Ce faisant, la cour n’a pas confronté l’autorisation litigieuse à l’ensemble des orientations et objectifs fixés par le SDAGE 2016-2021 du bassin Loire-Bretagne, qui favorisent le recours à l’irrigation à partir de stockages hivernaux en substitution des prélèvements estivaux existants, et a, ainsi, omis de procéder à l’analyse globale exigée par le contrôle de compatibilité défini au point précédent. Par suite, elle a commis une erreur de droit."
En revanche, le volume de la réserve excède le volume maximal autorisé par le règlement du SAGE, et donc c'est à bon droit que l'arrêté préfectoral d'autorisation de cette réserve d'eau est cassé.

Source : Conseil d'Etat (2019), arrêts n°418658, 418706, 2( septembre 2019, Nature Environnement 17, M. A.B. contre ASA de Benon, Ministère de la Transition écologique et solidaire

08/10/2019

Supprimer les ouvrages des moulins à eau incise les rivières et assèche leurs lits majeurs (Maaß et Schüttrumpf 2019)

Deux chercheurs de l'université d'Aix-la-Chapelle montrent que l'implantation millénaire des moulins à eau a modifié progressivement la morphologie des lits mineurs et majeurs des rivières de plaine d'Europe occidentale. Dans ce type de cours d'eau, la suppression des ouvrages de moulin (chaussées, écluses, déversoirs) conduit à des incisions de lit mineur, à des moindres débordements en lit majeur d'inondation (donc des assèchements), à des transferts de sédiments plus fins (plutôt jugés néfastes en colmatage de fond). Ce n'est pas du tout la promesse des gestionnaires publics de rivière en France, qui ont lancé une politique de continuité dite "écologique" sans réelle réflexion sur chaque bassin concerné, et sans anticipation des effets cumulés des choix opérés sur chaque site. Sortons de cette précipitation peu informée et prenons le temps de réfléchir au sens de nos interventions sur les rivières. A l'heure où l'on parle de "prioriser" les cours d'eau à traiter pour la continuité en long, on attend la mobilisation de telles informations scientifiques, et non pas de nouvelles approximations bureaucratiques. 


Un des hydrosystèmes témoins qui a été examiné en support de la modélisation du bassin, site de Volmolen, extrait de Maaß et Schüttrumpf 20019, art cit

Comment le paysage des bassins versants a-t-il été modifié dans l'histoire et quels seront les effets de nos choix actuels d'aménagement, en particulier les options de destructions d'ouvrages en lit mineur (chaussées, déversoirs, petits barrages)?

Anna-Lisa Maaß et Holger Schüttrumpf (université d'Aix-la-Chapelle) ont étudié deux petites rivières, leurs berges, leurs ouvrages et leurs lits majeurs en Europe occidentale: l'une est toujours affectée par des moulins à eau (rivière Geul, sud du Limbourg, Pays-Bas, 57 km, bassin versant 380 km2, débit à la confluence 3,4 m3/s) et l'autre est un cas témoin post-moulin à eau (rivière Wurm, embranchement du Bas-Rhin, Allemagne, 57,9 km, bassin versant 356 km2, débit à la confluence 4 m3/s). La rivière Geul dispose de 19 moulins dont 7 encore en activité permanente ou partielle. La rivière Wurm disposait historiquement d'environ 60 moulins, mais tous ont fini par disparaître pour différents motifs.

La méthode utilisée est la suivante : "Les effets d'un système rivière-moulin sont analysés à l'aide d'équations physiques des effets de remous et de la mobilité des sédiments, associées à des mesures sur le terrain de la pente du chenal et du développement du lit majeur inondable antérieur et postérieur aux moulins à eau, dans deux bassins de plaine très similaires. La morphologie avant la construction du moulin à eau est reconstruite en analysant une couche de lit de gravier visible sur la rive de la rivière Wurm (Allemagne), qui représente le lit historique  pré-moulin (Buchty-Lemke et Lehmkuhl 2018). L'accrétion dans le lit majeur de la rivière Geul (Pays-Bas) est déterminée à l'aide de tapis de pièges à sédiments. La similitude de deux cours d'eau à lit méandré de graviers et lits majeurs limoneux permet d'étudier l'effet des sites en fonctionnement et l'effet de leur suppression, ce qui autorise un degré de contrôle n'étant généralement utilisé que dans les modèles expérimentaux ou numériques." Les chercheurs ajoutent un certain nombre de paramétrages (part du débit dans le chenal principal et les biefs, état d'équilibre morphologique présupposé de la rivière avant la construction des moulins).

Voici leurs principales conclusions
"Les lits majeurs autour des zones de retenue de l'eau sont plus souvent inondées pendant la période d'activité des moulins que ceux précédant leur construction  en raison des niveaux d'eau plus élevés de la retenue au déversoir, ce qui entraîne une sédimentation relativement élevée dans les plaines inondables. Après l'élimination des moulins, les niveaux d'eau ne sont plus surélevés.Dans les chenaux, le débit ralenti en amont des seuils des moulins entraîne le dépôt de sédiments dans la zone de retenue.
La période entre la construction et la destruction des moulins a été si longue que les taux d’inondation du lit majeur et, par conséquent, la sédimentation de ce lit majeur ont diminué en raison de l’augmentation de la hauteur des rives.
Après la destruction des moulins, le flux ne pénètre plus dans le canal usinier, ce qui entraîne une incision dans le fond de la vallée, plus profonde que le dépôt formé pendant la période d'activité des moulins.
La réponse morphologique était si hystérétique que les effets des moulins sont toujours présents dans les systèmes fluviaux d’aujourd’hui.
La comparaison avec d'autres études a montré que les résultats des deux cours d'eau analysés dans la présente étude s'appliquent à de nombreux autres systèmes de lits majeurs en Europe comportant des lits de gravier et des plaines inondables limoneuses, qui ont été ou sont toujours affectés par une succession de moulins à eau ou par d'autres types de barrages, car les conséquences morphologiques globales de l’incision en canal sont indépendantes des conditions spécifiques du site d’étude."


Exemple d'incision après suppression des ouvrages, en bas à droite le lit de gravier montre le niveau ancien de la rivière, extrait de Maaß et Schüttrumpf 20019, art cit


Les chercheurs soulignent notamment le phénomène d'incision, de diminution de la granulométrie des sédiments et de divers effets secondaires indésirables dans les cas étudiés sur la rivière à moulins détruits:

"Après l'effacement du moulin à eau, les hauteurs des berges sont augmentées par rapport à l'état initial sans moulin à eau. Les effets de l'augmentation de la hauteur des berges sur la morphologie fluviale sont similaires à ceux des digues (Hesselink et al. 2003; Frings et al. 2009; Zhang et al. 2017). En raison de l'élévation des lits majeurs, le niveau plein bord du cours d'eau est augmenté dans le chenal principal par rapport aux niveaux antérieurs aux moulins. L'augmentation des niveaux d'eau entraîne une augmentation des contraintes de cisaillement. Cette augmentation de la contrainte de cisaillement du lit conduit généralement à l'érosion des grains fins et à la réduction de la taille des grains du lit de la rivière (Frings et al. 2009). Ici, l'incision est également associée à des problèmes qui persistent aujourd'hui, tels que l'excavation de conduites, le besoin de construction de fondations pour des travaux de génie civil et des problèmes de navigabilité à faible débit, ainsi que l'assèchement de la végétation naturelle dans les lits majeurs encaissés."


Le phénomène d'accrétion (élévation lit et berge) quand les moulins ont été bâtis et celui d'incision quand ils sont détruits, extrait de Maaß et Schüttrumpf 20019, art cit

Enfin, les chercheurs font observer : "La reconnexion de zones inondables en tant que parties naturelles de l'environnement ne serait possible qu'en abaissant les lits majeurs à un niveau plus naturel, ou en augmentant l'altitude du lit de la rivière."

Discussion
Si les analyses des effets morphologiques des grands barrages modernes sont assez répandues, celles portant sur les moulins et étangs anciens sont rares. Le travail de Maaß et Schüttrumpf contribue donc à améliorer nos connaissances encore très lacunaires. Leur résultat confirme que les bassins versants des zones densément et anciennement peuplées comme l'Europe occidentale ne sont pas seulement modifiés par l'âge industriel, mais que leur profil répond à des ajustements déjà millénaires tenant à l'usage de l'eau et des sols autour des rivières. L'anthropocène est donc plus ancien qu'on ne le pense généralement. Ce n'est pas une réelle surprise, l'idée d'une nature qui n'aurait été modifiée que très récemment par l'humain est battue en brèche par de très nombreux travaux d'histoire et d'archéologie environnementales, en particulier dans le domaine des rivières et des zones humides (voir quelques références récentes de recherche à la fin de cet article).

Les conclusions des chercheurs contredisent certains récits tenus par les gestionnaires publics des rivières en France. Même si chaque bassin doit être analysée dans sa morphologie historique et dynamique afin de faire des choix avisés (ce qui n'est pas souvent le cas dans la politique actuelle des syndicats et parcs, faute de moyens et de compétences), le résultat observé par Maaß et Schüttrumpf indique que sur les petites rivières à plaines alluviales, la politique de suppression des ouvrages tendra à inciser les lits, augmenter le transit de sédiments fins, limiter la capacité de débordements en lits majeurs. Ces effets sont donc plutôt négatifs pour la prévention des inondations (moins de débordements en lits majeurs), pour la continuité latérale (moins de milieux humides dans les écotones du lit majeur) et pour le colmatage des fonds. La compensation de ces effets demanderait des coûts sans doute considérables de ré-aménagements des lits majeurs, à supposer que le gestionnaire public trouve la disponibilité foncière pour cela (ces sols riverains sont généralement d'usage agricole et valorisés, voir Riegel 2018).

Une réflexion s'impose donc, et l'on peut regretter que l'Etat français ait décidé de politiques massives de continuité en long (20 000 ouvrages transversaux à traiter en quelques années) dans la précipitation et l'approximation. L'écologie n'est pas un domaine où l'effet d'annonce pour satisfaire quelques clientèles par des symboles donnera de bons résultats. Et la "renaturation" complète de bassins versants est un objectif qui excède aujourd'hui tant le contenu des lois que la capacité de financement des gestionnaires publics et, probablement, le consentement des citoyens. Le gouvernement a lancé récemment une option de "priorisation" des rivières à traiter au titre de la continuité en long : il nous paraît évident que de telles informations morphologiques et sédimentaires sont à mobiliser pour la décision, le choix d'obtenir des lits incisés et des assèchements de rives n'étant pas vraiment un objectif d'intérêt général ou écologique. Mais qui va prioriser au juste? Sur quels attendus scientifique? Depuis quelles concertations avec les acteurs subissant ces effets?

Référence : Maaß AL, H. Schüttrumpf (2019), Elevated floodplains and net channel incision as a result of the construction and removal of water mills, Geografiska Annaler: Series A, Physical Geography, DOI: 10.1080/04353676.2019.1574209

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06/10/2019

Le moulin, le castor et l'assec

Inutiles, les moulins lors des sécheresses? Patrice Cadet (association de sauvegarde des moulins de la Loire) nous a envoyé un témoignage depuis sa rivière, la Teyssonne entre la source et la confluence avec le Briquet. En cette zone amont, la rivière se divise en deux parties : une partie sur le flanc des monts de la Madeleine et une partie en plaine, sur les communes de Changy et St Forgeux Lespinasse, soumise aux assecs. Au  niveau du moulin de Lespinasse, les écoulements ont cessé à partir du 29 juin, pour ne revenir que le 3 octobre. Mais l'eau n'y baisse que très lentement dans deux endroits : la retenue de la chaussée du moulin... et celle du barrage du castor à 500 m de là. Ces deux zones ont ainsi servi de refuges au vivant aquatique de la Teyssonne amont. Les vertus des petits barrages (de castors comme d'humains), parfois soulignés dans la littérature scientifique, trouvent ici une claire illustration. Par rapport au castor, ce moulin a aussi l'avantage de produire en autoconsommation de l’énergie pour trois logements, correspondant à une économie de 8 tonnes de CO2... Voici quelques photos de cette rivière et de ses ouvrages lors de cette sécheresse 2019, © Patrice Cadet.


Barrage de castor : il reste de l'eau.


Rivière : à sec.


Chaussée de moulin : il reste de l'eau.

A lire en complément :

04/10/2019

Elisabeth Borne: "la restauration de la continuité piscicole ne doit évidemment pas se faire au détriment du soutien d'étiage"

Dans un échange au Sénat, la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne demande une continuité piscicole respectueuse des enjeux de soutien d'étiage et de préservation de l'eau. Le sénateur Guillaume Chevrollier lui rappelle que cet objectif de "zéro perte en eau" s'obtiendra notamment par la protection des ouvrages hydrauliques alimentant des retenues, de canaux et des zones humides, qui aident aussi la biodiversité, notamment en phase de sécheresse. Nous nous réjouissons de cette prise de conscience, mais nous espérons surtout qu'elle ne restera pas une pure promesse sans effet observable sur le terrain. 


Le 3 octobre 2019, le sénateur de la Mayenne Guillaume Chevrollier a questionné au sénat Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, à propos de la gestion des ouvrages hydrauliques et de l'adaptation des politiques de l'eau au changement climatique.

Après avoir rappelé la nécessité de modérer nos usages en eau et les différentes manières de soutenir la ressource (barrages, retenues collinaires, petits ouvrages en lits mineurs et dans leurs annexes de type moulins et étangs, restauration de zones humides naturelles), le sénateur a clairement demandé l'objectif de "zéro perte nette en eau" dans les politiques publiques des rivières. Cela implique pour lui la protection de tous les ouvrages hydrauliques qui contribuent au long de l'année à nourrir des nappes, des sols, des zones humides. Il s'est inquiété auprès de la ministre de la destruction de centaines d'ouvrages au nom de la politique de continuité écologique. Nous remercions vivement ce parlementaire de son écoute et de son alerte sur ce problème grave, mis en lumière cet été par la nouvelle Coordination nationale eaux & rivières humaines (CNERH).

La ministre Elisabeth Borne a répondu au sénateur :

"Effectivement, on a des objectifs importants de restauration des continuités hydrauliques, des continuités des cours d'eau, il est évident qu'ils doivent être pris de manière pragmatique. Je pense que la restauration de la continuité piscicole ne doit évidemment pas se faire au détriment du soutien d'étiage qui est également un enjeu essentiel en  terme de biodiversité. C'est avec cette double approche que les sujets doivent être examinés, et je pense que c'est le sens de ce que portent mes services, mais je m'assurerai que c'est bien le cas."

Nous nous réjouissons de cette réponse de la ministre. Dans tous les cas où les instructions locales de l'Etat conduisent à accepter des projets détruisant des ressources en eau (retenues, étangs, plans d'eau, canaux, zones humides annexes en eau, niveau des nappes observables dans les puits et captages), notre association ne manquera de saisir les parlementaires, la ministre et la justice pour faire constater le trouble... mais surtout pour le faire cesser! Nous encourageons toutes nos consoeurs associatives à faire partout de même désormais : les riverains doivent s'engager pour protéger les ouvrages, ressources et milieux menacés.

La restauration de continuité en long a des enjeux évidents pour des espèces pénalisées par certains ouvrages, et sur certaines rivières, mais elle ne peut se faire par la destruction pure et simple de ces ouvrages qui présentent bien d'autres intérêts pour l'eau, pour le vivant et pour la société. On doit donc faire émerger un nouveau regard sur les ouvrages et leur apport aux biens communs, ainsi que de nouvelles solutions pour la continuité en long.

Voir la vidéo.


Sur le Suran à Meyziat, la retenue du moulin (en haut) forme l'un des derniers refuges en eau pour le vivant en période de sécheresse sévère (étiage 2019). Merci aux lecteurs du site Hydrauxois des témoignages envoyés pour notre enquête, nous publierons régulièrement leurs photos.

01/10/2019

Quand la conservation des écrevisses bénéficie de la fragmentation des rivières (Taylor et al 2019)

Quatre chercheurs des Etats-Unis font une synthèse des connaissances sur les écrevisses de leur pays et sur les objectifs de leur conservation écologique. Au passage, ils rappellent que la recherche considère la fragmentation des rivières comme un facteur favorable à la préservation des espèces endémiques isolées d'écrevisses, et à la limitation des invasions. A faire lire aux trop nombreux gestionnaires de rivière qui véhiculent en France une écologie routinière sans analyse des populations présentes sur le terrain, ou limitent l'intérêt à quelques poissons spécialisés bien loin de refléter tous les enjeux de biodiversité. 


Extrait de Taylor et el 2019, art cit.

Les États-Unis d'Amérique hébergent la plus riche faune d'écrevisses au monde, avec 394 espèces et sous-espèces. Le nombre d’espèces décrites y augmente presque chaque année et représente actuellement plus de 65% de la faune mondiale d’écrevisses. Pourtant, les écrevisses sont bien moins protégées que d'autres espèces dans les politiques de conservation.

Christopher A. Taylor, Robert J. DiStefano, Eric R. Larson et James Stoeckel produisent une synthèse à ce sujet dans la dernière livraison de la revue Hydrobiologia. Voici le résumé de leur travail:
"La biodiversité des eaux douces des États-Unis est reconnue depuis longtemps pour la richesse de ses espèces. La faune américaine d'écrevisses est plus riche que celle que l'on trouve dans les autres pays ou continents du monde. Les écrevisses sont des membres essentiels des écosystèmes d'eau douce et elles sont exploitées depuis longtemps pour la consommation humaine. Combinés, ces facteurs militent en faveur d'une conservation efficace. Comparés à d'autres groupes aquatiques, tels que les poissons ou les moules unionidés, les efforts de conservation des écrevisses américaines font défaut. Nous examinons ici les lacunes dans les connaissances qui empêchent une conservation efficace et les activités de conservation et de gestion des écrevisses, passées et actuelles. Nous concluons en proposant une stratégie d’actions visant à améliorer le statut de conservation de cet important groupe d’organismes. Ces mesures comprennent l'amélioration des efforts de sensibilisation, du financement et de la recherche pour combler les nombreuses lacunes en matière de connaissances, et l'inclusion des écrevisses dans les activités de conservation aquatique à plus grande échelle."
Plusieurs orientations sont proposées, dont la plupart sont aussi valables en Europe:
  • allouer des ressources à l'évaluation de l'écologie, de la systématique et de la distribution des écrevisses
  • améliorer la compréhension des valeurs de tolérance des écrevisses
  • porter une attention accrue portée à la récolte et à la surexploitation des écrevisses
  • élaborer et appliquer des politiques et des réglementations pour prévenir l'introduction d'écrevisses envahissantes
  • rechercher et tester les facteurs qui limiteront la propagation invétérée
  • faire des écrevisses un objet de la gestion et de la restauration de l'habitat
  • intégrer les écrevisses dans la planification de la conservation des aires protégées
  • étudier et élaborer des critères pour les méthodes de propagation, d’augmentation et de réintroduction d’écrevisses (PAR)
  • augmenter la communication et la sensibilisation
Plus particulièrement, nous retiendrons ici ce que ces chercheurs disent de la fragmentation des rivières en lien à la prévention des espèces invasives et au partitionnement des habitats :
"Si la plupart des populations invasives d'écrevisses ne sont pas facilement éradiquées, quelles options de gestion existent pour conserver les écrevisses indigènes touchées? Premièrement, certaines écrevisses indigènes coexistent avec des écrevisses envahissantes lors du partitionnement de leurs habitats (Olden et al., 2011a; Peters & Lodge, 2013), et l'identification des habitats pouvant servir de refuge aux écrevisses indigènes est un besoin urgent. La gestion de la connectivité des eaux permet également d'empêcher ou de ralentir la propagation d'écrevisses envahissantes dans des habitats isolés abritant des populations d'écrevisses indigènes. Cela peut être fait en maintenant des barrières naturelles telles que des cascades ou des barrières artificielles telles que des barrages ou des dérivations d'eau, ou en construisant des barrières spécifiques aux écrevisses (Fausch et al., 2009. Par exemple, Frings et al. (2013) ont démontré la conception d'une barrière proposée comme infranchissable vis-à-vis des écrevisses envahissantes P. leniusculus, tout en permettant le passage des poissons conformément à la Directive cadre européenne sur l'eau. En Californie, de nombreuses barrières ont été conçues et installées pour empêcher la propagation de P. leniusculus dans les quelques habitats encore occupés par le Pacifascac fortis écrevisses Shasta inscrite à la liste de l'ESA (Faxon 1914) (Cowart et al., 2018). Malheureusement, P. leniusculus a envahi ces habitats pendant ou après la construction de la barrière. La dispersion par voie terrestre peut constituer un défi pour la conception de telles barrières, bien que Tréguier et al. (2018) suggèrent que l'établissement réussi par dispersion terrestre des écrevisses envahissantes telles que l'écrevisse rouge des marais, P. clarkii, est rare. En tant que mesure potentielle de dernier recours, les écrevisses indigènes pourraient être déplacées vers des habitats précédemment inoccupés, isolés d'espèces envahissantes (Fischer et Lindenmayer, 2000; Olden et al., 2011b). De tels «sites d'arche» sont couramment utilisés pour conserver les écrevisses européennes indigènes (par exemple, Kozák et al., 2011), mais à notre connaissance, seuls P. fortis a tenté de le faire, avec des résultats ambigus à ce jour (Cowart et al., 2018). Une telle translocation d'écrevisses indigènes comporte des risques d'invasion de ces espèces ailleurs, et reste un sujet controversé du débat politique (Olden et al. 2011b; James et al., 2015)."
Discussion
Dans une époque marquée par l'introduction à une rapidité sans précédent d'espèces exotiques ou invasives dans tous les milieux du globe, la fragmentation des rivières par des barrières naturelles ou conçues par l'humain peut aussi avoir quelques avantages en politique de conservation.

Ce point avait déjà été relevé en Europe par des travaux sur l'écrevisse à pattes blanches (voir Manenti et al 2018 ) mais aussi pour d'autres espèces, par exemple la préservation de souches rares de truites en tête de bassin, menacées par des introgressions génétiques de truites d'élevage introduites par des pêcheurs (Vera et al 2019, voir aussi la thèse de Caudron 2008). Au demeurant, le lien entre biodiversité et fragmentation des habitats est désormais loin d'être clair en écologie (voir Fahrig 2017, Farhig et al 2019), donc on se gardera d'énoncer des prescriptions d'action sans base empirique et théorique solide. Les erreurs sont assez nombreuses dans les politiques publiques pour que l'on n'ait pas la naïveté de croire que l'écologie en serait miraculeusement indemne...

Ces travaux indiquent plus que jamais la nécessité d'une politique prudente, intelligente et informée de continuité écologique : les milieux ont changé dans l'histoire, la biodiversité a changé, les pressions ont également changé, donc le simple objectif de restauration d'une morphologie antérieure au bénéfice d'espèces lotiques est bien trop rudimentaire, et il ne suffit plus à garantir que des bons choix seront faits dans nos bassins versants.

Référence : Taylor CA et al (2019), Towards a cohesive strategy for the conservation of the United States’ diverse and highly endemic crayfish fauna, doi.org/10.1007/s10750-019-04066-3