21/09/2020

Efficacité des passes à poissons pour les espèces n'étant pas des grands migrateurs (Ovidio et al 2020)

Une équipe de chercheurs a étudié sur une rivière belge l'efficacité des passes à poissons pour les barbeaux et les chevesnes, qui ne sont pas les grands migrateurs cibles de la continuité écologique, mais qui sont néanmoins mobiles et peuvent coloniser des bassins versants. Leur résultat montre un très bon taux de passage pour les passes de type rampes en enrochement, un peu moins bon pour les autres. Le fait que les individus réussissant un passage parviennent aussi à franchir des passes plus amont suggère qu'ils ont un comportement plus mobile ou moins sédentaire que d'autres. Les espèces ne seraient donc pas des ensembles homogènes au plan du comportement migratoire des individus, un trait déjà observé par la recherche scientifique. Au final, c'est le rapport entre coût économique des passes et bénéfice écologique de circulation de certains poissons qui doit être caractérisé.

Les sites étudiés in Ovidio et al 2020, art cit.

Les passes à poissons étudiées dans ce travail sont situées dans le cours aval de la Vesdre, un affluent de l'Ourthe dans le bassin de la Meuse, en Belgique. La Vesdre est une rivière à lit de gravier avec un débit interannuel médian de 11,4 m3/s et un bassin versant de 702 km2. Elle est longue de 72 km et sa source est située à 626 m d'altitude, avec une pente moyenne de 7,8%. Avant le 18e siècle, la Vesdre avait d'importantes populations d'espèces rhéophiles, notamment le saumon atlantique, la truite de mer et l'anguille européenne. Jusqu'à la fin du 19e siècle, le cours d'eau a été fragmenté et très pollué en raison du développement des industries lainières. Le cours principal de la Vesdre a été dépollué progressivement et il est aujourd'hui encore fragmenté par vingt-sept barrières artificielles et un barrage-réservoir. Dans l'ensemble du la rivière, les paramètres physico-chimiques et les communautés dominantes de macro-invertébrés sont actuellement révélateurs d'une bonne qualité de l'eau. La qualité chimique ayant été traitée, se pose donc la question de l'amélioration fonctionnelle et morphologique, notamment de la continuité en long.

Michaël Ovidio (université de Liège) et ses collègues ont souhaité examiné l'efficacité des passes à poissons construites sur la Vesdre, en faisant le choix de deux espèces de poissons potamodromes n'étant pas à proprement parler des migrateurs, les barbeaux et les chevesnes. Les poissons migrant sur des longues distances comme le saumon ou l'anguille ont aussi développé dans l'évolution des capacités avancées de franchissement d'obstacles, naturels ou artificiels (puissance de saut et de nage pour le saumon, capacité de reptation sur parois assez verticales pour l'anguille). Ce n'est pas forcément le cas d'autres d'espèces. Or, il peut être intéressant de favoriser la diversité des populations de poissons en différents points de la rivière, sans se limiter aux grands migrateurs. 

Voici les résultats du suivi radiométrique des barbeaux et chevesnes:

"Trente-huit barbeaux (Barbus barbus; moyenne: 508 mm, 2133 g) et sept chevesnes (Squalius cephalus; moyenne: 372 mm, 935 g) ont été capturés par la pêche électrique en surveillance des passes à poissons et ont été équipés par des étiquettes RFID et / ou radio-émetteurs. Ils ont été transférés en aval de trois passes migratoires différentes (bassins de type naturel, rampe en enrochement et bassins de type technique). Des antennes de détection connectées à des récepteurs automatiques ont été placées en aval et en amont de chaque passe migratoire pour évaluer la vitesse d'approche, les efficacités de passage globales et ajustées, les retards de passage, la température, les dates et la période. Les meilleures performances de passage et les meilleurs délais de passage ont été observés pour la passe migratoire de la rampe en enrochement (88%; 9 h temps médian pour passer) par rapport aux structures à bassins (47 et 73%; 94 et 144 h de temps médian pour passer, respectivement). L'efficacité de passage globale était de 18,2 et 29,4% pour deux passes successives et de 18,2% pour trois passes. Les passages se sont produits principalement pendant les périodes d'obscurité à des températures médianes de 14°C (barbeau) et 12,3°C (chevesne), et dans des conditions d'écoulement très variables. Cette étude a mis en évidence le taux de réussite du rétablissement de la continuité écologique de la Vesdre grâce à la construction d'ouvrages de passage à poissons améliorés."

Les chercheurs précisent que les poissons ayant réussi à franchir un obstacle tendent aussi à réussir rapidement le franchissement des autres : "Fait intéressant, les individus qui ont réussi à passer deux ou trois passes successives l'ont fait dans un laps de temps très limité (48 h), ce qui peut être le résultat de l'expression de personnalités comportementales, avec l'existence potentielle d'indices plus proactifs / intrépides (Conrad et al 2011; Renardy et al 2020) et/ou reflètent simplement une motivation physiologique plus élevée pour atteindre la zone de frai."

Enfin, dans leur conclusion, les auteurs de l'étude observent qu'il reste des inconnus pour évaluer le rapport coût-avantage des ces investissements écologiques : "La relation entre le coût et l'avantage écologique est un point de considération important pour les projets de restauration des rivières, mais une question est difficile à se poser: combien d'individus doivent traverser une passe migratoire pour atteindre les objectifs écologiques et assurer la viabilité de la population (Birnie-Gauvin et al.2019)? On peut raisonnablement penser que des performances de passage faibles ou moyennes constituent une amélioration (effets de flux génique, reconnexion de métapopulation) par rapport à l'absence de connexions, mais il est encore compliqué d'évaluer le gain démographique pour une population issu de l'amélioration ou de la restauration du passage des poissons. On en sait relativement peu sur l'effet de la restauration du continuum longitudinal pour les poissons de rivière, en particulier dans les habitats dégradés et réhabilités, malgré son importance cruciale pour la distribution des espèces, le renouvellement des espèces et la recolonisation (Tummers et al 2016)."

Discussion

Nos voisin belges semblent avancer pour le moment sur la question de la continuité écologique avec davantage de prudence et de sagesse que les gestionnaires publics français. On observe ainsi que c'est après avoir supprimé les pollutions chimiques des cours d'eau que l'amélioration de la circulation des espèces ou de la morphologie des lits y est envisagée. On observe également que la destruction des ouvrages en vue de la renaturation n'est pas l'option que l'on tente d'imposer aux maîtres d'ouvrage et aux riverains. Mickael Ovidio et d'autres collègues avaient démontré dans un précédent travail que les ouvrages anciens des moulins ne représentaient pas des obstacles majeurs pour la migration de truites et d'ombres (Ovidio et al 2007).

Il est à peu près acquis que les gestionnaires publics ne parviendront pas à contraindre à la destruction de tous les ouvrages des rivières, tant en raison de leur attachement exprimé par les populations locales qu'en raison des services écosystémiques qui leur sont attachés. Il serait donc temps de sortir du logiciel de la renaturation ou du re-ensauvegment, qui mobilise une bonne part des fonds en recherche appliquée de restauration écologique, pour examiner les solutions de franchissement apportant des bénéfices à des compartiments biologiques, notamment les poissons, tout en préservant les avantages des sites. Cela fait partie de la "continuité apaisée" : montrer que l'on se dirige vers une écologie sociale inclusive acceptant la  nature hybride des cours d'eau, et non que l'on se braque sur une écologie étatique punitive du retour forcé à une hypothétique nature sauvage sans humain.  

Référence : Ovido M et al (2020), Evaluation of the performance of successive multispecies improved fishways to reconnect a rehabilitated river, Wetlands Ecology and Management, 28, 641–654

A lire aussi

Les passes à poissons peuvent être fonctionnelles avec de faibles débits (Wolter et Schomaker 2019)

Les poissons se plaisent dans les rivières de contournement (Tamario et al 2018)

Quand les saumons franchissent un seuil de moulin... en évitant les passes à poissons! (Newton et al 2017)

20/09/2020

Les citoyens de Collias se mobilisent pour préserver les moulins menacés d'expropriation et destruction

Une enquête publique est ouverte sur la commune de Collias du 17 septembre au 2 octobre, avec pour projet notamment la démolition de deux moulins à eau de l’Alzon. Les riverains et l'association de protection du patrimoine sont vent debout contre ce projet qu'ils jugent aberrant et rempli de contre-vérités. Dans le Gard comme ailleurs, les factions au service de la destruction des ouvrages hydrauliques n'ont pas bien compris le message qui monte au bord des rivières et des biefs. Alors mobilisez-vous pour leur crier un peu plus fort: les casseurs, ça suffit! 

Sauvons le barrage de Collias!

On nous dit qu’au nom du principe de la continuité écologique des rivières, votée par l’Europe, et pour faire remonter les poissons migrateurs comme les aloses, les lamproies, et les anguilles, nous devons araser sur 25 mètres le seuil de Collias. Un décret signé par Edouard Philippe le 30 juin dernier donne le coup de grâce à nos barrages.

Nous nous opposons catégoriquement à cette casse du barrage et on va vous dire pourquoi :

-les aloses remontaient dans les années 1970 en aval du barrage de Collias. Elles ont disparu mais évidemment ce n’est pas ce seuil qui est en cause, car elles ne l’ont que rarement franchi. Ces aloses se reproduisent en avril et mai dans les rivières. Faut-il les laisser remonter en amont du seuil de Collias, au risque de les voir piégées dans des trous d’eau du Gardon à sec en début d’été ? D’ailleurs les aloses ne remonteront pas ce seuil car elles ne sont pas très vigoureuses et elles s’épuisent au bout de deux ou trois remontées de barrages, même équipés de passes à poissons. Quant aux anguilles, elles ont toujours remonté ce seuil et se trouvent en quantité en amont de Collias.

- la destruction du seuil impliquerait la disparition en amont, en période d’étiage, du plan d’eau existant qui s’étend des Tinières à l’Oseraie, lieu de prédilection de la faune qui aime les eaux calmes, comme certains poissons et les castors. La baisse du niveau du Gardon de 1 mètre en amont du feu barrage va permettre son franchissement facilement et les promeneurs vont pouvoir coloniser la rive droite, avec les feux, poubelles et d’incivilités qu’on constate en rive gauche. Les castors qui se sont réfugiés en rive droite ne pourront plus bénéficier de la tranquillité à laquelle ils aspirent. De plus 12 de leurs 13 terriers vont être exondés. Au moment où on crée un musée du castor à Collias, qui a couté très cher, on élimine le lieu de vie privilégié du castor dans ce même village. C’est une dégradation de la biodiversité et également du patrimoine du village par suppression de l’aspect paysagé que constitue ce plan d’eau.

- cet arasement du seuil entrainera une baisse du niveau d’eau dans les gorges sur deux kilomètres cinq en période d’étiage. On sait qu’avec le changement climatique le niveau d’eau des rivières va s’effondrer. Faut-il accélérer ce mouvement, faire du Gardon un toboggan à lessivage d’effluents mortifères?

- influence sur le niveau de captage d’eau du village, par baisse de l’eau de la grotte de Pâques et possible abaissement de la nappe phréatique. On sait qu’un forage plus profond devrait compenser cette perte, mais pourquoi refaire un captage qui alimentait le village depuis une centaine d’année ?

-accélération du courant du Gardon en période de crue car plus le Gardon ressemblera à un couloir plus vite ira son flux.

- perte de la possibilité d’une production hydroélectrique. Même si cette production n’est pas importante les petits courants forment de grandes rivières, et à l’heure où on prône la production d’énergie localement, faut-il avancer dans le sens de l’histoire ou lui tourner le dos?

-vidange des sédiments situés en amont du barrage avec peut-être siphonnage de la rivière (car le massif karstique est troué, fissuré, et les sédiments colmatent ces failles en rendant le fond étanche).

-Les seuils de Remoulins, Bonicoli, Montfrin, Comps, Callet et Beaucaire ont tous été faits au moyen de financements extérieurs aux villages (état, agence de l’eau Rhône Méditerranée, compagnie nationale du Rhône, la région, le département). Ces seuils ont été refaits avec des passes à poissons. Le seuil et la passe à poissons de Remoulins construite en 2007 va devoir être refaite une deuxième fois. 

Nous demandons à Collias le même traitement que pour toutes les autres communes, c’est à dire la réfection du seuil avec une passe à poissons au moyen d’un financement extérieur à la commune.

Contactez les amis du patrimoine de Collias pour agir

Rappel pour l'organisation des luttes

> Les parlementaires doivent être saisis des problèmes, avec demande d'interpellation de la ministre de l'écologie à ce sujet. Le gouvernement prétend depuis 2018 à la continuité apaisée alors que le principal motif de trouble public (pression à la casse et assèchement des moulins, étangs, plans d'eau, canaux, biefs) n'a jamais cessé. Les services administratifs persistent à menacer et détruire partout; les agences de l'eau refusent les financements à taux plein des solutions douces, par pure idéologie; l'office français de la biodiversité refuse de faire des analyses complètes et objectives de la diversité faune-flore et des fonctionnalités des sites; les bureaux d'études mènent des dossiers "à charge" en omettant tous les éléments d'intérêt des ouvrages. La ministre et les parlementaires doivent trancher sur cette réforme complètement ratée qui pourrit la vie des rivières depuis 10 ans déjà : chaque cas local doit être l'occasion de le leur rappeler. 

> Les éléments probatoires pour le futur contentieux doivent être rassemblés sans attendre (témoignages, photographies, analyses par des naturalistes, hydrologues, historiens etc.). Outre les erreurs procédurales fréquentes dans ces chantiers, une destruction de site peut s'attaquer en justice pour les motifs suivants, prévus dans la loi : disparition de milieux aquatiques et humides ; menace sur la ressource en eau, notamment à l'étiage ; menace sur des espèces et/ ou habitats protégés ; mise en cause des droits des tiers, notamment la sécurité ; atteinte au patrimoine culturel classé ou en périmètre de classement.

> Les riverains doivent être mobilisés et attentifs pour exiger de l'Etat l'attente de l'avis de la justice (certains n'hésitant pas à tout casser sans attendre l'avis du juge, pour mettre les citoyens devant le fait accompli). 

> Nous conseillons de rejoindre la coordination nationale Eaux & rivières humaines, qui rassemble tous les collectifs et associations excédés des dérives de l'administration. Il s'agit de faire cesser au plus vite cette dégradation sans précédent de l'héritage historique, du patrimoine social et de l'avenir écologique des rivières et bassins versants du pays. 

19/09/2020

Les riverains du Cernon dénoncent les casseurs du patrimoine hydraulique de Saint-Georges-de-Luzençon

La continuité est officiellement "apaisée", puisque les services administratifs du ministère de l'écologie ont écrit dans une circulaire dûment tamponnée qu'elle l'était. Derrière ce rideau de fumée destiné à calmer l'irritation des parlementaires et des citoyens, rien n'a changé: les services de l'Etat et les agences de l'eau continuent d'offrir des ponts d'or aux maîtres d'ouvrage qui acceptent de détruire le patrimoine hydraulique, au lieu de proposer des solutions écologiques alternatives. Les riverains de Saint-Georges-de-Luzençon, dans l'Aveyron, protestent aujourd'hui contre la casse programmée du site de la Cascade, une chaussée de moulin qui dessine un paysage bucolique et rend des services très appréciés. Voici leur appel, que vous pouvez soutenir

Ne détruisez pas la Chaussée du Moulin de Paillès de Saint-Georges-de-Luzençon (12)

Destruction de la « Cascade »

Pour d'obscures motivations, les élus de la majorité municipale veulent détruire dans quelques mois cet ouvrage historique faisant partie de notre patrimoine.

Cela aura de très graves conséquences pour notre avenir :

- la destruction de notre environnement, par la perte irrémédiable d’un paysage arboré magnifique sur 800 m de long au-dessus de la « Cascade » ;

- la disparition de la chute d’eau dont le « chant » fait partie de notre cadre de vie ;

- la perte de notre magnifique plan d’eau, source de beauté, de diversité biologique et de loisirs ;

- en été et en période sèche, la transformation du Cernon en filet d’eau méconnaissable, corrompu, sans poisson, sans vie et sans attrait ;

- l’insécurité pour la population due à la perte de la maîtrise des crues du Cernon ;

- lors de la prochaine grosse crue du Cernon, la remise en état des berges et des abords sera à la charge de la commune et grèvera inutilement les comptes de la collectivité.

Cet ouvrage, exceptionnel au niveau régional, fait la fierté de tous les Saint-Georgiens.

D’une qualité inégalée, il a résisté à toutes les crues depuis 359 ans.

En 1902 c’est lui qui a fourni, avec le moulin, l’éclairage électrique de nos maisons.

Opposez-vous à ce projet funeste !

Signez et faites signer massivement autour de vous, sans tarder, cette pétition contre la destruction de la Chaussée du Moulin de Paillès.

C’est le seul moyen de faire retirer ce projet inutile par la majorité municipale.

Par cette pétition, nous demandons l’arrêt immédiat de ce projet.

À défaut, nous demandons l’organisation d’un référendum local afin de donner la parole aux Saint-Georgiens.

Le Collectif pour la Sauvegarde de la Chaussée de Saint-Georges-de-Luzençon

Ce Collectif regroupe un ensemble de personnes d’horizons différents souhaitant agir pour la défense du patrimoine local en refusant la destruction de cette chaussée. 

Signez la pétition

17/09/2020

L'opposition nature-société comme erreur fondatrice de la directive européenne sur l'eau et de la continuité écologique (Linton et Krueger 2020)

Selon deux chercheurs, la directive cadre européenne sur l'eau de 2000 est née sur une "erreur ontologique" : l'idée que l'on pourrait décrire une rivière naturelle de référence à partir de normes et métriques s'inspirant d'une nature sans humain. Cette posture permet de parler un langage de l'efficience technocratique mais elle ne décrit pas la réalité de l'eau. En fait, cette vue des gestionnaires publics est fondée sur une séparation idéologique de la nature et de la société, alors que l'examen de la réalité montre leur fusion dans une nature "hybride", une nature construite depuis longtemps à l'interface des échanges entre l'humain et le non-humain. Point remarquable : les universitaires considèrent comme une manifestation de cette erreur l'échec de la continuité écologique en France, où ces contradictions ont éclaté au grand jour par la résistance d'une partie de la société à se voir imposer une négation des natures vécues au profit d'une nature théorique créée par le pouvoir normatif. Cette critique allant à la racine des problèmes est évidemment celle que constate, partage et porte notre association! 

Dans la revue de Water Alternatives, Jamie Linton (université de Limoges) et Tobias Krueger (université Humboldt de Berlin) livrent une analyse détonnante de la directive cadre européenne sur l'eau de 2000 (DCE 2000), à l'occasion de son 20e anniversaire et de son processus de révision en cours.

Comme on le sait, la DCE 2000 visait le bon état chimique et écologique de toutes les masses d'eau du continent à horizon 2015, avec prorogation 2021 et 2027. C'est un échec, nous sommes encore loin des objectifs (moins de la moitié des masses d'eau sont en bon état), les avancées sont très lentes. 

Pour Linton et Krueger, cet échec était inscrit dans le texte même de la DCE, son épistémologie, son ontologie de la nature. Ils écrivent : "l'incapacité à atteindre les objectifs de mise en œuvre de la directive-cadre sur l'eau (DCE) n'est pas due à un manque de volonté politique ou à des déficits de mise en œuvre; elle est plutôt due à un problème conceptuel fondamental que nous caractérisons comme une erreur ontologique intégrée dans la directive. Cette erreur ontologique est fondée sur une séparation conceptuelle radicale de la nature de la société humaine, que Bruno Latour a identifiée il y a plus de 25 ans comme la «Constitution moderne» (Latour, 1993)"

La DCE a en effet produit l'idée qu'il existe une "condition de référence" d'une rivière ou d'un plan d'eau, formé par son état avec très peu ou pas d'influence humaine. Il y a donc une césure intellectuelle radicale : la nature normale (au sens de la norme) est la nature sans l'humain, il faut viser le retour de cette normalité. Au coeur de son modèle d'interprétation, la DCE utilise le système "DPSIR" pour Driver-Pressure-State-Impact-Response. Les moteurs de l'action humaine (causes) formes des pressions (pollutions, dégradations) qui produisent un état  (qualité du milieu) ayant un impact (santé, écosystème, économie) appelant des réponses (politiques et objectifs). En voici le schéma:


Les auteurs remarquent : "On note la séparation radicale des humains de la nature qui est intégrée dans ce modèle, de sorte que les actions humaines sont a priori présentées comme nocives et dégradantes. Ce fondement ontologique du modèle est essentiel à son intégrité. À chaque étape, la société est extérieure à la nature; selon le modèle, par ses diverses activités, la société exerce ce qui ne peut être que des pressions néfastes. Selon le modèle, les seules qualités rédemptrices dont la société dispose sont les réponses dédiées qui ont pour but de corriger ou d'atténuer les pressions néfastes."

Ce modèle a été adopté au moment où la gouvernance occidentale, souvent décrite comme "néolibérale", était en recherche d'une généralisation des approches coût-efficacité impliquant que tout soit commensurable et programmable. En développant dans toutes les étapes du modèle DPSIR des métriques donnant un sentiment d'objectivité (tantôt par les sciences naturelles tantôt par les sciences sociales, mais toujours séparées), le gestionnaire est conforté dans l'idée qu'il lui suffit de modifier un curseur pour que le système aquatique évolue dans le bon sens, tout en veillant au moindre coût économique de son choix. Evanescentes dans le réel, les conditions de référence fondées sur la nature servent à un langage du chiffre que la technocratie gestionnaire peut maitriser : "Comme l'a souligné Bouleau (2007), la composante des conditions de référence dans la DCE est essentielle pour rendre l'économie et l'environnement commensurables car elle fournit une base pour évaluer les coûts aux perturbations environnementales. Dans la logique du système DCE, cette commensurabilité est nécessaire pour accomplir ce qu'Espeland (1998) a décrit comme «maîtriser» l'environnement par la connaissance causale des impacts de l'action humaine."

Le problème, comme le rappellent les chercheurs, c'est que l'ontologie fondatrice de séparation de la nature et de la société ne renvoie à rien de tangible. Une nature sans humain, cela n'existe pas. Depuis longtemps.

"Le concept de conditions naturalistes de référence et leur pertinence pour guider la restauration des écosystèmes aquatiques ont été largement critiqués (Lévêque et Van der Leeuw, 2006; Dufour et Piégay, 2009; Perry, 2009; Davodeau et Barraud, 2018). De nombreux critiques ont souligné qu'elle ne concordait pas avec la science écologique récente, manifestant des notions longtemps réfutées de stabilité écologique, d'équilibre et de conditions fixes plutôt que des compréhensions plus récentes de la fluidité et de l'imprévisibilité des écosystèmes (Steyaert et Ollivier, 2007; Bishop et al., 2009; Loupsans et Gramaglia, 2011; Loupsans, 2013). Les écologues ont également trouvé difficile d'un point de vue pratique de trouver des plans d'eau de référence étant donné la variabilité des conditions «naturelles» (Nõges et al., 2009; Hering et al., 2010); ils se sont même demandé si de telles conditions existaient du tout compte tenu des pressions anthropiques sur les cours d'eau européens (Nones, 2016; Stoddard et al., 2006; Lévêque, 2016). Comme le soulignent Bouleau et Pont (2015: 37), «des modifications environnementales importantes par l'homme se sont produites depuis plusieurs millénaires. La notion d'état non perturbé n'a plus de signification écologique». D'autres ont abandonné l'idée de stationnarité face au changement climatique (Logez et Pont, 2013) et ont cité l'irréversibilité fréquente des conditions de qualité de l'eau (Mao et Richards, 2012) dans le cadre de leur critique de la notion de conditions de référence."

Allant plus loin, Linton et Krueger soulignent que ce processus mène au conflit par la négation de tout ce qui ne peut renter dans les bonnes cases. Il exclut par avance la société de la nature (les personnes des milieux), il ne peut être révisé car la nature comme référence ne se révise pas, il ne peut rien dire des systèmes hybrides créés depuis longtemps par des humains :

"Lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre la DCE, l'exclusion (conceptuelle) des personnes de la nature rend le processus de gestion intransigeant; il exclut notamment les approches de gestion adaptative: "La DCE] est plutôt normative à bien des égards. Une fois les conditions naturelles de référence établies, les objectifs sont fixés avec un calendrier pour atteindre les objectifs. Il n'y a pas de disposition apparente pour réviser les objectifs. Ainsi, un autre problème lié au «naturel» comme cible politique est que le «naturel» n'est pas quelque chose qui se prête à une révision" (Bishop et al., 2009: 212). Ce dilemme est désormais explicite dans l'incapacité d'atteindre le statut envisagé par la DCE pour la plupart des plans d'eau européens. Cet échec est évident dans la prépondérance des exemptions et des dérogations que les États membres - en tant que seul moyen de concilier une vision impossible - ont conférées aux plans d'eau; ceci est basé sur un impératif ontologique qui exige que tout soit défini comme nature ou société, alors que ce qui, en fait, existe est une réalité complexe dans laquelle tout est en fait une combinaison de ces éléments. Cette réalité (hybride) implique des rivières, des lacs, des étangs et des aquifères qui sont inévitablement socionaturels; tout effort visant à réduire leur statut à une norme abstraite et naturelle ne peut que se heurter à des problèmes persistants."

Enfin, les deux universitaires montrent que la restauration de continuité écologique, présentée en France notamment comme une condition de réalisation des objectifs la DCE (ce qui pourrait se discuter), a révélé au grand jour les contradictions internes constitutives de la DCE :

"Construit sur un socle de conditions de référence basées sur la nature, la RCE [restauration de continuité écologique des rivières] est confronté à la réalité de la morphologie fluviale en France, qui peut être mieux appréhendée comme un processus continu de co-construction socio-naturelle. Les fleuves de France et d'autres régions d'Europe (Nones, 2016) combinent des éléments anthropiques et naturels, incarnant des processus socio-naturels en cours depuis des centaines, voire des milliers d'années (Lespez, 2012). On fait valoir, en effet, qu'au moins dans le nord-ouest de la France, du haut Moyen Âge au début de la période moderne, l'influence des personnes exploitant des moulins et des barrages a produit des «socio-environnements où un équilibre a été maintenu par les sociétés humaines pendant plus d'un millénaire »(Lespez et al., 2017: 38) Cela rend très problématique de faire appel à un statut anhistorique "naturel" comme base ou référence pour la restauration des rivières (Lespez et al., 2015; Dufour et Piégay, 2009; Bouleau et Pont, 2014)."

Les conflits autour de la continuité écologique ne sont pas l'effet d'une manque de compréhension ou de connaissance (le citoyen en retard sur le savant), mais l'opposition de visions ou expériences de la nature, de représentations de la rivière — soit comme nature séparée de l'humain (qui la dégrade), soit comme nature co-construite par l'humain (qui y vit, ou en vit):

"Il existe une contradiction ontologique fondamentale entre la nature anthropique des fleuves en France et une politique qui repose sur un idéal de «restauration» des fleuves sur la base des conditions naturelles. Cette contradiction se manifeste dans une lutte politique prolongée entre deux idéaux de continuité: la continuité des fleuves «naturels» et la continuité (culturelle) des fleuves anthropiques; cela a produit une controverse environnementale généralisée en France. Au nom de la continuité environnementale des cours d'eau, un programme ambitieux a été développé pour démolir des milliers de petits barrages et déversoirs, souvent associés à l'héritage historique des moulins à eau (Germaine et Barraud, 2017); cette initiative, cependant, a rencontré une opposition féroce et largement inattendue de toutes les directions, y compris les propriétaires et les défenseurs des moulins à eau, les personnes vivant ou possédant des propriétés le long des rivières, les producteurs (ou potentiels producteurs) d'hydroélectricité à petite échelle, les associations de pêcheurs locales, des politiciens locaux et nationaux, y compris de nombreux parlementaires et des centaines de maires, ainsi que des spécialistes de l'eau de haut niveau et très respectés. Ces opposants ont utilisé une variété d'arguments et de stratégies pour empêcher la mise en œuvre de la politique (Barraud et Le Calvez, 2017; Barraud, 2017; Le Calvez, 2017; Perrin, 2018; Germaine et Barraud, 2013)."

«Un tel conflit», écrit Barraud (2017: 796-7), «révèle un écart béant entre les représentations sociales et les systèmes de valeurs des experts, des gestionnaires locaux et de la population locale». La plupart des études indiquent qu'un facteur important dans l'opposition au démantèlement des petits barrages est l'attachement au lieu; un autre facteur est les asymétries de pouvoir qui peuvent exister entre les utilisateurs locaux et les résidents, et les experts environnementaux qui sont «souvent perçus comme extérieurs à la scène locale» (ibid). Un autre facteur - qui peut être perçu comme étant extérieur à la scène locale et associé à cette expertise - est une considération abstraite des rivières comme des processus fondamentalement naturels dont la restauration nécessite l'élimination des vestiges et des symboles d'interférence humaine tels que les petits barrages et les déversoirs. La prise en compte de telles structures comme faisant partie intégrante de systèmes socio-naturels modifiés, mais viables et précieux - comme le font souvent les populations locales - est mal adaptée à un modèle d'état de référence qui définit des éléments tels que des formes de perturbation et de dégradation."

En conclusion, les auteurs appellent les instances européennes à repenser les fondements de leur politique de l'eau, à considérer les gens comme une part de la nature, à engager en conséquence une démocratisation bien plus avancée des choix de gestion des rivières, plans d'eau est estuaires. Cela ne signifie pas forcément l'abandon d'indicateurs de référence, mais ces références ne sauraient être bâties sur un principe d'exclusion et sur une négation des réalités socio-écologiques. 

Discussion

Dans un article paru voici deux ans, nous avions pointé les diverses causes de l'échec de la DCE et nous mettions déjà en avant ce qui nous semblait le coeur du problème : l'espoir de revenir en 25 ans à un état des rivières tel qu'il ne refléterait plus les 5000 ans passés d'occupation humaine, ni les réalités socio-économiques de l'Europe actuelle, ni les dynamiques (durables) de l'Anthropocène et de ses changements biogéochimiques. 

Ce problème fait aussi écho aux évolutions des sciences de la conservation, dont nous avons récemment exposé les divisions. Il existe désormais au moins deux écoles, la conservation mainstream qui en tient pour le retour à la nature libre et sauvage (avec minimum d'humains) comme modèle et refuge de la biodiversité, la nouvelle conservation qui souligne la nécessité d'intégrer les écosystèmes créés par les humains et leurs espèces, fussent-elles exotiques et pas uniquement endémiques. En fait, il existe encore d'autres approches possibles, notamment l'écologie politique critique ou les humanités environnementales inspirées des sciences sociales et humaines, davantage portées à analyser les conditions des usages de la nature et les discours sur ces usages. Jamie Linton et Tobias Krueger sont certainement plus proches de cette école-là. Ils pointent aussi la surdétermination économique des choix technocratiques. Car les mêmes technocraties affirmant que des moulins ou des étangs dénaturent la rivière ne semblent pas avoir la même facilité à trouver que le pesticide ou le carbone le font aussi. L'échelle d'impact paraît pourtant bien différente...

Regardant tous ces débats entre savants, le citoyen se pose évidemment des questions. Comment une technocratie aussi puissante que celle de l'Union européenne en est-elle venue à produire des normes à l'ontologie aussi radicale (et par certains aspects aussi naïve), aux conséquences aussi peu applicables (selon les observations faites en 20 ans de DCE), cela en l'absence de garde-fous démocratiques alertant sur le sens des concepts et leurs implications concrètes? Pourquoi, dans une démocratie où les experts tiennent un rôle de plus en plus important, les expertises elles-mêmes restent-elles enfermées dans des cénacles confidentiels et coupées des sociétés où leurs conséquences vont s'appliquer?

La résistance des ouvrages hydrauliques à la destruction pour laisser place à une nature conforme aux normes technocratiques de naturalité a manifestement créé un effet de surprise chez ceux qui avaient planifié cette issue. Plus encore le fait que cette résistance sous sa forme la plus vigoureuse est venue non pas de lobbies industriels ou agricoles, possédant aussi des ouvrages et des usages, mais d'abord d'une multitude d'associations et de collectifs locaux, en particulier sur les ouvrages anciens de type forges, moulins, étangs, plans d'eau. Ce n'est pas un intérêt économique qui s'est opposé à un objectif écologique (de l'ouvrage à détruire on argue souvent qu'il est "sans usage"), mais plutôt une réalité sociale qui a dévoilé ce que la rivière veut aussi et encore dire pour certains riverains. En voulant faire disparaître une nouvelle nature créée localement au fil du temps par l'ouvrage hydraulique, la politique de continuité écologique a finalement révélé son existence et réveillé son intérêt. Ce n'est pas son moindre paradoxe. Une écologie aspirant à une nature sauvage co-produit finalement une écologie ré-affirmant une nature hybride. Faut-il y voir l'émergence d'un multinaturalisme, comme l'ont appelé certains auteurs, c'est-à-dire la co-existence des ontologies multiples de la nature? L'avenir nous le dira.

Référence : Linton J et T Krueger (2020), The ontological fallacy of the Water Framework Directive: Implications and alternatives, Water Alternatives, 13, 3 

16/09/2020

La biodiversité évolue, évitons d'en faire un musée

Dans le magazine en ligne European Scientist, l'hydrobiologiste Christian Lévêque propose une tribune de réflexion sur la restauration de la biodiversité comme argument de la destruction des ouvrages hydrauliques. Il rappelle que la biodiversité native des rivières et plans d'eau en Europe s'est continument enrichie d'espèces non locales, certaines invasives, parfois introduites pour le loisir pêche. Et que la vie colonise toute l'eau qu'elle trouve, aussi bien les écosystèmes d'origine humaine que naturelle. Il faut changer de braquet: défendre la biodiversité, ce n'est pas entretenir un musée ni revenir au passé, c'est aussi intégrer les dynamiques du vivant. La protection des espèces menacées ou des habitats peu modifiés est nécessaire, mais il faut aussi regarder les écosystèmes, les faunes et les flores tels qu'ils ont évolué, proposer une gestion écologique des milieux aquatiques et humides créés par les humains. 


Extrait :

(...) La loi biodiversité quant à elle, parle de reconquérir la biodiversité, mais encore faut-il savoir laquelle…  Car au-delà du slogan politique, il aurait fallu préciser ce que l’on attend… Si c’est pour retrouver une biodiversité historique (mais où mettre le curseur ?) ce sera bien difficile, compte tenu des nombreuses espèces qui se naturalisent dans nos cours d’eau. 

Les introductions d’espèces dans nos systèmes aquatiques sont anciennes, à l’exemple de la carpe. Mais beaucoup d’espèces de poissons ont été introduites depuis le XIXe siècle par le monde de la pêche de telle sorte que nos cours d’eau hébergent maintenant un tiers d’espèces de poissons originaires d’autres régions du monde, parmi lesquels plusieurs prédateurs (truite arc-en-ciel, perche, sandre, black-bass, poisson chat, silure glane, etc..) dont l’impact sur la faune aquatique autochtone n’a jamais préoccupé les ardents protecteurs de la nature… L’introduction récente et sans aucune autorisation, faut-il le rappeler, du silure glane dans l’ensemble du réseau hydrographique pour satisfaire une poignée de pêcheurs, amateurs du « catch and release », n’a donné lieu à aucune sanction, alors que ce grand prédateur n’est pas inactif dans les cours d’eau. Il existe pourtant une police de la pêche qui aurait dû contrôler cette activité totalement illégale… Aurait-elle fermé les yeux ? Sans compter que les déversements massifs de poissons d’élevage, souvent des prédateurs, au nom du soutien des populations naturelles, mais en réalité pour satisfaire les adhérents qui ne rentreront pas bredouilles à l’ouverture de la pêche, bouleverse depuis des décennies la biodiversité aquatique, sans qu’aucune recherche n’ait été menée sur les conséquences de cette activité maintes fois répétée sur les peuplements aquatiques. On sait néanmoins que ces déversements ont modifié la structure génétique des poissons sauvages. Quant à l’impact sur la flore et la faune aquatique, tout scientifique ne peut ignorer que l’introduction de prédateurs n’est pas anodine !  

Enfin, nos systèmes fluviaux font partie d’une vaste trame bleue européenne en raison des nombreux canaux qui font communiquer les bassins hydrologiques. L’ouverture d’un canal Rhin-Main-Danube en 1992 a permis à de nombreuses espèces aquatiques du bassin du Danube de coloniser les cours d’eau d’Europe occidentale. Une situation comparable à celle des espèces de la mer Rouge qui ont pénétré en Méditerranée après l’ouverture du canal de Suez. Ce sont essentiellement des mollusques, des crustacés, et des poissons dont quelques espèces de gobies dont l’abondance actuelle dans certains cours d’eau ne laisse pas d’inquiéter. Toutes ces espèces, et celles qui ne manqueront pas de s’installer en raison du changement climatique, font maintenant partie intégrante des communautés biologiques des cours d’eau…. Dans ce contexte, que cherche-t-on à reconquérir ? Quelles rivières sauvages ou naturelles espère-t-on restaurer ? Des cours d’eau débarrassés de toutes ces espèces qui n’y ont pas leur place ? Cette blague ! Les technocrates qui n’ont de cesse de prôner l’éradication de ces espèces ne savent probablement pas que faire disparaître un mollusque, un crustacé ou un poisson d’un système fluvial relève de l’incantation. On met le doigt sur l’incohérence des politiques prônées par des individus porteurs d’une représentation idéologique de la nature mais peu au fait de la réalité du terrain. (...)

Les aménagements réalisés depuis des siècles, s’ils ont modifié le système fluvial, ont aussi créé des systèmes écologiques nouveaux, variés, qui abritent une flore et une faune diversifiée ! Les zones humides associées aux annexes des moulins et aux queues d’étangs, les biefs anciens devenus souvent des bras morts latéraux du cours d’eau, hébergent par exemple des batraciens qui ne vivent pas en eau courante et n’apprécient pas les poissons qui sont leurs prédateurs, ainsi que beaucoup d’espèces d’insectes et de végétaux des milieux stagnants. Les retenues et biefs, ayant de bons volumes d’eau par rapport à la rivière courante, sont riches en espèces d’eau stagnante et en poissons qui profitent à des oiseaux ou à des mammifères. Ces retenues jouent un rôle de zones refuges en période de sécheresse ce qui, dans les conditions climatiques actuelles, est appréciable.  Mais en réalité tous ces milieux annexes pourtant fort riches sont mal connus car, dans l’état d’esprit actuel, on a tendance à considérer qu’un milieu artificiel a peu d’intérêt. Peu importe que de nombreuses espèces de batraciens soient actuellement menacées du fait de la perte de leurs habitats ? Ou que l’on détruise (en évitant surtout d’en faire état) des populations de la mulette perlière, ce mollusque protégé et lui aussi fortement menacé, comme ce fut le cas lors de l’arasement du barrage de Maison-rouge sur la Vienne ?

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