07/06/2021

Les écologistes ne tarissent pas d'éloges sur la biodiversité de la retenue artificielle de Montbel

Des mouvements écologistes locaux protestent contre la construction de cabanons au bord du lac de Montbel en Ariège. Leur argument : cette masse d'eau artificielle née d'un barrage mis en eau en 1984 est le lieu d'une riche biodiversité d'oiseaux et de chauves-souris, de mammifères et d'amphibiens. Cette réalité contredit évidemment le dogme de la nature sauvage selon lequel tout milieu créé par les humains est dégradé, sans intérêt écologique et doit être "renaturé" au plus vite par destruction progressive de tous les "obstacles à l'écoulement". A quand une étude systématique de la faune, de la flore et des services écosystémiques attachés aux ouvrages humains dans les bassins versants? 

Le Monde, 6 juin 2021. 

Mise en eau en décembre 1984, la retenue de Montbel en Ariège est un lac artificiel, d’une superficie totale de 550 hectares et d'un volume de 60 millions de mètres cubes d’eau. Elle est destinée à l’irrigation agricole et au soutien d’étiage du fleuve Ariège, de son affluent l’Hers et de la Garonne. Cet ouvrage est aussi équipé d’une usine hydroélectrique et d’une base de loisirs.

Si l'on en croit le discours officiel de l'écologie d'Etat ou de celle de certaines ONG, c'est donc une catastrophe : on intercepte et dérive l'eau d'une rivière naturelle, on crée une masse d'eau qui se réchauffe et s'évapore en été, on a dénaturé et dégradé la vie sauvage... 

Or, le journal le Monde révèle que la réalité paraît assez loin de cette caricature : les groupes écologistes locaux, loin de demander la destruction du barrage et du lac, sont en conflit avec un promoteur qui propose de construire des cabanons sur ses rives. Le motif du conflit? Cela pourrait déranger la faune qui profite de l'écosystème artificiel.

Voilà ce que dit le journal :
"Les associations de défense de l’environnement sont vent debout contre ce concept touristique présenté comme un « éco-domaine » par Coucoo, l’entreprise porteuse du projet. Laurence Bourgeois, membre du collectif de riverains « A pas de loutre », ouvre les hostilités : « Il y a des zones à protéger. Et ce projet ne correspond pas à l’urgence climatique ni à la protection de la biodiversité. » Gilbert Chaubet, porte-parole du comité écologique ariégeois, enfonce le clou. « Ce projet est de la pure urbanisation. Les cabanes dont disséminées sur 2,5 kilomètres et créent de la nuisance par leur fonctionnement », affirme cet Ariégeois pure souche, qui craint que la lumière et le bruit perturbent les animaux.

Car aigrettes garzettes, grandes aigrettes, foulques, grèbes huppés, hérons cendrés et 155 autres espèces viennent se nourrir dans cette zone, se reposer et y nicher en période de nidification. Et, parmi elles, quarante-cinq figurent sur la liste rouge nationale des espèces menacées. La loutre, le triton marbré et la chauve-souris en font partie."

Le journal précise que les entrepreneurs porteurs du projets de cabanons ne sont pas d'accord avec cette lecture:
"«Nous sommes considérés comme des envahisseurs assoiffés d’argent et des bétonniers. C’est dommage, et c’est faux », rétorque Gaspard de Moustier, codirigeant de la société avec Emmanuel de La Bédoyère. L’entrepreneur trentenaire préfère opposer à ses détracteurs des «arguments écologiques et scientifiques», en s’appuyant sur les observations menées par le bureau d’études en écologie Nymphalis. Dans ses conclusions, ce rapport de 150 pages indique que «le projet n’est pas de nature à porter atteinte à l’état de conservation des habitants et des espèces».
Il reste au moins une question à trancher, la présence de la loutre dans la retenue:
"« Existe-t-il, oui ou non, une loutre d’Europe sédentaire [dans cette zone] ? », s’interroge Sylvie Feucher, la préfète de l’Ariège. La société dispose de quatre mois pour faire de nouvelles investigations à l’aide de pièges photographiques."
Une chose est sûre : la diabolisation des ouvrages hydrauliques au prétexte qu'ils créent des milieux artificiels forcément dégradés par rapport aux milieux naturels n'a aucun sens. D'une part, les milieux de ces ouvrages sont progressivement colonisés par le vivant aquatique qui apprécie l'existence d'une masse d'eau (l'opposition nature/humanité est un contresens), d'autre part  les services écosystémiques attendus par les sociétés humaines ne se résument pas au niveau de biodiversité endémique. 

Les écologistes de Montbel ont l'air d'en être persuadés, puisqu'ils défendent le barrage et sa retenue artificielle : pourquoi n'en parlent-ils pas à leurs collègues qui, partout en France, appellent à la destruction des milieux aquatiques et humides issus des ouvrages hydrauliques? 

05/06/2021

La justice a déjà condamné l'idéologie de la rivière sauvage et de la casse des ouvrages, les élus doivent l'acter dans la loi

Au cours des deux dernières années, à six reprises, la direction du ministère de l'écologie et ses services déconcentrés ont été censurés par le Conseil d'Etat pour abus de pouvoir et erreurs d'appréciation. Toutes ces condamnations par la plus haute instance du droit administratif concernaient le même problème: la définition aberrante de la continuité écologique, l'idéologie non légale du retour à la rivière sauvage, le harcèlement systématique pour essayer de casser des droits d'eau (moulins, étangs) et détruire des ouvrages. Nos parlementaires doivent mettre fin à ce trouble permanent qui indispose les riverains, car les gestionnaires publics en charge du dossier n'ont plus de crédibilité sur le terrain. La continuité écologique destructrice s'est enlisée dans l'échec, la division et la confusion: il faut en sortir pour revenir à une continuité de la rivière respectueuse des usages, des paysages, des patrimoines et des milieux. Nous appelons tous nos lecteurs à mobiliser leurs sénateurs pour un vote décisif en ce sens qui aura lieu dans la seconde quinzaine de juin.


Au cours des dernières années, le Conseil d’Etat a censuré à de nombreuses reprises le ministère de l’écologie sur des affaires en lien à la continuité dite «écologique» des rivières. 

De telles censures témoignent d’un dysfonctionnement manifeste de l’action publique. 

Ainsi par exemple dans les seules deux années écoulées (dont  encore cette semaine) :

Le 31 mai 2021 (arrêt CE n°433043), le Conseil d’Etat est obligé de rappeler que la loi de 2017 exempte les moulins à eau équipés pour produire de l’électricité de continuité en liste 2 ou ayant l’intention de produire, ce que l’administration refusait d’admettre nonobstant l’art L.214-18-1 CE.

Le 15 février 2021 (arrêts CE n° 435026, 435036, 435060, 435182, 438369), le Conseil d’Etat annule la redéfinition de l’obstacle à la continuité écologique dans un décret ministériel de 2019, car cette définition maximaliste et inapplicable ne correspondait pas à la loi.

Le 17 juin 2020 (arrêt CE n°426887), le Conseil d’Etat condamne à nouveau un abus de pouvoir administratif en rappelant que le droit d’eau des moulins est un droit réel immobilier se transmettant avec le bien.

Le 31 décembre 2019 (arrêt CE n° 425061) et le 14 avril 2019 (arrêt CE n°420764), le Conseil d’Etat caractérise des erreurs d’appréciation de l’administration qui tente de supprimer des droits d’eau pour motif inexact de « ruine » prétendue de l’ouvrage.

Le 11 avril 2019 (arrêt CE n°414211), le Conseil d’Etat pointe le double abus de pouvoir des représentants du ministère qui prétendaient que l’intérêt de relance d’un moulin s’apprécie par sa puissance et qu’une abrogation de règlement d’eau n’ouvre pas droit à indemnisation.

D’autres procédures ouvertes sont en cours, contre des préfectures, contre des agences de l’eau et contre des décisions sans concertation du ministère. 

Qu’observe-t-on dans ces procédures ?

• Des particuliers, des associations, des entreprises, des communes sont contraints de passer 5 à 7 ans en contentieux pour voir reconnaître leurs droits et l’application des lois que députés et sénateurs ont adoptées.

• Les administrations en charge de l’eau et de la biodiversité, donc leur ministère de tutelle, sont toujours condamnées pour la même attitude visant à détruire ou à dévaloriser des ouvrages hydrauliques, à décourager leur relance, sans que la loi permette une posture aussi radicale, sinon intégriste.

• A chaque fois que des avancées de bon sens sur la gestion des ouvrages hydrauliques conformes à l’intérêt général ont été votées par le parlement (loi biodiversité, loi architecture, patrimoine et création,  loi autoconsommation), l’administration a tout mis en œuvre pour les neutraliser par ses interprétations hasardeuses que le conseil d’Etat finit par censurer. 

Les députés ont voté en mai un amendement à la loi climat et résilience, tendant à interdire la casse des moulins à eau. Encore faut-il que les sénateurs le votent à l'identique pour qu'il devienne la loi. En ce moment même, les profiteurs d'argent public et destructeurs du patrimoine hydraulique sont en train d'écrire aux sénateurs pour exiger de maintenir le droit de casser les ouvrages. Ce qui est au passage un aveu : c'était leur seul but! 

Nous appelons l'ensemble des particuliers, entreprises, collectifs, associations, syndicats et communes qui nous lisent à écrire la semaine prochaine un mot à leur sénatrice ou sénateur, pour lui demander de mettre fin au trouble à l'ordre public que forme la politique honteuse de destruction des ouvrages hydrauliques français.

 Le vote commence dans 10 jours, à vos claviers pour sensibiliser et convaincre vos élus. Merci de diffuser ce message partout autour de vous.

Vous pouvez trouver l'e-mail de votre sénateur à cette adresse.

01/06/2021

Sur l'exemption de continuité des moulins à eau, l'abus de pouvoir de l'administration enfin condamné au conseil d'Etat!

Nouvelle victoire du droit contre l'arbitraire. En 2017, les députés et sénateurs avaient choisi d'exonérer les moulins à eau équipés pour produire de l'électricité de l'obligation de continuité écologique. Mais par un abus de pouvoir institué, la direction eau et biodiversité (DEB) du ministère de l'écologie avait ordonné à ses fonctionnaires de refuser par les moyens les plus extravagants cette exemption. Car la DEB n'a qu'un but: détruire au maximum les ouvrages, sinon entraver au maximum leur relance et leur usage pour les prétendre ensuite sans utilité. Le conseil d'Etat vient de mettre fin à cet abus en rappelant la loi, et l'avocat Me Jean-François Remy expose toutes les conséquences de cette décision, qui va permettre d'exiger désormais l'exemption aux services du préfet. Cette condamnation vient après plusieurs autres qui témoignent d'un dysfonctionnement majeur du ministère et de l'administration de l'écologie dans la mise en oeuvre de la continuité des rivières. Des dogmes militants sinon intégristes de "rivière sauvage" ont manifestement infiltré certains services de l'Etat ou d'établissements publics, sans aucune base légale. La loi Climat et résilience en cours de discussion doit impérativement mettre fin à cette politique aberrante de destruction, de harcèlement et de dévalorisation du patrimoine hydraulique français. 


Comme de nombreux autres maîtres d'ouvrage en France, la société MDC Hydro sur l'Andelle avait subi le 4 décembre 2012 un arrêté du préfet de l'Eure tenant à lui imposer la mise en conformité à la continuité écologique en condition de reconnaissance de son autorisation. Cet arrêté avait été annulé par le conseil d'Etat (arrêt n° 408663 du 22 octobre 2018), mais la cour d'appel de renvoi de Douai n'avait fait que partiellement droit à la demande de la requérante. Il s'agissait en particulier de faire reconnaître le statut de moulin à eau du site, et par là de faire jouer l'exemption de continuité écologique prévue par la loi dans l'article L 214-18-1 du code de l'environnement. 

Rappelons que cet article dispose : "Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l'électricité, régulièrement installés sur les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l'article L. 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l'autorité administrative mentionnées au même 2°."

L'administration acquise à l'idée de détruire les ouvrages et de ne pas les équiper contournait encore ce progrès de la loi, soit en considérant qu'un ouvrage en rivière antérieurement classé "passe à poissons" (ancien article L 432-6 code de l'environnement) n'était pas régulièrement installé, soit en donnant une définition abusivement limitée au moulin à eau. 

Le conseil d'Etat vient de censurer de manière définitive ces manoeuvres de l'administration et de rétablir dans leurs droits les victimes de ces manoeuvres. 

Dans leur arrêt, les conseillers rappellent ainsi :

"Il résulte des dispositions de l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement, telles qu’éclairées par les travaux préparatoires relatifs à la loi du 24 février 2017, qu’afin de préserver le patrimoine hydraulique que constituent les moulins à eau, le législateur a entendu exonérer l’ensemble des ouvrages pouvant recevoir cette qualification et bénéficiant d’un droit de prise d’eau fondé en titre ou d’une autorisation d’exploitation à la date de publication de la loi, des obligations mentionnées au 2° du I de l’article L. 214-17 du même code destinées à assurer la continuité écologique des cours d’eau. Les dispositions de l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement ne peuvent ainsi être interprétées comme limitant le bénéfice de cette exonération aux seuls moulins hydrauliques mis en conformité avec ces obligations ou avec les obligations applicables antérieurement ayant le même objet."

Dès lors, quand bien même il aurait fait l'objet d'un classement passe à poissons suite à la loi de 1984 (arrêtés de classement des années 1980) ou d'un classement continuité écologique suite à la loi de 2006 (arrêtés de classement liste 2 des années 2012-2013), un moulin à eau équipé pour produire de l'hydro-électricité ou ayant simplement le projet de cet équipement ne peut plus se voir imposer la continuité au titre de l'article L-214-17 code de l'environnement.

L'ensemble des propriétaires concernés par ce cas de figure doivent donc immédiatement saisir leur préfet de département pour demander la reconnaissance d'exemption de continuité écologique, en citant cet arrêt désormais définitif. Ils doivent également informer leurs parlementaires et surtout leurs sénateurs de cette décision, car les élus sont en train de voter la loi Climat et résilience : cette nouvelle censure du conseil d'Etat montre l'urgente nécessité de corriger la dérive de l'administration en disant de la manière la plus claire que la loi française n'encourage pas la destruction ni le gel des ouvrages hydrauliques, mais incite au contraire à leur usage dans le cadre de la transition écologique. 

Devant les tribunaux comme devant le parlement, l'heure est à la mobilisation !

Référence : Conseil d'Etat, arrêt n°433043, 31 mai 2021

Le commentaire de Me Jean-François Remy

Par une décision rendue hier, lundi 31 mai 2021, dans un dossier suivi par notre Cabinet (n°433043 du 31 mai 2021), le Conseil d’Etat vient de censurer la doctrine de la Direction de l’Eau et de la Biodiversité/DEB du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, concernant l’application de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement, communément qualifié d’«amendement moulins».

Pour mémoire, par l’article 15 de la loi du 24 février 2017, les parlementaires – sensibilisés depuis plusieurs années aux excès de la continuité écologique, et en particulier aux destructions de moulins hydrauliques préconisées par le plan de rétablissement de la continuité écologique appliqué depuis 2010 par l’Etat, ses services déconcentrés et établissements publics – ont inséré au Code de l’environnement un nouvel article aux termes duquel «Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l’électricité, régulièrement installés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l’article L 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l’autorité administrative mentionnées aux même 2°. Le présent article ne s’applique qu’aux moulins existant à la date de publication de la loi n°2017-227 du 24 février 2017 (…)».

En clair, par ce dispositif, les parlementaires – mais aussi la Ministre de l’environnement de l’époque, Madame Ségolène Royal – ont souhaité assurer la préservation des moulins hydrauliques qui, tout en présentant une incidence mineure sur la continuité écologique (à ce sujet, les débats parlementaires indiquent que l’existence des quelques 10 000 moulins hydrauliques actuellement recensés «ne remet pas en cause, d’ores et déjà le très bon état écologique des rivières»), constituent un pan majeur du patrimoine français à protéger, et enfin recèlent un potentiel de développement de la production d’électricité d’origine renouvelable estimé au cours des débats parlementaires entre 120 et 130 mégawatts.

Les interventions de Monsieur Ladislas Poniatowski et de Madame Anne-Catherine Loisier, au Sénat, ayant également permis de préciser que sont visés par ce texte, tous les moulins hydrauliques situés sur des cours d’eau classés en Liste 2, qu’ils produisent d’ores et déjà de l’électricité ou que leur propriétaire ait simplement un projet visant à en produire.

Ce texte devait une fin de partie pour les casseurs ainsi que les admirateurs zélés des excès de la continuité écologique, en tout cas pour ce qui concerne les moulins.

Toutefois, adopté contre l’avis de la Direction de l’Eau et de la Biodiversité/DEB du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, ce texte a très rapidement fait l’objet de directives à l’attention des services déconcentrés de l’Etat, Préfet, DDT, Dreal, Agences de l’Eau, etc., qui visaient ouvertement à en réduire drastiquement le champ d’application.

La Direction de l’Eau et de la Biodiversité ayant ainsi – alors que l’administration est constitutionnellement en charge de l’application de la loi – demandé à ses services de ne pas appliquer le dispositif nouvellement voté conformément au texte, mais aussi à l’intention du législateur.

Ce qui est parfaitement scandaleux.

Ainsi, par une note non datée transmise à l’ensemble des services de l’Etat dès le moi de mai 2017, dont l’analyse a par ailleurs fait l’objet depuis de nombreuses confirmations à l’occasion de questions parlementaires, la Direction de l’Eau et de la Biodiversité/Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire a demandé aux Préfets, services DDT, Dreal, AFB, etc. de considérer que :
  • Seraient des moulins au sens de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement, uniquement les ouvrages visant à convertir des blés tendres en farine répondant à la définition des activités de minoterie contenue à l’article D 666-16 du Code rural et de la pêche maritime. Ceci en violation de la définition du moulin hydraulique donnée par l’article L 211-1 III du Code de l’environnement, selon laquelle constituent des moulins hydrauliques les «ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers».
  • Seuls les moulins déjà équipés pour produire de l’électricité à la date du 24 février 2017 (date de publication du nouvel article L 214-18-1 du Code de l’environnement) ou dont le projet d’équipement pour produire de l’électricité aurait été porté à la connaissance de l’administration avant cette date, pourraient bénéficier de ce dispositif. Ceci alors que le texte et les débats parlementaires ne visaient que la nécessité d’être fondé en titre au autorisé avant l’entrée en vigueur de ce dispositif, et non que le projet de production d’électricité soit effectivement porté à la connaissance de l’administration avant cette date.
  • Enfin, les moulins situés sur des cours d’eau anciennement classés au titre de l’article L 432-6 du Code de l’environnement, et désormais classés au titre de la Liste 2 (article L 214-17 I 2° du Code de l’environnement), ne pourraient pas bénéficier de ce dispositif, la DEB prétendant à ce sujet faire application d’une jurisprudence du Conseil d’Etat rendue pour l’application de l’article L 214-17 du Code de l’environnement. Ceci en violation manifeste de la volonté exprimée par le législateur, visant à ce que tous les moulins situés sur des cours d’eau classés en Liste 2 bénéficient de ce nouveau dispositif.

Remaniée au cours des échanges intervenus dans le cadre du Groupe de Travail « Continuité écologique apaisée » du CNE, cette note n’en demeurait pas moins globalement illégale, et conduisait sur le terrain à de très nombreux refus d’application de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement par les Préfets et DDT.

Saisi dans le cadre de plusieurs contentieux en cours à ce sujet, le Conseil d’Etat vient de rendre une première décision (il y en aura donc d’autres dans les mois à venir) qui censure la doctrine de la Direction de l’Eau et de la Biodiversité.

Au sujet de l’application de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement, la haute juridiction considère en effet – conformément à ce que nous soutenions depuis 2017 – que :

« Il résulte des dispositions de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement, telles qu’éclairées par les travaux préparatoires à la loi du 24 février 2017, qu’afin de préserver le patrimoine hydraulique que constituent les moulins à eau, le législateur a entendu exonérer l’ensemble des ouvrages pouvant recevoir cette qualification et bénéficiant d’un droit de prise d’eau fondé en titre ou d’une autorisation  d’exploitation à la date de publication de la loi, des obligations mentionnées au 2° du I de l’article L 214-17 du même code destinées à assurer la continuité écologique des cours d’eau. Les dispositions de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement ne peuvent ainsi être interprétées comme limitant le bénéfice de cette exonération aux seuls moulins hydrauliques mis en conformité avec ces obligations ou avec les obligations applicables antérieurement ayant le même objet ».

Cette décision, qui est sans recours, est d’application immédiate.

Dans ces conditions :

La doctrine de la DEB relative à l’application de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement étant censurée, les services de l’Etat ne sont pas fondés (ils ne l’ont jamais été…) à refuser l’application de ce dispositif à l’ensemble des moulins fondés en titre ou autorisés avant le 24 février 2017 situés sur des cours d’eau classés en Liste 2, dès lors qu’ils sont équipés pour produire de l’électricité, ou bien encore s’ils font l’objet d’un tel projet (même non encore porté à la connaissance de l’administration).
 
Toute décision administrative contraire est entachée d’illégalité, son annulation pouvant être sollicitée devant le juge administratif si le délai de contestation court toujours ou bien encore si un recours a déjà été engagé, dans le cadre du contentieux en cours.

Dans les autres cas (délai de recours dépassé ou recours déjà jugé définitivement), il est possible de saisir le Préfet d’une demande de retrait de la décision qui serait fondée sur ces dispositions, au visa de l’article L 243-2 du Code des relations entre le public et l’administration.

Enfin, pour tous les ouvrages de franchissement piscicole qui auraient été construits sur exigence de l’administration depuis 2017, sur des moulins hydrauliques bénéficiant des dispositions de l’article L 214-18-1 du Code de l’environnement mais dont l’administration aurait refusé l’application, il est possible de saisir le Préfet d’une demande d’indemnisation des coûts liés à la mise en œuvre irrégulière de ces ouvrages.

31/05/2021

Le gharat, moulin à eau traditionnel de l'Himalaya (Bhatt et al 2021)

Il existe plus de 200 000 moulins à eau traditionnels dans la région de l'Himalaya, connus sous le nom de Gharats. Trois chercheurs analysent leurs usages et livrent quelques réflexions sur leur avenir. 


Extrait de Bhatt et al 2021, art cit, cliquez pour agrandir.

Trois chercheurs indiens (Anupam Bhatt, Dipika Rana, Brij Lal) publient une intéressante étude sur les moulins à eau traditionnels de l'Himalaya indienne. En voici quelques extraits de ce travail :

"La région himalayenne est une plaque tournante de diverses ressources naturelles et ses habitants présentent une grande diversité de cultures, de traditions, d'utilisation des ressources et de pratiques d'intendance avec d'importantes interdépendances entre les écosystèmes et les humains en raison de l'inaccessibilité et de l'hétérogénéité des systèmes de montagne (Bhatt et al. , 2018; Everard et al., 2020; Huddleston et al., 2003). Malgré la richesse des ressources naturelles, la région est habitée par environ 175 millions de personnes qui vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté (FAO, 2005; Sharma et al., 2010). Cela est principalement dû aux terrains difficiles, aux risques environnementaux, à la mauvaise communication, aux transports et au faible niveau d'interventions scientifiques et technologiques dans les zones de montagne (Körner et al., 2005; Lal et al., 2019; Rao, 1997). Les habitants des régions de haute montagne ont développé plusieurs technologies indigènes en utilisant les ressources naturelles disponibles localement et leur sagesse traditionnelle. Cela inclut le Charkha (rouet), le Takali (broche) en bois ou en métal, le Khaddi (machine à tisser en bois) et le Gharat (Panchakki / moulin à eau) (Lal et al., 2019; Rana et al., 2020). L'eau est l'une des ressources naturelles très utiles que l'on trouve en abondance dans la région himalayenne (Xu et al., 2009). Cette ressource naturelle est utilisée pour conduire le Gharat et utilisée dans la transformation des céréales alimentaires par les habitants des villages reculés de l'Himalaya. Environ 200 000 moulins à eau ont été signalés dans la région indienne de l'Himalaya, qui reposent encore sur une conception ancienne d'une turbine à impulsion (Anonyme, 2001; Sharma et al., 2008). Le moulin à eau est connu sous différents noms comme "Chuskor" dans l'Arunachal Pradesh, "Rantak" au Ladakh, "Gharat" ou "ghat" dans l'Uttarakhand, mais il est plus populairement connu sous le nom de Gharat dans toute la région indienne de l'Himalaya (Behari & Bhardwaj, 2014; Slathia et al. ., 2018). Aujourd'hui, les moulins à eau traditionnels ont survécu à petite échelle dans les régions rurales du monde comme l'Himalaya, qui desservent les habitants des montagnes jusqu'à ce jour (Vashisht, 2012). Cette technologie simple est encore une source de revenus pour de nombreuses personnes dans les zones reculées qui sont utilisées pour transformer une farine de bonne qualité (Sinha et al., 2008)."

Les auteurs concluent :

"Les Gharats ont toujours été une source de revenus pour les personnes vivant dans les zones reculées de la région himalayenne et une partie intégrante du patrimoine culturel. La présente étude a révélé que bien que nombre de Gharat fonctionnent dans la région de Pangi, ce nombre a considérablement diminué dans la région de Tissa. Plusieurs facteurs environnementaux à technologiques sont responsables de l'augmentation ou de la diminution. Par conséquent, il est urgent de faire revivre les moulins à eau pour sauver la technologie indigène et respectueuse de l'environnement pratiquée depuis des siècles par les peuples autochtones. En cette période de pandémie où le monde se bat contre le covid-19, les gens ont migré vers leurs villages, villes et pays d'origine. Conformément à la résolution adoptée par le Gouvernement indien, communément appelée "Fabriquer en Inde", il est important de trouver d’éventuelles sources de subsistance autochtones pour la population. Il faut en outre restaurer et raviver les techniques traditionnelles en déclin pour la région himalayenne et ses populations autochtones, en plus de prendre d'autres projets à petite échelle pour stimuler l'économie de la nation. (...) La popularisation des produits de montagne de niche en tant que produits de grande valeur et le développement de chaînes de valeur peuvent tirer d'énormes avantages pour les communautés montagnardes. Ainsi, un effort concerté est requis collectivement par le gouvernement, les institutions et le public pour œuvrer à la restauration de ce patrimoine historique."

Référence : Bhatt A et al (2021), Gharat: an environment friendly livelihood source for the natives of western Himalaya, India, Environment, Development and Sustainability, doi: 10.1007/s10668-021-01455-4

20/05/2021

Allégations fausses ou incomplètes du ministère de l'écologie sur les ouvrages en rivière

Les sénateurs vont examiner à compter de la fin du mois la loi Climat et résilience, qui comporte des dispositions sur l'eau et sur les ouvrages hydrauliques. En particulier, les députés ont décidé de stopper par la loi la destruction des ouvrages de moulin, mais les lobbies et bureaucraties vont essayer d'empêcher cette résistance à leur entreprise de démolition du patrimoine du pays au nom de visions hors-sol sur le retour de la nature sauvage. Lors de l'examen à l'Assemblée nationale, la ministre de l'écologie Barbara Pompili et des rapporteurs ont tenu des propos inexacts à ce sujet. La Coordination nationale eaux et rivières humaines a informé les sénateurs des données réelles du débat: elles sont assez différentes des allégations trompeuses de la bureaucratie eau et biodiversité, qui vit toujours dans le déni de l'échec de la continuité écologique destructrice. Extraits.


Biefs, ruisseaux, déversoirs, étangs se retrouvent à sec après l’application de la continuité écologique destructrice des ouvrages. Il faut éviter ces erreurs dramatiques.

Rappel : conformément à la loi sur l’eau de 2006, les arrêtés préfectoraux de bassin de 2012 et 2013 ont classé en liste 2 (obligation de restaurer une continuité écologique en long) 46 615 km de rivières, soit 10,9% du linéaire total. Ils ont aussi classé en liste 1 (obligation de vigilance sur la continuité écologique) 127 623 km de rivières, soit 29.8% du linéaire total.

La mise en œuvre de la continuité écologique est une politique publique marquée par de nombreux retards, conflits et échecs, comme l’ont reconnu deux rapports d’audit du CGEDD (2011, 2016), mais aussi plusieurs rapports parlementaires (dont, pour le Sénat, le rapport Pointereau 2016). En particulier :
• Classement irréaliste demandant 30 à 50 ans de chantiers au rythme soutenable par l’administration et les propriétaires, alors que le délai légal de mise en conformité est de 5 ans,
• Prime financière (agence de l’eau) et pression réglementaire (DDT-M, OFB) en faveur de la destruction pure et simple des sites ayant engendré des conflits sociaux partout, avec de nombreuses régressions locales de la ressource en eau,
• Diversion de l’argent public sur un sujet périphérique, entraînant des retards importants sur l’atteinte du bon état chimique et écologique des eaux au sens de la DCE (moins de la moitié des masses d’eau en bon état ce jour, risque de pénalités européennes),
• Contradictions avec de nombreuses autres dispositions du droit de l’environnement et du droit de l’énergie, en particulier bien sûr la transition énergétique. 

Madame la ministre de l’Ecologie Barbara Pompili et certains rapporteurs ont délivré des informations inexactes et incomplètes lors des débats parlementaires autour de la loi Climat et résilience. Comme les sénateurs sont amenés à en débattre de nouveau, nous nous permettons de les corriger rapidement. 

« Il n’y a que 1500 moulins concernés » FAUX. 
D’une part, le CGEDD dans son rapport de 2016 a chiffé à 5811 le nombre de sites dénommés « moulins » en rivière liste 2 (= classées continuité écologique), selon la base ROE de l’administration publique (OFB) ; mais ce chiffre est connu comme sous-estimé de moitié au moins, car la base ROE comporte de nombreux moulins dénommés par d’autres termes dans ses descripteurs (ne sont pas aujourd’hui comptés comme « moulins » les sites décrits par d’autres noms comme seuils, déversoirs, chutes, foulons, forges, scieries, filatures, etc.). Le chiffre exact de moulins se situe probablement plutôt entre 10 000 et 15 000 pour les rivières classées en liste 2, il faudrait que les services du ministère de la Culture reprennent la base ROE pour préciser la nature patrimoniale de chaque site. D’autre part, le problème ne se limite pas aux moulins : partout en France, des associations, des collectifs et des syndicats défendent aussi des plans d’eau, des étangs, des lacs, des canaux menacés de disparition. Au total, ce sont 20 665 sites ainsi menacés de disparaître en seules rivières de liste 2, sachant de plus que l’administration ne se contente pas d’inciter à détruire seulement sur ces listes 1 ou 2.  Le sujet est donc loin d’être anodin, c’est pour cela qu’il soulève une si vaste émotion dans tout le pays.

« On ne détruit pas le bâtiment du moulin, juste l’ouvrage » SOPHISME. 
D’une part, un moulin à eau se définit par le fait qu’il a une retenue et un bief en eau, détruire l’ouvrage revient à l’assécher. Ce n’est alors plus un moulin, en particulier il n’a plus de droit d’eau, plus de potentiel énergétique. En outre, le bâti prévu pour être en permanence en eau est fragilisé, voire menacé à terme (rétraction d’argile, pourriture de fondation bois). D’autre part, le problème central n’est justement pas le moulin comme bâtiment, mais bien l’ouvrage hydraulique qui permet l’existence de milieux (retenues, biefs) et d’usages (entre autres l’énergie, mais aussi des loisirs, des agréments paysagers, du tourisme, etc.). C’est clairement la destruction de l’ouvrage et la disparition locale de l’eau qui sont le point problématique, les échanges ne doivent pas se divertir sur des points accessoires. 

« La continuité écologique ne concerne que 11% des rivières » FAUX.
Ce chiffre de 11% des rivières correspond au seul classement en liste 2 au titre de l’article L 214-17 du code de l’environnement. Il cache des réalités très différentes (0,7% des rivières classées en liste 2 en Corse… mais 40,0% en Loire-Bretagne, bassin le plus grand du pays). Ce chiffre omet par ailleurs le classement des rivières en liste 1. Mais surtout et en réalité, la continuité fait partie des dispositions générales du droit de l’environnement (article L 211-1 CE notamment) et les administrations comme les syndicats la mettent désormais en œuvre sur tous les cours d’eau, qu’ils soient classés ou non. De nombreux SAGE et Contrats rivières portent ainsi des programmes de continuité sur des rivières n’étant ni en liste 1 ni en liste 2 de continuité. De nombreux propriétaires envisageant des travaux se voient suggérer automatiquement une mise en œuvre de la continuité. Voilà pourquoi il est indispensable de spécifier dans le droit la manière dont on entend la restauration de continuité dans le cas des ouvrages hydrauliques. Sans la précision que le destruction du patrimoine, du paysage et des usages ne figure pas dans les options favorisées par les choix publics, nous ne ferons que continuer les conflits déjà observés depuis 10 ans, cela sur 100% et non 11% des rivières. Les acteurs de l’eau ont d’autres urgences à traiter : traitement des pollutions chimiques pour le bon état DCE 2027, traitement des altérations morphologiques du bassin versant (artificialisation, perte de végétation, perte de milieux en eau), équipement bas-carbone des sites pour respecter les engagements climatiques de la France.

« Les ouvrages n’ont que des défauts (réchauffement de l’eau, évaporation, etc.) » CARICATURE.  
Quand on veut tuer son chien, on l’accuse évidemment d’avoir la rage… mais encore faut-il un minimum de cohérence et d’honnêteté intellectuelles. Il est étonnant de voir des personnes légitimement inquiètes du changement climatique encourager la destruction et non l’équipement de sites pouvant produire de l’hydro-électricité (équivalent d’une tranche nucléaire), donc déjà prévenir ce réchauffement avant de devoir s’y adapter. Il est étonnant de voir des personnes qui soutiennent le retour de zones humides (eau stagnante, s’évaporant aussi) ou de méandres (eau plus lente donc plus réchauffée et évaporée en été) affirmer que cela devient soudain un problème grave dans le cas d’un ouvrage humain.  Il est étonnant de voir des naturalistes et écologistes se féliciter du retour du castor alors que les barrages en lit de rivière de cet ingénieur aquatique (très nombreux dès que l’espèce n’est plus chassée) ont les mêmes effets que les ouvrages modestes des humains (eau plus lente, lit plus large, dépôt de limon, épuration de l’eau, frayères et zones d’habitat diversifié etc.). Inversement, la recherche scientifique a montré que des plans d’eau ou des canaux peuvent rendre près de 40 services écosystémiques. Ces données sont systématiquement ignorées aujourd’hui au lieu de devenir la base d’une gestion écologique intelligente des ouvrages hydrauliques.

« La continuité écologique est indispensable pour respecter les critères de la directive cadre européenne sur l'eau » FAUX.
La "continuité de la rivière" est mentionnée une seule fois dans une annexe technique (V) de la DCE 2000, ce n'est en rien un élément décisif du bon état chimique et écologique. La DCE 2000 a prévu que les Etats-membres désignent des masses d'eau fortement modifiées ou artificielles, afin de tenir compte de la réalité des modifications historiques du cycle de l'eau. Toutes les études scientifiques d'hydro-écologie quantitative parviennent à la conclusion que les premiers prédicteurs d'une dégradation de qualité de l'eau sont d'une part les pollutions, d'autre part les occupations agricoles et urbaines du bassin versant. Rien à voir avec les ouvrages hydrauliques. Les agences de l'eau ont obtenu des résultats médiocres depuis 2000, avec un peu moins de la moitié des masses d'eau en bon état au sens de la DCE et très peu de progression d'un SDAGE sur l'autre, alors que l'objectif était de 100% en 2027. 

« C’est une régression du droit de l’environnement » FAUX. 
La restauration de continuité n’est pas et n’a jamais été l’imposition par la loi d’une rivière sauvage sans humain, c’est simplement l’ajout de fonctionnalités piscicoles et sédimentaires. La loi prévoit que l’ouvrage soit « géré, équipé, entretenu » : en aucun cas la loi n’a appelé à détruire, les députés et sénateurs ont même refusé explicitement de voir ce terme apparaître dans la loi lors du vote de la loi de 2009 créant Trame verte et bleue. Il n’y a donc aucune régression. On peut parvenir à la continuité sans détruire le patrimoine, le paysage, les usages de stockage d’eau et d’hydro-électricité, ce qui représente pour le coup une vraie régression d’autres dispositions du droit de l’environnement prévues à l’article L 211-1 du code de l’environnement

« C’est un refus de la continuité écologique » FAUX
Tout le monde soutient la restauration de continuité écologique là où elle est démontrée comme réellement nécessaire, mais avec des méthodes non destructrices. C’est ce que prévoit la loi de 2006, Il est possible de restaurer une continuité écologique par des gestions de vanne, des rivières de contournement, des passes à poissons et bien d’autres méthodes qui ne créent pas de conflits. La gestion durable et équilibrée de l’eau n’a jamais été définie en France comme le retour de la nature sauvage et la condamnation de principe d’un usage humain de l’environnement.

« Le propriétaire ne pourra plus détruire l’ouvrage s’il le veut », FAUX. 
Un propriétaire peut volontairement abandonner son droit d’eau, qui est alors abrogé par arrêté préfectoral. Il doit en ce cas veiller en concertation avec l’administration à remettre la rivière en état. Il est alors éligible à subvention des agences de l’eau. Cette démarche volontaire est possible partout, avec ou sans classement de continuité écologique, même avec le nouvel amendement 19 C. En revanche, comme de nombreux usages et un nouveau profil de vallée sont apparus avec les ouvrages anciens, le propriétaire doit veiller au droit des tiers et au respect des milieux s’il détruit son ouvrage. C’est un principe de responsabilité allant avec la liberté. Le propriétaire qui détruit un site est notamment responsable de tous les désagréments pouvant survenir si la ligne d’eau amont est abaissée, le lit incisé, les annexes asséchées, etc. Ces points ne sont justement pas anodins car l’équilibre actuel des vallées et bassins versants tient notamment à leur occupation ancienne. 

Extrait de la carte de Cassini (18e siècle), région de Saulieu. Sur cette section représentant une dizaine de kilomètres en largeur, on compte la présence de plus de 20 retenues de moulins et étangs sur des petites rivières de tête de bassin. Beaucoup ont émergé dès le Moyen Âge.
Ces chapelets de plans d’eau fournissaient de l’énergie et de la nourriture (pisciculture), mais ils visaient aussi à prévenir les assecs  redoutables pour les humains, leurs cultures et leurs élevages. 
Pourtant, voici deux siècles et demi, les poissons migrateurs étaient présents sur l’ensemble du territoire, la plupart des autres espèces aquatiques avaient peu régressé, la qualité de l’eau n’était pas affectée.
L’actuelle diabolisation des ouvrages hydrauliques est ignorante de l’histoire de notre environnement et forme une diversion des enjeux prioritaires.