13/05/2022

L'exemption de continuité écologique est conforme à la constitution française!

Des associations de naturalistes et pêcheurs avaient saisi le Conseil constitutionnel en vue de lui faire déclarer comme contraire à la Charte de l'environnement et à la Constitution l'exemption de continuité écologique de moulins producteurs d'électricité. Notre association et ses consoeurs avaient mandaté leur conseil juridique pour défendre la conformité de la loi à la Constitution. Nous remportons ce jour une victoire juridique importante, car le Conseil constitutionnel reconnaît que la protection du patrimoine hydraulique et la production d'hydro-électivité sont d'"intérêt général" et inscrites dans la recherche d'un "environnement équilibré" tel que stipulé dans l'article 1 de la Charte de l'environnement. Après leur série de défaites au Conseil d'Etat entre 2019 et 2021, les ennemis des moulins et autres patrimoines des rivières n'ont plus de base juridique à leurs dérives. Le mouvement des ouvrages hydrauliques doit poursuivre sa mobilisation au service des intérêts du pays et de l'environnement. 


Les associations France Nature Environnement et Anper-Tos, rejointes par la Fédération nationale de la pêche, avaient demandé au Conseil constitutionnel de statuer sur le caractère constitutionnel de l'article L 214-18-1 du code de l'environnement.

Cet article permet d'exempter de continuité écologique des moulins à eau quand ceux-ci sont équipés pour produire de l'électricité. Le Conseil d'Etat avait confirmé le caractère opposable de cet article en 2021, alors que l'administration de l'eau refusait de le mettre en oeuvre pour des motifs dilatoires. C'est cette décision du Conseil d'Etat qui a poussé les associations de défenseurs de la nature sauvage et le lobby des pêcheurs à saisir le Conseil constitutionnel. Leur but était d'obtenir l'annulation de l'exemption de continuité écologique en ce qu'elle serait contraire à la constitution française.

L'association Hydrauxois et ses consoeurs avaient demandé à Me Remy et Goudemez de défendre la validité de l'article incriminé au regard du droit. Le Conseil constitutionnel a validé notre interprétation. Nous nous en félicitons.

Intérêt général des moulins et de l'énergie hydraulique
La décision du Conseil constitutionnel est importante au plan de la doctrine. Le point le plus décisif est la reconnaissance du caractère d'intérêt général du patrimoine hydraulique et de la production hydro-électrique :
"il ressort des travaux parlementaires que le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d'énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables. Il a, ce faisant, poursuivi des motifs d'intérêt général." 

Posant cela, le Conseil constitutionnel considère que les moulins produisant de l'électricité sont conformes à la lettre et à l'esprit de l'article premier de la Charte de l'environnement (rattachée à la Constitution), disposant que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé".

Cette interprétation entraîne l'abandon des griefs secondaires :
"Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 1er de la Charte de l'environnement doit être écarté. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les articles 2, 3 et 4 de la Charte de l'environnement, ni le principe d'égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution."
Nous commenterons dans de prochains articles les conséquences politiques et administratives de cette décision. 

Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-991, QPC du 13 mai 2022 

26/04/2022

La pollution touche aussi les lacs isolés de montagne (Machate et al 2022)

Une étude révèle que 151 molécules chimiques ont été détectées dans les eaux de huit lacs d’altitude en Ariège, dans les Hautes-Pyrénées et le Béarn. Ces substances incluent des pesticides,​ des fongicides,​ des biocides d’usage courant et soixante composés utilisés dans les parfums et les produits de nettoyage. Au moins deux composés sont en concentration suffisante pour induire une baisse de la population de crustacés. Ce travail confirme la pollution massive et ubiquitaire de tous les milieux aquatiques, phénomène dont il a été montré qu'il est la première cause de dégradation du vivant. A quand un retour aux vraies priorités pour la politique publique de l'eau?



Voici la synthèse de cette recherche :

"Les lacs de montagne ont longtemps été perçus comme des environnements vierges. Cependant, il a été démontré que les dépôts atmosphériques de polluants organiques persistants (POP) exposent ces écosystèmes sensibles à la pollution chimique. On sait peu de choses sur l'impact de cette pollution sur les écosystèmes aquatiques à haute altitude. 

Nous avons combiné l'échantillonnage passif avec la chromatographie liquide et gazeuse et la spectrométrie de masse à haute résolution (LC- et GC-HRMS) pour filtrer l'eau de huit lacs dans trois régions différentes des Pyrénées françaises. Au total, nous avons recherché 479 produits chimiques organiques, notamment des POP, des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des pesticides anciens et actuels, des biocides et des composés de parfums. 

Nous avons détecté un cocktail complexe de 151 produits chimiques individuels et utilisé leur somme d'unités toxiques (ΣTU) pour évaluer la toxicité pour les crustacés et les algues. Si les risques pour les algues n'ont jamais atteint le niveau des risques chroniques, cela a toujours été le cas pour les crustacés. Les seuils de risque toxique aigu pour les crustacés ont même été dépassés sur plusieurs de nos sites. Sur les sites présentant des niveaux de risque toxique aigu (> 0,1 ΣTU), les crustacés étaient totalement absents ou présentaient une faible abondance. 

Nous concluons que les crustacés ont été au moins en partie impactés par les risques toxiques élevés induits par les insecticides diazinon et perméthrine. Ces médicaments sont largement utilisés pour protéger le bétail contre la maladie de la fièvre catarrhale ovine transmise par les insectes suceurs, suggérant que le bétail en liberté est une source locale. Nos résultats fournissent des preuves importantes sur la pollution chimique toxique dans les zones montagnardes relativement isolées, avec des conséquences importantes pour les écosystèmes aquatiques de montagne."

05/04/2022

Le GIEC rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité pour limiter les émissions carbone

Le nouveau rapport du groupe 3 du GIEC, en charge de faire le point sur les solutions bas-carbone de prévention du changement climatique, rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité. Nous publions ici la traduction du point de synthèse du GIEC à ce sujet. Il est urgent que la France relance son programme hydraulique stoppé dans les années 1980, déjà qu'elle cesse immédiatement la folie consistant à détruire des moulins et barrages au nom de la continuité des cours d'eau, alors qu'il existe des solutions conciliant production énergétique et résilience écologique. Nous appellerons le nouveau parlement et le nouveau gouvernement à prendre acte des données de la science, ce qui implique de stopper les politiques climaticides dans le domaine de l'eau et des rivières. 



Extrait du rapport complet du GIEC sur l'hydro-électricité

"L'hydroélectricité est techniquement mature, prouvée dans le monde entier comme une source primaire d'électricité renouvelable, et peut être utilisée pour équilibrer l'approvisionnement en électricité en offrant flexibilité et stockage. Le coût actualisé de l'hydroélectricité est inférieur à celui de la nouvelle option à combustible fossile la moins chère. Cependant, le futur potentiel d'atténuation de l'hydroélectricité dépend de la minimisation des impacts environnementaux et sociaux pendant les étapes de planification, de la réduction des risques de rupture de barrage et de la modernisation du parc hydroélectrique vieillissant pour augmenter la capacité de production et la flexibilité (confiance élevée). Les estimations du potentiel hydroélectrique disponible théorique brut mondial varient de 31 à 128 PWh / an (112 à 460 EJ / an), dépassant la production totale d'électricité en 2018 (Banerjee et al. 2017 ; AIE 2021d ; BP 2020). Ce potentiel est réparti sur 11,8 millions d'emplacements, mais nombre d'entre eux ne peuvent pas être développés pour des raisons (actuelles) techniques, économiques ou politiques. Le potentiel technique estimé de l'hydroélectricité est de 8–30 PWh/an (29–108 EJ/an), et son potentiel économique estimé est de 8–15 PWh/an (29–54 EJ/an) (van Vliet et al. 2016c ; Zhou et al. 2015). La production hydroélectrique réelle en 2019 était de 4,2 PWh (15,3 EJ), fournissant environ 16 % de l'électricité mondiale et 43 % de l'électricité mondiale à partir d'énergies renouvelables (BP 2020 ; Killingtveit 2020 ; AIE 2020f). L'Asie détient le plus grand potentiel hydroélectrique (48%), suivie de l'Amérique du Sud (19%) (Hoes et al. 2017).

L'hydroélectricité est une technologie mature avec des solutions adaptées localement (confiance élevée) (Zhou et al. 2015 ; Killingtveit 2020). Le rendement maximal des centrales hydroélectriques est supérieur à 85 %. Les centrales hydroélectriques sans stockage ou avec un petit stockage produisent généralement de quelques kW à 10 MW (des exemples de telles centrales produisant des quantités plus élevées existent) et sont utiles pour fournir de l'électricité à une échelle allant des ménages aux petites communautés (El Bassam et al. 2013 ; Towler 2014). Cependant, les centrales hydroélectriques sans ou avec un petit stockage peuvent être sensibles à la variabilité climatique, en particulier les sécheresses, lorsque la quantité d'eau peut ne pas être suffisante pour produire de l'électricité (Premalatha et al. 2014). Les centrales hydroélectriques avec stockage peuvent produire 10 GW, atteignant plus de 100 TWh/an (0,36 EJ/an), mais nécessitent généralement de grandes surfaces. L'hydroélectricité de stockage par pompage stocke l'énergie en pompant l'eau vers des réservoirs plus élevés pendant les périodes de faible demande (Killingtveit 2020). Le stockage dans les systèmes hydroélectriques offre la flexibilité nécessaire pour compenser les variations rapides des charges et des approvisionnements en électricité. Les caractéristiques de régulation du stockage jouent un rôle important pour assurer la continuité de l'approvisionnement en énergie à partir de sources renouvelables (Yang et al. 2018b).

L'hydroélectricité est l'une des technologies électriques les moins coûteuses (Mukheibir 2013 ; IRENA 2021b). Ses coûts d'exploitation et de maintenance représentent généralement 2 à 2,5 % des coûts d'investissement par kW/an pour une durée de vie de 40 à 80 ans (Killingtveit 2020). Les coûts de construction sont spécifiques au site. Le coût total d'un grand projet hydroélectrique installé varie de 10600 à 804500 USD / kW si le site est situé loin des lignes de transmission, des routes et des infrastructures. Les coûts d'investissement augmentent pour les petites centrales hydroélectriques et peuvent atteindre 100000 USD/kW ou plus pour l'installation de centrales de moins de 1 MW - 20 % à 80 % de plus que pour les grandes centrales hydroélectriques (IRENA 2015). Au cours des 100 dernières années, les coûts totaux installés et le coûts actualisés ont augmenté de quelques pour cent, mais le coût actualisé de l'hydroélectricité reste inférieur à la nouvelle option la moins chère alimentée aux combustibles fossiles (IRENA 2019b, 2021).

Les centrales hydroélectriques peuvent avoir de graves impacts environnementaux et sociétaux (degré de confiance élevé) (Mccartney 2009). Les barrages peuvent conduire à la fragmentation des habitats écologiques car ils agissent comme des barrières à la migration des poissons et d'autres espèces terrestres et aquatiques, des sédiments et du débit d'eau. Ces barrières peuvent être atténuées par des passages de sédiments et des aides à la migration des poissons, ainsi que par la fourniture de débits environnementaux. Sous les barrages, il peut y avoir des altérations considérables de la végétation, des débits naturels des rivières, de la rétention des sédiments et des nutriments, ainsi que de la qualité et de la température de l'eau. La construction de grands réservoirs entraîne la perte de terres, ce qui peut entraîner des conséquences sociales et environnementales. Minimiser les impacts sociétaux et environnementaux nécessite de prendre en compte les aspects physiques, environnementaux, climatologiques, sociaux, économiques et politiques locaux lors de la phase de planification (Killingtveit 2020). De plus, lorsque de vastes étendues de terres sont inondées par la construction de barrages, elles génèrent des gaz à effet de serre (Phyoe et Wang 2019 ; Maavara et al. 2020 ; Prairie et al. 2018).

D'autre part, l'hydroélectricité fournit une électricité flexible et compétitive à faibles émissions, des avantages économiques locaux (par exemple, en augmentant l'irrigation et la production d'électricité dans les pays en développement) et des services auxiliaires tels que l'approvisionnement en eau municipale, l'irrigation et la gestion de la sécheresse, la navigation et les loisirs, et lutte contre les inondations (IRENA 2021b). Cependant, les avantages économiques à long terme pour les communautés affectées par les réservoirs font l'objet de débats (de Faria et al. 2017 ; Catolico et al. 2021). Le soutien public à l'énergie hydroélectrique est généralement élevé (Steg 2018) et supérieur au soutien au charbon, au gaz et au nucléaire. Pourtant, le soutien public à l'hydroélectricité semble différer pour les projets existants et nouveaux (confiance élevée).

Le soutien public est généralement élevé pour l'hydroélectricité à petite et moyenne échelle dans les régions où l'hydroélectricité était historiquement utilisée (Gormally et al. 2014). De plus, les grands projets hydroélectriques existants sont fortement soutenus en Suisse (Plum et al. 2019 ; Rudolf et al. 2014), au Canada (Boyd et al. 2019) et en Norvège (Karlstrøm et Ryghaug 2014), où il s'agit d'une source d'énergie de confiance commune. Le soutien public semble plus faible pour les nouveaux projets hydroélectriques (Hazboun et Boudet 2020), et la construction de nouvelles grandes centrales hydroélectriques s'est heurtée à une forte résistance dans certaines régions (Bronfman et al., 2015 ; Vince, 2010). Les gens perçoivent généralement l'énergie hydroélectrique comme propre et ne contribuant pas au changement climatique et à la pollution de l'environnement (Kaldellis et al. 2013). Par exemple, en Suède, les gens croyaient que les projets hydroélectriques existants avaient aussi peu d'impacts négatifs sur l'environnement que le solaire, et encore moins que le vent (Ek 2005). Cependant, dans les régions où la construction de nouvelles centrales hydroélectriques à grande échelle rencontre une résistance, les gens pensent que la production d'électricité à partir de l'hydroélectricité peut entraîner des risques environnementaux, sociaux et personnels (Bronfman et al., 2012 ; Kaldellis et al., 2013).

Le temps de construction des centrales hydroélectriques est plus long que celui de nombreuses autres technologies renouvelables, et ce temps de construction peut être prolongé du temps supplémentaire nécessaire pour remplir le réservoir. Ce délai prolongé peut créer une incertitude quant à l'achèvement du projet. L'incertitude est due à l'insécurité des variations annuelles des précipitations et des apports d'eau nécessaires pour remplir les réservoirs. Ceci est particulièrement critique dans le cas des centrales hydroélectriques transfrontalières, où le remplissage des réservoirs peut avoir des implications importantes sur les utilisateurs en aval dans d'autres pays. En raison des contraintes sociales et environnementales, seule une petite fraction des projets hydroélectriques économiques potentiels peut être développée, en particulier dans les pays développés. De nombreux pays en développement disposent d'un important potentiel hydroélectrique non développé et il existe des possibilités de développer l'hydroélectricité combinée à d'autres activités économiques telles que l'irrigation (Lacombe et al. 2014). La concurrence pour l'hydroélectricité à travers les frontières du pays peut conduire à des conflits, qui pourraient être exacerbés si le climat modifie les précipitations et le débit des cours d'eau (Ito et al. 2016)."

Source : GIEC / IPCC (2022), Climate Change 2022. Mitigation of Climate Change. Working group III contribution to the IPCC sixth assessment report (AR6)

26/03/2022

Le manifeste WaVE sur l’avenir du patrimoine lié à l’eau

Cinq chercheurs de l’université Delft des Pays-Bas ont étudié les patrimoines sociaux et historiques de l’eau dans le cadre du projet européen WaVE (Water-linked heritage Valorization by developing an Ecosystemic approach). Ils publient une synthèse de leur étude se terminant par un manifeste sur l’avenir du patrimoine lié à l’eau, que nous traduisons. Pour ces universitaires, le patrimoine lié à l’eau possède la capacité de relier environnement, société, économie tout en montrant son utilité pour les enjeux de ce siècle, à commencer par l’adaptation au changement climatique dans chaque ville, chaque territoire. Un appel à diffuser, notamment auprès des gestionnaires publics de l’eau qui, en France, ont bien trop négligé la dimension historique, patrimoniale, humaine de l’eau. Voire détruisent le patrimoine au nom de modes passagères nourries d'une amnésie culturelle et historique.


L'eau et son patrimoine associé jouent un rôle très particulier dans les villes et les régions d'Europe. Les infrastructures hydrauliques historiques telles que les ponts, les quais et les berges, les installations portuaires, les écluses, les barrages ou les moulins, les paysages urbains et ruraux spécifiques basés sur l'eau, mais aussi les aspects immatériels du patrimoine lié à l'eau, tels que les connaissances sur la gestion de l'eau, les valeurs et traditions, peuvent constituer une base solide pour une approche écosystémique du développement urbain et régional durable. Le patrimoine lié à l'eau est unique à cet égard car il relie les domaines environnemental, économique et social, reflétant les trois piliers de la durabilité. En valorisant le patrimoine lié à l'eau en tant que vecteur de transformation écosystémique des villes et des régions, nous pouvons exploiter son potentiel souvent négligé pour engager diverses parties prenantes, relier stratégiquement les lieux reliés par l'eau et transcender les frontières disciplinaires, administratives et sectorielles. En d'autres termes, l'eau et le patrimoine qui lui est lié peuvent être un puissant vecteur de changement dans les villes et les territoires qui permet de capitaliser sur les pratiques et équipements passés pour faire face aux défis de demain.

Manifeste sur l'avenir du patrimoine lié à l'eau

1 Le patrimoine lié à l'eau est peut-être le plus vulnérable aux impacts du changement climatique, mais il peut aussi nous inciter à développer des solutions basées sur la nature pour l'adaptation au climat, en s'appuyant sur les techniques et les connaissances du passé.

2 Étant donné que l'eau est cruciale pour l'identité locale et représente des valeurs partagées, le patrimoine lié à l'eau est un atout pour sensibiliser les parties prenantes et les citoyens aux impacts du changement climatique et à la nécessité d'adopter l'eau plutôt que de s'efforcer de la tenir à distance.

3 Il est nécessaire de s'éloigner de la prise de décision descendante vers un engagement plus inclusif et ouvert des divers acteurs et groupes sociaux dans la valorisation du patrimoine lié à l'eau pour identifier et saisir les opportunités qu'elle peut apporter à nos villes et régions.

4 Engager les parties prenantes dans la co-exploration du statu quo, la co-conception d'actions de valorisation du patrimoine lié à l'eau et la co-décision sur les stratégies de leur mise en œuvre permet d'identifier de nouveaux potentiels, souvent négligés, et de sortir des sentiers battus pour relever les défis.

5 La co-création de connaissances et de solutions pour la valorisation du patrimoine lié à l'eau est un processus qui nécessite de construire et d'entretenir des relations avec les parties prenantes, qui porte ses fruits en créant des liens et des réseaux qui durent, en soutenant la collaboration à long terme, l'appropriation et l'acceptation sociale des stratégies de valorisation du patrimoine et impacts durables.
 
6 La narration d'histoires sur le patrimoine lié à l'eau est un outil puissant pour galvaniser l'attention et l'engagement des parties prenantes et créer une dynamique pour un changement de grande envergure. La narration sur le patrimoine lié à l'eau doit mettre l'accent sur l'identité du lieu (âme), les valeurs et les liens partagés (confiance), le potentiel du patrimoine à créer des lieux meilleurs et plus vivables (qualité) grâce à l'engagement créatif du public (théâtre), aux interventions et stratégies audacieuses, visionnaires, fortes (courage) qui, ensemble, nourrissent la fierté collective et l'appropriation des stratégies et des politiques.

7 Au lieu d'une approche centrée sur l'humain pour la valorisation du patrimoine lié à l'eau, nous avons besoin d'une approche écosystémique, dans laquelle les connaissances passées et les valeurs patrimoniales informent la conception de nouveaux paysages et voies vers la durabilité. Dans cette approche, l'eau est un élément important reliant les visions de profondes transformations écosystémiques urbaines et régionales aux transitions nécessaires dans les éléments de base des systèmes et des structures urbaines (énergie, mobilité, espaces bleu-vert).

8 Pour réaliser le potentiel du patrimoine lié à l'eau en tant que vecteur de changement écosystémique, nous devons élargir notre compréhension du patrimoine, pour inclure non seulement les bâtiments et les infrastructures, mais aussi le patrimoine culturel immatériel et le patrimoine naturel.

9 Alors que nos sociétés deviennent de plus en plus diversifiées et mobiles, nous devons repenser et enrichir la signification du patrimoine lié à l'eau en nous appuyant sur les contributions de citoyens ayant des valeurs, des origines culturelles et des expériences différentes, et en exploitant le potentiel du patrimoine en tant que vecteur d'inclusion et d'intégration sociale.

10 Le patrimoine, comme l'eau, est toujours en mouvement. Au lieu de le conserver dans son état actuel, nous devons oser l'utiliser pour développer des zones riveraines dynamiques et multifonctionnelles, créer de nouvelles valeurs et de nouveaux usages du patrimoine à travers un processus de développement dans le dialogue, poussant nos villes et nos régions vers un avenir plus durable.

Référence : Dabrowski, M. M., Fernandez Maldonado, A. M., van der Toorn Vrijthoff, W., & Piskorek, K. I. (2022). Key lessons from the WaVE project and a manifesto for the future of water-linked heritage.

20/03/2022

La scandaleuse destruction en cours des étangs du Châtillonnais

Les gestionnaires publics – Office national des forêts, Parc national des forêts de Champagne et Bourgogne, services de l'Etat (DDT, OFB) – sont en train de détruire un par un tous les étangs, retenues, biefs et plans d'eau du Châtillonnais. Leur cible actuelle est formée par les étangs des Marots, un patrimoine naturel, culturel et paysager remarquable. Les riverains sont vent debout contre l'orientation actuelle vers la destruction de ces sites, qui ont déjà été asséchés et laissés sans remise en eau depuis 5 ans. Une pétition est lancée. Hydrauxois se joint au collectif local des associations et riverains pour envisager des actions en justice si ce désastre devait persister. 


Voici bientôt 5 ans, la vidange des étangs des Marots situés en forêt domaniale de Châtillon a été réalisée dans la perspective d’en effectuer le curage et de procéder à la réparation des digues. Les riverains se sont réjouis de cette entreprise qui devait assurer la pérennité de ces petits plans d’eau.

La remise en eau devait être réalisée dans un délai variant entre un et deux ans après la vidange. Or, il n'en fut rien.

Selon les informations recueillies auprès des représentants de l’Office national des forêts, chargé de la gestion des lieux pour le compte de l’État, la poursuite des travaux était subordonnée à la réalisation d’aménagements à effectuer et imposés par la DDT et l'OFB, dont le coût, très élevé, ne pouvait être assuré par l’ONF.

Aujourd’hui, il serait question de l’effacement pur et simple de ces plans d’eau, au titre de la loi sur l’eau et de la continuité écologique, contrairement à ce qui avait été affirmé. Ces effacements feraient suite d’ailleurs à ceux des étangs Narlin, situés un peu en amont, entrepris il y a une quinzaine d’années et à l’effacement, en cours, de celui de Combe Noire, faute d’entretien.

Le parc national des forêts de Champagne et Bourgogne, créé en 2019, vient d'appuyer la démarche d'effacement dans une note officielle publiée ce mois de mars 2022. 


Cette position soulève la stupeur et la colère des riverains. Les populations locales, très attachées à la beauté de la route d’accès à l’abbaye du Val-des-Choux, sont vent debout contre ce projet et demandent de sursoir à son exécution.

En effets, l'assèchement puis l'éventuelle destruction des étangs des Marots représentent :
  • la destruction d'un cadre de vie très apprécié, ces étangs étant fréquentés toute l'année par les riverains (quand ils sont en eau!),
  • l'altération de la recharge hydrologique des nappes et aquifères, dans une région qui connaît désormais des assecs sévères, aggravés par des travaux lourds de recalibrage des lits dans les années 1960-1980,
  • la perte de la biodiversité acquise autour des étangs, cette richesse faunistique et floristique ayant été documentées par des promeneurs passionnés et naturalistes (exemples ci-dessous),
  • l'élimination d'un patrimoine historique remarquable, les plus anciens sites datant probablement du XIIIe siècle,
  • le torpillage de l'attrait touristique et paysager du Parc des forêts, alors qu'une enquête avait montré que les visiteurs sont attirés à hauteur de 4% par les forêts et 44,9% par le milieu aquatique (rivières, plans d’eau, étangs).
La charte du Parc de forêts approuvée par décret du 6 novembre 2019 dit : "le cœur de parc national est avant tout un espace de conservation et de mise en valeur des patrimoines naturels, culturels et paysagers… C’est une 'vitrine' des patrimoines et des savoir-faire, un espace conservatoire de cibles à forte valeur patrimoniale, locale, régionale ou nationale…"

Pour cette raison, le patrimoine à la fois naturel, culturel et paysager des étangs des Marots doit être préservé et restauré dans toutes ses fonctions utiles au vivant et à la société. 

Hydrauxois se joint au collectif local d'associations et de riverains, et engagera si nécessaire des démarches en justice pour empêcher le gestionnaire public de détruire un patrimoine remarquable. Nous appelons déjà à signer la pétition citoyenne en ce sens, qui a reçu plus de 1000 signatures locales en une semaine.