26/09/2016

La Natouze, rivière humaine

Des propriétaires d’ouvrages hydrauliques sur la Natouze (petit affluent rive gauche de la Saône) ont demandé l’assistance de l’association Hydrauxois et de l’Association des moulins de Saône-et-Loire pour comprendre les enjeux écologiques et les propositions de travaux auxquels ils sont confrontés. La note rédigée à cette occasion par notre association, publiée ci-dessous et enrichie du bilan de la réunion, contient divers éléments d'interprétation. Certains sont exploitables dans d'autres contextes. Nous en profitons pour pointer le problème de la confiscation du débat démocratique en rivière, cette dépossession des citoyens de leur capacité de décider de leur cadre de vie étant particulièrement sensible dans les petites vallées rurales.

Cette première note fait le point sur la Natouze à partir de la documentation disponible (Fédé de pêche 71, Étude piscicole et astacicole 2010; Fluvialis, Dynamique alluviale et espaces de mobilités, Synthèse phase 1, 2011; Contrat de rivière du Mâconnais, synthèse 2013; Sinbio, Étude 2015).


Natouze, masse d’eau "naturelle" ou "fortement modifiée"?
Il est posé dans les études préparatoires que la Natouze a été profondément modifiée en morphologie sur l’ensemble de son lit par recalibrage, rectification, seuils de moulins ou lavoirs, destruction de ripisylve, usage agricole du bassin versant et changement de l’érosion, etc. Cela se traduit par un peuplement piscicole qui n’est pas celui attendu en fonction de la pente, de la température et du substrat, et qui en est même très éloigné (absence totale de certaines espèces repères, présence d’espèces très décalées par rapport à la biotypologie). L'Indice poisson rivière (critère biologique de qualité piscicole) est cependant le seul paramètre déclassant pour l'état écologique au sens de la directive cadre européenne (DCE).

La première idée qui vient à l’esprit en lisant ce constat, c’est de proposer une qualification DCE de la masse d’eau comme "fortement modifiée" et non pas "naturelle", avec ce que cela implique en fixation des objectifs d’état écologique et chimique. Rappel, la DCE définit (article 2.9) la notion de masse d'eau fortement modifiée : "une masse d'eau de surface qui, par suite d'altérations physiques dues à l'activité humaine, est fondamentalement modifiée quant à son caractère" (voir Circulaire DCE n° 2006/13).

En effet, il n’est pas logique d’affirmer d’un côté (pour s'en plaindre) l’ancienneté et l’extension des modifications humaines de l’écoulement et du peuplement, de poser de l’autre côté que la rivière est toujours en état naturel (ou pourrait le redevenir à moindres frais). La France a la capacité de faire acter auprès de l'Union européenne le fait que ses rivières ont été pour nombre d'entre elles durablement modifiées dans l'histoire. Ne pas y procéder (comme l'Allemagne l'a fait bien plus que nous) relève d'un assez incompréhensible déni de réalité.

Natouze, bon état 2015, 2021, 2027… ?
Le bon état écologique et chimique de la Natouze avait été fixé initialement à 2015 (SDAGE 2010, Fluvialis 2011), il a été repoussé à 2021.

Au regard des données de la littérature scientifique montrant la lenteur des évolutions de milieux après restauration (sauf dans des cas particuliers), il est très incertain que la Natouze parvienne à un bon état 2021 ou même 2027 sur le compartiment qui la dégrade aujourd’hui pour l'écologie (biologie, poissons, en lien à morphologie et sans doute thermie). D'autant que l'état chimique de la rivière reste mauvais en raison d'un HAP, contamination diffuse présente dans un grand nombre de masses d'eau françaises.

Le repeuplement piscicole conforme aux objectifs souhaités (dans des biotypologies de référence) dépend de l’existence de pools reproducteurs des espèces sur le bassin et d’une action coordonnée sur l’ensemble des impacts à la recolonisation depuis ces pools. Ces conditions ne paraissent pas réunies ici, en tout cas pas de manière démontrée (pour le pool reproducteur) ni garantie (pour l’engagement financier dans une restauration avancée et non superficielle de la morphologie du bassin, minimum de 1,1 M€ selon Fluvialis 2011 pour les tronçons prioritaires, avec les réserves indiquées dans ce document sur les coûts complémentaires relatifs aux garanties sur la stabilité berge / bâti). Le bureau d'études observe par ailleurs à propos des cours d'eau du bassin de la Natouze qu'ils possèdent "des potentiels dynamiques naturels limités à très limités" (cohésion des berges, faible puissance de transport, peu de substrat grossier).

Par ailleurs, plusieurs riverains ont constaté des débordements ou inondations de lagunages d'épuration placés dans le lit majeur de la rivière, ainsi que l'extension récente des activités agricoles jusqu'aux bords de berge. Le bon état physico-chimique de la masse d'eau (selon les données AERMC) demanderait donc un suivi vigilant, mais aussi un examen plus attentif des analyses déjà faites (par exemple date et lieu des campagnes de mesure, paramètres mesurés). Au-delà des points de mesure réglementaires DCE, il serait aussi utile de contrôler la charge (azote, phosphore, MES, micropolluants) à l'amont et à l'aval des successions d'ouvrages, pour vérifier de quelle façon ils contribuent ou non à l'épuration de l'eau se dirigeant vers la Saône. Le gestionnaire pose sans preuve que leur rôle est négatif, mais ce n'est pas ce qui ressort des études scientifiques sur l'épuration de certains contaminants dans les retenues. (Au demeurant, ce n'est pas non plus ce que traduit l'état physico-chimique de la Natouze décrit aujourd'hui comme bon, résultat non conforme à l'idée que les ouvrages dégraderaient cet état.)

Information des maîtres d’ouvrage : précisions nécessaires sur le caractère obligatoire ou volontaire des aménagements
Un maître d’ouvrage peut être obligé de procéder à des aménagements ou des effacements des ouvrages hydrauliques dont il est propriétaire dans certaines conditions :
  • si le tronçon est classé en liste 2 selon l’art L 214-17 CE (délai de 5 ans après le classement avec un complément de 5 ans pour faire des travaux, soit 2023 en bassin RMC);
  • si le droit d’eau est abandonné ou annulé par un arrêté préfectoral, avec obligation de remettre la rivière en l’état selon l’art L 214-3-1 CE;
  • si des modifications de l’autorisation sont nécessaires face notamment à une "menace majeure pour le milieu aquatique" ou des "conditions hydrauliques critiques" selon l’art L 214-4 CE.
En l’état de notre information, la rivière Natouze n’a pas fait l’objet de classement de continuité écologique au titre du 2 du L 214-17 CE, les droits d’eau des ouvrages n’ont pas été annulés, des prescriptions spécifiques n’ont pas été édictées par la Préfecture.

Nous en déduisons, sauf contredit, que les opérations inspirées par le contrat territorial des rivières du Mâconnais ou le SDAGE Rhône-Méditerranée-Corse ne sont pour le moment que des hypothèses de travail, dont la réalisation dépend uniquement et en dernier ressort de la volonté du propriétaire de s’y engager.



Position des moulins : améliorer certaines fonctionnalités écologiques sans remettre en cause le patrimoine ni la consistance légale du droit d’eau (chute, débit)
La valeur propre d’un moulin dépend de sa qualité et identité de moulin, différente d’une simple maison en bord de l’eau (et donc en zone inondable). Le moulin est défini par la présence et la fonctionnalité de ses ouvrages hydrauliques, qui permettent de dériver l’eau et le cas échéant de l’exploiter à une certaine condition de hauteur et de débit (ce que l’on nomme la "consistance légale" d’un droit d’eau).

Les moulins ont une valeur historique et culturelle (patrimoniale) ainsi que parfois sociale, selon les usages locaux de leurs retenues. Ils ont également pour certains un usage économique (production d’énergie ou production de bien). La plupart ont une fonction d’agrément paysager (voir Lespez, Germaine et Barraud 2016 sur cette évolution). Nous sommes en désaccord sur ce point avec le diagnostic Sinbio 2015 (et la position de la DDT) qui limite l’usage du moulin au seul usage économique direct de la chute. Cette vision est appauvrie par rapport à la réalité du patrimoine des moulins et des autres ouvrages hydrauliques — patrimoine ayant une valeur en soi, indépendante des fonctions économiques – ainsi que décalée par rapport à la sympathie dont jouit ce petit patrimoine dans les populations.

Il faut ajouter que, sous l’angle écologique, les retenues et biefs des moulins n’ont pas que des aspects négatifs : ils augmentent le linéaire et le volume en eau disponible pour le vivant ; ils peuvent abriter ou servir une biodiversité spécifique (laquelle ne se réduit pas aux poissons, 2 % des organismes aquatiques) ; ils contribuent à épurer l’eau de certains contaminants à certaines conditions (temps de résidence hydraulique, température) ; ils soutiennent les nappes et offrent des zones refuges en étiages sévères, etc.  L'étude morphologique, sédimentaire ou piscicole ne résume donc pas tous les angles de recherche.

Entre nature et société: une autre vision de la rivière et de ses ouvrages
En conséquence, nous ne souscrivons pas au portrait réducteur des moulins comme étant seulement des "obstacles à l’écoulement" pour des rivières qui seraient seulement des "phénomènes naturels". Comme le CGEDD l’a déjà demandé en 2012 dans son audit des politiques publiques de continuité écologique, il convient de développer de "grilles multicritères" d’analyse des hydrosystèmes. Et il convient de le faire sérieusement (c’est-à-dire par exemple de ne pas attendre d’un bureau d’études spécialisé en biologie et morphologie un avis informé sur l’histoire, la sociologie ou le droit, tout comme l’inverse n’aurait pas de sens, chacun sa spécialité d’étude).

De la même manière, nous ne considérons pas particulièrement qu’un écoulement lentique de retenue ou bief serait par nature "dégradé" par rapport à un écoulement lotique ni que l’ambition du gestionnaire devrait être de "renaturer" la totalité d’un linéaire de rivière. Bien souvent, la présence d’ouvrages hydrauliques augmente la diversité bêta en ajoutant des habitats anthropisés qui hébergent d’autres espèces que celles issues de l’évolution spontanée des rivières et encore présentes dans les parties de linéaire non impactées. Que les espèces ajoutées soient "désirables" ou "non désirables" est davantage un jugement de valeur qu'un énoncé scientifique. Les espèces présentes, introduites plus ou moins récemment, sont simplement les mieux adaptées à des milieux modifiés de longue date. Le vivant colonise ainsi les espaces disponibles en fonction de leurs propriétés physiques et chimiques. On observe d'ailleurs le phénomène sur certains sites de la Natouze (par exemple, le milieu artificiel de la rivière chenalisée du moulin du Coq jouxte immédiatement une zone humide fonctionnelle, en bas de thalweg.)

Nous incitons donc les parties prenantes à accepter le fait, mis en avant par un certain nombre de chercheurs aujourd’hui, que les rivières relèvent d’une "socio-nature hybride" (Laurent Lespez) ou d’un "anthroposystème" (Christian Lévêque), et non pas d’une naturalité idéale qu’il faudrait restaurer et fixer à jamais. En un mot, les écoulements et les peuplements ont changé dans l’histoire, ils continueront de le faire. Les bassins versants du Mâconnais ou d'ailleurs n'ont plus grand chose de "naturels" après des millénaires d'occupation des sols. Il existe des stratégies écologiques très louables de mobilisation ciblée (comme le sauvetage d’espèces directement menacées d’extinction) ou de conservation (pour des systèmes très peu modifiés par l’homme ou très riches en biodiversité malgré les modifications, par exemple des cœurs de parcs, des zonages type ZNIEFF, Natura 2000). Mais l’idée de bouleverser le patrimoine hydraulique des rivières ordinaires pour simplement changer la répartition de densité d’espèces communes et non menacées n’a pas notre agrément.

Grille de décision d'aménagement pour les moulins
De ce qui précède, voici la grille de gestion et aménagement que nous défendons pour l’amélioration des fonctionnalités écologiques :
  • démonstration préalable d’un impact sédimentaire / piscicole du moulin, objectivation de sa gravité
  • si impact jugé sérieux, mesures spécifiques de gestion des vannes
  • si gestion des vannes insuffisante, dispositif de franchissement ou contournement, sous réserve de la solvabilisation par financement public, du respect de la consistance légale (usage du débit minimum biologique pour alimenter le dispositif) et de l’absence d’effets indésirables pour les milieux / les tiers.
Les solutions de destruction des ouvrages hydrauliques (arasement, dérasement) ne sont pas soutenues par nos associations (hors cas particuliers), car contraires à la préservation du patrimoine historique, de la qualité paysagère, du potentiel énergétique ainsi qu’à la conservation du droit d’eau des moulins ou étangs.

Cette grille s’applique à la Natouze, où nous proposons en conséquence de réfléchir à des solutions de type de gestion coordonnée des vannages ou dispositifs de franchissement. Tout en conservant à l’esprit la nécessité préalable de démontrer plus clairement qu’une recolonisation du lit par les espèces cibles est possible à horizon et coût raisonnables: une description de l'état présent n'est pas une prédiction de l'état futur, or c'est bien ce dernier qui intéresse au premier chef le gestionnaire et l'administration par rapport aux obligations réglementaires sur l'état de la rivière. Le diagnostic sédimentaire montre que des projets assez simples, comme la restauration et l'ouverture régulière des vannes, peuvent déjà améliorer des excès observés de colmatage. Il paraît à nos associations plus sage de s'engager dans ce type de démarche progressive d'amélioration de l'environnement, peu coûteuse pour les finances publiques, conforme aux obligations de gestion des maîtres d'ouvrage et respectueuse du patrimoine.


Conclusion: un nécessaire débat démocratique sur les services rendus par nos choix en rivière
Lors des échanges sur la Natouze, nous avons observé la persistance des idées reçues sur l'évaporation, le réchauffement, l'auto-épuration, etc. On voit certains effets pervers de discours simplificateurs diffusés par le Ministère en direction de ses agents et des autres parties prenantes. Un débat constructif sur les ouvrages hydrauliques est difficile si l'on arrive bardé de préjugés négatifs à leur encontre, avec la conviction déjà acquise d'une préférable disparition de ces ouvrages, ou du débit qui les alimente. Sur la Natouze comme ailleurs, le simple bon sens indique qu'il est à peu près impossible d'associer des propriétaires à un projet fondé pour l'essentiel sur la disparition d'un élément structurant de leur bien, surtout pas en usant de procédés inaptes à créer de la confiance et de l'envie  (dissimulation, euphémisation, moralisation, menace, etc.). Le débat a le mérite de porter un premier enseignement: si la Natouze devait être classée en liste 2 (à aménagement obligatoire), la mise en oeuvre serait très conflictuelle.

Autre observation : les travaux préalables (diagnostic de bureaux d'études, de fédérations de pêche ou de syndicat) ne sont pas assez problématisés. Or, c'est dès le stade du diagnostic que l'on doit éclaircir les choses, car il est très facile à cette phase de céder à l'excès dans un sens ou dans l'autre (soit nier des problèmes, soit les exagérer). L'écologie est encore trop peu démocratisée en terme de connaissances, ce qui conduit souvent à un monologue des experts et à un désintérêt des citoyens…. qui s'aperçoivent parfois de la portée des enjeux au dernier moment, quand les travaux s'apprêtent à bouleverser leur paysage familier. Il faut en conséquence objectiver les impacts écologiques en termes les plus simples possibles, mais aussi et dans le même mouvement interroger les citoyens sur l'importance qu'ils donnent aux enjeux ainsi objectivés et sur leur consentement aux solutions possibles, cela avant même de construire le moindre budget pour la suite.

Au-delà des batailles de faits et chiffres sur tel ou tel impact (surtout sa gravité relative par rapport à d'autres impacts ou aux milieux tels qu'ils ont évolué), l'évanescence des services rendus aux citoyens par les écosystèmes dans ces opérations est finalement frappante. Il s'est mis en place une étrange métaphysique selon laquelle la "nature renaturée" relèverait forcément d'un "intérêt général" des citoyens, le reste étant écarté d'un revers méprisant de la main comme relevant des "intérêts particuliers" par définition égoïstes ou immobilistes. Sauf que les gens font société autour d'activités individuelles et collectives, non dans la pure contemplation, et que les activités de ces gens modifient toujours à quelque degré la nature (elles en font partie, à dire vrai).

Malgré sa taille modeste, la Natouze possède un riche patrimoine hydraulique associé à ses moulins, châteaux, lavoirs, ponts. On demande aux riverains d'accepter l'engagement dans un processus de modification substantielle de l'écoulement et du paysage d'une vallée entière, impliquant inévitablement des destructions partielles de l'existant, et la mise en danger à plus long terme de certaines fondations bâties sur couche argileuse ou argilomarneuse. En face de cela, que promet-on aujourd'hui? Une eau un peu plus courante, moins de limon et vase en fond, avec davantage de chabots, spirlins ou loches, moins de carpes, brèmes ou rotengles. Et la notion assez abstraite de rivière "fonctionnelle". Le jeu en vaut-il la chandelle? Les citoyens et leurs élus consentent-ils à la dépense d'argent public et à l'altération de leur cadre de vie pour ce genre de résultats? L'écologie des milieux aquatiques consiste-t-elle à produire une "nature-musée" intouchable avec son quota administrativement surveillé de "bonnes" espèces dans les "bons" milieux? Où est le projet global de territoire au-delà du bénéfice pour telle ou telle espèce, surtout pour des investissements aussi importants quand on les rapporte à la taille des communes et à ce qu'elles reçoivent par ailleurs en dotation de l'Etat?

Ne pas poser préalablement ces questions fondamentales en débat public, continuer d'arriver chez les gens après un travail de bureau où l'on a décidé à l'avance et à leur place de ce qui est "bon" pour eux n'est pas durable. La Natouze est une rivière humaine, pas une rivière sauvage. C'est aux habitants de ses rives de débattre et décider au premier chef de son avenir. Et ce principe vaut pour toutes les rivières.

Illustrations : visages de la Natouze, photos Marie Dupasquier-Marin, Association des moulins de Saône-et-Loire.

4 commentaires:

  1. Laissons aux riverains le choix de décider de leur rivière, laissons aux agriculteurs faire ce qu'ils veulent des territoires et aux industriels produirent comme ils l'entendent. C'est ce qui a été fait il y a cinquante ans, le résultat est parfait et tout va bien. C'est populiste à souhait et remplit les salles de braves gens qui vous acclament. Pas étonnant.

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  2. Allons, allons, si Hydrauxois était une association "populiste", son ton serait autrement simpliste et caricatural. Ce n'est généralement pas la manière dont nos écrits ou conférences sont perçus. Que vous n'aimiez pas nos analyses est une chose. Mais que vous les disqualifiez sans argumenter autrement ne sert pas la crédibilité de vos propres positions, que l'on ignore au demeurant. Par ailleurs, le doute sur la réforme de continuité écologique et la politique de "renaturation" est bien loin d'être cantonné dans une réaction viscérale de gens ignorants ou idiots, comme le voudrait l'hypothèse si rassurante et si fausse du simple "manque de pédagogie". Même des personnes forts savantes en hydrobiologie ou hydromorphologie commencent à admettre que l'on a fait un usage un peu précipité des connaissances. Et les gens même dépourvus de ce savoir formel développent des arguments tout à fait légitimes sur la rivière qu'ils apprécient, jamais tout à fait la même pour les uns ou les autres.

    "Il y a cinquante ans", on a créé les Agences de bassin. Et initié une succession de lois sur l'eau, les milieux aquatiques, la pêche, l'environnement (1964, 1976, 1984, 1992, 2004, 2006 etc.), sans parler des directives européennes. Donc pour le coup, s'il y a une leçon du demi-siècle écoulé (en France comme dans toute société industrialisée), c'est que l'environnement y a pris de plus en plus d'importance, pour des raisons légitimes à l'âge d'or des pollutions et dégradations des 30 glorieuses. Ce mouvement pour l'environnement a été associé au souci de la qualité et du cadre de vie, avec la possibilité pour les gens d'en décider sans subir passivement les choix des puissants (l'Etat, acteur certainement le plus puissant et pas le moins nocif dans l'histoire moderne de l'environnement, l'industrie, etc.). Ce mouvement continue et ce n'est pas parce qu'une politique est labellisée "politique de l'environnement" qu'elle est bonne, juste ou vraie, ni qu'elle peut se permettre l'indifférence à ses conséquences non-environnementales. Un certain élitisme déplacé, prétendant détenir la seule vision correcte des choses, n'est pas le contraire du "populisme", mais son terreau.

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  3. Effectivement, beaucoup de lois sur l'environnement votées mais dans les faits peu de courage pour les appliquer et ça vous n'y êtes pour rien. La loi sur la continuité n'est sans doute pas parfaite mais elle a au moins le mérite de s'attaquer à un problème réel sur les cours d'eau mais comme d'habitude il manque un peu de volonté pour l'appliquer et vous en profitez habilement.

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    1. Nous avons beaucoup écrit sur le sujet. La loi de continuité n'est pas absurde, son application administrative (circulaires, arrêtés de classement, arbitrages des services de l'Etat au sein des Agences) laisse à désirer !

      Mais surtout, il faut un débat de fond comme nous le signalons en conclusion de l'article. Certains invoquent la "nature" comme si elle était au-dessus des lois, et de la volonté générale des citoyens telle qu'elle s'exprime dans ces lois. En gros, un peu comme d'autres invoquent "dieu". Tout ce qui serait "bon pour la nature" serait forcément "bon pour le citoyen". C'est évidemment une croyance, pas une vérité (Homo sapiens fait aussi beaucoup pour se protéger de la nature!).

      Le débat de fond a plutôt ces termes : il y a des mesures qui sont plus ou moins efficaces pour les fonctionnalités et diversités des écosystèmes (ici aquatiques) ; ces mesures sont plus ou moins pénalisantes pour ce que les gens apprécient dans leur cadre de vie ou pour les activités d'un territoire ou pour la pertinence de la dépense publique (comparée à la même dépense dans une autre mesure). Tant qu'on ne croisera pas avec sincérité et objectivité ces paramètres, le débat sera biaisé. Il l'est aujourd'hui car une oligarchie fermée décide des objectifs, des méthodes, des priorités, sans vouloir reconnaître (dans le cas de la continuité) que l'inflexion de la politique actuelle est une option possible, tant au regard des incompréhensions sur le terrain qu'au regard des réserves et débats dans la littérature scientifique.

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