01/05/2024

L’inventaire national des plans d’eau révèle la place surprenante de ces milieux en France

L’inventaire national des plans d’eau en France commence à livrer ses premiers résultats consolidés. Ils ont été exposés récemment par une conférence de Pascal Kosuth, coordonnateur de l’INPE. Notre pays compterait en métropole 837 000 plans d’eau de toutes dimensions, représentant 499 000 hectares de milieux aquatiques et un stockage annuel de l’ordre de 17 milliards de m3, soit l’équivalent de la moitié des prélèvements humains. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la plupart de ces plans d’eau sont ignorés de la directive européenne sur l’eau de 2000 comme de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006. Une raison en est que du fait de leur origine généralement artificielle, ils étaient jugés sans grand intérêt pour une politique avant tout centrée sur l’eau courante (rivière) et l’eau de nappe. Or, la reconnaissance publique et la bonne gestion des plans d’eau sont manifestement un enjeu de premier plan pour la France et pour l’Union européenne 


Pascal Kosuth est membre de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD, rattaché au ministère de l’écologie. Chercheur dans les domaines de l’eau, de l’environnement et de l’agriculture, il a coordonné l’Inventaire national des plans d’eau (INPE), dont il a présenté l’état d’avancement à la fin du mois d’avril 2024, lors d’une conférence à l’ASTEC

L'Inventaire national des plans d’eau s'insère dans une démarche plus large de gouvernance et de réglementation, étant un outil de connaissance au service de la stratégie nationale de l'eau, incluant des initiatives telles que le Grenelle de l'Environnement (2007), les Assises de l'eau (2019) et le Varenne Agricole de l'eau (2022). Ces stratégies visent à optimiser la gestion des ressources en eau, à préserver les écosystèmes aquatiques, et à répondre de manière durable aux besoins des populations et des activités économiques.



L'Inventaire national des plans d'eau en France  catalogue et analyse l'ensemble des étendues d'eau stagnantes présentes sur le territoire métropolitain et les départements d'outre-mer. Il couvre une vaste gamme de plans d'eau, incluant lacs, lagunes, étangs, mares, ainsi que des retenues artificielles telles que les barrages, les réservoirs, les étangs ou les bassins portuaires.

En son état actuel, l’INPE identifie 837 000 plans d'eau en métropole, occupant une surface totale d'environ 499 000 hectares. Il précise la distribution des plans d'eau selon leur superficie : 331 000 plans d'eau de plus de 0,1 hectare dont 55 000 de plus de 1 hectare et 18 000 de plus de 3 hectares. Ce recensement offre une vue détaillée de la densité et de la répartition des plans d'eau, essentielle pour la gestion hydrologique du territoire.



Le volume de stockage annuel total de ces plans d’eau est estimé à 17 milliards de m3, soit environ la moitié des prélèvements humains (32 milliards de m3). Outre l’aspect utilitaire, cette surface et ce volume considérables d’eau forment aussi des habitats écologiques essentiels au vivant.

Pour chaque plan d’eau, le référentiel dispose de 150 attributs descriptifs dans plusieurs familles (origine, type d’ouvrage, type de dérivation, gestion, usages, incidences, etc.).

L'inventaire a été réalisé grâce à des méthodes avancées, incluant l'exploitation de la base de données topographique BD TOPO® de l'Institut National de l'Information Géographique et Forestière (IGN) et d'autres bases de données nationales. La mobilisation de la connaissance des acteurs locaux a été importante pour compléter et affiner les données recueillies, soutenue par des technologies de pointe comme le suivi satellitaire. Ce dernier permet de suivre la dynamique des plans d'eau (de grandes dimensions), en évaluant des paramètres comme la surface en eau permanente ou intermittente et en surveillant les variations saisonnières ou annuelles (image ci-dessous).


La gestion des plans d'eau en France s'inscrit dans des enjeux multiples, touchant à la biodiversité et à l'environnement, mais aussi à des usages tels que la production d'énergie, l'approvisionnement en eau potable, la navigation, l'irrigation, l'aquaculture, la prévention des crues, l'atténuation des étiages, l'abreuvement du bétail, la lutte contre les incendies. Ces enjeux sont renforcés par les défis posés par le changement climatique, nécessitant une adaptation et une gestion prévoyante des ressources en eau.

L'Inventaire national des plans d'eau n'est pas seulement un référentiel géographique ou écologique, mais un outil stratégique essentiel pour la gestion durable de l'eau en France, facilitant la prise de décisions éclairées et coordonnées à l'échelle nationale et locale.

Tous les visuels sont extraits de la conférence de M. Pascal Kosuth, tous droits réservés. Télécharger le PDF de la source

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4 commentaires:

  1. Pour un cours d’eau, le critère pour être une masse d’eau est de présenter une surface de bassin supérieure à 10 km2. Pour un lac c’est d’avoir une surface supérieure à 50ha. L’origine artificielle ou naturelle n’entre donc aucunement en ligne de compte dans cette définition de masse d’eau. Des canaux sont classés comme masse d’eau : il s’agit alors, comme les lacs de barrage, de masses d’eau artificielles,qui sont assigné aux mêmes objectifs de bon état.
    Les plans d’eau et les cours d’eau qui ne sont pas des masses d’eau sont rattachés à la masse d’eau dans laquelle ils confluent et leur état est bien entendu pris en compte dans l’état de cette dernière. Ils ne sont donc pas « ignorés de la directive européenne sur l’eau de 2000 comme de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006. Une raison en est que du fait de leur origine généralement artificielle, ils étaient jugés sans grand intérêt pour une politique avant tout centrée sur l’eau courante (rivière) et l’eau de nappe. »
    Par ailleurs le volume effectivement considérable des plans d’eau représente la moitié du volume d’eau consommée (de l’ordre de 31 milliards de m3 et non pas prélevé ( de l’ordre de 210 Millions de m3). Le nombre de plans d’eau comme le volume d’eau stocké montre bien le niveau des pressions qui s’exerce sur notre réseau hydrographique et constituent à l’évidence une des raisons (avec d’autres) des difficultés à atteindre le bon état notamment en raison de leurs impacts sur la biodiversité aquatique et la qualité de l’eau.

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    1. Merci de ces précisions de nomenclature.

      Pour votre premier point et pour préciser notre pensée, voyez cet autre article (Touchat et Bartout 2020)
      http://www.hydrauxois.org/2020/06/linterpretation-francaise-de-la.html

      Pour le deuxième point et idem, voyez par exemple celui-là (Linton et Krueger 2020)
      http://www.hydrauxois.org/2020/09/lopposition-nature-societe-comme-erreur.html

      Nous espérons que le cycle de révision de la DCE va permettre des modifications assez fondamentales d'autant que le contexte politique est favorable avec la prise de conscience de certaines apories ou impasses de l'approche naturaliste qui avait prévalu dans les années 1990 à la DG environnement (et prévaut encore, si l'on en juge par Restore Nature, mais justement Restore Nature est très mal passé, toujours bloqué à cette date en conseil des Etats ; signe qu'ne manière de voir ces sujets ne passe plus).

      Les normes vont devoir refléter l'existence des "nouveaux écosystèmes" créés par les humains dans l'histoire, le caractère non réversible des changements de trajectoires eau/sédiment/vivant, le caractère politique (et pas seulement scientifique) des fonctionnalités et services écosystémiques que l'on veut valoriser dans un milieu aquatique / humide, la généralisation de la notion de masse d'eau anthropisée (la non anthropise étant souvent l'exception) avec des implications sur ce qui est appelé un "bon état" ou sur les biotypologies de référence des indicateurs biologiques, etc.

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    2. Concernant les volumes prélevés/consommés, la présentation de l'IGEDD mentionne bien 32 milliards de m3 prélevés et 4 milliards consommés (slide 20). Qu'en est-il ?

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  2. Sur eau prélevée / consommée, voir par exemple

    https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/qui-preleve-et-consomme-leau-en-france/

    https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/prelevee-ou-consommee-comment-compter-sur-l-eau

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