19/10/2022

Ne commettons sur les retenues d'eau les mêmes erreurs que sur la continuité écologique

L'Office français de la biodiversité a organisé avec des syndicats de rivière une analyse de l'effet cumulé des retenues d'eau. Un colloque de restitution vient d'en rapporter les principales conclusions. Si des données intéressantes ont été récoltées, le colloque nous a aussi permis de constater le fossé béant entre la représentation de la nature de certains gestionnaires publics et la diversité des réalités de l'eau dans la société. Il existe en France 300 000 plans d'eau de plus de 100 m2 et probablement près d'un million au total. Envisager ce fait massif sous le seul angle d'une "dégradation de la nature" à corriger nous mène dans le mur. Ne commettons pas l'erreur déjà faite sur les ouvrages en lit mineur à l'occasion de la réforme ratée de continuité écologique. 


Une expertise collective Inrae-OFB avait été menée entre 2014 et 2016 sur les effets cumulés des retenues d'eau, sous la forme d'un passage en revue de la littérature scientifique. Pour les suites de cette expertise, une démarche a été lancée par l'Office français de la biodiversité (OFB), avec un appel à projets pour étudier les retenues sur des bassins versants. Six projets ont été sélectionnés, portés par des syndicats de rivière ou un parc naturel régional. En début de semaine se tenait le colloque de restitution de cette étude ICRA (Impact cumulé des retenues sur les milieux aquatiques). Nous y avons assisté en distanciel et voici nos observations. 

Quantification et qualification des retenues d'eau : un inventaire bienvenu
Le premier enjeu est déjà de qualifier et quantifier ce dont on parle. Il y a des plans d'eau en travers du lit mineur et d'autres en dérivation. Il y a des plans d'eau déconnectés du lit mineur, à une plus ou moins grande distance des cours d'eau. Il y a aussi des plans d'eau au niveau des sources, plus durs à qualifier puisqu'ils forment en quelque sorte la naissance du cours d'eau par ses sources qu'ils drainent en alimentation de la retenue. En outre, les propriétés physiques et fonctionnelles du plan d'eau sont importantes : superficie, profondeur, temps de résidence hydraulique, forme des berges, marnage saisonnier. Également d'intérêt : la date de construction, l'usage connu. Le CGEDD travaille à un inventaire national des plans d'eau (INPE) avec une quarantaine de descripteurs. L'outil devrait être rendu public dans sa première version en 2023. C'est appréciable, d'autant que les travaux présentés par les syndicats de rivière montre la diversité des plans d'eau et la difficulté de les répertorier. Selon les premières données, il y aurait environ 300 000 plans d'eau de plus de 100 m2 et n'étant pas des zones humides naturelles, environ 800 000 en incluant les moins de 100 m2. Mais c'est une estimation conservatrice, car les techniques altimétriques de détection (images aériennes et satellites) peuvent manquer les sites sous couverts forestiers ou à interprétation ambiguë sur les images. Selon des analyses faites sur un bassin versant, près de la moitié des retenues seraient apparues après les années 1950. Cet inventaire confirme selon nous ce que les universitaires Pascal Bartout et Laurent Touchart avaient pointé, il existe un limnosystème (réseau des points d'eaux lentes, calmes) et il est totalement négligé par l'interprétation administrative de la DCE, voire par la DCE elle-même qui a centré l'essentiel sur la réalité "rivière" ou très grand plan d'eau.

Quantité d'eau : modèles hydrologiques à revoir
Un modèle hydrologique vise à estimer comment évolue la quantité d'eau en surface et en nappe à différentes hypothèses. Les travaux présentés au colloque sont de ce point de vue très insuffisants, ce qui a été reconnu dans la communication de F. Habets. Un modèle doit en effet avoir les données d’entrée (pluviométrie, nappes) et d’usages (tous les prélèvements). Ce n'est pas forcément la retenue en elle-même qui prive le milieu ou l'aval d'eau, c'est d'abord l'usage qui en est fait, en particulier le pompage et la réalimentation de la retenue en période sèche. Un modèle prédictif (pour accompagner l'action et certifier des résultats futurs) doit aussi être couplé à un modèle hydroclimatique, pour savoir comment un milieu réagit demain à des manques ou excès d'eau d'origine météorologique, avec ou sans retenues. Ce point hydrologique est le plus important et le plus légitime : il y a pression quantitative sur l'eau dans certains bassins, mais l'eau est un bien commun, donc on doit veiller à ce que les usages n'affectent pas la ressource de manière immodérée ou injuste (que l’amont ne prive pas l’aval, que certains usages ne privent pas les autres). On doit aussi, ce qui n'était pas vraiment l'esprit du colloque, veiller au stockage de l'eau dont la nécessité sera plus forte. Mais pour le moment, le poids du facteur retenue n'est pas correctement isolé par le modèles, qui doivent s'améliorer. L'enjeu n'est pas simple, car la modélisation est contexte-dépendante (par exemple, un bassin cristallin n'est pas un bassin karstique, un bassin à forte demande d'irrigation n'est pas un bassin à faible usage agricole, etc.).

Température de l'eau : un impact sensible sur la thermie
Les mesures et les modèles sont plus simples à concevoir pour la température, encore qu'il existe des facteurs physiques de pondération à prendre en compte (débit, pente). Les travaux présentés confirment d'autres données déjà connues dans la littérature scientifique, les retenues modestes n'ayant pas de stratification thermique (eau froide en profondeur) et ne rejetant pas l'eau par le fond ont tendance à réchauffer l'eau. L'effet se fait sentir sur 500-1000 m à l'aval en général. Cet effet est lié à des facteurs aggravants (par exemple grande superficie, faible profondeur, fort temps de résidence hydraulique, construction en lit, relargage en surverse) ou atténuants (retenue en dérivation, ombrage des berges, relargage par le fond). La température peut poser des problèmes en tête de bassin à des espèces thermosensibles. Elle augmente aussi le risque de blooms de cyanobactéries, en lien à l'excès de nutriments (pollution ou défaut de curage régulier). La température est aussi liée à l'évaporation, mais le bilan d'évaporation n'a pas été fait dans ces travaux. 

Chimie de l'eau : des effets plutôt épurateurs
Les techniciens ayant fait des mesures chimiques ont confirmé ce que l'on savait déjà : les plans d'eau contribuent à épurer la rivière des nitrates et phosphates. Un travail mené dans une région minière a montré que les plans d'eau stockent aussi des produits dérivés de l'exploitation (arsenic, cadmium), ce qui pose problème pour le devenir de leurs sédiments (épandage interdit) et pour leurs choix de gestion (la suppression ou la destruction accidentelle de plans d'eau aboutirait à polluer le milieu de manière plus diffuse).

Biologie de l'eau : carences et biais d'analyse
Sans grande surprise, la présence de retenues d'eau va modifier les peuplements de la rivière en comparaison d'une autre qui en serait dénuée. Les indicateurs de la DCE ne sont pas les plus utiles si l'on veut une analyse fine de ce facteur biologique, car ils ont été conçus pour un score moyenné et à but réglementaire. Mais les intervenants n'ont pas été clairs sur les indicateurs alternatifs : chacun proposait les siens, sans rationnel convaincant sur ce qu'ils représentaient par rapport à la réalité biologique globale du système rivière-retenue. Au-delà, ce point de la biologie est l'un des plus insatisfaisants de notre point de vue. Toutes les présentations ont été faites selon le même angle : la biologie d'une rivière anthropisée s'apprécie par écart avec une rivière naturelle, l’objet rivière doit être le référentiel permettant de juger tout  le reste. Ce n'est pas notre analyse : une rivière anthropisée est à accepter comme telle, c'est la réalité dont on part et dont on parle, le processus d’anthropisation dure depuis des millénaires, avec des accélérations par époque. Par ailleurs, aucun syndicat n'a envisagé la retenue comme milieu à part entière et donc comme objet d'étude biologique, aucun n'a analysé la biodiversité de la retenue vue comme biotope et non vue comme impact. Or la retenue est aussi un "milieu aquatique" et l’OFB parlait bien d’un "effet sur les milieux aquatiques" comme objectif de l’étude. Ce dédain est en net décalage avec la recherche scientifique européenne de plus en plus fournie sur les écosystèmes d'origine artificielle de type mares, étangs, plans d’eau, lacs peu profonds. Et ce sera forcément un point contentieux si ce déni persiste : l'OFB doit impérativement commanditer des campagnes d'observation sur les écosystèmes anthropiques. Les retenues ont aussi des faunes et flores inféodées, il faut voir comment les plantes, les invertébrés, les poissons, les mammifères, les oiseaux, les amphibiens, les reptiles etc. y vivent, en eau ou sur berge. En particulier quand l’idéologie dominante de gestion exprimée lors du colloque semble de détruire et assécher ces retenues : cela ne doit pas être possible sans étude d’impact à échelle du site et du bassin, sans connaissance des peuplements des retenues et des effets de leurs éventuelles disparitions, sans création a minima d’une autre zone humide présentant la même superficie, etc. Besoin de connaissance mais également obligation juridique : le droit permet déjà d'engager un contentieux pour la destruction d'un milieu aquatique et humide sans étude ni compensation, cela sans faire la distinction entre milieu d'origine naturelle ou d'origine anthropique. C'est la méconnaissance du droit par les propriétaires de plans d'eau qui les mène à engager des destructions sans précaution ni compensation, ainsi que le manque de vigilance des protecteurs de l'environnement sur ces milieux-là, hélas.  

Droit des retenues : la confusion
La dimension juridique ne faisait pas partie de la recherche demandée, pourtant elle a été souvent évoquée dans les comptes-rendus. Il a existé une période un peu laxiste dans la gestion de l'eau, en gros les trente glorieuses avant la loi sur l’eau de 1992. Des travaux ont été menés sans base juridique claire. Certains affirment qu'ils sont "illégaux" mais si aucune déclaration ni autorisation n'était nécessaire à l'époque, le point est discutable (la loi n'est pas rétroactive). En revanche, la règlementation s'applique et il a été suggéré (sans quantification) que le débit réservé de certaines retenues reliées au lit mineur n'est pas respecté. C’est évidemment anormal quand c’est le cas. Nous avons besoin de transparence et de débat sur ce sujet juridique, c'est essentiel dans un état de droit. Il faut que les citoyens mais aussi le personnel public de l'eau y soient sensibilisés : on voit certes des ignorances, des négligences et des abus de propriétaires privés, mais on voit aussi des gestionnaires publics pensant que des approximations juridiques sont tolérables, ce qui ne passe pas en contentieux. (A cet égard, nous avons été quelque peu inquiet d'entendre un chargé de rivière qui se vantait de faire pression pour détruire des retenues de particulier au motif qu’elles seraient "sans usage", et cela sans tenir compte des usages familiaux...) 

Histoire, géographie, sociologie, économie et services écosystémiques de la retenue : le grand vide
Ce point nous a le plus désolé  : le cahier des charges de l'OFB n'a pas intégré la nécessité de comprendre l'histoire, les représentations et les usages des retenues. L'usage le plus cité est l'agriculture, mais en fait les discussions révèlent qu'il y a beaucoup de types de propriétaires et que beaucoup de retenues sont sans usage agricole. La notion de "sans usage" est problématique, puisque l'usage familial et affectif d'une retenue est un cas observé, de même qu'un usage collectif d'agrément dans un village, un usage d’association de pêche, etc. On a observé un angle utilitariste dans les discussions du colloque: l'usage devrait être directement économique ou d'eau potable, les usages sociaux sont négligés ou perçus comme non légitimes. Pourquoi cette indifférence aux sciences sociales et humanités de l’eau? Pourquoi ne pas chercher à mesurer les services écosystémiques, attestés par la recherche? Les acteurs présents (syndicats de rivière, fonctionnaires eau et biodiversité, techniciens fédés pêche, etc.) et prenant la parole semblent tous partager une idéologie naturaliste, un angle de vision posant une nature idéale et référentielle sans humain ou avec très peu d’humains, une analyse des écarts à cet idéal définissant autant de problèmes à résoudre. Nulle part il n'y a une vision de la rivière et du bassin versant comme co-construction de la nature et de la culture, nulle part il n'y a une sensibilité au facteur humain alors que l'humain est la force directrice à l'Anthropocène (ces centaines de milliers de retenues ont bien l'humain comme origine). Nous pensons d'une part que cette posture "hémiplégique" est intenable, elle ne correspond pas à la réalité ; d'autre part que la tentative d'intervention réglementaire et gestionnaire sur des bases aussi fragiles ne ferait que multiplier les contentieux juridiques et conflits sociaux qui accompagnent déjà aujourd'hui les "renaturations". Il est important que le personnel en charge de l'écologie pense à l'économie et à la société, tout comme le personnel en charge de l'économie et de la société doit de son côté penser à l'écologie. L'eau, ce n'est pas juste une question naturelle et il faut assez urgemment faire évoluer cette vision chez le gestionnaire en assurant des formations plus diversifiées. 

Conclusion : ne répétons pas les mêmes erreurs que la continuité écologique
Au final, cette démarche ICRA et le colloque de restitution nous ont laissé un sentiment mitigé. D'un côté, un gros travail a été mené, la compréhension de la réalité des retenues a progressé, le sujet est reconnu comme d'importance. Il est clair que les pressions sur la ressource en eau et les risques accrus apportés par le changement climatique doivent mener à une gestion attentive et raisonnable, ce qui ne fut pas toujours le cas au 20e siècle et ne l’est toujours pas sur nombre de bassins. Il existe aussi un enjeu de bonne gestion écologique de la retenue (au lieu de n'envisager que sa disparition), car les traits fonctionnels des ouvrages comptent pour les rendre plus ou moins accueillants à la biodiversité, plus ou moins impactants sur la thermie, etc. D'un autre côté, les résultats ne sont pas assez fouillés et complets pour être opérationnels, les observables recherchés ont des biais manifestes, le mépris de principe pour un plan d'eau artificiel est intenable pour les futurs rapports sociaux au bord de l'eau (et pour la biodiversité elle-même, répétons-le). Les acteurs qui procèdent à ce travail montrent une vision trop homogène et une idéologie trop décalée de celles présentes dans la société. Nous risquons de reproduire les mêmes erreurs que sur la continuité écologique : une sous-estimation de l'ampleur des modifications humaines du bassin versant et de leur caractère souvent non réversible, une indifférence aux habitats semi-naturels d'origine anthropique, une ignorance voire une hostilité aux usages que les gens ont des retenues ou aux agréments qu'ils en tirent, une précipitation à vouloir faire des règles alors qu'on comprend mal la réalité concernée par ces règles. 

Il est vraiment nécessaire que l'eau soit gérée de manière plus ouverte et plus inclusive au niveau de sa réflexion publique, avec bien sûr la présence forte d'enjeux hydrologiques et écologiques, mais en évitant la cécité aux enjeux sociaux et économiques, à la diversité des rapports entre les humains et les non-humains autour de l'eau. En évitant aussi l'illusion que l'on pourrait restaurer partout une nature sauvage ou une nature antérieure à l'Anthropocène. Les humains seront toujours sur les bassins versants en 2050 et en 2100, il est même probable que l'obligation de relocaliser des activités productives et récréatives va renforcer cette présence. Aucune gestion apaisée et efficace de l'eau n'est possible sans intégrer cela, y compris dans les métriques et les indicateurs que la société (pas seulement ses experts) se donne.

16 commentaires:

  1. Les cisterciens et d'autres ont déjà beaucoup modifié les bassins versants à l'époque où il y avait 12 millions d'habitants dont 99% étaient très, très pauvres. Imaginer que 70 à 80 millions de Français du 21e siècle pourraient vivre dans un cycle de l'eau "naturel", c'est bizarre!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En effet, l'histoire est importante à connaître. Nous espérons d'ailleurs que l'inventaire INPE aura un descripteur de date de création des retenues. C'est important car cela permet de visualiser ensuite leur dynamique de création. Cela permet aussi de corréler au reste de façon diachronique (quand on a des séries historiques longues sur les peuplements piscicoles, sur les sécheresses, sur les crues etc.)

      Supprimer
    2. De l'Antiquité à la Révolution industrielle, via le long Moyen-Âge, la principale source de protéines animales de ceux qui allaient devenir des Français a été le poisson d'eau douce, de rivières, de lacs et surtout d'étangs (multi-fonctionnels dirait-on aujourd'hui), pour toutes les catégories de la population, certes avec des droits d'accès socialement fort différenciés. Les autres produits animaux sont venus bien tard dans la diète, régime alimentaire. Rivières et étangs n'en étaient pas dégradés pour autant, tant par les ouvrages hydrauliques (moulins, biefs) que par les digues.

      Supprimer
  2. Souvenons-nous de la disparition des haies. A l'époque c'était rationnel, aujourd'hui on le paie par des érosions, des sols sensibles aux sécheresses, des oiseaux et insectes qui ont disparu. Si on pose que la rivière et même le bassin sans retenue est l'idéal, qu'on se retrouve dans 30 ans avec une super sécheresse et tout le monde au bord des rives sans eau, on fera quoi?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh bien, ce n'est pas "si", nous sommes obligés de prendre comme hypothèse de dimensionnement des politiques publiques la haute probabilité non seulement de "super sécheresses", mais aussi de "super crues". Car c'est ce que disent les modèles climatiques et ce que suggèrent les trajectoires des émissions carbone, qui baissent bien trop lentement voire augmentent dans nombre de pays. D'où l'impératif de bien modéliser les choses sur l'hydrologie, et aussi de garantir tant que faire se peut des résultats. C'est vrai sur les solutions fondées sur la technique comme sur les solutions fondées sur la nature: l'eau utile à la société et l'eau utile aux milieux deviennent critiques, donc on doit vérifier ce qui marche et ne marche pas, ce qui profite juste à un milieu local et ce qui profite plus largement à l'alimentation en eau du bassin, etc. Les décision en la matière ayant une lourde portée sur les générations présentes et futures, il faut beaucoup travailler le sujet.

      Supprimer
    2. Sécheresse ET crue, c'est important, faut réfléchir aux deux ensembles. Car si on se dit "toute l'eau à la rivière" et "écoulement sans obstacle de la rivière", on peut peut-être avoir un mieux pour l'eau dans la rivière en sécheresse, mais ce choix donne quoi dans la situation inverse, quand il y a des trombes d'eau? En ce cas l'aval ne doit pas être très content de voir l'eau arriver bien plus vite et bien plus fort!! Et là on parle de dégâts voire de morts, donc tout cela est à manipuler avec prudence.

      Et puisque qu'on parle histoire, quand on voit les chroniques d'ancien régime avec des cours d'eau à sec et des fleuves très bas, il faudrait peut-être que les modèles dont vous parlez le simulent pour démontrer qu'ils sont bons. Sous l'ancien régime, il n'y avait pas toutes les pressions apparues après 1945, mais si le niveau était parfois plus bas, cela interroge drôlement, non?

      Supprimer
    3. Sur les sécheresses de jadis, voir par exemple cet article:
      http://www.hydrauxois.org/2020/08/cinq-siecles-detiages-et-secheresses.html

      Donc bien d'accord à nouveau sur la nécessaire profondeur historique. C'est d'ailleurs ce que font aussi les modèles climatiques : ils partent de la physique bien sûr, mais ils se calent sur la capacité à reproduire les observables connus du passé, ce qui renforce leur crédibilité et assure que la physique n'a pas oublié de choses importantes. Donc vu l'importance des questions d'eau, il faudra aussi des modèles solides pour informer les choix. Et ici les modèles sont compliqués car il y a les usages et les occupations du sol à intégrer, la diversité géologique et morphologique, etc.

      Supprimer
  3. Sur le paragraphe « Droit des retenues », quelques précisions :
    1) On ne peut pas prétendre au « laxisme » : il n’y avait tout simplement pas d’autorisation a solliciter à la DDA pour créer un plan d’eau
    2) Par contre, ils devaient se faire régulariser (très facilement) avant le 29 mars 1993. Ceux qui prouvent leur existence avant le 29 mars 1993 peuvent encore se faire régulariser malgré le fait de ne pas avoir respecté la date butoir de régularisation. Cette régularisation est en général assez facile à obtenir. En clair la DDT ne met pas trop de bâtons dans les roues.
    3) Par contre, ceux construits après le 29 mars 1993 sont à régulariser comme une autorisation nouvelle, et là, c’est plutôt le parcours du combattant, au même titre qu’une demande de création. Ce n’est pas interdit, c’est financé par le FEAMP mais ce n’est plus du tout dans l’air du temps puisque l’idéologie les décrète nuisibles à l’environnement.
    4) Pas du tout d’accord sur votre appréciation sur le débit réservé : pas de débit entrant, aucune obligation légale d’assurer le débit réservé; l’exigence de construire un moine en imaginant une solution au problème est stupide ; en effet, dès que le niveau baisse d’1 cm, il ne s’écoule plus rien dans le moine.CQFD.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci de ces diverses précisions. Sur le point 4), le sujet est sans doute de savoir si la rivière est naturellement intermittente ou non, chaque année ou plus rarement, et comment cela évoluera. Le réseau ONDE suit cela. Un travail de chercheurs a récemment ré-évalué l'importance des rivières intermittentes
      http://www.hydrauxois.org/2021/06/la-moitie-des-rivieres-connait-des.html

      Il est certain que si la rivière est destinée à n'avoir plus d'eau avec ou sans retenue, la question se pose de savoir l'intérêt de vider ce qui reste encore un peu en retenue, et qui va de toute façon s'évaporer ou s'infiltrer très vite en aval. En général et pour les ouvrages ayant des organes mobiles de gestion, les arrêtés préfectoraux sécheresse demandent de fermer toutes les vannes, pas de vidanger à ce moment.

      Supprimer
  4. Mieux vaut une vieille retenue en partie renaturée qu'une bassine en PVC inapte à héberger du vivant à part peut-être quelques insectes égarés et pas encore achevés par leur dose de pesticide. D'ailleurs qu'en pense la LPO ? Supprimer les points d'eau offerts par toutes ces retenues dans la campagne, c'est bon pour les oiseaux?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Comme indiqué, la biodiversité des retenues n'a pas été étudiée, ni celle des oiseaux ni le reste. Tant que des gestionnaires sont intellectuellement dans une opposition nature-société (la nature réduite à une naturalité "sauvage" relique, la société à un impact à réprimer), cela ne peut guère avancer dans la bonne direction.

      Supprimer
  5. Vous ne mentionnez pas le problème évoqué au Colloque des vidanges et des colmatages de fond, parfois sur des km de rivière...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En effet, ce point été mentionné avec des photos en exemple, mais il n'y a pas eu de mesure du phénomène. Or l'enjeu est bien d'avoir des métriques pour savoir si l'on parle de réalités marginales ou centrales, pour savoir aussi où se posent les problèmes. C'est un vrai sujet, toute personne qui a une retenue connectée au lit mineur sait qu'elle accumule des limons et matières organiques en dégradation, quoique de manière variable selon les dimensions hydrauliques, la position sur le linéaire et la géologie / l'usage des sols du bassin. D'où pour nous l'importance de guides de bonne gestion hydraulique et écologique des retenues (ou biefs / canaux pareillement), ainsi qu'une approche raisonnée des curages, faucardages, etc. Mais on a besoin de guides adaptés à chaque cas et ayant un réalisme dans l'équilibre coût économique - gain écologique. Le péché mignon de l'administration est de concevoir des procédures adaptées pour EDF ou la Compagnie nationale du Rhône, puis de penser que cela s'appliquera sans problème à une gestion familiale ou en petite exploitation ou en collectivité locale rurale (donc pauvre). Cela fait partie des sujets de gouvernance de l'eau, dès l'amont: il faut déjà que les maîtres d'ouvrages concernés soient interrogés et il faut acter les capacités de chacun. De notre point de vue, puisque les retenues font partie de l'évolution des bassins et puisqu'elles peuvent avoir des dimensions positives, la participation des agences de l'eau et des Epage à leur bonne gestion est logique (aujourd'hui, l'intervention sur ce volet est trop souvent réduite à la "renaturation", pas à la gestion; et souvent à l'assèchement de sites concernés, sans garantie de produire la même surface aquatique / humide en compensation).

      Supprimer
    2. J'ajouterais que les tests d'hydromorphologie n'ont pas été concluant. Le seul calcul de sédimentation précis a été fait grâce à un sonar, dans une retenue, permettant d'obtenir les couches et volumes de sédiments. Évolution à analyser sur plusieurs années, voir plusieurs moments de l'année. D'après des enquêtes internes, un lac d'irrigation non classé se sédimente d'environ 1% par an. De plus, la grande majorité des retenues pour l'irrigation sont soumis au régime de déclaration et n'ont pas d'obligation de vidange. Ils ne sont donc vidangés que très rarement, le curage en fin de campagne d'irrigation étant la meilleure solution actuelle pour la suppression de sédiments. Pour avoir un regard exhaustif et objectif du colmatage des cours d'eau il faut en effet analyser tous les paramètres cités, avec en priorité la couverture des sols.

      Supprimer
  6. Bonjour, votre chapitre sur la biologie ci-dessus traduit un gros problème de compréhension : la biodiversité d'une rivière n'est pas du tout celle d'un milieu stagnant. La multiplication des plans d'eau et barrages a fait régresser la biodiversité des eaux courantes, dans les rivières, au détriment de celles des eaux stagnantes. Bien cordialement

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir, nous avons pas mal lu de manuels et littératures sur l'écologie des eaux courantes, discuté avec des chercheurs et techniciens, donc nous comprenons parfaitement les typologies des biocénoses attendues dans ces milieux lotiques. Mais notre point est qu'un milieu transformé par les hommes dérive dans ces typologies, que le fait d'être transformé par les hommes est l'état d'évolution des milieux depuis quelques millénaires, avec accélération dans la modernité. C'est un peu comme si vous arriviez sur un milieu de prairies, haies et bosquets en vérifiant si vous retrouvez les traits d'un milieu forestier : non, évidemment, vous n'allez pas les retrouver, car les conditions de milieux ont changé en ce lieu. Alors après, on peut discuter de ce qu'il faut faire pour l'avenir. Pour notre part, nous n'avons pas de difficulté à imaginer vivre avec des rivières totalement anthropisées, d'autres semi-anthropisées (dans votre exemple, avec des zones lentiques et d'autres lotiques), d'autres peu anthropisées et dans une "naturalité" comparable à des périodes à faible présence humaine. Nous ne voyons pas de "naturalité" normative qui obligerait tous les riverains à devoir viser un état proche de l'absence d'humains. Donc nous ne validons pas non plus de politique publique qui serait dans cette optique de naturalité normative. D'où notre désaccord avec une partie des tenants de ces politiques.

      Supprimer