22/04/2023

Le retour du décret scélérat du gouvernement pour détruire et assécher les patrimoines de l'eau sur simple déclaration

Loin de vouloir l'apaisement au bord des rivières, le gouvernement veut continuer son programme fou de destruction des retenues d'eau anciennes. Le conseil d'Etat avait annulé en 2022 le décret scélérat de 2020 qui prévoyait notamment cette destruction des moulins, étangs, plans d'eau, canaux sans aucune autorisation administrative, sans enquête publique ni étude d'impact, sur simple déclaration opaque et loin du regard des citoyens. Le ministère de l'écologie remet le couvert et propose un nouveau décret en ce sens, avec un toilettage ultra-minimal pour se conformer à l'arrêt du conseil d'Etat. Vous pouvez exprimer votre critique du texte lors de la phase de consultation. Et nous allons bien sûr requérir son annulation s'il était adopté en l'état. 



Petit retour en arrière : le régime des installations, ouvrages et travaux en rivière des années 2010 prévoyait que pour tout chantier un peu important, modifiant plus de 100 mètres de linéaire d'eau, une procédure d'autorisation est nécessaire. C'est logique : on ne joue pas de manière arbitraire avec les écoulements d'eau qui ont des impacts sur les riverains, les paysages, les usages et les milieux. Il faut y associer de près les citoyens, comme le veut le principe de démocratie environnementale. 

Mais voilà : ce régime d'autorisation suppose d'une étude d'impact complète et une enquête publique. Or, certains travaux menés au nom d'une soi-disant écologie sont très impopulaires. Le ministère de l'écologie et ses clientèles ont ainsi découvert que leur projet fou de détruire les ouvrages hydrauliques anciens au nom de la continuité dite écologique soulevait une très forte opposition riveraine. L'étude d'impact et l'enquête publique permettaient de s'exprimer à ce sujet, et aussi de préparer des contentieux si le maître d'ouvrage ne prenait pas acte du refus des citoyens de détruire les moulins, les forges, les étangs, les plans d'eau, les canaux, les biefs – tous ces ouvrages dont le seul crime est de ne pas être conforme à une nouvelle utopie intégriste et hors-sol du retour à la rivière sauvage. Les réalités derrière ces manoeuvres et proclamations sur le "sauvetage des rivières" sont moins reluisantes. Le gouvernement faisant peu sur les excès de pollution, d'artificialisation et de prélèvement, il offre à certains un lot de consolation : créer localement une pseudo-nature sauvage de carte postale, à la pelleteuse et au bulldozer, en agressant pour cela des acteurs moins puissants et moins influents que les grands producteurs. Les patrimoines de l'eau ne pèsent pas assez dans le PIB pour être entendus par les hauts fonctionnaires et cabinets ministériels faisant la pluie et le beau temps...

Le premier décret scélérat de 2020 annulé par le conseil d'Etat, mais le gouvernement revient à la charge
Un décret scélérat a été promulgué par Edouard Philippe aux derniers jours de son mandat de Premier ministre, qui éliminait purement et simplement le régime d'autorisation pour tous les chantiers supposés être écologiques, dont les destructions d'ouvrage. Une simple déclaration (procédure opaque) permettait désormais de modifier 10, 100, 1000 ou 10 000 mètres de linéaire de rivière, sans que les citoyens soient correctement informés, sans que l'impact soit correctement évalué, sans que le bon usage de l'argent public dans les priorités de l'eau soit discuté. 

Notre association Hydrauxois a déjà obtenu avec ses consoeurs l'annulation au conseil d'Etat de ce premier décret de 2020. Mais le ministère de l'écologie n'en a cure et il repropose le même texte avec des modifications mineures (voir le projet de décret en consultation publique). Malheureusement, nous préparons un recours contre cette nouvelle mouture du décret dans l'hypothèse où elle serait retenue et promulguée. Le conseil d'Etat n'avait examiné qu'un seul de la douzaine de moyens soulevés par les plaignants dans la première procédure. 

Il y a d'abord le cas de la destruction / dessication aberrante et contre-productive des moulins, forges, étangs, plans d'eau, biefs, canaux, qui va à l'encontre de la politique de rétention d'eau et de transition énergétique, ainsi qu'à l'encontre de l'attachement riverain aux patrimoines et paysages. De surcroît, il n'existe pas une seule étude scientifique suggérant que ces ouvrages anciens sont une altération grave de l'état écologique ou chimique de l'eau. Le simple bon sens suggère qu'un moulin ou étang d'Ancien régime n'est pas vraiment le premier problème du pays dans les crises qu'il traverse. Par ailleurs, le ministère de l'écologie sait très bien que c'est un casus belli, depuis plus de 10 ans : au lieu de retirer ce point conflictuel du décret, il le maintient pour faire plaisir à quelques lobbies (une fraction des pêcheurs de salmonidés et des naturalistes voulant le retour à la rivière sauvage, des réalités sociales fort minoritaires au bord des rivières). 

Il y a ensuite et plus généralement une incompréhension : un chantier de génie écologique ou de "renaturation" est avant tout un chantier. Il mobilise de l'argent public, il modifie le régime des écoulements, il implique des risques parfaitement identifiés dans la documentation technique de la restauration de milieux : par exemple, incision des lits, instabilité des berges, abaissement des nappes donc altération du stockage et du  prélèvement, remontée d'espèces invasives, destruction d'espèces locales d'intérêt qui ont colonisé la zone, rétraction argile / pourrissement bois et fragilisation du bâti, modification locale des régimes d'assec et d'inondation, perte de réserve eau incendie, etc.

Un choix aberrant à l'heure de la crise de l'eau et de l'énergie, une censure de la démocratie environnementale
A moins d'être un apprenti sorcier aveuglé par son idéologie, de tels risques sont à prendre en compte et à discuter avec la population concernée. Ces risques sont attestés dans les retours d'expérience et dans la littérature scientifique. Ils font partie de l'analyse coût-bénéfice des chantiers écologiques, indispensable pour éviter que l'argent public (de plus en plus rare) paie des danseuses inutiles voire nuisibles.

Plus le chantier est ambitieux (c’est-à-dire  plus il concerne un grand linéaire, beaucoup de propriétés riveraines et beaucoup d’argent public), plus il est indispensable de procéder en toute transparence à une étude d'impact, à une analyse de sûreté des tiers, à une estimation coût-avantage-risque par rapport aux besoins du bassin versant comme aux urgences du pays, à une concertation avec les citoyens et une enquête publique pour vérifier la sincérité et la complétude de cette concertation. 

Refuser de faire cela, souhaiter une simple déclaration opaque entre le maître d'ouvrage et l'Etat, créer un régime d'exception ad hoc et donc une inégalité des projets devant leurs obligations de respect des tiers, c'est inacceptable. 

Les fonctionnaires et gestionnaires de l'eau qui applaudissent ce régime d'exception ne vont que subir une défiance et une conflictualité renforcées
Il est dommage que les acteurs locaux de l'eau ne le comprennent pas, notamment ceux des syndicats, des agences de l'eau, des DDT-Dreal et de l'OFB qui se sont plaints de l'annulation du premier décret de 2020 : ce dossier nuit fortement à leur image. Et ils subiront de toute façon de l'insécurité juridique : nous attaquerons en justice les chantiers simplement déclarés et mal fondés ; au moindre problème mal anticipé et créant un dommage, nous attaquerons également au pénal, avec d'autant moins de retenue qu'il aura été impossible de concerter avant et que les décideurs devront payer en ce cas leur choix arbitraire. 

Les gestionnaires publics de l'eau veulent-il laisser dans l'histoire cette image de gens qui, alors que le pays traverse crise hydrique et crise énergétique, pensent que la première urgence est de dépenser l'argent public pour détruire ce qui retient l'eau, peut produire de l'énergie bas-carbone, crée des agréments riverains? Qui a intérêt au maintien de cette défiance et de cette conflictualité? Quand le ministère de l'écologie va-t-il acter que le retour à la rivière sauvage n'est nullement une cause d'intérêt général, mais une lubie pour quelques minorités non représentatives des enjeux sociaux et de l'intérêt général?

20/04/2023

Pas d'impact sédimentaire notable d'un seuil en rivière (Rollet el al 2022)

Des chercheurs ont étudié le seuil le plus important du fleuve côtier Gapeau, dans le sud de la France. A l'occasion de trois crues, ils montrent que la retenue de 700 m créée par cette chaussée ancienne ne sédimente pas la charge grossière et évacue les charges plus fines de sables et graviers. Les scientifiques concluent que se focaliser sur les seuils dans ce contexte ne sera pas de nature à recharger en sédiment les côtes et les plages à l'aval, car le déficit sédimentaire a d'autres causes. Leur travail rappelle aussi que la plupart des recherches menées sur la sédimentation dans les ouvrages modestes (seuils, chaussées, petits barrages et déversoirs) ne montrent pas d'effet notable. Soit le contraire de ce qui est affirmé dans le discours du gestionnaire public.



Le seuil de Sainte-Eulalie, étudié par les chercheurs. DR.

Anne-Julia Rollet, Simon Dufour, Romain Capanni et Mireille Lippmann Provansal ont analysé l'impact sédimentaire d'un seuil sur une petite rivière du Sud de la France. Le Gapeau est un fleuve côtier de 47,5 km de long (pente : 0,7 m.m-1) qui draine un bassin versant de 564 km² entre les crêtes montagneuses de la Sainte Baume et de Morières au nord et à l'ouest et la crête montagneuse des Maures à l'est. La rivière s'ouvre au sud sur la plaine et se jette dans la rade d'Hyères. Le bassin versant du Gapeau contient deux sous-bassins aux caractéristiques géologiques contrastées : le sous-bassin versant ouest, où la rivière Gapeau coule sur un substrat calcaire, perméable et favorable à l'infiltration, et  le sous-bassin versant est de la rivière Réal-Martin (principal affluent de la rivière Gapeau), qui coule sur des substrats métamorphiques imperméables. La rivière Gapeau présente un chenal étroit et profond sur la majeure partie de sa longueur ainsi que des berges élevées. Cette morphologie est particulièrement adaptée au transit des flux d'eau et de sédiments. 

Dans la partie aval du Gapeau, le seul ouvrage pouvant piéger les sédiments en transit est le seuil de Sainte Eulalie. Cette chaussée est un ouvrage en maçonnerie de 3,75 m de haut et génère en amont un plan d'eau d'environ 700 mètres de long en régime d'étiage. Sa date exacte de construction est inconnue, mais elle est indiquée sur des cartes de 1896. 

Pour déterminer l'influence du seuil sur la continuité sédimentaire de la rivière, les chercheurs ont suivi l'évolution du stock sédimentaire en amont du seuil de Sainte Eulalie, qui est la principale zone de piégeage. La capacité de piégeage des sédiments du déversoir a été évaluée en analysant les différentiels bathymétriques avant vs après les crues, avec quatre mesures par point pour assurer une marge d'erreur verticale de ± 0,10 m après post-traitement. Trois relevés bathymétriques ont été réalisés pour décrire la mobilité sédimentaire générée lors de crues de trois intensités différentes : débit d'eau instantané de 42 m3.s-1, 57 m3.s-1 et 67 m3.s-1.

Voici le résumé de leur travail :
"Dans les systèmes littoraux et fluviaux en déficit sédimentaire la restauration du transport solide fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière. La suppression d’ouvrages transversaux (seuils, barrages) est parfois préconisée même si l’effet réel   des petits seuils sur le transport de la charge de fond n’est pas démontré dans tous types de contexte. Dans ce cadre, notre étude a pour objectif d’apporter des éléments quantifiés pour (i) documenter l’interruption des transferts sédimentaires grossiers (> sables fins) par un petit seuil sur un système fluvial côtier méditerranéen (le Gapeau), et (ii) discuter la pertinence de sa suppression pour la restauration de la continuité sédimentaire. Ces éléments sont produits partir d’approches croisées de suivis de la dynamique sédimentaire du fond du lit (bathymétrie, traçages sédimentaires, chaines d’érosion et suivis topographiques) et de modélisation de capacités de transport. Nos résultats nous permettent de conclure que le seuil étudié ne semble pas constituer d’entrave physique au transfert de la charge de fond dans la mesure où aucune accrétion nette n’a été observée en amont de l’ouvrage malgré des crues importantes enregistrées durant le suivi. Néanmoins, la mesure indirecte du transport solide montre qu’il n’existe pas ou plus de charriage sur ce cours d’eau qui connait un fort déficit sédimentaire. Ainsi, la suppression de seuil sur le Gapeau serait insuffisante pour atténuer le déficit sédimentaire fluvial et/ou littoral. Il conviendrait plutôt de concentrer la réflexion sur la réalité des entrées sédimentaires et l’efficacité des connexions entre les versants et le chenal."
Les auteurs précisent encore :
"La mesure indirecte du transport sédimentaire a montré que la charge de fond n'est pas (ou plus) transportée le long de la rivière Gapeau (à l'exception d'un peu de transport résiduel de sable et de gravier que nous n'avons pas réussi à quantifier). Le transport sédimentaire mesuré, même lors d'une crue de 5 ans, avait un volume extrêmement faible (456 m3) et était très inférieur à la capacité de transport (20 200 m3). Cette différence indique que la rivière Gapeau présente un important déficit sédimentaire. Nous avons également observé un pavage important du lit de la rivière qui variait de 2,1 à 10,5 en aval de la zone d'étude. Le lit de la rivière Gapeau est ainsi quasi stable lors des crues les plus courantes, et il ne reste qu'une faible coulée sédimentaire composée de sable et de gravier. Ce débit est trop faible pour être détecté par des mesures indirectes de transport sédimentaire, mais nous l'avons détecté lors du suivi de la retenue de Sainte Eulalie.

Des mesures bathymétriques supplémentaires effectuées à l'embouchure de la rivière Gapeau avant et après la crue de décembre 2008 ont indiqué que 1 300 à 1 400 m3 de sédiments (sable moyen à grossier) ont été apportés aux plages (Brunel, 2010; Capanni, 2011). Cependant, ces apports en conditions hydrologiques actives (Q5) ne compensent pas les 2 700 m3.an-1 estimés d'érosion côtière (Capanni, 2011). Ainsi, les apports fluviaux de la rivière Gapeau semblent peu contribuer au trait de côte. Les volumes actuels de sédiments grossiers fluviaux ne sont pas suffisants pour maintenir la rivière en bon état, et le système fluvial du Gapeau présente un déficit sédimentaire sévère malgré la présence du seuil de Sainte Eulalie. Ces éléments soulèvent ainsi des questions sur l'utilité de retirer le seuil pour rétablir la continuité sédimentaire et entretenir le trait de côte. Le déversoir n'entrave pas l'écoulement du sable, dont le volume est beaucoup trop faible pour contrebalancer les déficits côtiers en sable. Sur la base de nos observations du seuil de Sainte Eulalie, nous émettons l'hypothèse que la plupart des autres ouvrages du bassin versant ne gênent pas le transfert sédimentaire soit parce qu'ils sont déjà engorgés soit parce qu'ils n'ont jamais complètement interrompu le transfert sédimentaire. Le seuil de Sainte Eulalie, comme tous les seuils de la rivière Gapeau, était déjà présent dans le « profil des grands efforts hydrauliques » en 1954 (et probablement bien avant). Avant les années 1970, cependant, les données topographiques indiquent qu'aucune incision ou rétraction n'a eu lieu (Capanni, 2011). Les autres ouvrages sont situés en amont dans la zone du bassin versant, dans des contextes aux pentes souvent plus fortes que ceux de Sainte Eulalie, qui est aussi l'ouvrage le plus haut (3,5 m, contre 2,0 m pour les autres). Ainsi, si le seuil de Sainte Eulalie ne stocke pas de charriage, les autres seuils ne le sont probablement pas non plus. Ces observations sont cohérentes avec les résultats de la plupart des études sur l'influence des petites structures sur le transport du charriage dans des contextes géomorphologiquement dynamiques."

Discussion
Le faible effet sédimentaire des petits ouvrages hydrauliques est un trait récurrent des recherches menées sur ce sujet. Dans leur travail, les chercheurs le rappellent : "De nombreuses études ont mis en évidence l'influence des petites structures sur la morphologie des chenaux (Fencl et al., 2015), mais seules quelques études morphologiques se sont concentrées sur l'influence des déversoirs sur la continuité des sédiments grossiers. Les modifications morphologiques qu'entraînent les seuils couvrent souvent une superficie relativement réduite et sont liées soit à un engorgement de l'ouvrage en amont (ex. : sédimentation), soit à une poussée hydraulique en aval (ex. : incision en aval de l'ouvrage, apparition de berges médianes). A ce jour, aucun changement morphologique en aval des seuils n'a été explicitement corrélé au déficit sédimentaire qu'ils ont généré. Les quelques études portant sur l'influence des déversoirs sur la continuité sédimentaire suggèrent qu'ils ne l'influencent pas fortement (Csiki et Rhoad, 2010 ; Pearson et Pizzuto, 2015 ; Peeters et al., 2020 ; Casserly et al., 2021). Les sédiments de charriage peuvent quitter un réservoir lors d'épisodes de débit élevé (Pearson et al., 2011; Casserly et al., 2021) ou après avoir dépassé la capacité de stockage du réservoir (Major et al., 2012). Pearson et Pizzuto (2015) ont suggéré que toutes les fractions granulométriques dans le matériau du lit fourni en amont auraient pu être transportées à travers le réservoir qu'ils ont étudié, le long de la rampe en pente et au-dessus du barrage de 2,5 m, tandis que Peeters et al. (2020) ont observé un transfert sélectif de particules autour de la médiane. Cependant, la réponse des rivières à l'existence à long terme de déversoirs varie considérablement (Csiki et Rhoad, 2010) et dépend principalement des caractéristiques des ouvrages (c'est-à-dire la forme, la hauteur de la crête, la présence ou l'absence de systèmes de vannage), la rivière (c.-à-d. occurrence de grandes crues, taille des sédiments, capacité de l'hydraulique fluviale à transporter les sédiments au-dessus de la crête du déversoir) et les caractéristiques générales du bassin versant (p. ex. densité du déversoir en amont, apport de sédiments disponible) (Pearson et Pizzuto, 2015) . Par conséquent, comprendre l'influence des déversoirs sur les flux de sédiments (et donc la pertinence de les enlever) nécessite une approche de recherche et de gestion différente et plus intégrée que l'approche individualiste qui a été appliquée aux grands barrages (Fencl et al., 2015)."

A rebours du discours public tenu depuis 15 ans pour justifier la destruction des petits ouvrages, ceux-ci ne représentent donc pas a priori un problème grave de transfert sédimentaire. Le même discours public avait déjà menti sur la soi-disant "auto-épuration" des rivières, que les barrages entraveraient alors que l'inverse est vrai (toutes choses égales par ailleurs, une retenue tend à éliminer divers intrants et polluants). La rhétorique est désormais connue : on ne met en avant que des aspects négatifs des ouvrages hydrauliques, quitte à les exagérer voire les inventer dans certains cas, alors que l'on passe sous silence leurs aspects positifs. Cette politique publique partisane et nuisible aux patrimoines des rivières doit cesser.

Référence : Anne-Julia Rollet et al (2022), Is removing weirs always effective at countering the sediment deficit? Case study in a Mediterranean context: the Gapeau River, Géomorphologie : relief, processus, environnement, 28,3, 187-200

08/04/2023

Le gouvernement reconnaît la nécessité de mieux stocker l'eau dans les ouvrages hydrauliques déjà en place

Confronté aux sécheresses, le gouvernement français vient d'annoncer un "plan eau". On y observe la timide reconnaissance de la nécessité de stocker l'eau avec, parmi les mesures citées, l'aide à l'entretien des ouvrages existants. Pour le moment, cette mesure est limitée à l'hydraulique "agricole". Mais il faut bien évidement l'étendre aux centaines de milliers de retenues, plans d'eau, canaux issus de l'hydraulique ancienne et permettant de stocker l'eau un peu partout sur le territoire. 


Après avoir financé pendant une décennie la destruction à marche forcée des seuils, digues, barrages, avec en conséquence l'assèchement des retenues et canaux dérivés de ces ouvrages hydrauliques, le ministère de l'écologie entame une timide marche arrière. Il faut dire que là où cette politique a été appliquée, le retour à la rivière dite "naturelle" n'a nullement tenu les promesses naïves de paradis retrouvé: on a observé partout en 2022 des rivières et ruisseaux à sec ou réduits à un filet d'eau chaude. Ceux des riverains qui jouissaient auparavant de retenues y ont vu à juste titre une catastrophe locale pour l'eau, le vivant, l'agrément. La délégation à la prospective du Sénat avait déjà publié quelques mois plus tôt un rapport appelant à cesser la disqualification du stockage

Le plan eau, révélé au début de ce mois par le président de la république et porté par le ministère de l'écologie, reconnait la nécessité d'améliorer le stockage de l'eau dans les ouvrages, et d'investir à cette fin afin déjà d'améliorer les ouvrages existants. 

Dont acte. Mais que les préfets fassent immédiatement cesser les programmes de syndicats de rivière et financements des agences de l'eau qui persistent à dilapider l'argent public dans ces destructions et assèchements, alors que cette nouvelle politique exige l'aménagement et la gestion des ouvrages. Ce que demandait déjà la loi de 2006, non appliquée par une administration eau & biodiversité ayant préféré un programme douteux de retour aux rivières sauvages. Nous le payons aujourd'hui par le retard dans l'adaptation hydroclimatique comme dans la transition énergétique

Extraits :

AMÉLIORER LE STOCKAGE DANS LES SOLS, LES NAPPES, LES OUVRAGES

OBJECTIF : Remobiliser les ressources existantes et répondre au besoin de développer l’hydraulique agricole, dans le respect de la réglementation

• La préservation des zones humides sera renforcée avec 50 M€/an supplémentaires de paiements pour services écosystémiques et le Conservatoire du littoral consolidera sa stratégie d’acquisition foncière. Dès 2024

• Un fonds d’investissement hydraulique agricole sera abondé à hauteur de 30M€/ an pour remobiliser et moderniser les ouvrages existants (curages de retenues, entretien de canaux…) et développer de nouveaux projets dans le respect des équilibres des usages et des écosystèmes. Dès 2024

• Une stratégie nationale et un guide technique relatifs à la mise en place de systèmes de recharge maîtrisé des aquifères seront élaborés. 2024