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16/08/2020

Même en sécheresse et canicule, les inconscients dénigrent et détruisent les retenues d'eau

Alors que les civilisations sédentaires du néolithique stockent et canalisent l'eau depuis 5 millénaires, nous avons aujourd'hui quelques "sachants" expliquant que les retenues ne retiennent pas l'eau. Et les plus grands médias se font l'écho de leurs propos. A quoi riment ces absurdités alors que le changement climatique annonce des périodes de sécheresses et canicules à répétition, que déjà sous nos yeux des poissons meurent en masse dans des cours vidés d'eau? Quelle est cette idéologie délétère qui non seulement diabolise la création de retenues et de canaux, mais qui organise aussi leur destruction dans tous les territoires? Quand les lits et les puits seront à sec, croit-on que les responsables du désastre ne seront pas inquiétés? Si la modération des usages domestiques, agricoles et industriels en période de tension est une évidence, la nécessité d'avoir une politique de gestion des retenues d'eau l'est tout autant. Cette gestion inclut la dimension écologique des ouvrages. Aucun chantier ne doit réduire la ressource locale, et des projets de territoire doivent être construits autour de la maîtrise assumée des écoulements, cela tant par des solutions fondées sur la nature que par des solutions fondées sur la technique. 


Dans l'Aube comme ailleurs, un nombre croissant de rivières à sec en été. © L'Est éclair, droits réservés. 

Dans un article intitulé "Face à la sécheresse, les retenues d’eau artificielles, une solution de très court terme" (8 août 2020), le journal Le Monde donne la parole à des experts qui remettent en question l'intérêt des retenues d'eau. En voici l'extrait concerné.
« Bien sûr qu’il faut retenir l’eau, mais dans les sols, pas en surface où une bonne part va s’évaporer par fortes chaleurs, affirme l’hydrogéologue Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS et vice-président du Groupe scientifique de réflexion et d’information pour un développement durable et de l’association Preva (Protection de l’entrée des volcans d’Auvergne). Des études récentes ont conclu que les pertes sur les lacs de l’Ouest américain peuvent atteindre 20 % à 60 % des flux entrants, c’est considérable. D’autres, réalisées en Espagne, ont conclu que dans les régions les plus équipées de barrages, les sécheresses sont deux fois plus intenses et plus longues. »

Les retenues d’eau assèchent les tronçons de rivières situés en aval, détruisent les écosystèmes, noient les zones humides. La problématique est la même pour les grandes bassines, explique-t-il en substance. « C’est donc une hérésie totale de faire passer les ressources en eau souterraines en surface au profit de seulement 6 % des terres équipées pour être irriguées », conclut-il.

Son point de vue est partagé par nombre d’hydrologues. Ainsi Florence Habets, chercheuse en hydrométéorologie (directrice de recherche CNRS et professeure attachée à l’Ecole normale supérieure) déclarait-elle au Monde, à l’été 2019 : «Le moyen le plus efficace de garder la ressource hydrique, ce sont les nappes et les sols qui se gorgent de volumes conséquents et les transfèrent vers le sous-sol. Augmenter nos capacités de stockage avec l’idée que nous pourrons poursuivre les mêmes activités, les mêmes cultures aux rendements fantastiques, est un leurre (…). En outre, le remplissage de ces infrastructures en automne peut contribuer à augmenter la durée des pénuries.»

Chaque année, sécheresses et canicules se répètent désormais. Chaque année, nous avons droit aux mêmes éléments de langage de la part de certains experts et médias. Nous avions déjà exprimé l'an passé notre irritation face à la manière dont les choses sont présentées.


Cette carte de l'Observatoire national des étiages (Onde) montre les rivières sans écoulement visible (orange) ou à sec (rouge) en juillet 2020.


Les chercheurs Inresta et Onema ont produit entre 2013 et 2016 une synthèse sur les effets cumulés des retenues (Carluer et al 2016). L'une de leurs principales conclusions est que le sujet est aujourd'hui très mal traité par la recherche en dehors du cas particulier des grands barrages-réservoirs. On manque des données physiques de mesure (rétention, infiltration, évaporation) sur les différents types de retenues, de géologie et d'hydrologie. A dire vrai, on ne sait même pas combien de plans d'eau sont présents sur les territoires, car la directive cadre européenne et son interprétation française les ont fait disparaître du radar (Touchart et Bartout 2020).

Le schéma suivant, extrait de cette expertise de 2016, rappelle que les retenues ont aussi un rôle d'infiltration de l'eau vers les sols et les nappes, ce qui est encore plus vrai quand ces retenues dérivent des canaux (servant à l'irrigation, l'énergie, l'agrément selon les cas) et donc multiplient les occasions d'échange hydrologique.



Si le but est de stocker et répartir (en surface, en sol, en nappe, en croissance végétale) les eaux excédentaires de l'autonome au printemps pour affronter de la meilleure manière possible les étés, comment les réseaux de retenues et de canaux peuvent-ils être jugés inutiles? Pourquoi réduire la question à la sécheresse agricole - certes, première cause de consommation d'eau en été -, alors que la sécheresse hydrologique a aussi comme enjeu la présence locale d'eau partout pour le vivant et pour la société? Les poissons des petites rivières et leurs riverains, les villages traversés par des biefs, les étangs et leurs habitants n'ont-ils pas eux aussi droit à la considération?

Voici 2 ans, huit scientifiques ont fait tourner des modèles climatiques et hydrologiques pour analyser la possible évolution des sécheresses au 21e siècle, en distinguant la sécheresse météorologique (défaut de précipitations), la sécheresse agricole (sols secs), la sécheresse hydrologique (baisse des nappes et débits). Leur travail (encore provisoire car les modèles doivent s'améliorer) montre que les épisodes de sécheresses devraient globalement s'aggraver dans la plupart des régions du monde, surtout aux latitudes moyennes comme la France et l'Europe. Plus on émet de gaz à effet de serre, plus l'impact sera fort: la prévention par transition énergétique est donc déjà une première nécessité. Les auteurs montrent aussi que l'on peut conjurer les sécheresses agricoles, mais au risque d'aggraver les sécheresses hydrologiques si l'usage de l'eau est localement excessif, notamment pour l'irrigation. Il devient donc indispensable d'avoir une vue précise de la ressource en eau de chaque bassin et de ses connexions à l'aval, tant pour les besoins de la société que pour la préservation des milieux aquatiques (Wan et al 2018).

Des travaux récemment parus montrent que la préservation des retenues de moulins, d'étangs ou de plans d'eau a des intérêts pour la gestion de l'eau. Or ces milieux sont aujourd'hui détruits et asséchés au nom d'une continuité écologique exigeant que toute l'eau passe dans le lit mineur et ne soit plus retenue, même si cela élimine des milieux aquatiques et humides en place comme des plans d'eau ou des canaux. Le résultat est souvent la discontinuité hydrique en été, avec des lames d'eau faibles offrant peu de refuge au vivant, voire des assecs éliminant toute vie aquatique.

Deux chercheurs de l'université d'Aix-la-Chapelle montrent que l'implantation millénaire des moulins à eau a modifié progressivement la morphologie des lits mineurs et majeurs des rivières de plaine d'Europe occidentale. Dans ce type de cours d'eau, la suppression des ouvrages de moulin (chaussées, écluses, déversoirs) conduit à des incisions de lit mineur, à des moindres débordements en lit majeur d'inondation (donc des assèchements), à des transferts de sédiments plus fins (plutôt jugés néfastes en colmatage de fond) (Maaß et Schüttrumpf 2019).

Une étude de quatre chercheurs de l'université d'Orléans sur un site à étang artificiel et zone humide naturelle du Limousin montre que le bilan hydrique d'un étang en terme d'évaporation est meilleur que celui de la zone humide. Les scientifiques soulignent que leur observation va à l'encontre des discours tenus par certains gestionnaires publics de l'eau, qui militent aujourd'hui pour la destruction des retenues et canaux au nom de la continuité écologique, de la renaturation ou du changement climatique (Al Domany et al 2020).

Deux chercheurs polonais ayant étudié l'effet morphologique, sédimentaire et hydrologique de moulins présents depuis 7 siècles sur une rivière notent que leur abandon s'est traduit par une perte de la capacité de rétention locale d'eau dans les nappes et de la rétention globale d'eau de surface dans le bassin versant (Podgórski et Szatten 2020).

Dix chercheurs européens ont tiré la sonnette d'alarme : les milieux aquatiques et humides anthropiques (d'origine humaine), qui représentent 90% des plans d'eau et 30% des surfaces en eau de l'Europe, ont été purement et simplement effacés du radar de la directive cadre européenne sur l'eau et de sa mise en oeuvre par chaque pays. Or, quoique créés par les humains, ces milieux ont des effets sur les cycles biogéochimiques, sur les services écosystémiques et sur la biodiversité (Koschorreck et al 2020).

Dans une récente revue, trois chercheurs soulignent que les besoins en eau des sociétés ont peu de chance de décroître à horizon prévisible, et que chaque bassin se retrouve confronté à la question d'un stockage optimal de l'eau (Eriyagama et al 2020). Cette optimalité concerne la forme des stockages, pouvant être concentrée/centralisée ou au contraire plus ou moins distribuée:



L'optimalité exige aussi de prendre en compte ensemble les dimensions écologiques, sociales et économiques des choix démocratiques :


De tels travaux sont nombreux (lire les textes référencés en bas de cet article). On en vient donc à se demander : est-ce au nom d'une idéologie, ou d'un pouvoir bureaucratique, que certains dénigrent les retenues d'eau? Quand vague de chaleur après vague de chaleur les milieux aquatiques français seront asséchés, tandis que l'administration aura bloqué les projets de retenues et détruit celles qui existent au nom du dogme de  la continuité prétendument "écologique", ces acteurs prendront-ils la responsabilité de leurs propos?

La question de l'eau est cruciale pour le vivant, avec un grand nombre d'espèces de milieux aquatiques et humides déjà sous pression, en état vulnérable. Elle est cruciale pour la société qui devra affronter des étés de plus en plus chauds et stressants. Elle est cruciale pour l'économie, dont des pans entiers sont à l'arrêt si les ressources sont taries. Il ne faut plus penser cette question selon des oppositions anciennes entre "naturel" et "artificiel" : des retenues gérées de manière écologiquement responsable, conçues ou aménagées pour ne pas entraver la circulation d'espèces qui en ont besoin, font partie des solutions. Ce n'est qu'un des outils d'une plus vaste panoplie. Mais un outil à assumer et utiliser.

Réponse à quelques idées reçues
Idée reçue #04: "Les ouvrages hydrauliques nuisent à l'auto-épuration de la rivière"
Idée reçue #09 : "Seuils, digues et barrages nuisent aux services rendus par les écosystèmes, qui demandent des rivières libres"
Idée reçue #10 : "Etangs et retenues réchauffent toujours les rivières et nuisent gravement aux milieux" 
Idée reçue #16: "L'évaporation estivale des retenues nuit fortement aux rivières"
Idée reçue #17: "L'effacement des ouvrages hydrauliques permet de s'adapter au changement climatique" 

Orientations pour une gestion durable de l'eau
Sécheresses et conditions climatiques extrêmes: les risques sont-ils correctement pris en compte dans la gestion des rivières?
Trois bilans à mener sur les bassins versants pour anticiper les crises de demain
Hausse des pluies extrêmes en France et rôle des ouvrages hydrauliques
Face aux sécheresses comme aux crues, conserver les ouvrages de nos rivières au lieu de les détruire
Le gouvernement doit cesser de négliger le rôle des plans d'eau, biefs et zones humides

12/07/2020

La France doit réviser d'urgence sa gestion de l'eau et cesser de détruire les retenues

La France métropolitaine reçoit 500 milliards de m³ d'eau apportés par la pluie et la neige, l'évaporation représente de 300 milliards de m³, 10 milliards de m³ viennent des pays voisins, soit un volume annuel total des eaux renouvelables de l'ordre de 200 milliards de m³. Or, les prélèvements en eau douce en France représentent environ 30 milliards de m3 par an, soit sept fois moins. Pourquoi, en dehors des zones arides, souffrons-nous de sécheresses à répétition, d'assecs et de restrictions? Car l'eau est mal gérée. Nous ne la retenons pas assez dans des zones humides naturelles et artificielles des bassins versants, nous bétonnons au lieu de végétaliser et d'assurer le cycle local de l'eau, les eaux urbaines sont ré-injectées vers la mer avec de surcroît des pollutions. A l'heure des risques climatiques qui seront croissants au cours du siècle, nous devons changer notre culture de l'eau, bien précieux pour le vivant et la société. Ou plutôt la retrouver, car les générations précédentes devaient déjà affronter l'incertitude faite d'excès ou de rareté selon les saisons. Nous publions ci-dessous le point de vue de l'association Culture Nature 71, qui déplore notamment l'aberration de la destruction actuelle des retenues par l'administration et de certains "écologistes" manifestement égarés dans des impasses. 



Des catastrophes imputées au réchauffement climatique pourraient être évitées par une gestion appropriée des ressources naturelles. A commencer par l'eau, le bien commun le plus précieux, garant de la vie. Et dont le cycle en relation avec le couvert végétal est un puissant régulateur du climat.

Un paradoxe qui s'accentue : trop d'eau par moment, manque d'eau à d'autres moments
L'alternance de sécheresses et d'inondations depuis 20 ans a une cause rarement évoquée : la très mauvaise gestion des précipitations ! En France métropolitaine, cela représente 503 milliards de m³ d'eau, provenant des chutes de pluie et de neige réparties sur 70 à 200 journées, selon les régions.

Cependant, une pluie même forte n'est pas un raz de marée. Depuis le 4 novembre 2019 [et jusqu'au 27 janvier 2020), La Garonne a évacué plus de 3 milliards de m3 d'eau douce vers la mer (mesure de débit effectué à Tonneins (cf vigiecrue.fr). Cela représente deux fois le volume de la consommation totale de toute la région Nouvelle Aquitaine (potable, agricole et industrie). Comment, dans ces conditions, peut-on manquer d'eau à certains moments de l'année ?

Annuellement, les rejets en mer d'eau douce par les rivières de Nouvelle Aquitaine sont supérieurs à 15 milliards de m3 ... pour une consommation totale de 1.5 milliards. Par le captage de seulement 10% des crues, il y aurait moins d'inondation; mais surtout plus jamais de déficit en eau. Les départements les plus touchés par les inondations et les fortes crues sont ceux qui étaient en manque d'eau l'été dernier.

Et c'est tout à fait logique : c'est justement parce que dans ces départements, il n'y a pas de retenue de l'eau des précipitations hivernales que les crues sont gigantesques. Et n'ayant procédé à aucune retenue d'eau l'hiver, ces mêmes départements manque d'eau en été … Consternant mais logique !

Pour réguler les crues il faut créer des bassins d'expansion et des retenues… les fameuses retenues que les DDT font détruire massivement sur toute la France (le projet est à 100 000 destructions d'ouvrage…) au nom de la continuité écologique des cours d'eau. Les inondations sont provoquées par des ruissellements sur des surfaces étanches ou saturées en eau, en captant les ruissellements le plus en amont possible des bassins versants :
on évite les inondations en aval et les pollutions de rivières dues au lessivages des sols,
on régule le débit des rivières (moins d'étiage), et
on favorise les infiltrations.

Une pluie même forte ne provoque pas d'inondations quand le ruissellement est géré le plus en amont possible des bassins versants ; c'est quand on ne régule pas que des inondations se produisent.

Depuis les années 2000 la situation hydrologique française ne fait que se dégrader : d'année en année, on cumule des restrictions d'eau de plus en plus longues, alors que la consommation d'eau (potable, agricole et industrie) ne représente que 2.5% des pluies !

2019 a été une année record : toute la France était en restriction d'eau ou en crise majeure d'approvisionnement.

La planète n'a pas perdu une goutte d'eau depuis sa création. On ne consomme pas l'eau, on l'utilise. Elle est recyclée à 100%.

Le problème n'est pas la quantité disponible mais la mauvaise gestion de l'eau : si on passe trois saisons consécutives sans rétention de l'eau de pluie, forcément, il y a inondation l'hiver et pénurie d'eau l'été.

La mauvaise gestion de l'eau par non respect des lois de son cycle
L'eau est un bien commun, la nature nous l'apporte à tous de la même façon : en surface et à domicile. Il faut appréhender correctement le rôle des surfaces d'exposition et cycle naturel de l'eau: précipitations et évaporation. Sur les continents, 70% des précipitations proviennent de l'évapotranspiration (de la végétation) et seulement 30% de l'évaporation en mer. Pas d'évaporation, pas de pluie. C'est pour cela qu'il ne pleut pas dans les déserts.

Les campagnes alimentent les nappes phréatiques alors que le béton des villes détourne massivement l'eau vers la mer via les rivières. Et, surtout, les eaux usées, une fois assainies sont également rejetées dans les rivières où elles regagnent la mer, donc sans être recyclées pour la végétation.

Nous sommes dans une situation de crise parce que l'on gère une quantité alors qu'on doit gérer un flux. La logique n'est pas du tout la même : pour avoir de l'eau, il faut entretenir le cycle à la « source » : précipitations et évaporation.

Les forets de feuillus utilisent 70% des pluies et en infiltrent seulement 30%. Comme on a défriché pour cultiver, on a coupé ce cycle l'été. En végétalisant un maximum de surfaces l'été, ce qui peut nécessiter d'irriguer, on va rétablir le cycle. A surface égale, une foret de feuillus évapore 2 à 3 fois plus d'eau qu'un simple plan d'eau ; d'où l'extrême importance de végétaliser toutes les surfaces (villes et campagnes) l'été. Les forets de conifères évaporent deux fois moins d'eau. Elles apportent deux fois moins de pluies et donc brûlent tous les étés.

Les ruissellements de surfaces provoquent des inondations, un manque d'infiltration et des pollutions. En les captant avec des réserves collinaires, on résout ces trois problèmes et on puise moins fortement dans les nappes l'été.

Les erreurs commises dans les zones urbanisées
Les grandes zones urbaines puisent l'eau dans des nappes phréatiques dont elles ont bloqué l'alimentation par l'artificialisation des sols. Elles rejettent les eaux usées, après retraitement (dans le meilleur des cas), dans les cours d'eau qui les emportent dans la mer au lieu de la ré-infiltrer ou de la recycler pour des usages non domestiques comme l'arrosage. En zones habitées, l'eau de pluie est captée pour être évacuée. Les nouvelles zones artificialisées sont aux normes, mais c'est très insuffisant.

Le code de l'environnement impose un traitement et une infiltration de tous les rejets (pluies et eaux usées pour les villes, les maisons individuelles, et l'industrie) pour ne pas perturber le cycle de rechargement des nappes phréatiques. Quand les infiltrations ne sont pas possibles, l'eau doit être recyclée pour des usages non domestiques comme l'arrosage (irrigation). Si le code était appliqué par les villes et l'industrie, les nappes ne s'épuiseraient pas.

Notre réseau de distribution d'eau potable date des années 1950. Auparavant, tout le monde faisait des réserves pour avoir de l'eau l'été. Et, si d'aventure, on manquait d'eau, on construisait des structure pouvant accueillir de nouvelles réserves … Question de bon sens!

On détruit les retenues au nom de la continuité écologique des cours d'eau. Les anciens construisaient des retenues pour avoir de l'eau et de l'énergie « propre ». On les détruit alors qu'on manque d'eau et qu'on voudrait sortir du nucléaire… Une retenue permet de réguler les crues, donc de limiter les inondations et d'améliorer les infiltrations.

Pourquoi toucher aux barrages tant qu'on n'a pas résolu nos problèmes d'eau et d'énergie ? Peut-être faudrait-il même en construire ! Si le débit de la Seine n'était pas régulé par quatre grands réservoirs (lac-réservoirs d'Amance-Aube, de Pannecière-Yonne, d'Orient-Seine et du Der-Marne), Paris serait inondée tous les hivers et en déficit tous les étés…! Les crues sont provoquées uniquement par les ruissellements et la seule façon de prévenir les crues, c'est de réguler le débit de la rivière le plus en amont possible du bassin versant avec des réserves collinaires.

Les erreurs commises dans les zones agricoles
Il faut changer de paradigme : la végétation ne consomme pas d'eau ; elle apporte des pluies. Le bilan hydrique des surfaces végétales est toujours positif. C'est pourquoi, l'eau agricole ne doit pas être intégrée à l'eau économique, parce qu'elle entretient le cycle. Couper l'irrigation c'est comme couper la pompe à eau des continents.

Dans les années 2000, on a finit par épuiser les nappes l'été. La répartition des prélèvements était la suivante : 46% agricole, 34% potable et 12% industrie. Il était facile d'accuser l'agriculture et de lui couper l'eau. Mais, ce qui aurait du rester une mesure provisoire s'est transformé en moyen de gestion de la ressource. Dès que les nappes baissent, on coupe l'irrigation sans jamais rechercher de compensation donc sans jamais résoudre le vrai problème : le détournement massif et illégal de l'eau douce par les villes non conformes au code de l'environnement.

D'après le calcul suivant : 34% + 12% = 46%, si l'eau potable et industrielle était recyclée dans les champs, on diviserait par deux les prélèvements dans les nappes phréatiques. Et, si on y ajoute l'eau qui ruisselle sur le béton des villes, on pourrait irriguer la totalité de la surface agricole utile de la région Nouvelle Aquitaine (781 000 hectares de béton qui détournent annuellement 5 milliards de m3 d'eau douce vers la mer au lieu de l'infiltrer, c'est 3 fois la consommation trois de toute la région en eau potable, à usage agricole et industriel).

Les coupures systématiques de l'irrigation, dès que les nappes baissent l'été ont ancré dans l'opinion publique, la croyance dans l'idée que l'irrigation est le problème; en occultant le fait que les villes rejettent 10 fois plus d'eau dans les rivières, et que les prélèvements agricoles représentent seulement 1% des précipitations annuelles.

Et, surtout, on oublie le fait, crucial, pour l'alimentation du cycle de l'eau que la végétation est notre pompe à eau.

Alors, effectivement, en coupant la pompe, on n'a plus de ponction dans les réserve, mais on n'a non plus de ré-alimentation de ses réserves … Si les agriculteurs avaient pu constituer des réserves l'hiver pour irriguer l'été, le détournement des villes serait passé inaperçu (hormis les problèmes de pollution). Mais comme l'irrigation a été désignée responsable des pénuries d'eau , les « écologistes » ont bloqué la construction de réserve (Sivens, Caussade, etc ..) et même poussé à la réduction de 10% par an des surfaces irriguées depuis 20 ans.

Bilan de l'opération : on s'enfonce d'année en année dans les problèmes, faute de comprendre qu'au lieu de réparer la fuite en ville on coupe la pompe dans les campagnes. Ceci a, de plus, de graves conséquences sur le climat, la biodiversité et notre sécurité alimentaire !

Les nappes phréatiques profondes sont alimentées par les nappes superficielles, elles mêmes alimentées par les pluies et c'est la végétation qui alimentent les pluies.

Le drainage de certaines surfaces agricoles ne pose pas de problème à condition que les fossés collecteurs soient raccordés à des bassins de rétentions pour utiliser l'eau l'été ou l'infiltrer dans les nappes. Les fossés ont été creusés pour capter les ruissellements et à ce titre ils ne doivent pas rejoindre les rivières ou de manière exceptionnelle.

Le cycle de l'eau comme régulateur du climat
On devrait remplacer le mot irrigation par « entretien du climat ». A surface égale, un champ irrigué l'été évapore autant d'eau qu'une foret de feuillus. Et, un champ irrigué ne pourra jamais utiliser plus d'eau l'été qu'il n'a reçu l'hiver.

Il faut savoir que la différence de température l'été entre un champ vert et un champ sec est de 20°C. Sur des millions d'hectares l'impact sur le climat est énorme. Depuis des années, la Nouvelle Aquitaine ressemble à un désert l'été pendant que les villes continuent à déverser de l'eau douce dans la mer (pour la métropole de Bordeaux, ça représente une moyenne annuelle de 1 millions de m3 par jour …de quoi irriguer 180 000 hectares).

Végétaliser et arroser l'été pour refroidir et hydrater est parfaitement normal; et, ne pas le faire pose problème. Pour cela, il faut anticiper le besoin en été et prévoir des réserves en conséquence l'hiver !

La moitié de l'énergie solaire est évacuée par l'évaporation de l'eau (entropie). Sans, la chaleur est stockée dans les sols et les canicules s'installent. Les villes commencent à comprendre qu'il faut végétaliser l'été; mais, en même temps, on laisse sécher des millions d'hectares de terres nourricières…

Le cycle de l'eau comme garant de la biodiversité et de la production alimentaire
La base de toutes les chaines alimentaires se trouve dans la biodiversité des sols. Les micro-organismes des sols sont indispensables à toute la vie sur la planète. Or, un sol sec, c'est un sol mort, c'est pourquoi il est indispensable de maintenir une couverture végétale vivante, sur les sols agricoles, l'été.

Ce principe est d'ailleurs imposé par la PAC, mais non respecté dans les pratiques, à cause d'une mauvaise gestion de l'eau. En laissant sécher les champs l'été, non seulement, on nuit gravement à notre sécurité alimentaire mais on coupe le cycle des pluies et les rivières sèchent.

Si les sols agricoles se minéralisent et se dégradent c'est par une exposition de plus en plus longue au soleil l'été. La température des sols peut monter à plus de 50°C ce qui est fatal aux micro-organismes. Ceci explique une grande partie de l'effondrement de la biodiversité; et, notamment des populations d'oiseaux qui sont insectivores. Dans le bocage de Gatine, il y a des haies, pas de labour et pas de pesticide; pourtant, la biodiversité disparait tous les étés sur des périodes de plus en plus longues. Même les éleveurs disparaissent !… Alors qu'il suffirait de pouvoir puiser dans les nappes phréatiques reconstituées par les infiltrations ou des réserves constitué par retenue des ruissellement de l'hiver. Il faut créer d'urgence les fameuses réserves collinaires évoquées par le Ministre de l'agriculture… Mais pas dans 10 ans, cet hiver !

On aura sauvé le climat et la biodiversité quand les campagnes seront vertes l'été. Nos saisons sont dictées par les forets de feuillus : les forets sont vertes l'été, il faut que nos champs le soient aussi !

Reprendre politiquement en considération le cycle de l'eau
On ne se soucie plus, au quotidien d'où vient l'eau et comment fonctionne le cycle de l'eau. On utilise l'eau, comme on consomme toutes sortes de ressources sans se soucier de leur renouvellement.

Le sujet du cycle de l'eau revient sur le tapi avec les perturbations qu'entrainent les erreurs commises dans sa gestion, comme nous venons de le voir. Le changement climatique accentue la gravité des conséquences de ces erreurs ; et, rend encore plus impératif la nécessité d'y remédier.

On ne peut pas dissocier climat, eau et biodiversité, tout est intimement lié. Pas d'eau pas de vie !

Pour trouver des leviers d'action, nous allons sortir de l'Hexagone et faire une excursion en Inde, dans la région du Rajastan, où la situation hydrique est précaire depuis bien plus longtemps qu'en France.

Lors de la colonisation par les Anglais, la gestion ancestrale, qui comprenait l'aménagement de bassins d'infiltration, a été abandonnée à la faveur de la création des réseaux de distribution d'eau et d'assainissement. Les Européens ont imposé leur technologie et leur insouciance à l'égard du cycle de l'eau.

Dans certaines régions, les nappes phréatiques sont devenues déficitaires, les cours d'eau se sont taris et les terres sont devenues progressivement arides… dans l'indifférence générale des technocrates et politiques en place. Jusqu'à ce que les populations locales, elles-mêmes, se retroussent les manches et remettent en place, avec les moyens du bord, les bassins de rétentions et d'infiltration que leurs ancêtres avaient prévus. Il a fallu un mouvement citoyen et solidaire pour rétablir en quelques années le cycle de l'eau (rechargement des nappes phréatiques superficielles et profondes, réalimentant les cours d'eau) qui a permis, à nouveau, de végétaliser les terres agricoles et rétablir leur production.

Cette gestion démocratique de la ressource en eau, c'est faite à l'insu du pouvoir en place, qui manifestement n'a ni la compétence pour animer un mouvement vraiment démocratique, ni la motivation même, car aucun prestige personnel, ni gain financier n'est à la clé.

Cette expérience est rapportée par Bénédicte Manier, journaliste dans son livre «Un million de révolutions tranquilles», paru en 2012 aux éditions Les Liens qui Libèrent. Cette expérience peut nous inspirer, si nous voulons nous agir pour la gestion des biens communs, dont l'eau, source de toute vie en est l'emblème.

Yves Robert et Denise, association Culture Nature 71

Illustrations : les béalières de l'Ardèche, source et droits Noz Infos. Le nom de ces systèmes d'irrigation traditionnelle vient du gaulois Bedul, qui a aussi donné le bief en langue d'oil. Ces petits canaux sillonnant les collines sont abreuvés par les eaux de pluie ou de rivière.

25/06/2019

Identifier, protéger, gérer les habitats aquatiques et humides du moulin

Les moulins ont des habitats associés à leur fonctionnement: retenue, canaux et rigoles, zones humides annexes. Il y a aussi de nombreux micro-habitats comme par exemple des embâcles en décomposition, des caches racinaires en pied d'arbre, des roselières ou des cariçaies. Les moulins anciens en tête et milieu de bassin se sont parfois partiellement "renaturés" avec le temps, offrant des profils originaux. A l'heure de la crise de la biodiversité, il est important pour les propriétaires de se sensibiliser à l'existence de ces milieux et de réfléchir à leur bonne gestion. Il est aussi possible de profiter de la circulation de l'eau pour créer de nouveaux habitats, comme par exemple des mares en dérivation de bief ou en zone alimentée par la recharge de nappe. Pour qui y prend garde, toute une faune d'insectes, amphibiens, mollusques, crustacés, poissons, oiseaux, mammifères pourra profiter de la présence de l'eau et de la végétation souvent luxuriante de berge, avec d'autant plus de diversité qu'on laissera de la place pour des habitats variés, tantôt permanents tantôt intermittents. Si le moulin se définit d'abord par les besoins de gestion hydraulique, parfois au bénéfice de l'énergie exploitée sur le site, les nouveaux enjeux de la biodiversité peuvent le conduire à développer aussi une gestion écologique et morphologique des eaux qui traversent la propriété. Ainsi, le moulin s'inscrit dans la durée comme un patrimoine vivant... dans tous les sens du mot!

Identifier des espèces n'est pas toujours facile, mais cartographier des habitats est davantage à portée. Cela forme une première étape pour réfléchir à la gestion de son bien. La planche ci-dessous donne quelques exemples d'habitats d'un moulin en tête de bassin du Morvan.


Si votre moulin (ou étang) est situé en Bourgogne Franche-Comté et que vous êtes intéressé par un travail en réseau sur la gestion de la biodiversité au droit des ouvrages hydrauliques, contactez-nous. Avec nos consoeurs de la région, nous commençons à mettre en commun des observations, mutualiser des bonnes pratiques, définir des méthodes d'inventaire, améliorer l'engagement des moulins et étangs pour la protection du vivant.

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Et si votre moulin devenait un refuge LPO pour les oiseaux? 

23/06/2019

Des chercheurs appellent à revoir les méthodes de la gestion écologique des rivières

La gestion écologique des rivières au 20e siècle consistait le plus souvent à s'inspirer des fonctionnements et peuplements antérieurs pour essayer d'y revenir, en supposant possible le retour à l'état d'origine avant perturbation, et considérant comme suffisant cet objectif. Mais avec le changement climatique imposant des conditions nouvelles, parfois extrêmes, de débit et température, ce paradigme entre en crise, préviennent neuf chercheurs dans la revue scientifique internationale Nature. Nous devons aujourd'hui apprendre à gérer les rivières à l'âge Anthropocène pour éviter l'effondrement de leurs populations et la ruine de services écosystémiques rendus aux humains. Cette gestion adaptative peut inclure les instruments nés de l'exploitation de la rivière, comme les barrages permettent de réguler débits et réserves d'eau. Ce qui pose question : avec son objectif de disparition du maximum d'ouvrages et retenues au nom de la continuité en long et de la préférence aux habitats originels plutôt qu'anthropisés, la gestion publique française est-elle en retard d'une guerre en période de changement climatique? 


Mort en masse de poissons dans des canicules et sécheresses en Australie, Allemagne, Suisse, Espagne... l'actualité commence à donner quelques aperçus de ce que signifie le changement climatique pour la variation future des débits. Ce qui reste aujourd'hui exceptionnel pourrait devenir la norme en 2050. Et s'aggraver même ensuite, impliquant des changements majeurs dans les deux paramètres directeurs des écosystèmes de rivière: le débit et la température.

Jonathan D. Tonkin, N. LeRoy Poff et sept collègues publient dans la revue scientifique Nature une tribune alertant les gestionnaires de rivière sur les implications des prédictions climatiques.

Leur constat : l'idée qu'il faut simplement revenir à l'idée d'origine de la rivière n'est plus valable. "Que doivent faire les gestionnaires de rivière? Ils ne peuvent plus utiliser des outils anciens: des techniques de gestion conventionnelles visant à restaurer les écosystèmes dans leur état d'origine. Le développement humain en cours et le changement climatique font que ce n’est plus possible. Et les modèles fondés sur les corrélations passées ne permettent guère de prédire comment les espèces pourraient réagir dans le futur à des changements sans précédent. Une approche différente s'impose."

En lieu et place d'une tentative de restauration de profils et peuplement antérieurs de rivière, les chercheurs préconisent une gestion adaptative : "Afin de maintenir les réserves d'eau et d'éviter des effondrements dévastateurs de population, les rivières doivent être gérées de manière adaptative, ce qui améliore leur résilience et limite les risques. Les chercheurs doivent également mettre au point de meilleurs outils de prévision permettant de prévoir comment les espèces clés, les stades de la vie et les écosystèmes pourraient réagir aux changements environnementaux. Cela signifiera aller au-delà du simple suivi de l'état des écosystèmes pour modéliser les mécanismes biologiques qui sous-tendent leur survie."

Sont cités en exemple la gestion fine des débits pour assurer la germination (dépendante du débit) des peupliers indigènes (Populus spp.) des Etats-Unis en raison de leurs services rendu ou  l'assistance à traverser l'étape critique pour le stade juvénile du saumon coho (Oncorhynchus kisutch) que forment les sécheresses estivales.

Quatre étapes pour construire la gestion des rivières
Pour les scientifiques, une démarche en quatre étapes s'impose afin de parvenir à accompagner les changements hydro-climatiques.

"Recueillir des données sur les mécanismes. Nous appelons à une nouvelle campagne mondiale pour rassembler des données d'histoire naturelle sur les réponses de la biodiversité aux changements du débit des rivières. Les estimations de la fécondité et de la survie à différents stades de la vie nécessiteront une surveillance sur le terrain. D'autres informations, telles que les taux de mortalité induite par les débits, pourraient être recueillies par le biais d'expériences sur le terrain et en laboratoire. Les données provenant de différentes sources peuvent également être combinées, notamment les caractéristiques des espèces, l'abondance de la population à tous les stades de la vie et les données de télédétection sur l'état des écosystèmes à des échelles plus larges. Nous exhortons les agences locales, nationales et fédérales, ainsi que les chercheurs, les organisations non gouvernementales et d'autres organismes, à mettre à disposition les données existantes.

Décrire les processus clés dans les modèles. Les scientifiques doivent mieux articuler les relations entre la dynamique de la population et les schémas d'écoulement de l'eau dans des modèles basés sur des processus. Par exemple, les modèles doivent décrire le degré de reproduction ou de survie des plantes à différents stades de leur vie lors d'inondations ou de sécheresses, les conditions et le moment d'écoulement nécessaires au poisson pour se reproduire ou les taux de croissance des populations d'insectes après des inondations de tailles différentes. Les résultats doivent être clairement exprimés pour que les gestionnaires de rivière et les décideurs puissent les comprendre et les utiliser.

Se concentrer sur les goulots d'étranglement. Des interventions ciblées visant à éviter l'effondrement des populations lors d'écoulements extrêmes constitueront la pierre angulaire de la gestion des rivières pour leur résilience à l'avenir. En conséquence, les gestionnaires de barrages devraient se concentrer sur les étapes de la vie les plus vulnérables ou les plus sensibles, et pas seulement sur l'abondance de la population. Malheureusement, à mesure que les conditions extrêmes de débit se généraliseront, les scientifiques et les gestionnaires pourront observer les dépérissements et calibrer les modèles.

Préciser l'incertitude. Le niveau de confiance des gestionnaires dans les résultats des modèles influera sur leur volonté de faire face à divers niveaux de risque. Les prédictions devraient donc quantifier le niveau de confiance que l'on peut leur accorder. Les scientifiques doivent présenter clairement les incertitudes des prévisions. Les modèles doivent être testés par analyse rétrospective (prédire la taille passée ou présente de la population, par exemple), et les incertitudes du modèle doivent être retracées des données d'entrée jusqu'aux résultats. Les lacunes dans les connaissances qui compromettent le plus la précision doivent être identifiées. Les modèles doivent être régulièrement mis à jour, testés et améliorés à mesure que de nouvelles données arrivent."

Notre association ayant régulièrement déploré le manque de disponibilité de données et d'utilisation de modèles dans la gestion des rivières, nous ne pouvons que nous féliciter de cette mise en avant du problème dans une revue très influente. Une certaine prudence s'impose toutefois concernant la modélisation, comme les auteurs le rappellent en insistant sur les incertitudes : elle reste très complexe à mettre en oeuvre pour l'évolution du vivant, domaine où les contextes locaux, les perturbations aléatoires, les capacités adaptatives endogènes de chaque espèce et les interactions espèce-espèce espèce-milieu en quantités rapidement "explosives" jouent un rôle prépondérant.

Concernant les politiques menées en France, on peut faire les remarques suivantes :
  • la doctrine opposant "l'état de référence" passé d'un cours d'eau à son état présent n'a guère de sens en écologie si les prédictions des modèles climatiques sont correctes et si les conditions aux limites du vivant aquatique changent de manière importante;
  • une gestion adaptative suppose de disposer des outils de gestion, notamment tout ce qui régule le débit et la rétention d'eau dans les bassins. Casser aujourd'hui ces outils (en effaçant des barrages et vannes) au lieu de les adapter (par des dispositifs de montaison-dévalaison), c'est se priver  de leur potentialité et d'une liberté d'action future;
  • le souci de l'environnement, l'expérimentation dans les méthodes et l'agilité dans la gestion des rivières gagneraient à faire des propriétaires et gérants d'ouvrages hydrauliques des alliés de ces enjeux importants pour le vivant et pour la société, plutôt qu'à diviser sur des approches passées, voire dépassées.

Référence : Tonkin JD et al (2019), Prepare river ecosystems for an uncertain future,
Nature 570, 301-303 (2019)

Illustration: Jsayre64, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0.

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