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13/01/2023

Etangs, pesticides et effets épurateurs des retenues (Le Cor 2021)

La très intéressante thèse de François Le Cor, consacrée à l'étude des pesticides et de leurs produits de transformation dans l'eau des têtes de bassin versant, particulièrement dans les systèmes d'étangs, a été publiée en ligne. Ce travail confirme que les retenues d'eau ont un pouvoir épurateur vis-à-vis des intrants chimiques indésirables. Tout le contraire de ce qui avait été affirmé par certains acteurs publics (agences de l'eau, OFB, syndicat de rivières) sur la soi-disant capacité d'auto-épuration de la rivière par destruction de ses ouvrages hydrauliques et de ses retenues. Cette manipulation flagrante de l'opinion dans les années 2010 avait contribué à miner la crédibilité des politiques de continuité écologique, fondées sur la négation de tout intérêt des ouvrages et sur la survalorisation des effets positifs de leur disparition.  


Résumé de la thèse
"L’utilisation des produits de protection des plantes (PPP) dans les systèmes agricoles conventionnels depuis les années 1960 a conduit à une large contamination des écosystèmes aquatiques. Des travaux récents ont mis en évidence un transfert de PPP depuis les parcelles agricoles vers les cours d’eau de tête de bassin versant (BV) ainsi que vers les plans d’eau qui ponctuent ces réseaux hydrographiques: les étangs. En aval de ces derniers, les concentrations en PPP dissous mesurées étaient significativement plus basses qu’en amont, traduisant un effet tampon de ces systèmes lentiques.

Dans le cadre des travaux de thèse présentés, nous nous sommes fixés pour objectif d’apprécier, d’une part, l’occurrence des PPP au sein de ces masses d’eau de tête de BV, et, d’autre part, de leurs produits de transformation (TP). Ensuite, nous nous sommes attachés à déterminer l’abattement des PPP et TP par l’étang dans les fractions dissoutes et particulaires. En complément, le suivi de la contamination de différentes matrices environnementales (i.e. eau, sédiments, ichtyofaune) au sein de l’étang a été entrepris dans l’objectif d’apporter des éléments d’appréciation des processus susceptibles d’intervenir dans cet abattement. La mise en place de stations de prélèvement asservies au volume en entrée et en sortie d’étang de barrage a permis un échantillonnage exhaustif des masses d’eau de tête de BV durant un cycle piscicole complet. Ensuite, le suivi mensuel des compartiments sédimentaires et aquatiques, ainsi que l’échantillonnage en début et fin de cycle piscicole des poissons produits, ont permis d’apprécier les contaminations des différentes matrices sélectionnées. La méthodologie analytique mise en œuvre, basée sur la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem a permis la recherche de composés d’intérêts, en lien avec les traitements réalisés sur le bassin versant, dans les différentes matrices échantillonnées.

Ces travaux de thèse mettent en évidence l’occurrence des PPP et de certains TP dès la base du réseau hydrographique. Les échantillons d’eau récoltés attestent de la présence a minima de cinq composés différents par échantillon, à des concentrations maximales cumulées pouvant atteindre 27 µg/L en amont. Les TP représentent plus de 50 % des composés détectés. En aval de l’étang, les concentrations maximales (2,2 µg/L) ainsi que le nombre de composés détectés sont atténués. Le suivi annuel des volumes d’eau ainsi que des quantités de matières en suspension a permis de réaliser un bilan des flux amont/aval des contaminants, mettant en avant l’abattement de 74,2 % des quantités globales en PPP et TP. L’exploration des compartiments intra-étang met en évidence la présence majoritaire des TP dans la colonne d’eau et, selon les molécules, la diminution de leur concentration moyenne au cours du cycle piscicole avec des maximums observés lors des premières précipitations qui font suite aux périodes d’épandage sur les parcelles agricoles. De même, dans les sédiments, certains PPP et TP présentent des diminutions significatives de leurs concentrations moyennes au cours de ce cycle. Enfin, nous avons mis en évidence l’accumulation de prosulfocarbe chez trois espèces de poisson d’étang (C. carpio, S. erythrophthalmus et T. tinca) pendant le cycle piscicole, en lien avec la contamination constatée dans les sédiments de l’étang au cours de l’année.

Les résultats obtenus fournissent des données de référence sur l’occurrence des PPP/TP dans différentes matrices environnementales en tête de BV. Une réduction des concentrations en PPP an aval de l’étang a été confirmée. Ce travail de thèse a permis de mettre en évidence que cet abattement est observable aussi bien pour les formes dissoutes que particulaires des PPP étudiés mais également pour leurs TP dont l’occurrence s’est avérée déjà conséquente en amont de l’étang."

Référence : Le Cor François (2021), Etangs et qualité des cours d’eau de têtes de bassins versants agricoles : impact sur le devenir des pesticides et leurs produits de transformation, thèse doctorale, Université de Lorraine, École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

16/12/2022

La LPO ne laissera pas assécher l'étang du Pont de Kerlouan au nom de la continuité écologique

Le dogme de la continuité écologique des rivières conduit partout en France à assécher des étangs, des plans d'eau, des canaux et leurs marges humides, au nom du retour à une hypothétique "naturalité". Mais dans les faits, cela concerne des milieux en place depuis des décennies à des siècles, ayant été colonisés par le vivant et présentant parfois de l'intérêt pour la faune et la flore. En Bretagne, la tentative de destruction de l'étang du Pont de Kerlouan vient de rencontrer l'opposition de l'antenne locale de la LPO, qui souligne la présence de 112 espèces d'oiseaux dont 57 patrimoniales et 36 protégées. Le bureau d'études en charge de certifier l'intérêt du projet pour la biodiversité n'avait curieusement rien vu... Mais pour un site étudié par des amoureux des oiseaux, combien d'autres plus modestes ont été négligés et condamnés au terme d'une instruction bâclée et à charge?  



Les défenseurs du site soulignent ses multiples intérêts (source). 

Depuis quelques années, un projet d'imposition de la continuité écologique est porté sur le ruisseau du Quillimadec, à hauteur de l'étang du Pont sur la commune de Kerlouan, malgré l'avis négatif de nombreux riverains attachés au site (voir cet article de 2021 et la pétition des citoyens). 

Aujourd'hui, les protecteurs de l'étang et de ses marges humides viennent de trouver un allié de poids : la ligue de protection des oiseaux.

Nous publions ci-après un extrait de la lettre de la LPO à la Communauté Lesneven Côtes des Légendes, porteur du projet.

"Datant probablement du 19ème siècle, l'étang du Pont a été créé sur le cours d'eau du Quillimadec. Les ouvrages hydrauliques situés en aval de l'étang, liés à l'histoire du site et l'activité meunière, entravent aujourd'hui la libre circulation des poissons et des sédiments. Identifié comme cours d'eau à intérêt pour les grands migrateurs, l'enjeu actuel imposé par la DCE1 est de rétablir la continuité écologique du Quillimadec. Le bureau d'études SINBIO, missionné sur ce dossier a rendu son rapport et présenté 5 scénarios et ses variantes pour répondre à l'enjeu précité. La majorité des acteurs consultés se sont positionnés en faveur du scénario 1 présenté par le bureau d'études SINBIO, soit l'effacement de l'étang et le reméandrage du cours d'eau ; choix validé par les élus communautaires en octobre 2021 d'après la presse.

Il s'avère en effet que dans de nombreux cas d'étangs sur cours d'eau, ce choix technique est pertinent pour de multiples raisons que la LPO Bretagne partage. Cependant dans le cas de l'étang du Pont, il nous apparaît que les conséquences de ce scénario sur la biodiversité n'ont pas été correctement évaluées. Nous faisons en effet le constat que le dossier ne prend pas suffisamment en compte les implications du projet sur les milieux naturels impactés et sur l'ensemble des espèces présentes. Or, le site concentre de forts enjeux pour l'avifaune nicheuse et migratrice, qui semblent avoir été totalement oubliés.

Les études naturalistes réalisées par Bretagne Vivante ont ainsi démontré que le site de l'Étang du Pont est un « site original et attractif en l'état pour les oiseaux». Sur la période 2019-2020, 112 espèces d'oiseaux ont été recensées sur le site dont 57 patrimoniales ou indicatrices et 36 autres intégralement protégées.

Il est donc absolument nécessaire que le projet intègre à sa réflexion les enjeux liés à l'avifaune nicheuse, laquelle comporte notamment un cortège très spécifique d'oiseaux paludicoles, présentant des enjeux de conservation (espèces inféodées aux étendues de roselières, cariçaies, mégaphorbiaies), mais aussi les enjeux liés à l'avifaune migratrice et hivernante, très riche et originale sur le site, et qui exploite les surfaces de vasière et d'eaux peu profondes.

La restauration du lit naturel du cours d'eau, telle que prévue, bouleverserait les habitats naturels en place, et de fait, les cortèges faunistiques associés. Ce phénomène n'est pas décrit dans le dossier.

Par ailleurs, il est constaté que le projet d'effacement de l'étang s'accompagne de la création de mares, qui vise à recréer des niches écologiques intéressantes. Cependant, cette mesure condui­rait à un fractionnement des habitats naturels dont dépendent des espèces à enjeux de conserva­tion aujourd'hui présentes. Certaines de ces espèces à enjeux de conservation ne se reporteront pas sur les espaces humides plus petits et moins homogènes que sont les mares. Par ailleurs la pérennité de ces mares n'est pas garantie, elles seront très vite colonisées par le saule et natu­rellement comblées en quelques années. La création de mares ne compenserait donc pas les ha­bitats humides en place aujourd'hui, et conduirait à un appauvrissement et à une banalisation du milieu naturel.

On ne peut donc pas résumer le scénario 1 à « un gain de biodiversité », comme cela est présenté actuellement, car il convient de bien considérer la perte des habitats occasionnée pour de nom­breuses espèces protégées. La LPO Bretagne craint donc au contraire que ce projet, en l'état, soit facteur d'une baisse notable de biodiversité sur le site.

Il est en outre à noter que lors d'échanges que nous avons partagés avec des riverains, il semble­ rait que toutes les pistes n'aient pas été explorées à ce jour: la restauration du lit mineur, l'exis­tence d'une échelle à poissons à réhabiliter, la piste d'entretien de l'étang par pompage dans un puits à sédiments avant l'exutoire, etc..

C'est pourquoi, au regard des éléments énoncés en substance, la LPO Bretagne demande à relan­cer le débat avec l'ensemble des acteurs afin de trouver une issue technique qui n'oppose surtout pas la faune piscicole et l'équilibre de la rivière à l'avifaune. Elle alerte par ailleurs le porteur de projet et les autorités sur la nécessité de déposer une demande de dérogation espèces protégées dans l'hypothèse où le scénario 1 serait mis en œuvre et de présenter le cas échéant des mesures d'évitement, de réduction et/ou de compensation."

Commentaire
Le déni de l'intérêt des milieux aquatiques et humides créés par les ouvrages hydrauliques est un véritable scandale public, qui a déjà abouti à la disparition de milliers de sites dans la plus grande indifférence des services officiels de la biodiversité. 

Partout en France, on a détruit et asséché des retenues, de plans d'eau, des canaux, parfois vieux de plusieurs siècles, sans aucune étude sérieuse de leur biodiversité aquatique et terrestre. Tout cela au nom de deux dogmes qui dominent trop souvent les instructions : un milieu artificiel ne peut pas être intéressant par principe (position de nombreux agents instructeurs de l'OFB et de techniciens de syndicats de rivière); l'enjeu essentiel est censé être le retour à des rivières lotiques pour des poissons de milieux lotiques (position de diverses fédérations de pêche qui prétendent monopoliser la définition des milieux d'intérêt, en particulier en zone salmonicole). 

Nous avons maintes fois alerté les services de l'Etat, diffusé des dossiers montrant que des chercheurs soulignent la nécessité d'étudier la faune et la flore des habitats anthropiques avant d'intervenir. En vain dans la plupart des cas. Notre association est toujours en contentieux concernant la destruction de l'étang de Bussières, en Bourgogne, malgré l'intérêt de ses habitats et la présence d'espèces patrimoniales.

Désormais et fort heureusement, le conseil d'Etat a rétabli la nécessité de l'étude d'impact et de l'enquête publique avec d'imposer des solutions perturbant un site. Nous appelons évidemment tous les citoyens à recenser l'ensemble des services écosystémiques associés aux plans d'eu et canaux, ainsi qu'à inventorier leur faune et leur flore pour répondre au déni des services instructeurs et de certains lobbies.

10/12/2022

Pas de politique de stockage et de gestion de l’eau sans progrès des connaissances et sans intégration de tous les acteurs concernés

Alors que le Sénat publie un rapport sur la question du stockage de l'eau, notre association constate deux problèmes de gouvernance. D'une part, il existe entre 500 000 et 1 million de plans d'eau d'origine humaine qui sont très mal connus aujourd'hui, peu étudiés au plan scientifique et pluridisciplinaire, négligés par l'administration de l'écologie car leur origine artificielle fait présumer qu'ils seraient sans intérêt, voire qu'ils devraient être détruits et asséchés. D'autre part, les propriétaires et gestionnaires des ouvrages et sites concernés ne sont pas associés de manière permanente aux politiques publiques et aux instances de réflexion, ce qui a conduit à des échecs de certaines de ces politiques, comme dans le cas de la continuité écologique. Le problème sera le même demain sur la gestion quantitative et qualitative des plans d'eau pour la société et le vivant. Nous appelons les représentants politiques et administratifs à changer de vision et à admettre que la gestion future de l'eau pour de multiples usages doit intégrer cette réalité aussi massive que niée.


Notre association salue le rapport sénatorial de prospective Comment éviter la panne sèche ? huit questions sur l'avenir de l'eau en France, rendu public ce jour. 

Parmi les nombreux points soulevés dans ce travail, on trouve la question des outils actuels de stockage et régulation de l’eau. En particulier les petits ouvrages hydrauliques, bien moins connus que les grands réservoirs dont la gestion est souvent publique.
 
Il existe aujourd’hui 50 000 à 70 000 moulins à eau en lit mineur, 200 000 à 250 000 étangs en lit mineur ou majeur, 500 000 à 700 000 plans d’eau de toutes dimensions en lit majeur.

Ces réalités sont très anciennes puisque le stockage et usage d’eau a commencé dès l’Antiquité et s’est accéléré à partir du Moyen Âge. D’autres ouvrages ont été bâtis au 20e siècle, en particulier avant la loi de 1992 qui a davantage réglementé la création de plans d’eau.

Même si ces plans d’eau (et canaux) sont de petites dimensions, leur grand nombre fait qu’ils représentent un volume d’eau considérable pour la société, l’économie et le vivant.

Problème n°1 : défaut de connaissance
Hélas, cette réalité est encore peu traitée du point de vue de la connaissance. Un inventaire national des plans d’eau est en cours de constitution et sa première version sera rendue publique en 2023. Il existe un référentiel des obstacles à l’écoulement (ROE) pour les ouvrages en lit mineur, avec déjà plus de 100 000 entrées. 

Cependant, la réalité derrière les nomenclatures administratives n’est pas analysée sérieusement. L’objectif quasi unique du gestionnaire public a été la continuité écologique en long sur les ouvrages en lit mineur, alors que la science a démontré que des dizaines de services écosystémiques sont associés aux plans d’eau (et aux canaux parfois annexes des plans d’eau), en particulier : 
  • Régulation des crues et sécheresses
  • Biodiversité de milieux lentiques et humides
  • Zone refuge en étiage
  • Dépollution des intrants et auto-épuration
  • Production d’énergie, pisciculture
  • Adaptation au changement climatique par îlot de fraîcheur
  • Réserves incendie très réparties
  • Agréments culturels, paysagers et de loisirs

Problème n°2 : défaut de représentation et concertation
A la carence de connaissances s’ajoute le problème du défaut de représentation institutionnelle.

Aujourd’hui, ces ouvrages ne sont pas représentés de manière permanente au comité national de l’eau, aux comités de bassin des agences de l’eau, ni parfois dans les enquêtes parlementaires sur les thèmes les concernant. 

C’est la raison pour laquelle la réforme de continuité écologique en long s’est très mal passée, ayant été conçue sans travail sérieux avec les premiers concernés pour envisager sa faisabilité et son acceptabilité. Le problème sera le même pour la politique de gestion quantitative et qualitative de l’eau. 

Nous demandons en conséquence une double évolution des pratiques :
  • Une politique d’acquisition de connaissances sur la diversité des plans d’eau, leurs services écosystémiques et leurs dimensions d’intérêt pour les politiques de l’eau, en vue non de les faire disparaître au nom de la « renaturation » ou de la « continuité », mais de les valoriser et de les associer aux objectifs d’intérêt général,
  • Un élargissement des instances de réflexion et concertation de l’eau aux acteurs représentant les ouvrages hydrauliques concernés (moulins, étangs, canaux,  plans d’eau).
A lire sur ce thème

19/11/2022

Les habitats aquatiques humains et la conservation des moules d’eau douce (Sousa et al 2021)

Des chercheurs ont passé en revue la littérature scientifique et documenté que les habitats anthropiques (retenues, canaux, plans d’eau) pouvaient servir à plus de 200 espèces de moules d’eau douce, dont 34 espèces menacées sur les listes rouges de l’UICN. Mais ces habitats ont un intérêt dépendant de leur gestion : parfois ils peuvent devenir des pièges écologiques si leurs manoeuvres hydrauliques ou leurs abandons produisent des détériorations de milieux ou des mortalités. Les chercheurs soulignent qu’il est devenu urgent de documenter systématiquement les peuplements des habitats aquatiques d’origine humaine, ainsi que de travailler à des règles d’aménagement et gestion favorables au vivant. C’est la position de notre association. Et ce qui est dit ici des mollusques concerne aussi bien les invertébrés, les poissons, les amphibiens, les oiseaux, les mammifères… Sortons au plus vite de l’opposition stérile entre naturel et artificiel qui conduit à négliger une part importante des milieux aquatiques et humides, voire à assécher ces milieux en dehors de toute précaution et réflexion. 

Exemple d’habitats anthropiques colonisés par les moules d’eau douces : biefs de moulins à eau, canaux d’usine ou d’irrigation, étangs et plans d’eau…. Extrait de Sousa et al 2021

Trente-six spécialistes de la conservation des moules d’eau douce viennent de publier une synthèse sur les connaissances concernant le rôle des habitats anthropiques.

Voici le résumé de leur étude : 
«Les habitats anthropiques d’eau douce peuvent offrir des perspectives sous-évaluées de conservation à long terme dans le cadre de la planification de la conservation des espèces. Cette question fondamentale, mais négligée, nécessite une attention particulière compte tenu de la vitesse à laquelle les humains ont modifié les écosystèmes d’eau douce naturels et des niveaux accélérés de déclin de la biodiversité au cours des dernières décennies. Nous avons compilé 709 enregistrements de moules d’eau douce (Bivalvia, Unionida) habitant une grande variété de types d’habitats anthropiques (des petits étangs aux grands réservoirs et canaux) et examiné leur importance en tant que refuges pour ce groupe faunique. La plupart des enregistrements provenaient d’Europe et d’Amérique du Nord, avec une nette dominance des canaux et des réservoirs. L’ensemble de données couvrait 228 espèces, dont 34 espèces menacées figurant sur la Liste rouge de l’UICN. Nous discutons de l’importance de la conservation et fournissons des conseils sur la façon dont ces habitats anthropiques pourraient être gérés pour assurer une conservation optimale des moules d’eau douce. Cet examen montre également que certains de ces habitats peuvent fonctionner comme des pièges écologiques en raison de pratiques de gestion contraires à la conservation ou parce qu’ils agissent comme un puits pour certaines populations. Par conséquent, les habitats anthropiques ne devraient pas être considérés comme une panacée pour résoudre les problèmes de conservation. Il est nécessaire de disposer de plus d’information pour mieux comprendre les compromis entre l’utilisation humaine et la conservation des moules d’eau douce (et d’autres biotes) dans les habitats anthropiques, compte tenu du faible nombre d’études quantitatives et du fort biais des connaissances biogéographiques qui persiste.»
Les travaux recensés dans ce passage en revue montre que l’on trouve des moules d’eau douce et notamment des espèces protégées dans des milieux anthropiques très divers : «Nos données indiquent que les moules d’eau douce peuvent coloniser les canaux (y compris les  canaux d’irrigation, de transport et de refroidissement, des moulins à eau et les fossés), les rivières canalisées, les réservoirs (y compris les  réservoirs d’exploitation minière), les  étangs artificiels, les lacs artificiels (y compris les lacs  urbains et  les gravières), les  rizières, les bassins de navigation et les ports».

Mais l’étude des chercheurs montre l’importance du cas par cas. Il n’y a pas de règles prédéfinies : des aménagements de rivières peuvent agir comme refuges et d’autres comme pièges ou comme dégradations. 

Par exemple, un ouvrage mal géré peut entraîner des mortalités de moules, comme cet exemple de vidange intempestive de réservoir :


Ou bien encore, un habitat anthropique peut se dégrader faute d’entretien ou à cause de pollution, et en ce cas sa fonction de refuge de biodiversité est perdue, comme l’illustre cet autre exemple :


Ces spécialistes de la biodiversité insistent néanmoins sur le fait qu’il est impossible désormais de négliger l’importance des habitats anthropiques dans la conservation de biodiversité, ce qui est l’objet principal de leur article :
« Dans un monde presque totalement dominé par l’homme et ses infrastructures, il ne fait aucun doute que les habitats anthropiques augmenteront en nombre et en étendue spatiale à l’avenir. Par exemple, 3700 barrages hydroélectriques de plus de 1 MW sont actuellement proposés ou en construction, et de nombreux autres barrages de plus petite taille devraient être construits pour répondre à la demande mondiale croissante d’énergie, de contrôle des inondations et d’irrigation (Thieme et al., 2020; Zarfl et coll., 2015). Une situation similaire est vraie pour les canaux, car, par exemple, des dizaines de mégaprojets de transfert d’eau (c’est-à-dire des interventions d’ingénierie à grande échelle pour détourner l’eau à l’intérieur des bassins fluviaux et entre ceux-ci; Shumilova et al., 2018) sont prévus dans un avenir proche (Daga et al., 2020; Shumilova et coll., 2018; Zhan et coll., 2015; Zhuang, 2016). Par conséquent, l’importance écologique, conséquente et socio-économique des habitats anthropiques ne doit pas être ignorée et devrait augmenter.

Les fonctions sociales et les services des habitats anthropiques peuvent changer au fil du temps, et influencer les objectifs de gestion. Par exemple, le passage d’une focalisation sur la navigation commerciale à des activités récréatives et à la préservation du patrimoine, ou le remplacement des anciens canaux d’irrigation par des technologies d’irrigation modernes, peut entraîner la désactivation ou même la destruction de certains habitats anthropiques (Hijdra et coll., 2014; Lin et coll., 2020; Walker et coll., 2010). Ces situations doivent être soigneusement évaluées, car certains de ces habitats anthropiques peuvent être colonisés par des moules d’eau douce et d’autres espèces présentant un intérêt pour la conservation. 

Les différences environnementales et biologiques entre les habitats anthropiques et naturels sont dans certains cas mineures et peuvent souvent être surmontées par l’ingénierie écologique, afin de rendre l’environnement plus approprié pour les moules d’eau douce et d’autres espèces endémiques, et/ou d’assister la dispersion pour permettre aux organismes endémiques appropriés d’atteindre ces écosystèmes artificiels (Lundholm et Richardson, 2010). Parfois, des activités mineures d’ingénierie écologique peuvent créer des habitats propices à la conservation de la biodiversité (par exemple, l’ajout de substrats appropriés et le contrôle des hydropériodes) qui imitent les conditions naturelles. La mise en œuvre de mesures susceptibles d’accroître l’hétérogénéité de l’habitat (ajout de bois ou de gros rochers, augmentation des refoulements) et l’utilisation de matériaux plus respectueux de l’environnement dans les cours d’eau canalisés (par exemple, dépôt de substrat avec des granulométries appropriées, utilisation de matériaux perméables autres que le béton) peuvent mieux convenir aux moules d’eau douce (et d’autres espèces) et même améliorer les services écosystémiques tels que la lutte contre les inondations et l’attrait des loisirs (Geist, 2011). Il y a beaucoup à apprendre sur ce sujet des habitats anthropiques situés dans des écosystèmes marins (voir par exemple Strain et al., 2018). De même, une gestion prudente des niveaux d’eau dans ces habitats anthropiques en utilisant, par exemple, des techniques de télédétection pour évaluer les changements spatiaux et temporels de l’hydropériode (voir Kissel et al., 2020; encadré 3), en particulier dans des conditions de sécheresse, peut être essentiel pour réduire la mortalité. En fait, de nombreux barrages disposent déjà de programmes en place de surveillance des données à petite échelle pour s’assurer que les niveaux d’eau n’atteignent pas des niveaux critiques et ces programmes peuvent être utilisés pour mieux gérer les niveaux des rivières et réduire la mortalité des moules. »

En piste pour la recherche, voici les propositions des auteurs :
« Notre compréhension de la façon dont les habitats anthropiques affectent les moules d’eau douce en est à ses balbutiements, avec plus de questions que de réponses (c.-à-d. certains exemples montrant leur importance pour la conservation et d’autres montrant leur rôle en tant que pièges écologiques). Par conséquent, des comparaisons écologiques minutieuses devraient être effectuées en tenant compte des échelles spatiales et temporelles appropriées. La connectivité et le temps écoulé depuis la construction peuvent être des aspects clés auxquels il faut prêter attention, car nous prévoyons qu’une connectivité accrue et des structures plus anciennes permettront la succession à une communauté plus stable, avec une augmentation de la diversité et de l’abondance des espèces de moules d’eau douce. Un autre aspect clé à prendre en compte est le type de matériau utilisé dans la construction de ces structures. Par exemple, on s’attendrait à ce que la valeur de conservation d’un canal entièrement en béton soit très différente de celle d’un canal contenant des sédiments naturels. Pour une espèce benthique, telle qu’une moule d’eau douce, cette situation devrait être soigneusement évaluée et guider la mise en œuvre future de solutions fondées sur la nature (voir Palmer et coll., 2015). Compte tenu de la prédominance des structures en béton dans les écosystèmes aquatiques et de leurs effets négatifs sur de nombreux aspects écologiques (pour une revue, voir Cooke et al., 2020), les études futures devraient viser à développer des matériaux plus respectueux de l’environnement et plus durables. Ces nouveaux matériaux, y compris le béton plus perméable et les matériaux fibreux tels que les cordes floues (Cooke et al., 2020), peuvent bénéficier non seulement au biote, mais aussi aux humains (par exemple grâce à un cycle biogéochimique amélioré), avec des coûts environnementaux, sociaux et économiques plus faibles (Palmer et al., 2015).

Les recherches futures devraient comprendre l’élaboration de programmes de surveillance axés sur la comparaison des habitats anthropiques avec les écosystèmes naturels adjacents. Des outils nouveaux et émergents tels que les technologies de télédétection et l’ADN environnemental peuvent être d’une grande aide non seulement pour détecter les espèces rares et envahissantes, mais aussi pour caractériser les écosystèmes terrestres adjacents (Prié et al., 2020; Togaki et coll., 2020). Les données générées par de nouvelles techniques de télédétection, telles que l’imagerie aérienne pour estimer la surface et l’hydropériode (voir Kissel et al., 2020), peuvent être essentielles pour améliorer la comprendre la dynamique hydrologique des habitats anthropiques. Dans le même ordre d’idées, étant donné que les habitats anthropiques sont affectés par des facteurs de stress mondiaux, tels que la perte d’habitat, la pollution, les espèces envahissantes et le changement climatique, leurs effets devraient être évalués simultanément. 

La valeur sociale des habitats anthropiques est également particulièrement importante à évaluer à l’avenir, en utilisant, par exemple, les connaissances écologiques locales et l’i-écologie ainsi que des outils culturomiques (voir Jarić et al., 2020; Sousa et al., 2020) pour déterminer comment le grand public perçoit ces habitats en termes de conservation de la biodiversité. De plus, les études évaluant les réponses fonctionnelles, telles que les taux de filtration, le cycle des nutriments et la bioturbation dans les écosystèmes anthropiques par rapport aux écosystèmes naturels, sont totalement inexistantes et ces lacunes limitent notre compréhension des réponses fonctionnelles des moules d’eau douce à ces infrastructures. Enfin, et bien que complètement spéculatives compte tenu de l’inexistence d’études, ces structures anthropiques aquatiques pourraient avoir des implications évolutives (voir Johnson & Munshi-South, 2017; Schilthuizen, 2019 pour les zones urbaines). Les moules d’eau douce pourraient s’adapter à ces habitats anthropiques, et cette situation pourrait être extrêmement intéressante à étudier à l’avenir. » 
Discussion
Le travail de Sousa et de ses collègues rejoint une littérature croissante qui appelle à prendre en considération les milieux aquatiques et humides d’origine artificielle, dit aussi anthropiques (voir recensions de Lin 2020, Koschorrek et al 2020, Zamora-Martin et al 2021). Car le travail fait ici sur les moules peut être étendu à d’autres mollusques, aux invertébrés, aux poissons, aux amphibiens, aux oiseaux, aux mammifères, aux végétaux. 

La France accuse un retard évident en ce domaine, comme on a pu le voir dans les campagnes de restauration de continuité longitudinale fondées sur une indifférence totale et un assèchement massif de milieux anthropisés – une politique faisant perdre, et non gagner, de la surface aquatique et humide. 

L’idée qu’un habitat d’origine artificielle serait sans intérêt biologique est pourtant contredite par les faits, de plus en plus massivement à mesure que la recherche progresse. Il en résulte d’abord que détruire ou perturber de tels habitats sans précaution n’est pas souhaitable pour ce qui concerne la gestion des milieux aquatiques et humides. Il en résulte ensuite qu’avant de vouloir systématiquement «renaturer» des milieux anthropisés au risque de les assécher, comme la restauration tend parfois à le faire de manière précipitée, systématique et avec peu de connaissances, le plus urgent serait déjà de les étudier et de proposer lorsque c’est possible quelques règles écologiques de bonne gestion. 

Ces travaux en écologie de conservation devraient être phasés avec ceux d’économistes pour aller plus loin. En effet, la gestion attentive à la biodiversité représente presque toujours des contraintes nouvelles de temps et d’argent, parfois des budgets conséquents. Le particulier ou le professionnel qui dispose d’un habitat d’intérêt ne pourra pas aller loin s’il supporte de tels coûts sans aide ni compensation. Les paiements pour services écosystémiques, tels que l’on commence à les proposer dans le cadre agricole, peuvent être des voies à creuser. 

Enfin, notre association recevant souvent des plaintes de riverains d’habitats anthropiques menacés d’assèchement et de destruction (canaux, étangs, plans d’eau), nous rappelons que le code de l’environnement ne distingue pas les milieux aquatiques ou les zones humides selon leur origine (naturelle, artificielle). Tout projet qui menace un tel habitat doit commencer par un diagnostic de biodiversité et une étude d’impact des options proposées : en cas d'indifférence, le rappel doit en être fait au maître d'ouvrage avec copie au préfet et au procureur. Si cet habitat est dégradé de manière intentionnelle, durable et sans précaution, une plainte peut être déposée. N'hésitez pas à nous signaler par courrier des menaces, particulièrement sur les hydrosystèmes de types plans d'eau et canaux.

Référence : Sousa R et al (2021), The role of anthropogenic habitats in freshwater mussel conservation, Global Change Biology, 27, 11, 2298-2314

25/10/2022

Les têtes de bassin versant ont aussi des eaux et sédiments pollués (Slaby et al 2022)

Alors que la directive cadre européenne sur l'eau a été adoptée en l'an 2000, le réseau de surveillance des pesticides et autres substances toxiques dans les rivières ou plans d'eau reste très lacunaire. Un groupe de chercheurs français montre que ces eaux et sédiments d'un étang ancien de tête de bassin sont contaminés par 26 substances différentes, pesticides ou produits de décomposition des pesticides. Les poissons montrent cependant une faible accumulation, hors l'herbicide prosulfocarbe. Mais les effets cumulés et croisés des expositions sur l'ensemble de la faune aquatique ou amphibie restent largement sous-documentés. Il est vrai que démolir et assécher cet étang ancien au nom de la continuité dite "écologique" pourrait éviter de se poser trop de questions... 

Résumé graphique de l'étude de Slaby et al 2022, art cit.


Le site étudié par Sylvain Slaby et ses collègues est un étang pisicicole ancien (15e siècle) situé dans la région Grand Est. Il est placé en amont d'un cours d'eau dans un petit bassin versant (81 ha), dominé par les terres arables (42 %) et les pâturages (49 %). Les cultures pratiquées dans ce bassin versant sont courantes dans la région (blé, orge, tournesol, colza, maïs ensilage).

Voici le résumé de leur étude :

"Plus de 20 ans après l'adoption de la directive-cadre sur l'eau, des lacunes importantes subsistent concernant l'état sanitaire des petites rivières et des masses d'eau en tête de bassin. Ces petits cours d'eau alimentent en eau un grand nombre de zones humides qui abritent une riche biodiversité. Plusieurs de ces plans d'eau sont des étangs dont la production est destinée à la consommation humaine ou au repeuplement d'autres milieux aquatiques. Cependant, ces écosystèmes sont exposés à des contaminants, notamment des pesticides et leurs produits de transformation. Ce travail vise à fournir des informations sur la distribution, la diversité et les concentrations des contaminants agricoles dans les compartiments abiotiques et biotiques d'un étang piscicole situé en tête de bassins versants. Au total, 20 pesticides et 20 produits de transformation ont été analysés par HPLC-ESI-MS/MS dans de l'eau et des sédiments prélevés mensuellement tout au long d'un cycle de production piscicole, et chez trois espèces de poissons au début et à la fin du cycle.

Les concentrations moyennes les plus élevées ont été trouvées pour le métazachlor-OXA (519,48 ± 56,52 ng.L-1) dans l'eau et le benzamide (4,23 ± 0,17 ng.g-1 en poids sec) dans les sédiments. Jusqu'à 20 contaminants ont été détectés par échantillon d'eau et 26 par échantillon de sédiments. Les produits de transformation de l'atrazine (interdit en Europe depuis 2003 mais encore largement utilisé dans d'autres parties du monde), du flufenacet, de l'imidaclopride (interdit en France depuis 2018), du métazachlore et du métolachlore étaient plus concentrés que leurs composés parents. Moins de contaminants ont été détectés chez les poissons, principalement du prosulfocarbe accumulé dans les organismes au cours du cycle.

Nos travaux apportent des données innovantes sur la contamination des petites masses d'eau situées en tête de bassin. Les produits de transformation avec la fréquence d'occurrence et les concentrations les plus élevées devraient être priorisés pour des études de surveillance environnementale supplémentaires, et des seuils de toxicité spécifiques devraient être définis. Peu de contaminants ont été trouvés dans les poissons, mais les résultats remettent en question l'utilisation à grande échelle du prosulfocarbe."

Discussion
La pollution des milieux aquatiques a pris une dimension massive à compter de la seconde partie du 20e siècle, tout comme des travaux lourds de recalibrage des cours d'eau permis par des engins mécaniques à énergie fossile. Même les têtes de bassin versant sont concernées, alors que certains prétendent que ces milieux seraient plus ou moins épargnés. Le réseau de surveillance mis en place à la suite de la DCE 2000 est très loin d'analyser l'ensemble des bassins, pas plus que l'ensemble des contaminants de l'eau et des sédiments. L'histoire retiendra qu'au début du 21e siècle, les administrations françaises de l'eau et de la biodiversité se sont livrées à une destruction acharnée des moulins et des étangs d'Ancien Régime pendant que les causes manifestes de dégradation de l'eau et de la biodiversité étaient minorées ou acceptées comme des fatalités. Mais peut-être que l'un va avec l'autre : procéder à des destructions spectaculaires et photogéniques pour ne pas avoir à engager des réformes difficiles de nos modes de production et de consommation? 

19/10/2022

Ne commettons sur les retenues d'eau les mêmes erreurs que sur la continuité écologique

L'Office français de la biodiversité a organisé avec des syndicats de rivière une analyse de l'effet cumulé des retenues d'eau. Un colloque de restitution vient d'en rapporter les principales conclusions. Si des données intéressantes ont été récoltées, le colloque nous a aussi permis de constater le fossé béant entre la représentation de la nature de certains gestionnaires publics et la diversité des réalités de l'eau dans la société. Il existe en France 300 000 plans d'eau de plus de 100 m2 et probablement près d'un million au total. Envisager ce fait massif sous le seul angle d'une "dégradation de la nature" à corriger nous mène dans le mur. Ne commettons pas l'erreur déjà faite sur les ouvrages en lit mineur à l'occasion de la réforme ratée de continuité écologique. 


Une expertise collective Inrae-OFB avait été menée entre 2014 et 2016 sur les effets cumulés des retenues d'eau, sous la forme d'un passage en revue de la littérature scientifique. Pour les suites de cette expertise, une démarche a été lancée par l'Office français de la biodiversité (OFB), avec un appel à projets pour étudier les retenues sur des bassins versants. Six projets ont été sélectionnés, portés par des syndicats de rivière ou un parc naturel régional. En début de semaine se tenait le colloque de restitution de cette étude ICRA (Impact cumulé des retenues sur les milieux aquatiques). Nous y avons assisté en distanciel et voici nos observations. 

Quantification et qualification des retenues d'eau : un inventaire bienvenu
Le premier enjeu est déjà de qualifier et quantifier ce dont on parle. Il y a des plans d'eau en travers du lit mineur et d'autres en dérivation. Il y a des plans d'eau déconnectés du lit mineur, à une plus ou moins grande distance des cours d'eau. Il y a aussi des plans d'eau au niveau des sources, plus durs à qualifier puisqu'ils forment en quelque sorte la naissance du cours d'eau par ses sources qu'ils drainent en alimentation de la retenue. En outre, les propriétés physiques et fonctionnelles du plan d'eau sont importantes : superficie, profondeur, temps de résidence hydraulique, forme des berges, marnage saisonnier. Également d'intérêt : la date de construction, l'usage connu. Le CGEDD travaille à un inventaire national des plans d'eau (INPE) avec une quarantaine de descripteurs. L'outil devrait être rendu public dans sa première version en 2023. C'est appréciable, d'autant que les travaux présentés par les syndicats de rivière montre la diversité des plans d'eau et la difficulté de les répertorier. Selon les premières données, il y aurait environ 300 000 plans d'eau de plus de 100 m2 et n'étant pas des zones humides naturelles, environ 800 000 en incluant les moins de 100 m2. Mais c'est une estimation conservatrice, car les techniques altimétriques de détection (images aériennes et satellites) peuvent manquer les sites sous couverts forestiers ou à interprétation ambiguë sur les images. Selon des analyses faites sur un bassin versant, près de la moitié des retenues seraient apparues après les années 1950. Cet inventaire confirme selon nous ce que les universitaires Pascal Bartout et Laurent Touchart avaient pointé, il existe un limnosystème (réseau des points d'eaux lentes, calmes) et il est totalement négligé par l'interprétation administrative de la DCE, voire par la DCE elle-même qui a centré l'essentiel sur la réalité "rivière" ou très grand plan d'eau.

Quantité d'eau : modèles hydrologiques à revoir
Un modèle hydrologique vise à estimer comment évolue la quantité d'eau en surface et en nappe à différentes hypothèses. Les travaux présentés au colloque sont de ce point de vue très insuffisants, ce qui a été reconnu dans la communication de F. Habets. Un modèle doit en effet avoir les données d’entrée (pluviométrie, nappes) et d’usages (tous les prélèvements). Ce n'est pas forcément la retenue en elle-même qui prive le milieu ou l'aval d'eau, c'est d'abord l'usage qui en est fait, en particulier le pompage et la réalimentation de la retenue en période sèche. Un modèle prédictif (pour accompagner l'action et certifier des résultats futurs) doit aussi être couplé à un modèle hydroclimatique, pour savoir comment un milieu réagit demain à des manques ou excès d'eau d'origine météorologique, avec ou sans retenues. Ce point hydrologique est le plus important et le plus légitime : il y a pression quantitative sur l'eau dans certains bassins, mais l'eau est un bien commun, donc on doit veiller à ce que les usages n'affectent pas la ressource de manière immodérée ou injuste (que l’amont ne prive pas l’aval, que certains usages ne privent pas les autres). On doit aussi, ce qui n'était pas vraiment l'esprit du colloque, veiller au stockage de l'eau dont la nécessité sera plus forte. Mais pour le moment, le poids du facteur retenue n'est pas correctement isolé par le modèles, qui doivent s'améliorer. L'enjeu n'est pas simple, car la modélisation est contexte-dépendante (par exemple, un bassin cristallin n'est pas un bassin karstique, un bassin à forte demande d'irrigation n'est pas un bassin à faible usage agricole, etc.).

Température de l'eau : un impact sensible sur la thermie
Les mesures et les modèles sont plus simples à concevoir pour la température, encore qu'il existe des facteurs physiques de pondération à prendre en compte (débit, pente). Les travaux présentés confirment d'autres données déjà connues dans la littérature scientifique, les retenues modestes n'ayant pas de stratification thermique (eau froide en profondeur) et ne rejetant pas l'eau par le fond ont tendance à réchauffer l'eau. L'effet se fait sentir sur 500-1000 m à l'aval en général. Cet effet est lié à des facteurs aggravants (par exemple grande superficie, faible profondeur, fort temps de résidence hydraulique, construction en lit, relargage en surverse) ou atténuants (retenue en dérivation, ombrage des berges, relargage par le fond). La température peut poser des problèmes en tête de bassin à des espèces thermosensibles. Elle augmente aussi le risque de blooms de cyanobactéries, en lien à l'excès de nutriments (pollution ou défaut de curage régulier). La température est aussi liée à l'évaporation, mais le bilan d'évaporation n'a pas été fait dans ces travaux. 

Chimie de l'eau : des effets plutôt épurateurs
Les techniciens ayant fait des mesures chimiques ont confirmé ce que l'on savait déjà : les plans d'eau contribuent à épurer la rivière des nitrates et phosphates. Un travail mené dans une région minière a montré que les plans d'eau stockent aussi des produits dérivés de l'exploitation (arsenic, cadmium), ce qui pose problème pour le devenir de leurs sédiments (épandage interdit) et pour leurs choix de gestion (la suppression ou la destruction accidentelle de plans d'eau aboutirait à polluer le milieu de manière plus diffuse).

Biologie de l'eau : carences et biais d'analyse
Sans grande surprise, la présence de retenues d'eau va modifier les peuplements de la rivière en comparaison d'une autre qui en serait dénuée. Les indicateurs de la DCE ne sont pas les plus utiles si l'on veut une analyse fine de ce facteur biologique, car ils ont été conçus pour un score moyenné et à but réglementaire. Mais les intervenants n'ont pas été clairs sur les indicateurs alternatifs : chacun proposait les siens, sans rationnel convaincant sur ce qu'ils représentaient par rapport à la réalité biologique globale du système rivière-retenue. Au-delà, ce point de la biologie est l'un des plus insatisfaisants de notre point de vue. Toutes les présentations ont été faites selon le même angle : la biologie d'une rivière anthropisée s'apprécie par écart avec une rivière naturelle, l’objet rivière doit être le référentiel permettant de juger tout  le reste. Ce n'est pas notre analyse : une rivière anthropisée est à accepter comme telle, c'est la réalité dont on part et dont on parle, le processus d’anthropisation dure depuis des millénaires, avec des accélérations par époque. Par ailleurs, aucun syndicat n'a envisagé la retenue comme milieu à part entière et donc comme objet d'étude biologique, aucun n'a analysé la biodiversité de la retenue vue comme biotope et non vue comme impact. Or la retenue est aussi un "milieu aquatique" et l’OFB parlait bien d’un "effet sur les milieux aquatiques" comme objectif de l’étude. Ce dédain est en net décalage avec la recherche scientifique européenne de plus en plus fournie sur les écosystèmes d'origine artificielle de type mares, étangs, plans d’eau, lacs peu profonds. Et ce sera forcément un point contentieux si ce déni persiste : l'OFB doit impérativement commanditer des campagnes d'observation sur les écosystèmes anthropiques. Les retenues ont aussi des faunes et flores inféodées, il faut voir comment les plantes, les invertébrés, les poissons, les mammifères, les oiseaux, les amphibiens, les reptiles etc. y vivent, en eau ou sur berge. En particulier quand l’idéologie dominante de gestion exprimée lors du colloque semble de détruire et assécher ces retenues : cela ne doit pas être possible sans étude d’impact à échelle du site et du bassin, sans connaissance des peuplements des retenues et des effets de leurs éventuelles disparitions, sans création a minima d’une autre zone humide présentant la même superficie, etc. Besoin de connaissance mais également obligation juridique : le droit permet déjà d'engager un contentieux pour la destruction d'un milieu aquatique et humide sans étude ni compensation, cela sans faire la distinction entre milieu d'origine naturelle ou d'origine anthropique. C'est la méconnaissance du droit par les propriétaires de plans d'eau qui les mène à engager des destructions sans précaution ni compensation, ainsi que le manque de vigilance des protecteurs de l'environnement sur ces milieux-là, hélas.  

Droit des retenues : la confusion
La dimension juridique ne faisait pas partie de la recherche demandée, pourtant elle a été souvent évoquée dans les comptes-rendus. Il a existé une période un peu laxiste dans la gestion de l'eau, en gros les trente glorieuses avant la loi sur l’eau de 1992. Des travaux ont été menés sans base juridique claire. Certains affirment qu'ils sont "illégaux" mais si aucune déclaration ni autorisation n'était nécessaire à l'époque, le point est discutable (la loi n'est pas rétroactive). En revanche, la règlementation s'applique et il a été suggéré (sans quantification) que le débit réservé de certaines retenues reliées au lit mineur n'est pas respecté. C’est évidemment anormal quand c’est le cas. Nous avons besoin de transparence et de débat sur ce sujet juridique, c'est essentiel dans un état de droit. Il faut que les citoyens mais aussi le personnel public de l'eau y soient sensibilisés : on voit certes des ignorances, des négligences et des abus de propriétaires privés, mais on voit aussi des gestionnaires publics pensant que des approximations juridiques sont tolérables, ce qui ne passe pas en contentieux. (A cet égard, nous avons été quelque peu inquiet d'entendre un chargé de rivière qui se vantait de faire pression pour détruire des retenues de particulier au motif qu’elles seraient "sans usage", et cela sans tenir compte des usages familiaux...) 

Histoire, géographie, sociologie, économie et services écosystémiques de la retenue : le grand vide
Ce point nous a le plus désolé  : le cahier des charges de l'OFB n'a pas intégré la nécessité de comprendre l'histoire, les représentations et les usages des retenues. L'usage le plus cité est l'agriculture, mais en fait les discussions révèlent qu'il y a beaucoup de types de propriétaires et que beaucoup de retenues sont sans usage agricole. La notion de "sans usage" est problématique, puisque l'usage familial et affectif d'une retenue est un cas observé, de même qu'un usage collectif d'agrément dans un village, un usage d’association de pêche, etc. On a observé un angle utilitariste dans les discussions du colloque: l'usage devrait être directement économique ou d'eau potable, les usages sociaux sont négligés ou perçus comme non légitimes. Pourquoi cette indifférence aux sciences sociales et humanités de l’eau? Pourquoi ne pas chercher à mesurer les services écosystémiques, attestés par la recherche? Les acteurs présents (syndicats de rivière, fonctionnaires eau et biodiversité, techniciens fédés pêche, etc.) et prenant la parole semblent tous partager une idéologie naturaliste, un angle de vision posant une nature idéale et référentielle sans humain ou avec très peu d’humains, une analyse des écarts à cet idéal définissant autant de problèmes à résoudre. Nulle part il n'y a une vision de la rivière et du bassin versant comme co-construction de la nature et de la culture, nulle part il n'y a une sensibilité au facteur humain alors que l'humain est la force directrice à l'Anthropocène (ces centaines de milliers de retenues ont bien l'humain comme origine). Nous pensons d'une part que cette posture "hémiplégique" est intenable, elle ne correspond pas à la réalité ; d'autre part que la tentative d'intervention réglementaire et gestionnaire sur des bases aussi fragiles ne ferait que multiplier les contentieux juridiques et conflits sociaux qui accompagnent déjà aujourd'hui les "renaturations". Il est important que le personnel en charge de l'écologie pense à l'économie et à la société, tout comme le personnel en charge de l'économie et de la société doit de son côté penser à l'écologie. L'eau, ce n'est pas juste une question naturelle et il faut assez urgemment faire évoluer cette vision chez le gestionnaire en assurant des formations plus diversifiées. 

Conclusion : ne répétons pas les mêmes erreurs que la continuité écologique
Au final, cette démarche ICRA et le colloque de restitution nous ont laissé un sentiment mitigé. D'un côté, un gros travail a été mené, la compréhension de la réalité des retenues a progressé, le sujet est reconnu comme d'importance. Il est clair que les pressions sur la ressource en eau et les risques accrus apportés par le changement climatique doivent mener à une gestion attentive et raisonnable, ce qui ne fut pas toujours le cas au 20e siècle et ne l’est toujours pas sur nombre de bassins. Il existe aussi un enjeu de bonne gestion écologique de la retenue (au lieu de n'envisager que sa disparition), car les traits fonctionnels des ouvrages comptent pour les rendre plus ou moins accueillants à la biodiversité, plus ou moins impactants sur la thermie, etc. D'un autre côté, les résultats ne sont pas assez fouillés et complets pour être opérationnels, les observables recherchés ont des biais manifestes, le mépris de principe pour un plan d'eau artificiel est intenable pour les futurs rapports sociaux au bord de l'eau (et pour la biodiversité elle-même, répétons-le). Les acteurs qui procèdent à ce travail montrent une vision trop homogène et une idéologie trop décalée de celles présentes dans la société. Nous risquons de reproduire les mêmes erreurs que sur la continuité écologique : une sous-estimation de l'ampleur des modifications humaines du bassin versant et de leur caractère souvent non réversible, une indifférence aux habitats semi-naturels d'origine anthropique, une ignorance voire une hostilité aux usages que les gens ont des retenues ou aux agréments qu'ils en tirent, une précipitation à vouloir faire des règles alors qu'on comprend mal la réalité concernée par ces règles. 

Il est vraiment nécessaire que l'eau soit gérée de manière plus ouverte et plus inclusive au niveau de sa réflexion publique, avec bien sûr la présence forte d'enjeux hydrologiques et écologiques, mais en évitant la cécité aux enjeux sociaux et économiques, à la diversité des rapports entre les humains et les non-humains autour de l'eau. En évitant aussi l'illusion que l'on pourrait restaurer partout une nature sauvage ou une nature antérieure à l'Anthropocène. Les humains seront toujours sur les bassins versants en 2050 et en 2100, il est même probable que l'obligation de relocaliser des activités productives et récréatives va renforcer cette présence. Aucune gestion apaisée et efficace de l'eau n'est possible sans intégrer cela, y compris dans les métriques et les indicateurs que la société (pas seulement ses experts) se donne.

28/08/2022

Les plans d'eau d'origine humaine appréciés par les libellules et demoiselles (Kolar et al 2021)

Une recherche menée en république tchèque sur des étangs piscicoles et plans d'eau de carrière montre que ceux-ci abritent près de la moitié de la diversité totale des odonates locales, y compris des espèces en liste rouge nationale. Les chercheurs rappellent que l'origine artificielle d'un milieu aquatique ne l'empêche pas de former un habitat et de contribuer à la gestion de la biodiversité. Ils appellent à préserver la mosaïque locale de ces plans d'eau, voire à l'enrichir de nouveaux sites. On attend toujours que le gestionnaire public de l'eau en France intègre les nombreux travaux de recherche qui attestent des services rendus par les plans d'eau, retenues et autres milieux aquatiques d'origine humaine. 


Lester sponsa femelle, photo par Charles J. Sharp CC BY-SA 4.0

Dans de nombreuses régions du monde, les habitats naturels ont été altérés par les activités humaines, avec déclins des communautés d'espèces locales, dont les insectes. Le milieu des eaux douces stagnantes est particulièrement vulnérable car ces habitats sont affectés par l’aménagement des terres, l’eutrophisation, la pollution agricole, industrielle et domestique, les changements climatiques et l’assèchement tendanciel, ainsi que la  propagation des espèces invasives. Mais les activités humaines créent également de nouveaux habitats qui peuvent fournir un filet de sécurité contre les perturbations en cours. 

Ces habitats artificiels pouvant compenser les tendances négatives pour les petites eaux stagnantes comprennent notamment les plans d'eau créés après l’exploitation minière et les étangs piscicoles, les seconds étant souvent plus anciens. "Certains de ces habitats artificiels peuvent accueillir diverses communautés et espèces rares, y compris, par exemple, des amphibiens ou les insectes terrestres et aquatiques. Les habitats artificiels peuvent également accueillir des communautés différentes par rapport aux sites naturels", rappellent Vojtech Kolar et ses collègues.

Ces chercheurs tchèques ont analysé des plans d'au d'origine humaine à différents stades de leur développement, depuis des étangs anciens jusqu'à des plans d'eau de carrière créés plus récemment. Voici la synthèse de leur résultat : 

"Les habitats d'eau douce créés par l'homme constituent une partie importante du paysage européen, en particulier dans les zones où les habitats naturels sont pour la plupart absents ou dégradés. Pour évaluer le rôle des différentes eaux stagnantes artificielles dans les paysages anthropiques, nous avons étudié les communautés d'odonates adultes dans un groupe de 20 plans d'eau, y compris des étangs piscicoles et des plans d'eau de carrière aux stades de succession précoce et en cours. 

Nous avons trouvé 35 espèces d'odonates (c'est-à-dire 47% de la faune de la République tchèque), mais leur présence différait significativement entre les trois types d'habitats. La plus grande diversité d'espèces, due principalement à la présence de généralistes, a été trouvée dans les étangs piscicoles. Les plans d'eau de carrière à un stade précoce de succession abritaient les communautés les moins diversifiées dominées par des espèces pionnières et vagabondes. Les espèces spécialisées sont présentes dans les deux types d'habitat de carrière, en particulier ceux qui sont en phase de succession continue, plus que dans les étangs piscicoles. Bien que l'indice biotique de la libellule ne diffère pas entre les trois types de localités, les quatre espèces de la liste rouge nationale enregistrées au cours de l'étude ne sont présentes que dans les carrière. Les principaux facteurs environnementaux des communautés locales d'odonates comprenaient la couverture du rivage par la végétation émergente, la profondeur de l'eau et le substrat du fond ; ces deux dernières caractéristiques correspondaient largement à la distinction entre plans d'eau de carrière et étangs piscicoles. 

Nous concluons que les plans d'eau de carrière et les étangs piscicoles jouent un rôle important dans le maintien de la biodiversité d'eau douce qui nécessite une mosaïque d'habitats à différents stades de succession."

Les chercheurs concluent : "Nos résultats mettent en évidence le potentiel des habitats artificiels tels que les plans d'eau de carrière et les étangs piscicoles pour soutenir diverses communautés de libellules et de  demoiselles, et assurer une valeur biotique  élevée  à l’échelle locale. Nous montrons que diverses  communautés d’odonates ont besoin d’une mosaïque d’habitats allant d’étangs peu profonds, éventuellement temporaires, à des plans d'eau permanents avec des eaux plus profondes, avec différents types de substrats, allant de plans d’eau complètement ouverts sans végétation à des étangs envahis par une végétation riveraine hétérogène. Comme chacun de ces types de masse d'eau peut abriter une communauté différente, il est important de créer de nouveaux plans d'eau et de restaurer certains anciens pour accroître la biodiversité locale et maximiser le potentiel de conservation de ces habitats d’eau douce".

Discussion
La recherche en écologie montre que des habitats aquatiques et humides d'origine humaine ont eux aussi une capacité à héberger de la biodiversité et à pallier l'altération de milieux d'eau douce par certaines activités à effets très négatifs sur le vivant. Ce constat répété dans de nombreuses études sur ces milieux artificiels est très éloigné des obsessions qui animent la politique des rivières en France, comme la prime à la destruction des habitats de retenues, plans d'eau, étangs ou lacs. Il est nécessaire que les gestionnaires publics intègrent ces connaissances et développent une vision plus positive sur les plans d'eau, par des conseils de bonne gestion aux propriétaires assorti d'un travail prioritaire sur les excès de pollutions et de prélèvements de l'eau.

Référence : Kolar V et al (2021), The influence of successional stage on local odonate communities in man-made standing waters, Ecological Engineering, 173, 106440 

01/07/2022

Analyser le seuil en rivière comme créateur d'un écotone de retenue (Donati et al 2022)

Quatre universitaires français proposent, à partir de leur propres travaux d'observation et d'une revue bibliographique de la littérature scientifique, un changement de théorie sur l'approche des seuils en rivière : loin de pouvoir être réduits à des "anomalies" sans valeur propre, ces ouvrages hydrauliques et leur retenue sont des écotones, c'est-à-dire des milieux à gradients environnementaux faisant émerger des propriétés physiques, chimiques et biologiques dignes d'intérêt. Les chercheurs soulignent que très peu d'études sont réellement faites de ces milieux de retenue avec ouvrages, alors que de nombreux indicateurs suggèrent qu'ils sont intégrés de longue date dans le paysage fluviatile et qu'ils peuvent servir à gérer de manière intéressante l'eau des bassins versants. Une étude à faire lire de toute urgence aux instances publiques en charge de l'eau qui n'ont pas été capables depuis 10 ans de financer un programme sérieux de recherche sur les centaines de milliers de retenues, plans d'eau, étangs que compte le réseau hydrographique français. 


En écologie, un écotone se définit comme un milieu de transition, une discontinuité marquée par un gradient environnemental où les conditions abiotiques (physiques, chimiques) et biotiques (vivant) changent plus ou moins soudainement. Parmi les exemples très connus d'écotone, les lisières de bois entre milieu ouvert et fermé, les estuaires entre milieux salins et d'eau douce, les zones humides entre milieux terrestres et aquatiques. 

Les écotones modifient les flux de certaines grandeurs, et du même coup produisent des émergences locales de propriétés nouvelles. "Une conséquence directe de la capacité des écotones à modifier les flux est celle qui les amène à devenir des zones de stockage et de redistribution des ressources. En effet, après avoir été piégés, les substances et les matériaux s’accumulent au sein de ce type d’environnement, qui peut les bloquer à jamais, les recycler ou les redistribuer de manière graduelle, contribuant au fonctionnement des milieux avoisinants et à la survie des espèces qui les peuplent", soulignent Francesco Donati, Laurent Touchart, Pascal Bartout et Quentin Choffel.

L'objet de leur travail est de fonder en raison une nouvelle hypothèse de recherche : voir les ouvrages en lit mineur de rivières, en particulier les seuils (de gué, de moulins, d'étangs, de plans d'eau), comme des écotones, c'est-à-dire des discontinuité intégrée dans le paysage fluviatile et créant des gradients locaux. 

Voici le résumé de leur étude :
"Très répandues au sein des cours d’eau contemporains, la nature des retenues de seuil est encore mal comprise et les sciences de l’eau peinent à les placer au sein des autres milieux aquatiques continentaux. Certains les voient comme des tronçons de cours d’eau dégradés, qui ont perdu totalement ou partiellement les traits typiques des milieux lotiques ; d’autres les perçoivent comme de véritables écosystèmes, qui possèdent des fonctionnalités propres et qui jouent un rôle au sein des dynamiques environnementales. Dans une recherche que nous avons récemment publiée, nous assimilons le fonctionnement des retenues de seuil à celui des écotones et, dans cet article, nous souhaitons mieux développer notre théorie. En effet, ces deux types d’environnements sont gouvernés par des gradients environnementaux et présentent les mêmes fonctionnalités, c’est-à-dire la capacité à filtrer la matière, à stocker et redistribuer les substances et à constituer un véritable habitat pour différents types d’organismes. Cette nouvelle vision des retenues de seuil peut même s’étendre à d’autres milieux aquatiques construits par l’homme, à titre d’exemple les étangs. Elle ouvre d’intéressantes perspectives de recherche et offre une nouvelle approche de gestion, qui ne considère plus ce type d’environnement comme un simple obstacle au sein des fleuves et rivières, mais comme des milieux intégrés dans les paysages fluviatiles d’aujourd’hui et avec leurs propres fonctionnalités."

Un seuil en rivière et sa retenue créent une rupture locale dans la pente hydrographique, une moindre vitesse de l'eau sur l'emprise de la retenue, une moindre énergie de transport,  des variations conséquentes dans la turbidité, la conductivité, la stratification thermique, la circulation des sédiments, la dissolution des composants chimiques, et bien sûr les types d'habitats pour les communautés d'espèces.

Le point essentiel des auteurs est qu'il ne faut plus réduire l'analyse scientifique du seuil et de son système local à un paradigme simpliste opposant le milieu naturel "sain" à un milieu artificiel "dégradé" par nature (et donc sans intérêt a priori). Beaucoup d'études citées dans cette revue bibliographique rappellent divers services écosystémiques associés aux retenues et plans d'eau.

"Cette nouvelle vision des retenues de seuil offre de vastes perspectives de recherche, qui peuvent la fortifier et apporter une meilleure connaissance de ce type d’environnement. En effet, les retenues de seuil sont encore assez méconnues et de nouvelles études sont sans doute nécessaires pour mieux définir leurs caractéristiques. À titre d’exemple, il est nécessaire de clarifier quel est le rôle de la gestion anthropique sur leur fonctionnement, car les seuils en rivière qui les forment sont dans la plupart des cas équipés d’éléments mobiles qui permettent de réguler les flux d’eau, c’est-à-dire d’agir sur le gradient environnemental qui gouverne ces espaces. Ainsi, il est intéressant de comprendre comment évoluent les fonctionnalités des retenues de seuil quand ces annexes hydrauliques sont manœuvrées. Ensuite, il est nécessaire de mieux définir quels sont les impacts amont-aval engendrés par les seuils en rivière et les espaces qui se forment à leur amont sur les compartiments abiotiques et biotiques des cours d’eau, qui sont souvent évoqués dans les documents de gestion. Il est nécessaire de mieux caractériser le fonctionnement biotique de retenues de seuil, promouvant des études qui les considèrent comme de véritables écosystèmes et pas comme des corps étrangers aux cours d’eau. Enfin, nous pensons qu’il serait intéressant d’approfondir la possibilité pour les retenues de seuil de devenir des zones de refuge pour la faune aquatique et donc de jouer un rôle important dans la recolonisation des portions asséchées au cours d’un étiage sévère : ceci est sans doute un service écosystémique particulièrement important dans un contexte de dérèglement climatique comme celui que nous connaissons actuellement."

Enfin, l'analyse du seuil comme écotone prend acte du caractère "hybride" de la nature dans les zones très anciennement peuplées (comme l'Europe), c'est-à-dire le co-construction des systèmes fluviaux par la présence humaine, ainsi que des possibilités de mobilise ces seuils dans une gestion de l'eau favorable aux objectifs de développement durable. 

"D’un point de vue épistémologique, cette nouvelle vision des retenues de seuil s’inscrit dans le courant de pensée qui voit la nature d’aujourd’hui comme un objet hybride (Lespez et Dufour, 2020, 2021) et les milieux anthropiques non pas comme des milieux dégradés, mais comme de véritables nouveaux écosystèmes, fonctionnels et parfaitement intégrés aux dynamiques environnementales (Hobbs et al., 2006, 2009, 2013). La présente étude développe cette approche sur ce type d’environnement, qui ne serait plus une entité étrangère aux cours d’eau, mais un espace bien intégré aux fleuves et aux rivières, copiant les fonctionnalités des milieux naturels. Cela sous- entend la nécessité d’une gestion permettant à cet objet de rester écotone, afin de préserver ses bienfaits naturels, économiques ou sociaux. À titre d’exemple, on peut considérer la possibilité des retenues de seuil d’écrêter les polluants. Ce dernier aspect est à notre avis particulièrement important pour certains pays d’Europe, dont le réseau hydrographique est dense de seuils en rivière et qui, en même temps, sont soumis à la Directive Cadre sur l’Eau (DCE-2000), qui met en avant la réduction des polluants pour l’atteinte du bon état écologique des masses d’eau. Après avoir mis en place des stratégies de gestion adéquates, les retenues de seuil peuvent donc devenir des alliés valides dans la lutte contre ces substances et pour le respect des préconisations législatives."

Discussion
La publication de Francesco Donati et de ses collègues apporte une perspective originale et féconde dans l'analyse des hydrosystèmes fluviaux. Elle synthétise de nombreux travaux venant de la recherche scientifique, confirmées par l'observation critique des politiques de l'eau, en particulier :
  • la nécessité d'intégrer la réalité de la modification historique déjà très ancienne des rivières et des bassins versants, ayant notamment créé des états écologiques alternatifs stables autour des complexes moulins-étangs installés depuis quelques siècles,
  • le manque de sens à promouvoir en politique publique un "état de référence" morphologique de la rivière ou un "état de nature" qu'il s'agirait de "restaurer", vu la dimension évolutive des complexes milieux-usages et le contexte anthropocène d'une accélération des changements liés aux activités de l'espèce humaine, 
  • l'existence de fonctionnalités propres et de services écosystémiques attachés aux ouvrages, pas seulement dans leurs visées anciennes (par exemple produire de l'énergie, permettre une pisciculture), mais aussi dans des foncions émergentes d'intérêt socio-écologiques (par exemple épurer des intrants, créer des refuges d'étiage, diversifier les peuplements d'un tronçon, élargir le spectre d'adaptation au réchauffement climatique).
Outre la retenue étudiée par F. Donati et ses collègues, un autre objet important d'analyse pour les sciences de l'eau serait le bief de moulin (ou le canal d'irrigation en hydraulique agricole). A notre connaissance, ce point est quasi-orphelin d'étude dans la littérature scientifique – on trouve un peu de travaux sur la diversité biologique dans les canaux et fossés agricoles – et il est invisible dans les analyses techniques préparatoires de chantier de continuité écologique. Quand on supprime un ouvrage et donc une retenue de type moulin ou usine à eau, on supprime souvent aussi un complexe de biefs et sous-biefs, pouvant être très étendu (plusieurs kilomètres parfois), avec des annexes humides et des fonctionnements assez variés, une diversité de rives, d'écoulements et de sédiments pouvant être forte. Engager des recherches sur ce point serait nécessaire, car une politique aveugle de continuité par suppression d'ouvrage assèche hélas aussi ces linéaires très importants de milieux aquatiques et humides. Et la rehausse des rives par rapport aux lits incisés fait qu'il n'y a au final plus d'annexes latérales en eau, une fois le complexe ouvrage-retenue-bief disparu. On détruit les écosystèmes anthropisés, mais on ne retrouve pas pour autant les écosystèmes pré-humains.

D'un point de vue concret, ce travail avec d'autres soutient notre souhait d'intégrer pleinement les milieux aquatiques et humides d'origine humaine dans les législations françaises et européennes de protection de l'environnement. Cette évolution normative permettra de résoudre des contradictions et impasses nées de la volonté d'opposer la nature à la société dans une certaine approche écologique (savante ou politique), ou bien encore de valoriser la dimension naïvement "sauvage" des rivières au détriment des réalités physiques, chimiques, biologiques, sociales bien plus complexes de ces cours d'eau.

Références : Donati F et al (2022), Caractérisation biophysique des milieux situés à l’amont des seuils en rivière: l’écotone retenue de seuil, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, 22, 1

18/06/2022

Les 10 mensonges sur les moulins et étangs que nous ne voulons plus entendre

Les ouvrages hydrauliques anciens de nos rivières (moulins, forges, étangs) ont été bâtis par dizaines de milliers au fil des deux derniers millénaires. Ils ont fait l’objet en France d’une campagne de harcèlement, dénigrement et destruction fondée sur des arguments trompeurs ou mensongers. Voici les 10 manipulations les plus fréquentes auxquelles les propriétaires, riverains et leurs associations doivent répondre systématiquement. Loin d’être nuisibles à l’intérêt général et la transition écologique, les ouvrages des rivières en sont un outil.


Les moulins et étangs sont la principale cause de disparition des poissons migrateurs.
Faux. La recherche scientifique a montré que les poissons migrateurs comme le saumon et l’anguille étaient encore présents dans les têtes de bassin au début du 19e siècle, alors qu’il y avait déjà des centaines de milliers d’ouvrages en rivière sous l’Ancien régime. Le déclin des migrateurs depuis 150 ans est d’abord associé à la construction de grands barrages, à la pollution de l’eau, du sédiment et des estuaires, au changement climatique.

Les moulins et étangs sont les premières causes de mauvais état écologique des rivières.
Faux. Tous les travaux de recherche montrent que les deux premières causes d’un mauvais état écologique d’une rivière (au sens de la directive cadre européenne) sont les pollutions chimiques et l’occupation humaine du lit majeur du bassin versant. La morphologie (forme de la rivière) ne vient qu’ensuite et, au sein de la morphologie, ce ne sont pas les ouvrages hydrauliques qui ont le plus d’impact.

Les moulins et étangs sont nuisibles à la biodiversité.
Faux. Les ouvrages hydrauliques créent des milieux en eau (retenues, biefs, zones humides attenantes) qui accueillent des peuplements de faune et de flore. Les populations d’invertébrés et de poissons ne sont pas les mêmes dans une rivière avec ou sans ouvrage, mais cela n’implique pas en soi une disparition du vivant. De nombreux sites hydrauliques créés par les humains jadis sont classés ZNIEFF, Natura2000, Ramsar.

Les moulins et étangs aggravent les sécheresses.
Faux. C’est le contraire : tout ce qui favorise la rétention et la diversion de l’eau entre la source et la mer permet de nourrir en eau les sols, les aquifères, la végétation proche. Détruire des ouvrages en rivière incise les lits, baisse les nappes, renvoie plus vite l’eau à la mer comme si la rivière était un tuyau devant tout chasser très vite. De plus, un plan d'eau n'évapore pas davantage l'eau qu'une zone humide naturelle.

Les moulins et étangs aggravent les crues.
Faux. C’est là encore le contraire : le fait de retenir l’eau dans des dizaines de milliers de petits réservoirs et de la divertir vers des canaux latéraux tend à ralentir les ondes de crues, à réduire le risque d’inondation éclair à l’aval, à mieux gérer les épisodes de crues.

Les moulins et étangs polluent l’eau.
Faux. Loin de nuire à l’autoépuration comme l’ont indûment prétendu des autorités, les ralentissements d’écoulement liés aux ouvrages (des humains, des castors, des embâcles) sont favorables à la dépollution locale par minéralisation et bioaccumulation. En outre, les propriétaires d’ouvrages gèrent les déchets flottants envoyés dans l’eau par les riverains et usagers indélicats. 

Les moulins et étangs nuisent à l’environnement.
Faux. La recherche scientifique a montré que les plans d’eau peu profonds peuvent rendre jusqu’à 39 services écosystémiques à la société. Il y a donc des bénéfices socio-environnementaux à ces ouvrages, l’important est de les gérer de manière informée et responsable, avec une bonne compréhension des enjeux écologiques, hydrologiques et sociétaux.

Les moulins et étangs représentent un potentiel d’énergie bas-carbone négligeable.
Faux. Une étude scientifique commandée par l’Europe a montré que la mobilisation de 25000 moulins français pourrait produire 4 TWh, soit la consommation électrique hors chauffage d’un million de foyers. Cette énergie hydraulique sur site déjà existant a le meilleur bilan carbone et matières premières. Et au moins deux fois plus d’ouvrages pourraient produire.

Les moulins et étangs sont sans usage.
Faux. Il existe un usage d’agrément massif par les propriétaires et les riverains des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes, un engagement pour le petit patrimoine culturel, technique et paysager, une relance énergétique croissante de sites, une production alimentaire locale (farines traditionnelles, huiles, piscicultures). Il s’agit d’encourager et non décourager cette réappropriation utile et active du patrimoine.

Les moulins et étangs sont d’intérêt particulier, pas d’intérêt général.
Faux. Les ouvrages hydrauliques sont conformes à la gestion équilibrée et durable de l’eau telle que définie par la loi, expression de la volonté générale. Le Conseil constitutionnel a posé en 2022 que le patrimoine hydraulique et l’énergie hydro-électrique relèvent de l’intérêt général


Pourquoi les moulins, forges, étangs ont-ils été diabolisés en France depuis 20 ans, au point qu’il y a eu une tentative pour les détruire systématiquement ? Parce que deux publics particuliers ont développé dans notre pays une idéologie simpliste et un harcèlement anti-ouvrages : certains  pêcheurs de salmonidés qui ne supportent aucune entrave (supposée) à la maximisation des poissons liés à leur loisir (truite, saumon) ; les partisans intégristes du retour à la nature sauvage qui critiquent par principe toute présence humaine dans un milieu (cette approche militante pouvant inspirer des paradigmes scientifiques ou des expertises, ce qui n'ôte rien à son biais initial de militantisme). Hélas, les administrations liées au ministère de l’écologie (direction eau et biodiversité du ministère, agences de l’eau, office français de la biodiversité, direction régionale environnement, aménagement et logement, direction départementale des territoires et de la mer) ont repris les éléments de langage de ces publics pourtant très minoritaires et ont développé elles aussi une vision manichéenne, incomplète voire trompeuse sur les ouvrages hydrauliques. Un aspect non-dit de cette propagande : la France prend du retard dans la lutte contre la pollution de l’eau et pour la maîtrise de ses usages quantitatifs, donc faute d’avoir le courage d’affronter ces problèmes de fond, on détourne l’attention sur des sujets totalement secondaires, voire on désigne des boucs émissaires. 

Ces pratiques de l’Etat et de ses administrations doivent non seulement cesser – d’autant qu’elles ont été condamnées à plusieurs reprises par les cours suprêmes de justice –, mais il convient que les politiques publiques à échelle nationale et territoriale s’engagent dans une vision positive des ouvrages hydrauliques au service de la transition écologique, énergétique et climatique. Les rivières du 21e siècle auront toujours des ouvrages hydrauliques de moulins, d'étangs mais aussi de barrages à divers usages. Et ceux-ci représentent un formidable atout pour baisser les émissions carbone, gérer le cycle de l’eau, relocaliser l’économie et les loisirs, assurer des habitats au vivant des zones aquatiques et humides.