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06/06/2023
01/11/2022
Le conseil d’Etat censure à nouveau le ministère de l’écologie et restaure la démocratie riveraine
Nouvelle victoire en justice pour l’association Hydrauxois et ses co-plaignantes : le décret scélérat du 30 juin 2020 est annulé. Ce décret créait un régime d’exception pour les chantiers dits de «renaturation», empêchant toute étude d’impact environnemental pour vérifier les effets réels des travaux et toute enquête publique pour donner la voix aux riverains concernés. Un mépris incroyable pour les droits des citoyens, pour les attentes sociales, pour les patrimoines historiques, pour les milieux en place. Ce coup de force voulu par la direction eau & biodiversité du ministère de l’écologie est annulé par le conseil d’Etat, rappelant que les travaux modifiant les écoulements ont des impacts sur la sécurité publique et les inondations, ce seul moyen juridique suffisant à établir l’illégalité du décret, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres problèmes créés par lui. Le ministère de l’écologie doit changer de logiciel sur les rivières et plans d’eau : nous refusons une idéologie aveugle et dogmatique d’un soi-disant retour à la nature d’antan, nous exigeons des projets prenant en compte toutes les dimensions de l’eau, démontrant qu’ils ont un intérêt social et écologique, répondant à une adhésion citoyenne.
Le 30 juin 2020, le gouvernement promulguait un décret n° 2020-828 définissant les travaux de «restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques» relevant de la rubrique 3.3.5.0. de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement. L’effet concret de ce décret était de supprimer l'autorisation administrative avec étude d’impact environnemental et enquête publique pour ces travaux, quand bien même ils modifiaient plus de 100 m de cours d’eau ou de plans d’eau installés sur cours d’eau.
L’association Hydrauxois et ses co-plaignants (Fédération des moulins de France FDMF, Fédération des moulins FFAM, Association des riverains de France, France Hydro Electricité, Union des étangs de France) ont déposé une requête en annulation de cet article du décret. Le conseil d’Etat vient de leur donner raison.
Le conseil d’Etat se contente d’étudier un seul des moyens avancés, le non-respect de l’article L 214-3 du code de l’environnement, en citant expressément le problème que peuvent poser des arasements de digues et barrages :
« Il résulte des dispositions de l’article L. 214-3 du code de l’environnement (…) que les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles notamment de présenter des risques pour la santé et la sécurité publiques, ou d’accroître notablement le risque d’inondation, doivent être soumis à autorisation. Si, ainsi que le soutient le ministre de la transition écologique, la création, dans la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau ou le fonctionnement des écosystèmes aquatiques, de la rubrique 3.3.5.0 regroupant les travaux ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques et la soumission de ces travaux à un régime de déclaration a été prévue pour répondre à l’objectif de simplifier la procédure pour des projets favorables à la protection de ces milieux, au renouvellement de la biodiversité et au rétablissement de la continuité écologique dans les bassins hydrographiques, il ressort des pièces du dossier que certains de ces travaux, notamment quand ils ont pour objet l’arasement des digues et des barrages, mentionné au 1° de l’article 1er de l’arrêté du 30 juin 2020, auquel renvoient les dispositions litigieuses du décret attaqué, sont susceptibles, par nature, de présenter des dangers pour la sécurité publique ou d’accroître le risque d’inondation. Par suite, en soumettant à déclaration tous les travaux ayant pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, indépendamment des risques et dangers qu’ils sont susceptibles de présenter, les dispositions du h) de l’article 3 du décret attaqué méconnaissent l’article L. 214-3 du code de l’environnement. »
Normalement, l’annulation d’un acte administratif implique que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Mais si les conséquences de cette rétroactivité sont complexes à gérer, le juge peut transiger. En l’occurrence, sauf pour les projets ayant donné lieu à contentieux avant le prononcé de cet arrêt du conseil d’Etat, celui-ci prendra effet à compter du 1er mars 2013.
« Eu égard aux conséquences manifestement excessives de l’annulation rétroactive des dispositions du h) de l’article 3 du décret attaqué, ainsi que de l’arrêté du 30 juin 2020, en raison notamment de l’intérêt général qui s’attache au maintien des travaux qui ont fait l’objet d’une déclaration en application de ces dispositions ou dont la demande de déclaration est en cours d’instruction, il y a lieu de différer l’effet de leur annulation au 1er mars 2023 et de préciser que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, les effets des dispositions litigieuses doivent être regardés comme définitifs. »
Les dérives scandaleuses de la direction eau & biodiversité du ministère de l'écologie à nouveau condamnées par la justice
Cette nouvelle victoire censure les manœuvres honteuses de la direction eau & biodiversité du ministère de l’écologie. Le décret du 30 juin 2020 prétendait en effet :
- Eliminer la démocrate riveraine en affirmant qu’un projet supposément «écologique» était au-dessus des règles ordinaires et permettait de modifier les cadres de vie riverains comme les milieux en place, sans aucune concertation ni analyse sérieuse.
- Détruire à marche forcée le patrimoine historique et hydraulique, mais aussi les habitats anthropiques, les fonctionnalités écologiques et le potentiel hydro-électrique attachés aux ouvrages en place souvent de très longue date.
- Torpiller le processus de continuité écologique dite "apaisée" (sic) puisque, promulgué en pleine concertation au comité national de l’eau, ce décret avait montré la mauvaise foi des hauts fonctionnaires du ministère et leur indifférence complète aux arguments des associations de moulins, étangs, plans d’eau, riverains, ou des syndicats d’hydro-électricité.
Le résultat de cette tentative de passage en force est évidemment désastreux pour ses auteurs :
- Le ministère de l’écologie se trouve à nouveau censuré, nouvelle preuve de son abus de pouvoir récurrent sur ce sujet des ouvrages hydrauliques, de leurs usages et de leurs milieux.
- Les agents publics sous la tutelle de ce ministère se trouvent à nouveau fragilisés, car leur direction administrative montre de la confusion et de la précipitation, sans être capable de prendre la mesure de diverses contradictions entre l’idéologie de la «renaturation» et le droit.
Il est temps de sortir du désastre lié à une vision aveugle de la «restauration de milieux» s’estimant systématiquement au-dessus des lois depuis 10 à 15 ans :
- Tous les manuels de génie écologique rappellent que les travaux sur les écoulements, même ayant pour finalité un gain écologique supposé, ont des effets notables sur les milieux et les cadres de vie dont certains négatifs (changement de régime crue-sécheresse, fragilisation des fondations bois et rétraction agrile, fragilisation des berges, incision du lit, baisse de la nappe d'accompagnement, etc.). Un chantier est un chantier, qu'il s'inspire de l'écologie ne garantit absolument pas l'absence d'erreurs, de troubles ou de dommages.
- De nombreux travaux scientifiques montrent que les habitats anthropiques attachés à des ouvrages ont des fonctionnalités écologiques, des services écosystémiques, des biodiversités faune-flore, donc il faut évidemment étudier l’ensemble avant d’intervenir.
- La doctrine juridique française de l'eau n'est pas le retour à la nature sauvage, comme semblent le penser certains personnels publics un peu égarés entre leurs convictions personnelles et le droit s'imposant à leur fonction, mais la gestion équilibrée et durable prenant en compte différentes aspirations et différentes dimensions de l'eau.
- Ce chantiers sont essentiellement financés sur argent public et au nom d’un intérêt général, c’est aux riverains de donner leur avis en étant correctement informés.
Le ministère de l’écologie doit ainsi prendre la mesure du désastre de sa politique de restauration écologique des rivières, qui a focalisé les oppositions depuis 10 ans dès lors qu’elle était dans une indifférence complète à la dimension historique, paysagère, usagère et sociale de nos rapports à l’eau. Nous appelons à nouveau, de la manière la plus pressante, Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher à supprimer les directives, circulaires, décrets et arrêtés qui sont devenus caducs suite à l’évolution des lois et suite aux décisions des cours de justice, pour les remplacer par une nouvelle directive aux agents eau & biodiversité qui soit conforme au droit. Le pourrissement de la situation et le désordre complet des instructions administratives ne sont plus une option.
Pour action, que peuvent faire les citoyens?
Concrètement, deux cas de figure intéressent cette décision du conseil d'Etat:
- Si vous êtes déjà engagés sur un contentieux de destructions d’ouvrages ou de modification d’un lit de rivière réalisé au nom de la restauration écologique et sans avoir respecté les anciennes dispositions (donc un chantier entre le 1er septembre 2020 et le 31 octobre 2022), vous pouvez vous prévaloir de l’abus de pouvoir qui consistait à supprimer l'autorisation administrative, l’étude d’impact et l’enquête publique.
- Si vous avez sur votre bassin versant un projet en cours d’étude qui vise à modifier plus de 100 m de cours d’eau (ou plan d'eau sur cours d'eau), vous devez immédiatement saisir le maître d’ouvrage du projet (souvent un syndicat de rivière, parfois un parc naturel, une intercommunalité ou une fédération de pêche) ainsi que le préfet pour exiger le respect des procédures antérieures au décret du 30 juin 2020.
Nous proposerons prochainement une lettre-type à adresser aux syndicats de rivière et aux préfets, pour tous les collectifs citoyens et toutes les associations aujourd’hui en lutte contre les casseurs d’ouvrages hydrauliques, les destructeurs de patrimoines sociaux, les liquidateurs de potentiel hydro-électrique, les assécheurs de milieux aquatiques et humides. Le combat pour la démocratie riveraine continue: nous le gagnerons ensemble !
Référence : Conseil d’Etat, arrêt n° 443683, 443684, 448250, 31 octobre 2022
Merci de votre soutien, d'autres procédures sont engagées!
L’association Hydrauxois remercie ses adhérents, qui lui permettent de mener ces combats juridiques pour rétablir la démocratie riveraine et défendre une vision moins dogmatique sur les patrimoines de l’eau. Nous invitons tous nos lecteurs à nous rejoindre et nous soutenir (adhésion à ce lien, don paypal à ce lien) car nous demandons aussi à la justice l’annulation des six SDAGE 2022, reflets de cette idéologie autoritaire et dévoyée de la «renaturation» sans concertation, et nous avons d'autres contentieux sur des chantiers locaux délétères de destruction de patrimoines, paysages et milieux d’intérêt. Nous menons ce travail en justice pour essayer de traiter à la racine les problèmes normatifs liés à ces dérives de la politique de l'eau, et aider ainsi les citoyens qui, localement, sont souvent désemparés, sans habitude de se défendre au tribunal, parfois sans moyens de le faire.
13/05/2022
L'exemption de continuité écologique est conforme à la constitution française!
Des associations de naturalistes et pêcheurs avaient saisi le Conseil constitutionnel en vue de lui faire déclarer comme contraire à la Charte de l'environnement et à la Constitution l'exemption de continuité écologique de moulins producteurs d'électricité. Notre association et ses consoeurs avaient mandaté leur conseil juridique pour défendre la conformité de la loi à la Constitution. Nous remportons ce jour une victoire juridique importante, car le Conseil constitutionnel reconnaît que la protection du patrimoine hydraulique et la production d'hydro-électivité sont d'"intérêt général" et inscrites dans la recherche d'un "environnement équilibré" tel que stipulé dans l'article 1 de la Charte de l'environnement. Après leur série de défaites au Conseil d'Etat entre 2019 et 2021, les ennemis des moulins et autres patrimoines des rivières n'ont plus de base juridique à leurs dérives. Le mouvement des ouvrages hydrauliques doit poursuivre sa mobilisation au service des intérêts du pays et de l'environnement.
Les associations France Nature Environnement et Anper-Tos, rejointes par la Fédération nationale de la pêche, avaient demandé au Conseil constitutionnel de statuer sur le caractère constitutionnel de l'article L 214-18-1 du code de l'environnement.
Cet article permet d'exempter de continuité écologique des moulins à eau quand ceux-ci sont équipés pour produire de l'électricité. Le Conseil d'Etat avait confirmé le caractère opposable de cet article en 2021, alors que l'administration de l'eau refusait de le mettre en oeuvre pour des motifs dilatoires. C'est cette décision du Conseil d'Etat qui a poussé les associations de défenseurs de la nature sauvage et le lobby des pêcheurs à saisir le Conseil constitutionnel. Leur but était d'obtenir l'annulation de l'exemption de continuité écologique en ce qu'elle serait contraire à la constitution française.
L'association Hydrauxois et ses consoeurs avaient demandé à Me Remy et Goudemez de défendre la validité de l'article incriminé au regard du droit. Le Conseil constitutionnel a validé notre interprétation. Nous nous en félicitons.
Intérêt général des moulins et de l'énergie hydraulique
La décision du Conseil constitutionnel est importante au plan de la doctrine. Le point le plus décisif est la reconnaissance du caractère d'intérêt général du patrimoine hydraulique et de la production hydro-électrique :
"il ressort des travaux parlementaires que le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d'énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables. Il a, ce faisant, poursuivi des motifs d'intérêt général."
Posant cela, le Conseil constitutionnel considère que les moulins produisant de l'électricité sont conformes à la lettre et à l'esprit de l'article premier de la Charte de l'environnement (rattachée à la Constitution), disposant que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé".
Cette interprétation entraîne l'abandon des griefs secondaires :
"Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 1er de la Charte de l'environnement doit être écarté. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les articles 2, 3 et 4 de la Charte de l'environnement, ni le principe d'égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution."
Nous commenterons dans de prochains articles les conséquences politiques et administratives de cette décision.
Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-991, QPC du 13 mai 2022
01/01/2022
14/05/2020
Recours au conseil d'Etat contre la circulaire de continuité dite "apaisée"
Notre association a déposé le 30 avril 2020 au conseil d'Etat un recours en annulation de la note technique sur la politique apaisée de continuité écologique. La fédération de moulins FFAM a fait de même par ailleurs. De notre point de vue, la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie a créé ex nihilo un régime d'ouvrages et de rivières à deux vitesses qui contrevient au texte de la loi 2006. Nous refusons ce régime aléatoire et arbitraire où l'administration s'arroge le droit de dire quels ouvrages seront accompagnés par le gestionnaire public et d'autres non, sans respect des principes, des règles et des délais énoncés dans la loi. Nous regrettons que l'ensemble des participants à la "concertation" du CNE n'aient pas opposé ensemble une fin de non-recevoir à ce processus. Ce n'est pas en tolérant des abus de pouvoir au plus haut niveau de la hiérarchie administrative que l'on pourra s'en prémunir ensuite pour défendre les droits des citoyens, des ouvrages et des milieux. Mais le combat se mènera aussi bien sur chaque site menacé : stopper la casse des ouvrages en rivière, sortir des dogmes hors-sol de la technocratie, dédier l'argent public à des mesures utiles et non nuisibles.
Le 30 avril 2019, la direction de l'eau et de biodiversité (DEB) du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) a publié à l'attention des services administratifs une note technique sur la politique apaisée de continuité écologique (NOR : TREL1904749N)
La principale décision de cette note technique a été de "prioriser de façon homogène dans les bassins les actions de restauration de la continuité". Des tronçons de rivière et des ouvrages sont définis comme prioritaires "pour les moyens d’accompagnement et d’expertise coordonnée des services de l’État et ses établissements publics ; pour les moyens financiers des agences de l’eau, même s’il demeurera toujours possible d’aider des opérations «volontaires» sur des ouvrages «non prioritaires» ; pour la police administrative et les contrôles."
Nous sollicitons l'avis des conseillers d'Etat sur le non-respect par ce texte de l'article L-214-17 du code de l'environnement par lequel le législateur a codifié la continuité écologique.
Cet article de la loi de 2006 ne comporte nulle mention de la priorisation des rivières, qui est une création ad hoc de l'administration en 2019. La loi stipule que les ouvrages en rivières classées doivent être gérés, équipés, entretenus dans un délai de 5 ans après le classement des rivières, délai allongé de 5 ans supplémentaires si des travaux nécessaires n'ont pu être engagés. Ces travaux sont indemnisés s'ils sont coûteux. La loi est claire, simple, et juste. Elle ne parle nullement des impasses où s'est enfermée l'administration de l'écologie par ses choix idéologiques d'interprétation, comme la renaturation, la recréation d'habitats antérieurs, la remise en cause des droits établis, la destruction des ouvrages.
Or, l'administration dans sa note technique continue de ré-interpréter la loi à sa convenance: elle crée des rivières et ouvrages à deux vitesses (prioritaires et non prioritaires) sans dédier l'effort public à l'ensemble des rivières et ouvrages classés, comme la loi le lui ordonne. Par ailleurs, l'administration annonce dans le texte que les ouvrages prioritaires seront traités entre 2021 et 2027 (hors des délais légaux).
L'administration a eu recours à cette usine à gaz que nous estimons sans base légale pour deux raisons:
Pour notre part, nous refusons le droit conçu comme diktat des administrations centrales qui fabriquent des concepts à leur bon vouloir, sans base démocratique, sans contrôle parlementaire. Nous nous en tenons aux termes de la loi votée par nos élus. Nous espérons donc que le conseil d'Etat censurera les dispositions de la note technique.
D'autres considérations nous amènent à une demande de censures partielles de cette note technique, notamment ses considérations sur la petite hydro-électricité non conformes aux lois françaises, aux directives européennes et à la jurisprudence du conseil d'Etat.
La prochaine étape sera l'examen de recevabilité du recours, puis l'examen au fond.
La destruction des patrimoines des rivières, de leurs usages, de leurs paysages et de leurs milieux: une gabegie d'argent public orchestrée par la technocratie administrative et les lobbies qu'elle finance. Ce sont ces politiques hors-sol de bureau et de copinage qu'une France en colère supporte de moins en moins aujourd'hui.
Le 30 avril 2019, la direction de l'eau et de biodiversité (DEB) du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) a publié à l'attention des services administratifs une note technique sur la politique apaisée de continuité écologique (NOR : TREL1904749N)
La principale décision de cette note technique a été de "prioriser de façon homogène dans les bassins les actions de restauration de la continuité". Des tronçons de rivière et des ouvrages sont définis comme prioritaires "pour les moyens d’accompagnement et d’expertise coordonnée des services de l’État et ses établissements publics ; pour les moyens financiers des agences de l’eau, même s’il demeurera toujours possible d’aider des opérations «volontaires» sur des ouvrages «non prioritaires» ; pour la police administrative et les contrôles."
Nous sollicitons l'avis des conseillers d'Etat sur le non-respect par ce texte de l'article L-214-17 du code de l'environnement par lequel le législateur a codifié la continuité écologique.
Cet article de la loi de 2006 ne comporte nulle mention de la priorisation des rivières, qui est une création ad hoc de l'administration en 2019. La loi stipule que les ouvrages en rivières classées doivent être gérés, équipés, entretenus dans un délai de 5 ans après le classement des rivières, délai allongé de 5 ans supplémentaires si des travaux nécessaires n'ont pu être engagés. Ces travaux sont indemnisés s'ils sont coûteux. La loi est claire, simple, et juste. Elle ne parle nullement des impasses où s'est enfermée l'administration de l'écologie par ses choix idéologiques d'interprétation, comme la renaturation, la recréation d'habitats antérieurs, la remise en cause des droits établis, la destruction des ouvrages.
Or, l'administration dans sa note technique continue de ré-interpréter la loi à sa convenance: elle crée des rivières et ouvrages à deux vitesses (prioritaires et non prioritaires) sans dédier l'effort public à l'ensemble des rivières et ouvrages classés, comme la loi le lui ordonne. Par ailleurs, l'administration annonce dans le texte que les ouvrages prioritaires seront traités entre 2021 et 2027 (hors des délais légaux).
L'administration a eu recours à cette usine à gaz que nous estimons sans base légale pour deux raisons:
- elle refuse de reconnaître que la plupart des ouvrages des rivières peuvent être considérés comme non-problématiques ou sans enjeu notable pour la continuité, donc certifiés conformes très facilement par les préfectures (option 1 pour traiter vite les rivières classées),
- elle refuse de réviser le classement des rivières (fait par ses soins de manière irréaliste en 2011-2012), alors même que la loi a prévu expressément cette procédure de révision (option 2 pour limiter les rivières classées à celles qui ont des enjeux établis pour les poissons réellement migrateurs, sans déroger par ailleurs aux nécessités de la gestion équilibrée et durable de l'eau, qui ne se résume pas à la continuité).
Pour notre part, nous refusons le droit conçu comme diktat des administrations centrales qui fabriquent des concepts à leur bon vouloir, sans base démocratique, sans contrôle parlementaire. Nous nous en tenons aux termes de la loi votée par nos élus. Nous espérons donc que le conseil d'Etat censurera les dispositions de la note technique.
D'autres considérations nous amènent à une demande de censures partielles de cette note technique, notamment ses considérations sur la petite hydro-électricité non conformes aux lois françaises, aux directives européennes et à la jurisprudence du conseil d'Etat.
La prochaine étape sera l'examen de recevabilité du recours, puis l'examen au fond.
15/01/2020
Un million de pages vues sur hydrauxois.org : merci
Depuis son premier article publié en août 2012, notre site internet vient de dépasser le million de pages vues. Pour une association bénévole, dédiée à un sujet assez spécialisé et avec un traitement plutôt exigeant de l'information, c'est une belle aventure !
Nous remercions nos lecteurs de leur fidélité. Nous rappelons que les articles paraissant sur hydrauxois.org sont entièrement libres de ré-usage ailleurs. La seule contrainte si la source est citée est de respecter la rédaction originale, sinon des éléments de textes (ou images sans droits réservés) peuvent être ré-employés et modifiés ailleurs à volonté. Notre souhait depuis le départ est de diffuser au maximum l'information, pas d'en faire commerce ni monopole. C'est la condition pour que les sujets ici débattus le soient plus largement dans la société, notamment que diverses opacités ou carences d'information du débat public sur les rivières soient dépassées. Nous avons souvent eu le plaisir de voir nos données et arguments repris ailleurs, et nous espérons que ce plaisir sera toujours renouvelé à l'avenir.
Au fil, du temps, plusieurs rubriques (mots-clés des articles) se sont étoffées, notamment :
- la rubrique "continuité écologique", forcément, puisque notre site est largement dédié à l'analyse critique de cette politique publique;
- la rubrique "science", où près de 200 articles de recherche ont été individuellement recensés, soit l'une des premières sources de vulgarisation sur les rivières en France;
- les rubriques "droit"et "vade-mecum", qui donnent aux propriétaires, riverains et associations des moyens de défendre au plan juridique, légal, réglementaire les ouvrages et leurs milieux,
- la rubrique "énergie", qui informe des avancées de la transition bas-carbone dans le cas de l'hydro-électricité, en particulier celle des petites puissances (moulins) en production locale et autoconsommation,
- la rubrique "biodiversité", qui ne cesse de croître depuis deux ou trois ans avec d'autres thèmes écologiques, tant il est évident que les moulins, étangs, lacs, plans d'eau et canaux ont un rôle à jouer pour l'avenir du vivant aquatique et rivulaire.
N'hésitez pas à diffuser l'adresse de notre site à tous ceux qui sont intéressés par ces sujets. Et, si vous le désirez, à faire un don pour aider notre association, entièrement bénévole, dans divers combats visant à préserver les patrimoines des rivières. Merci encore, et restez connectés!
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31/12/2019
07/12/2019
Manifeste pour une ruralité conquérante
Un Manifeste pour une ruralité conquérante vient d'être publié. Il souligne le rôle moteur que peuvent et doivent jouer les territoires de nos campagnes dans la transition énergétique et écologique en cours. Les premiers signataires sont le climatologue Jean Jouzel, le sociologue Jean Viard, les anciens ministres Brice Lalonde et René Souchon, Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France, ainsi que des parlementaires de tous bords. L'association Hydrauxois, qui oeuvre à la protection des patrimoines sociaux, naturels et historiques de l'eau dans nos territoires ainsi qu'à la promotion des énergies renouvelables, apporte son soutien à cette démarche. Nous encourageons nos adhérents et nos consoeurs associatives à le faire aussi.
Les révolutions industrielles des 19ème et 20ème siècles ont consacré le progrès technique dans nos sociétés. De ce fait, et du fait du développement économique qui s’en est suivi, les populations, les activités, les flux et les capitaux se sont concentrés dans des zones urbaines de plus en plus étendues.
Aujourd’hui, notre modèle de consommation mortifère, le risque d’effondrement et la crise climatique rebattent les cartes et questionnent notre rapport global à la nature ainsi que notre place dans l’écosystème.
La question du vivant remplace la question de la machine. Le respect de ce vivant et des écosystèmes, la collaboration plutôt que la compétition, les synergies et la recherche de terrains d’entente sont autant de nouveaux référentiels.
La nature nous fait vivre, nous avons eu tendance à l’oublier…
La nature et les êtres humains, leurs interactions, tel est le lieu de la ruralité.
Et si, après deux siècles centrés sur le technique, les clés du progrès au 21ème siècle se trouvaient dans le monde rural pour une révolution non plus industrielle mais écologique ?
C’est ici que sont les sources d’énergies nouvelles, le vent, le soleil, la chaleur de la terre et la force des cours d’eau.
C’est ici que des femmes et des hommes cultivent la terre et élèvent des bêtes en osmose avec une nature dont ils connaissent les caprices et la puissance.
C’est ici que l’on sait faire tout avec peu, dans une sobriété de moyens et une ingéniosité toute rurale.
C’est ici que sont beaucoup de nos grandes industries qui cherchent à s’adapter aux nouvelles exigences d’un monde qui change.
C’est ici que l’autonomie alimentaire se construit en coopération avec les villes et les métropoles voisines, en répondant à leurs attentes.
C’est ici que la transition écologique doit prendre tout son sens.
Reconsidérer le rôle que jouent les espaces ruraux dans la nouvelle définition du progrès;
Faire de la transition écologique l’opportunité d’un nouveau développement social, environnemental et économique;
C’est ça la ruralité conquérante.
Faire de notre agriculture le pivot de cette transition, en valorisant des productions de haute qualité, les services environnementaux comme le stockage carbone, la protection de la biodiversité et la préservation de nos paysages;
Accueillir les industries et les productions manufacturières nouvelles ;
Investir massivement dans des projets scientifiques ruraux d’avenir;
C’est ça la ruralité conquérante.
Ne plus subir, ne plus être nommés «zones défavorisées», «zones à revitaliser», «déserts médicaux», mais se vivre comme des espaces à haut potentiel, prêts à répondre à ces défis vitaux grâce à notre créativité rurale;
Faire du maillage de nos villages et de la proximité qu’ils suscitent une force dans cette transition et un laboratoire d’expérimentations citoyennes innovantes;
Devenir une destination de prédilection pour tous ceux qui cherchent un cadre de vie sain, à dimension humaine et au rythme apaisé;
C’est ça la ruralité conquérante.
Un monde est à inventer, nous devons changer notre façon d’habiter la terre.
Nous croyons que la bataille écologique sera locale et citoyenne.
Nous nous engageons pour que notre pays, fort d’un modèle rural original, unique au monde, devienne un précurseur dans «la refonte d’un pacte territorial autour de nos terres arables, de nos mers et de nos forêts» (Jean Viard)
Nous voulons, avec toutes les forces vives en présence, devenir le fer de lance de cette ruralité conquérante !
Pour signer vous aussi
A lire sur le sujet
Eau, climat, vivant, paysage; s'engager pour les biens communs
Le Manifeste de la ruralité conquérante
Aujourd’hui, notre modèle de consommation mortifère, le risque d’effondrement et la crise climatique rebattent les cartes et questionnent notre rapport global à la nature ainsi que notre place dans l’écosystème.
La question du vivant remplace la question de la machine. Le respect de ce vivant et des écosystèmes, la collaboration plutôt que la compétition, les synergies et la recherche de terrains d’entente sont autant de nouveaux référentiels.
La nature nous fait vivre, nous avons eu tendance à l’oublier…
La nature et les êtres humains, leurs interactions, tel est le lieu de la ruralité.
Et si, après deux siècles centrés sur le technique, les clés du progrès au 21ème siècle se trouvaient dans le monde rural pour une révolution non plus industrielle mais écologique ?
C’est ici que sont les sources d’énergies nouvelles, le vent, le soleil, la chaleur de la terre et la force des cours d’eau.
C’est ici que des femmes et des hommes cultivent la terre et élèvent des bêtes en osmose avec une nature dont ils connaissent les caprices et la puissance.
C’est ici que l’on sait faire tout avec peu, dans une sobriété de moyens et une ingéniosité toute rurale.
C’est ici que sont beaucoup de nos grandes industries qui cherchent à s’adapter aux nouvelles exigences d’un monde qui change.
C’est ici que l’autonomie alimentaire se construit en coopération avec les villes et les métropoles voisines, en répondant à leurs attentes.
C’est ici que la transition écologique doit prendre tout son sens.
Reconsidérer le rôle que jouent les espaces ruraux dans la nouvelle définition du progrès;
Faire de la transition écologique l’opportunité d’un nouveau développement social, environnemental et économique;
C’est ça la ruralité conquérante.
Faire de notre agriculture le pivot de cette transition, en valorisant des productions de haute qualité, les services environnementaux comme le stockage carbone, la protection de la biodiversité et la préservation de nos paysages;
Accueillir les industries et les productions manufacturières nouvelles ;
Investir massivement dans des projets scientifiques ruraux d’avenir;
C’est ça la ruralité conquérante.
Ne plus subir, ne plus être nommés «zones défavorisées», «zones à revitaliser», «déserts médicaux», mais se vivre comme des espaces à haut potentiel, prêts à répondre à ces défis vitaux grâce à notre créativité rurale;
Faire du maillage de nos villages et de la proximité qu’ils suscitent une force dans cette transition et un laboratoire d’expérimentations citoyennes innovantes;
Devenir une destination de prédilection pour tous ceux qui cherchent un cadre de vie sain, à dimension humaine et au rythme apaisé;
C’est ça la ruralité conquérante.
Un monde est à inventer, nous devons changer notre façon d’habiter la terre.
Nous croyons que la bataille écologique sera locale et citoyenne.
Nous nous engageons pour que notre pays, fort d’un modèle rural original, unique au monde, devienne un précurseur dans «la refonte d’un pacte territorial autour de nos terres arables, de nos mers et de nos forêts» (Jean Viard)
Nous voulons, avec toutes les forces vives en présence, devenir le fer de lance de cette ruralité conquérante !
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A lire sur le sujet
Eau, climat, vivant, paysage; s'engager pour les biens communs
08/07/2019
Gabegie et destruction de paysage à Rochefort-sur-Brevon : dites "stop" en enquête publique!
Le syndicat mixte Sequana propose de dépenser 80 000 euros d'argent public pour détruire des vannages et réduire considérablement la superficie de l'étang de Rochefort-sur-Brevon (21). Nous appelons les citoyens à participer à l'enquête publique pour réfuter le caractère d'intérêt général de ce projet, dont le bilan est négatif au plan du patrimoine, du paysage, de l'agrément, de l'usage énergétique futur du site. Comble de l'absurdité : l'aménageur reconnaît que la rivière Brevon présente des éperons rocheux naturels qui la rendent de toute façon infranchissable aux poissons... mais alors pourquoi l'administration l'avait-elle classée en 2012 en "liste 2" au titre de la continuité écologique? Nous ne supportons cet étalage de gabegie, d'arbitraire et d'incompétence, ces dépenses qui n'ont plus rien à voir avec l'intérêt des citoyens ni avec des enjeux écologiques. Un simple curage de l'étang est nécessaire, avec réflexion sur la relance énergétique du site, qui est aussi un joyau du patrimoine sidérurgique du Châtillonnais.
Voici les remarques des associations ARPOHC et Hydrauxois.
En liminaire, nos associations rappellent la présence de cinq sites anciens dans la propriété du château, liés à l’usage de l’énergie hydraulique. Ils forment un témoignage assez exceptionnel au plan patrimonial, compte tenu de l’importance de la sidérurgie dans l’histoire du Châtillonnais et de leur valeur paysagère actuelle. Ces sites sont aujourd’hui quasiment à l’abandon, et cette situation de carence d’entretien (particulièrement des ouvrages hydrauliques) est déplorable. Il est tout aussi déplorable que l’argent public, rare, se dépense dans des mesures de destruction et non de réfection du patrimoine, dans l’indifférence à l’usage énergétique de l’eau alors que nous sommes en pleine transition énergétique et que chaque collectivité doit s’assurer le meilleur usage possible de ressources locales renouvelables.
Le caractère paysager, architectural et patrimonial de la forge de Rochefort-sur-Brevon sera défiguré par le projet en l’état. Il devient impossible d’envisager une remise en valeur des bâtiments par un futur propriétaire, par exemple par la réfection d’une roue à aubes pour des soufflets et un martinet.
Le projet reconnaît qu’il n’existe aucun enjeu de continuité piscicole et sédimentaire en raison de la présence d’obstacles naturels sur le Brevon : l’intervention au titre du L 214-17 CE et pour l’intérêt de continuité écologique ne se justifie pas.
Notre avis est donc négatif sur la valeur d’intérêt général du projet :
Page 10 : erreur de droit sur le régime IOTA
La rubrique 3.1.2.0 en page 10 est mal renseignée : ce n’est pas un plan d’eau mais bien un cours d’eau barrée, et la modification porte sur 400 mètres linéaires (page 17) : en ce cas, il faut une autorisation du préfet, non une simple déclaration. Par ailleurs, le niveau d’eau actuel au droit du plan d’eau résulte de l’ouverture des vannes. Le niveau initial de référence, défini par le règlement d’eau, n’est pas pris en compte.
Page 21-22 (et page 91) : absence d’intérêt en continuité écologique, choix douteux pour l’intérêt général
«Au regard de l’état initial, l’enjeu d’amélioration de la continuité piscicole du Brevon au droit du plan d’eau du village présente un intérêt limité en raison de la présence d’une barrière naturelle infranchissable. Cependant la continuité écologique ne se limite pas à la continuité piscicole et il est nécessaire de considérer la qualité du Brevon en termes de fonctionnalité et d’habitats»
L’étude reconnaît un éperon rocheux naturel formant un obstacle infranchissable en montaison, situation qui se reproduit ailleurs sur le bassin. De même, il est admis (sans quantification) un «enjeu de continuité sédimentaire réduit sur ce tronçon».
On se demande pourquoi la rivière a été classée en «liste 2» au titre du L 214-17 CE si elle est naturellement discontinue, cette erreur d’appréciation indiquant le manque de rigueur des services de l’État sur ce dossier très conflictuel et contesté.
Du même coup, l’application du L 211-1 CE cité en liminaire (page 8) pour justifier le projet est douteux : l’absence de l’enjeu continuité limite la portée d’intérêt général. Car cet article de la loi visant à une gestion équilibrés et durable de l’eau propose aussi de développer l’hydro-électricité , de protéger le patrimoine, de conserver des réserves d’eau à l’étiage, de valoriser la ressource… autant d’éléments absents du projet, voire désavantagés par le projet, alors qu’il aurait été possible d’investir dans ces enjeux.
En page 91, le projet ré-affirme :
« Les enjeux de conservation associés aux biocénoses aquatiques seront forts, et pleinement intégrés au projet qui vise à restaurer la continuité écologique pour la Truite fario, espèce emblématique du Brevon, et pour les autres espèces d’intérêt communautaire telles que la Lamproie de Planer, leChabot. »
Ce texte est manifestement un copié-collé d’un argumentaire ancien et désormais vide de sens, puisque le site est reconnu infranchissable aux pages 21-22, que ni la truite, encore moins la lamproie de Planer ni le chabot ne peuvent franchir les éperons rocheux du Brevon.
Cela montre que le travail sur le bénéfice écologique n’a pas été fait sérieusement, on se contente d’arguments gratuitement avancés mais sans aucun moyen de vérifier que cela correspond à un bénéfice réel pour le vivant aquatique. Il est inacceptable de mener des politiques publiques et d'engager des dépenses d'argent public sur des bases aussi flous, arbitraires, contradictoires.
Page 22 : absence de concertation amont et de représentativité du comité de pilotage
« Ce principe d’intervention a été validé par un comité de pilotage composé du propriétaire du site, des services de police de l’eau, des services du patrimoine, de représentants de la commune, du SMS, de l’Agence de l’Eau Seine Normandie et de la Région Bourgogne Franche Comté. »
Les associations de riverains et les associations de protection du patrimoine sont absentes des comités de pilotage. C’est anormal pour une dépense publique que l’on dit d’intérêt général, mais en ce cas tous les citoyens sont concernés.
Page 25 et suivantes : risque sur la stabilité du bâti dans le temps, absence d’étude sur les contraintes géotechniques
Il est proposé la création d’échancrures sur le vannage de décharge, réalisées en sous-œuvre. Ce choix augmente le risque de déstabilisation de l’ouvrage avec un risque majeur de déchaussement. Aucune analyse sérieuse n’est faite des contraintes géotechniques et de la stabilité des options choisies dans la durée.
Page 80 : le nouveau règlement d’eau fera obligation d’entretien au propriétaire mais sans possibilité d’utiliser un jour la valeur énergétique
Le nouveau règlement d’eau va acter la disparition des organes hydrauliques, donc la possibilité d’un usage énergétique. C’est totalement contraire aux engagements climatiques de la France et de l’Europe. Chaque collectivité doit rechercher les sources renouvelables bas carbone de son territoire, donc en l’occurrence relancer l’énergie hydraulique. Dans un arrêt récent consacré à un moulin du Châtillonnais (CE n°414211, avril 2019), le Conseil d’État a rappelé que l’intérêt général de l’énergie hydraulique ne s’apprécie pas en fonction du niveau de puissance. Même des sites modestes méritent donc une relance, en particulier sur des territoires où il sera difficile d’envisager de la production éolienne, solaire, biomasse ou autres sources.
Page 88 : certaines espèces risquent d’être pénalisées par la baisse de surface en eau
Le dossier du pétitionnaire rappelle la présence de diverses espèces dont la cigogne noire. Or, plusieurs propriétaires d’ouvrages hydrauliques avec étangs du Châtillonnais ont signalé la présence de cet oiseau migrateur dans les marges de leurs plans d’eau, l’animal appréciant la biomasse de ces biotopes. Le fait de réduire la surface en eau (revenir au lit d’étiage en été) au lieu de conserver une large extension au plan d’eau n’est globalement pas favorable au vivant aquatique.
Illustrations : Mathieu Bouchard, droits réservés.
Vous pouvez donner votre avis sur place ou par mail, voir cette page. Agissez! Ne laissez plus nos rivières et leurs patrimoines être défigurés au nom de dogmes et de modes!
Voici les remarques des associations ARPOHC et Hydrauxois.
En liminaire, nos associations rappellent la présence de cinq sites anciens dans la propriété du château, liés à l’usage de l’énergie hydraulique. Ils forment un témoignage assez exceptionnel au plan patrimonial, compte tenu de l’importance de la sidérurgie dans l’histoire du Châtillonnais et de leur valeur paysagère actuelle. Ces sites sont aujourd’hui quasiment à l’abandon, et cette situation de carence d’entretien (particulièrement des ouvrages hydrauliques) est déplorable. Il est tout aussi déplorable que l’argent public, rare, se dépense dans des mesures de destruction et non de réfection du patrimoine, dans l’indifférence à l’usage énergétique de l’eau alors que nous sommes en pleine transition énergétique et que chaque collectivité doit s’assurer le meilleur usage possible de ressources locales renouvelables.
Le caractère paysager, architectural et patrimonial de la forge de Rochefort-sur-Brevon sera défiguré par le projet en l’état. Il devient impossible d’envisager une remise en valeur des bâtiments par un futur propriétaire, par exemple par la réfection d’une roue à aubes pour des soufflets et un martinet.
Le projet reconnaît qu’il n’existe aucun enjeu de continuité piscicole et sédimentaire en raison de la présence d’obstacles naturels sur le Brevon : l’intervention au titre du L 214-17 CE et pour l’intérêt de continuité écologique ne se justifie pas.
Notre avis est donc négatif sur la valeur d’intérêt général du projet :
- Bénéfice écologique très faible, affirmé mais nullement démontré
- Bénéfice énergétique nul
- Bénéfice paysager nul, destruction du miroir d’eau de l’étang pleins bords
- Bénéfice réserve d’eau étiage nul
- Coût potentiel (non évalué) en niveau de la nappe locale
- Coût important de perte du patrimoine bâti, son sens, son paysage, sa stabilité géotechnique dans le temps
Page 10 : erreur de droit sur le régime IOTA
La rubrique 3.1.2.0 en page 10 est mal renseignée : ce n’est pas un plan d’eau mais bien un cours d’eau barrée, et la modification porte sur 400 mètres linéaires (page 17) : en ce cas, il faut une autorisation du préfet, non une simple déclaration. Par ailleurs, le niveau d’eau actuel au droit du plan d’eau résulte de l’ouverture des vannes. Le niveau initial de référence, défini par le règlement d’eau, n’est pas pris en compte.
Page 21-22 (et page 91) : absence d’intérêt en continuité écologique, choix douteux pour l’intérêt général
«Au regard de l’état initial, l’enjeu d’amélioration de la continuité piscicole du Brevon au droit du plan d’eau du village présente un intérêt limité en raison de la présence d’une barrière naturelle infranchissable. Cependant la continuité écologique ne se limite pas à la continuité piscicole et il est nécessaire de considérer la qualité du Brevon en termes de fonctionnalité et d’habitats»
L’étude reconnaît un éperon rocheux naturel formant un obstacle infranchissable en montaison, situation qui se reproduit ailleurs sur le bassin. De même, il est admis (sans quantification) un «enjeu de continuité sédimentaire réduit sur ce tronçon».
On se demande pourquoi la rivière a été classée en «liste 2» au titre du L 214-17 CE si elle est naturellement discontinue, cette erreur d’appréciation indiquant le manque de rigueur des services de l’État sur ce dossier très conflictuel et contesté.
Du même coup, l’application du L 211-1 CE cité en liminaire (page 8) pour justifier le projet est douteux : l’absence de l’enjeu continuité limite la portée d’intérêt général. Car cet article de la loi visant à une gestion équilibrés et durable de l’eau propose aussi de développer l’hydro-électricité , de protéger le patrimoine, de conserver des réserves d’eau à l’étiage, de valoriser la ressource… autant d’éléments absents du projet, voire désavantagés par le projet, alors qu’il aurait été possible d’investir dans ces enjeux.
En page 91, le projet ré-affirme :
« Les enjeux de conservation associés aux biocénoses aquatiques seront forts, et pleinement intégrés au projet qui vise à restaurer la continuité écologique pour la Truite fario, espèce emblématique du Brevon, et pour les autres espèces d’intérêt communautaire telles que la Lamproie de Planer, leChabot. »
Ce texte est manifestement un copié-collé d’un argumentaire ancien et désormais vide de sens, puisque le site est reconnu infranchissable aux pages 21-22, que ni la truite, encore moins la lamproie de Planer ni le chabot ne peuvent franchir les éperons rocheux du Brevon.
Cela montre que le travail sur le bénéfice écologique n’a pas été fait sérieusement, on se contente d’arguments gratuitement avancés mais sans aucun moyen de vérifier que cela correspond à un bénéfice réel pour le vivant aquatique. Il est inacceptable de mener des politiques publiques et d'engager des dépenses d'argent public sur des bases aussi flous, arbitraires, contradictoires.
Page 22 : absence de concertation amont et de représentativité du comité de pilotage
« Ce principe d’intervention a été validé par un comité de pilotage composé du propriétaire du site, des services de police de l’eau, des services du patrimoine, de représentants de la commune, du SMS, de l’Agence de l’Eau Seine Normandie et de la Région Bourgogne Franche Comté. »
Les associations de riverains et les associations de protection du patrimoine sont absentes des comités de pilotage. C’est anormal pour une dépense publique que l’on dit d’intérêt général, mais en ce cas tous les citoyens sont concernés.
Page 25 et suivantes : risque sur la stabilité du bâti dans le temps, absence d’étude sur les contraintes géotechniques
Il est proposé la création d’échancrures sur le vannage de décharge, réalisées en sous-œuvre. Ce choix augmente le risque de déstabilisation de l’ouvrage avec un risque majeur de déchaussement. Aucune analyse sérieuse n’est faite des contraintes géotechniques et de la stabilité des options choisies dans la durée.
Page 80 : le nouveau règlement d’eau fera obligation d’entretien au propriétaire mais sans possibilité d’utiliser un jour la valeur énergétique
Le nouveau règlement d’eau va acter la disparition des organes hydrauliques, donc la possibilité d’un usage énergétique. C’est totalement contraire aux engagements climatiques de la France et de l’Europe. Chaque collectivité doit rechercher les sources renouvelables bas carbone de son territoire, donc en l’occurrence relancer l’énergie hydraulique. Dans un arrêt récent consacré à un moulin du Châtillonnais (CE n°414211, avril 2019), le Conseil d’État a rappelé que l’intérêt général de l’énergie hydraulique ne s’apprécie pas en fonction du niveau de puissance. Même des sites modestes méritent donc une relance, en particulier sur des territoires où il sera difficile d’envisager de la production éolienne, solaire, biomasse ou autres sources.
Page 88 : certaines espèces risquent d’être pénalisées par la baisse de surface en eau
Le dossier du pétitionnaire rappelle la présence de diverses espèces dont la cigogne noire. Or, plusieurs propriétaires d’ouvrages hydrauliques avec étangs du Châtillonnais ont signalé la présence de cet oiseau migrateur dans les marges de leurs plans d’eau, l’animal appréciant la biomasse de ces biotopes. Le fait de réduire la surface en eau (revenir au lit d’étiage en été) au lieu de conserver une large extension au plan d’eau n’est globalement pas favorable au vivant aquatique.
Illustrations : Mathieu Bouchard, droits réservés.
Vous pouvez donner votre avis sur place ou par mail, voir cette page. Agissez! Ne laissez plus nos rivières et leurs patrimoines être défigurés au nom de dogmes et de modes!
12/04/2019
Victoire du moulin du Boeuf contre le ministère de l'écologie au conseil d'Etat! L'hydro-électricité des moulins reconnue comme d'intérêt général
Après huit années de lutte dont près de 6 ans de combat judiciaire, le conseil d'Etat vient de reconnaître le droit du moulin du Boeuf d'exploiter l'énergie de la Seine à Bellenod. Le pot de terre l'a emporté sur le pot de fer : c'est une immense victoire pour Gilles et Marie-Anne, pour les associations Arpohc et Hydrauxois qui sont à leurs côtés depuis le début, pour les centaines de sympathisants qui ont aidé à financer le contentieux jusqu'au conseil d'Etat. Cette décision de la plus haute instance du droit administratif est aussi très intéressante au plan juridique puisqu'elle dit explicitement aux administrations du ministère de l'écologie que l'équipement des moulins entre dans la gestion durable et équilibrée de l'eau telle que la définit la loi, cela sans réserve sur la puissance modeste de chaque moulin. Le combat du moulin du Boeuf envoie un signal puissant à tous les moulins de France: battez-vous sur chaque site contre les administrations qui essaient de vous détruire ou de vous empêcher de produire une énergie locale, propre et appréciée!
En 2013, dans l'un des premiers articles de ce site, nous avions exprimé notre incompréhension lorsque la préfecture de Côte d'Or avait décidé de casser le droit d'eau du moulin du Boeuf (Bellenod-sur-Seine) et d'empêcher ses propriétaires, Gilles Bouqueton et Marie-Anne Portier, d'installer une roue pour exploiter l'énergie de la rivière. Le moulin est hors réseau EDF, et ses propriétaires l'avaient acquis dans une perspective écologique d'autoconsommation énergétique avec des ressources locales. Des réunions de concertation avec les représentants de la DDT et de l'Onema (aujourd'hui AFB) n'avaient rien donné.
En pleine période de classement des rivières (la Seine amont est liste 1 et liste 2 de continuité dite "écologique"), alors que la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère instruisait ses agents de la nécessité de détruire le maximum de moulins et d'étangs, le site du Boeuf devenait le symbole des premiers dérapages de la continuité écologique dans un sens excessivement tracassier, voire punitif et répressif. Mais Gilles Bouqueton et Marie-Anne Portier n'entendaient pas s'en laisser compter, et ont confié à Me Remy le soin de défendre leur cas devant les tribunaux et cours.
Près de six ans plus tard, dans sa lecture du 11 avril 2019 (arrête n°414211), le conseil d'Etat a donné raison aux propriétaires contre le ministère de l'écologie : il casse l'arrêt du 4 juillet 2017 de la cour administrative d’appel de Lyon, qui avait validé l'annulation du droit d'eau.
Cet arrêt du conseil d'Etat comporte des éléments d'intérêt pour le monde des moulins.
Dans son deuxième attendu, les conseillers citent l’article L. 211-1 du code de l’environnement en précisant :
Précisant sa doctrine, le conseil d'Etat retoque également les appréciations de la cour d'appel qui avait allégué de la faible puissance du moulin pour justifier son absence supposée d'intérêt :
Cette précision du conseil d'Etat tombe à point nommé : le ministre de l'écologie prétend devant les parlementaires que la petite hydro-électricité serait sans intérêt pour la transition énergétique, a contrario de ce qu'avait dit le président Macron mais aussi des conclusions de la commission nationale du débat public sur la programmation énergétique et des attentes de la directive européenne 2018 sur les énergies renouvelables. La décision des conseillers d'Etat est assez logique dans ce contexte général du droit français et européen, et donc contraire aux propos de François de Rugy et des lobbies minoritaires qu'il défend sur ce cas d'espèce (pour des raisons parfois éloignées de l'écologie...)
Dernier point plus classique : les conseillers d'Etat rappellent qu'une absence d'entretien d'un site n'est pas synonyme de perte de son droit d'eau :
Référence : Conseil d'Etat 2019, arrêt n° 414211, Bouqueton et autres contre ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Gilles Bouqueton (au centre) avec Christian Jacquemin et François Blanchot (Arpohc), devant la banderole qui orne depuis 6 ans le moulin du Boeuf. La lutte a payé! Photo : le Bien Public.
En pleine période de classement des rivières (la Seine amont est liste 1 et liste 2 de continuité dite "écologique"), alors que la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère instruisait ses agents de la nécessité de détruire le maximum de moulins et d'étangs, le site du Boeuf devenait le symbole des premiers dérapages de la continuité écologique dans un sens excessivement tracassier, voire punitif et répressif. Mais Gilles Bouqueton et Marie-Anne Portier n'entendaient pas s'en laisser compter, et ont confié à Me Remy le soin de défendre leur cas devant les tribunaux et cours.
Près de six ans plus tard, dans sa lecture du 11 avril 2019 (arrête n°414211), le conseil d'Etat a donné raison aux propriétaires contre le ministère de l'écologie : il casse l'arrêt du 4 juillet 2017 de la cour administrative d’appel de Lyon, qui avait validé l'annulation du droit d'eau.
Cet arrêt du conseil d'Etat comporte des éléments d'intérêt pour le monde des moulins.
Dans son deuxième attendu, les conseillers citent l’article L. 211-1 du code de l’environnement en précisant :
"Il résulte de ces dispositions que la valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource constitue l’un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l’eau doivent assurer le respect. Il appartient ainsi à l’autorité administrative compétente, lorsqu’elle autorise au titre de cette police de l’eau des installations ou ouvrages de production d’énergie hydraulique, de concilier ces différents objectifs dont la préservation du patrimoine hydraulique et en particulier des moulins aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage."C'est une position très intéressante car cette jurisprudence sera opposable à tous les services administratif prétendant que la continuité dite écologique, également présente dans cet article L 211-1 code de l'environnement, aurait en quelque sorte une primauté sur le reste des éléments formant la "gestion équilibrée et durable de l'eau", donc concourant à l'intérêt général. Il n'en est rien. C'était l'appréciation que notre association et ses avocats faisaient de cet article : elle se trouve confirmée.
Précisant sa doctrine, le conseil d'Etat retoque également les appréciations de la cour d'appel qui avait allégué de la faible puissance du moulin pour justifier son absence supposée d'intérêt :
la cour a estimé qu’eu égard à la puissance du moulin du Bœuf, évaluée à 49,2 kilowatts, la perte du potentiel théorique mobilisable de ce moulin était minime à l’échelle du bassin de la Seine. En se prononçant ainsi alors que, en tout état de cause, aucune disposition n’imposerait d’apprécier le potentiel de production électrique d’une installation à l’échelle du bassin du cours d’eau concerné, et alors, que, au demeurant, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la puissance potentielle du moulin du Bœuf correspond à la production électrique moyenne d’un moulin, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.Donc non seulement l'hydro-électricité doit être considérée comme faisant partie de la gestion durable et équilibrée de l'eau, mais la contribution des moulins s'y apprécie en fonction de la puissance normale moyenne de ce type d'ouvrage (variant le plus souvent de 5 à 500 kW, ici 49,2 kW). On ne peut juger du potentiel des moulins en faisant référence "à l’échelle du bassin du cours d’eau concerné", mais on doit apprécier chaque potentiel particulier.
Cette précision du conseil d'Etat tombe à point nommé : le ministre de l'écologie prétend devant les parlementaires que la petite hydro-électricité serait sans intérêt pour la transition énergétique, a contrario de ce qu'avait dit le président Macron mais aussi des conclusions de la commission nationale du débat public sur la programmation énergétique et des attentes de la directive européenne 2018 sur les énergies renouvelables. La décision des conseillers d'Etat est assez logique dans ce contexte général du droit français et européen, et donc contraire aux propos de François de Rugy et des lobbies minoritaires qu'il défend sur ce cas d'espèce (pour des raisons parfois éloignées de l'écologie...)
Dernier point plus classique : les conseillers d'Etat rappellent qu'une absence d'entretien d'un site n'est pas synonyme de perte de son droit d'eau :
"il ressort des appréciations souveraines de la cour non arguées de dénaturation que si les dégradations ayant par le passé affecté le barrage et les vannes ont eu pour conséquence une modification ponctuelle du lit naturel du cours d’eau, des travaux ont été réalisés par les propriétaires du moulin afin de retirer les végétaux, alluvions, pierres et débris entravant le barrage et de nettoyer les chambres d’eau et la chute du moulin des pierres et débris qui les encombraient, permettant à l’eau d’y circuler librement avec une hauteur de chute de quarante-cinq centimètres entre l’amont et l’aval du moulin, où une roue et une vanne récentes ont été installées. La cour, en jugeant que ces éléments caractérisaient un défaut d’entretien régulier des installations de ce moulin à la date de son arrêt, justifiant l’abrogation de l’autorisation d’exploitation du moulin distincte, ainsi qu’il a été dit, du droit d’usage de l’eau, a inexactement qualifié les faits de l’espèce."Comme nous le précise Me Remy dans un commentaire de ce point, "l’état d’abandon ou l’absence d’entretien d’un ouvrage doivent s’apprécier, conformément aux règles de plein contentieux, à la date à laquelle le juge statue".
Référence : Conseil d'Etat 2019, arrêt n° 414211, Bouqueton et autres contre ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
01/01/2019
02/07/2018
L'histoire longue des rivières à l'honneur aux rencontres hydrauliques de Semur-en-Auxois
Plus d'une centaine de congressistes étaient présents aux rencontres annuelles Hydrauxois-Arpohc des 30 juin et 1er juillet 2018, à Semur-en-Auxois. Deux chercheurs invités, l'archéologue Gilles Rollier (Inrap, U. Lyon) et le géographe Jean-Paul Bravard (CNRS U. Lyon), ont notamment exposé des réflexions sur l'histoire longue des rivières françaises et européennes, le rôle qu'y a joué l'implantation précoce des ouvrages hydrauliques et la nécessité de ré-insérer les choix actuels d'intervention en cours d'eau dans une approche informée, complexe, multidisciplinaire. L'historien Jérôme Benêt a illustré cette longue durée à travers la visite commentée de plusieurs ouvrages de la capitale de l'Auxois, qui entend bien préserver cet héritage et le ré-inscrire dans sa vocation énergétique. La visite de l'abbaye de Fontenay, fêtant cette année les 900 ans de sa fondation, a permis de découvrir l'hydraulique monastique et son rôle dans l'implantation précoce de la sidérurgie bourguignonne.
Gilles Rollier, archéologue (Inrap, UMR 5138 Lyon II), spécialiste de l'hydraulique monastique (sa thèse portait sur Cluny), a notamment été le co-organisateur d'un colloque de référence sur le renouveau de l'archéologie des moulins hydrauliques, à traction animale et à vent.
Sa conférence a brossé une vaste fresque du déploiement des moulins de l'Antiquité au XIXe siècle, avec une insistance particulière sur le progrès de connaissances concernant la période médiévale, l'évolution de ses techniques (notamment la place du bois dans les constructions anciennes) et la logique des choix d'implantations de site à travers les âges. L'archéologue a notamment souligné l'importance précoce qu'ont eue les implantations hydrauliques dans la configuration des bassins versants, dont les formes fluviales étaient jadis plus complexes (rivières en bras, lits majeurs connectés). Son intervention a permis de comprendre que l'histoire longue des rivières, où s'inscrivent nos actions actuelles visant à retrouver certains styles fluviaux, est celle d'une métamorphose graduelle dont on ne peut abstraire l'influence permanente de l'homme. La présence bimillénaire de moulins, exploitant depuis l'Antiquité l'une des principales énergies renouvelables, représente une continuité historique tout à fait remarquable et la recherche archéologique européenne sur cette trajectoire technologique est aujourd'hui très dynamique.
Conférence de Gilles Rollier (pdf) Nota : les illustrations de cette conférence ne sont pas toutes libres de droit, leur usage ne concerne qu'une lecture privée et n'appelle pas publication.
Jean-Paul Bravard, médaille d'argent du CNRS, membre de l'Institut universitaire de France, chercheur en géographie physique et géomorphologie fluviale, a été un artisan majeur des programmes interdisciplinaires et internationaux d'études des hydrosystèmes fluviaux mis en place depuis les années 1980. Après avoir rappelé rapidement la genèse de cette réflexion et de ses outils de connaissance, le géographe a souligné la faiblesse scientifique de certains attendus des politiques actuelles de continuité en long. Parmi les préconisations du chercheur :
Conférence de Jean-Paul Bravard (pdf)
Enfin Jérôme Benêt, historien, auteur d'une remarquable monographie sur Semur-en-Auxois au XVème siècle (le paysage urbain d'une "bonne ville" du duché de Bourgogne sous les Valois), a exposé sur le terrain la genèse de plusieurs ouvrages de moulins dans les faubourgs de la capitale de l'Auxois. La ville de Semur-en-Auxois a compté jusqu'à 13 moulins dont onze sont encore présents aujourd'hui, certains ayant une forme très conservée en ce qui concerne la structure des chaussées en rivière et l'alimentation des biefs. Outre la mouture de la farine, nombre de ces moulins ont servi de foulons pour la draperie semuroise, qui était réputée à l'âge médiéval et classique. Cet héritage n'a aucune envie de disparaître aujourd'hui, la maire de la Commune (Catherine Sadon) ayant confirmé sa volonté de préserver un patrimoine exceptionnel et de lui rendre son sens énergétique à l'heure de la transition bas carbone. De la même manière, l'abbaye de Fontenay, visitée le samedi matin par les congressistes, mène une réflexion sur la mise en valeur du contexte hydraulique de ce chef d'oeuvre cistercien, où le ruisseau de Fontenay alimentait des piscicultures, réseaux d'assainissement, fontaines et bien sûr ateliers de production sidérurgique.
Gilles Rollier, archéologue (Inrap, UMR 5138 Lyon II), spécialiste de l'hydraulique monastique (sa thèse portait sur Cluny), a notamment été le co-organisateur d'un colloque de référence sur le renouveau de l'archéologie des moulins hydrauliques, à traction animale et à vent.
Sa conférence a brossé une vaste fresque du déploiement des moulins de l'Antiquité au XIXe siècle, avec une insistance particulière sur le progrès de connaissances concernant la période médiévale, l'évolution de ses techniques (notamment la place du bois dans les constructions anciennes) et la logique des choix d'implantations de site à travers les âges. L'archéologue a notamment souligné l'importance précoce qu'ont eue les implantations hydrauliques dans la configuration des bassins versants, dont les formes fluviales étaient jadis plus complexes (rivières en bras, lits majeurs connectés). Son intervention a permis de comprendre que l'histoire longue des rivières, où s'inscrivent nos actions actuelles visant à retrouver certains styles fluviaux, est celle d'une métamorphose graduelle dont on ne peut abstraire l'influence permanente de l'homme. La présence bimillénaire de moulins, exploitant depuis l'Antiquité l'une des principales énergies renouvelables, représente une continuité historique tout à fait remarquable et la recherche archéologique européenne sur cette trajectoire technologique est aujourd'hui très dynamique.
Conférence de Gilles Rollier (pdf) Nota : les illustrations de cette conférence ne sont pas toutes libres de droit, leur usage ne concerne qu'une lecture privée et n'appelle pas publication.
L'essentiel des constructions de moulins antiques et médiévaux était en bois, comme l'a rappelé G. Rollier. Des témoignages ethnographiques, comme ces moulins traditionnels de Bosnie ou de Roumanie (droits réservés), illustrent ce que l'archéologie retrouve dans les fouilles menées en Europe occidentale.
- réaliser des bilans critiques des opérations d’effacement/arasement réalisées dans différents contextes géographiques et en tirer les leçons objectives avant de systématiser,
- les rares études approfondies soulignant le caractère contestable des «états de référence» retenus, cette notion doit être repensée,
- réaliser des bilans sédimentaires et piscicoles à l’échelle des sous-bassins aménagés, pas seulement à l’échelle des seuils, tenir compte pour cela des sources sédimentaires actuelles, des flux entrant dans le système et en sortant,
- prendre en compte des lieux, des territoires, en évitant une politique nationale normée et rigide à laquelle échappe forcément la complexité du réel.
Conférence de Jean-Paul Bravard (pdf)
Un exemple commenté par JP Bravard : seuil de la vallée de l'Eyrieux (Ardèche), où l'on voit à aval du choix d'implantation des blocs formant une transition d'écoulement rapide et la reprise du style fluvial spontané après la retenue.
22/12/2017
Appel à soutenir le moulin du Boeuf en lutte contre l'arbitraire administratif
Défendre la production d'une hydroélectricité bas-carbone et non polluante, préserver les droits d'une exploitation raisonnée des cours d'eau, valoriser le patrimoine, les moulins et ouvrages hydrauliques multicentenaires, résister à la destruction programmée des anciens moulins au mépris de la loi : autant de causes menacées à défendre maintenant, ici. Avec le moulin de Boeuf, en lutte depuis 6 ans contre l'administration de Côte d'Or lui refusant le droit d'exister comme moulin, en butte à l'indifférence d'un syndicat de rivière (Sicec-SMS) dont le seul objectif manifeste paraît de casser le maximum d'ouvrages sur la Seine et ses affluents. Gilles et Marie-Anne doivent aujourd'hui défendre leur cause devant le Conseil d'Etat. Hydrauxois est à leur côté et nous demandons à tous nos lecteurs de les aider concrètement à assumer les frais de justice. C'est en se battant systématiquement sur le terrain et devant les tribunaux que nous ferons avancer notre cause commune. Merci d'aider Gilles et Marie-Anne. Merci de diffuser cet appel. Merci de vous engager pour que vive notre patrimoine hydraulique, que cesse la folie de son démantèlement et de son harcèlement.
En 2011, Gilles et Marie-Anne achètent le moulin du Bœuf, à Bellenod-sur-Seine, avec son droit d’eau, mais sans raccordement au réseau électrique.
Leur rêve ? Restaurer ce moulin ancien, le rendre énergétiquement autonome par la pose d’une nouvelle roue hydraulique et de panneaux solaires, pouvoir s’y « mettre au vert ».
De l’argent investi dans les énergies renouvelables et dans la restauration du patrimoine rural : qui y verrait un problème aujourd’hui, à l’heure de la transition écologique et énergétique?
Mais ce rêve tourne au cauchemar.
L’administration de l’eau, dûment avertie du projet, déclare qu’il est interdit de remettre une roue sur le site ancien et d’exploiter la force motrice de l’eau : le droit d’eau transmis lors de l’achat est retiré.
Cette administration se montre intraitable. Le coût de raccordement du moulin au réseau électrique approcherait les 100 000 euros ? Peu importe. Les roues hydrauliques ne provoquent aucune mortalité des poissons ? Peu importe. Tout le village et plusieurs associations soutiennent le couple ? Peu importe.
Gilles et Marie-Anne ont décidé de porter l’affaire en justice. Car au-delà de leur cas, des milliers de moulins font aujourd’hui en France l’objet des mêmes menaces : on leur interdit de produire une énergie propre ou on renchérit le coût de manière exorbitante, sous des prétextes fallacieux ; on détruit parfois leurs chutes, retenues et biefs à la pelleteuse.
Après un jugement défavorable en appel, ils ont décidé de se porter en cassation au Conseil d’État, afin que les plus hauts magistrats se prononcent sur leur cas.
Si Gilles et Marie-Anne gagnent cette procédure, ce seront des milliers de roues de moulin qui pourraient de nouveau tourner sur les rivières françaises. Pour produire une énergie locale et propre. Pour relancer l’activité dans nos campagnes. Pour retrouver des rivières vivantes, surveillées et entretenues.
Nous vous demandons aujourd’hui d’aider Gilles et à Marie-Anne à payer les frais de procédure, afin que l’injustice économique ne s’ajoute pas à l’injustice administrative dont ils sont déjà victimes.
Lien vers la campagne de don
En 2011, Gilles et Marie-Anne achètent le moulin du Bœuf, à Bellenod-sur-Seine, avec son droit d’eau, mais sans raccordement au réseau électrique.
Leur rêve ? Restaurer ce moulin ancien, le rendre énergétiquement autonome par la pose d’une nouvelle roue hydraulique et de panneaux solaires, pouvoir s’y « mettre au vert ».
De l’argent investi dans les énergies renouvelables et dans la restauration du patrimoine rural : qui y verrait un problème aujourd’hui, à l’heure de la transition écologique et énergétique?
Mais ce rêve tourne au cauchemar.
L’administration de l’eau, dûment avertie du projet, déclare qu’il est interdit de remettre une roue sur le site ancien et d’exploiter la force motrice de l’eau : le droit d’eau transmis lors de l’achat est retiré.
Cette administration se montre intraitable. Le coût de raccordement du moulin au réseau électrique approcherait les 100 000 euros ? Peu importe. Les roues hydrauliques ne provoquent aucune mortalité des poissons ? Peu importe. Tout le village et plusieurs associations soutiennent le couple ? Peu importe.
Gilles et Marie-Anne ont décidé de porter l’affaire en justice. Car au-delà de leur cas, des milliers de moulins font aujourd’hui en France l’objet des mêmes menaces : on leur interdit de produire une énergie propre ou on renchérit le coût de manière exorbitante, sous des prétextes fallacieux ; on détruit parfois leurs chutes, retenues et biefs à la pelleteuse.
Après un jugement défavorable en appel, ils ont décidé de se porter en cassation au Conseil d’État, afin que les plus hauts magistrats se prononcent sur leur cas.
Si Gilles et Marie-Anne gagnent cette procédure, ce seront des milliers de roues de moulin qui pourraient de nouveau tourner sur les rivières françaises. Pour produire une énergie locale et propre. Pour relancer l’activité dans nos campagnes. Pour retrouver des rivières vivantes, surveillées et entretenues.
Nous vous demandons aujourd’hui d’aider Gilles et à Marie-Anne à payer les frais de procédure, afin que l’injustice économique ne s’ajoute pas à l’injustice administrative dont ils sont déjà victimes.
Lien vers la campagne de don
20/11/2017
Des riverains en lutte pour préserver le plan d'eau de Garchy (Nièvre)
Des objectifs opaques, des citoyens écartés de la construction des projets, des agences de l'eau imposant des arbitrages financiers favorables aux destructions, des services officiels de la biodiversité ne s'intéressant qu'à quelques espèces spécialisées d'eaux vives, des élus, techniciens, administratifs préférant travailler en vase clos et arriver dans chaque village avec une "solution" dont l'issue n'est déjà plus discutable : partout la continuité écologique se déploie dans le mépris du dialogue social et environnemental, au lieu de partir des attentes des riverains et de la réalité des milieux aquatiques modifiés par l'histoire. Les habitants du village de Garchy s'en plaignent. Hydrauxois sera à leur côté.
15/11/2017
Barrages et lacs de la Sélune : stop à la destruction !
Stupeur. Colère. En pleine COP 23, alors qu'il vient de renoncer à la réduction du parc électronucléaire telle qu'elle fut votée par la loi de transition énergétique de 2016 et que la France est en retard sur ses objectifs climatiques, Nicolas Hulot annonce par communiqué la destruction des deux barrages hydro-électriques de la Sélune. Une incohérence complète. Mais aussi un mépris total pour les dizaines de milliers de riverains des lacs ayant exprimé leur opposition à la disparition de leur cadre de vie. Le motif de cette destruction est le retour hypothétique des saumons dans une rivière par ailleurs reconnue comme polluée, et dégradée morphologiquement dès l’amont sur les zones de frai. D’autres options pour le saumon sont possibles. L'association Hydrauxois encourage les habitants de la vallée à protéger les ouvrages de la destruction par tous les moyens démocratiques à leur disposition. Elle appelle tous les amoureux des patrimoines hydrauliques de France et d’ailleurs à manifester leur solidarité financière et militante pour le combat qui s’annonce. Nous participerons au contentieux contre les décisions de l'Etat et à la mobilisation citoyenne pour défendre les sites menacés.
Dans un communiqué en date du 14 novembre 2017, le ministère de la Transition écologique et solidaire vient d'annoncer l'engagement du chantier de destruction des barrages de la Sélune. L'effacement du barrage de Vezins est censé commencer dès le printemps 2018, suivi par celui du barrage de la Roche-Qui-Boit.
La décision de Nicolas Hulot est inacceptable pour les raisons suivantes :
On trouvera ci-après un rappel sommaire des coûts et nuisances associés à la destruction des ouvrages, y compris au plan environnemental.
La réponse à cette nouvelle dérive autoritaire du ministère de la Transition écologique et solidaire doit être claire : les barrages et lacs de la Sélune sont devenus une zone à défendre.
M. Nicolas Hulot ayant soutenu les riverains en lutte à Sivens ou à Notre-Dame-des-landes, il comprendra sans peine la mobilisation résolue dont sa décision va faire l’objet, sur le terrain, dans les médias et devant les tribunaux.
Nous appelons l'ensemble des citoyens à soutenir les actions qui seront menées par les habitants de la vallée, et dont nous vous tiendrons informé.
En concertation avec les acteurs locaux, l'association Hydrauxois travaille dès à présent à la préparation d'un recours en justice contre cette décision inacceptable.
Les avantages de l'effacement des ouvrages de la Sélune sur le retour de 3000 à 5000 saumons doivent être mis en balance avec ses effets négatifs, qui sont bien plus nombreux. En voici une liste probablement non exhaustive (la plupart sont dans l'étude Artelia 2014).
Economie
Energie et climat
Sécurité, services et régulation
Environnement
Société, mode de vie et gouvernance
Dans un communiqué en date du 14 novembre 2017, le ministère de la Transition écologique et solidaire vient d'annoncer l'engagement du chantier de destruction des barrages de la Sélune. L'effacement du barrage de Vezins est censé commencer dès le printemps 2018, suivi par celui du barrage de la Roche-Qui-Boit.
La décision de Nicolas Hulot est inacceptable pour les raisons suivantes :
- elle a été prise de manière brutale, sans concertation avec les acteurs, poursuivant la déplorable habitude d’une soi-disant « écologie » autoritaire et punitive imposée depuis Paris,
- les habitants riverains de la vallée ont dit leur opposition massive à la disparition des lacs et des activités qui leur sont associées, sans que leur voix soit entendue,
- les deux barrages représentent des outils de production hydro-électrique très bas-carbone, et leur destruction en pleine COP23 est une véritable provocation, d'autant que la France s'avoue incapable de tenir son programme de sortie progressive du nucléaire comme de déploiement des éoliennes très contestées en ruralité,
- le retour des saumons sur la Sélune a été d'abord porté comme une exigence du lobby de la pêche de loisir, ce qui ne correspond en rien à un intérêt général mais illustre l’écoute anormalement attentive d’intérêts particuliers par les ministères successifs de l’écologie,
- à échelle de temps de l’écologie (de la décennie au millénaire), la durabilité des retours des saumons sur le bassin atlantique est incertaine en situation de réchauffement climatique et de modification des routes migratoires,
- pour un coût considérable de plus de 50 millions €, quelques milliers de saumons retournants sont attendus, soit un bénéfice négligeable par rapport aux opérations nord-américaines du même type qui ouvrent la voie à des dizaines ou des centaines de milliers de migrateurs,
- il existe des méthodes non destructrices pour déjà tester la capacité des saumons à coloniser l'amont, comme celles utilisées par EDF sur plusieurs rivières françaises,
- le bilan global de biodiversité du chantier serait mauvais, car les lacs hébergent de nombreuses espèces d’intérêt, dont certaines protégées, et ils remplissent des services écosystémiques bénéficiant à l’aval et à la baie du Mont-Saint-Michel.
On trouvera ci-après un rappel sommaire des coûts et nuisances associés à la destruction des ouvrages, y compris au plan environnemental.
La réponse à cette nouvelle dérive autoritaire du ministère de la Transition écologique et solidaire doit être claire : les barrages et lacs de la Sélune sont devenus une zone à défendre.
M. Nicolas Hulot ayant soutenu les riverains en lutte à Sivens ou à Notre-Dame-des-landes, il comprendra sans peine la mobilisation résolue dont sa décision va faire l’objet, sur le terrain, dans les médias et devant les tribunaux.
Nous appelons l'ensemble des citoyens à soutenir les actions qui seront menées par les habitants de la vallée, et dont nous vous tiendrons informé.
En concertation avec les acteurs locaux, l'association Hydrauxois travaille dès à présent à la préparation d'un recours en justice contre cette décision inacceptable.
Effacement des ouvrages de la Sélune,
un bilan coût-bénéfice très mauvais
Les avantages de l'effacement des ouvrages de la Sélune sur le retour de 3000 à 5000 saumons doivent être mis en balance avec ses effets négatifs, qui sont bien plus nombreux. En voici une liste probablement non exhaustive (la plupart sont dans l'étude Artelia 2014).
Economie
- coût considérable pour la dépense publique (minimum 50 M€)
- perte d’activité des installations touristiques en lien direct avec la retenue (village de gîtes du Bel Orient, base de Mazure, parc de l'Ange Michel, etc.)
- perte de retombées socio-économiques pour les collectivités locales destinataires de la taxe foncière et professionnelle liée aux barrages
- risque de ne jamais retrouver des activités durables vu le caractère encaissé de la vallée (au droit des retenues) et des fréquentes inondations rendant difficile l'aménagement des berges
- risque de coûts supplémentaires et conséquents si le saumon trouve des eaux trop polluées et trop fragmentées, des habitats trop dégradés pour coloniser efficacement la tête de basin et le chevelu amont
Energie et climat
- perte d'une production d'énergie hydroélectrique en place (18% du parc des énergies renouvelables de la Manche), qui a le meilleur bilan carbone en zone tempérée (25 GWh/an, émission de 7 g éqCO2/kWh en comparaison des 45 g éqCO2/kWh de l’électricité produite en France)
- émissions de gaz à effet de serre (GES) supplémentaires en contradiction avec la lutte contre le réchauffement climatique (émission lors de la phase travaux, perte de la fonction puits carbone de la retenue, perte du productible énergétique bas-carbone et fin prématurée du cycle de vie de l'équipement, coût carbone de la reconstruction d'un productible équivalent, à durée de vie moindre que des barrages)
Sécurité, services et régulation
- fin de l'écrêtement des crues les plus fréquentes et de la prévention des inondations aval (ralentissement de la cinétique des crues)
- reprise d'érosion régressive, fragilisation des berges, risque de glissements de terrain en amont du barrage lors de la phase de vidange et au-delà (disparition des pontons, cabanons et autres bâtis d'aménagement)
- disparition de la réserve d'eau et de son captage (43 communes)
- risque sur l'approvisionnement durable en eau (hydrogéologie du socle ne permettant pas de grands aquifères, pollution de l'alternative Beuvron, changement climatique et baisse tendancielle des débits)
Environnement
- destruction d'une zone humide à intérêt majeur de préservation et régulation de la ressource en eau, en situation de changement climatique et hydrologique
- perte de la fonction d'épuration chimique de l'eau polluée par les activités amont
- risque de pollution des eaux et berges à l'aval, risque de "marée verte" sur la petite baie du Mont Saint-Michel
- risque de propagation d’espèces invasives et pathogènes associés
- réduction de zones favorables aux espèces des milieux lentiques (brème, brochet, gardon, carpe, perche, sandre, tanche)
- disparition de la réserve d’habitats que peut constituer la retenue en période de très basses eaux dans le cas d'un cours d’eau soumis à des étiages sévères
- destruction de l’alimentation des zones humides dans les zones déprimées en fond des vallons
- mortalité d’une partie de la ripisylve de la retenue du barrage dont les racines seront exondées
- destruction des conditions favorables au développement du phytoplancton et de certaines macrophytes, disparition des vasières et des espèces inféodées à ce milieu (limoselle aquatique, scirpe à inflorescence ovoïde, léersie faux-riz)
- perte d'habitat et nourrisserie pour l'avifaune, dont certaines espèces protégées (hirondelle de fenêtre, bergeronnette des ruisseaux, chevalier guignette, grèbe huppé, héron cendré, grand cormoran, bouscarle de Cetti, martin pêcheur d’Europe, troglodyte mignon, bondrée apivore, pic épeichette)
- perte d'habitat pour les amphibiens et urodèles (grenouille agile, crapaud commun, salamandre tachetée, triton palmé), risque de disparition de certains insectes protégés (gomphe semblable)
- menace sur les colonies de chiroptères (petit rhinolophe, murin à oreilles échancrées, murin de Daubenton)
- risques environnementaux et sanitaires liés aux processus d’érosion et de lixiviation en cas d’une contamination des sédiments exondés
- bénéfice saumon très faible (5000 individus mxi, à comparer au retour de 500.000 migrateurs espéré sur l’opération similaire de l’Elwha aux Etats-Unis)
- poursuite d'une vision déjà datée et contestée de la "renaturation" par retour à une référence naturelle, alors que les rivières sont des phénomènes hybrides à co-évolution biologique et sociale, avec des biodiversités acquises dans les zones artificialisées offrant des habitats d'intérêt faunistiques ou floristiques
Société, mode de vie et gouvernance
- modification non désirée et non concertée du cadre de vie des riverains
- disparition d'un des seuls plans d'eau de pêche aux carnassiers et blancs de la région (usage majoritaire des 1600 adhérents des associations de pêche locale)
- disparition des activités festives et sportives liées aux retenues
- perte du patrimoine industriel local lié à l'existence des barrages
- opposition quasi unanime de la population de la vallée à la fin imposée des ouvrages, image négative de la "continuité écologique" comme mesure antidémocratique et peu rationnelle
27/10/2017
Perrigny-sur-Armançon : nous refuserons la destruction
Comme des dizaines d'habitants du village et des centaines de riverains de l'Armançon, notre association considère cette destruction comme une gabegie scandaleuse :
- les habitants ont déjà exprimé leur opposition massive à la disparition de ce magnifique site lors de l'enquête publique,
- l'ouvrage est franchissable en l'état aux anguilles et aux cyprinidés rhéophiles adultes à diverses conditions de débit,
- la destruction fait disparaître des zones humides et a un impact écologique n'ayant pas été estimé correctement par le porteur de projet,
- la destruction a un impact très négatif au plan paysager et patrimonial,
- il existe des solutions simples à moindre dommage, comme la reconnexion du bras mort de contournement en l'état où il était au XIXe siècle,
- l'Armançon est une rivière fragmentée par un grand barrage public sans projet d'aménagement, barrage modifiant l'hydrologie et la biologie de la rivière, il est inique et absurde de s'acharner sur des seuils anciens et franchissables en crue,
- les députés et sénateurs ont signifié clairement qu'il fallait cesser la destruction des moulins de France, et plutôt envisager leur équipement hydro-électrique ou leur gestion pour limiter les effets négatifs des sécheresses de plus en plus prononcées.
Dans l'hypothèse où le SMBVA et l'administration persistent dans leur résolution à détruire, l'association Hydrauxois s'y opposera par des manifestations de terrain, et par un recours judiciaire si un nouvel arrêté était promulgué. Nous appelons d'ores et déjà tous nos lecteurs à nous soutenir pour cette nouvelle mobilisation, tant au plan économique pour les frais de justice qu'au plan militant pour les actions locales.
A lire
Perrigny-sur-Armançon: en finir avec l'acharnement insensé à détruire le déversoir
Avis négatif sur l'effacement de l'ouvrage de Perrigny-sur-Armançon, demande au préfet de surseoir
07/04/2017
Sommes-nous continuo-sceptiques? Réponse au CGEDD
Le rapport intégral du CGEDD sur la continuité écologique contient deux pages de critiques de notre association et de l'OCE. Nous en rappelons ici la teneur et nous y répondons. La question est assez mineure: le CGEDD a validé nombre des reproches que nous portions à la mise en oeuvre française de la continuité écologique, ce qui est l'essentiel pour poser les termes des réformes nécessaires. En ce qui concerne notre critique des bases scientifiques des choix de continuité en France, le CGEDD n'y répond pas (c'est en dehors de l'objet de son rapport) et fait observer que les principaux concernés n'y répondent pas non plus (ce qui pose question). Sur la soi-disant auto-épuration en lien à la suppression des ouvrages transversaux, nos interlocuteurs commencent à reconnaître très timidement que nous avions raison d'être sceptiques. Sur le reste, nous verrons bien les conclusions de l'expertise scientifique multidisciplinaire faisant partie des recommandations du CGEDD. Nous avons pour notre part entière confiance dans l'avis des chercheurs, à condition que cet avis résulte d'un collège représentatif de la diversité de la recherche et qu'il réponde aux questions essentielles pour les choix publics, sans se contenter de généralités: quel niveau de robustesse de nos résultats actuels de recherche en écologie des milieux aquatiques? Quelle connaissance de la biodiversité au-delà des poissons et des espèces suivies en bio-indication? Quelle importance relative de la continuité longitudinale pour la qualité de l'eau et des milieux par rapport à d'autres impacts sur d'autres compartiments? Quelle place en particulier de la petite hydraulique (non de la grande) dans les impacts? Quelles méthodes de priorisation des interventions? Quelles dimensions non-écologiques à intégrer dans l'approche du sujet? Quelles chances d'atteindre le bon état écologique et chimique 2027 au regard des tendances lourdes observées depuis 30 ans par la recherche? Quelle compatibilité épistémologique entre la démarche DCE par état de référence et le constat de l'évolution dynamique des milieux? Quelles limites observées en Europe et dans le monde sur les chantiers de restauration de rivière? Comment objectiver des services rendus par les écosystèmes avant d'engager l'argent public dans ces restaurations? Nous sommes confiants car aucune expertise digne de ce nom n'ignorera la centaine de travaux que nous avons déjà recensés sur ces sujets et ne passera sous silence les débats bien réels qui animent aujourd'hui la communauté scientifique. N'en déplaise à ceux qui voudraient nourrir les citoyens de certitudes, de slogans ou de mots d'ordre.
Le rapport CGEDD écrit à propos de notre association (pp 59-60 du rapport complet):
Le récent développement d'une interprétation de la littérature scientifique sur la continuité écologique par les opposants eux-mêmes, sans réaction sur le fond par les institutions officielles qui en ont la charge − autres que locales ‒ contribue à accroître la défiance envers la politique conduite. Elle parait à la mission le signe inquiétant d'une nouvelle escalade dans la rupture du dialogue qui caractérise ce dossier.
Cette analyse scientifique est organisée en ligne par les associations de propriétaires de moulins (OCE, Hydrauxois). Celles-ci semblent avoir toute confiance dans leur lecture de ces analyses et en reprennent les messages délivrés auprès de leurs mandants ainsi qu'auprès des élus qui les utilisent à leur tour.
Ce n'est pas la capacité d'analyse des auteurs de ces sites qui est en cause. Mais l'absence de confrontation directe avec les chercheurs et auteurs auxquels sont attribués les résultats et analyses commentés, ainsi que le mode d'expression utilisé, ne permettent ni que soit donnée à ces analyses une forte crédibilité, qu'elle n'acquiert que dans le cercle de leurs mandants, ni que les autorités puissent adhérer aux thèses qu'elles défendent.
En effet, les informations diffusées par ces sites se révèlent à la fois :
sectorielles, vu l'angle restreint sous lequel est abordé la politique de l'eau : celle-ci ne se limite pas à la continuité écologique ni à la problématique des seuils en rivière ;
• partielles, compte tenu de la sélectivité dans le choix des études analysées qui concernent la restauration de la continuité écologique, sans garantie pour le lecteur de leur caractère exhaustif ;
• partiale : l'épisode du commentaire d'une étude de Van Looy (IRSTEA) en 2011 par Hydrauxois et qui s'est renouvelé depuis, est significatif d'un commentaire sorti de son contexte qui a ensuite été repris par les propriétaires puis les élus, faisant finalement dire à une étude ce qu'elle ne démontrait pas et entretenant une idée fausse dans l'opinion ;
• polémique : le ton employé, le mélange sans distinction entre analyse scientifique et commentaire politique au sein des mêmes articles, l'agressivité envers l'État, souvent personnalisée en citant des fonctionnaires qui font pourtant de leur mieux pour exercer la mission assignée à leur structure, ne servent pas nécessairement la cause de ces deux entreprises.
Cette stratégie de controverse permanente contribue à :
• développer une sorte de "continuo-scepticisme", contre lequel l'administration a du mal à s'organiser pour répondre ou pour traiter les questions exprimées qui sont pourtant de véritables sujets de fond,
• affaiblir la légitimité de l'ONEMA auprès des propriétaires de moulins, alors que le rôle d'assurer une véritable veille scientifique sur ces questions revient pleinement à cet établissement public.
Nous apportons ci-dessous quelques réponses de fond. A signaler préalablement : Hydrauxois est née comme un collectif riverain pour défendre un barrage communal et n'est pas, stricto sensu, une association dédiée à la seule défense des propriétaires de moulin (même si cela fait partie de nos activités). Ce point n'échappe à personne en lisant notre site et en suivant nos interventions.
La science, le dialogue et la société
Si les mots ont encore un sens, examiner la littérature scientifique sur la restauration physique de rivière, et en particulier l'impact des ouvrages hydrauliques, relève difficilement d'une "rupture de dialogue" ou d'une "escalade". Il nous arrive de discuter avec des chercheurs et ingénieurs de l'eau (ce que nous ne sommes pas), certains d'entre eux ont rencontré les parlementaires voici quelques mois pour exposer leur propre scepticisme sur divers aspects de la continuité (voir cet article). Nous regrettons que les "institutions officielles" ne précisent pas les points que nous relevons à partir de notre lecture des publications scientifiques ou qu'elles ne souhaitent pas en discuter davantage avec nous. Il ne tient qu'à elles de le faire.
Nous n'étudions pas ces travaux écologiques ou de sciences sociales en vue d'acquérir une "légitimité" (laquelle revient en dernier ressort aux seuls chercheurs pour ce qui est des savoirs positifs, pas aux associations) ni pour faire adopter des conclusions monolithiques à des autorités (auxquelles nous reprochons précisément d'être monolithiques). Nous le faisons plus simplement pour construire et partager nos connaissances sur le sujet, pour informer nos lecteurs et les décideurs de la pluralité de ces travaux, pour nourrir des débats publics sur l'écologie à partir de la seule source que nous considérons comme réellement fiable. Le fait est que les chercheurs ont souvent l'honnêteté de reconnaître, quand ils s'expriment devant leurs pairs et dans les publications légitimes (c'est-à-dire en revues à comité de lecture), que l'écologie de la restauration reste encore aujourd'hui incertaine dans ses attendus et ses méthodes, que l'impact des petits ouvrages hydrauliques est à ce jour peu étudié, que les analyses empiriques et statistiques faites rigoureusement sont rares et donnent des résultats variables, parfois contradictoires, etc. Nous donnons toujours l'ensemble des sources que nous évoquons, nous tenons à disposition les pdf à ceux qui les demandent (dans la limite des droits protégés) : 95 articles parus depuis 2010 ont ainsi été recensés individuellement, près de 130 dans des synthèses sur divers sujets, ainsi que plusieurs thèses doctorales.
Malgré cette activité éditoriale soutenue, nous ne prétendons pas faire un travail d'expertise, ce qui revient aux instances scientifiques compétentes pour cela. En revanche, nous attendons des travaux publiés par des institutions ayant autorité publique (Onema et aujourd'hui AFB, agences de l'eau) qu'ils cessent de passer sous silence certains aspects de cette recherche, ou de considérer que le discours scientifique sur la rivière pourrait naturellement se limiter au monologue des hydrobiologistes d'inspiration conservationniste...
Les chercheurs de l'environnement, tout comme ceux de la santé, du climat, de l'énergie et d'autres sujets importants, ont une responsabilité vis-à-vis de la société qui paie leurs travaux et qui attend leur avis informé. Dans l'exemple du GIEC et de la question climatique, les scientifiques ont réalisé un énorme travail collectif de synthèse pluridisciplinaire des connaissances disponibles, de modélisation, d'estimation rigoureuse des incertitudes, d'avis aux décideurs et aux opinions sur ce que l'on sait mais aussi sur ce que l'on ne sait pas (ce qui est important, car la science sait poser les limites de ses connaissances, donc aussi des actions qui devraient découler des connaissances). Nous trouverions normal que les chercheurs de l'eau, dans les limites d'un budget hélas très contraint, procèdent sinon de la même manière, du moins dans le même esprit. Une première avancée en ce sens a été réalisée avec l'expertise collective sur l'effet cumulé des retenues (Irstea-Inra-Onema 2016): chacun a pu constater combien le ton prudent des conclusions contraste avec un certain discours à l'emporte-pièce, y compris le discours des représentants du ministère de l'Ecologie quand ils parlent de ces retenues à leur administration. Le CGEDD ne devrait-il pas s'émouvoir de ce fossé inquiétant entre la prudence de la science et la certitude de l'administration?
Plus largement, nous souhaitons que le budget dédié à la connaissance (incluant des projets de recherche de laboratoires scientifiques) soit développé au sein des programmes des agences de l'eau et des autres financeurs publics, car l'intervention sur les rivières ne gagne rien à se précipiter dans des chantiers mal préparés, mal conçus, mal suivis. Notre site comporte de nombreux exemples de dépenses publiques aux enjeux tout à fait dérisoires, qui auraient été mieux employées à déjà approfondir nos connaissances (savoir théorique ou expertise approfondie des bassins versants).
Quoiqu'il pense de notre lecture de la continuité écologique, le CGEDD reconnaît la carence des institutions qui auraient dû inviter les scientifiques s'exprimer à son sujet : "Face aux critiques formulées par les détracteurs de cette politique sur "son manque de fondements scientifiques" (voir point 3.5.4 du rapport détaillé), la mission a constaté avec étonnement que la question de la restauration de la continuité écologique n'avait pas fait l'objet de débats au sein des différents conseils scientifiques des comités de bassin lorsqu'ils existent, ni de prises de position spontanées, ni encore de sollicitations par les institutions qui auraient pu les saisir. Il en est de même au niveau national avec le conseil scientifique de l'ONEMA ou le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB)." C'est donc un aveu : en dehors de quelques monographies de "revue" rédigées par un nombre très limité d'auteurs, ou de rapports Onema qui ne sont pas des analyses critiques de la littérature ni des diagnostics complets des bassins versants, les enjeux de continuité écologique n'ont pas été réellement étudiés par la communauté des chercheurs avant la programmation massive par l'Etat.
Partial et partiel ?
Le CGEDD nous accuse d'être partial et partiel. Mais... comment ne le serions-nous pas à un certain degré, comme le sont la plupart des associations s'exprimant sur le sujet toujours passionné de la rivière, à commencer par les ONG environnementalistes et les acteurs de la pêche, par exemple? Il ne faut pas confondre les registres: une association engagée (dans la promotion du patrimoine, de l'énergie et de l'environnement des rivières pour ce qui nous concerne) n'est pas un laboratoire de recherche, ni un établissement public ni un bureau d'étude. Au moins sommes-nous parmi les premières associations publiantes en France sur ces enjeux, et ceux qui parlent sans cesse de la nécessité d'une "pédagogie" des questions écologiques devraient nous en remercier. D'autant que, contrairement à d'autres, nous sommes entièrement bénévoles et nous ne coûtons pas un centime d'argent public dans cet exercice incitant les citoyens à approfondir ces questions importantes et à se familiariser avec leur vocabulaire spécialisé.
De toute évidence, nous ne prétendons pas commenter l'ensemble des publications scientifiques : nous y sélectionnons en priorité des articles montrant que la communauté des chercheurs semble loin de cautionner le caractère définitif de certaines assertions que l'on peut lire dans les publications des instances officielles de l'eau, à commencer par le niveau de robustesse des connaissances en écologie de la restauration et le niveau de certitude sur les effets de cette restauration. N'est-il pas autrement plus grave de lire des assertions fausses, incomplètes ou exagérées dans un discours public? Comment le CGEDD pourrait-il justifier des manipulations grossières, comme celle de la soi-disant auto-épuration des pollutions par suppression des ouvrages transversaux, quand elle émane de la communication d'établissements publics envers lesquels on nous demande aujourd'hui d'avoir une pleine confiance?
Concernant le cas particulier de Van Looy 2014, il y a quelque partialité à nous accuser d'être partiaux :
Polémique?
Nous n'avons pas de plaisir à la dimension indéniablement polémique, conflictuelle même, de notre exercice associatif. C'est plutôt fatigant. Mais n'inversons pas la charge de la pacification : nous n'avons pas de plaisir non plus à recevoir chaque jour ou presque un nouvel appel à l'aide d'un propriétaire ou d'un riverain victime de bureaucraties autoritaires qui propagent des idées fausses, exercent des pressions inacceptables, pinaillent des enjeux sans réelle priorité environnementale (en se montrant laxistes envers tant d'autres) et promeuvent des solutions ruineuses.
Si le CGEDD n'a pas saisi le niveau d'exaspération et de détresse des gens sur ce dossier des ouvrages en rivière, alors il n'a pas saisi la profondeur du problème ni la raison réelle de notre attitude "polémique".
Quand un certain nombre de personnes auront compris que le jeu pervers consistant à chercher à tout prix des barrages et plans d'eau à détruire sur leur bassin versant doit faire une pause, alors la polémique cessera. Quand les propriétaires d'ouvrages auront d'autres rapports à leur administration que des menaces de casser leur droit d'eau et des lettres de mise en demeure pour des chantiers à coût exorbitant, alors la polémique cessera. Quand les signataires du moratoire seront reçus dans l'ensemble des instances de concertation et délibération pour exprimer leur point de vue et concourir à des décisions plus équilibrées, alors la polémique cessera. Quand la politique publique de la rivière reconnaîtra que la volonté de principe d'effacer la grande majorité des ouvrages afin d'assurer la disparition des retenues (véritable objectif de la renaturation si elle est intellectuellement honnête dans ses convictions) a été une erreur et que cet objectif doit céder place à une approche plus complexe, décidée au cas par cas, démocratiquement construite à échelle de chaque bassin comme de chaque site, alors la polémique cessera.
Bref : que cessent d'abord le procès en suspicion, stigmatisation et destruction des ouvrages, ainsi que le mécanisme de chantage réglementaire et financier pesant aujourd'hui encore sur des milliers de sites orphelins de solution, et l'on reviendra très vite à des conditions normales et décentes de débat.
Sommes-nous continuo-sceptiques ?
Le CGEDD reconnaît que nous abordons de "véritables sujets de fond", mais nous reproche de le faire sous l'angle d'un "continuo-scepticisme". Le CGEDD se montrerait sans doute moins partial et partiel lui-même s'il admettait en symétrie qu'il existe en France un "continuo-catastrophisme" ayant laissé penser que les ouvrages de l'hydraulique ancienne ont un impact majeur sur la qualité de l'eau et des milieux. Ce qui est faux par rapport à l'amplitude des autres pressions et ce qui relève bien souvent d'un discours de récrimination et de ressentiment émanant de certains usagers à l'encontre des moulins ou de l'hydro-électricité (milieux pêcheurs spécialisés et militants d'un environnementalisme très idéologisé, assez peu représentatifs des préoccupations majoritaires des riverains d'après notre expérience).
Après, serions-nous "continuo-sceptiques" sur le fond?
Dans notre première publication importante du début 2013, un rapport d'une quarantaine de pages sur la continuité écologique en Côte d'Or paru au moment du classement des rivières, nous exprimions notre souhait d'une "double modernisation écologique et énergétique" des moulins. Nous signalions au passage que certains ouvrages pouvaient être effacés et, ironiquement, notre recommandation finale était très proche de celles formulées aujourd'hui par le CGEDD ("détermination des ouvrages à effacement prioritaire correspondant à une quadruple condition : absence d’intérêt patrimonial, absence d’intérêt énergétique, absence de risques induits, preuve d’un gain écologique"). Cela n'a rien de très "continuo-sceptique" si l'on entend par cette expression la négation totale de l'intérêt ou du sens de la continuité. (Un silence de plomb a accueilli ce rapport envoyé aux administratifs et gestionnaires, qui se sont bien gardés de répondre à notre demande de réunions de concertation collective, ouverte, avec les riverains, les propriétaires et l'ensemble des acteurs… Notre ton "polémique" ne vient pas de nulle part, mais de ce genre de mépris pour ceux qui ne sont pas du sérail ou qui ne contresignent pas la doxa dominante).
Depuis cette date, nous avons régulièrement rappelé que les ouvrages hydrauliques ont effectivement des impacts biologiques, physiques, chimiques (mais montré aussi qu'ils sont souvent faibles, et parfois positifs), que la continuité est un concept intéressant de l'hydro-écologie et un outil légitime de gestion des bassins versants (cet exemple). Là encore, ce n'est pas spécialement "sceptique", sauf dans le sens général et sain de ce terme, à savoir une approche critique face à ce que nous tenons pour des certitudes (ou que l'on veut nous faire tenir pour telles).
Veut-on affaiblir la légitimité de l'Onema?
Dernier point soulevé par le CGEDD, l'Onema dont Hydrauxois ou OCE pourrait "affaiblir la légitimité". Cette institution n'existe plus et a été remplacée par l'Agence française pour la biodiversité au 1er janvier 2017. L'Onema avait plusieurs problèmes en ce qui concerne sa légitimité, a priori plus graves que les critiques émanant de notre part. Le ressenti de certains usagers, parfois très négatif, n'a pas grand chose à voir avec que nous pouvons écrire. Et la réputation de l'Onema a davantage été ternie ces dernières années par des rapports de la Cour des comptes que même un grand journal de référence mentionnait en une...
D'abord, l'Onema était à la fois un service de la police de l'environnement sur le terrain, un service d'expertise technique en assistance des DDT-M, un service de gestion des données nationales sur l'eau et pour une plus modeste part un service de recherche par des travaux communs avec l'Université ou l'Irstea. Il était assez confus (et trop ambitieux) à notre sens de réunir sous un même logo des missions aussi diverses (donc des perceptions également diverses). On observera cependant que notre association a conseillé à ses lecteurs de lire certaines publications de l'Office sur le protocole ICE, sur le débit minimum biologique, sur l'auto-épuration, etc. Mais bien sûr, nous avons exprimé des désaccords sur des vulgarisations grand public que nous trouvions très orientées, sur un certain double discours entre l'expression aux parlementaires et la réalité de terrain, sur le caractère biaisé, incomplet et en deçà des canons de la littérature scientifique de restauration du recueil d'expériences en hydromorphologie, sur le laxisme du contrôle écologique des destructions d'ouvrage, etc. Cet exercice ne relève pas d'un procès en sorcellerie contre l'Office, mais de critiques à chaque fois motivées et argumentées. Nous espérons que le CGEDD nous reconnaît ce droit de contestation...
Ensuite, nul n'ignore que l'Onema a remplacé le Conseil supérieur de la pêche dissous en 2006, ce qui pose deux types de problème. D'une part, la pêche a en France le statut ambigu de juge et partie dans la politique de l'eau (à la fois usager de la rivière et prescripteur de recommandations à des tiers ayant des effets sur l'usage en question), ce que la continuité écologique en particulier a rendu visible et problématique. L'héritage halieutique de l'Onema ne le prédisposait pas a priori à faire de la recherche en écologie en toute généralité (en tout cas pas aisément ni rapidement par rapport aux formations de son personnel) et cet héritage l'exposait à une suspicion de proximité excessive avec un usage très particulier de la rivière. D'autre part, l'Onema souffrait d'une certaine spécialisation ichtyologique: la grande majorité de ses publications et travaux parlent de poissons ne représentant pourtant que 2% de la biodiversité aquatique (et encore moins si l'on songe aux salmonidés, rhéophiles et migrateurs mobilisant toute l'attention de l'Office, mais ne formant pas la majorité des espèces pisciaires). En ce domaine, l'Onema a souvent développé une approche conservationniste assez stricte (par exemple l'utilisation de "biotypologies théoriques" précisément datées et situées dans l'histoire récente des sciences), qui est une approche parmi d'autres de l'écologie, pas forcément celle dont les attendus nous paraissent les plus recevables (ni les conclusions les plus exploitables quand l'Onema comme service de terrain en vient à donner des avis sur des chantiers exigeant un certain réalisme économique et juridique).
Enfin, la "légitimité" d'un discours technique et scientifique ne réside jamais dans le rapport d'autorité, qui est l'attitude des croyances et des idéologies, ni dans le refus de l'échange argumenté. Le CGEDD aurait gagné à rappeler cela au lieu d'une défense indistincte de telle ou telle institution sous prétexte qu'elle est "officielle", car la critique rationnelle est un exercice ouvert à tous les citoyens et généralement encouragé pour ses vertus, particulièrement dans le domaine de l'environnement.
Pacifier la question des ouvrages hydrauliques, travailler sur les rivières
Au final, notre association est persuadée que les moulins et riverains ont beaucoup de choses à faire dans le domaine de l'écologie des rivières, en concertation avec les autres acteurs de l'eau, les collectivités territoriales et les autorités administratives. Un grand nombre de nos adhérents propriétaires d'ouvrage ont une réelle sensibilité à la nature et ont choisi d'acheter des moulins, forges ou étangs pour cette proximité. Le fait de se retrouver du jour au lendemain traités comme des délinquants écologiques pour des ouvrages légalement autorisés et souvent présents depuis des siècles en a effaré plus d'un...
Il n'échappe à personne qu'il est impossible de parvenir à cette intégration des propriétaires et riverains d'ouvrages si le discours public officiel (du ministère aux syndicats) continue de stigmatiser l'existence même des seuils, digues et barrages, de poser la destruction de ces ouvrages comme un enjeu majeur ou un objectif idéal, d'exclure les premiers concernés des débats préparatoires aux décisions, de pratiquer l'écologie sur des bases incomplètes et fragmentées d'information (notamment en séparant la question morphologique et la question chimique dans la gestion et la discussion, sous prétexte que certains impacts – l'assainissement et l'agriculture en particulier – sont confiés à des canaux spécifiques de décision).
Il ne fait aucun doute pour nous que la question des ouvrages hydrauliques finira par être amendée et pacifiée. S'il nous critique, le CGEDD reprend dans son rapport une bonne part de nos observations et admet finalement que l'on doit concilier toutes les représentations de la rivière. Essayons d'y parvenir rapidement pour nous concentrer sur ce qui devrait mobiliser l'énergie commune, à savoir travailler à des rivières de meilleure qualité, des rivières qui ne correspondent peut-être pas à l'idéal de chacun, mais qui sont néanmoins accueillantes et agréables pour tous.
Illustration : la zone humide attenante à l'étang de flottage du bois de la Maison du Parc du Morvan (Saint-Brisson). Les patrimoines naturels et culturels semblent pouvoir co-exister, même au bord des plans d'eau artificiels. Ce qui nous rend effectivement sceptiques sur un certain discours de diabolisation des ouvrages hydrauliques au nom d'une comptabilité un peu restrictive et obsessionnelle de tel ou tel poisson...
Le rapport CGEDD écrit à propos de notre association (pp 59-60 du rapport complet):
Le récent développement d'une interprétation de la littérature scientifique sur la continuité écologique par les opposants eux-mêmes, sans réaction sur le fond par les institutions officielles qui en ont la charge − autres que locales ‒ contribue à accroître la défiance envers la politique conduite. Elle parait à la mission le signe inquiétant d'une nouvelle escalade dans la rupture du dialogue qui caractérise ce dossier.
Cette analyse scientifique est organisée en ligne par les associations de propriétaires de moulins (OCE, Hydrauxois). Celles-ci semblent avoir toute confiance dans leur lecture de ces analyses et en reprennent les messages délivrés auprès de leurs mandants ainsi qu'auprès des élus qui les utilisent à leur tour.
Ce n'est pas la capacité d'analyse des auteurs de ces sites qui est en cause. Mais l'absence de confrontation directe avec les chercheurs et auteurs auxquels sont attribués les résultats et analyses commentés, ainsi que le mode d'expression utilisé, ne permettent ni que soit donnée à ces analyses une forte crédibilité, qu'elle n'acquiert que dans le cercle de leurs mandants, ni que les autorités puissent adhérer aux thèses qu'elles défendent.
En effet, les informations diffusées par ces sites se révèlent à la fois :
sectorielles, vu l'angle restreint sous lequel est abordé la politique de l'eau : celle-ci ne se limite pas à la continuité écologique ni à la problématique des seuils en rivière ;
• partielles, compte tenu de la sélectivité dans le choix des études analysées qui concernent la restauration de la continuité écologique, sans garantie pour le lecteur de leur caractère exhaustif ;
• partiale : l'épisode du commentaire d'une étude de Van Looy (IRSTEA) en 2011 par Hydrauxois et qui s'est renouvelé depuis, est significatif d'un commentaire sorti de son contexte qui a ensuite été repris par les propriétaires puis les élus, faisant finalement dire à une étude ce qu'elle ne démontrait pas et entretenant une idée fausse dans l'opinion ;
• polémique : le ton employé, le mélange sans distinction entre analyse scientifique et commentaire politique au sein des mêmes articles, l'agressivité envers l'État, souvent personnalisée en citant des fonctionnaires qui font pourtant de leur mieux pour exercer la mission assignée à leur structure, ne servent pas nécessairement la cause de ces deux entreprises.
Cette stratégie de controverse permanente contribue à :
• développer une sorte de "continuo-scepticisme", contre lequel l'administration a du mal à s'organiser pour répondre ou pour traiter les questions exprimées qui sont pourtant de véritables sujets de fond,
• affaiblir la légitimité de l'ONEMA auprès des propriétaires de moulins, alors que le rôle d'assurer une véritable veille scientifique sur ces questions revient pleinement à cet établissement public.
Nous apportons ci-dessous quelques réponses de fond. A signaler préalablement : Hydrauxois est née comme un collectif riverain pour défendre un barrage communal et n'est pas, stricto sensu, une association dédiée à la seule défense des propriétaires de moulin (même si cela fait partie de nos activités). Ce point n'échappe à personne en lisant notre site et en suivant nos interventions.
La science, le dialogue et la société
Si les mots ont encore un sens, examiner la littérature scientifique sur la restauration physique de rivière, et en particulier l'impact des ouvrages hydrauliques, relève difficilement d'une "rupture de dialogue" ou d'une "escalade". Il nous arrive de discuter avec des chercheurs et ingénieurs de l'eau (ce que nous ne sommes pas), certains d'entre eux ont rencontré les parlementaires voici quelques mois pour exposer leur propre scepticisme sur divers aspects de la continuité (voir cet article). Nous regrettons que les "institutions officielles" ne précisent pas les points que nous relevons à partir de notre lecture des publications scientifiques ou qu'elles ne souhaitent pas en discuter davantage avec nous. Il ne tient qu'à elles de le faire.
Nous n'étudions pas ces travaux écologiques ou de sciences sociales en vue d'acquérir une "légitimité" (laquelle revient en dernier ressort aux seuls chercheurs pour ce qui est des savoirs positifs, pas aux associations) ni pour faire adopter des conclusions monolithiques à des autorités (auxquelles nous reprochons précisément d'être monolithiques). Nous le faisons plus simplement pour construire et partager nos connaissances sur le sujet, pour informer nos lecteurs et les décideurs de la pluralité de ces travaux, pour nourrir des débats publics sur l'écologie à partir de la seule source que nous considérons comme réellement fiable. Le fait est que les chercheurs ont souvent l'honnêteté de reconnaître, quand ils s'expriment devant leurs pairs et dans les publications légitimes (c'est-à-dire en revues à comité de lecture), que l'écologie de la restauration reste encore aujourd'hui incertaine dans ses attendus et ses méthodes, que l'impact des petits ouvrages hydrauliques est à ce jour peu étudié, que les analyses empiriques et statistiques faites rigoureusement sont rares et donnent des résultats variables, parfois contradictoires, etc. Nous donnons toujours l'ensemble des sources que nous évoquons, nous tenons à disposition les pdf à ceux qui les demandent (dans la limite des droits protégés) : 95 articles parus depuis 2010 ont ainsi été recensés individuellement, près de 130 dans des synthèses sur divers sujets, ainsi que plusieurs thèses doctorales.
Malgré cette activité éditoriale soutenue, nous ne prétendons pas faire un travail d'expertise, ce qui revient aux instances scientifiques compétentes pour cela. En revanche, nous attendons des travaux publiés par des institutions ayant autorité publique (Onema et aujourd'hui AFB, agences de l'eau) qu'ils cessent de passer sous silence certains aspects de cette recherche, ou de considérer que le discours scientifique sur la rivière pourrait naturellement se limiter au monologue des hydrobiologistes d'inspiration conservationniste...
Les chercheurs de l'environnement, tout comme ceux de la santé, du climat, de l'énergie et d'autres sujets importants, ont une responsabilité vis-à-vis de la société qui paie leurs travaux et qui attend leur avis informé. Dans l'exemple du GIEC et de la question climatique, les scientifiques ont réalisé un énorme travail collectif de synthèse pluridisciplinaire des connaissances disponibles, de modélisation, d'estimation rigoureuse des incertitudes, d'avis aux décideurs et aux opinions sur ce que l'on sait mais aussi sur ce que l'on ne sait pas (ce qui est important, car la science sait poser les limites de ses connaissances, donc aussi des actions qui devraient découler des connaissances). Nous trouverions normal que les chercheurs de l'eau, dans les limites d'un budget hélas très contraint, procèdent sinon de la même manière, du moins dans le même esprit. Une première avancée en ce sens a été réalisée avec l'expertise collective sur l'effet cumulé des retenues (Irstea-Inra-Onema 2016): chacun a pu constater combien le ton prudent des conclusions contraste avec un certain discours à l'emporte-pièce, y compris le discours des représentants du ministère de l'Ecologie quand ils parlent de ces retenues à leur administration. Le CGEDD ne devrait-il pas s'émouvoir de ce fossé inquiétant entre la prudence de la science et la certitude de l'administration?
Plus largement, nous souhaitons que le budget dédié à la connaissance (incluant des projets de recherche de laboratoires scientifiques) soit développé au sein des programmes des agences de l'eau et des autres financeurs publics, car l'intervention sur les rivières ne gagne rien à se précipiter dans des chantiers mal préparés, mal conçus, mal suivis. Notre site comporte de nombreux exemples de dépenses publiques aux enjeux tout à fait dérisoires, qui auraient été mieux employées à déjà approfondir nos connaissances (savoir théorique ou expertise approfondie des bassins versants).
Quoiqu'il pense de notre lecture de la continuité écologique, le CGEDD reconnaît la carence des institutions qui auraient dû inviter les scientifiques s'exprimer à son sujet : "Face aux critiques formulées par les détracteurs de cette politique sur "son manque de fondements scientifiques" (voir point 3.5.4 du rapport détaillé), la mission a constaté avec étonnement que la question de la restauration de la continuité écologique n'avait pas fait l'objet de débats au sein des différents conseils scientifiques des comités de bassin lorsqu'ils existent, ni de prises de position spontanées, ni encore de sollicitations par les institutions qui auraient pu les saisir. Il en est de même au niveau national avec le conseil scientifique de l'ONEMA ou le conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB)." C'est donc un aveu : en dehors de quelques monographies de "revue" rédigées par un nombre très limité d'auteurs, ou de rapports Onema qui ne sont pas des analyses critiques de la littérature ni des diagnostics complets des bassins versants, les enjeux de continuité écologique n'ont pas été réellement étudiés par la communauté des chercheurs avant la programmation massive par l'Etat.
Partial et partiel ?
Le CGEDD nous accuse d'être partial et partiel. Mais... comment ne le serions-nous pas à un certain degré, comme le sont la plupart des associations s'exprimant sur le sujet toujours passionné de la rivière, à commencer par les ONG environnementalistes et les acteurs de la pêche, par exemple? Il ne faut pas confondre les registres: une association engagée (dans la promotion du patrimoine, de l'énergie et de l'environnement des rivières pour ce qui nous concerne) n'est pas un laboratoire de recherche, ni un établissement public ni un bureau d'étude. Au moins sommes-nous parmi les premières associations publiantes en France sur ces enjeux, et ceux qui parlent sans cesse de la nécessité d'une "pédagogie" des questions écologiques devraient nous en remercier. D'autant que, contrairement à d'autres, nous sommes entièrement bénévoles et nous ne coûtons pas un centime d'argent public dans cet exercice incitant les citoyens à approfondir ces questions importantes et à se familiariser avec leur vocabulaire spécialisé.
De toute évidence, nous ne prétendons pas commenter l'ensemble des publications scientifiques : nous y sélectionnons en priorité des articles montrant que la communauté des chercheurs semble loin de cautionner le caractère définitif de certaines assertions que l'on peut lire dans les publications des instances officielles de l'eau, à commencer par le niveau de robustesse des connaissances en écologie de la restauration et le niveau de certitude sur les effets de cette restauration. N'est-il pas autrement plus grave de lire des assertions fausses, incomplètes ou exagérées dans un discours public? Comment le CGEDD pourrait-il justifier des manipulations grossières, comme celle de la soi-disant auto-épuration des pollutions par suppression des ouvrages transversaux, quand elle émane de la communication d'établissements publics envers lesquels on nous demande aujourd'hui d'avoir une pleine confiance?
Concernant le cas particulier de Van Looy 2014, il y a quelque partialité à nous accuser d'être partiaux :
- nous avons répondu en détail à la critique faite par l'Onema et la Dreal (voir les fichiers téléchargeables dans cet article),
- nous avons montré que d'autres chercheurs (comme Radinger et Wolter 2015) considèrent (tout comme nous l'avons fait) l'absence d'impact piscicole marqué des barrages comme l'une des informations notables apportées par le travail de Van Looy et al 2014 (quand bien même ce n'est pas l'objet principal de leur étude),
- nous avons surtout publié plusieurs autres recensions de travaux récents dont l'examen montre des impacts relatifs plutôt modestes des ouvrages sur les répartitions de poissons ou la biodiversité pisciaire.
Polémique?
Nous n'avons pas de plaisir à la dimension indéniablement polémique, conflictuelle même, de notre exercice associatif. C'est plutôt fatigant. Mais n'inversons pas la charge de la pacification : nous n'avons pas de plaisir non plus à recevoir chaque jour ou presque un nouvel appel à l'aide d'un propriétaire ou d'un riverain victime de bureaucraties autoritaires qui propagent des idées fausses, exercent des pressions inacceptables, pinaillent des enjeux sans réelle priorité environnementale (en se montrant laxistes envers tant d'autres) et promeuvent des solutions ruineuses.
Si le CGEDD n'a pas saisi le niveau d'exaspération et de détresse des gens sur ce dossier des ouvrages en rivière, alors il n'a pas saisi la profondeur du problème ni la raison réelle de notre attitude "polémique".
Quand un certain nombre de personnes auront compris que le jeu pervers consistant à chercher à tout prix des barrages et plans d'eau à détruire sur leur bassin versant doit faire une pause, alors la polémique cessera. Quand les propriétaires d'ouvrages auront d'autres rapports à leur administration que des menaces de casser leur droit d'eau et des lettres de mise en demeure pour des chantiers à coût exorbitant, alors la polémique cessera. Quand les signataires du moratoire seront reçus dans l'ensemble des instances de concertation et délibération pour exprimer leur point de vue et concourir à des décisions plus équilibrées, alors la polémique cessera. Quand la politique publique de la rivière reconnaîtra que la volonté de principe d'effacer la grande majorité des ouvrages afin d'assurer la disparition des retenues (véritable objectif de la renaturation si elle est intellectuellement honnête dans ses convictions) a été une erreur et que cet objectif doit céder place à une approche plus complexe, décidée au cas par cas, démocratiquement construite à échelle de chaque bassin comme de chaque site, alors la polémique cessera.
Bref : que cessent d'abord le procès en suspicion, stigmatisation et destruction des ouvrages, ainsi que le mécanisme de chantage réglementaire et financier pesant aujourd'hui encore sur des milliers de sites orphelins de solution, et l'on reviendra très vite à des conditions normales et décentes de débat.
Sommes-nous continuo-sceptiques ?
Le CGEDD reconnaît que nous abordons de "véritables sujets de fond", mais nous reproche de le faire sous l'angle d'un "continuo-scepticisme". Le CGEDD se montrerait sans doute moins partial et partiel lui-même s'il admettait en symétrie qu'il existe en France un "continuo-catastrophisme" ayant laissé penser que les ouvrages de l'hydraulique ancienne ont un impact majeur sur la qualité de l'eau et des milieux. Ce qui est faux par rapport à l'amplitude des autres pressions et ce qui relève bien souvent d'un discours de récrimination et de ressentiment émanant de certains usagers à l'encontre des moulins ou de l'hydro-électricité (milieux pêcheurs spécialisés et militants d'un environnementalisme très idéologisé, assez peu représentatifs des préoccupations majoritaires des riverains d'après notre expérience).
Après, serions-nous "continuo-sceptiques" sur le fond?
Dans notre première publication importante du début 2013, un rapport d'une quarantaine de pages sur la continuité écologique en Côte d'Or paru au moment du classement des rivières, nous exprimions notre souhait d'une "double modernisation écologique et énergétique" des moulins. Nous signalions au passage que certains ouvrages pouvaient être effacés et, ironiquement, notre recommandation finale était très proche de celles formulées aujourd'hui par le CGEDD ("détermination des ouvrages à effacement prioritaire correspondant à une quadruple condition : absence d’intérêt patrimonial, absence d’intérêt énergétique, absence de risques induits, preuve d’un gain écologique"). Cela n'a rien de très "continuo-sceptique" si l'on entend par cette expression la négation totale de l'intérêt ou du sens de la continuité. (Un silence de plomb a accueilli ce rapport envoyé aux administratifs et gestionnaires, qui se sont bien gardés de répondre à notre demande de réunions de concertation collective, ouverte, avec les riverains, les propriétaires et l'ensemble des acteurs… Notre ton "polémique" ne vient pas de nulle part, mais de ce genre de mépris pour ceux qui ne sont pas du sérail ou qui ne contresignent pas la doxa dominante).
Depuis cette date, nous avons régulièrement rappelé que les ouvrages hydrauliques ont effectivement des impacts biologiques, physiques, chimiques (mais montré aussi qu'ils sont souvent faibles, et parfois positifs), que la continuité est un concept intéressant de l'hydro-écologie et un outil légitime de gestion des bassins versants (cet exemple). Là encore, ce n'est pas spécialement "sceptique", sauf dans le sens général et sain de ce terme, à savoir une approche critique face à ce que nous tenons pour des certitudes (ou que l'on veut nous faire tenir pour telles).
Veut-on affaiblir la légitimité de l'Onema?
Dernier point soulevé par le CGEDD, l'Onema dont Hydrauxois ou OCE pourrait "affaiblir la légitimité". Cette institution n'existe plus et a été remplacée par l'Agence française pour la biodiversité au 1er janvier 2017. L'Onema avait plusieurs problèmes en ce qui concerne sa légitimité, a priori plus graves que les critiques émanant de notre part. Le ressenti de certains usagers, parfois très négatif, n'a pas grand chose à voir avec que nous pouvons écrire. Et la réputation de l'Onema a davantage été ternie ces dernières années par des rapports de la Cour des comptes que même un grand journal de référence mentionnait en une...
D'abord, l'Onema était à la fois un service de la police de l'environnement sur le terrain, un service d'expertise technique en assistance des DDT-M, un service de gestion des données nationales sur l'eau et pour une plus modeste part un service de recherche par des travaux communs avec l'Université ou l'Irstea. Il était assez confus (et trop ambitieux) à notre sens de réunir sous un même logo des missions aussi diverses (donc des perceptions également diverses). On observera cependant que notre association a conseillé à ses lecteurs de lire certaines publications de l'Office sur le protocole ICE, sur le débit minimum biologique, sur l'auto-épuration, etc. Mais bien sûr, nous avons exprimé des désaccords sur des vulgarisations grand public que nous trouvions très orientées, sur un certain double discours entre l'expression aux parlementaires et la réalité de terrain, sur le caractère biaisé, incomplet et en deçà des canons de la littérature scientifique de restauration du recueil d'expériences en hydromorphologie, sur le laxisme du contrôle écologique des destructions d'ouvrage, etc. Cet exercice ne relève pas d'un procès en sorcellerie contre l'Office, mais de critiques à chaque fois motivées et argumentées. Nous espérons que le CGEDD nous reconnaît ce droit de contestation...
Ensuite, nul n'ignore que l'Onema a remplacé le Conseil supérieur de la pêche dissous en 2006, ce qui pose deux types de problème. D'une part, la pêche a en France le statut ambigu de juge et partie dans la politique de l'eau (à la fois usager de la rivière et prescripteur de recommandations à des tiers ayant des effets sur l'usage en question), ce que la continuité écologique en particulier a rendu visible et problématique. L'héritage halieutique de l'Onema ne le prédisposait pas a priori à faire de la recherche en écologie en toute généralité (en tout cas pas aisément ni rapidement par rapport aux formations de son personnel) et cet héritage l'exposait à une suspicion de proximité excessive avec un usage très particulier de la rivière. D'autre part, l'Onema souffrait d'une certaine spécialisation ichtyologique: la grande majorité de ses publications et travaux parlent de poissons ne représentant pourtant que 2% de la biodiversité aquatique (et encore moins si l'on songe aux salmonidés, rhéophiles et migrateurs mobilisant toute l'attention de l'Office, mais ne formant pas la majorité des espèces pisciaires). En ce domaine, l'Onema a souvent développé une approche conservationniste assez stricte (par exemple l'utilisation de "biotypologies théoriques" précisément datées et situées dans l'histoire récente des sciences), qui est une approche parmi d'autres de l'écologie, pas forcément celle dont les attendus nous paraissent les plus recevables (ni les conclusions les plus exploitables quand l'Onema comme service de terrain en vient à donner des avis sur des chantiers exigeant un certain réalisme économique et juridique).
Enfin, la "légitimité" d'un discours technique et scientifique ne réside jamais dans le rapport d'autorité, qui est l'attitude des croyances et des idéologies, ni dans le refus de l'échange argumenté. Le CGEDD aurait gagné à rappeler cela au lieu d'une défense indistincte de telle ou telle institution sous prétexte qu'elle est "officielle", car la critique rationnelle est un exercice ouvert à tous les citoyens et généralement encouragé pour ses vertus, particulièrement dans le domaine de l'environnement.
Pacifier la question des ouvrages hydrauliques, travailler sur les rivières
Au final, notre association est persuadée que les moulins et riverains ont beaucoup de choses à faire dans le domaine de l'écologie des rivières, en concertation avec les autres acteurs de l'eau, les collectivités territoriales et les autorités administratives. Un grand nombre de nos adhérents propriétaires d'ouvrage ont une réelle sensibilité à la nature et ont choisi d'acheter des moulins, forges ou étangs pour cette proximité. Le fait de se retrouver du jour au lendemain traités comme des délinquants écologiques pour des ouvrages légalement autorisés et souvent présents depuis des siècles en a effaré plus d'un...
Il n'échappe à personne qu'il est impossible de parvenir à cette intégration des propriétaires et riverains d'ouvrages si le discours public officiel (du ministère aux syndicats) continue de stigmatiser l'existence même des seuils, digues et barrages, de poser la destruction de ces ouvrages comme un enjeu majeur ou un objectif idéal, d'exclure les premiers concernés des débats préparatoires aux décisions, de pratiquer l'écologie sur des bases incomplètes et fragmentées d'information (notamment en séparant la question morphologique et la question chimique dans la gestion et la discussion, sous prétexte que certains impacts – l'assainissement et l'agriculture en particulier – sont confiés à des canaux spécifiques de décision).
Il ne fait aucun doute pour nous que la question des ouvrages hydrauliques finira par être amendée et pacifiée. S'il nous critique, le CGEDD reprend dans son rapport une bonne part de nos observations et admet finalement que l'on doit concilier toutes les représentations de la rivière. Essayons d'y parvenir rapidement pour nous concentrer sur ce qui devrait mobiliser l'énergie commune, à savoir travailler à des rivières de meilleure qualité, des rivières qui ne correspondent peut-être pas à l'idéal de chacun, mais qui sont néanmoins accueillantes et agréables pour tous.
Illustration : la zone humide attenante à l'étang de flottage du bois de la Maison du Parc du Morvan (Saint-Brisson). Les patrimoines naturels et culturels semblent pouvoir co-exister, même au bord des plans d'eau artificiels. Ce qui nous rend effectivement sceptiques sur un certain discours de diabolisation des ouvrages hydrauliques au nom d'une comptabilité un peu restrictive et obsessionnelle de tel ou tel poisson...
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