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07/08/2023

Les zones humides peuvent atténuer les sécheresses... mais pas toujours (Wu et al 2023)

Face aux sécheresses appelées à devenir plus fréquentes et intenses, les politiques publiques de l’eau présentent parfois la recréation de zones humides comme une idée nouvelle susceptible d’apporter la solution au problème. Toutefois, les observations empiriques sont ambivalentes et une modélisation hydrologique par des chercheurs chinois et canadiens vient de le confirmer. Les zones humides tendent à réduire le risque de sécheresse – ce qui légitime l'intérêt de leur protection ou restauration –, mais avec un effet modeste. Et dans certains cas, les zones humides peuvent au contraire aggraver un déficit de débit superficiel autour d’elles. Il ne faut donc pas donner de faux espoirs aux populations et il est nécessaire d’augmenter le niveau de rigueur sur les bilans d’expérimentations dans les bassins versants.


La sécheresse est un aléa exerçant une pression considérable sur les ressources en eau et les systèmes socio-écologiques. En raison du réchauffement climatique, la fréquence et la gravité des sécheresses ont augmenté au cours des dernières décennies, et ces caractéristiques devraient être encore exacerbées dans les décennies à venir. 

En prévention des sécheresses, on propose aujourd’hui des solutions fondées sur la nature comme les zones humides. L’idée est que la zone humide ralentit le passage d’une sécheresse météorologique (déficit de pluie) à une sécheresse hydrologique (déficit d’eau superficielle et dans les sols). 

Toutefois, la littérature scientifique ne donne pas des résultats clairs, certains travaux trouvant même que des zones humides peuvent jouer négativement sur les débits de surface en cas de sécheresse. Yanfeng Wu et ses collègues ont donc creusé le sujet par un modèle hydrologique intégrant les zones humides, dont la qualité de simulation a été confrontée à deux bassins versants (en Chine et au Canada). 

Voici le résumé de leur étude :
"Les zones humides ont été désignées comme une solution potentielle fondée sur la nature pour améliorer la résilience et réduire les risques d'extrêmes hydrométéorologiques. Cependant, si et dans quelle mesure les zones humides peuvent affecter les sécheresses hydrologiques n'est pas bien compris. Pour combler cette lacune, nous avons proposé un cadre général permettant de discerner l'effet des zones humides sur : (i) les caractéristiques (durée, sévérité, processus de développement et de récupération) des sécheresses hydrologiques, et (ii) la propagation des sécheresses météorologiques aux sécheresses hydrologiques. 

Premièrement, une modélisation hydrologique a été réalisée avec un modèle spatialement explicite intégré à des modules de zones humides. Ensuite, la théorie de la course et la méthode de mise en commun ont été sélectionnées pour reconnaître les événements de sécheresse hydrologique et identifier leurs caractéristiques. En outre, le coefficient de corrélation de Pearson, la méthode de décalage temporel et la transformée en ondelettes croisées ont été utilisés pour explorer les processus de propagation. Enfin, les caractéristiques et les processus de propagation ont été comparés pour quantifier les services d'atténuation des zones humides sur les sécheresses hydrologiques. Pour valider le cadre proposé, deux bassins fluviaux de Chine et du Canada (le Gan River Bain et le Nelson River Bain), avec une couverture terrestre distincte, ont été choisis pour effectuer une modélisation hydrologique et quantifier les effets des zones humides. 

Les résultats indiquent que les zones humides contribuent principalement à atténuer les sécheresses hydrologiques en ralentissant le processus de développement, en accélérant la récupération, en raccourcissant la durée et en réduisant la gravité des épisodes de sécheresse hydrologique. Cependant, les effets sont variables car ils peuvent avoir des impacts faibles et même aggraver les conditions de sécheresse. Les zones humides peuvent prolonger le temps de propagation de la sécheresse et affaiblir la transition des sécheresses météorologiques aux sécheresses hydrologiques. La probabilité de formation de sécheresse hydrologique due aux conditions météorologiques a diminué de 19% et 18% respectivement, pour le Gan River Bain et le Nelson River Bain, grâce aux services d'atténuation des zones humides. Ces résultats mettent en évidence les rôles d'atténuation de la sécheresse des zones humides et le cadre de modélisation proposé a le potentiel d'être utile pour aider la gestion du bassin sur les risques de sécheresse dans le contexte de l'atténuation du changement climatique."

Discussion
La discussion publique sur l’eau et les sécheresses parle souvent des « solutions fondées sur la nature ». Mais s’il est aisé d’en comprendre le principe, il est difficile de trouver des bases scientifiques précises sur les mécanismes et, surtout, sur les résultats attendus. Or, à moyens limités et face à un enjeu critique comme l’eau, une politique publique doit garantir l’efficacité de ses investissements. 

L’étude de Yanfeng Wu et de ses collègues est donc bienvenue. Ses résultats, encore très préliminaires, tendent à confirmer deux intuitions que l’on peut avoir : les zones humides ont un rôle plutôt bénéfique d’atténuation des sécheresses, mais ce rôle reste modeste (ce n’est pas une solution miracle) ; dans certains cas l’effet peut être négatif (c’est une solution à manipuler avec précaution). 

Nous souhaitons donc que les politiques publiques de l’eau accordent davantage d’importance à la nécessité de collecter des données précisés sur des expériences pilotes avant de généraliser à tous les bassins versants des outils dont on ne maîtrise pas vraiment les conditions d’efficacité. Les zones humides ont toutes sortes d’intérêt, y compris pour la riche biodiversité qu’elles hébergent. Mais si la promesse première est de sécuriser l’eau pour la société et le vivant, c’est ce critère hydrologique qu’il convient d’analyser plus en détail.

24/02/2023

Eau, biodiversité et adaptation climatique selon l'IGEDD

L'inspection générale de l'environnement et du développement durable a produit un rapport sur l'adaptation au changement climatique, qui vient d'être rendu public par le ministère de l'écologie. Nous publions son extrait sur le domaine de l'eau, précédé de quelques observations critiques. 

Le changement climatique devient perceptible et a des effets sur nos conditions de vie. L'eau est un domaine critique, puisque cette ressource est indispensable à la société, à l'économie, au vivant.

Le rapport de l'IGEDD synthétise les vues dominantes des expertises actuelles. Toutefois, sans être en désaccord sur le fond, nous soulignons trois points essentiels : 
  • Tout enjeu et toute priorisation des enjeux doivent être démocratiquement validées. Ce n'est pas le chercheur ou l'expert qui définit l'importance relative des sujets (climat, biodiversité, usages etc.), mais le citoyen préalablement informé par des expertises collégiales incluant tous les angles pertinents et toutes les connaissances légitimes. L'eau est une question sociale et politique, pas simplement une question naturelle.
  • Les assemblées élus (de la commune à l'Europe) sont les lieux de la discussion et de la décision démocratiques, ce qui suppose des élus motivés à examiner le fond des sujets et à refléter les attentes des citoyens les ayant élus. Ce rappel est nécessaire puisque nous voyons dans le fonctionnement de nos institutions un poids excessif d'administrations non élues et d'idéologies administratives non validées par les citoyens et leurs élus – en particulier dans le domaine de l'eau et de certains choix publics contestés. 
  • Tout programme public doit faire impérativement (et non facultativement) l'objet d'analyse coût-bénéfice sérieuse, ce qui est parfois difficile dans le domaine environnemental. C'est le seul moyen de conjurer le risque des effets de modes et de conformisme où l'on procède à des lourds investissements publics sans prendre soin au préalable de tester, observer et quantifier les résultats concrets. Par exemple ici, les solutions fondées sur la nature sont un sujet très en vogue mais où la recherche critique sur certains échecs de restauration de la nature doit inciter à être vigilant sur la réalité des résultats obtenus, particulièrement en stockage d'eau afin de prévenir tant les sécheresses que les inondations. Certaines solutions sont efficaces, d'autres non : la dépense d'argent public vise l'efficacité avant de viser la naturalité. 



Extrait du rapport :
Chapitre 4
L’adaptation des politiques de l’eau et de la biodiversité : à partir d’un noyau commun, de nouveaux types d’action émergent

4.1 Les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau sont bien mieux documentés que les impacts sur la biodiversité

Les conséquences du changement climatique sont souvent ressenties en premier lieu dans le domaine de l’eau : sécheresses à répétition entraînant restrictions et conflits d’usages, baisse du débit des rivières avec des impacts sur les espèces et les habitats, montée du niveau de la mer, intrusions salines, précipitations exceptionnelles et inondations, etc.

C’est en conséquence dans ce domaine que les impacts du changement climatique sont les mieux documentés. Pour la France, l’étude Explore 2070 a fourni en 2012 des scénarios concernant l’évolution des débits de cours d’eau et des nappes phréatiques au milieu du siècle, sur la base des travaux du GIEC. Ses conclusions annonçaient une baisse significative de la recharge des nappes, une baisse du débit moyen annuel des cours d’eau et des débits d’étiages plus sévères, plus longs et plus précoces, de 30 à 60 %. L’étude Explore 2070 est en cours d’actualisation ; les résultats d’Explore 2 sont attendus en 2023.

L’impact du changement climatique sur la biodiversité est moins identifié ; pourtant, le premier rapport conjoint de l’IPBES et du GIEC « Biodiversité et changement climatique – résultats scientifiques » montre que le changement climatique, qui n’était qu’une pression parmi d’autres à l’origine de l’effondrement de la biodiversité, pourrait rapidement contribuer à accélérer cet effondrement, si rien n’est fait. En particulier, ce rapport estime que la proportion d’espèces menacées d’extinction du fait du climat se situe à 5% avec un réchauffement de 2°C, mais passe à 16% avec un réchauffement de 4,3°C.

Le 6éme rapport du GIEC indique qu’approximativement la moitié des espèces étudiées ont commencé à migrer vers les pôles ou vers des altitudes supérieures et constate qu’on observe déjà les premières extinctions d’espèces dues au changement climatique.

4.2 Les solutions retenues pour l’adaptation sont assez convergentes mais il reste difficile d’évaluer leur niveau de mise en œuvre effective

4.2.1 La poursuite des politiques de protection et de restauration et le développement des solutions fondées sur la nature sont retenus dans tous les plans étudiés

On trouve dans la plupart des pays étudiés des études d’impact du changement climatique et des feuilles de route dans le domaine de l’eau, au niveau national et dans les grands districts hydrographiques. Ces feuilles de route intègrent les impacts du changement climatique, à l’image en France des Assises nationales de l’eau de 2019 dédiées à l’adaptation, et des stratégies d’adaptation au changement climatique réalisées dans chaque grand bassin hydrographique.

Les horizons temporels pris en compte dans ces exercices sont de trois ordres :
  • Dans les pays européens, les feuilles de route par district hydrographique (bassin) respectent les temporalités de la directive cadre sur l’eau et de la directive inondations, soit des cycles de 6 ans. Les plans actuels visent l’horizon 2027, parfois (cas espagnol) se prolongent sur un ou deux cycles au-delà (2033 et 2039) pour la prise en compte des effets du réchauffement climatique,
  • certains plans nationaux ont des horizons de moyen/long terme, comme le « 25 year environment plan » britannique adopté en 2019, ou le programme Delta aux Pays Bas qui fixe des objectifs à l’horizon 2050,
  • enfin, certains plans ont des horizons encore plus lointains, notamment pour la prévention des inondations en lien avec l’élévation du niveau de la mer, par exemple le programme Estuaire de la Tamise 2100. Ces programmes s’inscrivent alors clairement dans une logique construite d’adaptation au changement climatique malgré les incertitudes, avec l’étude de plusieurs scénarios, et la notion de « chemins d’adaptation » conduisant à prendre progressivement des « décisions sans regret ». Ils prévoient des points de rendez-vous au vu de l’évolution des connaissances sur les impacts climatiques pour les décisions les plus structurelles.
Ces feuilles de route et programmes sur l’eau, qui se limitaient souvent initialement aux inondations (programme Delta aux Pays Bas) ou à la qualité des eaux environnementales (schémas directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) en France), s’élargissent de plus en plus à l’ensemble du cycle de l’eau (eau potable, assainissement, et protection de la ressource en eau) et à la résilience des écosystèmes aquatiques et humides. Cette évolution globale conduit à compléter les programmes classiques d’infrastructures de génie civil dites « grises » (digues, réseaux de collecte des eaux de pluie et installations de traitement, etc.) par des projets de type « solutions fondées sur la nature (SFN) » comme les zones d’expansion de crues (programmes « room for the river » en Allemagne et aux Pays- Bas), la restauration de zones humides, la désimperméabilisation et la gestion à la source des eaux de pluie en ville, dont le rapport coût-bénéfice est souvent intéressant même s’il gagnerait à être mieux quantifié.

La mission constate que cette évolution conduisant à développer les solutions fondées sur la nature est citée comme un objectif dans tous les plans étudiés, au moins au niveau des principes. Il reste cependant encore difficile de juger de l’ampleur de l’application pratique, tant les SFN couvrent un champ vaste et sont parfois comprises différemment, même si une définition harmonisée émerge progressivement des travaux de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et de l’Assemblée des Nations-Unies pour l’environnement (ANUE).

Ce développement des SFN, qui est encouragé dans tous les pays comme en France par l’échange de bonnes pratiques et un certain nombre d’expérimentations pilotes, constitue une première étape vers la gestion intégrée de la biodiversité et du changement climatique que le GIEC et l’IPBES appellent de leurs vœux dans leur rapport conjoint.

Mais la notion de gestion intégrée de la biodiversité et du changement climatique ne signifie pas seulement la promotion des solutions fondées sur la nature : c’est aussi l’absolue nécessité de considérer les impacts de certaines solutions d’atténuation qui sont négatives pour la biodiversité. La biodiversité est l’un des champs où les risques de mal-adaptation sont les plus importants s’agissant notamment des bio-énergies, de l’hydroélectricité, de certaines politiques de boisement, du développement de l’irrigation et des retenues d’eau.

De manière générale, les plans et feuilles de route étudiées par la mission soulignent que l’accélération des politiques déjà engagées en matière d’eau et de biodiversité, ainsi que des politiques de protection des espaces et des espèces, apparait comme la réponse la plus pertinente.

L’accent est davantage mis, dans les plans étudiés, sur la nécessité d’accélérer les politiques de protection et de restauration des habitats, de leurs fonctionnalités, des continuités, des zones refuges, que sur le travail concernant directement les espèces, hormis quelques expériences de déplacement/réintroduction d’espèces très menacées (Japon, Royaume-Uni). Le rôle majeur du rétablissement des continuités (trame verte et bleue), pour favoriser la migration des espèces et la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, est souligné partout.

4.2.2 Au-delà de ce noyau commun d’accélération et de renforcement des politiques engagées, la rapidité du changement climatique nécessite de nouvelles actions

Quelques points plus spécifiquement liés au changement climatique doivent néanmoins être ajoutés ou renforcés dans les plans d’adaptation par rapport aux politiques existantes :

Dans le domaine de l’eau, la récurrence des sécheresses, leurs conséquences importantes, notamment sur l’agriculture, et la diminution progressive de la ressource disponible rend encore plus urgente l’accélération des politiques d’économies d’eau et de partage entre les usages - sujets peu traités par les directives européennes. L’examen des plans du parangonnage ne fait pas apparaître d’approche différente sur ces sujets de ce qui est fait en France : nécessité de fixer des objectifs chiffrés et répartis d’économies d’eau, gestion intégrée par bassin versant prenant en compte les besoins des milieux, priorisation annoncée des usages en termes d’intention mais encore peu développée dans le droit en vigueur. La liste des leviers mobilisables est connue et citée dans tous les plans (lutte contre les fuites dans les réseaux, réutilisation d’eaux usées, irrigation goutte-à-goutte etc.). Les plans citent parfois aussi les outils de tarification incitative qui sont expérimentés dans certains territoires. Une attention particulière est logiquement apportée au secteur agricole : avec des solutions à court terme qui peuvent reposer sur le développement de capacités de stockage et des solutions de moyen et long terme qui passent par une transformation des modèles de production.

En matière de prévention des inondations, la définition des aléas de référence doit intégrer les impacts du changement climatique : cela commence à se faire sur la montée du niveau de la mer et le recul du trait de côte (exemples des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la France notamment) et doit encore être développé en ce qui concerne l’impact des modifications du régime des précipitations sur les crues, les connaissances progressant rapidement dans ce domaine. De manière générale, les plans étudiés prévoient d’investir dans le développement et la fiabilité des dispositifs de surveillance et d’alerte sur les phénomènes extrêmes, indispensables et « sans regrets » notamment pour la France dans les territoires d’outre-mer.

Les politiques de prévention des inondations vont conduire dans certains cas à repenser très largement l’aménagement spatial de certains territoires. En ce qui concerne l’anticipation des conséquences de la montée du niveau de la mer, la mission a identifié tout particulièrement les programmes Estuaire de la Tamise 2100 et aux Pays Bas, la mise à jour 2022 du programme Delta, comme de bons exemples de politiques construites d’adaptation, associant le Parlement ou la société civile aux choix les plus structurants. En particulier, ces programmes conduisent à poser la question du niveau de protection souhaité des personnes et des biens face aux risques naturels, avec souvent trois options :
  • le maintien du niveau de protection actuel malgré le changement climatique, choix le plus courant, qui suppose un renforcement de la politique de prévention ;
  • l’objectif d’une augmentation du niveau de protection, pour certains secteurs ou territoires ;
  • une réduction du niveau de protection pour d’autres (voir en annexe la carte des enjeux du programme Tamise, publiée par l’agence anglaise de l’environnement).
Ce débat, naturellement très sensible, gagne à être explicité et partagé le plus largement possible, les deux programmes Delta et Estuaire de la Tamise 2100 constituent des exemples inspirants à cet égard.

Les études de risques au changement climatique, à l’échelle des aires protégées ou des écosystèmes, commencent à se développer (Royaume-Uni notamment), de même que la nécessité de développer des politiques intégrées de protection des sols prenant en compte rétention d’eau, biodiversité, capacité de stockage du carbone, en commençant par le développement d’indicateurs intégrés (Japon, Allemagne).

Les analyses coûts bénéfices restent encore rares, mais on peut citer notamment le calcul de retour sur investissement présenté dans le plan anglais d’adaptation en ce qui concerne la politique de prévention des inondations et de lutte contre l’érosion sur le littoral : le programme de dépenses de 2,6 milliards de livres sur 6 ans devrait rapporter 30 milliards de livres de bénéfices.

Ces différents exemples pourraient contribuer à la préparation du chapitre eau, risques naturels et biodiversité du futur plan d’adaptation français.

Recommandation : (MTECT) Compléter les feuilles de route nationales sur l'eau par des mesures portant sur des plans sectoriels d'économies d'eau, le développement de systèmes d’alerte précoce sur les risques naturels et l’organisation d’un débat sur le niveau souhaité de protection des personnes et des biens. Réaliser à chaque fois que possible des analyses coûts-bénéfices à l’appui de ces programmes.

16/08/2020

Même en sécheresse et canicule, les inconscients dénigrent et détruisent les retenues d'eau

Alors que les civilisations sédentaires du néolithique stockent et canalisent l'eau depuis 5 millénaires, nous avons aujourd'hui quelques "sachants" expliquant que les retenues ne retiennent pas l'eau. Et les plus grands médias se font l'écho de leurs propos. A quoi riment ces absurdités alors que le changement climatique annonce des périodes de sécheresses et canicules à répétition, que déjà sous nos yeux des poissons meurent en masse dans des cours vidés d'eau? Quelle est cette idéologie délétère qui non seulement diabolise la création de retenues et de canaux, mais qui organise aussi leur destruction dans tous les territoires? Quand les lits et les puits seront à sec, croit-on que les responsables du désastre ne seront pas inquiétés? Si la modération des usages domestiques, agricoles et industriels en période de tension est une évidence, la nécessité d'avoir une politique de gestion des retenues d'eau l'est tout autant. Cette gestion inclut la dimension écologique des ouvrages. Aucun chantier ne doit réduire la ressource locale, et des projets de territoire doivent être construits autour de la maîtrise assumée des écoulements, cela tant par des solutions fondées sur la nature que par des solutions fondées sur la technique. 


Dans l'Aube comme ailleurs, un nombre croissant de rivières à sec en été. © L'Est éclair, droits réservés. 

Dans un article intitulé "Face à la sécheresse, les retenues d’eau artificielles, une solution de très court terme" (8 août 2020), le journal Le Monde donne la parole à des experts qui remettent en question l'intérêt des retenues d'eau. En voici l'extrait concerné.
« Bien sûr qu’il faut retenir l’eau, mais dans les sols, pas en surface où une bonne part va s’évaporer par fortes chaleurs, affirme l’hydrogéologue Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS et vice-président du Groupe scientifique de réflexion et d’information pour un développement durable et de l’association Preva (Protection de l’entrée des volcans d’Auvergne). Des études récentes ont conclu que les pertes sur les lacs de l’Ouest américain peuvent atteindre 20 % à 60 % des flux entrants, c’est considérable. D’autres, réalisées en Espagne, ont conclu que dans les régions les plus équipées de barrages, les sécheresses sont deux fois plus intenses et plus longues. »

Les retenues d’eau assèchent les tronçons de rivières situés en aval, détruisent les écosystèmes, noient les zones humides. La problématique est la même pour les grandes bassines, explique-t-il en substance. « C’est donc une hérésie totale de faire passer les ressources en eau souterraines en surface au profit de seulement 6 % des terres équipées pour être irriguées », conclut-il.

Son point de vue est partagé par nombre d’hydrologues. Ainsi Florence Habets, chercheuse en hydrométéorologie (directrice de recherche CNRS et professeure attachée à l’Ecole normale supérieure) déclarait-elle au Monde, à l’été 2019 : «Le moyen le plus efficace de garder la ressource hydrique, ce sont les nappes et les sols qui se gorgent de volumes conséquents et les transfèrent vers le sous-sol. Augmenter nos capacités de stockage avec l’idée que nous pourrons poursuivre les mêmes activités, les mêmes cultures aux rendements fantastiques, est un leurre (…). En outre, le remplissage de ces infrastructures en automne peut contribuer à augmenter la durée des pénuries.»

Chaque année, sécheresses et canicules se répètent désormais. Chaque année, nous avons droit aux mêmes éléments de langage de la part de certains experts et médias. Nous avions déjà exprimé l'an passé notre irritation face à la manière dont les choses sont présentées.


Cette carte de l'Observatoire national des étiages (Onde) montre les rivières sans écoulement visible (orange) ou à sec (rouge) en juillet 2020.


Les chercheurs Inresta et Onema ont produit entre 2013 et 2016 une synthèse sur les effets cumulés des retenues (Carluer et al 2016). L'une de leurs principales conclusions est que le sujet est aujourd'hui très mal traité par la recherche en dehors du cas particulier des grands barrages-réservoirs. On manque des données physiques de mesure (rétention, infiltration, évaporation) sur les différents types de retenues, de géologie et d'hydrologie. A dire vrai, on ne sait même pas combien de plans d'eau sont présents sur les territoires, car la directive cadre européenne et son interprétation française les ont fait disparaître du radar (Touchart et Bartout 2020).

Le schéma suivant, extrait de cette expertise de 2016, rappelle que les retenues ont aussi un rôle d'infiltration de l'eau vers les sols et les nappes, ce qui est encore plus vrai quand ces retenues dérivent des canaux (servant à l'irrigation, l'énergie, l'agrément selon les cas) et donc multiplient les occasions d'échange hydrologique.



Si le but est de stocker et répartir (en surface, en sol, en nappe, en croissance végétale) les eaux excédentaires de l'autonome au printemps pour affronter de la meilleure manière possible les étés, comment les réseaux de retenues et de canaux peuvent-ils être jugés inutiles? Pourquoi réduire la question à la sécheresse agricole - certes, première cause de consommation d'eau en été -, alors que la sécheresse hydrologique a aussi comme enjeu la présence locale d'eau partout pour le vivant et pour la société? Les poissons des petites rivières et leurs riverains, les villages traversés par des biefs, les étangs et leurs habitants n'ont-ils pas eux aussi droit à la considération?

Voici 2 ans, huit scientifiques ont fait tourner des modèles climatiques et hydrologiques pour analyser la possible évolution des sécheresses au 21e siècle, en distinguant la sécheresse météorologique (défaut de précipitations), la sécheresse agricole (sols secs), la sécheresse hydrologique (baisse des nappes et débits). Leur travail (encore provisoire car les modèles doivent s'améliorer) montre que les épisodes de sécheresses devraient globalement s'aggraver dans la plupart des régions du monde, surtout aux latitudes moyennes comme la France et l'Europe. Plus on émet de gaz à effet de serre, plus l'impact sera fort: la prévention par transition énergétique est donc déjà une première nécessité. Les auteurs montrent aussi que l'on peut conjurer les sécheresses agricoles, mais au risque d'aggraver les sécheresses hydrologiques si l'usage de l'eau est localement excessif, notamment pour l'irrigation. Il devient donc indispensable d'avoir une vue précise de la ressource en eau de chaque bassin et de ses connexions à l'aval, tant pour les besoins de la société que pour la préservation des milieux aquatiques (Wan et al 2018).

Des travaux récemment parus montrent que la préservation des retenues de moulins, d'étangs ou de plans d'eau a des intérêts pour la gestion de l'eau. Or ces milieux sont aujourd'hui détruits et asséchés au nom d'une continuité écologique exigeant que toute l'eau passe dans le lit mineur et ne soit plus retenue, même si cela élimine des milieux aquatiques et humides en place comme des plans d'eau ou des canaux. Le résultat est souvent la discontinuité hydrique en été, avec des lames d'eau faibles offrant peu de refuge au vivant, voire des assecs éliminant toute vie aquatique.

Deux chercheurs de l'université d'Aix-la-Chapelle montrent que l'implantation millénaire des moulins à eau a modifié progressivement la morphologie des lits mineurs et majeurs des rivières de plaine d'Europe occidentale. Dans ce type de cours d'eau, la suppression des ouvrages de moulin (chaussées, écluses, déversoirs) conduit à des incisions de lit mineur, à des moindres débordements en lit majeur d'inondation (donc des assèchements), à des transferts de sédiments plus fins (plutôt jugés néfastes en colmatage de fond) (Maaß et Schüttrumpf 2019).

Une étude de quatre chercheurs de l'université d'Orléans sur un site à étang artificiel et zone humide naturelle du Limousin montre que le bilan hydrique d'un étang en terme d'évaporation est meilleur que celui de la zone humide. Les scientifiques soulignent que leur observation va à l'encontre des discours tenus par certains gestionnaires publics de l'eau, qui militent aujourd'hui pour la destruction des retenues et canaux au nom de la continuité écologique, de la renaturation ou du changement climatique (Al Domany et al 2020).

Deux chercheurs polonais ayant étudié l'effet morphologique, sédimentaire et hydrologique de moulins présents depuis 7 siècles sur une rivière notent que leur abandon s'est traduit par une perte de la capacité de rétention locale d'eau dans les nappes et de la rétention globale d'eau de surface dans le bassin versant (Podgórski et Szatten 2020).

Dix chercheurs européens ont tiré la sonnette d'alarme : les milieux aquatiques et humides anthropiques (d'origine humaine), qui représentent 90% des plans d'eau et 30% des surfaces en eau de l'Europe, ont été purement et simplement effacés du radar de la directive cadre européenne sur l'eau et de sa mise en oeuvre par chaque pays. Or, quoique créés par les humains, ces milieux ont des effets sur les cycles biogéochimiques, sur les services écosystémiques et sur la biodiversité (Koschorreck et al 2020).

Dans une récente revue, trois chercheurs soulignent que les besoins en eau des sociétés ont peu de chance de décroître à horizon prévisible, et que chaque bassin se retrouve confronté à la question d'un stockage optimal de l'eau (Eriyagama et al 2020). Cette optimalité concerne la forme des stockages, pouvant être concentrée/centralisée ou au contraire plus ou moins distribuée:



L'optimalité exige aussi de prendre en compte ensemble les dimensions écologiques, sociales et économiques des choix démocratiques :


De tels travaux sont nombreux (lire les textes référencés en bas de cet article). On en vient donc à se demander : est-ce au nom d'une idéologie, ou d'un pouvoir bureaucratique, que certains dénigrent les retenues d'eau? Quand vague de chaleur après vague de chaleur les milieux aquatiques français seront asséchés, tandis que l'administration aura bloqué les projets de retenues et détruit celles qui existent au nom du dogme de  la continuité prétendument "écologique", ces acteurs prendront-ils la responsabilité de leurs propos?

La question de l'eau est cruciale pour le vivant, avec un grand nombre d'espèces de milieux aquatiques et humides déjà sous pression, en état vulnérable. Elle est cruciale pour la société qui devra affronter des étés de plus en plus chauds et stressants. Elle est cruciale pour l'économie, dont des pans entiers sont à l'arrêt si les ressources sont taries. Il ne faut plus penser cette question selon des oppositions anciennes entre "naturel" et "artificiel" : des retenues gérées de manière écologiquement responsable, conçues ou aménagées pour ne pas entraver la circulation d'espèces qui en ont besoin, font partie des solutions. Ce n'est qu'un des outils d'une plus vaste panoplie. Mais un outil à assumer et utiliser.

Réponse à quelques idées reçues
Idée reçue #04: "Les ouvrages hydrauliques nuisent à l'auto-épuration de la rivière"
Idée reçue #09 : "Seuils, digues et barrages nuisent aux services rendus par les écosystèmes, qui demandent des rivières libres"
Idée reçue #10 : "Etangs et retenues réchauffent toujours les rivières et nuisent gravement aux milieux" 
Idée reçue #16: "L'évaporation estivale des retenues nuit fortement aux rivières"
Idée reçue #17: "L'effacement des ouvrages hydrauliques permet de s'adapter au changement climatique" 

Orientations pour une gestion durable de l'eau
Sécheresses et conditions climatiques extrêmes: les risques sont-ils correctement pris en compte dans la gestion des rivières?
Trois bilans à mener sur les bassins versants pour anticiper les crises de demain
Hausse des pluies extrêmes en France et rôle des ouvrages hydrauliques
Face aux sécheresses comme aux crues, conserver les ouvrages de nos rivières au lieu de les détruire
Le gouvernement doit cesser de négliger le rôle des plans d'eau, biefs et zones humides

23/07/2019

Les solutions fondées sur la nature ont de l'avenir, mais ne seront pas la négation des solutions héritées de l'histoire

On parle de plus en plus des "solutions fondées sur la nature" dans le domaine de la gestion de l'eau. Il s'agit par exemple d'ouvrir des lits majeurs d'inondation pour prévenir les crues ou de restaurer des zones humides pour stocker l'eau. Nous soutenons ces initiatives, qui actent des limites de l'artificialisation excessive des bassins versants au 20e siècle. Mais avec plusieurs réserves de précaution. D'abord, il s'agit d'expérimentation : toute "solution" promue sur argent public doit répondre devant les citoyens de ses résultats et de ses coûts, la "nature" n'étant pas ici un argument suffisant si le service attendu pour la société n'est pas aussi au rendez-vous. Ensuite, la puissance publique française ayant tendance à convertir les approches empiriques en doctrine rigide, on se gardera de toute généralisation avant les retours d'expériences menés avec rigueur et transparence, dans une expertise ouverte aux observations citoyennes. Enfin, certains adeptes des solutions fondées sur la nature se montrent parfois des partisans aveugles de la destruction des solutions fondées sur l'histoire qui ont largement fait leur preuve, en particulier les retenues et diversions d'eau attachées aux ouvrages hydrauliques en place. Face aux risques de crue comme de sécheresse, nous n'avons surtout pas besoin de détruire les héritages du passé qui restent utiles et permettent des gestions de l'eau sur les bassins versants. Par ailleurs, la création de retenues peut aussi rester nécessaire sur certains territoires. Ici comme ailleurs, l'écologie devra être pragmatique, intelligente et inclusive. 


Crue en lit majeur de l'Armançon au niveau de Senailly (21)

Les solutions fondées sur la nature désignent la capacité à utiliser l'environnement naturel et ses écosystèmes pour offrir des services de gestion des risques et de production d'agrément. Les exemples en sont nombreux, comme favoriser la végétation en ville afin de rafraîchir l'atmosphère, créer des dunes pour contenir l'avancée de la mer sur le littoral, planter des forêts pour stocker le carbone en excès ou encore recréer des haies pour éviter l'érosion des sols agricoles.

Dans le domaine de l'eau, plusieurs de ces solutions fondées sur la nature sont promues, par exemple restaurer des zones humides qui servent à stocker et épurer l'eau, outre leur valeur de biodiversité ; permettre des inondations du lit majeur des rivières afin de dissiper des crues et de limiter leur effet à l'aval ; planter des ripisylves pour atténuer l'effet du réchauffement sur la température de l'eau ; végétaliser les bassins versants pour réduire le ruissellement superficiel et l'érosion, etc. (voir Rey et al 2018 ; voir les deux rapports parlementaires en référence en bas de l'article).

Ce concept de solutions fondées sur la nature n'est pas directement scientifique pour le moment. Il a émergé du monde des ONG, sous l’impulsion de l’UICN, lors de la conférence des parties de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements cli­matiques qui s'était tenue en 2009, à Copenhague (voir UICN 2018). L'Union européenne a lancé plusieurs programmes (BiodivERsA 2014, ThinkNature 2018 dans le cadre de la programmation scientifique de l'Union Horizon 2020) pour travailler sur ces solutions fondées la nature, évaluer leurs domaines, leur faisabilité et leur efficacité.

Les solutions fondées sur la nature ont eu rapidement du succès au ministère de l'écologie et dans les organismes administratifs qui en dépendent, comme l'office français de la biodiversité (exemple AFB 2017) ou les agences de l'eau (exemple AERMC 2018). Le nouveau Plan national d’adaptation au changement climatique (2018) et le nouveau Plan biodiversité (2018) promeuvent l’utilisation de ces solutions.

C'est à ce point que nous exprimons quelques inquiétudes : l'expérience des dernières décennies montre que le fonctionnement excessivement bureaucratique et centralisé de la France peut facilement conduire à des déboires. Ce qui fut vrai à l'époque des 30 glorieuses dans le sens d'une artificialisation outrancière (soutenue alors par les pouvoirs publics au nom de "la science") pourrait très bien devenir vrai demain sous la forme d'une naturalisation outrancière (toujours soutenue au nom de "la science"). Cette crainte n'est pas théorique : nous en avons de bien tristes exemples depuis quelques années dans la politique aberrante de destructions des moulins et étangs d'Ancien Régime au nom d'une soi-disant modernité écologique. De telles pratiques autoritaires, sous-informées et conflictuelles n'ont pas d'avenir et doivent plutôt servir de contre-exemples sur ce qu'il ne faut pas faire.

On prendra garde ici à un certain "scientisme" écologique qui, ignorant les vertus de l'empirisme et l'examen des solutions concrètes déjà déployées dans le passé, prétendrait ré-inventer l'aménagement du territoire sans esprit critique et sans garde-fou sur la qualité de ses réalisations. Nous devons certes innover, et il est certain que la politique brutale de "correction" des  aléas de la nature au fil du dernier siècle a entraîné des détériorations d'écosystèmes, parfois des effets pervers multipliant les coûts de gestion et les externalités négatives. Les milieux ont besoin d'être protégés, respectés, parfois restaurés. En sens inverse, gardons-nous de l'amnésie ou de la naïveté car la nature laissée à elle-même produisait parfois des désagréments, et ne suffit pas à elle seule à satisfaire les attentes de la société. A cela s'ajoute que les experts eux-mêmes, quand on prend le temps de lire attentivement leurs travaux, admettent la grande incertitude des connaissances (voir le travail Inra-Irstea 2016 sur l'effet des retenues, par exemple) et donc l'inanité qu'il y aurait à propager des propos définitifs sur les avantages ou les inconvénients de chaque option. L'humilité et l'honnêteté intellectuelles sont de mise pour construire les politiques publiques, le premier enseignement de la science étant la complexité du réel et la difficulté à anticiper les conséquences à long terme de nos actions.

Les solutions fondées sur la nature visent avant tout à être des "solutions". A ce titre, elles doivent donner lieu à des expérimentations suivies d'évaluations.

L'évaluation du rapport coût-efficacité : les solutions fondées sur la nature occupent un certain espace et demandent des chantiers d'aménagement, parfois de suivi dans le temps et de ré-intervention pour corriger des erreurs ou des dégradations de fonctionnalité. Cela a des coûts qu'il convient d'estimer et de mettre en regard de leur efficacité à atteindre l'objectif assigné. Par exemple, il s'agira de définir le volume d'eau réellement retenu par une zone humide lors d'une crue (toute personne vivant au bord de la rivière constate que dans les périodes de crues par accumulation, les sols sont vite gorgés d'eau, donc la capacité de rétention des lits majeurs est saturé, ce qui demande évaluation précise en gestion des risques).

Le respect de la concertation sociale : la simple invocation de la nature ne suffit nullement à créer du consensus, car les solutions fondées sur elle ont aussi des coûts, des contraintes, des impacts sur les riverains. Il peut être difficile de faire accepter des inondations de terrains, même si elles ne sont pas permanentes comme dans le cas d'un barrage (voir par exemple le suivi instructif de chantier relaté et analysé dans Riegel 2018).

Le pragmatisme sans dogme : on observe avec perplexité que certains défenseurs des solutions fondées sur la nature peuvent aussi se faire les idéologues du refus de toute autre solution (par exemple France Nature Environnement). Or, au regard des prévisions de changement climatique, notamment dans le Sud et l'Est de la France déjà soumis au stress hydrique chronique, les stratégies d'adaptation doivent rester ouvertes et ne pas sacrifier des territoires au nom de positions intransigeantes. Une écologie trop dogmatique produit des résistances évitables et nourrit finalement des retards sur des solutions consensuelles et faciles à implanter.

La conservation des (bonnes) solutions fondées sur l'histoire : les solutions fondées sur la nature sont des pistes prometteuses qui méritent l'exploration et l'expérimentation. Mais elles ne doivent pas conduire à la négation des solutions héritées de l'histoire qui ont déjà fait amplement leur preuve en matière de prévention des inondations et de gestion des sécheresses. C'est notamment le cas de tous les ouvrages de retenues présents en France, que l'on se gardera de détruire alors que le changement hydroclimatique ouvre une période d'incertitude forte sur l'avenir de l'eau, avec nécessité de préserver les outils de gestion adaptative des rivières et des bassins versants (voir Beatty et al 2017, Clifford et Hefferman 2018Tonkin et al 2019). Il est de ce point de vue navrant de lire que certains valorisent des fonctionnalités des zones humides naturelles (retenir plus longtemps l'eau, charger des nappes, écrêter des crues, épurer des intrants) tout en dévalorisant par pur dogmatisme des fonctionnalités parfaitement identiques dans des hydrosystèmes artificiels créés par nos ancêtres.

Prétendre tout casser ici et tout reconstruire ailleurs, ce serait encore une politique de l'hubris qui oublie le besoin de sobriété et d'économie des moyens propre à la transition écologique.

A lire aussi 2 rapports parlementaires récents
Rapport d'information sur la ressource en eau, Adrien Morenas et Loïc Prud’homme
Terres d'eau terres d'avenir. Sur les zones humides, Frédérique Tuffnell et Jérôme Bignon


Sur la rivière Armançon, le barrage de Pont-et-Massène a une capacité de stockage de 6 millions de m3 d'eau, permettant de gérer les crues et les étiages.