30/07/2016

Idée reçue #17: "L'effacement des ouvrages hydrauliques permet de s'adapter au changement climatique"

Depuis quelques mois, un nouvel élément de langage circule dans le milieu des gestionnaires de rivière : effacer les ouvrages est indispensable pour lutter contre les effets de réchauffement climatique. Après l'entrave à auto-épuration chimique, gadget de communication qui résiste mal à l'épreuve de l'examen scientifique, les ouvrages de moulins, d'étangs et d'usines à eau seraient maintenant responsables d'une aggravation du changement climatique. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage… Mais cette nouvelle idée reçue n'a pas grand chose de solide pour appuyer ses assertions. L'effacement des ouvrages hydrauliques présente un mauvais bilan CO2, alors que leur équipement en énergie hydro-électrique limite au contraire l'effet de serre. La conservation d'outil de régulation des niveaux de la rivière peut se révéler précieuse avec les crues et étiages plus sévères du climat changeant. L'ouvrage hydraulique est donc auxiliaire de notre adaptation au changement climatique! Quant aux poissons d'eau froide et en particulier aux salmonidés – dont la préservation au service des intérêts particuliers du loisir pêche est un non-dit de l'opaque réforme de continuité écologique –, leur aire de répartition risque de toute façon de se réduire à certaines têtes de bassin. Il n'est nul besoin de tout casser pour les y conserver.




Avant de s'adapter, prévenir : l'intérêt de la production hydro-électrique - La première réponse à la menace du changement climatique, c'est de limiter au maximum et au plus vite les émissions de gaz à effet de serre, afin d'éviter un basculement durable dans un nouveau régime climatique dont les conséquences ultimes pour les sociétés et les milieux sont assez largement inconnues. Pour cette raison, l'hydro-électricité connaît un développement à l'échelle mondiale : c'est une technologie simple, rustique et durable ; elle a un excellent bilan carbone (en région tempérée notamment) et matières premières ; elle offre une bonne prévisibilité pour le réseau électrique et dans certains cas (STEP), elle permet de stocker l'énergie produite par d'autres sources renouvelables ou de répondre aux pointes (voir cette synthèse sur l'intérêt énergétique des petits ouvrages). Le choix français de geler une bonne part du développement hydro-électrique au nom de la continuité écologique, voire de détruire les ouvrages déjà en place permettant son exploitation, est en contradiction totale avec la stratégie nationale et européenne de transition écologique et énergétique. Il faut au contraire encourager la croissance de l'énergie hydraulique partout où cela est possible : en rivière, en fleuve et en mer, dans les réseaux d'eau (AEP) et les retenues en place. Bien entendu, certains effets secondaires indésirables de ce développement hydro-électrique sont réels et doivent être minimisés, grâce aux travaux de recherche appliquée sur l'ichtyocompatibilité des prises d'eau et des régimes de débit. Mais il faut garder mesure et remettre les choses à leur place : on ne conçoit pas une politique énergétique de lutte contre le réchauffement climatique en fonction d'une répartition différentielle de poissons sur des tronçons de rivière intéressant essentiellement le loisir de la pêche.

Le bilan carbone des destructions n'est pas calculé, et il est probablement négatif pour le CO2  - La récente expertise collective Irstea-Inra-Onema (Carluer et al 2016, voir ce lien) a montré que le bilan CO2 (dioxyde de carbone) des retenues est généralement meilleur que celui des rivières libres, car la dissolution du gaz et le stockage du carbone y sont plus efficaces. L'inverse est vrai pour le CH4 (méthane), davantage produit dans les retenues et les zones humides. Avis des chercheurs : "pour les retenues installées sur des rivières, il semble que l’émission de CO2 soit plus importante dans la rivière que dans la retenue, l’ordre étant inversé pour CH4". Le CH4 est un gaz à effet de serre nettement plus puissant que le CO2, mais sa durée de vie atmosphérique est nettement moindre (quelques années à décennies pour le méthane, plusieurs siècles pour le CO2). C'est la raison pour laquelle les chercheurs considèrent que le dioxyde de carbone est le premier facteur anthropique du changement climatique, son forçage de long terme laissant tout le temps aux rétroactions (vapeur d'eau, nuages, fonte des glaces) du système Terre pour amplifier le signal initial de réchauffement. En détruisant les retenues pour restaurer des rivières "libres" de moindre largeur et hauteur, on tend plutôt à aggraver le bilan CO2. S'ajoutent à ce bilan négatif la mobilisation d'engins lourds pour les chantiers de destruction et la fréquente nécessité de ré-intervenir sur les rives, car l'évolution des écoulements provoque des effets non désirés sur les usages riverains. Tout cela n'a rien de très écologique, c'est de l'ingénierie qui dépense de l'énergie fossile.

Les ouvrages bien gérés peuvent aider à réguler la température des cours d'eau - On entend souvent dire que les retenues des ouvrages hydrauliques réchauffent l'eau. C'est en partie exact, mais le bilan thermique d'une retenue est bien plus complexe qu'un slogan (voir cette idée reçue). En région tempérée, le réchauffement de l'eau a surtout des enjeux en été, et pour certaines espèces qui recherchent l'eau froide: c'est donc un problème tout relatif, qu'il faut mettre en balance avec les autres effets du réchauffement local sur la biodiversité. Ainsi, et de manière contre-intuitive, une recherche française récente a montré que la hausse des températures au cours des 20 dernières années a été associée à davantage de richesse taxonomique des invertébrés, grâce à une productivité primaire accrue des rivières et autres masses d'eau (Van Looy et al 2016). Surtout, au lieu de les détruire sans discernement, il est possible d'utiliser les ouvrages hydrauliques pour réguler la température, donc atténuer certaines effets du réchauffement. Ainsi, les plus grands ouvrages (ou ceux dont les eaux sont turbides, comme souvent les étangs) gardent une température plus fraîche vers le fond, et le relargage du débit au bon niveau de hauteur permet de compenser un réchauffement de surface. D'autres facteurs, comme la reconstruction de la ripisylve, ont des effets très positifs sur la température et la biodiversité sans pour autant altérer le patrimoine hydraulique. Au cours des décennies et siècles à venir (durée de référence du réchauffement), on a donc tout un panel d'alternatives à tester: vouloir se précipiter à effacer est une pseudo-solution à courte vue.

Les ouvrages permettent de retenir une eau qui devient rare, plus généralement de réguler les niveaux - Il est notoirement difficile de simuler à long terme l'évolution de l'hydrologie, car le cycle de l'eau est complexe et le régime des précipitations répond à des déterminants multi-échelles, depuis les usages locaux de sols jusqu'à la circulation générale océan-atmosphère. Néanmoins, malgré une certaine variabilité des résultats et donc une confiance moyenne, la majorité des modèles climatiques prévoient à l'horizon de ce siècle une augmentation des phénomènes extrêmes (sécheresses, fortes précipitations), une hausse des précipitations hivernales et une baisse des précipitations estivales, une baisse tendancielle des débits sur certaines régions (voir Le climat de la France au XXIe siècle, vol 4, 2014). Dans ce contexte, la préservation des ouvrages hydrauliques paraît une nécessité. Ils permettent en effet de réguler les niveaux d'eau (ce pour quoi ils ont été conçus), de conserver une lame d'eau élevée à l'étiage, de rehausser et d'alimenter les nappes, de servir de refuge au vivant dans les rivières asséchées, de lisser des crues fréquentes… autant de fonctions qui peuvent devenir critiques face au changement climatique. La récréation artificielle de la "rivière libre" signifie au contraire la restauration de la fatalité de l'écoulement naturel, avec obligation pour les riverains de subir les caprices du temps. C'est en contradiction avec 6 millénaires de civilisation hydraulique ayant conduit l'homme à chercher la maîtrise raisonnée des flots. Quant à l'évaporation parfois mise en avant pour déprécier les retenues, elle est relativement négligeable par rapport aux volumes concernés (voir cette idée reçue).

Les espèces de poissons d'eau froide changeront de toute façon de répartition - L'une des premières préoccupations concernant les effets des ouvrages en situation de changement climatique concerne les poissons, qui ne représentent certes que 2% de la biodiversité aquatique (et moins de 0,5% pour les sténothermes), mais qui font l'objet d'une forte attention du lobby pêcheur (voir les travaux de l'Onema, ancien Conseil supérieur de la pêche, Les poissons d'eau douce à l'heure du changement climatique : état des lieux et pistes pour l'adaptation, 2014). Un constat empirique a par exemple été fait en étudiant la faune piscicole: les poissons sensibles à la chaleur ont tendance à monter en altitude, mais leur vitesse de remontée d'environ 13 m / décennie reste inférieure à celle des isothermes du changement climatique (de 40 à 74 m/ décennie), voir Comte et Grenouillet 2013. L'idée est que le rythme étant insuffisant, on peut avoir un risque d'extinction locale et que l'effacement des barrages limiterait ce risque (voir typiquement cette page de l'Onema). Cette conclusion paraît quelque peu hâtive et discutable dans sa généralité. D'abord, les zones aval à espèces eurythermes (zones à brème et à barbeau, tolérance aux variations thermiques) ne sont pas concernées. Ensuite, toutes les études d'écologie et biologie des populations concluent à la contraction future des aires de répartition et des biomasses d'espèces adaptées au froid, y compris lorsqu'il n'y a pas d'obstacles à la migration. "Renaturer" une rivière en faveur de salmonidés n'a guère de sens si l'eau de cette rivière est de toute façon appelée à devenir trop chaude pour une truite ou un saumon : le glissement biotypologique est une issue probable, et peu évitable. Enfin, pour les têtes de bassin, les espèces ne parcourent pas des dizaines de kilomètres pour "fuir" le réchauffement: elles évoluent par adaptation locale (sélection différentielle selon les variations thermiques et la résistance à ces variations). Les poissons d'eaux froides persistent et se reproduisent là où ils trouvent des habitats suffisants et à température conforme à leur stratégie de vie. Il est inutile de casser tous les ouvrages pour cela : il suffit de rétablir une connectivité critique à partir de modèles de priorisation sur les bassins versants dont le réchauffement sera insuffisant pour extirper les espèces d'intérêt. Préférer des méthodes intelligentes, informées et ciblées au lieu du choix radical, précipité et stupide de la pelleteuse pour le maximum d'ouvrages.

Remettons donc les idées à l'endroit : détruire les ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique n'est en rien une bonne stratégie de prévention et d'adaptation au changement climatique. On casse un potentiel d'énergie bas-carbone, on se prive d'un outil de régulation des niveaux de la rivière pour faire face aux sécheresses ou aux crues, on remplace une retenue par un lit au bilan CO2 moins bon, on ne sauvera pas pour autant les espèces d'eau froide dont l'habitat aura tendance à se réduire. L'ouvrage hydraulique est aujourd'hui un allié face au changement climatique, il est nettement préférable de le préserver, de l'équiper et de l'adapter à nos nouveaux besoins. Quant aux gestionnaires de rivière, ils doivent cesser de proférer des assertions présentées comme des certitudes alors qu'elles ont une base scientifique fragile, parfois inexistante. Affirmer que l'on peut modéliser avec un haut niveau de confiance la triple évolution des hydrosystèmes fragmentés, de leurs populations biologiques et des régimes pluies-débits sur 50 à 100 ans est une escroquerie intellectuelle qui dessert la cause de l'écologie. On doit agir avec prudence et discernement, et les quelques éléments empiriques ou théoriques dont on dispose plaident plutôt en faveur du maintien des ouvrages hydrauliques.

Illustration: perte de la Seine à Buncey, une année sèche (2015). Le réchauffement climatique devrait accroître le stress hydrique au cours de ce siècle. Il est préférable de conserver les retenues et plans d'eau au lieu de les détruire au nom de modes fondées sur des connaissances scientifiques encore peu robustes et des données de terrain lacunaires.



Exemple dans l'actualité : la destruction d'un barrage sur la Moselotte (Vosges) a mis à sec un canal, au grand dam des agriculteurs, des pêcheurs et des riverains. Voir couverture France Bleue et Vosges Matin, et ci-dessus le Paysan vosgien (cliquer pour agrandir). Le syndicat de rivière a programmé une vingtaine d'opérations de ce type... va-t-on tolérer indéfiniment ces pratiques d'apprentis sorciers, alors qu'il existe des solutions non destructives pour rétablir la connectivité là où elle est nécessaire? Que deviendront les rivières "défragmentées" quand les étiages sévères vont se multiplier, comme nous le promettent les chercheurs? Au regard des milliers d'opérations envisagées en France et de la carence catastrophique de connaissances des hydrosystèmes locaux en appui de cette politique, le moratoire sur les effacements d'ouvrages est une urgente nécessité.

14 commentaires:

  1. Je ne comprends plus...Le 4 juillet, vous attiriez l'attention du lecteur sur la prudence à avoir avec l'expertise scientifique collective sur les retenues, qui concernait d'après vous surtout les grandes retenues (Titre de votre article : "Effets biologiques des retenues… de quelles dimensions? De l'utilité de barrages de 195 m de hauteur pour comprendre l'impact des moulins"). Et vous citez cette expertise à tout va pour parler des moulins (vous êtes les seuls, d'ailleurs...).

    Par ailleurs, pour apporter un peu d'eau au moulin de la clarté, de la précision, et de la transparence, quelques extraits du rapport de cette expertise :

    "Un autre effet cumulé des retenues est traité dans la littérature pour un enjeu qui semble non négligeable à l’échelle
    globale, il s’agit du bilan d’émission de gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O). Des études avancent le chiffre de 7% pour
    quantifier la contribution des réservoirs aux émissions de GES produites par l’ensemble des sources anthropiques.
    D’autres soulignent que l’émission de CH4 est inversement proportionnelle à la taille des retenues, l’émission étant bien
    plus élevée lorsque leur taille est inférieure à 1000 m²" (rapport de synthèse p 62)

    "L’échelle spatiale à laquelle s’intéresse cette expertise sur l’impact cumulé des retenues n’est a priori pas l’échelle
    planétaire : il peut y avoir contradiction entre un gain local et plutôt individuel associé à un usage de retenue et un coût
    environnemental planétaire et collectif lié à leur cumul dans certains pays. Il s’agit ici de ne pas oublier ce type d’impact
    qui devrait, s’il s’avère contribuer à l’effet de serre, quand même infléchir les grandes lignes de la politique publique, et
    ne pas inciter à multiplier le nombre de retenues pour un bénéfice à court terme sans être conscient de ce niveau global
    d’impacts." (rapport de synthèse p62)

    "Les retenues, quelle que soit leur taille, contribuent significativement au développement de tout un cortège d’espèces
    d’eau calme initialement peu ou pas représentées dans le cours d’eau qui vont pouvoir ensuite coloniser le cours d’eau
    adjacent tant vers l’amont que vers l’aval altérant ainsi la répartition naturelle des espèces le long du gradient amont
    aval. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant qu’il concerne bien souvent des espèces exotiques à caractère invasif,
    appartenant potentiellement à de nombreux groupes: poissons, macrophytes, macroinvertébrés, amphibiens…" (rapport de synthèse p67)

    "L'effet des retenues sur un régime hydrologique peut être apprécié en théorie à travers l'analyse d'une diversité de
    débits caractéristiques. L'effet sur le débit annuel est celui le plus souvent reporté. La réduction du débit annuel atteint
    souvent 20 à 30% (Figure 7)." (rapport de synthèse p30)

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    1. "Et vous citez cette expertise à tout va pour parler des moulins (vous êtes les seuls, d'ailleurs…)"

      Du point de vue fonctionnel, un ouvrage qui barre le lit mineur, augmente la largeur du miroir et rehausse la lame crée une petite retenue (que cela alimente un moulin, une forge, une pisciculture, un irriguant, etc. importe assez peu). Mais vous avez raison, il n'existe pas d'expertise collective spécifiquement consacrée aux moulins : nous la réclamons en même temps que le moratoire sur leurs effacements. Car enfin, mener une politique publique aux choix irrémédiables sans analyse rigoureuse et préalable du phénomène concerné, chacun conviendra que c'est indigne d'une démocratie éclairée.

      Quant à notre article du 4 juillet sur les barrages, il visait précisément à souligner que les gestionnaires affirmant "il existe une large littérature scientifique" quand ils planifient la casse des petits ouvrages mentent (ou se trompent dans la meilleure hypothèse). Il existe une (pas si large) littérature sur les discontinuités des grands barrages, certainement sur les petits ouvrages et les petites retenues en général. D'ailleurs, les articles sci. qui en parlent aujourd'hui commencent tous par ce constat, qu'on ne trouve pas grand chose et pas toujours de bonne qualité en rigueur du protocole de recherche.

      Sinon, en page 72 du chapitre physico-chimie :
      "En résumé, d’après les publications étudiées, les retenues peuvent séquestrer du carbone sous forme de MO de différentes origines mais peuvent aussi représenter des sources de CO2 et CH4 qui contribuent à l’effet de serre. Ce comportement dépend des caractéristiques des retenues elles-mêmes (âge, profondeur, taille, climat...) et de leur environnement (apport de nutriments pour le développement de biomasse primaire, apport de sédiments organiques...), et peut fortement varier dans le temps, avec un effet saison souvent mis en évidence. (…) Pour les retenues installées sur des rivières, des comparaisons entre les tronçons d’eau courante et les retenues ont été réalisées. D’après les travaux de (Halbedel et Koschorreck, 2013) et (Maeck, DelSontro et al., 2013) il semble que l’émission de CO2 soit plus importante dans la rivière que dans la retenue, l’ordre étant inversé pour CH4."

      Vous noterez dans la citation que vous avez choisi du rapport de synthèse que les auteurs utilisent le conditionnel ("ne pas oublier ce type d’impact qui devrait, s’il s’avère contribuer à l’effet de serre, quand même infléchir les grandes lignes de la politique publique") et évoquent le cas "dans certains pays". La raison en est que leur référence principale (dans le texte de l'expertise) sur le bilan global est St Louis et al., 2000 dans Bioscience (qui est donc une référence ancienne et pas publiée dans une revue spécialisée en biogéochimie). A notre connaissance, le bilan GES est mauvais dans les pays tropicaux mais bon dans les pays tempérés. (Par ailleurs, quand il y a un usage énergétique, ce bilan doit l'intégrer.)

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    2. Sur les espèces "invasives" ou indésirables" : c'est HS pour cet article, mais il conviendrait d'abord de s'interroger sur les personnes qui déversent ces espèces dans l'eau. A notre connaissance ce ne sont pas les gestionnaires de retenues ni les propriétaires de moulins, plutôt certains usagers de la rivière qui reçoivent un contrôle très laxiste de la part de la police de l'eau.

      Sur l'effet sur le débit, le chiffre n'est pas tellement étonnant puisque le bilan inclut les prélèvements quand ils existent. Les auteurs de l'expertise soulignent: "L’impact des retenues sur les débits annuels varie cependant d’une étude à l’autre, sans qu’il soit possible d’établir des liens de causalité entre la diminution du débit annuel et des facteurs simples comme des descripteurs de densité de retenues (en nombre ou en volume), la précipitation annuelle, ou le débit annuel." Ce qu'on observe en effet sur les graphiques de la figure 7. C'est certain qu'une retenue agricole en zone aride australienne ou californienne va beaucoup évaporer et prélever…

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  2. Anonyme : en dehors de vos incompréhensions, que pensez-vous de l'intérêt d'effacer des ouvrages dans la perspective d'une adaptation au changement climatique? Cela vous semble fondé comme démarche? Vous espérez quels gains, sur quelles bases? Faut-il tout effacer ou certains sites seulement et pourquoi? Etc.

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  3. Les défenseurs des moulins ne se privent pas d'utiliser l'argument de l'usage des retenues pour la pêche, quand cela les arrange... Mais quand cela ne les arrange plus, les pêcheurs sont des méchants déverseurs de mauvais poissons, qui agissent avec la complicité de l'Administration....Si vous lancez une demande de modification réglementaire pour mieux encadrer les déversements en tous genres, je signe!

    Pour le reste, je reste rassuré, puisque les obligations liées aux listes 1 et 2 s'appliquent sur les cours d'eau classés en liste 1 et 2, c'est à dire une minorité du linéaire total des cours d'eau! Les merveilleux effets des retenues pourront donc continuer à garder nos cours d'eau en bon état partout ailleurs. Ouf. Cette politique inique et brutale et anti-démocratique devrait permettre, si on vous suit, dans quelques années d'avoir des cours d'eau en bon état en dehors des classements!!

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    1. "Bons", "méchants" (pêcheurs, propriétaires) : n'inversez pas les rôles. Il y a une administration, des établissements publics, des fédérations de pêche qui tiennent un certain discours, et un discours contraignant pour autrui. La moindre des choses est que ce discours visant à la contrainte a) possède une cohérence interne, b) soit fondé sur autre chose que des généralités non démontrées, c) ne demande pas aux uns ce qui n'est pas demandé aux autres. Donc par exemple, toute institution qui affirme vouloir défendre "l'intégrité biotique" des masses d'eau devrait y interdire les déversements de poissons et, de manière générale, la pêche. Cette vision "intégriste" ou "intégraliste" n'est pas la nôtre (parce que les populations de poissons ont déjà largement et depuis longtemps évolué sous influence anthropique, parce que l'intérêt général ne consiste pas à muséifier des écosystèmes et condamner toute influence anthropique, plutôt à exploiter certains de leurs services de manière durable ; mais chacun sa vision là-dessus).

      Pour le reste, l'existence d'un rôle épuratoire des retenues (par exemple) ne signifie pas que les retenues épurent toute la charge envoyée dans la rivière par les activités humaines, depuis les fines mobilisées par l'érosion jusqu'aux produits chimiques de synthèse. La plupart des bio-indicateurs DCE sont des taxons polluosensibles, la plupart des demandes réglementaires européennes avec délai et NQE concernent des substances chimiques, donc on attend logiquement des actions prioritaires là-dessus. D'autant qu'un paquet d'études scientifiques montrent que la restauration morphologique a peu d'effets tant que le bassin versant voit sa physico-chimie et son hydrologie perturbées.

      Enfin, vos propos ne répondent pas à l'objet de l'article. A partir de quel protocole et de quelles références, à partir de quelle comparaison avec d'autres options possibles une politique d'effacement d'ouvrages peut-elle affirmer qu'elle concoure efficacement à la prévention et à l'adaptation au changement climatique? Les Agences de l'eau montrent fièrement des centaines de chantiers déjà réalisés, il doit bien y avoir des modèles vertueux dans ces cas concrets, avec des études impeccables ayant répondu à ces questions sur le climat (et à toutes les autres questions sur l'écologie de la rivière, écologie dont chacun sait qu'elle est une démarche fondée sur la prise en compte de l'ensemble des paramètres propres au système complexe du vivant en interaction avec son milieu).

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    2. Heureusement, les politiques nationales et dans les bassins ne se résument pas à détruire des seuils... Les pollutions diverses font aussi l'objet d'actions, difficiles à mettre en place aussi car se heurtant à d'autres intérêts. Donc, parmi les choses vraies, pertinentes et intéressantes que vous énoncez, deux contre-vérités au moins à signaler :
      - il n'y a pas de volonté de destruction systématique et générale de destruction des moulins (j'insiste, les cours d'eau classés ne représentent pas une majorité du linéaire, et tous les ouvrages n'ont pas vocation à être effacés sur les cours d'eau classés, et ne le sont pas en pratique). Je sais que cette supposée volonté de tout détruire est votre postulat de base, et votre fond de commerce, mais elle n'existe pas.

      - le traitement des obstacles à la continuité n'est pas l'unique priorité des acteurs publics pour le bon état des eaux (assainissement, pollutions agricoles et industrielles, gestion quantitative...).

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  4. @ anonyme 19:23

    "le traitement des obstacles à la continuité n'est pas l'unique priorité des acteurs publics pour le bon état des eaux"

    Certes, mais où aurions-nous écrit que c'est le cas? Il se peut que nous ayons utilisé une formulation ambiguë, merci de la signaler. Sinon, tout le monde peut lire les SDAGE et les SAGE, il est manifeste que la continuité n'est pas la seule mesure. Ce n'est pas ce qui la rend acceptable dans sa forme actuelle. Ce n'est pas non plus ce qui rend efficace le reste de la programmation (cf la stagnation ou modeste progression du "bon état" malgré des milliards investis chaque année en France).

    "il n'y a pas de volonté de destruction systématique et générale des moulins"

    Ah bon? Une haut fonctionnaire responsable du bureau des milieux aquatiques au Ministère disait en off le contraire à l'époque du PARCE, pour elle il ne devait rester que un ou deux moulins "témoins" et tout le reste pouvait être rasé. Les circulaires 2010 et 2013 ont clairement appuyé dans cette direction. Quand une agence de l'eau finance à 80-100% l'effacement, elle fait la promotion de la destruction. Quand les chargés de syndicat viennent visiter les moulins et insistent quasi-exclusivement pour envisager la destruction, idem. Etc. (Mais bon, espérons que le grand rétropédalage a commencé, au final il faudra bien que les mêmes gestionnaires finissent par jurer la main sur le coeur "nous n'avons jamais voulu effacer". Ce sera encore mieux quand ce sera inscrit noir sur blanc dans un texte opposable à ces gestionnaires et aux fonctionnaires).

    Enfin, nous ne demandons pas une politique qui ne détruit pas les ouvrages, mais une politique qui les reconnaît pleinement comme des acteurs légitimes de la rivière et qui, le cas échéant, s'engage à les valoriser, moderniser, équiper, etc. En d'autres termes, nous demandons que le nouveau paradigme écologique de gestion (légitime) ne soit pas antagoniste mais complémentaire du paradigme hydraulique et paysager (lui aussi légitime), qui est la premier angle de gestionnaire de masses d'eau au service des usages humains.

    Notre "fond de commerce" – qui est un engagement bénévole associatif représentant beaucoup de don de soi, et non un salariat public direct ou indirect –, c'est de valoriser les ouvrages. Pas de perdre un temps fou à convaincre des personnes butées ou aigries qu'ils ont le droit d'exister.

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  5. Chaque situation est peut-être différente, mais aux AG de la fédé des moulins ou dans les rencontres régionales, on trouve les mêmes témoignages de la France entière! Ici sur l'Armançon, pourquoi avoir confiance en des gens qui manifestent zéro intérêt pour les ouvrages hydrauliques de nos rivières? Ils les appellent des obstacles à l'écoulement, ils se moquent comme d'une guigne de leur histoire, la seule chose qui importe est d'araser ou de déraser chaque chaussée de moulin. Il y a deux chantiers cet été, comme par hasard ce sont....des destructions. Passes à poissons ... personne n'a envie d'en faire car on est laissé en plan, aucune aide est donnée pour autre chose que l'effacement. On nous dit qu'il n'y a "pas d'usage" et qu'il faut donc faire disparaître l'ouvrage. Cela s'appelle une volonté de destruction systématique les moulins, ne vous moquez pas des gens, ils ont des yeux et des oreilles, ils savent comment cela se passe.

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    1. Nous avons en effet publié à de nombreuses reprises à ce sujet. La direction de l'eau et de la biodiversité l'a écrit noir sur blanc dans ses circulaires (quoiqu'une auteure ait tenté maladroitement de s'en dédire à date récente), certaines Agences de l'eau (SN et LB) en ont fait une claire priorité en choix d'intervention, les bilans présentés des 3 premières années de classement sur ces bassins font apparaître une majorité de destruction dans les chantiers financés, etc. Quant au syndicat de l'Armançon, ex Sirtava, ce sont ses méfaits qui nous ont vu naître, puisque nous avons compris rapidement que le cas de Semur-en-Auxois était la répétition générale d'un programme centré sur la destruction. La suite nous a donné raison.

      La prime donnée à la destruction est donc manifeste. Nos interlocuteurs responsables de cet état de fait alternent les stratégies – euphémisation, déni, détournement d'attention, extrême discrétion en espérant que la torpeur estivale calmera les oppositions aux chantiers, etc.

      Si la destruction n'est pas la priorité, et si donc l'aménagement non destructif devient cette priorité, c'est très simple : on l'écrit dans une circulaire ministérielle au personnel administratif, on l'écrit dans les SDAGE, on l'écrit dans les arbitrages de financement des agences de l'eau ("programmes d'intervention").

      Mais ce n'est pas le cas, et comme nous avons perdu confiance et patience, la solution la plus sage va être de l'écrire dans la loi, ce qui sera opposable aux dérives administratives de certains services comme aux prétentions normatives de certaines agences. On va y travailler pour 2017.

      Attendons déjà le rapport du CGEDD et les décisions de Ségolène Royal. Il reste 9 mois avant la prochaine élection et le gouvernement a déjà prévenu qu'il travaillera ses dossiers jusqu'au bout. Nous avons confiance dans la ministre, elle a toutes raisons de traiter ce cas devenu manifestement problématique avant son départ.

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  6. Idées recues numéro 17 : Les barrages vont nous sauver du réchauffement climatique...

    Avant de s'adapter, prévenir : l'intérêt de la production hydro-électrique : Effectivement sur les territoires à fort potentiel hydroélectrique la plupart des ouvrages sont équipés afin de respecter les préconisations "continuité écologique". Pourquoi? tout simplement parce que le rapport cout bénéfice en vaut la peine...

    Le bilan carbone des destructions n'est pas calculé, et il est probablement négatif pour le CO2 argument valable uniquement pour les très grandes retenues ou la profondeur est suffisamment importante et non pour des biefs trop peu profonds pour permettre un rafraichissement conséquent...

    Les ouvrages bien gérés peuvent aider à réguler la température des cours d'eau : Combien d'ouvrages sont si bien gérés par les propriétaires? Effectivement ouvrir les vannes en grand permet à l'eau de ne pas stagner et donc de ne pas subir l'influence du soleil...

    Les ouvrages permettent de retenir une eau qui devient rare, plus généralement de réguler les niveaux :
    Ah bon et que fait on de cette eau "retenue" on la laisse stagner devant un moulin pour des touristes imaginaires en Cote d'Or le long des biefs? Si encore ces volumes stockés étaient utilisés... Lisser les Crues décidément certaines notions hydrauliques sont difficilement assimilable. Je vous invite à remplir vos baignoires et à continuer de laisser couler le robinet vous verrez si l'eau sera stockée longtemps...à vos serpillères

    Les espèces de poissons d'eau froide changeront de toute façon de répartition - Le top de l'argumentaire, oui c'est comme ça alors pourquoi tenter d'enrayer un phénomène déjà inarrêtable. tiens pourquoi ne pas se dire la continuité écologique c'est l’aménagement ou l'effacement d'un ouvrage c'est comme ça!!!

    Remettons donc les idées à l'endroit : Oui ce serait sympathique d'arreter vos campagnes de désinformations. que l'amour des vieilles pierres soit votre cheval de bataille cela se respecte et est tout à fait compréhensible. Mais dans la majorité des cas les effacements d'ouvrages ne concernent pas des ouvrages relevant du patrimoine a exposé. Acceptons que certains ouvrages sont largement vétustes et n'ont absolument aucun intérêts patrimonial et que d'autres au contraire peuvent être sauvegardé et aménagés.
    Arrêter de dénoncer des effacements ne présentant aucun intérêts patrimoniales et concentrez vous du batit qui en vaut la peine.






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    1. Quel festival...

      "Le rapport cout bénéfice en vaut la peine" : laissez donc les gens décider du bénéfice d'installer une roue, vis, turbine ou n'importe quel outil de production. Arrêtez de les assommer de demandes qui rendent trop complexes les projets.

      "argument valable uniquement pour les très grandes retenues" : ah bon, une pelleteuse n'émet pas de CO2 sur une petite retenue et ce gaz ne se dissout plus dans l'eau en dessous d'une certaine surface?

      "combien d'ouvrages sont si bien gérés par les propriétaires" : demandez à la police de l'eau, c'est son métier depuis toujours. Il faut porter plainte si l'ouvrage n'est pas géré conformément au droit. Sinon promener son aigreur un peu plus loin, le monde est vaste.

      "Lisser les crues décidément certaines notions hydrauliques sont difficilement assimilable" : en effet. Si vous avez 200 baignoires à remplir, vous retardez d'autant le moment où vous serez inondé. Si en plus certaines baignoires communiquent vers des zones de stockage de l'eau, ce sera encore plus tard.

      "Le top de l'argumentaire, oui c'est comme ça alors pourquoi tenter d'enrayer un phénomène déjà inarrêtable" : s'il y a encore obligatoirement 1 °C de hausse des températures dans les tuyaux (ce que disent les chercheurs), et si votre rivière est déjà à la limite thermique de la truite, alors il ne faut pas investir des sommes énormes pour les truites de cette rivière, plutôt dans celles qui ont encore de la marge. Maiss pour enrayer le réchauffement et comme nous l'avons écrit (prévenir avant d'adapter), mettons surtout beaucoup de turbines dans les moulins, cela contribuera. Et cela vous fera plaisir, on le sent :-)

      "acceptons que certains ouvrages sont largement vétustes et n'ont absolument aucun intérêts patrimonial et que d'autres au contraire peuvent être sauvegardé et aménagés" : bien sûr, les syndicats de rivière, les DDT, l'Onema sont peuplés d'experts notoirement passionnés, capables de définir une valeur paysagère, culturelle et historique. Ils sont aussi peuplés de gens qui s'estiment porteur de la mission de décréter "ce qui a un intérêt". Voyez-vous, il faut accepter que les autres n'aient pas le même intérêt que vous. Et vous combattent quand votre intérêt consiste à casser et défigurer. Vous combattez le patrimoine hydraulique nous vous combatterons aussi longtemps que vous continuerez. Ainsi va la démocratie.

      "ce serait sympathique d'arrêter vos campagnes de désinformations" : nous comprenons bien qu'Hydrauxois dérange le petit cercle fermé des initiés de la programmation de l'eau, mais en fait… figurez-vous que c'est exactement notre but. Nous allons donc continuer de plus belle, et nous avons toute confiance dans la capacité des informations exactes à s'imposer peu à peu sur les informations inexactes. Cela commence tout doucement, à 1 contre 1000, mais les faits sont têtus et ils finissent par faire chuter les croyances.

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    2. Ne vous en déplaise Au vue des nombreux propriétaires qui font le choix d'effacer leurs ouvrages le rapport ne doit pas être si important...

      Des pelleteuses? et j'imagine qu'en plus de promouvoir la petite hydroélectricité vous êtes adeptes des déplacements en vélo et covoiturage... Allez donc tremper une sonde oxygène dissous dans un bief à 5h du matin, non oublier c'est sans doutes trop pénible comme d'entretenir son ouvrage...

      L'onéma n'a pas vocation à manœuvrer les vannes. Il y a une grande différence entre respecter un droit d'eau et gérer correctement son ouvrage...

      Et bien si vos vannes sont fermées cela correspond à laisser 200 baignoires pleines par conséquent l'effet est nul...

      Pour ce qui est d'accepter le point de vue des autres, commencer donc par accepter le point de vue des propriétaires et rassemblez votre monnaie pour les aider financièrement.

      Continuer donc à brasser de l'air c'est une énergie propre. quand au moratoire signer 3-4 fois par les mêmes personnes je doute qu'il gène grand monde...



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    3. Notre "monnaie" servira plus utilement à attaquer au tribunal les gestionnaires et les administrations qui ne respectent pas les bonnes pratiques de travaux en rivière, alors que les mêmes se montrent si pointilleux et formalistes d'habitude.

      Si de "nombreux" propriétaires font le choix d'effacer, alors pas de souci: la réforme se passe comme vous le voulez (puisque vous voulez l'efffacement, même si vous vous tordez le doigt à écrire que vous êtes soi-disant ouvert à d'autres solutions), il y a un large consensus sur la continuité (tout le monde l'avait observé d'ailleurs), Hydrauxois n'a aucune influence ni le moratoire. De quoi vous plaignez-vous? Dissertez tranquillement sur les baignoires, puisque tout baigne.

      Ah un détail quand même : si vous étiez venus voir les propriétaires pour leur parler des bonnes pratiques de gestion écologique des ouvrages, au lieu de vous pointer chez eux pour expliquer qu'il faut effacer ces ouvrages, on n'en serait pas là.

      Mais vous ne l'avez pas fait. Pour une simple raison : vous voulez casser.

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