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30/11/2025

Un rapport parlementaire menace la riveraineté et amplifie la dérive autoritaire de la restauration écologique des rivières

Le nouveau rapport parlementaire sur les rivières reprend les doctrines administratives existantes sans aucun examen critique : priorité à l’hydromorphologie, durcissement de la continuité écologique, extension des servitudes et préemptions sur les rives privées. Les députés à l’origine du texte ont annoncé qu’ils allaient rédiger une proposition de loi, ouvrant la voie à une transformation majeure de la gouvernance locale et des droits des riverains. Notre vigilance devra être renforcée en 2026, car beaucoup de ces évolutions sont inacceptables. L'association Hydrauxois informera les parlementaires de ces nouvelles dérives, et de la nécessité de rejeter leur inscription dans la loi. 


Le rapport d’information Ozenne–Sertin ambitionne de dresser un panorama complet de la situation des cours d’eau français. Les auditions ont été nombreuses, les déplacements étendus, et la synthèse minutieuse. Pourtant, malgré cet appareil imposant, la perspective demeure étonnamment uniforme. Le document s’inscrit dans la continuité directe des doctrines administratives dominantes depuis deux décennies ; il reprend les catégories, les priorités et les interprétations du DEB et de l’OFB comme si elles étaient dépourvues de biais, comme si elles n’avaient jamais été contestées, comme si leur efficacité n’avait pas fait l’objet de débats croissants dans les milieux scientifiques, techniques et locaux.

Cette incapacité à mettre en regard les discours administratifs avec des analyses contradictoires, à évaluer les résultats des politiques existantes, à examiner les controverses, fragilise l’ensemble. Le rapport décrit, recommande, consolide ; il n’interroge jamais. C’est pourtant cette fonction qui fonde l’utilité même d’un travail parlementaire sur le contrôle de l’action publique.

L’absence de distance critique : l’avis administratif érigé en vérité
La première faiblesse du rapport est méthodologique : il ne distingue jamais clairement expertise et doctrine, observation et orientation, faits mesurés et prescriptions d’action. La quasi-totalité de l’analyse repose sur les données et interprétations produites par les DDT-M, l’OFB, le DEB et les agences de l’eau — des institutions dont l’action est elle-même évaluée à l’aune des objectifs qu’elles contribuent à définir. Cette circularité n’est pas questionnée. Elle conduit le rapport à reconduire des cadres conceptuels qui sont moins le reflet d’un consensus scientifique que le produit d’une culture administrative homogène, structurée par vingt ans de mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau.

Aucune réflexion n’est conduite sur la qualité des diagnostics existants, ni sur les incertitudes qui pèsent pourtant lourdement sur certains paramètres biologiques, hydromorphologiques ou chimiques. Les marges d’erreur, les limites de la surveillance, les zones où les données sont extrapolées plutôt que mesurées, ne sont jamais présentées comme des variables susceptibles d’affecter le récit général. De même, aucune contradiction scientifique n’a été mobilisée : ni hydrologues travaillant sur les systèmes anthropisés, ni spécialistes de la géohistoire fluviale, ni chercheurs ayant documenté les limites observées à l’international des programmes de restauration écologique. Si certains ont été auditionnés, leur apport n’apparaît nulle part dans la synthèse.

Cette absence d’ouverture s’observe également dans le traitement du bilan de la DCE. Le rapport rappelle que seuls 43 % des cours d’eau français sont en bon état écologique et 44 % en bon état chimique, mais il ne fournit aucun élément permettant d’apprécier les moyens engagés pour atteindre ces résultats assez médiocres : pas d’inventaire des dépenses réalisées depuis 2000, pas d’analyse coût-bénéfice, pas de mise en regard des montants mobilisés par les agences de l’eau avec les améliorations réellement constatées sur les masses d’eau. On ne sait donc ni combien a été investi, ni si ces investissements ont été efficaces, ni si d’autres stratégies auraient produit des effets plus mesurables sur les indicateurs biologiques. Or, depuis plus de 20 ans déjà, et encore tout récemment, la recherche scientifique pointe que les restaurations écologiques de cours d'eau ont des résultats médiocres. 

Le silence est tout aussi notable concernant les espèces emblématiques censées justifier une large part des politiques de continuité et de restauration. Le rapport mentionne que 15 espèces de poissons d’eau douce sont menacées en France, mais il ne documente nulle part leur évolution, en particulier celle des migrateurs amphihalins — alors même que ces espèces justifient depuis trente ans des budgets importants en équipements, passes à poissons et destruction de barrages. Les données scientifiques, pourtant disponibles, convergent vers un constat pessimiste : l’état des populations de saumon, d’anguille ou d’alose demeure globalement mauvais, et les pressions marines, climatiques ou liées aux usages du bassin versant expliquent une part significative de ces tendances. Rien de tout cela n’est interrogé. La même lacune concerne les espèces exotiques envahissantes, dont l’essor est identifié comme un facteur majeur d’altération écologique, mais qui n’apparaissent jamais dans une réflexion critique sur les résultats attendus ou obtenus des politiques publiques.

En l’absence de ces analyses, le rapport finit par prendre les institutions pour la science elle-même, et la doctrine administrative pour un savoir avéré. Ce glissement n’est pas seulement regrettable : il prive le Parlement de sa fonction première, celle d’éprouver la robustesse des choix publics, d’en examiner l’efficacité et d’en interroger les présupposés. Un document d’information parlementaire ne devrait pas confirmer un cadre existant, mais éclairer ce qu’il réussit, ce qu’il échoue, et ce qui demeure inconnu. Ici, ces trois dimensions restent largement dans l’ombre.

Une focalisation excessive sur l’hydromorphologie
Un point particulièrement problématique du rapport est la place exorbitante accordée à l’hydromorphologie dans l’explication de la « dégradation » des cours d’eau. L’idée n’est pas nouvelle : depuis vingt ans, une partie de l’administration a progressivement basculé vers une lecture où les altérations morphologiques — rectifications, seuils, digues, berges consolidées — deviennent les facteurs premiers, presque uniques, du mauvais état écologique. Le rapport reprend cette hiérarchie comme si elle relevait d’un consensus scientifique stabilisé, alors qu’elle constitue d’abord une construction institutionnelle, produite par un cadre d’évaluation particulier (DCE, critères français), et comme telle  contestable.

Les chiffres mis en avant suffisent à mesurer ce biais. Le rapport affirme que les pressions hydromorphologiques affecteraient 51,5 % des cours d’eau français et seraient « la première cause d’effondrement de la biodiversité » selon l’OFB.

Ces pourcentages, cités sans précaution méthodologique, donnent l’illusion d’une causalité : si l’hydromorphologie est la première pression identifiée, ce serait donc là que se jouerait l’essentiel de la dégradation des milieux. Or ce raisonnement ne tient que parce que les méthodes d’évaluation assignent mécaniquement un rôle structurant aux paramètres morphologiques (dans les analyses OFB comme dans le principe du "one-out, all-out" de la DCE), et parce que les pressions chimiques ou diffuses sont souvent mal suivies, sous-échantillonnées ou mal représentées dans la base de données.

Ce paradigme repose ainsi sur trois postulats implicites : l’existence d’un état « naturel » antérieur, défini par la mobilité maximale du lit et la continuité dans ses quatre dimension (longitudinale, latérale, verticale, temporelle) ; l’équivalence entre dynamique libre et bon fonctionnement écologique ; la réduction des ouvrages anciens à de simples obstacles, sans valeur d’habitat ni rôle stabilisateur ou régulateur. Le rapport ne questionne jamais cette grammaire idéologique qui oriente l'administration et une fraction de la recherche en écologie. Il fait comme si les rivières françaises n’étaient pas, depuis des siècles, des systèmes hybrides où les ouvrages, les usages, les prélèvements, les terres agricoles et les zones urbanisées contribuent ensemble à la structure écologique réelle.

Plus problématique encore : cette focalisation morphologique écrase d’autres facteurs pourtant souvent plus déterminants dans la littérature scientifique. Les études d’hydro-écologie quantitative montrent, depuis plus de vingt ans, que la qualité chimique, les pollutions diffuses (notamment agricoles), et les usages du sol dans le bassin versant sont les premiers déterminants mesurables de l’état biologique des cours d’eau (invertébrés, poissons, macrophytes) — avant les altérations morphologiques. 

Autrement dit, alors que la dégradation écologique est principalement corrélée à l’usage des sols — urbanisation, agriculture intensive, extraction d'eau, imperméabilisation, ruissellement chargé en nitrates, pesticides, métaux lourds — le rapport choisit d’enfermer son récit dans une correction morphologique permanente : restaurer, reconnecter, reméandrer, effacer. Cette vision oublie que les rivières fonctionnent avant tout comme le miroir des sols et des activités du bassin. 

Ce choix doctrinal n’est pas anodin : il oriente la dépense publique, hiérarchise les cibles, justifie des programmes nationaux et, pour tout dire, évite soigneusement de regarder les déterminants réellement dominants, car ceux-ci impliquent des arbitrages plus difficiles — agricoles, industriels, urbanistiques — bien loin du confort politique des « restaurations » morphologiques de vitrine.


La continuité écologique : un impératif reconduit malgré vingt ans de controverses
La partie du rapport consacrée à la continuité écologique illustre de manière particulièrement nette le manque de recul général du texte. Les rapporteurs ne se contentent pas de réaffirmer la priorité donnée à la continuité longitudinale ; ils souhaitent désormais intégrer pleinement les continuités latérales et verticales dans la planification des interventions. Soit. Mais cette extension du champ d’application intervient alors même que la mise en œuvre des politiques existantes suscite un mélange persistant d’indifférence, de scepticisme et d’hostilité locale — un constat que le rapport reconnaît par endroits, sans en tirer de conséquences sur sa lecture globale. Malgré ce décalage, les auteurs préconisent une accélération des procédures, un renforcement des moyens des services instructeurs, et un retour sur la dérogation accordée par la loi Climat et Résilience aux moulins à eau, afin de permettre la suppression simplifiée des ouvrages jugés “abandonnés”.

L’approche retenue est donc cumulative : les difficultés rencontrées n’incitent pas à réévaluer la doctrine, mais à la durcir. Le rapport ne discute pas la possibilité que les controverses, bien documentées depuis vingt ans y compris par la recherche en sciences sociales, révèlent un problème structurel dans les hypothèses initiales de la politique. Il ne mobilise ni les travaux scientifiques ayant mis en évidence l’absence de lien robuste entre continuité longitudinale et restauration des populations de poissons migrateurs, ni les études historiques montrant que ces espèces occupaient les têtes de bassin à la fin du XVIIIᵉ siècle alors que la plupart des ouvrages aujourd’hui ciblés existaient déjà. Il ne rappelle pas non plus que certaines rivières où des destructions ont été menées ont connu des abaissements de lit, des assecs plus fréquents ou une diminution des habitats lentiques utiles en période d’étiage.

À cela s’ajoute une dimension sociale et patrimoniale absente du rapport : les mobilisations ne concernent pas seulement les moulins à eau, mais aussi les plans d’eau, étangs, grands barrages, retenues d’irrigation, canaux, biefs et, plus largement, tout un ensemble d’ouvrages et de paysages hydrauliques présents depuis des siècles. Les contestations sur le terrain — manifestations, pétitions, actions en justice — ont été suffisamment fortes pour que l’État commande un audit interne dès 2016, lequel signalait une “difficulté notable” à articuler une politique nationale descendante avec les réalités territoriales de la gestion de l’eau. Des rapports parlementaires ultérieurs ont également documenté cet échec de gouvernance : celui de Chevrollier (2021), explicitement intitulé "Rompre avec la continuité écologique destructive", proposait de revenir à une approche au cas par cas et à un dialogue effectif avec les acteurs. Cette dimension  ne disparaît pas faute d’exister : elle disparaît parce que le rapport choisi de ne pas s’y confronter.

L’angle juridique est omis de la même manière. Le Conseil d’État a rappelé que les obligations liées à la continuité écologique doivent être appréciées site par site, et non imposées selon des grilles uniformes, tandis que le Conseil constitutionnel a affirmé que les ouvrages hydrauliques et leur usage potentiel relevaient de l’intérêt général, notamment au titre du patrimoine et de la production d’énergie. Ces décisions informent pourtant aujourd’hui le cadre légal dans lequel la politique est supposée évoluer ; le rapport n’en tire aucun enseignement, comme si la jurisprudence n’avait aucune incidence sur la pertinence ou la faisabilité des recommandations proposées.

Ainsi, le rapport réaffirme la continuité écologique comme un principe intangible plutôt que comme une politique publique à examiner, ajuster ou réorienter. Il ne discute ni les controverses scientifiques, ni les échecs documentés, ni les résistances sociales, ni les contraintes juridiques. Cette absence de mise en perspective transforme une doctrine en dogme, et un objectif technique en impératif politique détaché de son bilan réel. C’est précisément là que réside le problème.

Une dérive vers la collectivisation foncière des rives, sans débat démocratique
Dernier élément problématique du rapport, et sans doute le plus structurant pour l’avenir, l’extension continue des instruments publics de maîtrise foncière sur les rives non domaniales. Le texte ne l’affirme jamais explicitement, mais l’enchaînement des propositions dessine une même orientation : réduire progressivement le rôle du propriétaire privé dans la gestion des cours d’eau, affaiblir les droits de riveraineté — pourtant ancrés dans le Code civil depuis deux siècles — et transférer aux structures publiques ou para-publiques la maîtrise des bords de rivière.

Les recommandations sont nombreuses et convergentes. La plus significative est l’instauration d’un droit de préemption Gemapi sur les parcelles riveraines, destinée à “faciliter les acquisitions stratégiques” nécessaires aux projets de restauration écologique. Le rapport reprend explicitement les demandes d’agences de l’eau, dont l’une indique que la préemption est “le seul levier permettant de s’affranchir de l’accord du propriétaire riverain”. Ce simple ajout juridique suffirait, s’il était adopté, à reconfigurer en profondeur la propriété privée sur 95 % du linéaire des cours d’eau français, puisque seuls 16 320 km sont domaniaux sur les 428 906 km recensés par le Sandre.

Le texte propose également d’élargir l’usage des servitudes d’utilité publique afin de créer des zones de mobilité, de préserver des zones humides ou d’interdire certains usages du sol en bordure de rivière, y compris hors des zones urbanisées. Il encourage le recours accru à la déclaration d’utilité publique (DUP) pour contourner l’accord du propriétaire, comme le suggère l’agence Rhin-Meuse, et confie aux agences de l’eau une stratégie foncière nationale destinée à financer ou cofinancer les acquisitions nécessaires au reméandrage, aux renaturations et aux opérations de continuité écologique. Le rapport invite encore à renforcer le rôle des conservatoires régionaux d’espaces naturels et du Conservatoire du littoral, qui disposent de droits de préemption, voire d’expropriation en cas de carence départementale, et à mobiliser davantage les Safer, déjà titulaires d’un droit de préemption environnementale qu’elles exercent sur 1 % des ventes rurales chaque année.

À cela s’ajoute la volonté de couvrir l’ensemble du territoire par des SAGE (aujourd’hui 56 % seulement), instruments de planification opposables, et celle de faciliter l’usage des DIG (déclarations d’intérêt général) permettant aux collectivités d’intervenir sur les propriétés privées pour l’entretien, les travaux d’office ou les aménagements hydromorphologiques. Pris séparément, ces outils existent déjà. Mais leurs usages étaient jusqu’ici ponctuels ou limités à des contextes précis. Pris ensemble, et inscrits dans une stratégie nationale de “maîtrise foncière” présentée comme nécessaire à la restauration des cours d’eau, ils dessinent une transformation structurelle qui dépasse largement le champ technique : une mise sous contrôle progressif des rives non domaniales afin d’assurer, envers et contre tout, la continuité écologique et les opérations de reméandrage.

Cette inflexion majeure, pourtant lourde d’enjeux démocratiques, est présentée comme une évidence administrative. Aucun examen de proportionnalité n’est proposé, aucune évaluation socio-économique n’anticipe les effets d’un tel transfert de foncier sur les propriétaires familiaux ou agricoles, aucune comparaison internationale ne vient étayer l’idée qu’une gestion effective des cours d’eau passe nécessairement par une prise de contrôle foncière publique. Le rapport note pourtant que la maîtrise du foncier est la “principale difficulté” rencontrée par les maîtres d’ouvrage et que les refus de propriétaires empêchent parfois de traiter des linéaires entiers, mais il en déduit non pas une réflexion sur les modalités de concertation, mais la nécessité de neutraliser ce blocage par des outils juridiques plus contraignants.

Enfin, le rapport insiste sur la “démocratie de l’eau” et sur la nécessité “d’embarquer la population” pour massifier les restaurations. Dans les faits, la participation des riverains reste très limitée : les SAGE restent dominés par les représentants institutionnels ; les DIG, servitudes et préemptions placent les propriétaires devant des décisions déjà prises ; et les outils véritablement volontaires, comme les obligations réelles environnementales (ORE), sont jugés peu attractifs et très peu mobilisés par l’IGEDD (environ 300 contrats à l’échelle nationale). La participation existe donc surtout comme registre discursif, tandis que les leviers effectifs demeurent entre les mains d’acteurs politico-administratifs éloignés des riverains et peu redevables vis-à-vis d’eux.

Au total, le rapport enregistre et amplifie une dynamique de collectivisation silencieuse des rives, présentée comme purement technique mais porteuse d’un basculement profond dans la gouvernance de l’eau. Il reconduit ainsi une doctrine administrative sans interroger ni sa légitimité, ni ses effets secondaires, ni les implications démocratiques d’une telle transformation.


Conclusion : vigilance sur une proposition de loi 2026 et engagement pour un cap radicalement différent
Le rapport Ozenne–Sertin aurait pu offrir une lecture pluraliste des cours d’eau français, examiner les controverses, évaluer les politiques menées et intégrer les dimensions historiques, hydrauliques, patrimoniales et sociales qui façonnent depuis des siècles les rivières de ce pays. Il aurait pu questionner les doctrines établies, confronter les résultats aux investissements, mettre en regard les ambitions écologiques et les réalités hydrologiques, ouvrir un débat national sur la hiérarchie des priorités. Il choisit une autre voie : reconduire sans réserve les cadres administratifs existants, élargir les instruments de contrôle, étendre les prérogatives publiques sur les rives privées, et réaffirmer une lecture strictement morphologique des milieux aquatiques.

Ce texte manque ainsi sa fonction première : éclairer les choix publics à partir d’un examen critique des faits. Il ne questionne pas les bilans, ne distingue pas les réussites des échecs, ne discute pas des alternatives possibles. Pourtant, la gestion de l’eau exige aujourd’hui l’inverse : une réflexion capable d’articuler écologie et usages, continuité et stockage, renaturation et patrimoine, adaptation climatique et réalités territoriales. Elle exige une compréhension fine des rivières comme systèmes hybrides, façonnés à la fois par les dynamiques naturelles et par des siècles d’ouvrages, d’étangs, de barrages, de cultures et de savoir-faire locaux. Elle exige enfin qu’on cesse d'opposer abstraitement un “état naturel” idéalisé à la diversité des trajectoires historiques et géographiques.

La portée du rapport est d’autant plus préoccupante qu’il ne restera pas au stade du diagnostic. Les rapporteurs ont annoncé publiquement qu’ils allaient déposer une proposition de loi, potentiellement dès la niche parlementaire écologiste. Autrement dit, les orientations décrites ici ne sont pas un simple exercice intellectuel : elles constituent le socle d’une future action législative visant à transformer en profondeur la gouvernance de l’eau, la maîtrise foncière des rives, et le statut même des ouvrages hydrauliques. Une doctrine présentée comme technique pourrait ainsi devenir, très rapidement, un cadre légal opposable à tous.

Dans ce contexte, le mouvement des riverains, des propriétaires d’ouvrages, des associations patrimoniales et des acteurs de terrain n’aura d’autre choix que de défendre des orientations radicalement différentes. Non pour refuser toute évolution, mais pour rappeler qu’une politique de l’eau efficace doit s’appuyer sur des bilans rigoureux, une pluralité d’expertises, un respect des territoires, et une vision élargie du vivant — y compris celui qui dépend des étangs, des biefs, des canaux, des retenues et des hydrosystèmes anthropisés.

À la lumière des ambitions législatives désormais exprimées, il serait irresponsable de rester spectateur. L’heure est à la mobilisation, afin que la politique de l’eau qui émergera après 2027 soit réellement au service des milieux, des usages, des territoires, et non l’application mécanique d’une doctrine administrative devenue imperméable à la réalité.

Référence : Assemblée nationale, Mission d’information sur l’état des cours d’eau, Rapport n° 2070, Rapport d’information déposé le 12 novembre 2025, Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire — corapporteurs : Mme Julie Ozenne & M. Freddy Sertin. 

03/08/2025

Les rivières, fuite massive du vieux carbone vers l’atmosphère (Dean et al 2025)

Une étude internationale révèle que plus de la moitié du CO₂ émis par les rivières provient de carbone ancien, stocké depuis des millénaires dans les sols et les roches. Cette découverte remet en question notre compréhension des bilans carbone terrestres et du rôle réel des écosystèmes continentaux dans la régulation climatique. Elle devrait également intéresser les politiques de l'eau, dont le bilan d'impact carbone est à ce jour quasiment absent. 

Les processus décrits dans l'article et les modélisations des âges du carbone, extrait de l'article cité. 

Les rivières jouent un rôle crucial dans le cycle global du carbone : elles ne se contentent pas de transporter du carbone vers les océans, elles en rejettent aussi sous forme de gaz à effet de serre comme le CO₂ et le CH₄. Jusqu’à présent, on pensait que ces émissions provenaient essentiellement de la respiration d’organismes décomposant de la matière végétale récente (moins de quelques décennies).

Dans cette étude, Joshua Dean et ses collègues ont rassemblé et analysé une base de données mondiale inédite portant sur la signature radiocarbone (⁽¹⁴C⁾) du carbone dissous dans les rivières. Ce marqueur isotopique permet de distinguer les sources de carbone récentes (après 1955) de celles beaucoup plus anciennes. Grâce à 1 195 mesures provenant de 67 études sur tous les continents, les chercheurs ont pu estimer l’âge du carbone émis par les rivières à l’échelle globale.

L’analyse montre que 59 % des émissions de CO₂ fluvial proviennent de carbone ancien : soit de sources millénaires (âgées de plusieurs centaines à plusieurs milliers d’années), soit de carbone dit « pétrogénique » (issu de roches et datant de plus de 50 000 ans). Cela correspond à un flux de 1,2 ± 0,3 milliards de tonnes de carbone par an, soit un ordre de grandeur comparable au bilan net de puits de carbone des écosystèmes terrestres.

Le modèle développé par les auteurs prend en compte les caractéristiques géologiques, climatiques et écologiques des bassins versants. Il montre notamment que :
  • les rivières situées dans des zones sédimentaires (riches en carbonates ou matières organiques fossiles) émettent un CO₂ plus ancien,
  • les zones de montagne ou les régions avec des sols profonds ou perturbés (drainage, agriculture) sont aussi associées à des émissions plus anciennes,
  • les petits et grands bassins versants contribuent tous à ce phénomène, contredisant l’idée selon laquelle seules les petites rivières seraient concernées par ce recyclage du vieux carbone.
Leur approche repose sur une modélisation isotopique intégrant les contributions de trois grandes sources de carbone : récente (dite « décennale »), ancienne (dite « millénaire ») et pétrogénique (issue des roches). Pour distinguer les parts respectives, les auteurs utilisent un modèle de mélange isotopique, renforcé par une simulation Monte Carlo et une approche bayésienne indépendante. Ces outils permettent d’estimer des contributions moyennes et leur incertitude statistique.

Les auteurs reconnaissent toutefois plusieurs limites à garder à l'esprit : la base de données demeure hétérogène dans la qualité et la répartition spatiale des mesures ; certaines zones restent peu représentées, et les données anciennes sont peu nombreuses. De plus, les apports en carbone issus de l’érosion, de la respiration souterraine ou de l’activité microbienne restent complexes à isoler avec précision. Les modèles utilisés fournissent donc des estimations de premier ordre, robustes mais sujettes à révision avec de nouvelles données. Enfin, il n’est pas encore possible de déterminer si la part croissante de carbone ancien observée est liée à des perturbations humaines récentes ou à des tendances naturelles.

Ces résultats bouleversent les hypothèses classiques du cycle du carbone terrestre, qui considéraient les émissions fluviales comme un simple prolongement de la respiration des écosystèmes actuels. Si les rivières libèrent en réalité du carbone stocké depuis des millénaires, cela implique que des réservoirs supposés stables (sols profonds, roches, tourbes) perdent du carbone vers l’atmosphère, ce qui accentue indirectement l’effet de serre.

Cela pose aussi un défi aux modèles climatiques : le puits de carbone terrestre serait surestimé si l’on ne tient pas compte de cette « fuite latente ». Par ailleurs, les activités humaines (drainage, déforestation, perturbations du sol) pourraient amplifier cette libération de carbone ancien, notamment en modifiant les chemins d’écoulement de l’eau ou en accélérant l’érosion.

Enfin, les auteurs soulignent que la part croissante de vieux carbone dans les émissions fluviales pourrait indiquer un dérèglement progressif des stocks profonds, en lien avec le changement climatique.

Discussion
Cet article illustre  que la recherche en science de l’environnement peut progresser en permanence, remettre en cause des schémas établis et révéler des processus insoupçonnés. La découverte du rôle central des vieux stocks de carbone dans les émissions fluviales est une surprise qui change notre regard sur les bilans globaux des gaz à effet de serre.

Ce sujet du carbone en général peine à pénétrer les politiques de gestion de l’eau, hors le sujet des zones humides. Sur de nombreux chantiers suivis par notre association, nous avons constaté que la question du cycle du carbone est quasiment absente des réflexions. Or, les choix d’aménagement des bassins versants, la restauration (ou non) de la morphologie des rivières, les pratiques de drainage, de retenues ou de remblaiement ont des effets directs sur la mobilisation ou la stabilisation de ce carbone ancien. Ignorer ces dynamiques, c’est risquer de renforcer à notre insu les émissions de gaz à effet de serre.

Référence : Dean JF et al (2025), Old carbon routed from land to the atmosphere by global river systems, Nature, 642, 105–111. 

13/12/2024

Zones d’ombre dans la cartographie des rivières françaises (Messager et al 2024)

En France, des milliers de rivières et de ruisseaux échappent à la protection environnementale de la loi en raison d'une cartographie réglementaire lacunaire. Cette situation, révélée par Mathis Loïc Messager, Hervé Pella et Thibault Datry dans leur publication récente, met en lumière les incohérences administratives et territoriales ainsi que leurs conséquences écologiques. Elle montre aussi qu'il existe une construction sociale et politique permanente des paysages et des usages de l'eau, les divergences sur les définitions n'étant que le cas particulier d'une diversité plus générale des préférences et des attentes à l'œuvre dans la société. 


Etat actuel de la cartographie des cours d'eau en France métropolitaine, extrait de Messager et al , art cit.

L’article de Mathis Loïc Messager, Hervé Pella et Thibault Datry explore l’impact des cartographies réglementaires incohérentes sur la protection des rivières et des cours d’eau. Prenant la France comme étude de cas, les auteurs montrent comment l’application variable de la définition légale des cours d’eau peut menacer les écosystèmes aquatiques et les services qu’ils fournissent. Ils expliquent que la protection des cours d'eau repose sur des critères juridiques définis nationalement mais appliqués de manière décentralisée, entraînant une protection inégale.

La protection des cours d’eau en France dépend de leur reconnaissance légale, qui repose sur trois critères majeurs selon le code de l'environnement (article L215-7-1) :
  • Présence d’un lit d'origine naturelle : un cours d’eau doit avoir un lit visible, même s'il a été modifié par l'homme.
  • Alimentation par une source autre que les précipitations : les cours d’eau doivent être alimentés par des sources permanentes, comme des sources souterraines ou des ruisseaux voisins.
  • Débit suffisant la majeure partie de l’année : le débit peut être intermittent, mais doit être à cycle assez régulier selon les conditions locales (à la différence d'un débit éphémère n'apparaissant qu'aléatoirement, par exemple).
La décision de cartographier les cours d’eau repose sur une directive nationale de 2015, qui impose aux départements français de créer des cartes détaillées en collaboration avec des parties prenantes locales, notamment les agriculteurs, les associations environnementales et les collectivités. Chaque département devait appliquer les critères juridiques pour différencier les cours d'eau des fossés ou canaux. Cependant, le manque de normes uniformes a entraîné des interprétations divergentes selon les ressources et les priorités locales.

Les chercheurs ont compilé et harmonisé les cartes réglementaires fournies par 91 départements français. Ils ont utilisé les bases de données hydrographiques nationales (BD TOPO et BD Carthage) pour comparer les segments protégés, observant qu'aucune base de données actuelle n'est complète. Ils ont consolidé 139 catégories administratives initiales en cinq classes standardisées : cours d'eau, non-cours d'eau, non catégorisé, inexistant et hors du département. Cette harmonisation a permis de créer une carte nationale uniforme. Chaque segment a été classé selon son statut légal et son type (cours d'eau ou non-cours d'eau). Les chercheurs ont calculé le ratio de densité de drainage (RDD), représentant la longueur totale des cours d'eau classés rapportée à la longueur totale des segments potentiellement classables selon la BD TOPO.

Les modèles statistiques ont été utilisés pour examiner les corrélations entre le RDD et des variables socio-environnementales telles que la couverture agricole, l’aridité estivale et la densité de population. Une analyse comparative inter-départements a permis de mieux comprendre les disparités.


Disparité départementale des choix de classement, extrait de Messager et al, art cit. 

Voici les principaux résultats :
  • Environ 680 000 km de segments hydrographiques ont été évalués (93 % de la France métropolitaine, 2,2 millions de segments).
  • 25 % des segments ont été exclus de la protection selon les cartes départementales, soit environ 170 000 km de cours d'eau potentiellement non protégés.
  • 59 % des segments exclus sont des cours d'eau intermittents, 42 % des cours d'eau de tête de bassin (premier ordre), représentent pourtant dans certains caq doubés d'une éude de terrain des écosystèmes utiles à la biodiversité, à la filtration de l'eau, à la réduction des crues et aux habitats aquatiques.
  • Les disparités sont importantes : certains départements protègent presque tout le réseau hydrographique et ont classé davantage que la BD TOPO, tandis que d'autres excluent plus de 50 % des segments potentiels.
  • Une corrélation négative existe entre le RDD et la couverture agricole intensive. Les départements dominés par l’agriculture montrent des cartes plus restrictives, mais avec de fortes disparités montrant surtout l'absence de cohérence nationale dans la démarche.
  • L’aridité estivale accentue cette tendance à la faible cartographie, en raison de la difficulté à observer des cours d'eau intermittents.
Les auteurs développent le concept du "cycle hydro-social", qui décrit l'interaction continue entre les sociétés humaines et les systèmes hydrologiques. Selon cette perspective, l’eau n’est pas seulement un élément naturel, mais un objet social façonné par des processus historiques, politiques et culturels. Les rivières et les cours d'eau sont modifiés au fil du temps par les activités humaines, comme le détournement des eaux, la construction de barrages ou l’intensification agricole.

La cartographie des cours d’eau est ainsi perçue comme un acte social et politique. Les cartes officielles cristallisent une certaine vision du paysage aquatique, qui peut refléter des rapports de pouvoir asymétriques. Les décisions sur ce qui est considéré comme un cours d’eau protégé sont influencées par des intérêts économiques, des pratiques culturelles et des politiques publiques. Par exemple, exclure un cours d’eau d'une carte réglementaire peut faciliter son exploitation, tout en masquant son existence écologique et son utilité sociale.

Les auteurs montrent que cette dynamique est particulièrement visible dans le processus de cartographie français, où les conflits d'intérêts entre agriculteurs, administrations et associations environnementales façonnent les résultats finaux. Cette interaction perpétuelle entre les représentations cartographiques et les réalités hydrologiques illustre  le concept du cycle hydro-social.


Le cycle hydro-social vu par les auteurs.

Discussion
Il nous semble important de distinguer deux aspects liés à la gestion des cours d'eau : s'accorder sur la typologie et s'accorder sur les conséquences normatives de cette typologie. S'accorder sur la typologie implique de définir clairement ce qui constitue un cours d'eau (et d'autres hydrosystèmes), selon des critères écologiques, hydrologiques, usagers et administratifs. Cette étape repose sur une base scientifique et technique permettant d'unifier les définitions. S'accorder sur les conséquences normatives signifie déterminer les droits, obligations et restrictions associés à chaque catégorie définie dans la typologie. Cela inclut les protections environnementales, les contraintes d'aménagement, les responsabilités légales et les capacités d'action.  

Car un aspect incontournable du sujet traité par Thibault Datry et ses collègues est la conflictualité sous-jacente  des normes écologiques, particulièrement marquée en milieu rural. Ce sujet a refait surface récemment dans l'actualité, mais il est récurrent dans l'histoire des politiques environnementales. A la différence d'un territoire urbain déjà quasi totalement artificialisé, les territoires ruraux disposent d'une richesse en milieux quasi-naturels et semi-naturels, mais subissent aussi une pression d’exploitation agricole, forestière, industrielle, récréative ou urbanistique de ces espaces. Cela crée des tensions entre conservation écologique et usages socio-économiques, cristallisées dans des régulations environnementales perçues comme contraignantes par une partie des locaux, nécessaires pour une autre partie. L’incapacité à s’accorder sur la typologie des cours d’eau découle le plus souvent d’un refus d’accepter les conséquences normatives liées à certaines classifications. Un cours d’eau classé comme tel entraîne des restrictions sur les pratiques agricoles, des limitations d’aménagement, des coûts supplémentaires d'entretien et de mise en conformité. Ces implications peuvent expliquer la résistance à intégrer certaines zones dans les catégories réglementées, même lorsqu’un consensus technique et scientifique existe sur la catégorisation.

Autre point  à souligner : l’acceptation d’une certaine complexité est nécessaire pour une gestion réaliste des cours d’eau et, plus généralement, des segments hydrographiques. Chercher à simplifier à outrance la typologie avec le choix cours d'eau / non cours d'eau comme seule information peut mener à des omissions importantes et à une perte de précision écologique. En outre, une gestion différencié peut alléger la complexité normative et procédurale dans certains cas, donc dépasser des résistances tenant à la crainte de créer des zones intouchables rendant l'exploitation ou l'entretien trop complexes. On peut imaginer qu'un cours d'eau intermittent et un cours d'eau permanent n'impliquent pas les mêmes obligations, par exemple. De plus, l’intégration des drains artificiels tels que les canaux, biefs, fossés et autres infrastructures hydrauliques serait nécessaire. Bien qu’ils soient souvent exclus des cartes réglementaires, ces structures jouent un rôle  dans la gestion des flux hydriques, la prévention des inondations, l'épuration de certains intrants et la régulation des niveaux d’eau. Ils participent également à la connectivité écologique, servant parfois de corridors pour la faune aquatique, et sont des ressources pour la faune / flore terrestre. 

Ainsi, une approche globale nécessiterait de considérer à la fois les systèmes naturels et artificiels, la complexité interne de chacun de ces systèmes, en reconnaissant leurs interconnexions et leurs contributions au réseau hydrographique. Cette approche globale devrait ensuite intégrer, au même niveau que les informations écologiques, les informations symboliques, sociales et économiques tenant aux perceptions et usages de l'eau dans le bassin versant. Ensuite seulement des débats politiques peuvent prioriser les enjeux dans des normes et des procédures, chaque partie prenante acceptant le même niveau d'information comme base de la discussion. 

Référence : Messager M L, Pella H, Datry T (2024), Inconsistent regulatory mapping quietly threatens rivers and streams, Environmental Science & Technology, 58, 17201-17214.

Version française sous forme de rapport rédigé par les auteurs : Messager, M. L., Pella, H., & Datry, T. (2024). Une cartographie réglementaire incohérente menace les rivières et les ruisseaux français. Environmental Science & Technology 

16/05/2023

Le retour des castors oblige à repenser le concept de continuité de la rivière (Larsen et al 2021)

Ayant décliné depuis quelques millénaires et frôlé l'extinction à l'âge moderne, puis ayant bénéficié de protection stricte au 20e siècle, le castor fait désormais son grand retour dans l'aire américaine (Castor canadensis) et l'aire européenne (Castor fiber). Les chercheurs constatent que les bassins versants favorables au rongeur aquatique sont alors parsemés de nombreux barrages formant des plans d'eau et modifiant substantiellement le régime d'écoulement de la rivière, ses connexions au lit majeur comme aux aquifères. Cette observation empirique conduit à réviser le concept de continuité de la rivière, car la réalité historique des cours d'eau dans les zones à castor a sans doute été une série de discontinuités. Rien à voir avec la carte postale formant souvent vitrine des politiques de renaturation et de continuité dite "écologique", où l'on voit des petites rivières dégagées et s'écoulant sagement dans un lit sans aucun obstacle. Une image d'Epinal davantage qu'une réalité scientifiquement validée.



Trois spécialistes (Annegret Larsen, Joshua R. Larsen et Stuart N. Lane) ont proposé une synthèse de la littérature savante sur les effets hydrologiques et géomorphologiques des barrages de castors. Voici le résumé de leur recherche :
"Les castors (Castor fiber, Castor canadensis) sont l'un des ingénieurs des écosystèmes les plus influents parmi les mammifères, modifiant fortement l'hydrologie, la géomorphologie, le cycle des nutriments et les écosystèmes des corridors fluviaux. En tant qu'agent de perturbation, ils y parviennent d'abord et avant tout par la construction de barrages, qui retiennent l'écoulement et augmentent l'étendue des eaux libres, et dont découlent tous les autres impacts sur le paysage et l'écosystème. Après une longue période d'éradication locale et régionale, les populations de castors se sont rétablies et se sont développées dans toute l'Europe et l'Amérique du Nord, ainsi qu'une espèce introduite en Amérique du Sud, ce qui a nécessité une révision complète de l'état actuel des connaissances sur la façon dont les castors influencent la structure et le fonctionnement des corridors fluviaux. 
Ici, nous synthétisons les impacts globaux sur l'hydrologie, la géomorphologie, la biogéochimie et les écosystèmes aquatiques et terrestres. Nos principales conclusions sont qu'un complexe de barrages de castors peut augmenter le stockage de l'eau de surface et souterraine, modifier la répartition des bilans hydriques à échelle des tronçons, permettre une atténuation des inondations spécifique au site, modifier l'hydrologie à faible débit, augmenter l'évaporation, augmenter les temps de séjour de l'eau et des nutriments, augmenter l'hétérogénéité géomorphologique, retarder le transport des sédiments, augmenter le stockage du carbone, des nutriments et des sédiments, étendre l'étendue des conditions et des interfaces anaérobies, augmenter l'exportation en aval du carbone organique dissous et de l'ammonium, diminuer l'exportation en aval du nitrate, augmenter les transitions de l'habitat lotique à l'habitat lentique et l'eau primaire aquatique production, induire une succession «inverse» dans les assemblages de végétation riveraine et augmenter la complexité de l'habitat et la biodiversité à l'échelle du tronçon.
Nous examinons ensuite les principales rétroactions et les chevauchements entre ces changements causés par les castors, où la diminution de la connectivité hydrologique longitudinale crée des étangs et des zones humides, les transitions entre les écosystèmes lentiques et lotiques, l'augmentation des gradients d'échange hydraulique vertical et le cycle biogéochimique par unité de longueur de cours d'eau, tandis que l'augmentation la connectivité latérale déterminera l'étendue de la zone d'eau libre et des habitats des zones humides et littorales, et induira des changements dans les assemblages des écosystèmes aquatiques et terrestres. Cependant, l'étendue de ces impacts dépend d'abord du contexte hydrogéomorphique du paysage, qui détermine l'étendue de l'inondation des plaines inondables, un facteur clé des changements ultérieurs de la dynamique hydrologique, géomorphique, biogéochimique et écosystémique. Ensuite, cela dépend de la durée pendant laquelle les castors peuvent supporter des perturbations sur un site donné, qui est limitée par des rétroactions descendantes (par exemple, la prédation) et ascendantes (par exemple, la concurrence), et détermine en fin de compte les voies du paysage du corridor fluvial et la succession écosystèmique après abandon du castor. Cette influence démesurée des castors sur les processus et les rétroactions des corridors fluviaux est également fondamentalement distincte de ce qui se produit en leur absence. 
Les pratiques actuelles de gestion et de restauration des rivières sont donc ouvertes à un réexamen afin de tenir compte des impacts des castors, tant positifs que négatifs, de sorte qu'ils puissent potentiellement accueillir et améliorer les services d'ingénierie écosystémique qu'ils fournissent. Nous espérons que notre synthèse et notre cadre holistique d'évaluation des impacts des castors pourront être utilisés dans cette entreprise par les scientifiques et les gestionnaires de rivières à l'avenir, car les populations de castors continuent de croître en nombre et en aire de répartition."

Les chercheurs soulignent que le castor oblige à repenser le "river continuum concept" qui est une des bases savante de la continuité écologique. Il faut selon eux envisager que la rivière connaît en réalité des discontinuités :
"Les modifications à grande échelle des castors des modèles de processus physiques sur lesquels les écosystèmes s'adaptent et fonctionnent perturbent donc ce cadre traditionnel du RCC (river continuum concept), en particulier dans les habitats de cours d'eau d'ordre inférieur, avec des conséquences importantes pour notre conceptualisation des processus des écosystèmes fluviaux. La principale raison pour laquelle les modifications du castor perturbent autant le RCC est due à l'étendue croissante des eaux de surface retenues derrière les barrages individuels et collectivement au sein des complexes de barrages de castor, qui constituent un changement brusque d'échelle de portée de presque exclusivement lotique (eau courante) à un mélange complexe de conditions lentiques (eau calme) et lotiques et de transitions entre elles. Cette variation entre les écosystèmes lotiques et lentiques a été couverte dans des modèles conceptuels qui incluent des barrages anthropiques dans des systèmes fluviaux régulés (par exemple : le concept de discontinuité en série de Ward et Stanford, 1995), mais l'échelle et le nombre de transitions lentiques-lotiques sont probablement très différents. entre les étangs de castors et les réservoirs artificiels. Ainsi, en s'appuyant sur ces concepts, ainsi que sur le concept de patch dynamique en écologie fluviale (Poole, 2002), Burchsted et al. (2010) ont présenté un cadre écologique élégant qui reconnaît les castors comme le perturbateur consommé des continuums fluviaux. Ce paradigme d'écosystème fluvial discontinu reconnaît l'inégalité des transitions lotiques-lentiques fournies par les barrages de castor sur des échelles de portée, et l'évolution temporelle d'un tel système vers des corridors fluviaux plus ouverts composés d'habitats de zones humides et de prairies plutôt que de hautes forêts riveraines (Burchsted et al. , 2010)."



Paysage de rivières à castors, extrait de Larsen et al 2021, art cit.

Sur la comparaison des barrages de castors et des barrages d'humains, les chercheurs font les observations suivantes dans l'évaluation des capacités de stockage d'eau :
"La capacité de stockage des plaines inondables peut être encore améliorée à mesure que les castors modifient leur habitat, par exemple en creusant de petits réseaux de canaux et d'étangs dans les plaines inondables (Johnston et Naiman, 1990a, Johnston et Naiman, 1990b; Stocker, 1985). Bien que la capacité de stockage en surface des barrages de castors individuels (étang et plaine inondable) soit faible par rapport aux réservoirs artificiels, les stockages en surface cumulés de plusieurs barrages dans une cascade de barrages de castors peuvent augmenter considérablement leur impact hydrologique (Fig. 6a et b) (Puttock et al., 2017 ; Nyssen et al., 2011). Les estimations publiées de la densité des barrages varient entre moins de 1 (par exemple 0,1) et > 70 barrages par km de tronçon de rivière (Gurnell, 1998 ; Pollock et al., 2003 ; Zavyalov, 2014), bien que des estimations de densité considérablement plus faibles aient été compilées par Johnston (2017). ). À des densités élevées, même de petites capacités de stockage de barrages individuels (L3) par rapport aux débits entrants (L3T−1) peuvent, dans l'ensemble, modifier considérablement les bilans hydriques, les temps de séjour de l'eau et les régimes d'écoulement. (...)
Il existe au moins quatre façons dont la comparaison entre les barrages de castor et les réservoirs ou déversoirs artificiels divergent, avec des implications importantes pour l'interprétation de la dynamique de stockage. Premièrement, la structure du barrage elle-même est perméable (Burchsted et al., 2010) et apportera une contribution largement inconnue aux débits sortants (discuté dans la section ci-dessous). Deuxièmement, la hauteur relativement faible du barrage par rapport à la largeur de la vallée entraîne des rapports surface/volume très élevés qui peuvent accroître les pertes par infiltration et évaporation. Troisièmement, les barrages de castor sont généralement construits dans des vallées alluviales de débit modéré à faible (Pollock et al., 2003 ; Suzuki et McComb, 1998), des conditions favorables à une connectivité hydraulique plus élevée entre les aquifères alluviaux superficiels et peu profonds. Cela signifie que les changements de volume de stockage souterrain ont le potentiel d'être comparables, voire supérieurs, aux changements de volume de stockage de surface, un point abordé plus en détail dans la section 2.5 sur la connectivité entre la surface et les eaux souterraines. Enfin, l'emplacement physique des barrages de castors peut être très dynamique dans l'espace et dans le temps, ajoutant une complexité importante à la façon dont les changements de stockage évoluent dans les tronçons de rivière, en particulier ceux avec plusieurs barrages sur de courtes distances. Tous ces processus peuvent modifier la dynamique du stockage de l'eau dans les bassins versants et avoir des implications importantes sur la façon dont le cycle hydrologique est équilibré sur une gamme d'échelles de temps."

Discussion
Contrairement à ce que laissent entendre certains critiques, les chercheurs comparent couramment les barrages de castors et les barrages des humains. La raison en est simple : ces artifices partagent des propriétés, comme la création d'un obstacle à l'écoulement en long, d'une différence de hauteur entre l'amont et l'aval, d'un plan d'eau n'ayant plus les mêmes propriétés physiques, chimiques, biologiques que l'eau courante. Si différents barrages ont différentes propriétés – c'est aussi vrai pour la diversité des barrages humains allant du seuil de 30 cm de hauteur au grand barrage de 300 m de hauteur –, il n'en reste pas moins que ce sont d'abord des barrages, avec des implications physiques similaires en premier ordre. 

Parmi ces implications, l'une d'elles nous intéresse particulièrement : la capacité à retenir et divertir l'eau, au lieu que la rivière soit vue comme un canal d'évacuation rapide des eaux vers l'aval. On ne sera pas surpris de constater que le bilan des barrages et retenues de castor est favorable à la préservation de l'eau dans les bassins versants. Mais davantage que certains chercheurs laissent entendre que des barrages et retenues humains ne pourraient pas avoir le même effet.

Le "libre écoulement" de la rivière est un motif ancien des politiques publiques de l'eau (notamment en raison du blâme qui a longtemps frappé les eaux stagnantes et leurs problèmes sanitaires), mais ce n'est pas spécialement le régime naturel de cette rivière, au moins là où on laisserait libre cours aux forêts et aux castors. L'idée d'un petit cours d'eau à écoulement rapide, rives dégagées et méandres paisibles est en fait une esthétique fluviale tardive (18e-19e siècles), à l'époque où les bassins versants sont déjà très modifiés (voir Lespez et al 2015, Brown et al 2018) : à cette époque, les forêts comme les castors ont largement disparu ; l'agriculture a colonisé la plupart des bassins de plaine avec élévations de berges et digues, chenalisations et incisions de lits ; les retenues (et canaux) des moulins, forges, étangs et autres ouvrages hydrauliques ont remplacé de manière plus permanente les artifices des castors. Un bassin versant réellement "naturel" au sens de non modifié dans ses écoulements par intervention humaine ressemblerait plutôt dans nos régions à un chaos de barrages d'embâcles et de castors, avec des débordements récurrents, des marécages en forêt humide, des lits instables d'une année l'autre, des plans d'eau aussi nombreux que les zones rapides. Rien à voir avec la "nature" de carte postale qui est le plus souvent promue par les politiques de "renaturation". Ni avec la rivière souhaitée par certains lobbies (comme les pêcheurs de salmonidés) qui naturalisent ce qui correspond à leurs usages particuliers et à un style tardif des rivières.

20/04/2023

Pas d'impact sédimentaire notable d'un seuil en rivière (Rollet el al 2022)

Des chercheurs ont étudié le seuil le plus important du fleuve côtier Gapeau, dans le sud de la France. A l'occasion de trois crues, ils montrent que la retenue de 700 m créée par cette chaussée ancienne ne sédimente pas la charge grossière et évacue les charges plus fines de sables et graviers. Les scientifiques concluent que se focaliser sur les seuils dans ce contexte ne sera pas de nature à recharger en sédiment les côtes et les plages à l'aval, car le déficit sédimentaire a d'autres causes. Leur travail rappelle aussi que la plupart des recherches menées sur la sédimentation dans les ouvrages modestes (seuils, chaussées, petits barrages et déversoirs) ne montrent pas d'effet notable. Soit le contraire de ce qui est affirmé dans le discours du gestionnaire public.



Le seuil de Sainte-Eulalie, étudié par les chercheurs. DR.

Anne-Julia Rollet, Simon Dufour, Romain Capanni et Mireille Lippmann Provansal ont analysé l'impact sédimentaire d'un seuil sur une petite rivière du Sud de la France. Le Gapeau est un fleuve côtier de 47,5 km de long (pente : 0,7 m.m-1) qui draine un bassin versant de 564 km² entre les crêtes montagneuses de la Sainte Baume et de Morières au nord et à l'ouest et la crête montagneuse des Maures à l'est. La rivière s'ouvre au sud sur la plaine et se jette dans la rade d'Hyères. Le bassin versant du Gapeau contient deux sous-bassins aux caractéristiques géologiques contrastées : le sous-bassin versant ouest, où la rivière Gapeau coule sur un substrat calcaire, perméable et favorable à l'infiltration, et  le sous-bassin versant est de la rivière Réal-Martin (principal affluent de la rivière Gapeau), qui coule sur des substrats métamorphiques imperméables. La rivière Gapeau présente un chenal étroit et profond sur la majeure partie de sa longueur ainsi que des berges élevées. Cette morphologie est particulièrement adaptée au transit des flux d'eau et de sédiments. 

Dans la partie aval du Gapeau, le seul ouvrage pouvant piéger les sédiments en transit est le seuil de Sainte Eulalie. Cette chaussée est un ouvrage en maçonnerie de 3,75 m de haut et génère en amont un plan d'eau d'environ 700 mètres de long en régime d'étiage. Sa date exacte de construction est inconnue, mais elle est indiquée sur des cartes de 1896. 

Pour déterminer l'influence du seuil sur la continuité sédimentaire de la rivière, les chercheurs ont suivi l'évolution du stock sédimentaire en amont du seuil de Sainte Eulalie, qui est la principale zone de piégeage. La capacité de piégeage des sédiments du déversoir a été évaluée en analysant les différentiels bathymétriques avant vs après les crues, avec quatre mesures par point pour assurer une marge d'erreur verticale de ± 0,10 m après post-traitement. Trois relevés bathymétriques ont été réalisés pour décrire la mobilité sédimentaire générée lors de crues de trois intensités différentes : débit d'eau instantané de 42 m3.s-1, 57 m3.s-1 et 67 m3.s-1.

Voici le résumé de leur travail :
"Dans les systèmes littoraux et fluviaux en déficit sédimentaire la restauration du transport solide fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière. La suppression d’ouvrages transversaux (seuils, barrages) est parfois préconisée même si l’effet réel   des petits seuils sur le transport de la charge de fond n’est pas démontré dans tous types de contexte. Dans ce cadre, notre étude a pour objectif d’apporter des éléments quantifiés pour (i) documenter l’interruption des transferts sédimentaires grossiers (> sables fins) par un petit seuil sur un système fluvial côtier méditerranéen (le Gapeau), et (ii) discuter la pertinence de sa suppression pour la restauration de la continuité sédimentaire. Ces éléments sont produits partir d’approches croisées de suivis de la dynamique sédimentaire du fond du lit (bathymétrie, traçages sédimentaires, chaines d’érosion et suivis topographiques) et de modélisation de capacités de transport. Nos résultats nous permettent de conclure que le seuil étudié ne semble pas constituer d’entrave physique au transfert de la charge de fond dans la mesure où aucune accrétion nette n’a été observée en amont de l’ouvrage malgré des crues importantes enregistrées durant le suivi. Néanmoins, la mesure indirecte du transport solide montre qu’il n’existe pas ou plus de charriage sur ce cours d’eau qui connait un fort déficit sédimentaire. Ainsi, la suppression de seuil sur le Gapeau serait insuffisante pour atténuer le déficit sédimentaire fluvial et/ou littoral. Il conviendrait plutôt de concentrer la réflexion sur la réalité des entrées sédimentaires et l’efficacité des connexions entre les versants et le chenal."
Les auteurs précisent encore :
"La mesure indirecte du transport sédimentaire a montré que la charge de fond n'est pas (ou plus) transportée le long de la rivière Gapeau (à l'exception d'un peu de transport résiduel de sable et de gravier que nous n'avons pas réussi à quantifier). Le transport sédimentaire mesuré, même lors d'une crue de 5 ans, avait un volume extrêmement faible (456 m3) et était très inférieur à la capacité de transport (20 200 m3). Cette différence indique que la rivière Gapeau présente un important déficit sédimentaire. Nous avons également observé un pavage important du lit de la rivière qui variait de 2,1 à 10,5 en aval de la zone d'étude. Le lit de la rivière Gapeau est ainsi quasi stable lors des crues les plus courantes, et il ne reste qu'une faible coulée sédimentaire composée de sable et de gravier. Ce débit est trop faible pour être détecté par des mesures indirectes de transport sédimentaire, mais nous l'avons détecté lors du suivi de la retenue de Sainte Eulalie.

Des mesures bathymétriques supplémentaires effectuées à l'embouchure de la rivière Gapeau avant et après la crue de décembre 2008 ont indiqué que 1 300 à 1 400 m3 de sédiments (sable moyen à grossier) ont été apportés aux plages (Brunel, 2010; Capanni, 2011). Cependant, ces apports en conditions hydrologiques actives (Q5) ne compensent pas les 2 700 m3.an-1 estimés d'érosion côtière (Capanni, 2011). Ainsi, les apports fluviaux de la rivière Gapeau semblent peu contribuer au trait de côte. Les volumes actuels de sédiments grossiers fluviaux ne sont pas suffisants pour maintenir la rivière en bon état, et le système fluvial du Gapeau présente un déficit sédimentaire sévère malgré la présence du seuil de Sainte Eulalie. Ces éléments soulèvent ainsi des questions sur l'utilité de retirer le seuil pour rétablir la continuité sédimentaire et entretenir le trait de côte. Le déversoir n'entrave pas l'écoulement du sable, dont le volume est beaucoup trop faible pour contrebalancer les déficits côtiers en sable. Sur la base de nos observations du seuil de Sainte Eulalie, nous émettons l'hypothèse que la plupart des autres ouvrages du bassin versant ne gênent pas le transfert sédimentaire soit parce qu'ils sont déjà engorgés soit parce qu'ils n'ont jamais complètement interrompu le transfert sédimentaire. Le seuil de Sainte Eulalie, comme tous les seuils de la rivière Gapeau, était déjà présent dans le « profil des grands efforts hydrauliques » en 1954 (et probablement bien avant). Avant les années 1970, cependant, les données topographiques indiquent qu'aucune incision ou rétraction n'a eu lieu (Capanni, 2011). Les autres ouvrages sont situés en amont dans la zone du bassin versant, dans des contextes aux pentes souvent plus fortes que ceux de Sainte Eulalie, qui est aussi l'ouvrage le plus haut (3,5 m, contre 2,0 m pour les autres). Ainsi, si le seuil de Sainte Eulalie ne stocke pas de charriage, les autres seuils ne le sont probablement pas non plus. Ces observations sont cohérentes avec les résultats de la plupart des études sur l'influence des petites structures sur le transport du charriage dans des contextes géomorphologiquement dynamiques."

Discussion
Le faible effet sédimentaire des petits ouvrages hydrauliques est un trait récurrent des recherches menées sur ce sujet. Dans leur travail, les chercheurs le rappellent : "De nombreuses études ont mis en évidence l'influence des petites structures sur la morphologie des chenaux (Fencl et al., 2015), mais seules quelques études morphologiques se sont concentrées sur l'influence des déversoirs sur la continuité des sédiments grossiers. Les modifications morphologiques qu'entraînent les seuils couvrent souvent une superficie relativement réduite et sont liées soit à un engorgement de l'ouvrage en amont (ex. : sédimentation), soit à une poussée hydraulique en aval (ex. : incision en aval de l'ouvrage, apparition de berges médianes). A ce jour, aucun changement morphologique en aval des seuils n'a été explicitement corrélé au déficit sédimentaire qu'ils ont généré. Les quelques études portant sur l'influence des déversoirs sur la continuité sédimentaire suggèrent qu'ils ne l'influencent pas fortement (Csiki et Rhoad, 2010 ; Pearson et Pizzuto, 2015 ; Peeters et al., 2020 ; Casserly et al., 2021). Les sédiments de charriage peuvent quitter un réservoir lors d'épisodes de débit élevé (Pearson et al., 2011; Casserly et al., 2021) ou après avoir dépassé la capacité de stockage du réservoir (Major et al., 2012). Pearson et Pizzuto (2015) ont suggéré que toutes les fractions granulométriques dans le matériau du lit fourni en amont auraient pu être transportées à travers le réservoir qu'ils ont étudié, le long de la rampe en pente et au-dessus du barrage de 2,5 m, tandis que Peeters et al. (2020) ont observé un transfert sélectif de particules autour de la médiane. Cependant, la réponse des rivières à l'existence à long terme de déversoirs varie considérablement (Csiki et Rhoad, 2010) et dépend principalement des caractéristiques des ouvrages (c'est-à-dire la forme, la hauteur de la crête, la présence ou l'absence de systèmes de vannage), la rivière (c.-à-d. occurrence de grandes crues, taille des sédiments, capacité de l'hydraulique fluviale à transporter les sédiments au-dessus de la crête du déversoir) et les caractéristiques générales du bassin versant (p. ex. densité du déversoir en amont, apport de sédiments disponible) (Pearson et Pizzuto, 2015) . Par conséquent, comprendre l'influence des déversoirs sur les flux de sédiments (et donc la pertinence de les enlever) nécessite une approche de recherche et de gestion différente et plus intégrée que l'approche individualiste qui a été appliquée aux grands barrages (Fencl et al., 2015)."

A rebours du discours public tenu depuis 15 ans pour justifier la destruction des petits ouvrages, ceux-ci ne représentent donc pas a priori un problème grave de transfert sédimentaire. Le même discours public avait déjà menti sur la soi-disant "auto-épuration" des rivières, que les barrages entraveraient alors que l'inverse est vrai (toutes choses égales par ailleurs, une retenue tend à éliminer divers intrants et polluants). La rhétorique est désormais connue : on ne met en avant que des aspects négatifs des ouvrages hydrauliques, quitte à les exagérer voire les inventer dans certains cas, alors que l'on passe sous silence leurs aspects positifs. Cette politique publique partisane et nuisible aux patrimoines des rivières doit cesser.

Référence : Anne-Julia Rollet et al (2022), Is removing weirs always effective at countering the sediment deficit? Case study in a Mediterranean context: the Gapeau River, Géomorphologie : relief, processus, environnement, 28,3, 187-200

08/10/2022

Profiler et reprofiler le delta du Rhin, entre guerre et inondation (Mosselman 2022)

Saviez-vous que le profil actuel du delta du Rhin a été influencé par l’arrivée des troupes de Louis XIV en 1674 et l’humiliation hollandaise de n’avoir pu les stopper ? A travers quelques exemples, un chercheur néerlandais rappelle dans une publication récente que les aménagements fluviaux suivent les aléas de l’histoire humaine, avec des fenêtres d’opportunité qui permettent de réaliser des projets.  En dernier ressort et même quand ils prennent la forme de «renaturation», ces choix sont évalués à leurs résultats tels que les apprécient les sociétés.


Le passage du Rhin, peinture d'Adam Frans Van der Meulen

Le delta du Rhin aux Pays-Bas, parfois appelé delta Rhin-Meuse-Escaut, est une zone modifiée par les interventions humaines depuis l’époque romaine. Erik Mosselman (Université Delft de Technologie) publie un article intéressant sur les entrelacements des choix hydrauliques et des événements historiques à l’Anthropocène. 

Au 17e siècle, les jeunes Pays-Bas ont émergé comme association de provinces unies après le traité de Westphalie (1648). Mais la province de Gueldre et la province de Hollande ont un différend. Près du delta, le bras du Rhin se sépare, avec le Waal méridional vers l’Ouest qui prend la plus grande part, le Rhin septentrional qui tend à avoir moins d’eau. L’excès d’eau dans le Waal brisait les digues et créait les inondations. Les habitants de Gueldre proposèrent de réduire son débit par une dérivation, mais la Hollande refusa, craignant de perdre la navigabilité de cette voie essentielle pour desservir Rotterdam,  Dordrecht et l’arrière-pays rhénan. 

Las, tout le monde fut mis d’accord… par les armées françaises de Louis XIV lorsqu’elles envahirent le pays en 1674. Les troupes traversèrent sans peine les branches du Rhin à niveau bas. L’événement créa un choc dans les esprits (même si les Provinces-Unies ouvrirent finalement grandes leurs digues et noyèrent le plat pays pour repousser les Français). La Hollande et la Gueldre se mirent d’accord pour réaménager la zone et construire le canal de Pannerden (1701-1709) qui servait à la fois à la répartition des eaux, en ligne de défense et en raccourcissement des transports dans le Rhin inférieure. Un peu plus tard, la gestion de cette région deltaïque qui restait très instable donna naissance au Rijkswaterstaat (1798), organe public de gestion de l’eau et des infrastructures. «Sans cette guerre, le système fluvial des Pays-Bas aurait pu se développer d’une manière complètement différente», souligne Erik Mosselman.

Au 20e siècle, le chercheur prend un autre exemple, dont l’événement fondateur n’est pas une guerre mais une catastrophe naturelle : les grandes inondations de 1953. L’ampleur des dégâts provoque la naissance d’un Comité Delta qui décide de protéger les populations et de réduire le coût économique des aléas par un système d’endiguement des branches du delta du Rhin et de barrage évitant les remontées d’eaux salines. Mais dans les années 1970, la mémoire de la catastrophe s’est estompée et les habitants manifestent de plus en plus d’hostilité à l’endiguement, notamment du fait de démolition de patrimoine historique. Dans les années 1980, un groupe d’écologue propose une option novatrice à l’époque, consistant à élargir les lits plutôt qu’à les endiguer. Malgré un prix d’architecture du paysage, le projet n’est pas retenu. 

C'est alors que survient la grande crue de 1995 (le Rhin atteint 12000 m3/s) qui occasionne le déplacement de 250 000 personnes et de nombreux dégâts dans les zones où l’endiguement avait été stoppé. Un programme appelé « Espace pour la rivière » est lancé, avec un budget de 2,3 milliards, reprenant les idées du projet de 1980 : «les plaines inondables ont été abaissées, les obstacles ont été enlevés, les épis ont été arasés ou remplacés par des murs d’entraînement longitudinaux, des canaux latéraux et des canaux de dérivation ont été creusés et des digues ont été reculées. Ces interventions visaient non seulement à réduire les niveaux d’eau de crue, mais aussi à améliorer la ‘qualité spatiale’, un amalgame de nature, de paysage et de patrimoine culturel». 

Erik Mosselman souligne que les normes de résistance aux crues ont encore changé dans les années 2010 et que la politique publique se ré-oriente vers la consolidation de digues, les options impliquant la «renaturation» répondant moins bien aux nouvelles exigences des évaluations. Il y a donc eu une fenêtre étroite pour modifier le profil du delta du Rhin dans le sens d’un espace de liberté en lit majeur.

Discussion
Si la nature fixe ses conditions d’entrée géologiques et hydrologiques, les rivières sont tout autant les filles de l’histoire et des actions humaines. S’en aviser permet de prendre quelque recul par rapport aux «modes» qui se succèdent dans l’inspiration des politiques publiques. En dernier ressort, ce sont les heurs et malheurs des sociétés humaines qui vont guider l’urgence d’agir, et c’est l’obtention de résultats espérés qui sera l’arbitre de l’intérêt de l’action. 

Ce siècle nous promet de nombreux aléas hydrologiques, en particulier les sécheresses et les crues dont l’intensité devrait augmenter avec le changement climatique. Qu’ils prennent l’argument de la renaturation ou de la maîtrise, les aménagements hydrologiques et hydrauliques seront d’abord jugés à leurs effets, et notamment leurs effets socio-économiques en lien aux aléas. Les aménageurs public doivent s’en souvenir, car la perte de mémoire historique de l'eau, le défaut de culture hydraulique et le manque de vision sur les objectifs de l’action peuvent perdre un temps et un argent précieux dans la course à l’adaptation climatique.

27/07/2022

Les barrages de castors bénéfiques pour la quantité et la qualité d'eau en tête de bassin versant (Dittbrenner et al 2022)

Les castors et les humains sont les deux seules espèces capables de construire des retenues et diversions d'eau sur le lit mineur des rivières. Une nouvelle étude nord-américaine confirme, après de nombreuses autres, que la formation des retenues par barrages de castor tend à augmenter le stockage local de l'eau dans les sols et nappes, ainsi dans le cas étudié qu'à baisser la température de l'eau. Les chercheurs jugent ce bilan très bénéfique, notamment en situation de changement climatique qui réduit le débit des petites rivières de tête de bassin.  Ces travaux contredisent évidemment le dogme du libre écoulement des eaux selon lequel tout obstacle en rivière est un drame écologique, et toute retenue une somme d'effets uniquement négatifs. L'état normal d'une rivière est plutôt d'être parsemée de tels obstacles, qu'ils proviennent de castors, d'humains, d'embâcles, d'éboulis ou autres causes ni plus ni moins naturelles les unes que les autres.


La rivière avant et après la création de barrages et retenues par les castors, extrait de Dittbrenner  et al 2022, art cit.

Longtemps présent en abondance dans les ruisseaux et rivières de l'hémisphère Nord, les castors américains (Castor canadensis) et eurasiens (Castor fiber) ont connu une régression forte de l'Antiquité au 20e siècle, au point de frôler l'extinction. Désormais protégées, ces espèces ont entamé une reconquête progressive des vallées où elles vivaient, du moins celles qui présentent encore des biotopes favorables à leur cycle de vie. C'est le cas en particulier des têtes de bassin qui sont restées boisées.

Les castors se caractérisent par la construction de barrages, digues, canaux, huttes qui forment leur territoire. C'est la seule espèce avec la nôtre qui crée des plans d'eau par barrages. Les écologues et hydrologues s'intéressent aux castors pour comprendre l'impact des retenues d'eau qu'ils bâtissent.  Benjamin J. Dittbrenner et ses collègues ont analysé des bassins versants aux Etats-Unis en phase de reconquête par une colonie de castors. 

Voici le résumé de leur travail

"De nombreuses régions connaissent une augmentation des températures des cours d'eau en raison du changement climatique, et certaines connaissent une réduction des débits des cours d'eau en été et de la disponibilité de l'eau. Étant donné que la construction de barrages et la formation de retenues par le castor peuvent augmenter le stockage de l'eau, le refroidissement des cours d'eau et la résilience de l'écosystème riverain, le castor a été proposé comme un outil potentiel d'adaptation au climat. Malgré le grand nombre d'études qui ont évalué comment l'activité des castors peut affecter l'hydrologie et la température de l'eau, peu d'études expérimentales ont quantifié ces résultats après la relocalisation des castors. 

Nous avons évalué les changements de température et de stockage de l'eau suite à la relocalisation de 69 castors dans 13 cours d'eau d'amont du bassin versant de la rivière Skykomish dans le bassin de la rivière Snohomish, Washington, États-Unis. Nous avons évalué comment les barrages de castors affectaient le stockage des eaux de surface et souterraines et la température des cours d'eau. Les relocalisations réussies ont créé 243 m3 de stockage d'eau de surface par 100 m de cours d'eau au cours de la première année suivant la relocalisation. Les barrages ont augmenté l'élévation de la nappe phréatique jusqu'à 0,33 m et stocké environ 2,4 fois plus d'eau souterraine que d'eau de surface par tronçon de relocalisation. Les tronçons de cours d'eau en aval des barrages ont affiché une diminution moyenne de 2,3 °C pendant les conditions de débit de base en été. Nous avons également évalué comment les dommages, l'état, la fréquence d'entretien et la morphologie des étangs influençaient la température des cours d'eau dans les complexes de milieux humides naturellement colonisés. 

Nos résultats démontrent que la construction de barrages peut augmenter le stockage de l'eau et réduire les températures des cours d'eau au cours de la première année suivant la relocalisation réussie des castors. La morphologie fluviale et des plaines inondables des tronçons candidats à la relocalisation est une considération importante car elle détermine le type et l'ampleur de la réponse. La relocalisation vers des tronçons avec de petites retenues abandonnées existantes peut répondre aux critères thermiques en convertissant des tronçons de réchauffement en tronçons de refroidissement, tandis que la relocalisation dans de grands complexes abandonnés ou un habitat vacant peut entraîner un plus grand stockage de l'eau. Bien que la relocalisation des castors puisse être une stratégie d'adaptation climatique efficace pour conserver des régimes hydrologiques et une qualité de l'eau plus stables dans notre zone d'étude, il semble y avoir des facteurs environnementaux et géomorphologiques spécifiques à la région qui influencent la façon dont les castors affectent stockage et température de l'eau. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer comment et pourquoi ces différences régionales affectent le stockage de l'eau et la réponse de la température des cours d'eau dans les systèmes influencés par le castor."

Les auteurs rappellent que leurs analyses confirment de nombreux travaux antérieurs : "Il a été démontré que les complexes de castor augmentent considérablement le potentiel de stockage des eaux de surface et souterraines. On estime que, dans le monde entier, les complexes de castors stockent jusqu'à 11 km3 d'eau de surface (Karran et al., 2016) avec jusqu'à 30 % de l'eau de surface d'un cours d'eau stockée dans des retenues de castors (Duncan, 1984). Des études ont montré que le castor augmentait la largeur des zones riveraines le long des cours d'eau de 11 à 34 m (McKinstry et al., 2001), et dans les tronçons en aval des barrages, le volume des bassins augmentait également (Stack & Beschta, 1989). On a constaté que les tronçons de cours d'eau endigués étendaient l'étendue latérale de la zone hyporhéique jusqu'à 8 m au-delà des tronçons de contrôle à partir d'une largeur de 0,2 m avant la construction du barrage (Shaw, 2009), tandis que les retenues plus grandes étendaient l'étendue des eaux souterraines de plus de 50 m ( 10 m dans les tronçons témoins ; Lowry, 1993). Cependant, en raison de la complexité et de la grande variabilité de la géologie locale, du relief, du type de sol et d'autres caractéristiques morphologiques, les estimations du stockage total sont difficiles à quantifier. Bien que la plupart des études existantes aient documenté le stockage dans des complexes de castor bien établis, les effets du déplacement du castor sur le stockage des eaux de surface et souterraines restent sous-étudiés."

Concernant la température, les auteurs soulignent la dépendance au contexte local et la nécessité de bien fixer l'échelle de l'analyse thermique, en tenant compte notamment des remontées de nappes : "Les effets des barrages de castors sur la température des cours d'eau sont également très variables d'une étude à l'autre selon l'emplacement et la méthodologie d'étude. Des recherches antérieures ont trouvé des preuves de réchauffement (Avery, 2002; Patterson, 1951), de refroidissement (White, 1990), de réchauffement ou de refroidissement selon la saison (Avery, 1983), ou d'absence de relation entre la présence d'un barrage et la température (McRae & Edwards, 1994 ). Dans les systèmes d'amont à plus haute altitude, où les cours d'eau sont relativement froids, des augmentations de température de 6 à 9 °C ont été observées en aval des étangs de castors (Margolis et al., 2001). Des études plus récentes ont évalué les températures des cours d'eau à plus grande échelle et ont constaté que les étangs de castors peuvent également avoir un effet de refroidissement net (Weber et al., 2017; White et Rahel, 2008) en raison de la recharge et de la remontée d'eau souterraine (Pollock et al., 2007)"

Discussion
Le castor nord-américain bâtit des barrages de plus grande dimension que le castor européen, mais les deux espèces utilisent cette même stratégie de construction de niche pour remodeler les rivières. 

Le point évidemment étonnant de ces études sur le castor, c'est qu'elles contredisent totalement le discours dogmatique sur la nécessité d'un libre écoulement parfait des eaux de surface au nom de la continuité écologique des rivières. Dans la réalité, les rivières même sans humains sont cesse fragmentées, par des barrages d'embâcles, d'éboulis ou de castors. Leur lit est loin d'être le petit chenal lotique encaissé et sinueux que l'on montre souvent comme exemple de rivières "naturelles" alors que c'est un style fluvial tardif issu de l'exploitation humaine des bassins versants (voir Lespez et al 2015).

Si le petit barrage de castor diffère évidemment du petit barrage humain par sa conception, il est notable que de nombreuses propriétés et fonctionnalités hydrologiques sont semblables : hausse de la lame d'eau, élargissement du lit en eau sur l'emprise de la retenue, débordement locaux an amont si le foncier est prévu pour l'accueillir (ou diversion dans des canaux latéraux, sachant que le castor lui aussi est capable de creuser ces annexes hydrauliques). Au demeurant, d'autre travaux de recherche ont montré que la destruction des ouvrages humains mène à des incisions de lit, moindres débordements et moindres recharges de nappes (Maaß et Schüttrumpf 2019, Podgórski et Szatten 2020). Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

L'image ci-dessous montre une succession de petits plans d'eau humains en tête de bassin, sur une carte ancienne (Cassini, 18e siècle). Nos ancêtres, comme les castors, avaient une certaine intuition des moyens de retenir et gérer l'eau dans les bassins versants...

Référence : Dittbrenner BJ et al (2022), Relocated beaver can increase water storage and decrease stream temperature in headwater streams, Ecosphere, 13, 7, e4168


Succession de plans d'eau humains dans un aménagement d'Ancien Régime en tête de bassin.