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20/10/2022

La Vire, ses destructions d’ouvrages, ses sécheresses aggravées, ses migrateurs à la peine

Sur le fleuve côtier Vire comme dans de nombreuses rivières de l’Ouest de la France, les administrations et lobbies de la casse des ouvrages hydrauliques s’en sont donnés à cœur joie depuis 10 ans. On a dérasé, effacé, arasé du moulin en série, on a asséché de la retenue et du bief pareillement. Les pêcheurs en pointe du mouvement promettaient l’abondance retrouvée du poisson migrateur. Le Canard enchaîné ironise cette semaine sur le résultat en 2022 : une agglomération de Saint-Lô obligée de reposer en urgence un barrage sur la Vire pour son alimentation en eau menacée par les niveaux trop bas, et des poissons migrateurs pas en forme du tout. Nous apportons ici quelques données complémentaires sur l’évolution du saumon et de la grande alose de la Vire depuis 20 ans.  Et appelons une nouvelle fois les administrations comme les élus à changer immédiatement de politique. 


Hier on efface des ouvrages, aujourd'hui on en reconstruit en urgence. On proclame l'accélération de la transition bas-carbone mais on détruit des centrales hydro-électriques en 2022. Tout cela sur ordre du préfet, aux frais du contribuable et dans le département dont Mme Borne est l'élue... Quand va cesser le désastre de la continuité écologique destructrice?


Le Canard Enchaîné a mis de nouveau les pieds dans la mare boueuse de la continuité écologique, en évoquant la rivière Vire, en Normandie. Ce fleuve côtier est depuis 40 ans l’objet de l’acharnement de l’Office français de la biodiversité (ancien Conseil supérieur de la pêche) et du lobby des pêcheurs sportifs en vue d’en faire un des sites pilotes de la remontée des poissons migrateurs. 

Comme on le sait, ces officines affirment que les ouvrages de moulins ou de petites centrales hydro-électriques sont la première cause de disparition des grands migrateurs. Dans un premier temps, avec le plan Retour aux sources des années 1980, des passes à poissons ont été construites. Puis à compter de la fin des années 2000, la préfecture a satisfait les lobbies en exigeant également une gestion de vannes ouvertes en période de chômage des ouvrages. Enfin à partir de 2013, nous avons vu la mise en œuvre de la politique systématique de destruction des seuils sur le cours de la Vire.  Ce plan se poursuit encore en 2022, avec la démolition d'un site de production hydro-électrique. Alors même que la loi de 2021 a interdit la destruction de l’usage actuel ou potentiel des ouvrages hydrauliques, en particulier les moulins.

Un premier motif de rire (jaune) du Canard enchaîné est qu’à l’occasion de la sécheresse 2022, le gestionnaire a été obligé de construire en urgence un ouvrage de rehausse du lit là même où l’on faisait disparaitre les seuils anciens. Le niveau trop bas de la rivière menaçait l’alimentation en eau potable de Saint-Lô. Peut-être que les anciens riverains avaient compris ce phénomène mieux que la préfecture et ses clientèles ? En tout cas, comme les climatologues prédisent que de telles sécheresses ne peuvent que revenir plus fréquemment et intensément à horizon des décennies à venir, il vaudrait mieux que le gestionnaire public apporte une réponse convaincante au problème, au lieu de faire en urgence des chantiers chaque été pour compenser ce qu’il détruit. 

Les saumons et aloses ne suivent pas les attentes
Mais après tout, l’objectif de cette politique n’est pas l’humain (variable manifestement jugée négligeable par ses promoteurs), c'est le poisson migrateur. Que nous disent les chiffres à la station de comptage de Claies de Vire, où l’on enregistre chaque année la remontée de ces poissons ?

Le graphique ci-dessous montre l’évolution des remontées de saumon atlantique et de grande alose à Claies de Vire.



Que constate-t-on ?
  • Il existe une variation interannuelle forte
  • Les années à bas effectifs ne changent guère sur 20 ans, voire sont pires à la fin des mesures qu’au début
  • Le début de la destruction des seuils a été marqué par une hausse des effectifs (2013-2016) suivi par un effondrement ensuite pour les aloses et une baisse sensible pour les saumons (2017-2021)
  • En tout état de cause, on parle de la variation locale d’effectifs en restant dans le même ordre de grandeur de présence des espèces
  • Rien n’indique pour le moment un bon bilan coût-bénéfice des sommes conséquentes d’argent public dépensées et des coûts d'opportunité à ne pas avoir employé les ouvrages à des choses plus utiles (retenue d'eau, production d'énergie)
Les chiffres de 2022 ne sont pas donnés mais au dernier comptage de fin septembre, ils étaient assez catastrophiques (57 saumons, 749 aloses). Et la sécheresse 2022 n'a pas dû être très favorable à la colonisation ni à la reproduction. 

La promesse faite par le lobby des pêcheurs était pourtant simple : une fois supprimé l’ouvrage (obstacle à la montaison) et la retenue de l’ouvrage (dégradation de l’habitat), on doit voir une recolonisation du linéaire, un accès aux affluents, une hausse visible, durable et régulière des effectifs.

A date, ce n’est pas le cas. Alors on va chercher d’autres causes : les pollutions, les sécheresses, le réchauffement, la perturbation du cycle de vie en mer des poissons migrateurs, etc. Il aurait peut-être fallu y réfléchir avant. En attendant, on a détruit le patrimoine hydraulique, le paysage de vallée, le potentiel hydro-électrique bas-carbone sur la base d’une fausse promesse selon laquelle la destruction d’ouvrage serait la solution miracle pour les migrateurs.

Arrêtez le délire, vite
Nous demandons aux préfectures et aux élus de cesser ces politiques inefficaces et conflictuelles de destruction des sites des rivières, accordant un poids disproportionné à certains lobbies, nuisant à l’intérêt général et à la gestion équilibrée de l’eau, détournant une part notable de l'argent public de la biodiversité sur des espèces très ciblées au détriment d'autres enjeux. 

Nous leur demandons aussi de faire évoluer leur vision de la rivière. Que la politique publique vise à améliorer la condition des poissons migrateurs, c’est une chose normale et louable. On peut le faire sans détruire. Qu’elle nuise aux usages et patrimoines bénéfiques de la rivière à cette fin, ce n’est pas acceptable.

Par ailleurs, dans aucune politique publique de protection de la biodiversité on ne défend l’idée hors-sol que les milieux du 21e siècle pourraient retrouver les mêmes peuplements que sous l’Ancien Régime, l’Antiquité ou d’autres moments du passé. On vise à éviter l’extinction d’espèces, ce qui est évidemment légitime et nécessaire, mais pas à revenir aux effectifs de ces espèces dans le passé. Ce qui vaut pour l’ours ou le loup vaut pour le saumon ou l’alose : le projet de détruire et réprimer l’occupation humaine des bassins versants en vue uniquement de maximiser des poissons migrateurs sur chaque tronçon de rivière est un projet aberrant. C’est aussi un projet mono-orienté qui peut être nuisible à d’autres formes de biodiversité s’il menace la rétention d’eau et aggrave les rivières à sec sans zone refuge : on l'a observé un peu partout à l’occasion des sécheresses récentes. 

Il faut en prendre conscience et réviser la politique des cours d’eau, en s’attaquant à ce qui inquiète bien davantage les populations, et de nombreux chercheurs : la pollution de l’eau, le risque de sécheresse et de crue, le changement climatique. Or pour toutes ces politiques, l’ouvrage hydraulique est un allié à mobiliser, pas une réalité à faire disparaître. 

A lire sur le même thème :

Quelques travaux scientifiques :

17/01/2021

Le climat change, la migration des poissons aussi (Legrand et al 2020)

Aloses, truites de mer, saumons, anguilles et lamproies marines commencent à modifier leurs périodes de migration en réponse aux signaux du changement climatique sur les régimes océaniques, la température et le débit des fleuves. Telle est la conclusion d'une équipe de chercheurs ayant étudié ces poissons en France, sur 40 points de mesure et pendant trois décennies. Les plans de gestion des migrateurs doivent donc intégrer ces évolutions en cours ainsi que les diverses hypothèses de réchauffement, qui va modifier le régime des cours d'eau français au cours de ce siècle. 


Le changement climatique en cours est une source de stress pour certains organismes qui sont déjà confrontés à d'autres pressions comme la pollution, l'introduction d'espèces ou les agents pathogènes. On observe pour de nombreuses espèces des évolutions dans l'aire de répartition et dans la phénologie de certains événements de la vie (migration, reproduction). Mais aussi parfois la baisse importante de la population, à l'instar des récifs coralliens. 

Marion Legrand et ses collègues ont étudiés en France l'évolution de la migration des poissons amphihalins (ou diadromes) en rapport avec des données climatiques et hydrologiques. Comme les auteurs l'expliquent : "Les poissons, et en particulier les poissons diadromes (par exemple les anguillidés, les salmonidés), sont des espèces présentant un intérêt culturel, économique et scientifique. Les poissons diadromes effectuent un cycle de vie complexe avec du temps passé en eau douce et du temps passé en mer. Comme la migration des poissons nécessite beaucoup d'énergie, elle se produit principalement lorsque les conditions environnementales sont optimales (Visser et Both, 2005). Par conséquent, toute modification de l'environnement (en particulier du débit et de la température) devrait entraîner une modification du moment de la migration des poissons (Anderson et al., 2013)." Des observations en ce sens sont déjà disponibles pour le saumon du Pacifique et celui de l'Atlantique. Mais on n'avait pas fait de travail en France sur l'étude empirique de plusieurs espèces à la fois dans une même aire géographique.

Voici les 40 points d'observation des migrations utilisés par les auteurs :
Extrait de Legrand et al 2020, art cit.

Voici le résumé de leur travail :

"1. De nombreuses études ont documenté un changement dans la phénologie de la migration des poissons diadromes en réponse au changement climatique. Cependant, seules quelques études ont été menées simultanément pour plusieurs espèces et à grande échelle spatiale.

2. Nous avons étudié le changement du moment de la migration en amont des espèces de poissons diadromes en France. Nous avons utilisé un ensemble de données original, collecté à partir de 40 appareils de comptage de poissons dans 28 rivières françaises sur 10 à 30 ans pour cinq taxons diadromes: Alosa spp., Anguilla anguilla (avec une distinction entre la civelle et l'anguille jaune), Petromyzon marinus, Salmo salar, et Salmo trutta.

3. À l'exception de la civelle, nous avons constaté que les taxons déplaçaient leur migration vers des dates d'arrivée antérieures. Ce résultat est cohérent avec de nombreuses études faisant état de l'avancement de la phénologie des événements de vie des espèces. En moyenne, nous avons mis en évidence un changement phénologique de −2,3 jours par décennie (min = −0,2, max = −3,7). De plus, l'indice d'oscillation nord-atlantique (NAO), la température de surface de la mer, la température de l'air et le débit fluvial expliquent le moment de la montaison des taxons de poissons diadromes, soulignant l'importance des facteurs agissant à différentes échelles spatiales.

4. Compte tenu des changements phénologiques importants observés dans notre étude et plus largement dans la littérature scientifique, nous recommandons aux gestionnaires d'intégrer ces changements dans les règles de gestion; en particulier, dans le cas des barrages dont la transparence minimale (c'est-à-dire la possibilité pour les poissons de traverser le barrage) est assurée par une gestion adaptative de l'eau et des opérations de vannes.

5. Cette étude a bénéficié d'un suivi à grande échelle de la phénologie migratoire de plusieurs espèces et de variables environnementales. Ces données de surveillance sont précieuses et pourraient permettre une meilleure modélisation prédictive de la réponse des espèces aux changements climatiques."

Référence : Legrand M et al (2020), Diadromous fish modified timing of upstream migration over the last 30 years in France, Freshwater Biology, doi.org/10.1111/fwb.13638

02/01/2021

250 ans d'évolution des poissons migrateurs en France (Merg et al 2020)

Des chercheurs français livrent une intéressante analyse de l'évolution de 1750 à nos jours de huit taxons de poissons grands migrateurs, identifiés en archives sur 555 points du territoire. Sur 45% des sites, les poissons diadromes ont disparu en deux siècles et demi. Leur zone d'expansion s'est réduite de 18% à 100% selon les espèces. Les auteurs de l'étude pointent une multitude de causes, parmi lesquelles les obstacles physiques à la migration formés par les ouvrages hydrauliques qui barrent transversalement la rivière. Leur modèle montre que la hauteur des ouvrages est le premier prédicteur de blocage des bassins versants aux migrateurs, ainsi que leur densité sur la distance entre la mer et les sites de frai. Cela explique aussi que les migrateurs étaient répandus en France en 1750 alors qu'il existait de l'ordre de 100 000 moulins à la fin de l'Ancien régime — mais des moulins à ouvrages de dimensions modestes et à gestion active. Pour autant, les chercheurs soulignent que la restauration de continuité écologique ne peut prendre les références passées comme critère des choix futurs: outre que les rivières ont changé au fil des siècles et que les bénéfices pour les migrateurs sont associés à des coûts pour la société, le changement climatique va modifier le régime des cours d'eau. 

Marie-Line Merg et ses collègues (INRAE, OFB, Université de Lorraine, UMS PatriNat) ont publié dans la revue PLoS ONE une étude historique sur les poissons migrateurs diadromes, présents sur les bassins français de 1750 à nos jours. Ces poissons ont un cycle de vie partagé entre deux milieux, eau douce et eau salée. Le travail des scientifiques a été nourri sur un éventail de sources historiques (archives publiques liées à la pêche et aux stocks de poissons, publications scientifiques et naturalistes anciennes, sources iconographiques), soit au total 165 documents. "Pour caractériser la distribution historique des espèces, nous nous sommes concentrés sur la période allant du milieu du 18e siècle au début du 20e siècle, expliquent les chercheurs. Nous avons choisi cette période parce que (1) elle fournissait beaucoup de données sur la distribution passée des poissons, contrairement aux périodes précédentes, et (2) elle était antérieure aux transformations majeures qui affectaient les rivières européennes (par exemple, la construction de grands barrages, pollution, canalisation fluviale à grande échelle). Étant donné que certaines données quantitatives spécifiques (par exemple, l'abondance, les frayères) étaient rarement disponibles, nous n'avons considéré que l'occurrence de l'espèce."

Sur un nombre total de 1948 sites, 1393 (71,5%) n'avaient ni données d'occurrence historiques ni données actuelles. La variation de présence des poissons migrateurs a donc été calculée pour 555 sites (29,5% de l'ensemble de données).

Treize espèces ont été analysées, regroupées en huit taxons car certaines espèces proches sont d'identification incertaine dans les archives: Esturgeon atlantique (Acipenser oxyrinchus), Esturgeon européen (Acipenser sturio), Grande alose (Alosa alosa), Alose feinte (Alosa fallax), Mulet lippu (Chelon labrosus, Mulet porc (Liza ramada), Lamproie fluviatile (Lampreta fluviatilis), Lamproie de mer (Petromyzon marinus), Saumon atlantique (Salmo salar), Truite de mer (Salmo trutta), Corégone (Coregonus oxyrinchus), Éperlan d'Europe (Osmerus eperlanus), Flet commun (Platichthys flesus).

Cette carte montre le nombre potentiel de rivières à poissons diadromes si l'on prend les données du milieu du 18e siècle comme référence de leur capacité d'expansion historiquement attestée.

Extrait de Merg et al 2020, art cit.

Les auteurs observent : "nous avons constaté que les poissons diadromes occupaient la plupart des principaux fleuves français il y a cent ans, illustrant la récente perte considérable d'espèces diadromes au niveau national. Les bassins de l'Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord ont présenté une richesse plus élevée que le bassin méditerranéen (par exemple le Rhône). Cela a confirmé ce que l'on sait des schémas de distribution historico-bio-géographiques des espèces diadromes. En comparant cette distribution passée avec les données actuelles sur les occurrences de taxons, nous avons quantifié le déclin des taxons diadromes et avons constaté que ce phénomène est très répandu. Ainsi, selon nos résultats, 45% des 555 sites d'étude, qui étaient autrefois habités par des poissons diadromes, ont actuellement perdu la totalité de leur assemblage diadromes. Parmi les huit taxons étudiés, cinq ont perdu plus de 50% de la longueur de rivière occupée il y a deux siècles en France. Ces observations concordent avec le déclin massif de ces espèces qui a été observé ailleurs en Europe ou dans l'est de l'Amérique du Nord."

Ce schéma montre la perte d'habitat des taxons (de gauche à droite : corégones, esturgeons, flets, aloses, salmonidés, lamproies, mulets, éperlans.

Extrait de Merg et al 2020, art cit.

Pour analyser la disparition des poissons migrateurs, les chercheurs ont construit un modèle prenant en compte des données morphologiques, chimiques, hydrologiques et en particulier la présence de barrages de diverses dimensions et diverses anciennetés sur les cours d'eau. Leur modèle montre que la hauteur et la densité des ouvrages hydrauliques sont deux prédicteurs forts du déclin des migrateurs :
"La présente étude a confirmé que la fragmentation des rivières (c'est-à-dire de la mer au site considéré) est une menace majeure pour les poissons diadromes. Dans notre modèle, les statistiques et la courbe de réponse associée à la hauteur maximale des barrières en aval suggèrent que la taille des barrières est le facteur qui exerce l'effet le plus fort et le plus net sur l'assemblage diadrome, conduisant à un impact majeur et systématique lorsque les barrages dépassent une dizaine de mètres. La densité des barrières contribue également à la dégradation des assemblages diadromes mais semble avoir un effet plus diffus et modéré que la taille des barrières en aval. Il reflète l'effet cumulatif potentiel des barrières. L'effet cumulatif des obstacles successifs, tels que les petits déversoirs ou les systèmes d'écluse, qui ne sont pas physiquement difficiles à franchir individuellement, peut causer des problèmes considérables aux poissons (par exemple, des retards, une réduction du succès de la migration, des blessures). Selon son taux de francissement, chaque barrière réduit la fraction de la communauté qui peut poursuivre sa migration. Même si la proportion de poissons coincés devant un obstacle donnée est faible, la succession d'obstacles à franchir peut conduire à une réduction drastique du nombre de poissons en fin de parcours."
Mais les auteurs remarquent également qu'au début de leur étude (milieu 18e siècle), il existait déjà des dizaines de milliers d'ouvrages (moulins, forges, étangs) apparus dès l'Antiquité et développés à partir du Moyen Âge :
"Les liens étroits observés entre la perte de poissons diadromes et la hauteur et la densité des barrières suggèrent que la construction de barrages a eu une contribution significative au déclin à long terme des poissons diadromes. Cependant, ce résultat soulève un certain paradoxe dans la mesure où une grande partie des barrières référencées dans la base de données ROE actuelle existaient probablement déjà lors des premières observations historiques de taxons diadromes. En Europe occidentale et particulièrement en France, l'aménagement des cours d'eau est vieux de plusieurs siècles et s'est considérablement développé dans la seconde moitié du Moyen Âge avec l'installation généralisée de moulins à eau sur la plupart des petits et moyens cours d'eau. Le nombre de moulins a été estimé à 100 000 le long des fleuves français au XIIIe siècle. Ce nombre est resté pratiquement inchangé jusqu'en 1809, date à laquelle leur utilisation a progressivement cessé au cours du 19e siècle. L'arrêt des activités de meunerie n'a cependant pas impliqué la disparition systématique des obstacles associés. La plupart des déversoirs et des barrages à faible hauteur actuels sont des héritages de constructions médiévales (voir par exemple Rouillard et al. pour le bassin de la Seine). Néanmoins, il semblerait que les changements induits au fil du temps concernant (1) la gestion de ces installations (par exemple l'arrêt de l'ouverture régulière des vannes auparavant nécessaires au bon fonctionnement et l'entretien des usines) et (2) leur modernisation (par exemple le renforcement, élévation des hauteurs, changement de conception) ont rendu leur passage plus difficile pour les poissons. Cependant, suite aux progrès techniques, la plupart des barrages de taille moyenne à grande ont été construits plus tard; c'est-à-dire (1) au cours du XIXe siècle avec le développement de la navigation intérieure et l'expansion industrielle, et (2) après la Seconde Guerre mondiale en conséquence du développement économique; par exemple, en France, 86% des grands barrages existants (soit égaux ou supérieurs à 15 m) ont été mis en service après 1930. Ainsi, la plupart des barrages moyens à grands, qui ont le plus d'impact sur les poissons diadromes selon nos résultats, ont été construits après la période au cours de laquelle la distribution historique des poissons diadromes a été décrite."

Marie-Line Merg et ses collègues ne notent pas d'effets notables des passes à poissons : "Malgré des situations contrastées (de 0 à 100% des barrières en aval équipées), le ratio de barrières avec passes à poissons n'a pas été retenu par notre modèle, soulignant ainsi la difficulté de quantifier l'effet atténuant des passes à poissons sur la perte de poissons diadromes. Ce résultat était inattendu étant donné que l'établissement de passes à poissons est une mesure largement soutenue pour restaurer la continuité de la rivière et les populations diadromes et que les preuves fondées sur l'observation appuient la relation entre la récupération en amont des poissons diadromes et la mise en place d'installations de franchissement de barrages."

Plusieurs causes sont possibles : certains passes anciennes (construites après les lois de 1865, 1919 ou 1984) sont connues pour être de conception non efficace, d'autres passes sont mal entretenues, beaucoup de dispositifs de franchissement ont été spécialisés pour certains poissons, notamment les salmonidés en raison de la demande de pêche, mais ne sont pas forcément adaptés à d'autres taxons.

Comment pourraient évoluer les migrateurs? Les auteurs de l'étude ont fait varier des paramètres de leur modèle pour en avoir une idée. Quatre scénarios ont été construits, dont le résultat est exprimé dans le graphique ci-dessous : (A) après suppression des barrières de plus de 10 m de hauteur (scénario 1), (B) après suppression des barrières entre 2 m et 10 m de hauteur (scénario 2), (C) après suppression des barrières sous 2 m de hauteur (scénario 3) et (D) réduction des altérations locales hydrologiques, morphologiques et de la qualité de l'eau (scénario 4). Le graphique montre la capacité de retour de migrateurs (absence vers le brun, retour vers le vert, taille du cercle réduction par rapport aux conditions initiales sans aucun scénario).


Extrait de Merg et al 2020, art cit.

Les auteurs observent : "Les deux scénarios qui prédisaient les réponses les plus substantielles et les plus répandues portaient sur la suppression des barrages de taille moyenne (2-10 m, scénario 2) ou de petite taille (hauteur <2 m, scénario 3). L'ampleur des réponses variait considérablement entre les deux scénarios et entre les bassins, probablement en fonction de l'historique des développements, de la nature et de l'emplacement des barrages et des déversoirs existants spécifiques à chaque bassin. Ainsi, les bassins Seine et Nord, dont les principales voies navigables ont été largement aménagées avec des équipements de navigation (ex: déversoirs, écluses) montrent des améliorations plus marquées avec le scénario 2, privilégiant les barrières de taille moyenne. A l'inverse, c'est lorsque les prélèvements se sont focalisés sur les barrières de petite taille (scénario 3) que les réponses sont les plus importantes pour le bassin de la Loire dont les axes principaux sont le plus souvent à écoulement libre, et pour les bassins côtiers Atlantique et Manche. Cela suggère que les mesures les plus efficaces pour restaurer la communauté diadromes sont susceptibles de varier considérablement d'un bassin à l'autre ou d'une région à l'autre."

La suppression des obstacles (par effacement ou par aménagement) ne va cependant pas sans conséquences qui obligent à mesurer les coûts en face des bénéfices, ainsi qu'à adapter à chaque bassin et chaque taxon:
"Globalement, les résultats des différents scénarios suggèrent qu'une amélioration à grande échelle des poissons diadromes (ex: assemblage sur tout le territoire français) nécessitera nécessairement des mesures à grande échelle pour améliorer la continuité fluviale sans les limiter aux plus grands barrages, mais aussi en tenant compte des plus petits obstacles dont l'effet cumulatif semble potentiellement très important. Les scénarios que nous avons mis en œuvre sont basés sur la suppression d'un nombre considérable de barrières mais sans tenir compte de leur coût et efficacité et de leurs éventuelles conséquences secondaires négatives (ex: perte de valeur patrimoniale et culturelle, impact économique et commercial, déstabilisation morphologique). Des approches plus raffinées examinant le rapport coût / efficacité pourraient permettre d'identifier des scénarios optimisés, adaptés à chaque bassin et limitant le nombre de barrages à supprimer tout en conservant une bonne efficacité de la récupération des espèces diadromes."
Enfin, dans leur conclusion, les auteurs soulignent qu'une politique de restauration des poissons migrateurs doit obligatoirement anticiper les effets du changement hydroclimatique, qui risque de rendre certains milieux passés et actuels impropres à héberger dans le futur des poissons pour le frai ou le grossissement:
"l'utilisation de l'occurrence passée des espèces pour établir des repères pour la restauration future soulève certaines questions, dans le contexte du changement climatique en cours. Les approches prospectives prédisent des changements significatifs dans les aires de répartition continentales des poissons diadromes en raison du réchauffement et des changements de régime hydrologique [105]. Ainsi, les bassins désormais habités par certaines espèces, en particulier les eaux froides, pourraient leur devenir inadaptés d'ici quelques décennies. Dans ce contexte et pour des restaurations efficaces et à long terme, les occurrences historiques d'espèces diadromes doivent être considérées comme un indicateur de rétablissement potentiel et non comme une liste fixe d'espèces définissant strictement les futurs objectifs de restauration."

Discussion
Concernant le modèle utilisé par le chercheurs, plusieurs remarques peuvent être faites:
  • les altérations morphologiques autres que les obstacles transversaux sont "à dire d'experts", ce qui est potentiellement faible (entre 1750 et nos jours, la morphologie des berges et des écoulements, notamment latéraux, a considérablement changé, même dans l'état présent il n'est pas évident d'attribuer des degrés d'artificalisation ni de périodiser ces changements, qui se sont accélérés entre 1950 et 1980 : recalibrage, curage, drainage, suppression d'annexes, colmatage de lits);
  • les données de qualité chimique (issues de la base Naïades) sont insuffisantes pour décrire la réalité des pollutions des rivières françaises, les relevés les plus fréquents (pour la DCE) ne concernant qu'une petite fraction des eutrophiants et polluants susceptibles d'affecter les espèces et leur réseau trophique;
  • concernant les obstacles, les descripteurs de la base ROE sont insuffisamment renseignés. Il manque le plus souvent la hauteur exacte de chute à différents débits, la description de franchissabilité latérale, l'âge de construction (ou reconstruction) des chaussées, seuils barrages, buses et autres.
  • la pression de pêche et braconnage est absente (pêche en rivière ou en estuaire et littoral), mais les auteurs reconnaissent ce point : "Étant donné que les données sur les captures fluviales et marines peuvent refléter uniquement l'état du stock et ne sont pas une preuve de surexploitation, tester l'implication des pêcheries dans le déclin des poissons diadromes est une tâche délicate. Pour cette raison et en raison d'un manque de données, nous n'avons pas inclus ces informations dans le modèle. Cependant, même si nous n'avons connaissance d'aucun cas dans lequel la surpêche a conduit directement à l'extinction des espèces, la surpêche peut avoir contribué au déclin de certaines populations diadromes. A titre d'exemple, en France, les esturgeons européens ont été massivement capturés pour le caviar jusqu'à l'interdiction de pêche en 1982, ce qui a certainement participé à la quasi-extinction de cette espèce."
Concernant l'occurence de migrateurs au 18e siècle malgré la présence de moulins en grand nombre (et d'étangs sans doute aussi nombreux), les auteurs font l'hypothèse qu'il aurait pu exister une "dette d'extinction", c'est-à-dire que l'effet de ces moulins aurait mis des siècles à s'exercer. On peut douter de cette explication ad hoc. La convergence des rehausses d'usines à eau et constructions de grands barrages, des pollutions de plus en plus importantes, des extractions d'eau et modification de lits, des changements hydriques et climatiques permet d'expliquer la tendance baissière des migrateurs entre 1750 et nos jours, sans qu'il soit besoin de faire intervenir un mécanisme supplémentaire et non démontré. Par ailleurs, les effets s'observent sur le temps de reproduction des individus qui composent les populations, soit de l'ordre de l'année à la décennie. On le voit dans les archives du 19e siècle quand des rehausses ou constructions de barrages entraînent très rapidement des plaintes à l'amont du fait de la disparition de certains poissons.  On le voit aussi avec les chutes rapides de populations d'anguilles ou d'aloses que l'on observe récemment (après les années 1980 et 2000 respectivement). Il est douteux que des ouvrages de retenues et de diversion apparus dès l'époque romaine, et ayant progressivement occupé tous les bassins médiévaux, aient eu un effet retard de plusieurs siècles. Le plus probable est que ces ouvrages de dimension modeste, limités au lit mineur, surversés et contournés en crue, n'ont pas été infranchissables pour la plupart. S'ils ont sans doute limité la densité maximale potentielle de migrateurs, ils n'ont pas engagé d'extinction avant l'arrivée de pressions plus fortes (y compris donc des barrages de plus grande taille ou de gestion différente). 

Plus largement, l'étude de Marie-Line Merg et de ses collègues nous amène aux réflexions suivantes :
  • si leur déclin est probablement millénaire, les grands migrateurs diadromes étaient encore présents sur nombre de bassins et jusqu'aux sources au milieu du 18e siècle, alors que les moulins étaient déjà 100 000 à cette époque, sans compter les étangs. Cela confirme que les ouvrages d'Ancien Régime et leur gestion permettaient la circulation des poissons;
  • la hauteur reste le premier prédicteur de blocage à la recolonisation des migrateurs, sur nombre de bassins la présence d'ouvrages non franchissables à tout débit de la rivière limitera le retour sur les têtes de bassin. La continuité écologique dogmatique consistant à détruire tout ouvrage sur des bassins versants est à réviser, car elle coûte en argent public et a d'autres effets négatifs sur la ressource en eau;
  • la conservation des grands migrateurs doit être repensée à un niveau raisonnable et non maximaliste, d'autant que les besoins de protection des milieux aquatiques et humides sont loin de se résumer à quelques espèces de poissons, même si celles-ci sont appréciés des pêcheurs. Outre les pollutions nombreuses affectant la qualité de l'eau, les ruptures de continuité latérale et l'incision des lits ont probablement eu des effets nettement plus importants sur la faune et la flore des cours d'eau et des rives que les ruptures de continuité longitudinale présentes depuis des siècles sous influence humaine. Pour ces dernières, il faut attendre des retours d'expérience sur les nouveaux dispositifs de franchissement des années 2010 (rampes rustiques, rivières de contournement) afin de vérifier que leur efficacité est supérieure à celle des anciennes passes à poissons du 20e siècle. Sur nombre de moulins en zones rurales, le retour à une gestion avisée peut déjà obtenir des résultats.
Les poissons migrateurs ont une probabilité quasi-nulle de retrouver ce qui fut leur expansion maximale au Holocène, car les rivières ont drastiquement évolué au fil des millénaires sous influence humaine; le changement hydroclimatique en cours et à venir va accentuer au 21e siècle le rythme de ce changement. La gestion de la rivière ne peut pas se faire au nom d'une naturalité passée qui serait posée comme guide de son état futur. Les politiques de conservation écologique doivent admettre diverses réalités non réversibles de l'Anthropocène, installé progressivement au fil des siècles, non entretenir la nostalgie d'une mythique rivière de jadis que nous pourrions restaurer.  Bien entendu, une gestion écologique active des rivières et plans d'eau est nécessaire. Mais elle doit se penser et se débattre comme création  de conditions favorables à la fois au vivant et à la société, non comme recréation d'une nature perdue. 


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31/07/2020

La chute des poissons migrateurs depuis 1970 est difficilement attribuable à l'hydraulique ancienne!

Selon un rapport venant de paraître, les populations de poissons migrateurs en Europe auraient chuté de 93% entre 1970 et 2016. Cette baisse spectaculaire étant difficilement attribuable aux moulins et aux étangs présents depuis des siècles (mais en régression depuis 100 ans dans le cas des moulins), d'où vient-elle au juste? Que signifie-t-elle? Pourquoi les auteurs des rapports entretiennent-ils un flou artistique sur les dégradations de l'eau, notamment les pollutions chimiques?  


Cette courbe représente le déclin des populations de poissons migrateurs en Europe entre 1970 et 2016, selon le rapport Living Planet Index venant de paraître. Une baisse des effectifs de 93% est observée, en agrégat de 408 populations et 49 espèces.

En tenant compte d'un effet retard (dette écologique) de 5 à 10 ans (temps maximal de reproduction et retour des poissons), on peut se demander ce qui s'est passé à compter des années 1960 et qui aurait pu entraîner ce déclin observé à compter de l'année 1970.

Entre 1960 et 2016, il ne s'est pas construit à notre connaissance une grande quantité de moulins ou d'étangs sur les lits mineurs des rivières françaises ou européennes. Au contraire, cette hydraulique ancienne a eu tendance à régresser (ennoiement dans des grandes retenues, délitement des chaussées par usure, effacement au nom de la continuité écologique). Le maximum des moulins et petites usines à eau se situe vers 1850, soit plus d'un siècle avant la chute observée.

En revanche, on a vu émerger au cours de cette période de 60 ans :
- des grands barrages non franchissables (coupant le lit majeur)
- des seuils bétons de protection berge ou génie civil (pont, accotement)
- une hausse majeure des pollutions (engrais, pesticides, plastiques, produits de synthèse à effet géno-, neuro- ou reprotoxiques)
- une augmentation des prélèvements d'eau à fin domestique, agricole, industrielle
- une dégradation des sols et donc des lits (colmatage par sédiments fins)
- une bétonisation des bassins versants (routes, zones urbaines)
- une intensification de la pêche en mer et estuaire
- un réchauffement climatique modifiant les régimes fleuves et océans
- une expansion des espèces exotiques

Une étude récente a ainsi montré que la Seine était tellement polluée lors des 30 glorieuses que la migration des poissons y était de toute façon compromise, la discontinuité chimique s'ajoutant à une discontinuité physique (voir Le Pichon et al 2020). Ce que certains ont appelé dans un contexte plus large la "grande accélération" de l'Anthropocène (Steffen et al 2015), marquée par une hausse de toutes les empreintes écologiques des sociétés industrielles.

Ces points ne sont malheureusement pas mis en perspective dans le rapport dont le commanditaire privé, la World Fish Migration Foundation, est surtout engagé dans la promotion de la politique-spectacle de destruction des ouvrages hydrauliques.

Pourquoi les tenants de la "libre-circulation" des rivières sont-ils à ce point silencieux sur des causes manifestes de dégradation de l'eau, qui ne concernent pas que les migrateurs, mais toutes les espèces aquatiques? A quels intérêts obéissent les acteurs qui concentrent l'attention sur les ouvrages? En quoi la destruction d'une hydraulique ancienne ayant co-existé longtemps avec des poissons migrateurs représente-t-elle la moindre rationalité et priorité dans les politiques européennes de l'eau? Nous n'aurons pas les réponses dans ce rapport. Mais nous continuerons à poser les questions tant que les acteurs seront aussi flous dans l'analyse des causalités des phénomènes qu'ils décrivent.

Enfin, il est une autre question, plus fondamentale. Les poissons migrateurs sont des espèces dont la stratégie de vie demande des parcours à longue distance. Ce trait comportemental entre en contradiction avec les usages humains de l'eau tels qu'ils se sont développés au cours de l'histoire (alimentation, navigation, énergie, irrigation, loisirs) et avec des évolutions en cours des paramètres biophysiques (intensification du changement climatique, croissance des espèces exotiques). Vouloir éviter l'extinction des poissons migrateurs est évidemment une cause de la conservation écologique. Mais éviter l'extinction d'une espèce peut difficilement signifier revenir au périmètre historique d'expansion maximale des migrateurs, au début du Holocène, à l'époque où les conditions étaient totalement différentes (voir Kareiva et Carraza 2017).

Si les poissons migrateurs soulèvent plus que d'autres de l'intérêt en raison de certains usages (pêche de loisir notamment), ils ne sont pas l'alpha et l'omega de la biodiversité aquatique. Et le fait de poser des ambitions très au-delà des moyens tend à décourager les efforts qui ne seront pas suivis des effets promis. Il a été aussi montré que la dépense pour les espèces rares se fait au détriment des autres, ce qui pose question à l'heure où l'écologie est une politique publique devant répondre de choix et de résultats (Neeson et al 2018).

Il faut donc essayer de préserver les poissons migrateurs de l'extinction, mais cela ne peut plus être au prix d'une action indistincte "quoiqu'il en coûte", d'une absence de stratégie claire et d'un oubli des autres enjeux de l'eau, dont le rôle majeur des pollutions. 

Source : Deinet S. et al (2020) The Living Planet Index (LPI) for migratory freshwater fish - Technical Report. World Fish Migration Foundation, Pays-Bas.

06/07/2020

Le rôle historique des pollutions chimiques dans le blocage des poissons migrateurs de la Seine (Le Pichon et al 2020)

Attention une discontinuité peut en cacher une autre! Si certaines barrières physiques bloquent des poissons migrateurs à capacité insuffisante de nage et de saut pour les franchir, il en va de même avec des barrières de pollution chimique. Dans une étude passionnante d'histoire environnementale, des chercheurs français montrent que dans la seconde moitié du 20e siècle, la Seine était tellement polluée et pauvre en oxygène à l'aval de Paris que le parcours remontant des saumons, aloses et lamproies depuis l'estuaire était de toute façon compromis, d'autant que les barrages de navigation avaient des passes à poissons peu fonctionnelles. L'amélioration de la qualité de l'eau et la construction de nouvelles générations de passes à poissons permettent aujourd'hui le retour (encore timide) de migrateurs. Une bonne nouvelle, mais aussi une sérieuse relativisation de l'impact des ouvrages, surtout les petits ouvrages de l'hydraulique ancienne qui n'empêchaient pas la présence de migrateurs en amont de Paris, jusqu'au 19e siècle. En Seine-Normandie comme ailleurs, une eau de qualité doit être le premier objectif pour les humains, pour les poissons migrateurs comme pour le reste du vivant. 



La Seine de Paris à la mer, zone étudiée par les scientifiques, extrait de Le Pichon et al 2020, art cit. 

Céline Le Pichon et ses collègues (INRAE laboratoire Hycar, Sorbonne Université unité Metis), dont nous avions déjà recensé des travaux, s'intéressent à l'histoire de la continuité physique et chimique dans le bassin de la Seine. Leur travail, fondé sur l'exploration des archives des poissons migrateurs et la modélisation, aboutit à des observations particulièrement intéressantes.

En voici le résumé :

"Pour comprendre le sort à long terme des assemblages de poissons dans le contexte du changement global et pour concevoir des mesures efficaces de restauration dans la gestion des rivières, il est essentiel de considérer la composante historique de ces écosystèmes. Le bassin de la Seine, impacté par l'homme, est un cas pertinent qui a connu l'extinction des poissons diadromes au cours des deux derniers siècles et a récemment assisté à la recolonisation de certaines espèces. Un enjeu clé est de comprendre l'évolution historique de l'accessibilité de l'habitat pour ces espèces migratrices. 

Grâce à la disponibilité unique de sources historiques, principalement manuscrites de plusieurs types (projets d'ingénierie fluviale, cartes de navigation, bases de données papier sur l'oxygène, etc.), nous avons documenté et intégré, dans une base de données associée à un système d'information géographique, les modifications des barrières physiques et chimiques dans la Seine de la mer à Paris pour trois périodes (années 1900, 1970 et 2010). L'impact potentiel de ces changements sur les parcours de trois espèces migratrices qui ont des comportements migratoires différents - le saumon de l'Atlantique, l'alose et la lamproie marine - a été évalué par modélisation de la connectivité écologique, en utilisant une approche au moindre coût qui intègre la distance, les coûts et les risques liés aux obstacles. 

Nous avons constaté que l'accessibilité était contrastée entre les espèces, soulignant le rôle crucial du type de migration, de la période et du niveau de tolérance aux faibles valeurs d'oxygène dissous. La plus grande perturbation de la connectivité écologique était visible dans les années 1970, lorsque les effets de grandes zones hypoxiques étaient aggravés par ceux des déversoirs de navigation infranchissables (c.-à-d. sans passes à poissons). Étant donné que l'approche a révélé la contribution relative des barrières physiques et chimiques à la connectivité fonctionnelle globale, elle peut constituer un travail modèle pour évaluer le fonctionnement des grands écosystèmes fluviaux."

En 1850, les poissons migrateurs remontaient encore jusqu'assez haut dans les bassins de la Cure, de l'Aisne ou de la Marne. Cette carte montre les zones concernées en 1850 (bleu) et celles reconquises en 2018.


Extrait de Le Pichon et al 2020, art cit.

Pour rendre la Seine navigable, rehausser son cours par rapport au lit, des barrages ont été construits à partir du 19e siècle, soit avec des systèmes à aiguilles pour les plus anciens, soit avec des vannes et écluses pour les plus récents. Au total, cela représente environ 25 m de chute aménagée entre Paris et l'estuaire. Il y avait 10 ouvrages en 1900, réduits à 7 par la suite. La plupart de ces ouvrages ont été aménagés avec des passes dès le début du 20e siècle, qui ont été modernisées entre 1991 et 2017. Les premières passes n'étaient pas forcément fonctionnelles par rapport aux capacités des poissons concernés.

Ce schéma indique l'évolution des barrières physique (barrages de navigation et régulation, avec une centrale hydro-électrique) de la Seine entre 1900 et aujourd'hui, ainsi que leurs dispositifs de franchissement, extrait de Le Pichon et al 2020, art cit.



Lors de leur installation au 19e siècle, ces barrières physiques sans système de franchissement pour les poissons ont entraîné un déclin des migrateurs, comme le rappellent les chercheurs : "Au cours de la période 1850–1881, les déversoirs Martot et Amfreville / Poses les plus en aval (hauteur cumulée de 6,8 m sur 20 km seulement) sont connus pour avoir eu un impact majeur en réduisant l'accessibilité d'une grande partie du bassin. La construction des 12 premiers déversoirs de navigation (1846-1869), le retard de la plupart des constructions d'échelles à poisson (1880-1903) et leur faible efficacité ont conduit à l'effondrement des stocks de saumon de l'Atlantique dans les années 1900 et à la disparition de l'alose dans les années 1920".

Mais les barrières physiques ne sont pas tout. La migration demande des eaux de qualité, notamment en terme d'oxygène dissout (DO). Les seuils de 3, 4 et 6 mg/l sont considérés comme critique pour respectivement la lamproie, l'alose et le saumon. Cette mesure a été faite sur la Seine à partir de 1871 par le département chimique de l'Observatoire de Montsouris (22 stations de Paris à Rouen), puis par l'Agence de l'eau à compter de 1964 (41 stations de Paris à Honfleur). Or, suite aux pollutions massives ayant accompagné les 30 glorieuses et notamment les phase d'eutrophisation par phosphates et nitrates non traités, la qualité chimique de la Seine a été lourdement altérée.

Dans les années 1970, une large proportion des tronçons aval de la Seine formait ainsi des barrières chimiques. Cette infographie montre les niveaux à 2 périodes, avec l'exemple (en bas) des blocages du saumon par hypoxie dans les années 1970, extrait de Le Pichon et al 2020, art cit.



Les chercheurs rappellent cette période : "La perturbation cumulative de la connectivité écologique la plus élevée a été observée dans les années 1970 en raison du boom de l'après-guerre avec une période de forte industrialisation. La barrière chimique à longue distance dans l'estuaire de la Seine (et bien d'autres le long de la rivière) a concouru à la rénovation et à l'élévation des barrages sans passes à poissons, expliquant ainsi ce résultat. Le très faible niveau d'OD dans l'estuaire de la Seine était principalement lié aux apports de son bassin versant amont. Dans les années 1970, plus de la moitié des eaux usées produites par Paris étaient rejetées dans la Seine sans traitement. Des affluents comme l'Oise ne jouent plus le rôle de réoxygénation de la Seine. La modification de la qualité de l'eau était telle que l'extinction des espèces était considérée comme irréversible et l'idée de maintenir et de reconstruire les passes à poissons était abandonnée."

La continuité physique et chimique s'est aujourd'hui améliorée pour les saumons, aloses et lamproies. Comme l'observent Céline Le Pichon et ses collègues : "Dans les années 2010, des conditions d'oxygénation favorables ont été observées pour les trois espèces, et toutes les périodes de migration parallèlement à la construction d'une nouvelle génération de passes à poissons efficaces. Nos résultats confirment la tendance récente à l'absence de nouvelles périodes anoxiques longues dans la Seine et son estuaire depuis 2007 [61], conséquence des progrès réalisés dans les années 1990 en matière de traitement des eaux usées suite à la loi sur l'eau (1964). Dans le même temps, la loi sur la pêche de 1984 a relancé la construction de passages à poissons. Les «contrats de retour aux sources», qui proposaient les premiers plans de gestion des poissons migrateurs, ont été mis en place, et plusieurs associations de poissons migrateurs dans les bassins fluviaux français ont été créées. Dans ce contexte, une étude a défini la stratégie de retour du saumon atlantique sur la Seine au début des années 1990 [74], et le premier passage à poissons de Poses a été construit en 1991. La DCE de l'Union européenne et le Plan national pour la continuité écologique (2010) vient conforter ce tournant, et le renouvellement de la construction des passes à poissons s'est déployé lors de la récente rénovation des barrages de navigation. L'amélioration récente de l'accessibilité des voies de migration a très récemment conduit à la recolonisation spontanée de la Seine par des individus d'espèces de poissons migrateurs."

Les chercheurs concluent à la nécessité de développer des modèles historiques des bassins versants, dans lesquels la question climatique devra être prise en compte: "Un enjeu important pour la gestion durable des bassins fluviaux en Europe est d'intégrer les futurs scénarios de changement global. Le changement climatique aura des effets importants sur le bassin de la Seine, notamment en modifiant son régime d'écoulement. Cela affectera à son tour la future connectivité écologique des espèces qui recolonisent maintenant le bassin de la Seine. Par conséquent, la modélisation de ces effets est importante pour guider les futures actions de gestion. Les projections de la répartition des espèces en Europe et les scénarios d'évolution de la température dans le bassin de la Seine suggèrent la dimension favorable potentielle du bassin pour les aloses mais décroissante pour les salmonidés. Dans ce contexte, la priorisation des efforts de restauration de la connectivité écologique pourrait également consister à privilégier les affluents plus frais et les parties amont de la Seine, de l'Oise et de la Marne."

Discussion
Ce travail de recherche confirme les observations faites par de nombreux riverains âgés que nous avons interrogés, et qui situent tous le tournant de dégradation des eaux vers les années 1960-1970, sans lien particulier à des ouvrages en rivière (en tête de bassin), mais en lien direct avec les 30 glorieuses, les changements agricoles (mécanisation, engrais, début des pesticides), la consommation et la production de masse de nombreux produits incluant des composés de synthèse (voir les travaux sur la "grande accélération" de l'Anthropocène). Des travaux précurseurs menés vers cette même époque par des hydrobiologistes de tête de bassin versant, comme Jean Verneaux en Franche Comté, avaient aussi pointé en direction des dégradations chimiques pour expliquer la chute des taxons polluo-sensibles de poissons et d'insectes, même non migrateurs. Le rôle majeur des pollutions apparaît encore dans les analyses récentes d'hydro-écologie quantitative, qui placent les polluants et les usages des bassins versants en tête des facteurs explicatifs de baisse de qualité biologique des eaux (voir cette synthèse)

La position défendue par les associations de riverains sur ce sujet est donc confortée :

  • traiter en priorité les pollutions chimiques et physico-chimiques afin d'avoir des eaux et des sédiments de qualité (mais aussi de respecter nos obligations européennes),
  • assurer la ressource quantitative en eau, qui va être sous pression du climat, des usages et de la démographie des bassins versants,
  • traiter les ouvrages hydrauliques au cas par cas, sur des rivières à espèces migratrices avérées à l'aval et avec zone amont propices à la reproduction, en choisissant des solutions "douces" et efficaces de franchissement, 
  • mener cette politique de manière raisonnable et ciblée, car les poissons migrateurs sont loin de résumer toute la biodiversité aquatique, ne pourront probablement pas retrouver toute leur expansion passée et ne doivent pas absorber des fonds publics disproportionnés alors que l'écologie de la conservation a de nombreux autres enjeux.

Référence : Le Pichon C et al (2020 ), Historical changes in the ecological connectivity of the Seine river for fish: A Focus on physical and chemical barriers since the Mid-19th Century, Water, 12, 1352

06/03/2020

Bilan très mitigé de 40 ans de politique publique pour les poissons migrateurs (Legrand et al 2020)

Une publication vient de faire la synthèse du comptage des poissons migrateurs sur plus de 30 ans (1983-2017) et 43 points de mesure en France. Il en résulte un bilan très mitigé : une majorité de stations n'ont aucune tendance significative, plusieurs espèces sont en déclin comme les aloses ou les lamproies marines, d'autres comme les saumons atlantique n'ont pas de gain global malgré de lourds investissements publics et privés depuis les premiers plans des années 1970. Anguilles et truites s'en sortent un peu mieux en moyenne, mais sur certains bassins seulement. Aucune association significative n'est trouvée avec la continuité écologique, l'alevinage de soutien d'effectif ou la pêche commerciale. Cette politique des poissons migrateurs, manquant à démontrer ses résultats, est par ailleurs devenue conflictuelle depuis que ses tenants ont engagé dans les années 2000 une vaste campagne de destruction par contrainte des moulins, étangs, barrages. Il est temps de demander aux parlementaires un audit de ces choix publics et de redéfinir les priorités. Les poissons migrateurs ne sont qu'un enjeu parmi bien d'autres pour l'avenir de l'eau, de ses usages et de ses milieux en France. Et les perceptions des années 2020 ne sont plus forcément celles qui avaient prévalu au 20e siècle, quand les migrateurs sont venus au centre de l'attention en biodiversité.  Une logique de conservation de ces migrateurs ciblée sur des bassins à bon potentiel paraît préférable à la dépense diffuse observée depuis 15 ans. 

Dix-huit auteurs travaillant pour des fédérations de pêche, des associations migrateurs (LOGRAMI, MIGRADOUR, MIGADO, NGM, BGM, ASR) et des institutions (AFB-Office de la biodiversité, INRA, plusieurs EPTB) viennent de publier une synthèse sur les tendances 1983-2017 dans 43 stations de comptage des poissons migrateurs en France.

Voici le résumé de leurs travaux :

Tendances contrastées entre les espèces et les bassins versants dans les comptages de poissons amphihalins au cours des 30 dernières années en France. Le déclin et l’effondrement des populations ont été signalés pour un large éventail de taxons. Les poissons amphihalins migrent entre les eaux douces et la mer, et subissent de nombreuses pressions anthropiques au cours de leur cycle de vie complexe. En dépit de leur intérêt écologique, culturel et économique, les poissons amphihalins sont en déclin depuis des décennies dans de nombreuses régions du monde. Dans cette étude, nous avons étudié l’évolution des comptages de cinq taxons amphihalins en France sur une période de 30 ans en utilisant les données de 43 stations de comptage situées dans 29 rivières et 18 bassins versants. Notre hypothèse est que les comptages de ces espèces ont évolué de manière contrastée entre les bassins versants. Nous avons également testé l’effet de cinq facteurs susceptibles de contribuer aux tendances observées : le bassin versant, la latitude, la présence de pêcheries commerciales, l’amélioration de la continuité écologique et la présence d’un programme de déversement pour le saumon. Nous avons trouvé des tendances contrastées dans les comptages de poissons entre les espèces à l’échelle nationale, certains taxons étant en augmentation (Anguilla anguilla et Salmo trutta), certains ne montrant qu’une légère augmentation (Salmo salar) et d’autres étant en déclin (Alosa spp. et Petromyzon marinus). Pour chaque taxon, à l’exception d’Anguilla anguilla, nous avons mis en évidence un effet bassin versant important indiquant des tendances contrastées entre les bassins ou les stations de comptage. Cependant, nous n’avons trouvé aucun effet significatif des caractéristiques du bassin versant pour aucun des taxons étudiés.

Les 43 stations de comptage :



Cliquer pour agrandir, extrait de Legrand et al 2020, art cit.

Les schémas ci-après montrent les tendances des 5 espèces (saumon Salmo salar, truite Salmo trutta, anguille Anguilla anguilla, alose Alosa spp, lamproie marine  Petromyzon marinus). A noter : les barres indiquent les intervalles de confiance à 95%, seuls les relevés dont les barres à IC 95% ne croisent pas la tendance nulle sont réellement significatifs. En souligné losange gris, un effet bassin versant. En losange noir, taille d'effet moyen.


Cliquer pour agrandir, extrait de Legrand et al 2020, art cit.


Pour les tendances globales, les auteurs notent: "Alosa spp. [les aloses] était le taxon dont les comptages ont le plus changé au cours de la période. Ce taxon a montré une nette tendance à la baisse en France (c'est-à-dire une variation en pourcentage dans le temps entre les première et dernière cinq années de suivi de 96,4%). Les dénombrements annuels de Petromyzon marinus [lamproie marine] ont également diminué au fil du temps, mais dans une moindre mesure que pour Alosa spp. (c'est-à-dire un pourcentage de variation dans le temps de 80,3%). Salmo salar [saumon atlantique] a montré des fluctuations des dénombrements entre les années mais aucune tendance claire sur la période étudiée en France (soit un pourcentage de variation dans le temps de 9,2%). Enfin, les dénombrements d'Anguilla anguilla [anguille] et de Salmo trutta [truite] ont augmenté (c'est-à-dire un pourcentage de variation dans le temps de 55,4% et 72%, respectivement), surtout après 2005."

Au niveau des bassins versants :
  • 53% des bassins à lamproies ont une tendance significative (42% à la baisse)
  • 35% des bassins à anguilles ont une tendance significative (22% à la baisse, 13% à la hausse)
  • 33% des bassins à lamproies marines ont une tendance significative (moitié en baisse, moitié en hausse)
  • 35% des bassins à saumons ont une tendance significative (20% en hausse, 14% en baisse)
  • 41% des bassins à truite ont une tendance significative (22% en hausse, 19% en baisse)

Discussion
Les auteurs affirment que leur hypothèse de travail était celle d'une évolution contrastée, en raison de la diversité des bassins versants et de la dépendance au bassin de certaines montaisons des poissons migrateurs diadromes (le fait que des espèces ont un retour ciblé sur des lieux de ponte ou de grossissement, le homing, et non une expansion opportuniste dans le réseau hydrographique). Ce n'est pas l'hypothèse que nous aurions retenue.

En effet, les premiers plans saumons et migrateurs datent des années 1970 en France. En 1984, la loi sur la pêche a créé les rivières "échelles à poissons" classées au titre du franchissement des migrateurs, dispositif qui sera repris et renforcé par la loi sur l'eau de 2006 (continuité écologique). Les fédérations de pêche, puis dans les années 1990 les associations de gestion des migrateurs agréées en PLAGEPOMI et COGEPOMI ont reçu des aides publiques constantes pour travailler sur cette question.  Tout au long de cette période, et singulièrement au cours des 15 dernières années, des opérations de destructions de seuils et barrages en rivière ont été menées, ainsi que d'équipement systématique de passes à poissons et de protection de dévalaison. Des campagnes de capture et transport ont été organisées, ainsi que des élevages piscicoles et alevinages. L'investissement public et privé dépasse sans doute le milliard d'euros en 40 ans, pour un sujet très ciblé qui est bien loin d'épuiser l'ensemble des enjeux de l'eau et de l'écologie aquatique.

Face à cet effort massif, qui a été mené sur tous les bassins suivis dans ce travail (Adour-Nives, Garonne-Dordogne, Loire-Allier, côtier normand, Rhin), l'hypothèse logiquement retenue aurait donc dû être d'en observer un effet notable : on ne mène pas 40 ans de politique publique sur un sujet spécialisé sans avoir la conviction de bien comprendre les causes des problèmes et d'être en mesure de leur apporter les bonnes solutions. Manifestement, ce n'est pas le cas. Les liens avec la restauration de continuité écologique et avec le soutien par alevinage ne peuvent être clairement établis à date, pas plus que les pêches commerciales et la latitude (ces deux derniers signalant un effet dans la phase océanique des migrateurs, ainsi que du réchauffement). Les auteurs préviennent que "cette découverte inattendue ne reflète pas nécessairement un manque d'effet de ces facteurs mais plutôt un manque de données précises". Ce point n'est évidemment pas satisfaisant, car une politique rigoureuse de suivi des poissons migrateurs aurait dû intégrer la collecte et la bancarisation du suivi de tous les paramètres pertinents. On ne peut s'entendre dire en 2020 que l'on ne dispose pas des données sur les effacements d'ouvrage, sur les alevinages ou sur les captures accidentelles de pêche, alors que l'on paie précisément des choix publics sur ce sujet (par exemple plusieurs dizaines à centaines de millions € par an dans les programmes des agences de l'eau). Cela confirme plutôt l'observation faite ailleurs: on a généralisé des politiques publiques de biodiversité avant de faire des bilans scientifiques rigoureux sur des bassins témoins. 

La tendance usuelle des politiques publiques ayant des résultats mitigés est de dire "nous manquons de moyens pour aller encore plus loin". Ce n'est pas satisfaisant de raisonner ainsi : les moyens sont toujours limités, les priorités sont nécessaires.

Les choix de restauration des rivières en vue de les optimiser pour le retour des poissons migrateurs ont engagé des coûts économiques, mais aussi des options très contestées socialement, en particulier la destruction du patrimoine hydraulique ancien et des paysages aménagés de la rivière. Les effets secondaires indésirables n'en sont pas correctement mesurés, car la rivière modifiée par l'humain depuis des siècles a désormais d'autres peuplements faune-flore et d'autres régimes hydriques que ceux prévalant à l'époque où les migrateurs y étaient nombreux. En la matière, il ne faut pas seulement vérifier ce que l'on gagne, mais aussi compter ce que l'on perd (en eau et milieu d'eau des retenues et des biefs, en biomasse et biodiversité d'espèces acquises au fil du temps, en effet indirect sur le reste des équilibres trophiques locaux, au-delà des poissons). L'objectif ne peut manifestement pas être de détruire tous les seuils et barrages, comme certains paraissent l'avoir conçu dans les années 2000, surtout pas si 40 ans d'investissements donnent un bilan mitigé.

La question se pose aussi des facteurs négligés. La pollution chimique, qui a très fortement crû après 1945, a un effet mal estimé dans les fleuves et estuaires. Le changement climatique est lui aussi mal évalué, tant dans la phase océanique que dans la phase continentale du cycle de vie des migrateurs. Les usages de sols ne sont pas à négliger non plus, puisque les frayères des migrateurs dépendent aussi de la qualité des substrats, elle-même en lien à l'érosion et aux débits. Idem pour l'usage quantitatif de la ressource, en lien à la démographie et à l'économie. Qu'en sera-il de tous ces facteurs en 2050? En 2100? Devons-nous continuer à financer des politiques dédiées à quelques espèces de poissons si leur probabilité de retour massif est faible? Faut-il concentrer l'effort sur quelques rivières ciblées servant de réservoirs biologiques (ce qui nous paraît logque) au lieu de l'actuelle intervention diffuse, y compris dans des têtes de bassin où les migrateurs sont loin de revenir?

Ces questions attendent des réponses. Nous invitons les riverains à les poser aussi aux parlementaires, en leur présentant ces résultats, car les choix de dépense d'argent public en écologie intéressent tous les citoyens. Les besoins de l'eau sont très nombreux, les fonds sont rares.

Référence : Legrand M et al (2020), Contrasting trends between species and catchments in diadromous fish counts over the last 30 years in France, Knowl. Manag. Aquat. Ecosyst., 421, 7

A lire sur ce thème
Le silure, le saumon et la passe à poissons (Boulêtreau et al 2018) 
Quand les saumons franchissent un seuil de moulin... en évitant les passes à poissons! (Newton et al 2017) 
Les moulins auraient-ils fait disparaître 90% des saumons du Paléo-Rhin? (Lenders et al 2016) 
Circulation des saumons, deux siècles d'aménagements problématiques sur l'Aulne (Le Calvez 2015)
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Les poissons se plaisent dans les rivières de contournement (Tamario et al 2018) 
Faible effet relatif des barrages sur les poissons: nouvelle confirmation scientifique (Cooper et al 2016)
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03/03/2020

Les attitudes intégristes contre les barrages et moulins, un "verrou majeur à faire sauter" pour une continuité écologique apaisée

L'Etat soutient officiellement une "continuité écologique apaisée" après 10 ans de contentieux et conflits au bord des rivières face à des pelleteuses détruisant le patrimoine de l'eau, ses usages et ses milieux. Mais nous constatons que certaines administrations et certaines associations à agrément public tiennent un tout autre langage dans les médias, ou sur le terrain. En témoigne un récent reportage de la Nouvelle République sur le bassin de la Loire. Avec l'échec de 45 ans de politique sur les poissons grands migrateurs, des centaines de millions à milliards € d'argent public dépensés en un demi-siècle sur ce sujet très spécialisé, des ouvrages hydrauliques détruits partout au grand dam des riverains, des autres enjeux écologiques négligés au profit de dépenses centrées sur des intérêts halieutiques, des causes majeures de pollution jamais efficacement traitées et une lutte contre le réchauffement en berne, ces acteurs publics de l'eau ne sont plus en position de poser aujourd'hui en donneurs de leçon et en procureurs des usages légitimes de la rivière. Il n'y aura pas de continuité apaisée si le dogmatisme et l'intégrisme anti-ouvrages persistent dans la parole publique en France. 



Voici ce que dit le journal la Nouvelle République dans son édition du 1er mars

"Le rétablissement de la continuité écologique est pour Aurore Baisez et Pierre Steinbach plus que jamais d’actualité, même si cette politique d’effacement des ouvrages d’art sur les rivières fait souvent grincer des dents localement. «D’un côté, les seuils, barrages et retenues contribuent aux phénomènes d’évaporation, d’augmentation de la température de l’eau et de réduction des débits, note Pierre Steinbach, de l’autre, ces ouvrages constituent autant d’obstacles dangereux, parfois infranchissables pour les migrateurs.» Les spécialistes rappellent que l’effacement de certains ouvrages d’art par le passé – le barrage du lac de Loire à Blois en 2009, celui de Maison-Rouge dans la Vienne – a démontré son efficacité sur les populations de poissons migrateurs. «Il y a près de 13.000 obstacles sur l’ensemble du bassin de la Loire, pointe Aurore Baisez, leur accumulation le long de la route de migration crée des retards qui compromettent les chances de reproduction.» Parmi ces obstacles, certains sont identifiés comme des verrous majeurs à faire sauter : démantèlement, brèche, gestion des ouvertures, plusieurs solutions existent «et la passe à poissons est la moins bonne de toutes !» prévient Aurore Baisez. Elle est pourtant souvent choisie, même si ce n’est pas la moins onéreuse…"

Aurore Baisez est directrice de Logrami, Loire grands migrateurs, une structure des fédérations de pêche reconnue publiquement par le décret du 16 février 1994 sur la gestion des poissons amphihalins. Pierre Steinbach est agent de l’Office français de la biodiversité, qui a pris la place des anciens AFB (créé en 2016), Onema (créé en 2006) et Conseil supérieur de la pêche (créé en 1948). Ces acteurs représentent donc une parole publique sur l'eau. Une parole que, hélas, on entend un peu partout à l'identique.

Nous contestons la présentation qui est faite des ouvrages hydrauliques:

  • il est trompeur de parler des seuils (chaussées de moulin) et des barrages comme s'ils représentaient une seule réalité, les témoignages historiques montrent par exemple que le saumon remontait jusqu'en tête de bassin de Loire à l'époque des moulins et étangs fondés en titre
  • il est faux d'affirmer en toute généralité qu'une retenue évapore davantage que le même tronçon naturel et qu'elle présente un moins bon bilan hydrique annuel, le contraire a déjà été mesuré (voir Al Domany 2017, Al Domany et al 2020),
  • certaines rivières du bassin de Loire (et d'ailleurs) où la destruction de barrages, seuils, digues a été opérée sans discernement depuis 10 ans sont devenues en été des cloaques réchauffés, pollués, sans lame d'eau et colonisés par des invasives (voir par exemple le Vicoin, le Thouet),
  • le bilan ichtyologique de 30 ans de politique des grands migrateurs vient d'être tiré dans une publication (Legrand et al 2020), ce bilan n'est pas spécialement bon (nous y reviendrons en détail dans un prochain article), les auteurs du bilan admettent eux-mêmes qu'ils ne trouvent pas de lien significatif avec la continuité écologique, 
  • malgré les millions à milliards € de dépenses publiques depuis les premiers plans saumon des années 1970 et la loi pêche de 1984 (puis la loi de 1992, la loi de 2006), les migrateurs ne sont pas de retour sur de nombreuses rivières, voire continuent de décliner, tandis que l'argent dépensé sur cette seule question très liée au loisir pêche est un argent qui ne profite pas aux autres enjeux de l'écologie des milieux aquatiques et humides,
  • sur l'axe Loire-Allier en particulier, l'un des plus travaillés par ces politiques de restauration, le bilan des plans saumon entre 1976 et aujourd'hui (44 ans d'action) est mauvais, les taux de retour du saumon ont baissé et n'ont jamais retrouvé ceux des années 1970, l'introduction de saumon d'élevage par la pisciculture de Chanteuges soutient les effectifs mais modifie la souche sauvage.


Effectif saumon à Vichy (Allier) entre les années 1970 et les années 2010.



Effectif saumon à Vichy (Allier) entre 1997 et 2019 (source des données : ©Logrami)


En dehors des propos sur les ouvrages, ces deux acteurs rappellent selon le même journal d'autres réalités:

  • une eau qui se réchauffe et qui a atteint 32,7° en été 2019 dans le chenal d’Orléans,
  • une baisse de l'alose récente (années 2000) qui ne peut pas être causalement liée à des ouvrages présents depuis 100 à 500 ans (mais l'Onema déjà avait pris l'habitude d'accuser à tort et à travers les barrages), tout comme d'ailleurs la chute des anguilles datant des années 1970-1980, donc sans lien aux moulins et étangs anciens,
  • une mortalité mal estimée due à la pêche professionnelle en Loire,
  • une variation des cycles océaniques des poissons amphihalins dont les causes ne sont pas encore bien élucidées, ni même l'ampleur connue.

Entre le peu d'effet des millions d'euros consacrés à détruire les ouvrages, les variations démographiques récentes des poissons qui sont de toute évidence sans lien direct à des ouvrages présents à l'époque où ces poissons abondaient encore, les menaces majeures qui pèsent sur les milieux aquatiques (la pollution n'est pas citée), comment peut-on persister dans de mauvais choix publics?

Par ailleurs, la continuité écologique pose problème en France car un certain nombre d'acteurs publics ayant l'écoute préférentielle des pouvoirs publics considèrent que le comptage de poissons migrateurs est l'alpha et l'omega de la rivière. Ou bien que revenir à un style "sauvage" de cette rivière est le seul enjeu valable, le seul horizon possible. Ou bien que détruire des ouvrages est un but de la loi française, ce qui est un mensonge maintes fois répété mais maintes fois dénoncé par les parlementaires eux-mêmes, excédés de la destruction sans fondement législatif du patrimoine du pays.

Cette dérive doit cesser.

Une rivière est un phénomène complexe, historique, social, paysager, économique, énergétique, ludique et pas seulement un fait naturel que l'on pourrait et devrait réduire à cette dimension naturelle. Une rivière est aussi ce que ses riverains font et veulent pour elle — les riverains, pas juste des experts qui diraient le vrai et le bon au nom de toute la société.  Nous devons sortir d'un intégrisme et d'un dogmatisme anti-ouvrage qui ont produit toutes les divisions que l'on déplore depuis 10 ans: il n'y aura aucune "continuité apaisée" si des représentants de l'Etat ou d'associations ayant le soutien de l'Etat ne cessent pas la diabolisation des ouvrages humains des rivières, ne reconnaissent pas le caractère historiquement modifié et socialement construit de ces rivières, n'engagent pas un dialogue ouvert entre l'écologie des poissons migrateurs et d'autres savoirs, d'autres usages, d'autres attentes.

20/07/2019

Malgré des milliards d'euros dépensés chaque année, pas d'amélioration dans la liste rouge des poissons menacés en France

Neuf ans après un premier état des lieux, la mise à jour de la Liste rouge des espèces menacées montre une situation toujours préoccupante pour les poissons d’eau douce dans l’Hexagone: sur les 80 espèces du territoire, 15 y apparaissent comme menacées de disparition si les tendances continuent. Le bilan s’aggrave même : 39 % des espèces sont désormais "menacées" ou "quasi menacées" contre 30 % en 2010. Ces observations posent question, à l'heure où la France dépense chaque année plus de 2 milliards € d'argent public pour l'amélioration de l'eau et des milieux. La situation des poissons migrateurs s'est aggravée pour certains d'entre eux, malgré les sommes considérables mobilisées pour la continuité en long. Ce qui devrait conduire à un audit des politiques publiques de l'eau: en écologie comme ailleurs, il convient de comprendre les conditions d'efficacité des dépenses, de réalisme des objectifs et de ciblage des actions. Outre la liste rouge UICN, l'état écologique et chimique au sens de la directive européenne DCE 2000 reste lui aussi dégradé dans plus de la moitié des masses d'eau. 

Précision liminaire : nous avons demandé aux services de l'UICN et du MNHN l'accès à des données de synthèse par espèces et bassins, mais celles-ci ne sont pas disponibles. Nous le regrettons, il est souhaitable que de telles données d'écologie soient plus facilement accessibles et consultables par les citoyens.

Le tableau ci-dessous montre les espèces considérées comme les plus vulnérables (catégorie VU vulnérable, EN en danger, CR en danger critique). On observe que les tendances sont stables ou à la baisse, notamment pour les poissons migrateurs.

(cliquer pour agrandir)

Ce second tableau précise les tendances significatives 2010-2019 en amélioration (un cas) ou en dégradation (3 cas) :

(cliquer pour agrandir)

On observe 2 migrateurs amphihalins dans les dégradations (grande alose, lamproie marine).

Au cours des quinze dernières années, les agences de l'eau ont dépensé de l'ordre de 2 milliards € par an. Environ 10 à 20% de ces dépenses (selon les bassins et les années) sont dédiées à la morphologie des cours d'eau et bassin, notamment la restauration d'habitats. L'insistance sur la morphologie s'est développée à partir du début des années 2000, après adoption de la directive cadre européenne sur l'eau. Le Plan d'action pour la restauration de continuité écologique (PARCE 2009) et le classement des rivières au titre de la continuité écologique (2011-2012) ont notamment entraîné une redirection importante des moyens financiers vers la question de la continuité en long, avec de nombreuses destructions d'ouvrages ou constructions de dispositif de franchissement.

L'hypothèse selon laquelle une perte d'habitats est la meilleure explication de déclin d'une espèce doit conduire à observer la hausse de la population de cette espèce quand l'habitat est restauré ou rendu accessible.

Pour l'instant, l'effort réalisé par les agences de l'eau sur le volet morphologique et notamment la continuité en long ne se traduit pas par de tels résultats, alors que le temps de génération des poissons (annuel ou quelques années pour les migrateurs) aurait pu permettre des évolutions déjà observables sur deux décennies de restauration physique. Plusieurs hypothèses :
  • les données IUCN et MNHN ne sont pas complètes,
  • les choix des agences de l'eau ne sont pas efficaces,
  • le temps de réponse des populations est long, 
  • la restauration / dépollution locale est sans effet majeur tant que le bassin reste dégradé de la source à l'estuaire.
On ne peut pas trancher entre ces hypothèses, notamment par manque de données (parfois par manque de convergence des modèles traitant les données). La recherche scientifique en écologie a déjà de nombreuses fois alerté sur le fait que les restaurations des milieux ont des résultats ambivalents, et qu'elles produisent rarement un retour à l'état antérieur (voir cette synthèse ; voir les références en fin d'article).

Parmi les facteurs autres que la morphologie / l'habitat pouvant expliquer les variations de poissons, on connaît notamment :
  • les pollutions eaux et sédiments, dont eutrophisation,
  • les toxiques (repro-, géno-, neuro-) affectant les organismes,
  • l'excès de prélèvement de l'eau,
  • la surpêche et le braconnage,
  • le changement climatique (températures extrêmes, assecs, crues),
  • le cycle océanique des espèces migratrices (en partie lié au climat),
  • l'apparition d'espèces invasives et/ou concurrentes,
  • le développement d'espèces protégées mais prédatrices (loutre, cormoran etc.),
  • les variations stochastiques (aléatoires).
Hélas, comme nous l'avions fait observer, il existe pour le moment assez peu de données d'entrée sur les variations historiques de long terme (fourchette de variabilité naturelle et forcée des populations de poisson) comme sur le suivi de l'intégralité des impacts (permettant de hiérarchiser ces impacts, éventuellement de confirmer ou infirmer certaines hypothèses).

Aussi devrait-on se garder – comme le font parfois l'IUCN, MHNN et l'AFB dans leur communiqué – d'avancer telle ou telle causalité. En particulier, alors que l'on dépense des centaines de millions € par an pour détruire des ouvrages, construire des passes à poissons, récréer des habitats et frayères sans résultat significatif observable (du point de vue des mesures de la Liste rouge), une certaine prudence s'impose sur des assertions trop généralistes.

Source : UICN-MHN-AFB (2019), La Liste rouge des espèces menacées en France. Poissons d’eau douce de France métropolitaine (pdf)

A lire en complément

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L'alose, l'Onema-AFB et le bassin Dordogne-Garonne
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