Dans une question écrite adressée à la ministre de la transition écologique, la sénatrice Nadia Sollogoub alerte sur les fondements scientifiques fragiles de la politique de continuité écologique. S’appuyant sur une expertise coordonnée par l’INRAE et l’OFB, elle souligne les nombreuses incertitudes entourant les effets réels des effacements d’ouvrages. Face aux échecs mal documentés, aux contestations riveraines et à l'absence de cadre expérimental rigoureux, elle plaide pour une révision en profondeur des méthodes et des normes, avant toute généralisation des interventions. Une prudence salutaire que la ministre de la transition écologique serait avisée de respecter...
Dans une question écrite adressée à la ministre de la transition écologique le 15 mai 2025, la sénatrice de la Nièvre Nadia Sollogoub alerte sur les lacunes scientifiques entourant les opérations de restauration de la continuité écologique des cours d’eau. Elle s’appuie sur une synthèse récente du Réseau des zones ateliers françaises, coordonnée par l’INRAE et soutenue par l’OFB, qui souligne les incertitudes persistantes quant aux effets réels de la fragmentation des cours d’eau et à l’efficacité des opérations de restauration. Nous avions recensé cette publication de Maria Alp et al 2024.
Nous remercions la sénatrice de sa vigilance pour tous les sujets liés à l'eau, et en particulier à la gestion des ouvrages hydrauliques. Hélas, la politique de continuité écologique a été adoptée sur la base fragile des vues particulières d'une fraction de l'administration, de la recherche, des ONG et de certains usagers (pêcheurs de salmonidés). Elle a pourtant donné lieu à un classement massif des cours d'eau et à des campagnes systématiques de destruction d'ouvrages anciens, sans l'élémentaire prudence de faire des tests plus limités et d'analyser les résultats. Nous payons le prix de cette manière délétère de construire des politiques publiques.
La prochaine loi sur l'eau en France comme la révision de la directive cadre sur l'eau en Europe doivent être impérativement les occasions de revoir les normes et procédures en tenant compte des échecs, des lacunes et des incertitudes. Les politiques environnementales, comme toutes les autres, doivent intégrer les retours d'expérience et s'amender quand elles ne donnent pas satisfaction.
Texte de la question :
"Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la nécessité d'encadrer scientifiquement les opérations de restauration de la continuité écologique des cours d'eau.En fin d'année 2024, un groupe d'experts du Réseau des zones ateliers françaises coordonné par l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRAE) et soutenu par l'Office français de la biodiversité (OFB) a fait le point de l'état des connaissances scientifiques relatives à la restauration de la continuité écologique des cours d'eau. Le constat est clair. Le poids relatif de l'interruption de la continuité, par rapport aux autres pressions anthropiques qui pèsent sur les hydrosystèmes, reste difficile à quantifier. Une estimation des effets de la fragmentation (interruption anthropique de la continuité dans sa dimension longitudinale) reste complexe à réaliser pour de nombreuses variables biologiques. Cette synthèse fait le constat que la restauration de la continuité écologique des cours d'eau est soumise à des sources d'incertitudes techniques, scientifiques et sociales. Il est indispensable que se développent des études scientifiques qui croisent les perspectives biophysiques et socio-économiques. Parallèlement, la communauté scientifique doit pouvoir mieux documenter les échecs de restauration de la continuité écologique. Par ailleurs, il est indiqué que l'équivalence écologique de nouveaux milieux et fonctionnements semi-naturels, voire complétement artificiels par rapport aux milieux naturels ainsi que la valeur patrimoniale de la biodiversité qu'ils abritent, n'est pas tranchée. Enfin, les études scientifiques soulignent l'importance de collecter des données de suivi sur plusieurs années, avant et après les opérations. En conclusion, la production de ce groupe d'experts met indirectement en exergue une insuffisance d'évaluation scientifique. Face à un tel constat, elle lui demande si le Gouvernement envisage, désormais, que toute opération de restauration de la continuité écologique d'un cours d'eau ne se conduise que dans un cadre expérimental soumis à un encadrement et une évaluation scientifique pluridisciplinaire de longue haleine."
Référence : Sénat 2025, Question écrite n°04649, Restauration de la continuité écologique des cours d'eau et exigence d'une approche scientifique experte et globale
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