01/08/2016

Suivi d’un effacement d’ouvrage sur le Bocq: quel bilan après quelques années? (Castelain et al 2016)

Une équipe universitaire a fait le bilan de l’effacement d’un ouvrage sur un affluent de la Meuse. Au bout de quelques années, on voit que la biodiversité totale des poissons et invertébrés a plutôt régressé sur le site. Certes et sans surprise, les espèces d’eaux courantes ont été favorisées par la suppression de la retenue et de son habitat lentique. Mais ces gains minuscules et spécialisés, s’ils intéressent éventuellement le naturaliste, relèvent-il d’un intérêt général des citoyens justifiant la dépense publique? Nous avons le droit de savoir pour quels objectifs précis on casse les ouvrages hydrauliques, de décider si l'éventuel gain est justifié au regard des autres enjeux de la rivière et, dans l’affirmative, de vérifier si ce gain est réellement atteint après chaque chantier. Les pratiques actuelles d'effacement d'ouvrages à la chaîne sans diagnostic biologique complet ni programmation de suivi doivent cesser.

On se plaint régulièrement de l’absence de suivi sérieux des opérations des restauration morphologique, en particulier sur le dossier conflictuel de la continuité longitudinale, où certains choix radicaux comme l’effacement des ouvrages hydrauliques sont supposés être justifiés par des gains substantiels pour les milieux aquatiques. Ces promesses restent abstraites et théoriques tant qu'on ne mesure pas ces gains pour les présenter aux citoyens finançant les travaux.

Dans le cadre du programme européen Life Environnement Walphy, une équipe des universités de Namur et de Liège, ainsi que de la Direction des cours d’eau non navigables de Belgique, a dressé un bilan des aménagements réalisés sur le Bocq, affluent rive droite de la Meuse (bassin versant de 237 km2). Sur cette rivière ont été réalisés 7 effacements d’ouvrage (arasements), 6 bras de contournement, 3 pré-barrages, 2 rampes rugueuses, 1 passe à poissons, 3 scénarii mixtes combinant 2 dispositifs techniques sur un même site. Par ailleurs, des linéaires rectifiés de la rivière ont été reméandrés.

Les auteurs étudient un effacement (déversoir de Spontin d’une hauteur de 1,2 m) et un reméandrement (site d’Emptinale). Nous nous concentrons ici sur l’effacement, et plus particulièrement sur son bilan biologique. Les auteurs font aussi un bilan morphologique du passage des habitats lentiques à lotiques, mais ce point n’appelle pas de commentaires particuliers (en dernier ressort, la diversité morphologique n’est pas recherchée en soi, mais comme un facteur pertinent de variation de la diversité biologique). On se contentera d'observer que la remobilisation sédimentaire (11 galets marqués sur 50) n'a pas tenu toutes ses promesses sur le site de l'ouvrage effacé.

Venons-en donc aux indices biologiques, ici les insectes (avec calcul IBGN) et les poissons (avec calcul IBIP, indice de qualité piscicoles équivalent à l'IPR en France).

Extrait de Castelain et al 2016, art cit, droit de courte citation.

Le schéma ci-dessus montre le bilan 2009/2012 sur le site de Spontin (la Senenne en tronçon de référence) pour les invertébrés. On observe que :
  • la richesse taxonomique (biodiversité alpha) baisse de 40 à 33 taxons à l’amont et de 32 à 28 taxons à l’aval,
  • l’IBGN aval se dégrade de 15 à 13, l’IBGN amont s’améliore (de 15 à 16), dans ce dernier cas grâce à l’apparition des Trichoptères (Hyperrhyacophila et Hydropsyche) et des Ephéméroptères (Ephemerella, Torleya et Baetis),
  • l’équitabilité suite la même tendance (hausse amont et baisse aval),
  • l’indice de qualité l’eau ln augmente mais l’indice de qualité de l’habitat lv se dégrade,
  • le cours d'eau de référence (Senenne) suggère que ces variations ne sont pas très significatives (évolutions d'amplitude comparable de certains indices entre deux relevés, malgré l'absence d'intervention).
Au final, le bilan ne paraît manifestement pas exceptionnel, avec une biodiversité globale des invertébrés sur la station qui a baissé, un site qui a gagné en qualité et un autre qui a perdu.

Extrait de Castelain et al 2016, art cit, droit de courte citation.

Le schéma ci-dessus montre le bilan piscicole du site du Spontin amont, c’est-à-dire l’ancienne retenue. On observe que :
  • le site a perdu en biodiversité avec disparition de la perche et de la tanche (espèces d’eaux calmes),
  • les populations rhéophiles de truites, d’ombres et de chabot ont fortement augmenté,
  • la biomasse totale a été multiplié par 6,
  • le score de qualité IBIP a augmenté de bon à très bon (19 à 23)
Cette présentation de l’évolution piscicole souffre cependant d’un biais majeur: les auteurs n’ont pas présenté les données pour le site Spontin aval (ni une station de référence pour évaluer l'amplitude de la variation inter-annuelle). Or, chacun sait que les stations à l’aval des petites chutes sont riches en populations (à la fois par l’effet obstacle qui concentre davantage d’individus à l’aval, par l’oxygénation derrière la chute, etc.). Que des espèces colonisent l’ancien emplacement de la retenue est un mouvement de population attendu, mais il faut vérifier que cela ne s'est pas réalisé au détriment du site aval, par un simple transfert d'individus vers l'amont. Comme pour les invertébrés, seule une estimation globale amont/aval et avant/après a du sens (sur la répartition des espèces autour d'un site, voir par exemple Mueller 2011 sur un diagnostic de population amont/aval d’un site non effacé ou Benejam et al 2016 sur l’effet piscicole d’une retenue). Il est assez incompréhensible que le protocole IBGN de contrôle sur l'ensemble de l'hydrosystème impacté n'ait pas été également appliqué pour l'analyse IBIP.

Discussion
La restauration de rivière peine à prédire ses résultats (voir par exemple nos recensions de Muhar et al 2016, Kail et al 2015, Morandi et al 2014, ainsi que cette synthèse sur les nombreux retours critiques de la littérature scientifique). En proportion des nombreux effacements ou aménagements d’ouvrages en France et en Europe, rares sont les chantiers faisant l’objet d’un suivi, en particulier d’un suivi intégral des paramètres physiques, chimiques et biologiques.

Sur notre région, nous avions déjà observé que l’effacement de l’ancienne forge d’Essarois, pour 400.000 euros, s’était surtout traduit par un gain à court terme de truites sur un linéaire de quelques centaines de mètres (voir cet article). C’est l’un des rares cas de suivi (hélas limité aux poissons), et il pose de notre point de vue question sur l’intérêt de la dépense publique (la truite fario n’étant pas considérée comme une espèce menacée sur son aire européenne de répartition, et en particulier sur nos rivières de Nord Bourgogne).

C’est donc plutôt une bonne chose que le projet Walphy contribue à compenser le vide de données réelles sur les effets de la restauration par effacement ou équipement d’ouvrages. Le protocole en est toutefois incomplet, puisqu’on ne peut pas réellement estimer le gain piscicole. Par ailleurs, les opérations de restauration ont des résultats variables dans le temps, et pas toujours durable (par exemple Pander et Geist 2016), donc un suivi de quelques années n’offre qu’un bilan provisoire. L'étude de l'hydrosystème à plus long terme sera intéressante.

Les auteurs de cette analyse sur un ouvrage effacé du bassin de la Meuse concluent: "Au vu des résultats présentés ici (…), la restauration hydromorphologique se présente comme un atout à considérer pour atteindre le bon état écologique des masses d’eau". Nous sommes en désaccord avec eux au regard des données produites par leur étude:
  • la biodiversité totale invertébrés et poissons a diminué,
  • le score de qualité invertébrés a diminué sur une station et augmenté sur une autre (bilan nul),
  • le score de qualité poissons n’est pas donné sur la station aval qui a le plus de probabilité d’avoir eu un effet négatif,
  • ces résultats sont donc ambivalents, incomplets et globalement modestes.
Car les gains paraissent en tout état de cause assez minuscules aux non-spécialistes, limités à la recolonisation d'un site par des espèces non menacées d’extinction. Cela pose la question des finalités de l’action écologique en rivière, mais aussi des limites qu'elle se donne.

Sur les millions de kilomètres de linéaires européens, allons-nous dépenser des sommes considérables d’argent public pour simplement obtenir des répartitions différentielles de plantes, d’insectes ou de poissons au sein des tronçons? En quoi le passage local de peuplements lentiques à des peuplements lotiques (principal objet de restauration en continuité longitudinale hors migrateurs) présente-t-il un intérêt majeur pour la société, mais aussi pour la diversité du vivant? En quoi l'alternance lentique / lotique des rivières aménagées pose-t-elle un problème grave à la biodiversité, alors qu'elle crée de nouveaux habitats différents de ceux qu'offre l'hydrosystème naturel? Que signifie au juste l'idée qu'il existerait un "état de référence" de chaque cours d'eau (Bouleau et Pont 2015) et comment va-t-on définir cet état, alors que le vivant évolue sans cesse et, dans les rivières européennes à forte et ancienne implantation humaine, qu'il a déjà été considérablement modifié par l'homme? Qu'est-on disposé à sacrifier de l'écoulement, du paysage et du patrimoine actuels d'une rivière pour obtenir le genre de gains que le projet Walphy met en lumière?

Nous posons ces questions depuis un certain temps, sans obtenir de réponse.  Mais on ne pourra pas indéfiniment esquiver le débat de fond et fuir la discussion démocratique de nos choix en rivière.

Référence : Castelain L et al (2016), Walphy, un projet expérimental de réhabilitation de cours d’eau: suivis hydromorphologiques et écologiques, Hydroécol. Appl., doi: 10.1051/hydro/2015014

20 commentaires:

  1. Si le code vert est le même en Belgique qu'en France, l'indice IBGN était déjà bon (couleur verte) sur le site avant effacement. Encore une belle gabegie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout à fait, ce sont les mêmes codes couleur, voici un rappel sur l'IBGN (en France I2M2 désormais):
      http://eduterre.ens-lyon.fr/thematiques/hydro/travail-coop/protocoles/ibgn/ibgntxt

      Supprimer
  2. Bon finalement même en Belgique ça marche les arasements. Ils ont l"air assez ambitieux pour réaliser des programmes de restauration dont on entend absolument pas parler, mais qui on peine à sortir en France. Il y a des arasements, des contournements et même une passe à poissons, formidable mais il n'y a sans pas hydrauxois.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tiens, sur une discussion l'anonyme dit que plein de propriétaires effacent volontairement ; sur une autre que les projets "peinent à sortir". Enfin, on n'est pas à une contradiction près.

      Supprimer
  3. 7 effacements pour 15 aménagements : proportion inverse de la France. Outre-Quiévrain, il n'y a pas l'Onema, pas l'Agence de l'eau, pas les syndicats moutonniers, cela se voit, on respecte davantage les gens. Le site effacé n'est d'ailleurs pas un moulin d'après le texte, mais alimentait une pompe à eau. Les moulins belges se rééquipent pour produire de l'énergie et les élus sont ravis, il n'y a rien de comparable à la France.

    « ca marche » dit le message dessus? La « truite miraculeuse » cela marche bien. On va faire un spot no kill à ce rythme, des milliers de pêcheurs « verts » avec des parasites pleins les bottes, quelle chance !

    RépondreSupprimer
  4. Je suis très étonné par un article scientifique fondé sur une comparaison à deux mesures en un point et env. 2 ans d'intervalle. Sans bien connaître l'écologie, je suppose que les populations concernées peuvent varier d'une année sur l'autre pour diverses causes, qu'il y a des erreurs d'échantillonnage, etc. Pour une discipline d'observation ou d'expérimentation, difficile de tirer la moindre tendance dans ces conditions. A part tirer une droite d'un point l'autre...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Hydroécologie appliquée" est publiée par EDF, revue assez confidentielle. L'étude en question est née d'un financement Life, à notre connaissance c'est donc davantage un travail ad hoc qu'autre chose. Mais bon, entre cela et le vide de 95% des chantiers, ou bien le recueil d'expérience de l'Onema (avis du garde-pêche, "j'ai retrouvé mes frayères, c'est un succès")...

      Que l'écologie scientifique n'ait pas des données à hauteur des ambitions de son vaste champ de recherche, c'est un phénomène connu, et même une blague récurrente que l'on entend en colloque ou conférence des écologues. (Les données suivent les financements comme chacun sait... reste que l'écologie est un domaine assez exposé à la surexploitation militante de ses conclusions et à la glissade vers des jugements substantiels sur ce que la société devrait faire, donc on attend quand même des éléments solides derrière.)

      Sur l'incertitude, il y a des choses, par exemple ce topo de Ferréol et Wasson
      http://www.aquaref.fr/system/files/u124/Aquaref_juin08-session4-Ferreol.pdf

      Pour un intervalle de confiance de 95%, qui est la "norme" en publication scientifique, sur 2 points d'IBGN, qui est la tendance de l'étude commentée, il faudrait 12 échantillonnages.

      Certains indices révisés (comme l'IPR+) commencent à intégrer l'incertitude dans le calcul, voir en bas de ce lien :
      http://hydrobio-dce.irstea.fr/cours-deau/poissons/

      Ce sera intéressant d'avoir les résultats de cet IPR+ croisés au taux de fractionnement ou d'étagement... si la recherche peut être menée avant qu'on ait détruit tous les ouvrages, bien sûr.

      Supprimer
  5. Une autre lecture du tableau II montre plutôt que les effectifs ont nettement augmentés en amont du seuil arasé (multipliés par un facteur 5) tout comme la biomasse (multipliée par un facteur 6). Cette augmentation de la population piscicole est surtout notable pour les espèces "repères" de ce type de cours d'eau de piémont(salmonidés truite & ombre et petites espèces d'accompagnement) et exigentes vis-à-vis de la qualité des habitats aquatiques (a contrario d'espèces plus généralistes comme la perche ou le gardon qui n'ont pas grand chose à faire la).

    Ce suivi, en première approche et sur la base des éléments que vous publiez, semble donc montrer le gain écologique engendré par l'opération sur le compartiment piscicole: un peuplement plus conforme du point de vue diversité spécifique avec ce qui est normalement attendu pour ce type de cours d'eau et une augmentation ( des effectifs et des biomasses) des espèces repères du contexte écologique.
    Sans connaitre l'objectif écologique de cette opération de restauration, je pense que c'est ce qui était recherché...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sur l'augmentation des effectifs : nous la signalons en effet (avec le bémol d'une inexplicable absence des tendances à l'aval de l'effacement, où l'on s'attend aussi à des évolutions significatives mais plutôt dans l'autre sens, et à un site de référence sur la même rivière, pour estimer les variations spécifiques au moment de l'échantillonnage).

      Sur votre interprétation : elle est tout à fait congruente aux attendus de ce type d'opération. On efface des ouvrages parce qu'on juge les populations du site non "conformes" à ce que doit être le "type" de la rivière (défini par pente, température, largeur, hauteur, substrat, faciès, micro-habitats, etc.).

      Notre point : nous ne partageons pas les attendus ni les finalités de ce genre de démarche, nous n'estimons pas que la programmation de l'action publique doit être orientée sur des objectifs génériques de "renaturation" et nous ne pensons pas que les citoyens, s'ils étaient informés des bénéfices attendus de ces opérations, consentiraient à y voir une priorité de la dépense publique pour l'eau (en tout pas comme action diffuse en "cold spots", éventuellement comme stratégie sur des zones protégées mais limitées).

      Par exemple, les tenants de cette stratégie de renaturation préfèrent moins d'espèces sur un cours d'eau, mais des espèces "conformes", selon vos termes, parce que les autres n'auraient "rien à y faire". En général, on leur fait observer que leurs espèces "conformes" se trouvent facilement à l'amont ou à l'aval de la zone lentique mais rien n'y fait, cela ne suffit pas, c'est chaque mètre linéaire de la rivière qui doit être "conforme", même si cela revient à réduire la biodiversité du tronçon.

      Cette tournure d'esprit un peu obsédée par la conformité nous paraît assez minoritaire. La majorité des gens ne sont pas capables de citer plus de quelques espèces d'eau douce, ils seraient proprement stupéfaits de savoir que certains tiennent la comptabilité précise des populations piscicoles et estiment de toute première importance que cette comptabilité corresponde le plus exactement possible à une biotypologie théorique extraite d'un manuel (car le vivant réel, dans les rivières réelles où évoluent les sociétés réelles, ne correspond déjà plus à la "théorie" de ce qu'il serait si la société n'existait pas ou n'avait pas évolué comme elle l'a fait). Par exemple, quand nous exposons le protocole ICE de l'Onema à des gens qui ne connaissent pas spécialement le sujet, en montrant les longs tableaux où l'on calcule au cm près ou au W/m2 près ce que devraient être les conditions limites de circulation de chaque espèce, la réaction type n'est pas du genre "quel enjeu absolument crucial pour notre avenir" mais plutôt du genre "ils sont complètement cinglés, et vous me dites qu'on paie ces XXXX avec nos impôts?".

      En d'autres termes, on arrive éventuellement à "vendre" une politique en disant "il faut sauver le saumon de la disparition" (mais le prix du saumon sauvé ne doit quand même pas exploser et le sauvetage ne doit pas stagner pendant 40 ans…). Si vous dites en revanche "il y a trop de gardons, de perches et de tanches, pas assez d'ombres, de truites et de chabot", vous n'aurez quasiment aucun consentement à payer derrière, ces détails-là intéressent quelques pêcheurs (et encore, les pêcheurs de blancs préfèrent garder des zones avec des tanche et des gardons).

      Supprimer
  6. Nous avons été bien longs! Pour dire tout cela simplement : nous apprécions les rivières anthropisées pour leurs usages et leurs héritages, et s'il faut en faire un diagnostic écologique complet, toutes n'ont pas un bilan négatif en biodiversité (ce que sugggère l'étude commentée). L'écologie n'est pas la doctrine de la "nature vraie sans l'homme" (version idéologisée ou métaphysique ou mystique), c'est la science du vivant en interaction avec ses milieux, y compris les milieux humains.

    RépondreSupprimer
  7. Walphy était un projet test 2009-2013 sur deux bassins pour vérifier ce que donnent les continuités longitudinales et transversales
    http://www.walphy.be/

    Cela paraît de bon sens de tester avant. Mais à condition que le bilan soit complet sur l'état de chaque masse d'eau avant / après (pas un site sur 3 marqueurs et 2 ans de recul seulement), la comparaison des solutions choisies, le coût total de l'opération, la qualité de gouvernance.

    RépondreSupprimer
  8. Voilà qui est clair, moi je préfère des cours d'eau plus naturel où l'impact de l'homme est présent mais minime. Tans pis pour les tanches et les perches, on les retrouvera en aval, à leur vraie place. Des rivières anthropisées que vous aimez tant, c'est la très large majorité des cours d'eau français, en beauce par exemple vous devriez même trouver de quoi organiser des séminaires.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Des rivières anthropisées que vous aimez tant, c'est la très large majorité des cours d'eau français"

      Vous pouvez même dire la totalité. La "préférence pour des rivières naturelles" est une attente parmi d'autres, une attente légitime. (Pour beaucoup de gens cette attente reste cependant esthétique et paysagère, cela n'a rien à voir avec la conformité d'un assemblage à une biotypologie, un score d'indicateur et autres approches expertes).

      Mais quand on programme une politique de rivière, on doit sortir des préférences individuelles pour objectiver les enjeux dans le débat public, car les préférences des uns s'arrêtent là où commencent les préférences des autres. Donc : a) quels impacts anthropiques traite-t-on et pour quels motifs écologiques? b) combien coûte l'action et pour quels résultats à peu près garantis (analyse coût-bénéfice, services rendus par les écosystèmes, comparaison des aménités, évaluation non tendancieuse du consentement à payer)? c) s'il existe des usages en place et qu'ils sont lésés, comment les indemnise-t-on? d) que disent les résultats des opérations comparables à celles qu'on envisage? e) quelles sont les grilles de priorité, puisqu'il est impossible de "renaturer" 500.000 km de linéaire à brève échéance? f) par quelle gouvernance ouverte ceux qui préfèrent une rivière naturelle confrontent leurs vues avec ceux qui valorisent d'autres choses dans la rivière? Etc.

      Dire que les SDAGE ou les SAGE dans leur forme actuelle répondent correctement à ces questions serait une plaisanterie. Ce que l'on attend est précisé dans ce lien, et on en est loin pour le moment, en particulier quand on arrive à la rivière elle-même, lieu de vie et d'action sur laquelle le diagnostic complet est indispensable comme base de discussion:
      http://www.hydrauxois.org/2016/07/diagnostic-ecologique-de-chaque-riviere.html

      Les travaux sérieux de retour d'expérience (objet de cet article sur Walphy) sont rares, il y a ce que fait l'équipe de N. Lamouroux sur le Rhône depuis presque 20 ans par exemple... mais combien d'autres cas en France? Combien de projets pilotes sur petits bassins versants entiers avec des données fiables de résultats, ie des données qui ne soient pas des rapports biaisés et incomplets conçus par le gestionnaire lui-même (lequel n'est jamais le mieux placé pour évaluer objectivement la qualité et le bilan de ses choix, cela va sans dire)?

      Même Walphy, les résultats sont très préliminaires. Il y a eu 20 ouvrages traités sur 50 km de linéaire, là on commente des métriques incomplètes sur un seul site. C'est mieux que rien du tout, mais on attend le "vrai" bilan sur plusieurs stations représentatives par rapport à l'état zéro pré-travaux.

      Supprimer
  9. "En quoi le passage local de peuplements lentiques à des peuplements lotiques (principal objet de restauration en continuité longitudinale hors migrateurs) présente-t-il un intérêt majeur pour la société?"

    Ce serait chouette d'avoir une réponse franche et claire des partisans de cette politique. L'utilité sociale et économique d'une truite par rapport à une tanche, c'est quoi aujourd'hui? Modifier des démographies d'insectes sur 100 ou 200 mètres, cela a quel rapport avec l'intérêt général, cela apporte quoi de concret aux gens?

    RépondreSupprimer
  10. Quand on vous prouve que ça marche, vous dites que ça ne sert à rien. C'est votre droit, mais la notion de conformité et d'écart à des peuplements de référence, c'est la base de la DCE. Que vous avez le droit de contester, bien sûr, mais que les pouvoirs publics ont le devoir d'appliquer.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les pouvoirs publics ont un "devoir" d'atteindre le bon état chimique et écologique sur 100% des masses d'eau, pas le très bon état comme vous le savez. Les pouvoirs publics ont donc un devoir de traiter en priorité les masses d'eau en état moins que bon.

      Ainsi que l'indique l'article (code vert des indices), les IBGN et IBIP étaient déjà en bon état sur la station. Donc la rivière ou au moins le tronçon était éligible au bon état si c'est la station de référence DCE.

      Il n'y a pas de "preuve que cela marche" dans cet article, il y a une apparition d'espèces lotiques, une disparition d'espèces lentiques, une variation non significative du score global invertébrés, une variation non interprétable (car incomplète) du score poisson. Au total une perte de biodiversité sur les échantillons traités.

      Dire "cela marche", c'est considérer que ces résultats justifient la dépense publique et la programmation d'un aménagement / effacement de tous les ouvrages. Nous sommes sceptiques et nous souhaitons l'existence d'un débat sur ces réalités (pas sur des idées fausses ou génériques).

      Quant à l'état de référence, c'est en effet une notion à problématiser.

      Supprimer
    2. La biodiversité est une notion à problématiser aussi, comme vous dites. Le nombre d'espèces n'est pas un bon indicateur, à lui seul, de la biodiversité. En matière d'idée générique, celle-ci est récurrente dans vos publications.

      D'accord sur l'objectif qui est le bon état et pas le très bon état. Mais au-delà du cas particulier, des limites et des questions posées par l'étude évoquée ici, vous remettez en cause l'idée que l'état doit s'apprécier par rapport à un peuplement de référence. C'est en effet très discutable, mais cela correspond à ce qui est prévu pour la DCE, pour les indicateurs biologiques.

      Supprimer
    3. Biodiversité : elle s'évalue de diverses manières, en effet. Des chercheurs en débattent (et beaucoup en biologie de la conservation). Le nombre d'espèces est une métrique simple et intuitive, d'autres approches (comme la fonctionnalité très en vogue) sont déjà plus abstraites. Nous ne parlons pas de recherche fondamentale sur l'écologie, mais de programmation d'action en rivière et de son évaluation, avec explications aux citoyens de quoi il ressort. Le gestionnaire peut ensuite exposer qu'il réduit le nombre d'espèces sur un tronçon mais que c'est (ou ce serait) néanmoins une bonne chose pour la biodiversité. Nous souhaitons précisément que le débat sorte des généralités un peu manipulatrices, pour s'approcher de ce qu'est vraiment l'écologie de la rivière, l'état de sa recherche, les attentes qu'on peut avoir quand on traite un hydrosystème anthropisé, et ici fragmenté, etc.

      Etat de référence : c'est un sujet très intéressant, qui lui aussi fait débat. Il serait souhaitable que la Commission européenne engage une réflexion sur la valeur épistémologique de cette approche quand on sort de la toxicologie pour l'appliquer à la biologie. Nous nous sentons plus proche des positions de Lévêque, Pont, Bouleau, etc. pour des raisons de logique. Si la biologie des populations était un phénomène stable sur de grandes échelles temps / espace, l'état de référence serait une approche cohérente. Il semble que ce n'est pas le cas, il y a de la variabilité naturelle et forcée (anthropique), il y a eu d'énormes changements depuis 150 ans sur les bassins versants, il y a la changement climatique, etc.

      L'état de référence dépend par construction de la base statistique de référence (peu perturbée) à partir de laquelle on va normaliser des écarts et donc définir des classes d'état. Par exemple l'IPR a changé la référence et met en "bon état" des masses d'eau que d'autres indices auraient classées comme dégradées (d'aucuns disent que ce nouvel indice IPR a déplu à certains agent CSP-Onema ou fédés de pêche, car il ne correspondait pas à leur perception de terrain sur l'état réel de la rivière). L'état de référence pose divers problèmes de robustesse : quelle est la marge d'erreur, quelle est la sensibilité à la variation naturelle / aléatoire (pas une dégradation humaine), quelle est la dépendance au point de mesure et combien de stations pour évaluer correctement un tronçon ? Etc. Nous y reviendrons plus en détail dans un article sur la comparaison entre approche par typologie (type Verneaux) et par indicateur (type IPR+).

      Néanmoins, au delà du débat de fond sur l'idée que la nature aurait une "référence" locale, nous préférons pour le moment (et en faisons même un de nos chevaux de bataille) que l'on adopte la démarche DCE, que l'on calcule réellement tous les scores biologie / chimie / physique de chaque tronçon (sur la base de mesures réelles in situ, et pas de modèles très impécis ni de "dire 'expert" très subjectifs), à intervalle régulier prévus par la réglementation. Et que les citoyens ait un accès complet par tronçon / rivière / bassin versant à l'évolution de ces scores (accès simple en infos importantes, accès expert avec les données sources).

      Supprimer
  11. Il semble qu'il soit intéressant de rappeler plusieurs choses au Critique qui signe cette anonyme diatribe :

    La Directive-cadre sur l'eau ne laisse pas d'autre choix aux états membres que d'améliorer la qualité écologiques des eaux de surface ; il est donc nécessaire de remédier à la dégradation des masses d'eaux. Dans cette optique, le projet Walphy est un projet pilote, destiné à tester les aménagements et leurs actions sur les indices biotiques et hydromorphologiques utilisés en Wallonie. Par ailleurs, les suivis scientifiques n'ont rien à voir avec les considérations « politico-économico-sociétales ». Ce sont les autorités qui méditent sur ces aspects, au regard de ce qu'apportent les suivis.

    Ensuite, contrairement à ce qu'affirme l'auteur, la "remobilisation sédimentaire" a bien tenu ses promesses car une vague sédimentaire a pu être mise en évidence grâce aux levés topographiques et aux marquages de galets (dont un levé postérieur à la rédaction de l'article). Cette vague sédimentaire, composée majoritairement de galets, a fourni l'aval en substrats attractifs aux poissons lithophiles.

    Sur l'évolution biologique que nous jugeons positive, la critique mélange lourdement "quantité" et "qualité". Les listes faunistiques montre que les taxons IBGN qui disparaissent après arasement sont très peu représentés lors de l'état initial. Même constat pour les poissons. Aussi, ces taxons ne sont ni menacés, ni à leur place dans le continuum fluvial. La perte n'est donc pas dramatique, surtout en considérant les taxons qui s'y sont épanouis par la suite. Nous considérons également important de rappeler, puisque l'absence de recolonisation par des espèces en voie de disparition vous désole, qu'il ne suffit pas de claquer des doigts pour faire revenir les plécoptères et les lamproies, et que la présence d'obstacles à la libre circulation de la faune n'est certainement pas un atout en ce sens.

    La station de référence permet d'avoir une idée de l'évolution naturelle entre les deux relevés. Le fait que la station en aval perde en qualité et en quantité n'est pas du tout alarmant compte tenu du fait que (1) les taxons les plus sensibles étaient très peu présents lors de l'état initial, et que (2) la station de référence subit aussi une chute de diversité. L'article étant limité en volume par la revue, il n'était pas possible d'y inclure tous les détails, par exemple les listes faunistiques. Enfin, sachons que les pêches électriques ne dépendent pas que des universitaires, mais aussi du gestionnaire de cours d'eau (Service Public de Wallonie), qui les planifient selon les budgets, le personnel disponible, les priorités etc. Aussi, un suivi complet avant/après pour toutes les stations ainsi que sur une ou plusieurs stations contrôle est très coûteux à mettre en place, comme « chacun sait ».

    Ainsi qu'explicité dans notre discussion, c'est sur le long terme qu'il faut envisager l'amélioration écologique, et ce à l'échelle de la rivière complète, et même du bassin versant (traitement des eaux, affectations des sols, pratiques agricoles etc.). À ce niveau, la balle est plutôt dans le camp des décideurs. Le débat sur l'utilité de ce genre de travaux peut être légitimement ouvert, mais il convient d’interpeller les bonnes personnes, et ce avec un argumentaire non seulement plus pertinent, mais aussi construit autrement que sur le démontage gratuit d'un article scientifique manifestement pris à partie de manière partisane.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour

      Merci de votre message.

      Vous parlez d'un "démontage gratuit d'un article scientifique" alors qu'il s'agit d'une recension critique et libre : votre ton est assez curieux. Si c'est ainsi que vous envisagez le dialogue science-société, cela donnera sans doute une image assez militante de la science écologique. En sera-t-on surpris ? Pas forcément...

      Sur le fond, rien dans vos remarques ne contredit réellement les nôtres.

      - Nous avons reproduit votre tableau avant / après, nous jugeons les effets assez faibles en expliquant pourquoi. Le fait que les travaux de restauration morphologiques ont des résultats modestes est rapporté dans de dizaines d'articles de revues et méta-analyses depuis Palmer 2005. Après, il faudrait déterminer une méthode pour objectiver cela, mais ce n'est pas dans notre capacité ni rôle associatif.

      - Sauf erreur, aucune information dans vos travaux publiés ne liste les taxons "menacés" ou "pas menacés" sur le linéaire de la rivière (ni sur le site d'étude), donc on ne voit pas pourquoi vous ajoutez maintenant ce critère ni sur quelles bases factuelles. Si vous souhaitez insister sur l'expansion locale d'espèces menacées sur le cours d'eau ou le bassin, on suppose que c'était démontrable?

      - Par ailleurs, nous soulignons qu'une étude avant / après qui ne prend pas les stations amont / retenue / aval est pour nous sans grande valeur (d'autres recensions en ce sens sur nos pages "sciences"). On voit souvent qu'il y davantage de diversité à l'aval du seuil, pour des raisons évidentes.

      - Nous sommes critiques de la notion de naturalité et de l'"état de référence" de la DCE (que vous citez), qui sont des concepts politiques, philosophiques et / ou gestionnaires, mais pas des concepts scientifiques.

      - Enfin tout choix écologique est un choix démocratique : vous parlez des décideurs et des universitaires, nous parlons ici plus souvent des riverains, qui doivent co-définir ce pour quoi ils souhaitent ou pas investir l'argent public. Ce sont les mêmes riverains qui paient la recherche académique, au demeurant...

      Bien à vous
      CF Champetier (auteur de la recension).

      Supprimer