08/11/2025

Extraction de sédiments en cours d'eau ou canal: que dit la loi?

Retirer des sédiments d'un cours d'eau, d'un bief ou d'un canal est-il soumis à autorisation ? Si le régime général (IOTA) impose des seuils stricts basés sur le volume et la pollution, une exception existe pour les travaux modestes du propriétaire riverain, au titre de son obligation d'entretien. Cet article explore ces deux cas de figure distincts, leurs conditions d'application et les limites définissant les procédures.


La gestion des sédiments dans les cours d'eau, les canaux ou les biefs est une opération complexe, encadrée par le Code de l'environnement. Un simple "curage" n'est plus anodin dans le droit français. Il est en réalité soumis à des règles strictes relevant de la nomenclature "loi sur l'eau" dite "IOTA" pour "installation, ouvrages travaux, activités".

Cependant, la loi distingue les opérations lourdes de l'entretien courant qui incombe au propriétaire riverain. Faisons le point sur les deux régimes.

1. Le régime général IOTA (Rubrique 3.2.1.0)
Lorsqu'une opération d'extraction de sédiments est envisagée, elle relève par défaut de la rubrique 3.2.1.0. de l'article R. 214-1 du Code de l'environnement.

Cette rubrique, intitulée "Entretien de cours d'eau ou de canaux", fixe les seuils déclenchant une procédure administrative (déclaration ou autorisation) en fonction du volume annuel extrait et de la qualité (pollution) des sédiments. Les seuils sont les suivants.

Autorisation (A) : Procédure la plus lourde, nécessaire si
  • Le volume total des sédiments extraits sur un an est supérieur à 2 000 m³.
  • OU Le volume est inférieur ou égal à 2 000 m³, mais la teneur des sédiments est supérieure ou égale au niveau de référence S1 (c'est-à-dire qu'ils sont considérés comme pollués).
Déclaration (D) : Procédure requise si
  • Le volume est inférieur ou égal à 2 000 m³.
  • ET La teneur des sédiments est inférieure au niveau de référence S1 (sédiments non pollués).
Ce qu'il faut retenir : dans ce régime général, toute opération d'extraction de sédiments, même pour un faible volume, nécessite au minimum un dossier de déclaration si les sédiments ne sont pas pollués.

2. L'exception : l'entretien par le propriétaire riverain
Le texte de la rubrique 3.2.1.0 (IOTA) précise qu'elle s'applique "à l'exclusion de l'entretien visé à l'article L. 215-14". 

C'est le cas particulier qui nous intéresse plus souvent : celui du propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial (ou d'un bief privé).

Voici ce que disent l'article L215-14 du code de l'environnement, et son pendant réglementaire (R215-2).
Article L215-14 : Sans préjudice des articles 556 et 557 du code civil et des chapitres Ier, II, IV, VI et VII du présent titre, le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d'eau. L'entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article.
Article R215-2 : L'entretien régulier du cours d'eau auquel est tenu le propriétaire en vertu de l'article L. 215-14 est assuré par le seul recours à l'une ou plusieurs des opérations prévues par ledit article et au faucardage localisé ainsi qu'aux anciens règlements et usages locaux relatifs à l'entretien des milieux aquatiques qui satisfont aux conditions prévues par l'article L. 215-15-1, et sous réserve que le déplacement ou l'enlèvement localisé de sédiments auquel il est le cas échéant procédé n'ait pas pour effet de modifier sensiblement le profil en long et en travers du lit mineur.
Le droit et le devoir d'entretenir (L. 215-14)
L'article L. 215-14 stipule que le propriétaire riverain est tenu à un "entretien régulier" du cours d'eau. Le but de cet entretien est multiple :
  • Maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre.
  • Permettre l'écoulement naturel des eaux.
  • Contribuer au bon état écologique.
Pour ce faire, le riverain doit notamment procéder à "l'enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non". L'article L. 215-2 confirme que le riverain a le droit "d'en extraire de la vase, du sable et des pierres".

La limite : l'impact sur le lit (R. 215-2)
Si le propriétaire riverain est exempté de la procédure IOTA (déclaration/autorisation) pour cet entretien, ce droit n'est pas illimité. La limite n'est pas un volume en mètres cubes, mais un impact sur le milieu. L'article R. 215-2 précise que cet entretien (y compris "l'enlèvement localisé de sédiments") est libre sous réserve qu'il n'ait pas pour effet de modifier sensiblement le profil en long et en travers du lit mineur.

En résumé : entretien courant vs. curage
Il faut donc distinguer deux actions, selon que nous sommes dans une logique d'entretien en bon père de famille du cours d'eau (du canal) ou dans une logique de chantier lourd impliquant des travaux mécanisés conséquents. 

1. L'entretien régulier (propriétaire riverain)
  • Action : Enlèvement localisé de sédiments (atterrissements, vase, sable) qui gênent l'écoulement ou nuisent au bon état écologique.
  • Objectif : Maintenir le profil existant, assurer la fluidité.
  • Limite : Ne pas modifier la forme générale du lit (profondeur, largeur, pente).
  • Régime : Aucune déclaration ni autorisation n'est requise tant que cette limite d'impact n'est pas franchie.
2. Le curage (régime IOTA)
  • Action : Opération plus lourde, souvent mécanisée, visant à extraire des volumes importants, parfois sur de longs linéaires.
  • Objectif : Modifier le profil (par exemple, approfondir, recalibrer, ou restaurer un profil "théorique" disparu).
  • Limite : Le volume (2 000 m³) et la pollution (S1).
  • Régime : Déclaration (D) ou Autorisation (A) obligatoire (rubrique 3.2.1.0).
A noter que le bief est généralement un canal privé, non pas un cours d'eau. L'intervention y est libre mais doit s'astreindre à limiter les impacts (par exemple : ne pas mettre brutalement hors d'eau au risque de mortalité piscicole dans le canal, ne pas relarguer des boues sédimentaires en aval si risque de désoxygénation du cours d'eau à l'exutoire, etc.). 

En conclusion, si vous êtes propriétaire riverain et que vous souhaitez simplement retirer un banc de sable ou de vase récent qui s'est formé localement, sans "terrasser" le fond du cours d'eau, vous agissez dans le cadre de l'entretien régulier (L. 215-14) et n'avez pas besoin de dossier administratif. Idem quand vous intervenez sur un canal privé (bief). Il est important d'agir "en bon père de famille" et de procéder à des travaux réguliers d'entretien, afin de ne pas avoir des chantiers impliquant de grands volumes ou des interventions mécanisées lourdes. Dans ce cas, c'est le régime de déclaration ou d'autorisation qui s'appliquera, en fonction du volume et du risque de pollution. 

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