Le CGEDD (conseil général de l'environnement et du développement durable) est une instance administrative en charge de procéder à des audits des politiques publiques. Suite à la demande de la ministre de l'Ecologie en décembre 2015, deux inspecteurs ont enquêté pendant une année sur la mise en oeuvre de la continuité écologique. Leur rapport vient d'être rendu public. Dans ce premier article, nous publions les 15 recommandations avec un rapide commentaire. Dans l'ensemble, si le CGEDD souligne que certaines opérations de restauration sont des succès, il constate et appelle à dépasser les nombreuses carences que nous avons exposées depuis 5 ans : mauvaise prise en compte de l'énergie, du patrimoine, du paysage et des usages riverains par la politique de l'eau ; nécessité d'un bilan rigoureux des opérations de continuité et d'une veille scientifique aujourd'hui quasi-inexistante ; intégration des représentants des moulins dans l'ensemble des instances de concertation et délibération, dont ils sont exclus ; changement d'orientation de la politique des ouvrages lors des renouvellements des SAGE et des SDAGE. Dont acte. Certaines recommandations sont discutables, et une en particulier est tout à fait inacceptable pour le monde des moulins (annulation automatique des droits d'eau fondés en titre en cas de non usage). Quoiqu'il en soit, l'enseignement le plus évident et le plus massif de ce rapport est que la continuité écologique a besoin de réformes de fond. Le déni de cette réalité par la direction de l'eau et de la biodiversité, les agences de l'eau, les syndicats et établissements de bassin ou les lobbies FNE-FNPF n'est plus tenable. Tous les députés et sénateurs devront être informés des conclusions de ce rapport pour la révision (déjà lancée au Sénat) de la loi sur l'eau de 2006.
Les textes ci-dessous en caractère gras sont extraits de la synthèse du rapport CGEDD. Nous reviendrons dans plusieurs articles à paraître sur des détails intéressants du rapport complet.
Orientation globale du CGEDD
"La notion de bon état écologique, trop souvent présenté comme un concept scientifique, ne relève pas que de la science écologique. C'est à la société de lui donner une déclinaison opérationnelle. La notion de bon état, comme celle de bon potentiel, incite à se poser les questions : bon état pour quoi ? Bon état pour qui ? Pour la santé humaine ou pour celle des poissons ? Pour produire de la biomasse ou pour satisfaire des besoins ludiques ? Pour contribuer à l'économie industrielle ou pour satisfaire les mouvements militants ? Pour répondre aux exigences de Bruxelles ou pour améliorer notre cadre de vie ? Ce qui renvoie, selon le cas, à des questions relatives soit au fonctionnement écologique, soit aux usages des systèmes, soit encore à des considérations éthiques ou esthétiques."
Christian Lévêque
Cette citation est extraite de l'ouvrage récent de Christian Lévêque, dans lequel les cours d'eau sont examinés avec une vision scientifique élargie aux aspects historiques, patrimoniaux, économiques, culturels et sociologiques. La continuité écologique y est présentée comme l'une des composantes d'une politique de l'eau. C'est justement une telle approche que la mission propose de promouvoir.
A l'issue de ses travaux et après avoir rencontré une large variété de cas, entendu un grand nombre et une forte diversité d'interlocuteurs, la mission a pu faire la part entre les réussites, les difficultés et les blocages rencontrés dans les opérations de restauration de la continuité écologique qui concernent les moulins.
La mission a constaté que ces blocages ne se réduisaient pas aux deux seules questions patrimoniales et énergétiques, mais qu'ils touchaient aussi les fondements même de la restauration de la continuité écologique.
C'est pourquoi la mission souscrit à la nécessité d'une vision renouvelée et élargie de cette politique. L'application, en synergie, des trois lois structurantes pour ce dossier et relatives à la biodiversité, au patrimoine et à la transition énergétique doit trouver un terrain d'application et de convergence sur le cas des moulins : une fois que services, propriétaires et associations s'en seront approprié les objectifs ils pourront définir, dans les spécificités de chaque situation, des solutions conciliant les différents enjeux, sous le signe du développement durable et dans une logique "gagnant-gagnant".
Il paraît en effet aujourd'hui souhaitable de rechercher − et possible d'obtenir ‒ un meilleur équilibre entre les trois objectifs de continuité écologique, de valorisation du patrimoine lié à l'eau et de développement des énergies renouvelables.
C'est dans ce sens et cet état d'esprit que la mission a établi ses propositions et recommandations, afin de contribuer à l'atteinte de cette nouvelle ambition.
Une telle approche nécessitera très certainement du temps, ainsi que des amendements complémentaires aux outils de la politique de l'eau, qui sortent du champ de la présente mission. Sa mise en œuvre requiert, au-delà des recommandations de la mission, un signal politique fort de la part de l'État mais aussi un engagement important des collectivités territoriales.
Nous partageons le constat, et nous nous réjouissons que le point de vue équilibré de Christian Lévêque en anime la philosophie. En effet, la continuité écologique ou plus largement la restauration de cours d'eau n'a pas besoin d'une réforme cosmétique, mais d'une refondation démocratique sur la base d'une vision élargie et ouverte de la rivière. Notre association a toujours souligné que la continuité écologique est un outil légitime de gestion des cours d'eau et de leur biodiversité, à la condition expresse qu'elle ne soit pas dogmatique ou précipitée dans sa mise en oeuvre, partielle dans ses objectifs ni irréaliste dans ses coûts.
Un "signal fort" de l'Etat, c'est ce que nous attendons, mais n'obtenons pas (autrement que dans des déclarations non suivies d'effet de telle ou telle personnalité politique). Le contenu de ce signal est pourtant simple : la reconnaissance explicite par l'administration que le patrimoine hydraulique est un élément légitime des rivières françaises, et que ces rivières n'ont pas vocation à être systématiquement "renaturées" dans l'ignorance de leur évolution historique, sociale et économique. Un peu plus qu'un signal, c'est donc un changement de paradigme qui est nécessaire, fondé sur la réalité des dimensions multiples de la rivière.
1. En préalable à tout nouveau projet de restauration écologique, mettre en place une démarche territoriale concertée de type SAGE, grâce à laquelle, à l'issue d'un diagnostic approfondi, les objectifs et les moyens de la restauration à l'échelle d'un axe ou d'un bassin versant seront établis de manière partagée. Ces diagnostics territoriaux devront intégrer la perspective du changement climatique et comprendre:
- un volet consacré aux paysages et au patrimoine lié à l'eau, dont celui des moulins,
- une analyse du potentiel de petite hydroélectricité sur le territoire,
- une analyse des autres usages des seuils,
- un volet consacré à la problématique de franchissabilité des seuils pour les pratiquants d'activités nautiques non motorisées (dont canoë-kayak),
- une réflexion sur les pollutions agricoles diffuses.
Nous sommes d'accord avec cette proposition, le fait qu'elle soit formulée signale combien les SAGE (ou contrats globaux) actuels sont incomplets. C'est aussi vrai pour les SDAGE. Nous demandons que les attendus de cette révision soient inscrits dans les parties législatives et réglementaires du code de l'environnement, afin d'être opposables aux établissements publics en charge de l'eau et de signer l'engagement durable de l'Etat dans une approche pluraliste de la rivière.
2. Sur la base des propositions de la mission et du groupe de travail national sur les moulins patrimoniaux, transmettre aux préfets une méthodologie de reconnaissance d'un "moulin patrimonial" validée par le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer. Leur demander de prendre en compte le statut patrimonial ainsi défini, voire sa labellisation à terme, lors de la programmation, de la conduite et du suivi des opérations, ainsi que dans le mode de financement.
Pourquoi pas, mais une telle méthodologie doit être concertée avec les associations. Nous n'accepterons pas davantage l'arbitraire administratif dans l'évaluation patrimoniale que nous ne le tolérons aujourd'hui dans l'évaluation écologique, avec des "moulins à deux vitesses", ceux qui auraient un intérêt et ceux qui n'en auraient pas. Il existe de très nombreuses expériences de moulins (ou forges) ayant un piètre aspect au moment de leur achat, mais qui ont été remarquablement restaurés par leurs propriétaires. On doit donc avant tout encourager cette restauration patrimoniale, sans se contenter de "muséifier" un panel de moulins d'ores et déjà restaurés.
3. Lorsque le diagnostic territorial aura fait apparaître un réel potentiel mobilisable, qu'une orientation en faveur de l'équipement des seuils pour la production hydroélectrique aura été donnée par le maître d'ouvrage de la démarche territoriale et que le propriétaire aura décidé de s'engager dans l'étude d'un projet de mise en service de son seuil pour l'hydroélectricité, alors les études de projets individuels de restauration de la continuité écologique devront intégrer un volet consacré à l'hydroélectricité, de manière à rendre cohérentes les deux démarches.
Nous sommes d'accord avec cette proposition (voir notre article sur la nécessité de travailler sur le taux d'équipement des rivières). Mais nous mettons une réserve : si le "potentiel" de quelques kW des moulins est souvent jugé négligeable par les autorités en charge de l'eau ou de l'énergie, il ne l'est nullement pour le propriétaire qui peut assurer tout ou partie de sa consommation d'énergie. Le point de vue macro-économique seul ne doit pas prévaloir pour les moulins de faible puissance, pas plus qu'il ne prévaut au demeurant pour toutes les autres solutions individuelles de transition énergétique (pompe à chaleur, panneau solaire, chauffage bois, etc.) Là encore, nous refuserons tout régime inégal où les "bons" moulins seraient uniquement ceux qui disposent de plusieurs dizaines ou centaines de kW de puissance et où tous les autres (bien plus nombreux) seraient classés comme sans intérêt, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui.
4. Développer, à l'initiative de chaque agence de l'eau et pour chaque bassin, un programme pluriannuel de suivi des milieux concernés par les opérations de restauration de la continuité écologique, à l'échelle d'axes de cours d'eau ou de bassins versants, avec un nombre représentatif de la diversité des cours d'eau du bassin et un protocole minimal défini à l'échelle du bassin. Ce suivi devra inclure la réalisation d'un état initial des milieux aquatiques avant travaux et d'un état après travaux, puis être poursuivi au fil du temps avec une évaluation écologique.
C'est une urgente nécessité, le CGEDD acte ici notre constat : les retours d'expériences sur la continuité sont aujourd'hui insuffisants, souvent sélectifs et non pas choisis aléatoirement (pour éviter tout biais de confirmation), sans méthodologie transparente et réplicable, etc. Mais attention au protocole de suivi, qui doit être construit en concertation, cohérent à travers les agences de bassin et bancarisé pour ses résultats : ce protocole ne saurait concerner uniquement la présence ou l'absence de migrateurs, ni une estimation (peu normalisée à date) de l'attractivité morphologique. Il faut que l'ensemble des scores de qualité écologique pertinents (et intervalidés en Europe) soient suivis, que l'échantillonnage avant chantier soit spatialement et temporellement représentatif, que les résultats soient détaillés (nature exacte des évolutions densité, biomasse, richesse spécifique, etc.), que les typologies théoriques anciennes et non mises à jour scientifiquement soient abandonnées, que la pollution chimique avant / après soit aussi étudiée et, dans certains cas témoins, qu'une analyse complète de biodiversité avant /après soit menée. En face, il faut bien sûr mettre les coûts économiques directs et indirects de la restauration de continuité, si possible une évaluation avant / après en service rendus aux citoyens par les écosystèmes. Le rapport du CGEDD est trop imprécis sur ces exigences.
5. Associer les propriétaires de moulins par une représentation dans les comités de pilotage des programmes territoriaux de restauration de la continuité mis en place par les collectivités et prévoir de les entendre lorsque leur projet est examiné par ce comité.
Assurer un pilotage et réaliser une évaluation des programmes et projets de restauration de la continuité écologique des cours d'eau au niveau de chaque bassin, par une instance existante du comité de bassin, associant pour l'occasion les représentants des propriétaires de moulins ainsi que les DRAC ou leur représentant.
Élargir la commission administrative de bassin à la DRAC du bassin qui serait désignée à cet effet.
Nous sommes évidemment d'accord avec cette proposition, qui reconnaît l'absence actuelle de concertation et de représentation des principaux concernés par la continuité, ainsi que l'indifférence manifestée par l'administration de l'eau envers les questions culturelles.
6. Organiser une véritable veille scientifique en matière de restauration de la continuité écologique des cours d'eau, à l'intention de tous les acteurs.
Solliciter un avis des conseils scientifiques du CSPNB, de l'AFB et des comités de bassin qui en sont dotés, afin d'orienter la stratégie de restauration de la continuité écologique au niveau national et au niveau des bassins.
Veiller à ce que les conseils scientifiques de l'AFB et des comités de bassin soient davantage pourvus dans les disciplines des sciences humaines, du paysage, de l'histoire et du patrimoine.
S'il faut organiser une "véritable" veille, c'est que celle aujourd'hui menée est très insuffisante. C'est notre cheval de bataille avec plus de 100 recensions d'articles scientifiques sur la restauration physique ou sur les ouvrages hydrauliques (nous reviendrons dans le détail sur le désaccord entre le CGEDD et Hydrauxois à propos de Van Looy et al 2015, point assez mineur au demeurant). Mais là encore, nous serons très vigilants dans la mise en oeuvre : il est notoire que les chercheurs en écologie ne développent pas tous les mêmes paradigmes scientifiques, que les travaux publiés ont des robustesses très variables dans leur méthodologie, leurs outils statistiques et l'évaluation de leurs incertitudes, qu'une bonne part de la littérature est "grise" donc à fiabilité assez faible, etc. Nous sommes très favorables à une expertise scientifique collective, que nous avons demandée aux agences de l'eau (le conseil scientifique de l'Agence de l'eau RMC a décliné), mais à condition qu'elle soit faite dans des conditions comparables à ce que pratiquent dans d'autres domaines le monde de la recherche et les établissements scientifiques (Inserm, CNRS, etc.). Ainsi par exemple, le travail récent mené par l'Agence de l'eau RMC (cité par le CGEDD) ne répond pas du tout à ce cahier des charges : nous avons montré que la littérature scientifique disponible sur l'impact des ouvrages est loin d'y être analysée en totalité, voire d'y être correctement interprétée pour certains résultats (cf cette recension). Produire de tels travaux incomplets ou imprécis ne restaure pas la confiance, mais suggère qu'il existe toujours un biais de lecture où l'on préfère minimiser voire évacuer des résultats scientifiques qui ne coïncident pas avec la doxa administrative. Par ailleurs, puisque l'essentiel de la continuité longitudinale (comme de sa contestation) concerne des petits ouvrages et non des grands barrages, c'est sur cette dimension que doivent se concentrer la veille et l'analyse scientifiques, sauf à répondre encore à coté de la question et ne pas éclairer le décideur sur la réalité des enjeux (voir cet exemple sur les retenues, où l'on évoque des barrages de 15 à 195 m sans pertinence réelle pour comprendre l'effet des étangs, moulins ou retenues majoritaires de plus petites dimensions).
7. Constituer au niveau départemental un groupe de travail au sein de la CDNPS, instance de médiation, de validation et d'arbitrage du volet patrimonial, pour suivre le processus de mise en conformité des "moulins patrimoniaux".
Même réserve que pour la proposition n°2.
8. Demander à la DEB, au titre de la politique de l'eau, d'organiser un pilotage intra et interministériel du programme de restauration de la continuité écologique des cours d'eau, dont le champ se verra élargi, en renforçant la coordination avec la DGEC (hydroélectricité), la DHUP (sites et paysages), la DGPR (risques naturels) et la DGITM (cours d'eau navigables) au sein du MEEM et en la développant avec la DGPAT (architecture et patrimoine) du ministère de la culture et de la communication (MCC).
Entièrement d'accord avec ce pilotage élargi, qui reflète la diversité des dimensions de la rivière et de ses ouvrages.
9. Actualiser les instructions aux préfets sous la forme d'une circulaire interministérielle tenant compte d'un élargissement du champ de la politique de restauration de la continuité écologique.
Sans attendre, préciser les modalités de mise en œuvre du nouveau délai de cinq ans prévu par la loi sur la biodiversité, en abordant en outre les modalités de contrôle et les suites à donner aux situations non conformes et en insistant sur le contrôle des obligations d'entretien des ouvrages.
Nous attendons de lire la circulaire en question. Après 10 ans de dérive, il va sans dire que l'on est sceptique sur la capacité de la direction de l'eau et de la biodiversité à modifier ses vues et à interpréter de bonne foi la volonté manifeste des parlementaires de protéger désormais les moulins. Mais nous ne demandons qu'à être contredit !
10. Adapter et faire converger les règles de financement des agences de l'eau en matière de restauration de la continuité écologique des cours d'eau.
En ce domaine, le rapport CGEDD insiste insuffisamment sur le problème n°1, l'insolvabilité de la réforme par les charges exorbitantes pesant sur des particuliers ou petits exploitants (dizaines à centaines de milliers d'euros pour chaque chantier, ce qu'aucune loi n'a jamais demandé à une classe de citoyens!). Nous refusons totalement la prime actuelle à 100% de financement pour l'effacement des ouvrages, choix idéologique (et de notre point de vue contraire au texte comme à l'esprit de la loi de continuité). Poser a priori un régime financier incitatif vers les solutions les plus radicales, c'est avancer des positions dogmatiques selon lesquelles un effacement serait toujours bon pour la biodiversité (ce qui n'est pas démontré au-delà des seuls migrateurs et ce qui est manifestement faux sur certains sites), sans compter l'indifférence totale aux dimensions non-écologiques dont le CGEDD lui-même rappelle l'importance. Cette posture est totalement incompatible avec la prétention à faire du "cas par cas" (puisqu'on décide à l'avance que la destruction est préférable), donc elle ruine la crédibilité de la parole publique et la possibilité même d'une concertation. Nous appelons d'ores et déjà les associations à saisir tous les élus des comités de bassin pour que le 11e programme 2019-2024 des Agences de l'eau abolisse une fois pour toutes cette clause scélérate de la prime à la casse, qui est un casus belli symbolique pour les moulins, mais surtout l'expression manifeste d'un parti-pris indigne d'une politique publique de la rivière et incompatible avec une réussite de la continuité.
11. Étudier un élargissement de l'action de labellisation de la Fondation du patrimoine permettant aux propriétaires de moulins reconnus comme patrimoniaux de bénéficier de déductions fiscales pour les travaux de restauration de la continuité écologique, assorties d'une ouverture au public.
Nous sommes favorables à cette proposition, même réserve que les points 2 et 7.
12. À l'occasion du prochain renouvellement des comités de bassin (2020), assurer une représentation des associations de valorisation des moulins au sein du collège des usagers non économiques de l'eau.
Nous sommes bien sûr favorables à cette proposition, voir le point 5.
13. Dans la perspective de la troisième génération de schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) pour 2022-2027, réfléchir dès à présent à une prise en compte accrue des patrimoines liés à l'eau dans leurs orientations.
Établir une note méthodologique pour les services traitant de l'articulation entre la Directive cadre sur l'eau, la Directive européenne sur les énergies renouvelables et la Convention européenne sur les paysages.
Expertiser et, si nécessaire, faire évoluer la portée des SAGE en termes patrimonial et énergétique.
Nous sommes favorables à cette proposition.
14. Mettre à l'étude, dans le cadre de la préparation des XIes programmes d'intervention des agences de l'eau, une modification de la redevance "obstacle" comme levier supplémentaire de la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau, afin de rendre cette redevance plus incitative et plus juste en répartissant mieux les efforts.
Il s'agit d'étendre la redevance obstacle (perçue aujourd'hui pour les ouvrages de plus de 5 m) à tous les ouvrages de plus de 1 m. Nous avons plusieurs réserves sur le principe : pourquoi lever une taxe alors que désormais, les agences et les syndicats refusent le plus souvent de cofinancer les travaux d'entretien des ouvrages et vannages (ce qu'ils faisaient encore jusque dans les années 1990), donc que le propriétaire en assume seul le coût d'entretien? Pourquoi les propriétaires devraient payer une taxe sur les ouvrages dont le revenu fiscal sert à détruire d'autres ouvrages, finalité que nous dénonçons fermement comme contraire à l'intérêt général? Combien coûtera la collecte de cette taxe, vu le nombre d'ouvrages, et sera-t-elle seulement à bilan positif vu les équivalents temps-plein nécessaires? La condition préalable de discussion de cette évolution fiscale paraît que l'Etat s'engage formellement à respecter les ouvrages au lieu de les détruire, tout en considérant que l'aide publique à leur entretien participera à l'avenir d'une bonne gestion de la rivière. Mais globalement, il faut mener une réflexion critique et chiffrée sur les effets pervers du régime taxe-subvention, qui a montré en de nombreux domaines son inefficacité (et qui a abouti si souvent au détournement progressif de sa finalité d'origine). Au regard des résultats médiocres de la politique française sur la qualité écologique et chimique de l'eau, malgré plus de 2 milliards d'euros dépensés chaque année par les Agences de bassin, nous sommes davantage en situation d'exiger l'évaluation par la Cour des comptes de l'efficacité de la dépense publique sur les rivières qu'à signer un blanc-seing à l'expansion de la fiscalité qui la nourrit…
15. Instaurer une procédure de déchéance des droits fondés en titre qui ne seraient pas utilisés à compter d'un certain délai, par exemple le second délai de cinq ans après publication des classements des cours d'eau, et rendre ces droits non transmissibles.
Nous sommes en absolue opposition avec cette mesure, et nous saisirons l'ensemble des élus pour repousser toute évolution législative en ce sens. D'abord, le CGEDD reconnait in fine que l'intérêt des moulins ne se limite plus aujourd'hui à l'énergie comme jadis, donc le droit d'eau s'est trouvé investi d'autres significations avec le temps (il est le droit de conserver une certaine consistance légale des écoulements attachés au génie civil hydraulique d'un bien, que ces écoulements servent pour l'énergie, mais aussi pour l'agrément, le patrimoine, le paysage, les usages, etc.). Au-delà des moulins, étangs, piscicultures et ouvrages d'irrigation dépendent parfois de ce régime. Ensuite et surtout, s'il n'y avait pas eu la protection juridique des droits d'eau fondés en titre ou sur titre, rien n'aurait pu s'opposer efficacement à la politique arbitraire et brutale de destruction des ouvrages par l'Etat. Car une chose est claire à la suite de la séquence 2006-2017 dont le CGEDD fait le bilan : des fonctionnaires centraux ou territoriaux sont prêts à appuyer froidement sur des boutons pour harceler les maîtres d'ouvrage, détruire leurs propriétés et faire disparaître le patrimoine hydraulique de nos rivières. Il faudra davantage qu'un rapport pour apaiser la défiance et la colère des propriétaires et riverains, et la violence institutionnelle de l'Etat n'incite en rien à abandonner la seule vraie protection juridique dont bénéficient leurs ouvrages. Nous utiliserons donc tous les moyens à notre disposition pour conserver le droit à l'existence des moulins comme garantie ultime face aux dérives administratives.
Conclusion : et maintenant ?
Constatant que sur les 11 recommandations de son premier rapport en 2012, neuf n'ont pas été réellement suivies d'effets (voir notre article à ce sujet), le CGEDD déplore cette inertie de l'Etat et observe : "Il est regrettable que quatre années aient ainsi été perdues, ce qui, à n'en pas douter, a contribué à aggraver ces difficultés".
On ne saurait mieux dire. Non seulement 4 années ont été perdues, mais dans leurs interventions les plus récentes, les hauts fonctionnaires du Ministère continuent d'appeler à la destruction sans discernement des retenues (voir cet article), signe que le même aveuglement dogmatique perdure au sein de la tutelle administrative, en totale indifférence aux oppositions que suscite cette politique sur le terrain.
Du même coup, on s'inquiète évidement du destin de ce nouveau rapport, publié par le ministère de l'Ecologie en pleine période de transition politique. Est-ce à dire qu'une fois de plus, les autorités administratives en charge de l'eau choisiront les seules recommandations qui les avantagent, se gardant bien de mettre en oeuvre celles qui dérangent leur routine ou déplaisent à leurs convictions? Que le travail du CGEDD sera pour l'essentiel enfermé dans un tiroir, afin de persister dans la confrontation avec les ouvrages, d'opposer encore et toujours aux riverains le dogme si peu partagé de la renaturation des rivières, de privilégier outrageusement les positions de quelques lobbies de la casse?
La réponse à ces questions tiendra notamment dans la capacité des représentants des moulins, riverains, étangs, forestiers, hydro-électriciens, protecteurs du patrimoine et du paysage à saisir leurs élus pour leur faire partager les principaux constats du CGEDD et pour aller plus avant dans l'adaptation nécessaire de la continuité écologique aux réalités de terrain.
Les plus importantes réformes sont devant nous : restons unis, fermes et solidaires!
Bref quand il faut payer (ce que font tous les usagers des cours d'eau) vous vous défilez ? Vous devriez commenter le jugement porté sur votre blog mon cher Champetier !
RépondreSupprimerNous allons faire plusieurs articles sur les éléments du contenu complet, dont les commentaires CGEDD sur Hydrauxois.
RépondreSupprimerSe défiler quand il faut payer ? Si la contrepartie de cette fiscalité est la fin de tout effacement de moulins / étangs et leur intégration dans les éléments d'intérêt de la rivière pouvant faire l'objet d'aides publiques diverses, pourquoi pas. Si c'est pour nourrir les subventions à FNE et aux fédés de pêche, pour payer des pelleteuses à casser le patrimoine et pour aboutir à moins de la moitié des masses d'eau en bon état chimique / écologiques, il est douteux que cela paraisse légitime. La politique publique n'est pas vraiment en situation de donner des leçons d'efficience sur son action.
Mais, monsieur ou madame l'anonyme, vous êtes bien silencieux sur les 13 premières recommandations. Qui ne ressemblent absolument pas aux diverses tentatives d'enfumage des parlementaires (encore en février dernier) selon lesquelles la continuité se passait formidablement bien. Evidement, vous ne pouvez plus accuser le CGEDD d'être un "lobby", on comprend votre gêne que la mission ait repris pour l'essentiel le contenu de nos critiques menées depuis quelques années, confirmant qui était dans le vrai et qui était dans le déni ou la manipulation…
J'étais curieux de voir votre réaction mais je ne m'attendais pas à vous voir faire amende honorable ... continuer à vous monter le bourrichon mais plus que quelques jours et votre protectrice ne sera plus là ...
RépondreSupprimerSégolène Royal (vous pensez sans doute à elle) a pris quelques mesures de fond qui resteront après son départ. Mais surtout, les principales réformes ont été menées par le parlement, parfois contre l'avis du gouvernement. Et le rapport du CGEDD, qui procède aussi d'une enquête de fond auprès des services et des gestionnaires, montre que le malaise autour de la mise en oeuvre de la continuité excède les atermoiements de la tutelle, il tient aussi aux problèmes intrinsèques de la réforme (son délai, son ampleur, son coût, sa conflictualité).
RépondreSupprimerVous vous trompez si vous pensez que tel ou tel ministre serait capable demain d'imposer de manière verticale et autoritaire une réforme qui concerne encore plus de 15.000 sites non traités et qui rencontre des résistances sociales diffuses. Les rapports parlementaires, administratifs et européens se sont accumulés depuis quelques années en ce qui concerne la politique de l'eau, ils convergent plutôt avec nos vues et fragilisent certaines positions de l'administration centrale ou des établissements territorialisés. Le transfert Gemapi, qui va faire monter les collectivités, n'est pas de nature non plus à créer un contexte d'imposition aisée de mesures non consensuelles, la gestion plus proche du terrain étant au contraire et en moyenne moins disposée à imposer des directions fortes (a fortiori coercitives) que l'Etat central.
Quant à la majorité parlementaire (donc gouvernementale) qui sera appelée à faire évoluer les lois, bien malin qui peut la prédire aujourd'hui !
un texte intéressant mais ... pas que... exemple ( extrait du rapport de synthèse):
RépondreSupprimer""ainsi qu'une réforme des droits fondés en titre""
"Enfin, la mission propose des réformes de structure
destinées à régler certaines difficultés de fond au service de ce programme : elle préconise de mettre à l'étude une évolution des SDAGE et des SAGE
afin de mieux intégrer les approches patrimoniale
et énergétique, une modification de la redevance pour obstacle sur les cours d'eau afin de faire de ce dispositif un levier qui soit véritablement incitatif et plus juste, ainsi qu'une réforme des droits fondés en titre , visant une extinction progressive de ce régime tout en encourageant les propriétaires à concrétiser leurs projets énergétiques" ... ce texte est évidemment remplis de piège à moulins , comme d'hab.
Alors d'accord avec vous :
Les plus importantes réformes sont devant nous : restons unis, fermes et solidaires! et surtout restons vigilants !
A.D.M. 61
Oui cf la recommandation n°15 ci-dessus. On y reviendra en détail, un fondé en titre peut d'ores et déjà être annulé par l'administration pour diverses raisons, donc cette recommandation est une provocation tout à fait inutile. Mais on imagine sans peine de qui elle émane (les mêmes personnes qui font que l'on en est là, c'est-à-dire des personnes qui in petto souhaitent voir disparaître la plupart des moulins et étangs).
SupprimerJe vous fait part de quelques réflexions. D’abord, j’ai trouvé ce rapport de très bonne facture. Même si comme vous (mais pour des raisons différentes) je ne suis pas d’accord avec toutes les préconisations de la mission, je les trouve raisonnables et intéressantes, et pouvant servir de base à des discussions qui pourraient être (on peut rêver) constructives...
RépondreSupprimerSur les financements, la mission préconise de développer des co-financements. C'est un petit peu différent de ce que vous en retenez. Et ça éclaire ce que vous appelez "prime à la casse" actuelle, qu’on peut aussi interprêter comme une orientation strictement écologique de crédits à vocation écologique. La mission interroge : "la forte mobilisation récente des élus en faveur du patrimoine des moulins ne justifierait-elle pas un effort financier spécifique de la part des collectivités qu'ils représentent, pour concrétiser les bonnes intentions et ce au titre de l'intérêt général"? Cette interrogation n’est-elle pas pleine de sagesse?
Sur l'hydroélectricité, la mission préconise aussi de "privilégier l'intérêt général avec des opérations collectives". On comprend bien votre point de vue : "si le "potentiel" de quelques kW des moulins est souvent jugé négligeable par les autorités en charge de l'eau ou de l'énergie, il ne l'est nullement pour le propriétaire qui peut assurer tout ou partie de sa consommation d'énergie." D'où la nécessité de faire appel à la notion d'intérêt général. Le bénéfice pour le propriétaire doit-il passer avant l'impact de l'ouvrage? Réponse au cas par cas, évidemment...
Et pour finir, une citation de la mission : "Ces conditions impliquent donc un changement de posture et une remise en cause des attitudes observées actuellement chez tous les acteurs de ce dossier". On saisit bien que vous serez d'accord en ce qui concerne vos adversaires. "Tous les acteurs" me semble être une expression qui vous englobe (ce "vous" est évidemment plus large que le seul rédacteur de ce remarquable site).
Tout à fait d'accord avec la qualité du dossier – au vu des premières réactions dans le monde des moulins, beaucoup risquent de se focaliser sur la question des droits d'eau, ce qui serait dommage (mais un peu compréhensible, et en tout cas révélateur du niveau de méfiance sur ce dossier).
SupprimerComme vous le savez, le problème réside dans la définition que l'on donne d'un intérêt écologique (première divergence), puis dans le rapport entre intérêt écologique et intérêt général (seconde divergence). A partir de là, on pourra dire que telle ou telle dépense publique est fondée (par exemple, que l'agence de l'eau a raison de trouver un intérêt écologique à l'effacement, encore raison de poser une identité pure entre intérêt écologique et intérêt général).
Ces questions ne sont pas vraiment tranchées. Outre le fait que l'écologie n'est pas l'alpha et l'omega d'un cours d'eau et de l'intérêt des citoyens, il y a aussi des arguments écologiques pour et contre la présence de discontinuités. Si le juge de paix est la biodiversité (non pas telle ou telle espèce spécialisée qui n'apprécie pas la retenue ou la fragmentation), on manque de données empiriques pour apprécier. Ce qui pourrait être consensuel, c'est déjà la mise au point de méthodes sur chaque bassin versant pour essayer d'objectiver cela, à condition que les partenaires acceptent les estimateurs d'impact et ne divergent pas trop sur l'interprétation de leur échelle de gravité. Par exemple, cela restera un dialogue de sourds tant que certains soutiennent mordicus que l'existence même d'une retenue pose un problème de vitesse, température et substrat, car dans ce cas ce n'est même plus la peine d'étudier et de débattre, la conclusion est posée à l'avance. Si l'on se penche sur le vivant (car la morphologie soutient la biologie, elle n'est pas intrinsèquement recherchée pour autre chose qu'un support de vie sur des habitats), alors on peut sans doute poser des diagnostics plus ouverts, des comparatifs plus intéressants, des espérances de gain plus précises.
Sur l'engagement des collectivités : nous sommes d'accord, surtout avec la Gemapi. En l'occurence, les communes auraient vocation à participer quand les retenues profitent à leur attrait (mais on sait les capacités financières propres des petites collectivités) ; les régions ont la triple compétence énergie, écologie et patrimoine, elles sont donc au coeur du sujet et devrait s'y investir davantage. Il n'en reste pas moins que les comités de bassin des agences de l'eau doivent aussi à notre sens faire preuve d'une vitalité démocratique plus manifeste, et poser ouvertement la question des rivières que l'agence a vocation à promouvoir. Nous ne pensons pas que le "tout écologique" dans la dépense et l'orientation correspond à la vision dominante de la société (ni que la société se trompe à ce sujet parce qu'elle n'est pas assez "éclairée"). D'ailleurs, le "tout écologique" semble réservé aux moulins car face à d'autres impacts autrement importants (agriculture), les mêmes agences font beaucoup de concessions et prennent beaucoup de précautions, nous semble-t-il..
"Changer d'attitude" : nous en reparlerons dans un prochain article, mais voyez quelle était notre "attitude" en 2013 en lisant ce dossier:
Supprimerhttp://www.hydrauxois.org/2013/02/continuite-ecologique-en-cote-dor-le.html
Déjà critique, certes, on parlait de modernisation écologique des moulins, on acceptait l'effacement dans des termes assez proches d'ailleurs de ce que dit le CGEDD (cf dix mesures, "détermination des ouvrages à effacement prioritaire correspondant à une quadruple condition : absence d’intérêt patrimonial, absence d’intérêt énergétique, absence de risques induits, preuve d’un gain écologique"), etc.
Franchement, nous n'aurions pas l'énergie que nous déployons sans être animé par un très fort sentiment d'injustice face au refus d'une vraie concertation (=avec tout le monde et avec conclusion ouverte) et face à l'évitement des questions les plus dérangeantes (=impossibilité de demander à des particuliers / petits exploitntants des 10aines ou 100aines de k€ d'engagement, donc blocage complet autour de l'alternative "vous arasez/dérasez ou vous vous débrouillez").
Sans vouloir lancer ici un débat qui n'aboutira pas, je trouve votre réponse à ma remarque sur l'intérêt général et la micro-électricité un peu à côté. Évidemment individuellement un propriétaire pourra trouver un intérêt à produire quelques kw pour sa consommation personnelle. Mais le rôle de l'Etat et des collectivités est de s'assurer que cet intérêt personnel légitime n'a pas d'impacts trop importants par rapport à son intérêt. Dénoncer ce que vous considérez comme de l'intégrisme écologiste en mettant en avant un intégrisme hydroélectrique ne me semble pas très constructif. Sur cette question, l'analyse et la préconisation de la mission me semble assez mesurée et censée.
SupprimerQuant à la question des droits d'eau, lancer ce pavé dans la marre me semble utile, au moins pour lancer le débat. La question pouvant aussi être à mon sens : quels devoirs quand on a de tels droits?
Intérêt général et production : la réponse concernait l'intérêt attaché aux ouvrages ou aux rivières ou aux espèces en général, davantage que l'énergie. Car c'est le premier débat par ordre d'importance, dont découle l'application à des cas concrets (patrimoine, énergie, paysage ou n'importe quel usage local particulier / collectif). On ne peut sans doute pas faire une écologie concrète, applicable, si l'on commence par poser sur le principe que tout gain environnemental même modeste est un intérêt majeur et l'emportant sur les autres (d'où la difficile question, comment on caractérise et priorise ce qui est important et l'est moins en écologie, est-ce que certains acteurs enviro. sont prêts à l'admettre tout comme les assos ou syndicats moulins / hydro doivent admettre des évolutions de leurs pratiques). Concernant l'énergie et l'écologie en particulier, le régime actuel (depuis le décret 2014 et l'arrêté 2015) consiste à faire du cas par cas, avec un contrôle a priori de l'Etat du projet de relance énergétique, et des prescriptions complémentaires au droit d'eau / règlement d'eau si l'impact écologique est jugé trop fort. Par exemple, OK vous mettez une turbine mais avec grille fine et exutoire de dévalaison pour limiter la mortalité en dévalaison. Sauf dans certains cas (propriétaire ne voulant rien entendre ou, dans l'autre sens, administrations demandant des DMB énormes ou des passes inaccessibles), cela ne se passe pas si mal. Mais c'est récent et pas stabilisé, encore peu de retours dans l'ensemble.
SupprimerDroit d'eau : les devoirs sont généralement bien précisés (il y a eu des plaquettes de consensus de certaines DDT-M ou de l'association de EPTB), parfois ils sont codifiés dans le règlement d'eau. Après, il est normal de débattre de leur évolution en fonction des connaissances, et aussi de davantage les contrôler s'ils ne sont pas respectés et si cela pose un problème tiers/milieux.
D'accord avec vous sur la production énergétique. Mais on ne peut à mon sens pas mener une politique de transition énergétique concrète, applicable et durable si on commence par poser le principe que toute production d'énergie même modeste et non-rentable est d'un intérêt majeur pour la société, à partir du moment où elle ne produit pas de gaz à effets de serre. C'est pour ça que la notion de projets collectifs mise en avant par la mission me semble plutôt intéressante.
SupprimerVu ce que disent les chercheurs du climat et certaines évolutions récentes (fonte accélérée Arctique, El Nino surpuissants, sécheresses et famines accentuées en certaines régions, Afrique en ce moment même), le retard dans la transition par rapport à un objectif de moindre émission carbone sans faire tout reposer sur le nucléaire, la nécessité que les citoyens s'approprient au maximum les enjeux d'économie / production d'énergie par des voies différentes du modèle actuel, on est plutôt partisan d'encourager tous les gestes en ce domaine, même modestes. Car l'énergie est à la fois au coeur de l'économie et en évolution structurellement lente, en même temps que le climat est un système global qui peut devenir incontrôlable dans ses rétroactions (pas le même principe que la conservation de biodiversité relevant surtout d'actions locales et régionales, même si le climat en l'occurence ou l'acidification interagissent avec elle). Après, on comprend que cette vue ne soit pas partagée par tous (c'est bien normal), et on admet de toute façon bien volontiers que l'enjeu micro-hydro est modeste par rapport aux enjeux globaux de l'énergie, vu la réalité des chiffres. Mais décourager des initiatives quand il y a des bonnes volontés, sous prétexte que ce n'est pas assez "gros", c'est quand même assez illisible non? Surtout qu'il y a aussi la réalité écologique des productions dont on parle, l'impact sur les populations piscicoles (toujours elles...) d'une roue, d'une vis ou d'une petite turbine de quelques kW avec grille n'a quand même rien à voir avec celui des grands barrages EDF / CNR / Shem sur le Rhin, la Dordogne, l'Adour, la Garonne, l'Allier, le Rhône...
SupprimerIl y a un autre point, savoir si l'on parle de subvention publique à l'énergie (auquel cas elle a un cahier des charges posé par le subventionneur) ou simplement de réalisme dans l'intervention publique (dans le cas de l'hydro).
SupprimerExemple concret et actuel: un adhérent a un projet de petite hydrolienne (5 kW) sur la Seine, au droit d'une forge. Comme la plupart des gens ayant un projet d'autoconsommation, il ne demande aucune subvention ou aide publique (ni même, dans ce cas, un tarif de rachat), il assume tous les coûts de son projet. Ce qu'il veut en revanche, c'est qu'on ne lui impose pas un dossier de bureau d'études coûtant plus cher que son hydrolienne ni une passe à poissons sans subvention coûtant plus cher que sa forge.
Moralité : que l'Etat soit soucieux de la bonne dépense publique en énergie, cela se conçoit (au final, nous ne sommes pas très chauds devant des projets de petite puissance sur-aidés publiquement, car on a des coûts trop importants à l'arrivée) ; mais que l'Etat veuille intervenir sur tous les projets même modestes par des prescriptions parfois irréalistes au plan économique et disproportionnées à leur enjeu écologique, là cela coince davantage. (Surtout que le même Etat ne demande pas à des entreprises agricoles de dépenser plusieurs fois leur chiffre d'affaires ou la valeur de leur exploitation pour l'écologie, par exemple, de sorte que le régime d'exception de la morphologie et de son rapport pression-impact-coût pose question, ce que le CGEDD souligne par endroit…)
Si on considère par principe que l'hydroélectricité n'a aucun impact négatif, alors votre raisonnement se tient : toute initiative est bonne à encourager, en tout cas à ne pas décourager.
SupprimerSi en revanche on considère que cette activité peut occasionner des impacts négatifs, alors il convient de les évaluer, de comparer les avantages et les inconvénients, et d'arbitrer.
L'impact d'une petite turbine avec grille n'a rien à voir avec celui d'un grand barrage. L'impact d'une succession de 10 turbines sans grille peut commencer à être très problématique. La production d'une petite turbine, avec ou sans grille, n'a rien à voir non plus avec celle d'un grand barrage.
Par ailleurs, l'impact, en valeur absolue, d'un certain nombre de grands barrages sur les migrateurs amphihalins est relativement faible, puisque l'accumulation d'ouvrages de taille modeste en aval empêche fréquemment la majorité, voire la totalité, des individus, d'atteindre le pied des grands ouvrages. Qui sont effectivement totalement infranchissables.
Oui mais on en revient grosso modo au cas par cas.
Supprimer10 turbines de moulin... c'était quand même le cas sur beaucoup de rivières entre 1880 et 1940, et sans grille fine à l'époque. Par exemple ici, quasiment tous les moulins de l'Armançon entre Pont et Tonnerre ont une turbine Francis en chambre d'eau, qui était en activité jadis, soit quand même une quarantaine de sites. Nous manquons de données pour savoir si cela avait un impact et de quelle nature. Sur les anguilles c'est possible, sur d'autres espèces, vu la faible hauteur hauteur de chute, la faible pression et la vitesse de rotation des turbines modestes, c'est à vérifier. Là dessus, vous savez que nous ne sommes pas d'accord avec les formules de mortalité aujourd'hui utilisées (tout simplement parce que ce sont des formules empiriques mais leurs régressions ont été faites sur des puissances moyennes à grandes uniquement, parfois dans des conditions non représentatives des sites) et que nous attendons de l'AFB ex Onema qu'elle propose une étude de mortalité en conditions réelles sur des turbines de 5-150 kW, avec différents types d'espèces.
Sinon, on se trompe peut-être, mais on croit deviner une position implicite dans votre raisonnement : vous considéreriez comme normal de pouvoir interdire une exploitation hydro-électrique (pas seulement de ne pas la soutenir ou ne pas l'encourager). Est-ce le cas ? Tout est possible, mais si c'est un interdit que l'on vise, il faut en préciser la justification écologique ainsi que juridique (pourquoi on pénalise certaines exploitations et pas d'autres au sein de l'hydro et dans l'hydro par rapport aux autres énergies, comment on abroge une autorisation toujours en vigueur, quelles autres activités on interdit sur la même rivière, car il ne serait plus question par exemple de tolérer dans ce cas de figure la morbidité-mortalité des poissons par la pêche etc.).
Je m'étonne que l'on parle si peu d'esthétique. Je rêve quant à moi que mes petits-enfants et arrière-petits-enfants connaissent une rivière avec des ponts et des pontons, des gués et des lavoirs, des moulins et des forges, des étangs et des retenues, des chaussées et des barrages, des biefs et des canaux, des chutes et des plans d'eau, des digues et des marais, des bocards et patouillets, des foulons et fourneaux, tout, tout, tout ce que le génie humain a pu créer autour de l'eau ou à partir d'elle au fil des âges et des courants. Quel intérêt de voir partout les mêmes paysages « naturels », c'est une régression, cela nous prive de surprises et de découvertes et de plein de petites merveilles quand nous visitons une région, cela appauvrit ce que nous transmettons. Est-ce que tout notre patrimoine présent depuis tant de générations d'hommes a jamais empêché la promenade, la pêche, le canotage, le kayack, la plongée, le pédalo, la baignade, le barbotage ou que sais-je encore? Soyons sérieux un instant, nos souvenirs d'enfants reviennent et on sait que c'est faux. Encore voici 20 ou 30 ans, personne n'avait cette folle prétention de faire disparaître les choses. Mais déjà pas tous n'avaient le courage de les entretenir. Voici 20 ou 30 ans, nos rivières sentaient mauvais et devenaient troubles, je garantis que c'était bien pire qu'aujourd'hui!!
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