- des contestations sur la reconnaissance du droit fondé en titre ;
- des remises en question de la consistance légale de l’ouvrage (hauteur, débit dérivé, puissance exploitable) ;
- des exigences exagérées sur les débits réservés, souvent supérieurs au seuil de 10 % prévu par la loi ;
- des demandes de justification disproportionnées, parfois sur des données anciennes ou impossibles à reconstituer ;
- des délais d’instruction excessifs, souvent suivis de demandes de compléments sans fin ;
- des avis techniques défavorables sans prise en compte des réalités historiques, juridiques et locales ;
- des objectifs maximalistes d'absence d'impact impossibles à tenir car ils signifieraient l'absence d'ouvrage ;
- des qualifications de certaines rivières comme "réservoirs biologiques" sans preuve et sans démonstration que l'ouvrage aurait mis en péril cette fonction de réservoir ;
- un manque de coordination entre services, chacun pouvant bloquer à son niveau la relance d’un ouvrage.
08/04/2025
Le harcèlement administratif des ouvrages hydrauliques persiste : comment y mettre fin?
13/06/2023
La justice condamne et annule le programme de casse des ouvrages hydrauliques de l’agence de l’eau Seine-Normandie
Sur les conclusions à fin d’annulation partielle de la délibération du 16 novembre 2021 :
18. Aux termes de l’article L. 214-17 du code de l'environnement tel que modifié par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : « I. - Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous- bassin : (…) / 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie. S'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages (…) ».19. Les associations requérantes soutiennent que la délibération du 16 novembre 2021 révisant le 11ème programme pluriannuel d’intervention de l’agence de l’eau Seine- Normandie est devenue illégale du fait de la modification par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, du 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l'environnement.20. Il ressort des pièces du dossier que le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement oblige désormais, s’agissant uniquement des ouvrages implantés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux, dans lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs, figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, à les entretenir, les gérer et les équiper, sans remettre en cause leur usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie, de sorte que ces mesures sont les seules modalités autorisées pour l'accomplissement des obligations relatives au transport suffisant des sédiments et à la circulation des poissons migrateurs, à l’exclusion plus particulièrement pour les moulins à eau de la destruction des ouvrages de retenue. Or, il ressort du point E.1 du programme pluriannuel d’intervention en litige qu’il prévoit la possibilité de financer de tels travaux de destruction, lorsqu’ils sont nécessaires à la restauration de la continuité écologique.21. D’une part, si l’agence de l’eau Seine Normandie fait valoir en défense que les dispositions précitées de l’article L. 214-17 du code de l'environnement ne régissent pas directement l’attribution des aides encadrées par le 11ème programme révisé et que ce programme prévoit que les travaux financés doivent satisfaire aux obligations règlementaires, ces aides ne sauraient être attribuées en méconnaissance des dispositions législatives en vigueur à la date de l’adoption de la délibération attaquée et la seule réserve relative aux obligations règlementaires ne permet donc pas d’être interprétée comme ayant implicitement mais nécessairement exclu de son dispositif d’aides, les travaux ainsi prohibés par la loi.22. D’autre part, l’agence de l’eau Seine-Normandie soulève en défense une exception d’inconventionnalité de la nouvelle rédaction de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, qui serait contraire selon elle, au a) du 1 de l’article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui fixe un objectif de prévention, de restauration et d’amélioration de l’état des masses d’eau de surface. Elle fait valoir que l’annexe V de cette directive fixe ainsi la continuité des rivières comme l’un des paramètres biologiques de la qualité de leur état écologique qui doit permettre une migration non perturbée des organismes aquatiques et le transport des sédiments. Cette nouvelle rédaction de la loi serait également, selon l’agence de l’eau, contraire, à l’article 2 du règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes et imposant notamment la mise en place de mesures structurelles visant à permettre le franchissement des rivières et le transport des anguilles argentées des eaux intérieures vers des eaux d’où elles peuvent migrer librement vers la mer des Sargasses. Il résulte toutefois des dispositions de l’article L. 214-17 que celles-ci limitent l’interdiction qu’elles instituent à la seule destruction des ouvrages ayant un usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie, comme modalité d’accomplissement des obligations environnementales relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments. Dans ces conditions, cette exception d’inconventionnalité, telle qu’elle est soulevée en défense, doit être écartée.23. Dans ces conditions, le point E.1 du 11ème programme pluriannuel d’intervention, tel qu’approuvé par la délibération en litige, méconnait partiellement les dispositions du 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement.
- se félicite de la sanction des dérives de l’administration eau & biodiversité, qui a voulu persister dans un programme massif de destructions des ouvrages hydrauliques contraire à l’esprit et à la lettre de la loi française ;
- observe que le mouvement des ouvrages hydrauliques et de leurs riverains avait raison de pointer ces dérives auprès des élus, des préfets, des médias, malgré les dénégations réflexes et mensongères du ministère de l'écologie quand il était interrogé à ce sujet;
- appelle ses adhérents, les maîtres d’ouvrages, les collectifs et associations à demander immédiatement l’arrêt de toute destruction en cours d’ouvrage sur le bassin Seine-Normandie (rivières listes 2 ou listes 1- listes2), et en particulier à contester si nécessaire devant la justice son financement public ;
- appelle les administrations de la république, et en particulier les préfets départementaux et préfets de bassin ainsi que la direction eau & biodiversité du ministère de l'écologie, à faire cesser les dérapages idéologiques internes et les prises de position des agents publics contraires aux lois du pays ;
- appelle les élus de la république, et en particulier les parlementaires, à repenser et réviser la politique de l'eau et des rivières en incluant pleinement la valeur des ouvrages hydrauliques et leur contribution aux grands enjeux de notre temps : relocalisation économique, agrément social et paysager, gestion hydrologique des débits, production énergétique bas carbone, défense incendie, adaptation climatique, protection des biodiversités.
16/01/2023
Bilan de la continuité en long des rivières sur le bassin Adour-Garonne
- les tronçons de cours d’eau classés en liste 2 représentent 7 598 km soit 6,4% du réseau hydrographique
- le linéaire de cours d’eau classé en liste 1 est de 34 693 km, soit 29,3% du réseau hydrographique, dont 6 815 km en double classement liste 1 et liste 2
- le saumon et la truite de mer constituent des espèces cibles du classement avec respectivement 34 et 37% des linéaires de rivières
- l’anguille constitue une espèce cible sur pratiquement 71% des cours d’eau classés
- la lamproie marine est un enjeu sur pratiquement la moitié des rivières classées tandis qu’1/4 des cours d’eau sont concernés par l’enjeu grande alose.
- sur l’ensemble des rivières, 1/5ème est concerné par un seul enjeu propre à la truite commune
- environ 3 500 ouvrages concernés par le classement en liste 2, soit environ 17,5% du nombre total d’ouvrages recensés sur le bassin.
- 16% des ouvrages sont dédiés à la production hydroélectrique.
- 68% des ouvrages classés se situent dans des tronçons à enjeu biologique grand migrateur et 32% à enjeu d’espèces holobiotiques.
- 407 ouvrages ont reçu une aide de l’Agence de l’eau entre 2013 et 2020 (moins de 12% des ouvrages classés liste 2),
- 63% des aides ont concerné des équipements d’ouvrages et 37% des effacements (effacements majoritaires sur les cours d’eau à enjeux holobiotiques),
- 41% des aides ont été versées à des aménagements hydroélectriques,
- montant total d’aide versé : 50.8 M€, 87% pour les équipements (259 ouvrages), 13% pour les effacements (148 ouvrages)
- Il est bon que les agences de l’eau fassent de tels bilans sur la politique très contestée de continuité écologique.
- En Adour-Garonne comme ailleurs, la grande majorité des ouvrages ne sont pas en conformité à la continuité écologique alors que le délai légal est dépassé. Il est inacceptable de laisser pourrir la dimension juridique du sujet : soit la loi supprime la notion de délai (dépassé), soit le préfet de bassin publie un nouveau classement (plus réaliste, donc avec beaucoup moins de tronçons) des rivières en liste 2.
- En terme de révision des classements, on doit poser la question des cours d'eau classés uniquement pour la truite commune, espèce largement répandue et non menacée, car ce choix correspond éventuellement à des attentes halieutiques mais pas à une priorité écologique en niveau de menace d'extinction.
- Le bilan doit intégrer des chiffres clairs sur l’évolution de toutes les espèces de poissons cibles, bassin par bassin et au global, car la hausse démographique de ces poissons est bien la promesse de cette politique et la justification des nuisances qu’elle crée par ailleurs.
- L’agence de l’eau Adour-Garonne est loin d’être l’institution la plus problématique pour la mise en œuvre de la continuité écologique. Comme sa consœur Rhône-Méditerranée, et sans doute en raison d’une composante hydraulique et hydro-électrique dans la culture gestionnaire, cette agence a classé un nombre raisonnable de rivières en 2012-2013 au titre de la continuité écologique. Et elle n’a pas engagé des incitations politiques fortes en direction de la seule destruction. On ne peut en dire autant d’autres agences de l’eau, comme Loire-Bretagne ou Seine-Normandie, qui ont cumulé les deux défauts : irréalisme du classement continuité écologique, sectarisme dans sa mise en œuvre (voir les chiffres comparés disponibles dans le rapport CGEDD 2016)..
- En 2023 comme auparavant, cette politique de continuité écologique est problématique : chère, mal acceptée par les riverains pour des raisons de patrimoine, de paysage ou d’usage, contradictoire avec le rôle des ouvrages pour l’énergie et le stockage d’eau, sans résultat très intéressant et sans démonstration que les résultats (in fine des variations de densités de poissons) représentent un intérêt général prioritaire.
05/11/2022
Les agences de l’eau aiment finalement les obstacles à l’écoulement
- Des barrages sont construits sur les territoires de chaque castor, formant une succession d’obstacles à l’écoulement
- Ces barrages forment en amont des plans d’eau qui sont semi-lotiques en hiver et lentiques en été
- Ces plans d’eau élargissent le lit naturel de la rivière
- En été, ces plans d’eau tendent évidemment à être plus chauds et à évaporer davantage
- Ces plans d’eau ont un fond souvent limoneux, qui sédimentent davantage, ce qui explique pourquoi ils épurent certains intrants indésirables
- Les plans d’eau rehaussent la nappe et aident parfois à des débordements en lit majeur, ce qui est jugé bon pour la ressource en eau
01/02/2022
Les agences de l'eau continuent de promouvoir la casse illégale du patrimoine des rivières
« 1.-Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin :2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie. S'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. »
05/07/2021
L'Europe ouvre une procédure en justice contre la pollution des eaux usées en France
14/03/2021
Ne plus laisser les agences de bassin détruire le patrimoine et la ressource en eau des territoires
- saisine commune du premier ministre, de la ministre de l'écologie, du comité national de l'eau et des préfets de bassin afin de faire constater et cesser la dérive des agences de l'eau;
- demande aux parlementaires, qui votent le budget des agences de l'eau dans le cadre de la loi de finances publiques, de procéder à un contrôle de normativité des décisions des agences par rapport aux textes de loi;
- en cas d'absence d'effet de cette saisine et de refus de retrait des dispositions litigieuses, préparation d'une requête en contentieux contre le ministère de l'écologie et contre les SDAGE pour carence fautive dans la lutte contre le changement climatique, préjudice aux citoyens, mise en danger de la ressource en eau, organisation illégale de l'inégalité des citoyens devant les charges publiques ;
- enfin au cas par cas et sur les milliers d'ouvrages concernés, préparation d'une procédure standardisée de plainte pour tout refus d'une préfecture et d'une agence de l'eau de financer les solutions constructives au même niveau que les solutions de destruction.
11/02/2021
Aux sources de la Seine, on tourne la page de la casse brutale et absurde des ouvrages en rivière
08/01/2021
La France échoue à assurer la qualité écologique et chimique de ses eaux
"Face à ces enjeux communautaires [de la directive eau 2000], et malgré le dispositif mis en place par les lois sur l'eau ou la pêche du 16 décembre 1964, du 29 juin 1984 et du 3 janvier 1992, force est de constater que la situation en France n'est pas entièrement satisfaisante, même si par certains de ses aspects la directive cadre sur l'eau est inspirée en partie du modèle français.En effet, la qualité des eaux n'atteint encore pas le bon état requis par la directive du fait des pollutions ponctuelles ou surtout diffuses insuffisamment maîtrisées, qui compromettent la préservation des ressources en eau destinées à l'alimentation humaine et les activités liées à l'eau ainsi que l'atteinte du bon état écologique des milieux.L'objectif de bon état écologique des eaux n'est atteint actuellement que sur environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielle"
- En Adour-Garonne, l'état écologique des cours d'eau et plans d'eau est bon ou très bon dans 50% des cas.
- En Artois-Picardie, l'état écologique des cours d'eau et plan d'eau est bon ou très bon dans 23% des cas.
- En Loire-Bretagne, l'état écologique des cours d'eau et plans d'eau est bon ou très bon dans 24% des cas.
- En Rhin-Meuse, l'état écologique des cours d'eau et plan d'eau est bon ou très bon dans 29% des cas.
- En Rhône Méditerranée, l'état écologique des cours d'eau et plan d'eau est bon ou très bon dans 48% des cas.
- En Seine-Normandie, l'état écologique des cours d'eau et plans d'eau est bon ou très bon dans 32% des cas.
15/09/2020
Si vous dites aux gens "on préfère détruire votre site", vous croyez qu'ils seront apaisés ou énervés?
La coordination Eaux & rivières humaines vient d'écrire aux préfets de bassin Seine-Normandie et Loire-Bretagne, ainsi qu'aux directions des agences de l'eau, afin que le projet scandaleux de SDAGE 2022-2027 soit révisé et que cesse la prime financière à la destruction des ouvrages hydrauliques. Le projet en l'état signifie encore 7 ans de pressions et conflits: tout le monde sait que le sous-financement ou non-financement dogmatique des solutions douces de continuité (passes à poissons, rampes rustiques, rivières de contournement, gestion de vannes) est le noeud du problème depuis le premier plan de continuité écologique en 2009. Ce texte du SDAGE doit théoriquement être adopté par le comité de bassin — dont sont exclus les moulins, étangs, riverains, protecteurs du patrimoine — dès cet automne. Alors même que le ministère de l'écologie prétend à une continuité écologique "apaisée", les services de l'Etat dans les agences de l'eau promeuvent le seul financement maximal aux solutions de casse des moulins, étangs, plans d'eau, barrages. Encore le double discours. Le message de ces fonctionnaires de l'eau est clair: nous préférons détruire votre site. Qu'attendent-ils en face comme réaction, sinon une radicalisation des conflits?
Il est de la plus haute urgence que les fédérations et syndicats exclus des comités de bassin (riverains, moulins, étangs, autoproducteurs d'énergie) saisissent eux aussi le ministère de l'écologie, les parlementaires et les préfets de bassin de cette nouvelle dérive qui signifie l'impossibilité de trouver des compromis sur la plupart des sites classés en liste 2 au titre de la continuité écologique.
Téléchargez le courrier Seine-Normandie et informez vos parlementaires des dérives
Téléchargez le courrier Loire-Bretagne et informez vos parlementaires des dérives
Texte de la lettre (Seine-Normandie)
Monsieur le Préfet coordonnateur de bassin,
Monsieur le Président du comité de bassin,
Madame la Directrice de l’agence de l’eau,
Notre coordination rassemble des associations, syndicats et collectifs de riverains, de propriétaires et d’usagers d’ouvrages hydrauliques de toute nature, concernés au premier chef par les politiques de continuité écologique en long des cours d’eau. Si le gouvernement français a lancé un plan pour une politique apaisée de continuité écologique en 2018, il semble que l’agence de l’eau Seine-Normandie ne souhaite nul apaisement en ce domaine.
C’est en effet avec consternation et inquiétude que nous avons pris connaissance du projet de SDAGE 2022-2027 en cours d’élaboration : celui-ci continue de proposer une prime financière aux effacements d’ouvrages hydrauliques, au lieu d’encourager les équipements (contournements, passes à poissons) et les actes de gestion (restauration toujours non éligible des vannages, par exemple), conformément à l’exigence légale.
Cette orientation est pour nous inacceptable, tant du point de vue de l’apaisement souhaité par le gouvernement et le comité national de l’eau, que du point de vue des exigences légales et des connaissances scientifiques en écologie.
Nous vous demandons de la réviser, au regard des arguments présentés ci-dessous.
1) La prime à l’effacement au lieu de l’aménagement des ouvrages hydrauliques est incompatible avec le plan de politique apaisée de continuité écologique du 28 juin 2018
Dans le plan sus-mentionné, le ministère de la Transition écologique et solidaire a précisé expressément en 2018 :
« le choix de la solution retenue (…) nécessitera bien entendu un diagnostic au cas par cas plus approfondi, prenant en compte les enjeux et les gains écologiques escomptés, les usages dépendant de l'ouvrage, sa dimension patrimoniale, les aspects financiers. Le choix final prendra en compte les échelles de l'ouvrage, du cours d'eau, voire du bassin »
Dans la Note technique du 30 avril 2019 accompagnant la mise en œuvre de ce plan à destination des instructeurs administratifs, il est précisé :
« De nombreuses solutions sont possibles pour restaurer la continuité écologique, et la multiplicité des enjeux doit être prise en compte lors du diagnostic initial. Il n’existe aucune solution de principe. Parce que chaque situation est différente (type de cours d’eau, espèces concernées, usages, qualité de l’eau, qualité du patrimoine, partenaires, disponibilités financières), plusieurs scénarios devront faire l’objet d’une analyse avantages-inconvénients afin de dégager la solution présentant le meilleur compromis. La suppression de l’ouvrage ne sera envisagée qu’avec l’accord du propriétaire, s’il est connu. »
En choisissant de définir par principe l’effacement d’ouvrage comme la solution la mieux financée par l’argent public des citoyens du bassin, l’agence de l’eau opère un choix a priori (donc dogmatique et non empirique), sans souci de connaissance de chaque situation locale du bassin. Elle méconnaît ces instructions du ministère demandant d’examiner au cas par cas ce qui relève de l’intérêt général mais aussi de la qualité locale des milieux formés par les ouvrages hydrauliques.
En cohérence avec la nouvelle orientation gouvernementale de continuité écologique apaisée, la mesure nécessaire est donc le financement maximal accordé à la seule solution qui présente le meilleur avantage, après analyse multicritères, au cas par cas. Cela devra figurer dans le SDAGE.
2) La prime à l’effacement au lieu de l’équipement des ouvrages hydrauliques est incompatible avec les dispositions légales du code de l’environnement
Au cours de cette législature et de la précédente, plus de 200 parlementaires ont dû intervenir auprès du ministère de l’écologie pour rappeler que la loi ne demandait ni dans sa lettre ni dans son esprit la destruction des ouvrages hydrauliques. Chaque fois, ces parlementaires ont dit combien les moulins, étangs, canaux, plans d’eau, lacs de barrage formaient un patrimoine social, valorisant les territoires ruraux, contribuant à l’intérêt général.
A quatre reprises déjà depuis l’adoption de la loi sur l’eau de 2006, les parlementaires sont intervenus pour repréciser la nécessité de protéger et valoriser ce patrimoine hydraulique, tant dans sa dimension culturelle que dans sa dimension énergétique et écologique.
La loi de 2006 expose à propos des rivières classées en liste 2 au titre de la continuité écologique (article L 214-17 code environnement) :
« Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant. »
Vous êtes donc dans une situation paradoxale tant au plan du droit que du respect de la démocratie, où
- le code de l’environnement ne mentionne jamais les options d’effacement, arasement ou dérasement dans l’ensemble des dispositions sur la Trame bleue et la continuité,
- la loi protège tous les ouvrages autorisés dans leur consistance légale de hauteur et débit,
- les parlementaires ont toujours rappelé que la loi demande le respect des ouvrages autorisés sur les cours d’eau et plans d’eau,
nonobstant, les options d’effacement, arasement et dérasement deviennent la préférence d’un SDAGE, à échelle de tout un grand bassin hydrographique.
Une relecture de votre projet devra éclaircir ces contradictions rédhibitoires.
Au-delà de la continuité écologique, le législateur a expressément demandé de respecter les milieux aquatiques et humides (dont font partie en droit et en fait les étangs, plans d’eau, canaux, biefs, lacs), ainsi que les attentes de la société.
L’article L 211-1 code environnement énonce ainsi :
« Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer :
1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (…)
2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution (…);
4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ;
5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ;
5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; (…)
III.-La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers (…)
L’ensemble de ces orientations législatives interdit de penser que la prime à l’effacement des ouvrages hydrauliques (avec assèchement conséquent de tous leurs milieux en eau) relève de la « gestion équilibrée et durable de l’eau », puisque ces ouvrages sont directement concernés par les enjeux que la loi protège ou promeut.
La seule orientation conforme à la législation sur l’eau est donc le rappel explicite dans le SDAGE de tous les éléments de gestion équilibrée et durable de l’eau qui sont en lien avec les ouvrages hydrauliques. Ces éléments devront être pris en considération dans chaque bassin et chaque analyse d’ouvrage au cas par cas, en vue d’un site géré, équipé, entretenu.
3) La prime à l’effacement au lieu de l’équipement des ouvrages hydrauliques est désormais contredite par les avancées des connaissances scientifiques
Les réformes dites « de continuité écologique », quand elles concernent la question des ouvrages hydrauliques (continuité en long) et des poissons migrateurs, s’inspirent de connaissances du 20e siècle. Pour ces questions d’effacement ou aménagement, elles sont au plan du droit la simple poursuite des dispositions déjà présentes dans la loi pêche de 1984.
Or, la science a considérablement évolué depuis 40 ans, que ce soit l’écologie, la limnologie, la géographie, l’histoire, l’archéologie, les sciences de l’homme, de la société et de l’environnement, toutes ces disciplines qui traitent de l’objet « rivière » comme de l’objet « ouvrage hydraulique ».
Dans l’annexe de la présente lettre, vous trouverez une synthèse de plus de 100 travaux scientifiques récents parus en France et en Europe : ces recherches démontrent qu’il est impossible de partir du principe que l’ouvrage hydraulique est forcément mauvais et que le démantèlement de cet ouvrage est forcément bon.
Au contraire, les travaux des chercheurs montrent que les milieux de ces ouvrages hébergent de la biodiversité, qu’ils augmentent la ressource en eau, qu’ils tendent à épurer des intrants, qu’ils sont le lieu d’échanges sociaux, qu’ils permettent de bénéficier de services écosystémiques. Et inversement, les premiers retours scientifiques sur les effacements incitent à la réserve : on observe des baisses de niveau des nappes, des effets négatifs pour plusieurs compartiment du vivant, des incisions de lit, des renforcements locaux de phénomènes extrêmes (crue, sécheresse). De même, l’analyse sur 40 ans des poissons migrateurs en France ne montre pas de gain significatif : cela pose de graves questions sur les orientations choisies en ce domaine.
La seule orientation conforme aux évolutions des connaissances scientifiques est donc la nécessité de contribuer par les SDAGE a une démarche ambitieuse de connaissances sur les ouvrages hydrauliques et leurs milieux, tout en s’abstenant de définir a priori un financement préférentiel de démantèlement qui peut conduire à des issues négatives pour la biodiversité, la ressource en eau et la société. Le SDAGE devra refléter la diversité et la complexité des conclusions de la science, non les préjugés d’une expertise de nature administrative.
Monsieur le Préfet coordonnateur de bassin
Monsieur le Président du comité de bassin
Madame la Directrice de l’agence de l’eau,
Ni la volonté gouvernementale d’une continuité apaisée, ni l’état du droit de l’environnement ni les conclusions de la recherche scientifique ne permettent donc de justifier le choix du SDAGE de favoriser financièrement la destruction des ouvrages hydrauliques.
Alors que l’état des lieux du SDAGE témoigne du faible avancement de la qualité écologique et chimique des eaux de surface comme des eaux souterraines, nous devons concentrer les efforts publics sur les vrais problèmes de nos bassins versants, et non sur des choix controversés, risquant le plus souvent d’aggraver plutôt d’améliorer la qualité de nos cours d’eau et plans d’eau.
Les associations, collectifs et syndicats membres de la CNERH travaillent sur le bassin à engager les ouvrages hydrauliques dans une transition écologique favorable à l’économie locale, à l’énergie bas-carbone, à la retenue et protection de l’eau, à la conservation de la biodiversité et à l’adaptation au réchauffement climatique.
En leur nom, je me permets de vous demander de considérer ce dire commun et de réviser le projet de SDAGE pour ce qui concerne les ouvrages hydrauliques au service de l’intérêt général du bassin.