17/02/2017

Protection des moulins: les parlementaires ont été très clairs... l'administration devra l'être aussi!

Nous publions ci-dessous les extraits des débats parlementaires lors du vote de la loi sur l'autoconsommation énergétique portant exemption de continuité écologique en liste 2. Les élus de tous les groupes sont clairs et consensuels dans leur motivation: ils veulent la protection et la valorisation, et non plus la destruction, des ouvrages hydrauliques anciens, produisant ou ayant un potentiel de production. Sous réserve d'un recours en annulation de la loi, l'administration doit maintenant respecter la volonté générale exprimée par les élus. Ce qui signifie : la Direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'Environnement doit intégrer la protection des moulins dans des textes d'application non ambiguës, sans chercher à multiplier les exceptions, les complications, les interprétations douteuses visant à réveiller la guerre avec les riverains ; les Agences de l'eau ne doivent plus donner priorité aux effacements quand ils concernent ce patrimoine hydraulique, donc financer d'autres solutions de continuité si nécessaire et travailler avec les comités de bassin pour redéfinir une doctrine programmatique en direction des ouvrages et de l'hydro-électricité ; les DDT(-M) doivent informer les propriétaires concernés de l'évolution de la loi et envisager avec eux les conditions réglementaires d'une reprise de la production; les établissement publics intercommunaux ou de bassins versants (syndicats, parcs) doivent intégrer cette perspective de valorisation dans leurs programmes de gestion et dans l'information du public. Nous avons déjà subi une grave dérive d'interprétation de la loi sur l'eau de 2006, ayant obligé à de multiples corrections législatives depuis un an. Nous n'accepterions pas qu'une nouvelle fois l'administration en charge de l'eau persiste dans une interprétation dévoyée de la continuité écologique, au mépris de la volonté si clairement affichée par les représentants élus des citoyens. 


Sénat
La source de ces extraits est ici.

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat  - Je me félicite du travail mené par le Sénat, en particulier sur les moulins, qui sont au coeur de l'identité rurale française. Le Sénat, très attaché à la préservation de ce patrimoine, a su concilier les intérêts en jeu. J'attribuerai prochainement le résultat de l'appel d'offres petit électrique avec un lot spécialement réservé aux anciens moulins.

M. Jean-Claude Requier (groupe RDSE) - Enfin, la question des anciens moulins à eau : le Sénat est allé plus loin que la loi Montagne pour les préserver. La CMP a clarifié le dispositif. Nous sommes satisfaits ; le groupe RDSE approuve à l'unanimité les conclusions de la CMP.

Mme Anne-Catherine Loisier (groupe UDI-UC) - La CMP a aussi traité la question des moulins à eau, à la satisfaction de tous, pêcheurs comme associations de sauvegarde du patrimoine : elle a assouplit la règle de continuité écologique pour les moulins sur des cours d'eau classés en liste 2. Plusieurs milliers de petits ouvrages appartenant à notre patrimoine historique seront ainsi préservés qui, équipés, pourraient produire une puissance cumulée de près de 300 mégawatts. Il conviendrait néanmoins de clarifier la situation des moulins situés sur les cours d'eau classés dans la liste 1, ceux-ci ne présentant pas toujours une qualité ou un intérêt écologique qui mérite leur classement et une protection administrative accrue. On peut également s'interroger sur l'intérêt d'intégrer à cette liste des cours d'eau considérés comme réservoirs biologiques dont la définition est appliquée par l'administration de manière très extensive. À quand une révision de cette liste 1 ? Nous optimiserions le potentiel de ces moulins qui ont une utilité socio-économique tout en répondant aux défis écologiques. Le groupe UDI-UC, très attaché aux énergies renouvelables, votera naturellement en faveur de ce texte. 

M. Hervé Poher (groupe écologiste) -  L'article 3 bis était indispensable, incontournable, inévitable. Ayant longtemps fréquenté une agence de l'eau, j'ai connu des gens qui se battaient contre les moulins (Sourires) et d'autres, plus nombreux, qui les défendaient. Leurs arguments s'équilibraient... Le texte s'inscrit dans le prolongement naturel de la loi pour la transition énergétique. Le groupe écologiste votera pour.

Mme Delphine Bataille (groupe socialiste et républicain) - Je ne reviens pas sur le régime des moulins à eau, consensuel, qui concilie biodiversité, souci patrimonial et développement de la micro-hydroélectricité. (…) On ne peut qu'adhérer à ce texte qui marque des avancées sur le chemin de la transition énergétique. 

M. Daniel Chasseing (groupe Les Républicains) - Je suis bien sûr très favorable à ce projet de loi qui soutient l'autoconsommation, qui est favorable à la ruralité et qui crée un système énergétique mixte. Le Sénat avait voté un amendement sur les moulins contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur. Depuis, le rapporteur a beaucoup travaillé et a fait adopter sa rédaction par la commission mixte paritaire. Des milliers de moulins, pour un potentiel de plus de 280 mégawatts (…) seront ainsi conservés. Ils subissaient l'hostilité -le mot est peut-être fort- de l'administration. Tous les moulins équipés pourront ainsi produire de la micro-électricité. 

M. Bruno Sido (groupe Les Républicains) - À mon tour de me féliciter de la préservation de milliers de petits moulins. À l'heure où l'on s'interroge sur l'application des lois, je m'étonne toutefois qu'il ait fallu réaffirmer qu'ils n'étaient pas un obstacle à la continuité écologique : nous l'avions déjà voté dans de précédents textes, notamment la loi sur l'eau.

Assemblée nationale
La source de ces extraits est ici.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission mixte paritaire - Seule une disposition, adoptée au Sénat, ne faisait pas consensus à l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire a permis de trouver un accord – c’est sa raison d’être – dans l’article 3 bis du projet de loi. La disposition initiale du Sénat permettait aux moulins produisant de l’électricité de s’affranchir de toute règle administrative, ce qui remettait en cause le maintien de la continuité écologique et la défense de la biodiversité. Nous avons donc adopté, en commission mixte paritaire, une mesure limitant la dispense de règle aux moulins situés sur certains cours d’eaux. Il est en effet nécessaire de continuer à imposer des règles administratives aux moulins situés sur les cours d’eau présentant une qualité écologique et une richesse biologique particulièrement importantes.

M. Patrice Carvalho (Gauche démocrate et républicaine) - Nous nous réjouissons également du vote, au Sénat, d’une disposition sur les anciens moulins à eau situés en milieu rural, qui lève concrètement l’obligation de construire des passes à poissons. C’est une mesure de bon sens, qui, sans réellement nuire aux continuités écologiques, épargnera aux propriétaires des coûts exorbitants. On s’apprêtait à faire disparaître de petites surélévations, de quelques dizaines de centimètres, existant depuis trois siècles, et avec elles la biodiversité qui s’y était installée. Pour nous, il est primordial de préserver ces éléments essentiels de notre patrimoine culturel, plutôt que de les faire disparaître ou de les effacer, comme le souhaite l’administration.

M. Romain Colas (Socialiste, écologiste et républicain) - Le seul vrai problème résidait dans l’article 3 bis, relatif aux moulins à eau, qui vient encore d’être évoqué par notre collègue Carvalho. Mais, là encore, les parlementaires se sont entendus pour trouver un équilibre entre le développement de la micro-électricité et la continuité écologique des cours d’eau. L’élaboration de ce texte a été en tout point exemplaire.

M. Pascal Thévenot (Les Républicains) - Seul l’article 3 bis a donné lieu à un débat approfondi. Adopté au Sénat, cet article supprimait l’obligation de classement des moulins à eau. Les pêcheurs, notamment, ont fait part de leurs préoccupations quant aux conséquences de la suppression de toute réglementation. La CMP a entendu ces inquiétudes et est parvenue à une rédaction consensuelle. Ainsi, le champ d’application du texte voté par le Sénat est-il limité aux moulins situés sur des cours d’eau classés en liste 2, aux termes de l’article L. 214-17 du code de l’environnement. Les moulins situés sur les autres cours d’eau continueront d’être réglementés pour le maintien de la continuité écologique et la défense de la biodiversité.

7 commentaires:

  1. Bonjour,
    Excellente idée que de publier les commentaires des parlementaires. Je n’ai pas pris le temps de vérifier s’ils étaient exhaustifs ? (AN+ Sénat). Il est plutôt rare, avec les clivages politiques, d’obtenir un consensus trans-partisan ; quand un parlementaire de droite énonce quelque chose d’intelligent, il est torpillé par la gauche. Quand un parlementaire de gauche expose une analyse pertinente, elle est flinguée par la droite. C’est un principe.
    Concernant l’encouragement de la production hydroélectrique et l’intérêt que portent enfin tous les élus aux moulins dans l’esprit colibris de la transition énergétique où « chacun fait sa part », il faut souligner ce vote à l’unanimité. C’est aussi l’expression d’une démocratie qui dénonce un accaparement de l’écologie à tel point qu’aucun écologue ne se prétend au grand jamais « écologiste ». Si le poids démocratique des écologistes s’approche tendanciellement de 2%, ils tiennent les rênes à la DEB. Dans ce terreau fertile, gageons (en le déplorant) que la « démocratie » risque encore une fois d’être relue en ne respectant pas l’esprit de la loi.
    Et si Hydrauxois s’indigne …il y a légitimité à le faire.

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  2. Nous venons de mettre à jour avec l'Assemblée nationale.

    Le problème de la DEB est parfois une idéologie militante (qui existe par poche dans certains services bien connus), mais aussi une culture bureaucratique propre à l'institution. On est dans des sphères de pouvoir qui trouvent normal d'appuyer sur un bouton pour raser des haies, pour raser des moulins, etc. Les mêmes sphères de pouvoir se plieront en 4 pour tordre les règlements dans tous les sens afin que Péchiney et ses successeurs envoient à moindre frais des boues rouges dans la mer ou EDF du plutonium dans la Loire. Ce sont les premiers cercles, les puissants y côtoient les puissants.

    A cette Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère, mais aussi à l'AFB ex Onema, dans les Dreal de bassin et les DDT-M, dans les Agences de l'eau, une partie des fonctionnaires défend une idéologie agressive de la renaturation. Ils ont trouvé dans les ouvrages hydrauliques une cible plus facile que les pollueurs, cible sur laquelle ils s'acharnent depuis plus de 10 ans.

    Ces agents administratifs défendent une idéologie mais ne le disent pas (par devoir de réserve, ou parce qu'ils n'en sont même plus conscients pour certains). Ils veulent aller au-delà de ce que dit la loi française ou européenne en la sur-interprétant et la sur-transposant. Ils produisent des règlements qui échappent au contrôle parlementaire. Ils profitent de ce que l'environnement est une question un peu floue, complexe et de toute façon consensuelle pour produire en catimini de la norme "dure" sous couvert d'idées molles. Ils continuent leur job dans l'indifférence aux contentieux judiciaires et aux critiques politiques. Ils s'estiment inamovibles et, protégés par la machinerie anonyme propre au système administratif, ils n'engagent jamais leur responsabilité personnelle dans tous les problèmes issus de leur actions.

    Nos députés et nos sénateurs n'ont évoqué qu'à mots très timides et très polis cette question (P. Carvalho a été le plus direct, qu'il en soit remercié). Ce n'est pas ce que l'on attend d'eux, ils sont nos représentants élus et quand les citoyens pointent une dérive antidémocratique (ce que nous faisons depuis le PARCE 2009 et le classement 2012), on attend qu'elle soit débattue, et corrigée si son existence est avérée.

    L'intérêt de toutes ces citations, c'est donc de prendre date sur l'esprit qui animait les élus. Dès qu'on va observer une dérive (car dérive il y aura, vu notamment le flou du texte et les outils réglementaires créés en 2014-2015 par la DEB...), on la signalera aux mêmes élus pour leur montrer comment leurs choix sont encore et toujours déformés, comment le citoyen doit subir un arbitraire interprétatif destiné à satisfaire des clans et clientèles, ou à assouvir le simple volonté de pouvoir d'un petit chef local.

    Attendons enfin le rapport CGEDD, qui tarde singulièrement à être rendu public (on suppose que certains en disposent déjà au bureau des milieux aquatiques... et que Ségolène a peut-être envie de laisser le bébé malade au successeur !). Il va être l'occasion de vérifier en détail d'où sortent les chiffres que la DEB fait circuler (19.000 moulins ? 290 MW ?) et de demander une nouvelle circulaire d'application de la continuité écologique, tenant compte de l'ensemble des critiques et des nouvelles dispositions loi PAC, loi Biodiversité, loi Montagne et loi Autoconsommation.

    Au final, les députés et sénateurs rejoignent clairement dans leur déclaration le choix du moratoire sur l'effacement des ouvrages hydrauliques anciens et d'intérêt énergétique / patrimoniaux, même s'ils oublient encore les étangs, les petits plans d'eau d'intérêt, etc. Il faudra que la circulaire en tienne compte.

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  3. Il nous semble que le sénateur , Daniel Chasseing, a conclu son discours lors du vote au sénat par les mots suivants :
    "Tous les moulins équipés ou à équiper"
    c'est à vérifier .
    Asso. Les amis des moulins 61.

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  4. Et si le propriétaire veut effacer ou détruire?

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    1. Dans ce cas il y enquête publique (puisque cela modifie en général plusieurs centaines de mètres de profil lit / berge) et s'il n'y a pas d'opposition des tiers ni de risques dans le chantier, cela se réalise.

      Le problème n'est pas que des gens veuillent détruire, mais que certains y soient contraints par chantage financier et réglementaire.

      Que l'on donne l'égalité des chances à l'effacement et l'aménagement, ensuite la répartition se fera et certains préféreront sans doute effacer pour ne plus avoir ouvrage et passe à gérer.

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  5. L'égalité des chances vaudrait si les deux choix étaient égaux en termes d'efficacité de restauration de la continuité, ce n'est pas le cas donc pas de honte à ce que l'ambition soit plus aidée...c'est même assez moral.

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    1. Ce n'est pas "normal", c'est simplement que vous adhérez à une représentation normative de la rivière où ce que vous nommez "l'ambition" se mesure à certains critères, et pas à d'autres. Si vous êtes associatif ou simple citoyen, on est en désaccord sur ces critères mais cela ne nous pose pas de problème, chacun est heureusement libre de ses convictions. Si vous êtes fonctionnaire en charge de l'eau, cela nous pose en revanche un problème, et depuis le départ.

      Le hold up démocratique a été décrit sur ce site dans le détail: alors que la loi précise la nécessité d'intégrer divers usages dans la gestion équilibrée et durable de l'eau (L 211-1 CE), qui ne se réduit donc pas par principe aux seuls objectifs écologiques, alors qu'elle demande que chaque ouvrage soit géré, équipé, entretenu (L 214-17 CE) au titre de la continuité, l'administration centrale et les établissements publics se sont permis de poser une priorité à l'effacement, soit un choix normatif excédant manifestement celui contenu dans les textes français de valeur juridique supérieure aux textes administratifs (a fortiori excédant le contenu des textes européens puisque la DCE ne porte aucune préconisation particulière sur la nature de la mise en oeuvre d'une "continuité de la rivière").

      Les diverses corrections récentes (patrimoine, énergie) ont (de nouveau) précisé l'esprit du législateur, qui ne souhaite manifestement pas favoriser la destruction de certains ouvrages et qui désavoue donc l'ordre des priorités posé par l'administration.

      L'entêtement de cette administration à défendre le pourrissement sur ce dossier est un mystère. Si l'on prend un peu de recul, les ouvrages barrant le lit mineur ne sont qu'une part de la continuité (dans ses 4 dimensions), la continuité n'est qu'une part de la qualité morphologique et cette dernière n'est encore qu'une part de la qualité générale de l'eau. Aucun texte scientifique ne pose que les ouvrages sont sans effet sur le milieu, mais aucun ne prétend non plus qu'ils ont une importance décisive par rapport aux nombreuses causes d'évolution de ce milieu, surtout pas les ouvrages modestes. Au demeurant, aucun texte législatif n'affirme non plus une telle chose, notamment pas la DCE.

      Bref, décider que pour 5000 à 10.000 moulins, étangs ou plans d'eau ayant un intérêt local on finance le franchissement plutôt que l'effacement, ou l'on se contente d'une gestion des vannes, ou l'on révise le classement car la continuité n'est pas prioritaire à date pour la masse d'eau, c'est quand même un quasi-détail dans la programmation publique. Où est la rationalité dans la poursuite d'un rapport de force sur ce thème? Si l'enjeu était du type "on abroge toute réglementation sur les pesticides" ou "on autorise toute construction de barrage sans condition" ou "on abandonne totalement la continuité écologique", on comprendrait un certain émoi. Mais là c'est quand même minuscule, juste financer correctement une option de continuité au même titre qu'une autre, afin de débloquer la situation et d'améliorer certaines fonctionnalités écologiques des ouvrages. Qu'ANPER-TOS, le Club des saumonniers ou quelques autres nous la fassent mélodramatique et surenchérissent dans le catastrophisme outrancier à l'énoncé de cette simple idée, OK, ils sont dans leur rôle de lobby et leur maximalisme est une stratégie pour tenter d'obtenir un peu à l'arrivée. Mais des fonctionnaires en charge de l'eau, pourquoi cette obstination?

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