28/02/2017

Dérives sur la Dives: des pompes électriques pour des biefs transformés en marigots

La revue associative Le Pays d'Auge publie un témoignage sur la destruction du patrimoine hydraulique de la Dives. Avec la Sée, l'Andelle ou encore la Sélune, ce petit côtier normand fait partie des cibles privilégiées du lobby pêcheur associé aux bureaucraties engagées dans la casse des ouvrages. Extraits de ce récit qui reflète bien la pression subie par les propriétaires et riverains sur toutes les rivières classées au titre de la continuité écologique. Une pression désormais insupportable...



La DCE invoquée par le bureau d'études -  Dans son étude pour la restauration de la continuité écologique sur la Dives, le cabinet ARTELIA écrivait en introduction : «C’est ainsi qu’aujourd’hui 17 sites hydrauliques sont présents sur la Dives dans le département du Calvados. L’ensemble de ces sites est à l’origine soit de blocages sédimentaires, soit de blocages piscicoles, soit des deux. La Directive Cadre sur l’Eau européenne impose à l’ensemble de ses Etats membres d’atteindre le bon état écologique d’ici 2015. Ce bon état écologique concerne différents paramètres tels que les paramètres chimiques et physico-chimiques, mais il fait également référence à la continuité écologique qui consiste en le libre transit sédimentaire et la libre circulation piscicole.»

Rollon a-t-il vu des saumons? - Et si promouvoir la remontée des poissons migrateurs n’a rien de choquant, est-ce nécessaire là où leur présence n’a jamais été attestée ? Sait-on seulement si Rollon, chef viking, a vu un saumon à Saint-Pierre-sur-Dives en 911? La consternation des propriétaires d’ouvrages ou de riverains est forte quand ils découvrent les conséquences sur le niveau de l’eau et surtout le coût des travaux réalisés en cette période de disette budgétaire. On peut douter que le coût et l’efficacité de la politique d’arasement soient à la hauteur des attentes en matière d’amélioration de la qualité de l’eau.

Paysage saccagé ? Dégât collatéral inévitable - Le Président du syndicat mixte du bassin de la Dives a eu l’occasion de déclarer : «C’est bon pour l’écologie et la qualité de l’eau mais ce n’est pas sans impact sur le paysage car les niveaux d’eaux sont très sensiblement abaissés ! Pour des propriétaires habitués à voir leur moulin se refléter dans l’eau, le choc est grand.» Les conséquences pour les riverains sont ainsi présentées comme un dégât collatéral inévitable. Le rapport d’un commissaire enquêteur, lors d’une enquête publique dans une région voisine, va dans le même sens. Les remarques de riverains regrettant l’écoulement paisible et les larges retenues d’eau de leur rivière sont réfutées au motif que la conception que chacun a du paysage est subjective.

Promesse de concertation non tenue de la préfecture - Les travaux sont saucissonnés par ouvrage. Qu’en est-il de la vision d’ensemble et de la nécessaire obligation d’information ? Et pourtant, dans une lettre du 19 janvier 2015, la préfecture du Calvados en réponse aux inquiétudes exprimées par l’Association pour la Sauvegarde de la Dives déclarait : «Cependant, je tiens à vous rassurer sur le fait qu’une fois les travaux de restauration arrêtés, les projets devraient faire l’objet d’une enquête publique dans le cadre de la procédure loi sur l’eau où l’ensemble des acteurs concernés pourront se manifester». A ce jour, aucun riverain n’a été consulté.

Menaces de l'Agence de l'eau, pas de soumission, pas de subvention - On évoque des commissions ou comités de pilotage lointains, sans que l’on sache précisément quel rôle y jouent l’Agence de l’Eau Seine Normandie, les instances régionales au travers de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du logement), et la DDTM (Direction Départementale des territoires et de la mer). On se garde bien d’y associer des associations de riverains ou des propriétaires d’ouvrage. De fait, l’Agence de l’Eau y joue un rôle primordial par le financement qu’elle accorde directement aux propriétaires (à Thiéville, par exemple). Et pour preuve, les propriétaires qui refuseraient les modalités des travaux envisagés sont menacés de perdre toute possibilité de subvention : la concertation a ses limites. L’eau est un patrimoine commun. Quel contrôle exercent les autorités régionales sur ces relations bilatérales ?

Grotesque compensation, une pompe électrique pour le bief asséché - Le barrage sur la Dives à Crocy a été supprimé, conduisant à l’assèchement des roues du moulin faute d’alimentation par le bief. Mais une pompe électrique a néanmoins été installée dans la Dives pour maintenir un filet d’eau dans le bief transformé en une succession de flaques d’eau croupie. Pourquoi condamner l’alimentation du bief transformé en marigot pour la remplacer par une pompe électrique même d’un débit très réduit ? L’actuel propriétaire du moulin a d’ailleurs fait combler une partie du bief en amont du moulin pour ne pas en subir les nuisances du fait du manque de circulation des eaux stagnantes.

Référence : Serrat J (2017), Principe de restauration de la continuité écologique des rivières quand les « apprentis sorciers » s’en mêlent !, Le Pays d'Auge, 1, 30-32

Illustration : le bief asséché de Crocy, tous droits réservés.

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