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27/07/2022

Les barrages de castors bénéfiques pour la quantité et la qualité d'eau en tête de bassin versant (Dittbrenner et al 2022)

Les castors et les humains sont les deux seules espèces capables de construire des retenues et diversions d'eau sur le lit mineur des rivières. Une nouvelle étude nord-américaine confirme, après de nombreuses autres, que la formation des retenues par barrages de castor tend à augmenter le stockage local de l'eau dans les sols et nappes, ainsi dans le cas étudié qu'à baisser la température de l'eau. Les chercheurs jugent ce bilan très bénéfique, notamment en situation de changement climatique qui réduit le débit des petites rivières de tête de bassin.  Ces travaux contredisent évidemment le dogme du libre écoulement des eaux selon lequel tout obstacle en rivière est un drame écologique, et toute retenue une somme d'effets uniquement négatifs. L'état normal d'une rivière est plutôt d'être parsemée de tels obstacles, qu'ils proviennent de castors, d'humains, d'embâcles, d'éboulis ou autres causes ni plus ni moins naturelles les unes que les autres.


La rivière avant et après la création de barrages et retenues par les castors, extrait de Dittbrenner  et al 2022, art cit.

Longtemps présent en abondance dans les ruisseaux et rivières de l'hémisphère Nord, les castors américains (Castor canadensis) et eurasiens (Castor fiber) ont connu une régression forte de l'Antiquité au 20e siècle, au point de frôler l'extinction. Désormais protégées, ces espèces ont entamé une reconquête progressive des vallées où elles vivaient, du moins celles qui présentent encore des biotopes favorables à leur cycle de vie. C'est le cas en particulier des têtes de bassin qui sont restées boisées.

Les castors se caractérisent par la construction de barrages, digues, canaux, huttes qui forment leur territoire. C'est la seule espèce avec la nôtre qui crée des plans d'eau par barrages. Les écologues et hydrologues s'intéressent aux castors pour comprendre l'impact des retenues d'eau qu'ils bâtissent.  Benjamin J. Dittbrenner et ses collègues ont analysé des bassins versants aux Etats-Unis en phase de reconquête par une colonie de castors. 

Voici le résumé de leur travail

"De nombreuses régions connaissent une augmentation des températures des cours d'eau en raison du changement climatique, et certaines connaissent une réduction des débits des cours d'eau en été et de la disponibilité de l'eau. Étant donné que la construction de barrages et la formation de retenues par le castor peuvent augmenter le stockage de l'eau, le refroidissement des cours d'eau et la résilience de l'écosystème riverain, le castor a été proposé comme un outil potentiel d'adaptation au climat. Malgré le grand nombre d'études qui ont évalué comment l'activité des castors peut affecter l'hydrologie et la température de l'eau, peu d'études expérimentales ont quantifié ces résultats après la relocalisation des castors. 

Nous avons évalué les changements de température et de stockage de l'eau suite à la relocalisation de 69 castors dans 13 cours d'eau d'amont du bassin versant de la rivière Skykomish dans le bassin de la rivière Snohomish, Washington, États-Unis. Nous avons évalué comment les barrages de castors affectaient le stockage des eaux de surface et souterraines et la température des cours d'eau. Les relocalisations réussies ont créé 243 m3 de stockage d'eau de surface par 100 m de cours d'eau au cours de la première année suivant la relocalisation. Les barrages ont augmenté l'élévation de la nappe phréatique jusqu'à 0,33 m et stocké environ 2,4 fois plus d'eau souterraine que d'eau de surface par tronçon de relocalisation. Les tronçons de cours d'eau en aval des barrages ont affiché une diminution moyenne de 2,3 °C pendant les conditions de débit de base en été. Nous avons également évalué comment les dommages, l'état, la fréquence d'entretien et la morphologie des étangs influençaient la température des cours d'eau dans les complexes de milieux humides naturellement colonisés. 

Nos résultats démontrent que la construction de barrages peut augmenter le stockage de l'eau et réduire les températures des cours d'eau au cours de la première année suivant la relocalisation réussie des castors. La morphologie fluviale et des plaines inondables des tronçons candidats à la relocalisation est une considération importante car elle détermine le type et l'ampleur de la réponse. La relocalisation vers des tronçons avec de petites retenues abandonnées existantes peut répondre aux critères thermiques en convertissant des tronçons de réchauffement en tronçons de refroidissement, tandis que la relocalisation dans de grands complexes abandonnés ou un habitat vacant peut entraîner un plus grand stockage de l'eau. Bien que la relocalisation des castors puisse être une stratégie d'adaptation climatique efficace pour conserver des régimes hydrologiques et une qualité de l'eau plus stables dans notre zone d'étude, il semble y avoir des facteurs environnementaux et géomorphologiques spécifiques à la région qui influencent la façon dont les castors affectent stockage et température de l'eau. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer comment et pourquoi ces différences régionales affectent le stockage de l'eau et la réponse de la température des cours d'eau dans les systèmes influencés par le castor."

Les auteurs rappellent que leurs analyses confirment de nombreux travaux antérieurs : "Il a été démontré que les complexes de castor augmentent considérablement le potentiel de stockage des eaux de surface et souterraines. On estime que, dans le monde entier, les complexes de castors stockent jusqu'à 11 km3 d'eau de surface (Karran et al., 2016) avec jusqu'à 30 % de l'eau de surface d'un cours d'eau stockée dans des retenues de castors (Duncan, 1984). Des études ont montré que le castor augmentait la largeur des zones riveraines le long des cours d'eau de 11 à 34 m (McKinstry et al., 2001), et dans les tronçons en aval des barrages, le volume des bassins augmentait également (Stack & Beschta, 1989). On a constaté que les tronçons de cours d'eau endigués étendaient l'étendue latérale de la zone hyporhéique jusqu'à 8 m au-delà des tronçons de contrôle à partir d'une largeur de 0,2 m avant la construction du barrage (Shaw, 2009), tandis que les retenues plus grandes étendaient l'étendue des eaux souterraines de plus de 50 m ( 10 m dans les tronçons témoins ; Lowry, 1993). Cependant, en raison de la complexité et de la grande variabilité de la géologie locale, du relief, du type de sol et d'autres caractéristiques morphologiques, les estimations du stockage total sont difficiles à quantifier. Bien que la plupart des études existantes aient documenté le stockage dans des complexes de castor bien établis, les effets du déplacement du castor sur le stockage des eaux de surface et souterraines restent sous-étudiés."

Concernant la température, les auteurs soulignent la dépendance au contexte local et la nécessité de bien fixer l'échelle de l'analyse thermique, en tenant compte notamment des remontées de nappes : "Les effets des barrages de castors sur la température des cours d'eau sont également très variables d'une étude à l'autre selon l'emplacement et la méthodologie d'étude. Des recherches antérieures ont trouvé des preuves de réchauffement (Avery, 2002; Patterson, 1951), de refroidissement (White, 1990), de réchauffement ou de refroidissement selon la saison (Avery, 1983), ou d'absence de relation entre la présence d'un barrage et la température (McRae & Edwards, 1994 ). Dans les systèmes d'amont à plus haute altitude, où les cours d'eau sont relativement froids, des augmentations de température de 6 à 9 °C ont été observées en aval des étangs de castors (Margolis et al., 2001). Des études plus récentes ont évalué les températures des cours d'eau à plus grande échelle et ont constaté que les étangs de castors peuvent également avoir un effet de refroidissement net (Weber et al., 2017; White et Rahel, 2008) en raison de la recharge et de la remontée d'eau souterraine (Pollock et al., 2007)"

Discussion
Le castor nord-américain bâtit des barrages de plus grande dimension que le castor européen, mais les deux espèces utilisent cette même stratégie de construction de niche pour remodeler les rivières. 

Le point évidemment étonnant de ces études sur le castor, c'est qu'elles contredisent totalement le discours dogmatique sur la nécessité d'un libre écoulement parfait des eaux de surface au nom de la continuité écologique des rivières. Dans la réalité, les rivières même sans humains sont cesse fragmentées, par des barrages d'embâcles, d'éboulis ou de castors. Leur lit est loin d'être le petit chenal lotique encaissé et sinueux que l'on montre souvent comme exemple de rivières "naturelles" alors que c'est un style fluvial tardif issu de l'exploitation humaine des bassins versants (voir Lespez et al 2015).

Si le petit barrage de castor diffère évidemment du petit barrage humain par sa conception, il est notable que de nombreuses propriétés et fonctionnalités hydrologiques sont semblables : hausse de la lame d'eau, élargissement du lit en eau sur l'emprise de la retenue, débordement locaux an amont si le foncier est prévu pour l'accueillir (ou diversion dans des canaux latéraux, sachant que le castor lui aussi est capable de creuser ces annexes hydrauliques). Au demeurant, d'autre travaux de recherche ont montré que la destruction des ouvrages humains mène à des incisions de lit, moindres débordements et moindres recharges de nappes (Maaß et Schüttrumpf 2019, Podgórski et Szatten 2020). Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

L'image ci-dessous montre une succession de petits plans d'eau humains en tête de bassin, sur une carte ancienne (Cassini, 18e siècle). Nos ancêtres, comme les castors, avaient une certaine intuition des moyens de retenir et gérer l'eau dans les bassins versants...

Référence : Dittbrenner BJ et al (2022), Relocated beaver can increase water storage and decrease stream temperature in headwater streams, Ecosphere, 13, 7, e4168


Succession de plans d'eau humains dans un aménagement d'Ancien Régime en tête de bassin.

25/07/2022

Probable augmentation des rivières à sec en France au cours du siècle (Sauquet et al 2021)

Des chercheurs français ont simulé l’évolution du débit des rivières de tête de bassin en situation de changement climatique d’ici 2100. Il en résulte que la probabilité d’assèchement et de rivière devenant intermittente en été risque de quasiment doubler (x1.75) dans le scénario d’émission carbone le plus pessimiste. Même le scénario le plus optimiste voit une augmentation des assecs, ce qui aura des conséquences pour la biodiversité actuelle et pour les usages humains. La gestion de l’eau doit prévoir ces situations de crise : ne pas simplement regarder les conditions passées de la rivière, mais anticiper ses conditions futures. 


Le changement climatique provoque une augmentation de la température de l'air, se traduisant par un risque d’augmentation de l'aridité, de la désertification et de la dégradation des sol. En conditions plus sèches, la disponibilité de l'eau devrait diminuer et l'intermittence de l'écoulement de surface en été augmenter. Les occurrences d'assèchement exacerbent la concurrence entre les utilisations humaines et modifient les écosystèmes d'eau douce : perte de diversité biologique, modification de la décomposition de la matière organique, changements radicaux dans la dispersion des organismes.

Mais comment peut évoluer l’intermittence des cours d’eau au cours de ce siècle, en lien à des sécheresses hydrologiques d’été ? Eric Sauquet et ses collègues (INRAE, Paris-Saclay) ont couplé des modèles climatiques avec un modèle hydrologique de débit pour répondre à cette question.

Voici le résumé de leur travail :
« À mesure que le climat change, les cours d'eau d'amont pérennes pourraient devenir intermittents et les rivières intermittentes pourraient s'assécher plus souvent en raison de sécheresses plus graves. 

Un schéma  de modélisation soutenu par des observations sur le terrain a été appliqué pour évaluer la probabilité d'assèchement dans les eaux d'amont à l'échelle régionale (Pd) sous condition de changement climatique. Les relations empiriques entre la gravité des faibles débits et les proportions observées d'états sans débit ont été calibrées pour 22 hydro-écorégions dans les conditions actuelles. Ces relations ont été appliquées à l'aide de données de débit journalier sur un large ensemble de stations de jaugeage simulées par le modèle hydrologique Modèle du Génie Rural à 6 paramètres Journalier (GR6J) sous les scénarios d'émission RCP2.6 et RCP8.5. 

Les résultats suggèrent un modèle spatial plus contrasté à l'avenir que dans les conditions actuelles. Les changements notables incluent l'augmentation de l'étendue et de la durée de l'assèchement, en particulier dans les régions où les probabilités d'assèchement sont historiquement élevées et les changements de saisonnalité dans les régions alpines. Les écosystèmes aquatiques connaîtront des conditions hydrologiques sans précédent, qui pourraient entraîner des pertes de fonctions écosystémiques. »
Cette figure montre l’évolution des débits entre 2021-2050 et 2071-2100 en situation de réchauffement, en été (JJA) et automne (SON) :


Extrait de Sauquet et al 2021, art cit.

La probabilité moyennée d’assèchement est de 12% dans le climat actuel mais pourrait monter à 17-21% selon les scénarios climatiques d’émission. 

Concernant la biodiversité, les auteurs notent : « L'intermittence va se généraliser dans des régions actuellement peu exposées à de telles conditions. Alors que le Nord de la France aura des étendues d'intermittence comparables à celles du bassin méditerranéen aujourd'hui, le pourcentage de tronçons secs doublera en bassin méditerranéen. Les changements observés ici pourraient être trop rapides pour permettre aux espèces de s'adapter, ce qui pourrait entraîner des risques d'extinction élevés pour le biote aquatique et en particulier les spécialistes des eaux d'amont incapables de se disperser sur les terres (par exemple, les poissons, Jaeger et al. 2014). Dans un paysage non fragmenté, les espèces peuvent descendre ou remonter pour trouver refuge pendant la période sèche. L'augmentation de l'étendue de l'intermittence peut augmenter la fragmentation du réseau fluvial et empêcher l'accès aux refuges pérennes (Davey et Kelly 2007), augmentant les risques d'extinction des espèces (Jaeger et al. 2014, Vander Vorste et al. 2020). »

Discussion
Les simulations des débits des rivières sont complexes, car il faut associer des modèles climatiques et des modèles hydrologiques. En particulier, l’évolution des précipitations est plus difficile à modéliser que celle des températures. Néanmoins, la plupart des simulations publiées pour la France métropolitaine annoncent un schéma dont nous voyons les premières réalités aujourd’hui : un apport de précipitation se maintenant voire augmentant en saison pluvieuse, se raréfiant voire parfois disparaissant en saison sèche. 

La question est : qu’en déduisons-nous pour la gestion des sols, des nappes, des plans d’eau et des cours d’eau? Une approche ayant actuellement la faveur du gestionnaire public de l’eau en France consiste à dire qu’il faut «renaturer» les milieux (éliminer les impacts liés aux humains), diminuer la consommation d’eau par la société et ensuite laisser faire la nature. Ce n’est pas notre point de vue. 

D’abord, le changement climatique n’a rien de «naturel», mais il s’impose à nous. Il n’y a pas tellement de sens à restaurer des conditions de milieux naturels dans leur situation d’il y a quelques siècles (qui était déjà modifiée) alors même que l’apport d’eau dans ces milieux ne sera plus le même à l’avenir. Ensuite, même avant les émissions carbone de l’industrie fossile moderne, la raréfaction de l’eau était souvent un problème dans les campagnes. C’est une des raisons pour lesquelles les têtes de bassins versants étaient couvertes de petits ouvrages qui stockaient ou faisaient déborder latéralement l’eau d’hiver, permettant des retenues de surface ou des recharges de nappes. Enfin, la disparition de l’eau est une discontinuité radicale qui altère l’essentiel du vivant aquatique, hors les espèces spécialisées en adaptation à l’intermittence. Comme ce vivant est soumis à de nombreuses autres pressions, l’effet risque d’être catastrophique. 

Pour des raisons tant sociales qu’économiques et écologiques, la gestion adaptative de l’eau doit devenir une priorité. Elle ne sera pas simplement le «retour à la nature». Si les modèles hydroclimatiques prévoient un excès d’eau d’hiver et un déficit d’eau d’été, nous devons réfléchir sans préjugé à tout ce qui permet de gérer de façon intelligente et bénéfique cette condition nouvelle. L'une des pistes est évidemment de travailler sur l'ensemble du bassin (lit majeur et lit mineur) à tout ce qui permet de retenir l'eau de la saison pluvieuse dans les sols, les nappes et les lits.

Référence : Sauquet E et al (2021), Predicting flow intermittence in France under climate change,  Hydrological Sciences Journal, 66, 14

05/04/2022

Le GIEC rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité pour limiter les émissions carbone

Le nouveau rapport du groupe 3 du GIEC, en charge de faire le point sur les solutions bas-carbone de prévention du changement climatique, rappelle la nécessité de développer l'hydro-électricité. Nous publions ici la traduction du point de synthèse du GIEC à ce sujet. Il est urgent que la France relance son programme hydraulique stoppé dans les années 1980, déjà qu'elle cesse immédiatement la folie consistant à détruire des moulins et barrages au nom de la continuité des cours d'eau, alors qu'il existe des solutions conciliant production énergétique et résilience écologique. Nous appellerons le nouveau parlement et le nouveau gouvernement à prendre acte des données de la science, ce qui implique de stopper les politiques climaticides dans le domaine de l'eau et des rivières. 



Extrait du rapport complet du GIEC sur l'hydro-électricité

"L'hydroélectricité est techniquement mature, prouvée dans le monde entier comme une source primaire d'électricité renouvelable, et peut être utilisée pour équilibrer l'approvisionnement en électricité en offrant flexibilité et stockage. Le coût actualisé de l'hydroélectricité est inférieur à celui de la nouvelle option à combustible fossile la moins chère. Cependant, le futur potentiel d'atténuation de l'hydroélectricité dépend de la minimisation des impacts environnementaux et sociaux pendant les étapes de planification, de la réduction des risques de rupture de barrage et de la modernisation du parc hydroélectrique vieillissant pour augmenter la capacité de production et la flexibilité (confiance élevée). Les estimations du potentiel hydroélectrique disponible théorique brut mondial varient de 31 à 128 PWh / an (112 à 460 EJ / an), dépassant la production totale d'électricité en 2018 (Banerjee et al. 2017 ; AIE 2021d ; BP 2020). Ce potentiel est réparti sur 11,8 millions d'emplacements, mais nombre d'entre eux ne peuvent pas être développés pour des raisons (actuelles) techniques, économiques ou politiques. Le potentiel technique estimé de l'hydroélectricité est de 8–30 PWh/an (29–108 EJ/an), et son potentiel économique estimé est de 8–15 PWh/an (29–54 EJ/an) (van Vliet et al. 2016c ; Zhou et al. 2015). La production hydroélectrique réelle en 2019 était de 4,2 PWh (15,3 EJ), fournissant environ 16 % de l'électricité mondiale et 43 % de l'électricité mondiale à partir d'énergies renouvelables (BP 2020 ; Killingtveit 2020 ; AIE 2020f). L'Asie détient le plus grand potentiel hydroélectrique (48%), suivie de l'Amérique du Sud (19%) (Hoes et al. 2017).

L'hydroélectricité est une technologie mature avec des solutions adaptées localement (confiance élevée) (Zhou et al. 2015 ; Killingtveit 2020). Le rendement maximal des centrales hydroélectriques est supérieur à 85 %. Les centrales hydroélectriques sans stockage ou avec un petit stockage produisent généralement de quelques kW à 10 MW (des exemples de telles centrales produisant des quantités plus élevées existent) et sont utiles pour fournir de l'électricité à une échelle allant des ménages aux petites communautés (El Bassam et al. 2013 ; Towler 2014). Cependant, les centrales hydroélectriques sans ou avec un petit stockage peuvent être sensibles à la variabilité climatique, en particulier les sécheresses, lorsque la quantité d'eau peut ne pas être suffisante pour produire de l'électricité (Premalatha et al. 2014). Les centrales hydroélectriques avec stockage peuvent produire 10 GW, atteignant plus de 100 TWh/an (0,36 EJ/an), mais nécessitent généralement de grandes surfaces. L'hydroélectricité de stockage par pompage stocke l'énergie en pompant l'eau vers des réservoirs plus élevés pendant les périodes de faible demande (Killingtveit 2020). Le stockage dans les systèmes hydroélectriques offre la flexibilité nécessaire pour compenser les variations rapides des charges et des approvisionnements en électricité. Les caractéristiques de régulation du stockage jouent un rôle important pour assurer la continuité de l'approvisionnement en énergie à partir de sources renouvelables (Yang et al. 2018b).

L'hydroélectricité est l'une des technologies électriques les moins coûteuses (Mukheibir 2013 ; IRENA 2021b). Ses coûts d'exploitation et de maintenance représentent généralement 2 à 2,5 % des coûts d'investissement par kW/an pour une durée de vie de 40 à 80 ans (Killingtveit 2020). Les coûts de construction sont spécifiques au site. Le coût total d'un grand projet hydroélectrique installé varie de 10600 à 804500 USD / kW si le site est situé loin des lignes de transmission, des routes et des infrastructures. Les coûts d'investissement augmentent pour les petites centrales hydroélectriques et peuvent atteindre 100000 USD/kW ou plus pour l'installation de centrales de moins de 1 MW - 20 % à 80 % de plus que pour les grandes centrales hydroélectriques (IRENA 2015). Au cours des 100 dernières années, les coûts totaux installés et le coûts actualisés ont augmenté de quelques pour cent, mais le coût actualisé de l'hydroélectricité reste inférieur à la nouvelle option la moins chère alimentée aux combustibles fossiles (IRENA 2019b, 2021).

Les centrales hydroélectriques peuvent avoir de graves impacts environnementaux et sociétaux (degré de confiance élevé) (Mccartney 2009). Les barrages peuvent conduire à la fragmentation des habitats écologiques car ils agissent comme des barrières à la migration des poissons et d'autres espèces terrestres et aquatiques, des sédiments et du débit d'eau. Ces barrières peuvent être atténuées par des passages de sédiments et des aides à la migration des poissons, ainsi que par la fourniture de débits environnementaux. Sous les barrages, il peut y avoir des altérations considérables de la végétation, des débits naturels des rivières, de la rétention des sédiments et des nutriments, ainsi que de la qualité et de la température de l'eau. La construction de grands réservoirs entraîne la perte de terres, ce qui peut entraîner des conséquences sociales et environnementales. Minimiser les impacts sociétaux et environnementaux nécessite de prendre en compte les aspects physiques, environnementaux, climatologiques, sociaux, économiques et politiques locaux lors de la phase de planification (Killingtveit 2020). De plus, lorsque de vastes étendues de terres sont inondées par la construction de barrages, elles génèrent des gaz à effet de serre (Phyoe et Wang 2019 ; Maavara et al. 2020 ; Prairie et al. 2018).

D'autre part, l'hydroélectricité fournit une électricité flexible et compétitive à faibles émissions, des avantages économiques locaux (par exemple, en augmentant l'irrigation et la production d'électricité dans les pays en développement) et des services auxiliaires tels que l'approvisionnement en eau municipale, l'irrigation et la gestion de la sécheresse, la navigation et les loisirs, et lutte contre les inondations (IRENA 2021b). Cependant, les avantages économiques à long terme pour les communautés affectées par les réservoirs font l'objet de débats (de Faria et al. 2017 ; Catolico et al. 2021). Le soutien public à l'énergie hydroélectrique est généralement élevé (Steg 2018) et supérieur au soutien au charbon, au gaz et au nucléaire. Pourtant, le soutien public à l'hydroélectricité semble différer pour les projets existants et nouveaux (confiance élevée).

Le soutien public est généralement élevé pour l'hydroélectricité à petite et moyenne échelle dans les régions où l'hydroélectricité était historiquement utilisée (Gormally et al. 2014). De plus, les grands projets hydroélectriques existants sont fortement soutenus en Suisse (Plum et al. 2019 ; Rudolf et al. 2014), au Canada (Boyd et al. 2019) et en Norvège (Karlstrøm et Ryghaug 2014), où il s'agit d'une source d'énergie de confiance commune. Le soutien public semble plus faible pour les nouveaux projets hydroélectriques (Hazboun et Boudet 2020), et la construction de nouvelles grandes centrales hydroélectriques s'est heurtée à une forte résistance dans certaines régions (Bronfman et al., 2015 ; Vince, 2010). Les gens perçoivent généralement l'énergie hydroélectrique comme propre et ne contribuant pas au changement climatique et à la pollution de l'environnement (Kaldellis et al. 2013). Par exemple, en Suède, les gens croyaient que les projets hydroélectriques existants avaient aussi peu d'impacts négatifs sur l'environnement que le solaire, et encore moins que le vent (Ek 2005). Cependant, dans les régions où la construction de nouvelles centrales hydroélectriques à grande échelle rencontre une résistance, les gens pensent que la production d'électricité à partir de l'hydroélectricité peut entraîner des risques environnementaux, sociaux et personnels (Bronfman et al., 2012 ; Kaldellis et al., 2013).

Le temps de construction des centrales hydroélectriques est plus long que celui de nombreuses autres technologies renouvelables, et ce temps de construction peut être prolongé du temps supplémentaire nécessaire pour remplir le réservoir. Ce délai prolongé peut créer une incertitude quant à l'achèvement du projet. L'incertitude est due à l'insécurité des variations annuelles des précipitations et des apports d'eau nécessaires pour remplir les réservoirs. Ceci est particulièrement critique dans le cas des centrales hydroélectriques transfrontalières, où le remplissage des réservoirs peut avoir des implications importantes sur les utilisateurs en aval dans d'autres pays. En raison des contraintes sociales et environnementales, seule une petite fraction des projets hydroélectriques économiques potentiels peut être développée, en particulier dans les pays développés. De nombreux pays en développement disposent d'un important potentiel hydroélectrique non développé et il existe des possibilités de développer l'hydroélectricité combinée à d'autres activités économiques telles que l'irrigation (Lacombe et al. 2014). La concurrence pour l'hydroélectricité à travers les frontières du pays peut conduire à des conflits, qui pourraient être exacerbés si le climat modifie les précipitations et le débit des cours d'eau (Ito et al. 2016)."

Source : GIEC / IPCC (2022), Climate Change 2022. Mitigation of Climate Change. Working group III contribution to the IPCC sixth assessment report (AR6)

01/03/2022

Sécuriser eau, énergie, ressources face à la crise climatique

Le 6e rapport du GIEC vient de publier son volet consacré aux impacts, vulnérabilités et adaptations en lien au changement climatique. Les scientifiques soulignent avec gravité la montée des risques en raison du changement du cycle de l’eau et de la multiplication des événements extrêmes. Le résumé pour décideurs de ce rapport du GIEC cite expressément l’hydro-électricité à petite échelle en système décentralisé d’énergie comme l’une des solutions à promouvoir. Nous attendons donc des décideurs français que la politique de l’eau et de l’énergie soit redéfinie à la hauteur des vraies priorités pour notre pays. 


Assec et mortalité piscicole sur le bassin Ource, en Bourgogne.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier son rapport sur les impacts, les vulnérabilités et l’adaptation à la crise climatique. Il a été rédigé par 270 scientifiques du monde entier à partir de l’analyse de 34 000 études. Par rapport au précédent travail comparable, qui datait de 2014, le GIEC confirme l’ampleur des adversités et des risques liés au changement climatique. Outre la montée des eaux due à la fonte des pôles et glaciers, ce sont les événements extrêmes qui présentent des risques majeurs : sécheresses, canicules, crues, tempêtes, cyclones, incendies, avec des effets négatifs sur la santé, l’agriculture, l’industrie. Le climat entraîne aussi une modification très rapide de l’ensemble des écosystèmes, avec la disparition probable de certains d’entre eux comme les récifs coraliens. 


Source Le Monde, droits réservés.

Concernant l’eau en particulier, le GIEC écrit :
« Les risques liés à la disponibilité physique de l'eau et les dangers liés à l'eau continueront d'augmenter à moyen et à long terme dans toutes les régions évaluées, avec un risque accru à des niveaux de réchauffement planétaire plus élevés (degré de confiance élevé). Avec un réchauffement climatique d'environ 2 °C, la disponibilité de l'eau de fonte des neiges pour l'irrigation devrait diminuer jusqu'à 20 % dans certains bassins fluviaux dépendants de la fonte des neiges, et la perte de masse glaciaire mondiale de 18 ± 13 % devrait diminuer la disponibilité de l'eau pour l'agriculture, l'hydroélectricité, et les établissements humains à moyen et à long terme, ces changements devant doubler avec un réchauffement climatique de 4°C (degré de confiance moyen). Dans les petites îles, la disponibilité des eaux souterraines est menacée par le changement climatique (degré de confiance élevé). Les changements de l'ampleur, du moment et des extrêmes associés au débit fluvial devraient avoir un impact négatif sur les écosystèmes d'eau douce dans de nombreux bassins versants à moyen et à long terme dans tous les scénarios évalués (degré de confiance moyen). Les augmentations projetées des dommages directs causés par les inondations sont supérieures de 1,4 à 2 fois à 2 °C et de 2,5 à 3,9 fois à 3 °C par rapport à un réchauffement climatique de 1,5 °C sans adaptation (confiance moyenne). Avec un réchauffement climatique de 4 °C, environ 10 % de la superficie terrestre mondiale devrait faire face à des augmentations des débits fluviaux extrêmes (à la fois élevés et faibles) au même endroit, avec des implications pour la planification de tous les secteurs d'utilisation de l'eau (confiance moyenne). Les défis de la gestion de l'eau seront exacerbés à court, moyen et long terme, en fonction de l'ampleur, du rythme et des détails régionaux du changement climatique futur et seront particulièrement difficiles pour les régions dont les ressources en matière de gestion de l'eau sont limitées (degré de confiance élevé). »
On notera que dans le chapitre des transitions nécessaires, le résumé pour décideurs du GIEC confirme l’urgence de développer des systèmes d’énergie bas-carbone, et cite en particulier dans sa synthèse l’hydro-électricité à petite échelle :
« Dans les transitions des systèmes énergétiques, les options d'adaptation les plus réalisables soutiennent la résilience des infrastructures, des systèmes électriques fiables et une utilisation efficace de l'eau pour les systèmes de production d'énergie existants et nouveaux (degré de confiance très élevé). La diversification de la production d'énergie, y compris avec des ressources énergétiques renouvelables et une production pouvant être décentralisée en fonction du contexte (par exemple, éolien, solaire, hydroélectricité à petite échelle) et la gestion de la demande (par exemple, stockage et améliorations de l'efficacité énergétique) peuvent réduire les vulnérabilités au changement climatique, en particulier dans les populations rurales (confiance élevée). Les adaptations pour la production d'énergie hydroélectrique et thermoélectrique sont efficaces dans la plupart des régions jusqu'à 1,5 °C à 2 °C, avec une efficacité décroissante à des niveaux de réchauffement plus élevés (confiance moyenne). Les marchés de l'énergie réactifs au climat, les normes de conception actualisées des actifs énergétiques en fonction du changement climatique actuel et projeté, les technologies de réseau intelligent, les systèmes de transmission robustes et l'amélioration de la capacité à répondre aux déficits d'approvisionnement ont une faisabilité élevée à moyen et long terme, avec des co-bénéfices liées aux mesures d'atténuation - (confiance très élevée). »

Tous les risques du climat seront donc aggravés si nous continuons à laisser les températures monter sans frein, c’est-à-dire si nous continuons émettre des gaz à effet de serre au lieu d’engager une transition rapide pour se passer d’énergie fossile. Même dans cette hypothèse d’une transition rapide, en raison de l'inertie du système climatique océan-atmosphère, des effets négatifs se feront encore sentir pendant des décennies sinon des siècles, de sorte que la gestion des milieux doit désormais intégrer ce paramètre d'adaptation climatique comme une priorité et une constante de long terme. 

Les travaux du GIEC appellent une politique publique dédiée à la sécurisation de l’eau, de l’énergie et des ressources sur tous les territoires. La politique de l’eau en France est malheureusement très éloignée de cet impératif, car elle a hélas! été confiée à des personnes n’ayant pas le climat et l’énergie en tête de leur agenda. Cela doit changer. Vite. Toutes les mesures nuisibles à la rétention d’eau, à la recharge de nappes et aquifères, à la préservation de milieux aquatiques ou humide d'origine naturelle ou anthropique, au développement des énergies bas-carbone doivent désormais être retirées du droit français, et par conséquence des planifications de l’Etat, des collectivités territoriales et des agences de l’eau. Le mouvement des ouvrages hydrauliques a parfaitement conscience de cette urgence, car il voit la rapidité des changements au bord des rivières, des canaux, des plans d'eau : nous devons être à la pointe de cette exigence et de cette prise de conscience des élus, cela dès la prochaine législature en juin prochain. 

A lire : GIEC / IPCC (2022), Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability, Sixth Assessment Report 

12/09/2021

Sur l'Ahr, fallait-il protéger en priorité le saumon ou la population?

Les inondations de l'été 2021 ont été meurtrières en Europe centrale, avec plus de 200 victimes. Et des dizaines de milliards d'euros de dégâts. Sur le bassin versant de la rivière Ahr (Allemagne), qui a été l'un des plus touchés, le risque de crue était parfaitement documenté depuis des siècles. Mais alors que le réchauffement climatique crée des conditions pour des épisodes de crues plus intenses, les décideurs ont jugé depuis 20 ans qu'une des priorités d'aménagement du bassin était... la restauration écologique en faveur du saumon. Pourquoi l'argent public est-il ainsi détourné des enjeux essentiels de régulation des crues et des sécheresses en vue de protéger les populations, mais aussi de prévention du réchauffement climatique? Va-t-on continuer à disperser l'argent des citoyens dans des nostalgies de nature sauvage alors que des enjeux existentiels autrement plus graves sont devant nous? 


Entre le 12 et le 15 juillet 2021, de fortes précipitations associées au système dépressionnaire «Bernd» ont entraîné de graves inondations en Europe, en particulier dans les États allemands de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Rhénanie-Palatinat, au Luxembourg et le long de la Meuse et certains de ses affluents, en Belgique et aux Pays-Bas.

Au moment des pluies, les sols étaient en partie déjà saturés suite à un printemps et un été plutôt humides. Certaines sections de vallée sont très étroites avec des pentes abruptes conduisant à des effets d'entonnoir en cas de crues extrêmes. 

Les inondations ont fait au moins 184 morts en Allemagne et 38 en Belgique et des dommages considérables aux infrastructures, y compris les maisons, les autoroutes, les voies ferrées et les ponts. Les fermetures de routes ont laissé certains endroits inaccessibles pendant des jours, coupant certains villages des voies d'évacuation et des interventions d'urgence. Les zones les plus touchées se trouvaient autour des rivières Ahr, Erft et Meuse.

Des scientifiques d'Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Suisse, France, États-Unis et Royaume-Uni ont collaboré pour évaluer dans quelle mesure le changement climatique induit par l'homme a modifié la probabilité et l'intensité de si fortes précipitations provoquant de graves inondations (consortium World Weather Attribution). Ils concluent notamment : 
"le changement climatique a augmenté l'intensité de l'événement pluviométrique maximal d'une journée pendant la saison estivale d'environ 3 à 19 % par rapport à un climat mondial 1,2 °C plus froid qu'aujourd'hui. L'augmentation est similaire pour l'événement de 2 jours. La probabilité qu'un tel événement se produise aujourd'hui par rapport à un climat plus frais de 1,2 °C a augmenté d'un facteur compris entre 1,2 et 9 pour un événement d'une journée. L'augmentation est à nouveau similaire pour un événement de 2 jours. Dans un climat plus chaud de 2 °C qu'à l'époque préindustrielle, les modèles suggèrent que l'intensité d'un événement d'une journée augmenterait encore de 0,8 à 6 % et la probabilité d'un facteur de 1,2 à 1,4. L'augmentation est à nouveau similaire pour l'événement de 2 jours."
Au début d’août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a également pointé dans son nouveau rapport un réchauffement de la planète plus rapide qu’on ne le pensait, avec des effets significatifs à venir sur le cycle de l'eau

Toutefois, si le changement climatique augmente les conditions de fréquence et d'intensité de ces événements extrêmes, il est loin d'être le seul coupable. 

Le climat n'est pas le seul responsable des bilans des crues
D'abord, de tels événements peuvent toujours survenir par hasard, et les crues de la période prémoderne occasionnaient déjà de nombreuses victimes. Ensuite, les choix que l'on fait dans l'aménagement des rivières et des bassins versants ont une influence majeure sur les écoulements locaux et les risques humains. Les observations rapportées sur la page Wikipedia des inondations sont ainsi intéressantes à examiner.

Dans la vallée de l'Ahr (district d'Ahrweiler), il y a eu déjà de graves inondations en 1601, 1804 et 1910, certaines avec des pics de crue plus élevés. En réponse à la crue de 1910, des bassins de rétention des crues à grande échelle d'une capacité de 11,5 millions de m3 ont été prévus dans le cours supérieur de l'Ahr, sur le Trierbach, dans le Wirftbachtal et sur l'Adenauer Bach. En raison d'un manque d'argent, les plans n'ont pas été mis en œuvre et à la place, on a construit le circuit automobile Nürburgring. 


La vulnérabilité du bassin versant a été exacerbée par le fait que les cours d'eau ont été redressés lors du remembrement des terres dans les années 1970 et que des canaux de drainage ont été créés dans les vignobles, à travers lesquels les précipitations sur les pentes sont déversées verticalement, de sorte que le niveau d'eau dans la vallée augmente rapidement. De plus, la roche d'ardoise typique de la région est presque imperméable à l'eau et donc de fortes pluies s'écoulent facilement. Les ruisseaux latéraux sont également très raides et donnent à l'eau une vitesse élevée, de sorte que le niveau d'eau dans la vallée monte rapidement. D'autres facteurs pouvant aggraver la situation lors de fortes précipitations sont l'imperméabilisation des terres, la déforestation, les sols asséchés et les mesures de protection contre les inondations manquantes ou mal dimensionnées, entre autres sur les ruisseaux de basse montagne qui sont jusqu'à présent rarement apparus comme un risque.

Selon les géographes Thomas Roggenkamp et Jürgen Herget, la carte des risques d'inondation pour la vallée de l'Ahr est basée sur les valeurs mesurées collectées depuis 1947 seulement. Bien que les incertitudes des statistiques des valeurs extrêmes soient connues lorsque la taille de l'échantillon est petite, les graves inondations des siècles passés n'ont pas été prises en compte dans l'évaluation de l'évaluation des risques. Selon leur évaluation, la crue de juillet 2021 est une répétition de la crue de juillet 1804. Malgré des débits comparables (quantités d'eau en mètres cubes par seconde), la crue de juillet 2021 a atteint des niveaux d'eau plus élevés que ceux de 1804. La raison est qu'aujourd'hui, le développement plus dense du lit majeur d'inondation a réduit la surface traversée par l'eau et les niveaux ont augmenté localement de manière disproportionnée. 

Depuis 20 ans on a investi... pour le saumon
Le gouvernement fédéral et le Land de Rhénanie-Palatinat avaient encouragé des mesures de renaturation dans la vallée de l'Ahr. Selon Wolfgang Büchs, il s'agissait de mesures judicieuses, mais les bassins de rétention des crues et autres systèmes de rétention des pluies - également dans les vallées latérales - sont les seules mesures efficaces contre les événements pluvieux extrêmes.

Savoir si les mesures en question furent "judicieuses" se discute et devra être examiné avec la plus grande attention dans le bilan définitif de ces inondations de l'Ahr. 

En effet, la rivière Ahr fait l'objet depuis plus de 20 ans de plans pour la réintroduction du saumon du Rhin dans ses habitats d'origine. Plusieurs barrages ont été effacés ou aménagés sur argent public (Bad Bodendorfer, Heimersheimer, Bad Neuenahrer...). Bien entendu, au regard de la gravité de la crue de 2021, ces aménagements n'ont eu qu'une influence mineure. Mais c'est la question inverse qu'il faut poser: pour éviter des dizaines de morts et de milliers de destructions dans le bassin versant de l'Ahr, quels étaient les aménagements à envisager en priorité depuis 20 ans, et avant déjà? S'il est reconnu que le bassin est à haut risque historique et s'il a été envisagé voici un siècle déjà des retenues pour tamponner les crues, pourquoi ce genre de projet n'a-t-il pas été au centre de la réflexion des décideurs? Si les choix du lit majeur sont plus impactants que ceux du lit mineur, pourquoi ne traite-t-on pas les choses dans l'ordre? Si l'on juge "normal" que les rivières reprennent leur droit en crue, cela signifie-t-il que l'on assume comme "normales" les pertes humaines et destructions de biens? La même question valant pour les sécheresses, autre spectre du changement climatique : au nom de la nature rendue à sa naturalité, les populations doivent-elles accepter demain des lits secs tous les étés? 

Les gestionnaires de l'écologie des rivières et plans d'eau ont aujourd'hui des discours contradictoires et des actions confuses. D'un côté, ils reconnaissent que les conditions naturelles sont changées par le réchauffement climatique – plus généralement par la démographie et l'économie humaines – ; d'un autre côté, ils proposent simplement de restaurer des portions de conditions naturelles antérieures, comme si de rien n'était. D'un côté, le climat est reconnu par les rapports GIEC comme une menace existentielle de premier ordre pour les sociétés humaines et pour le vivant ; d'un autre côté, on refuse d'en faire le critère prioritaire quand on gère les rivières pour l'énergie, les crues, les sécheresses et autres éléments liés au climat. 

Ces contradictions et confusions doivent cesser. La France aussi connaîtra des crues terribles et des sécheresses sévères. La France aussi doit faire sa part pour sortir au plus vite de l'énergie fossile sur son territoire et dans ses importations. C'est en ayant à l'esprit ces événements extrêmes et ces priorités publiques que l'on doit aménager désormais nos rivières. 

17/08/2021

Cycle de l'eau et changement climatique, ce que dit le 6e rapport du GIEC

Le groupe 1 des chercheurs du GIEC, rassemblant les physiciens et modélisateurs du climat, vient de publier son 6e rapport sur le changement climatique. Nous traduisons ici le résumé des connaissances concernant le cycle de l'eau. La prise en compte de l'évolution climatique – pour prévenir le réchauffement et pour s'adapter à ses effets déjà non-évitables – est en train de devenir un impératif des politiques publiques. Ce qui aura des conséquences sur la gestion des rivières, comme nous l'exposerons dans un autre article.


Le résumé des travaux du GIEC, paru en ce mois d'août 2021, est produit par les chercheurs et approuvé par les Etats, ce qui lui donne un poids à la fois politique et scientifique. Le rapport montre que les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ont élevé les températures d’environ 1,1 °C depuis la période 1850-1900 et conclut que la température mondiale, en moyenne sur les 20 prochaines années, devrait atteindre ou franchir le seuil de 1,5 °C. 

En l'absence d'une politique drastique de réduction des émissions carbone, le réchauffement moyen au cours du siècle pourrait atteindre 4°C, avec des valeurs plus importantes pour les terres qui se réchauffent plus vite que les océans. Au-delà des moyennes, ces valeurs indiquent une plus haute fréquence ou intensité de phénomènes extrêmes qui sont liés à un surcroît d'énergie et d'eau dans le système atmosphérique (vagues de chaleur, tempêtes et cyclones, pluies extrêmes, etc.). De tels épisodes ont des coûts matériels, économiques et humains pour les populations qui les subissent, en particulier les plus fragiles. 

La température modifie le cycle de l'eau, qui a une dimension critique pour les sociétés humaines et pour les milieux naturels. Nous publions ci-dessous les extraits du résumé technique du rapport GIEC concernant ce cycle. 


Extrait du résumé technique du 6e rapport du GIEC, 2021
(version encore sujette à ajustements de détail avant publication définitive)

Un réchauffement plus important des terres modifie les principales caractéristiques du cycle de l'eau. Le taux de changement des précipitations moyennes et du ruissellement, et leur variabilité, augmentent avec le réchauffement climatique. La majorité de la superficie des terres a connu une diminution de l'eau disponible pendant les saisons sèches en raison de l'augmentation globale de l'évapotranspiration (degré de confiance moyen). La superficie des terres affectées par l'augmentation de la fréquence et de la gravité des sécheresses s'étendra avec l'augmentation du réchauffement climatique (degré de confiance élevé). Il est peu probable que l'augmentation de l'efficacité de l'utilisation de l'eau par les plantes due à une concentration plus élevée de CO2 dans l'atmosphère atténue les sécheresses agricoles et écologiques extrêmes dans des conditions caractérisées par une humidité limitée du sol et une demande d'évaporation atmosphérique accrue.

La couverture neigeuse printanière de l'hémisphère Nord a diminué depuis au moins 1978 (degré de confiance très élevé), et il y a une forte confiance que les tendances de la perte de couverture neigeuse remontent à 1950. Il est très probable que l'influence humaine ait contribué à ces réductions. Le début plus précoce de la fonte des neiges a contribué à des changements saisonniers du débit (degré de confiance élevé). Une nouvelle diminution de l'étendue de la couverture neigeuse saisonnière de l'hémisphère nord est pratiquement certaine dans le cadre d'un nouveau réchauffement climatique.

La fréquence et l'intensité des événements de fortes précipitations ont augmenté dans la majorité des régions terrestres avec une bonne couverture d'observation depuis 1950 (degré de confiance élevé). L'influence humaine est probablement le principal moteur de ce changement. Il est extrêmement probable que sur la plupart des continents, les fortes précipitations deviendront plus fréquentes et plus intenses avec un réchauffement climatique supplémentaire. L'augmentation prévue des fortes précipitations extrêmes se traduit par une augmentation de la fréquence et de l'ampleur des crues pluviales (degré de confiance élevé).

La probabilité d'événements extrêmes composés a probablement augmenté en raison du changement climatique induit par l'homme Les vagues de chaleur et les sécheresses simultanées sont devenues plus fréquentes au cours du siècle dernier, et cette tendance se poursuivra avec un réchauffement global plus élevé (degré de confiance élevé). La probabilité d'inondations composites (onde de tempête, précipitations extrêmes et/ou débit fluvial) a augmenté dans certains endroits et continuera d'augmenter en raison à la fois de l'élévation du niveau de la mer et de l'augmentation des fortes précipitations, y compris les changements d'intensité des précipitations associés aux cyclones tropicaux ( grande confiance).

Au cours du siècle dernier, il y a eu un déplacement vers les pôles et vers le haut de la répartition de nombreuses espèces terrestres (degré de confiance très élevé) ainsi que des augmentations du renouvellement des espèces dans de nombreux écosystèmes (degré de confiance élevé). Il existe un degré de confiance élevé dans le fait que la répartition géographique des zones climatiques a changé dans de nombreuses régions du monde au cours du dernier demi-siècle. Le raport spécial sur le changement climatique dans les terres (SRCCL) a conclu que le réchauffement continu exacerbera les processus de désertification (degré de confiance moyen) et les écosystèmes deviendront de plus en plus exposés à des climats au-delà de ceux auxquels ils sont actuellement adaptés (degré de confiance élevé). On a une confiance moyenne dans le fait que le changement climatique augmentera les perturbations par (par exemple) les incendies et la mortalité des arbres dans plusieurs écosystèmes. Des augmentations sont prévues de la sécheresse, de l'aridité et des incendies dans certaines régions (degré de confiance élevé). Il existe une faible confiance dans l'ampleur de ces changements, mais la probabilité de franchir des seuils régionaux incertains (p. La réponse des cycles biogéochimiques à la perturbation anthropique peut être abrupte à l'échelle régionale et irréversible à l'échelle de la décennie au siècle (degré de confiance élevé).

Cycle de l'eau

Le changement climatique d'origine humaine a entraîné des changements détectables dans le cycle mondial de l'eau depuis le milieu du XXe siècle (degré de confiance élevé), et il devrait provoquer d'autres changements substantiels à l'échelle mondiale et régionale (degré de confiance élevé). Les précipitations terrestres mondiales ont probablement augmenté depuis 1950, avec une augmentation plus rapide depuis les années 1980 (degré de confiance moyen). La vapeur d'eau atmosphérique a augmenté dans toute la troposphère depuis au moins les années 1980 (probablement). Les précipitations terrestres annuelles mondiales augmenteront au cours du 21e siècle à mesure que la température de surface mondiale augmentera (degré de confiance élevé). L'influence humaine a été détectée dans les modèles d'amplification de salinité de surface et de précipitation minus évaporation (P-E) au-dessus de l'océan (degré de confiance élevé). La gravité des événements très humides et très secs augmente dans un climat qui se réchauffe (degré de confiance élevé), mais les changements dans les schémas de circulation atmosphérique affectent où et à quelle fréquence ces extrêmes se produisent. La variabilité du cycle de l'eau et les extrêmes connexes devraient augmenter plus rapidement que les changements moyens dans la plupart des régions du monde et dans tous les scénarios d'émission (degré de confiance élevé). Au cours du 21e siècle, la superficie totale des terres sujettes à la sécheresse augmentera et les sécheresses deviendront plus fréquentes et plus graves (degré de confiance élevé). Les changements projetés à court terme dans les précipitations sont incertains principalement en raison de la variabilité interne, de l'incertitude du modèle et de l'incertitude des forçages causés par les aérosols naturels et anthropiques (degré de confiance moyen). Au cours du 21e siècle et au-delà, des changements brusques d'origine humaine dans le cycle de l'eau ne peuvent être exclus (degré de confiance moyen).

Il existe un degré de confiance élevé dans le fait que le cycle mondial de l'eau s'est intensifié depuis au moins 1980, ce qui s'exprime, par exemple, par l'augmentation des flux d'humidité atmosphérique et l'amplification des précipitations moins les schémas d'évaporation. Les précipitations terrestres mondiales ont probablement augmenté depuis 1950, avec une augmentation plus rapide depuis les années 1980 (degré de confiance moyen) et une contribution humaine probable aux modèles de changement, en particulier pour les augmentations des précipitations à haute latitude dans l'hémisphère nord. Les augmentations des précipitations moyennes mondiales sont déterminées par une réponse robuste à la température de surface mondiale (très probablement 2 à 3 % par °C) qui est en partie compensée par des ajustements atmosphériques rapides au réchauffement atmosphérique par les gaz à effet de serre (GES) et les aérosols. L'effet global des aérosols anthropiques est de réduire les précipitations mondiales par des effets de refroidissement radiatif de surface (degré de confiance élevé). Pendant une grande partie du 20e siècle, des effets opposés des GES et des aérosols sur les précipitations ont été observés pour certaines moussons régionales (degré de confiance élevé). Les précipitations annuelles mondiales au-dessus des terres devraient augmenter en moyenne de 2,4 % (plage probable de -0,2 % à 4,7 %) selon le scénario SSP1-1,9, de 4,6 % (plage probable de 1,5 % à 8,3 %) selon le scénario SSP2-4.5 et de 8,3 % (0,9 % à 12,9 % de la fourchette probable) selon le scénario SSP5-8,5 d'ici 2081-2100 par rapport à 1995-2014. Les différences inter-modèles et la variabilité interne contribuent à une gamme substantielle de projections de changements du cycle de l'eau à grande échelle et régionaux (degré de confiance élevé). La survenue d'éruptions volcaniques peut altérer le cycle de l'eau pendant plusieurs années (degré de confiance élevé). Les modèles projetés de changement des précipitations présentent des différences régionales substantielles et un contraste saisonnier à mesure que la température de surface mondiale augmente au cours du 21e siècle.

La teneur totale en vapeur d'eau de la colonne atmosphérique mondiale a très probablement augmenté depuis les années 1980, et il est probable que l'influence humaine ait contribué à l'humidification de la haute troposphère tropicale. L'humidité spécifique près de la surface a augmenté au-dessus de l'océan (probablement) et des terres (très probable) depuis au moins les années 1970, avec une influence humaine détectable (degré de confiance moyen). L'influence humaine a été détectée dans les modèles de salinité de surface amplifiée et de précipitations moins l'évaporation (P-E) au-dessus de l'océan (degré de confiance élevé). Il est pratiquement certain que l'évaporation augmentera au-dessus de l'océan, et très probablement que l'évapotranspiration augmentera au-dessus des terres, avec des variations régionales sous le réchauffement futur de la surface. Il y a une forte confiance que les augmentations prévues de la quantité et de l'intensité des précipitations seront associées à une augmentation du ruissellement dans les hautes latitudes du nord. En réponse aux changements de la cryosphère, il y a eu des changements dans la saisonnalité du débit, y compris une occurrence plus précoce du débit de pointe dans les bassins versants des hautes latitudes et des montagnes (degré de confiance élevé). Le ruissellement projeté est généralement diminué par les contributions des petits glaciers en raison de la perte de masse des glaciers, tandis que le ruissellement des glaciers plus grands augmentera généralement avec l'augmentation des niveaux de réchauffement planétaire jusqu'à ce que leur masse s'épuise (degré de confiance élevé).

Le réchauffement des terres entraîne une augmentation de la demande d'évaporation atmosphérique et de la gravité des épisodes de sécheresse (degré de confiance élevé). Un réchauffement plus important sur terre que sur l'océan modifie les schémas de circulation atmosphérique et réduit l'humidité relative continentale près de la surface, ce qui contribue à l'assèchement régional (degré de confiance élevé). Une diminution très probable de l'humidité relative s'est produite sur une grande partie de la surface terrestre mondiale depuis 2000. Les augmentations prévues de l'évapotranspiration en raison de la demande croissante en eau réduiront l'humidité du sol dans la région méditerranéenne, le sud-ouest de l'Amérique du Nord, l'Afrique du Sud, le sud-ouest de l'Amérique du Sud et le sud-ouest Australie (confiance élevée). Certaines régions tropicales devraient également connaître une aridité accrue, notamment le bassin amazonien et l'Amérique centrale (degré de confiance élevé). La superficie totale des terres sujette à une fréquence et à une gravité croissantes de la sécheresse s'étendra (degré de confiance élevé), et en Méditerranée, dans le sud-ouest de l'Amérique du Sud et dans l'ouest de l'Amérique du Nord, l'aridification future dépassera de loin l'ampleur du changement observé au cours du dernier millénaire (degré de confiance élevé).

Le changement d'affectation des terres et l'extraction d'eau pour l'irrigation ont influencé les réponses locales et régionales dans le cycle de l'eau (degré de confiance élevé). La déforestation à grande échelle diminue probablement l'évapotranspiration et les précipitations, et augmente le ruissellement dans les régions déboisées par rapport aux effets régionaux du changement climatique (degré de confiance moyen). L'urbanisation augmente les précipitations locales (confiance moyenne) et l'intensité du ruissellement (confiance élevée). L'augmentation de l'intensité des précipitations a amélioré la recharge des eaux souterraines, notamment dans les régions tropicales (degré de confiance moyen). Il y a une forte confiance que l'épuisement des eaux souterraines s'est produit depuis au moins le début du 21e siècle, en conséquence des prélèvements d'eau souterraine pour l'irrigation dans les zones agricoles des régions arides.

Source : GIEC / IPPC (2021), Sixth Assessment Report on Climat Change, Technical Summary

01/07/2021

Le conseil d'Etat ordonne au gouvernement d'accélérer la transition bas-carbone

La France n'est pas dans les clous pour respecter ses engagements internationaux et ses lois énergie-climat : le conseil d'Etat vient de le constater dans un arrêt et d'ordonner au Premier Ministre de prendre toutes les mesures nécessaires sous huit mois. Cela tombe bien : dans le même temps, les sénateurs ont voté une proposition de loi de promotion de l'hydro-électricité, que les députés doivent examiner. La ministre de l'écologie Barbara Pompili avait émis des avis négatifs sur les protections et relances des moulins et petits barrages, montrant bien que le dogmatisme de ce ministère sur cette question agit désormais contre l'intérêt général du pays et contre sa transition énergétique. Mais décision après décision, les tribunaux et les cours ne cessent de condamner cette posture. Il est de temps de changer de doctrine et surtout de changer de braquet. Les destructions de sites producteurs ou potentiellement producteurs d'énergie hydraulique renouvelable sont à proscrire, les instructions des relances de ces sites doivent être simplifiées et accélérées sur toutes les rivières. 


Un exemple de scandale en cours : les extrémistes de la continuité dite "écologique", dont l'agence de l'eau Seine-Normandie, ont choisi de fermer et casser l'usine hydro-électrique de Pont-Audemer sur la Risle (photo, DR), alors qu'elle était parfaitement fonctionnelle et qu'un repreneur privé se proposait de poursuivre la production. Des millions d'euros d'argent public pour faire reculer la transition bas-carbone au nom de dogmes: ces pratiques inacceptables doivent dorénavant cesser ou faire l'objet de plaintes en justice, car ni les lois ni la jurisprudence ne permettent plus de tels arbitrages. 

Saisi notamment par la commune de Grande-Synthe (Nord) et plusieurs associations (Oxfam France, Greenpeace France, Notre Affaire A Tous, Fondation Nicolas Hulot), le conseil d’État avait demandé au gouvernement en novembre dernier de justifier, dans un délai de trois mois, que la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre pour 2030 (- 40 % par rapport à 1990) pourrait être respectée sans mesures supplémentaires. 

À la suite de la transmission de nouveaux éléments, une nouvelle instruction contradictoire a été ouverte et une audience publique s’est tenue le 11 juin dernier au conseil d'État.

Dans un arrêt vendant d'être rendu, le conseil d'État n'est pas convaincu par les informations du gouvernement : il fait droit à la demande de la commune et des associations en observant que le respect de la trajectoire bas-carbone de la France, qui prévoit notamment une baisse de 12 % des émissions pour la période 2024-2028, n’apparait pas atteignable si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées rapidement. 

Le conseil d'État estime qu’il ressort des avis publiés entre 2019 et 2021 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut conseil pour le climat (HCC), que cet objectif de réduction de 12 % ne pourra être atteint en l'état des politiques publiques.

Le conseil d'État constate en outre que l’accord entre le parlement européen et le conseil de l’Union européenne en avril 2021 a relevé l’objectif de réduction des émissions gaz à effet de serre de 40 à 55 % par rapport à leur niveau de 1990 : non seulement la France n'atteint pas ses objectifs présents, mais elle va devoir les relever.

En conséquence, le conseil d'Etat "enjoint au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 avant le 31 mars 2022."

Coïncidence de l'actualité : les sénateurs ont adopté en avril dernier une proposition de loi pour la promotion de l'hydro-électricité, malgré l'opposition de la ministre de l'environnement Barbara Pompili (qui joue donc contre l'urgence climatique et contre la nécessité d'accélérer la transition énergétique partout). Les sénateurs ont souligné le scandale actuel de la destruction sur argent public des moulins et des barrages, parfois des usines productrices d'hydro-électricité. Les députés doivent examiner cette loi sous trois mois après son adoption au Sénat. Nos lecteurs doivent donc écrire instamment à leur député pour exiger d'arrêter la casse de tous les ouvrages et barrages en rivière, de faciliter leur équipement et gestion au service de la transition écologique et de l'adaptation au changement climatique. 

Enfin, cette décision du conseil d'Etat ouvre pour notre association, pour les fédérations moulins-riverains et pour les syndicats électriciens une nouvelle perspective pour engager des contentieux : les fonctionnaires "eau et biodiversité" qui entravent ou interdisent la relance de sites hydro-électriques, voire qui engagent des destructions d'ouvrages producteurs ou potentiellement producteurs, s'inscrivent clairement dans la carence fautive à prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer le bilan carbone du pays et réduire l'usage d'énergie fossile. Il faudra donc que de telles entraves fassent l'objet de plaintes en justice si elles devaient encore persister, à l'encontre des lois déjà votées par le parlement, des décisions du conseil d'Etat et de l'urgence climatique.

Référence : Conseil d'Etat, arrêt n°427301, 1er juillet 2021 

10/05/2021

Les ouvrages hydrauliques réchauffent ou refroidissent l'eau selon leur nature (Seyedhashemi et al 2021)

Une étude française sur le bassin de Loire montre que, par rapport à une rivière non fragmentée, la présence de grands barrages tend à diminuer la température estivale de l'eau de 2°C, celle de succession de retenues plus petites tend à l'augmenter de 2,3°C. Cette moyenne recouvre néanmoins des dispersions notables dans le cas des rivières avec ou sans retenue. 

Le barrage de Naussac, situé dans la zone d'étude (CC BY-SA 2.0, Dimitri)

Hanieh Seyedhashemi et ses collègues ont étudié dans le bassin de Loire la signature thermique des rivières selon la présence de grands barrages, de retenues de plus petites dimensions ou d'un style fluvial plus naturel. 

Ils introduisent ainsi l'objet de leur recherche : "Les corridors fluviaux stockent, transforment et transportent la masse et l'énergie depuis les sources vers les océans. Bien que les rivières soient généralement analysées comme des systèmes lotiques, la distribution des plans d'eau lentiques (p. ex. lacs, réservoirs, étangs) le long du continuum fluvial est récemment apparue comme un facteur critique dans l'élimination de l'azote (Harrison et al., 2009; Schmadel et al., 2018) et le stockage du phosphore (Grantz et al., 2014) et des sédiments (Vörösmarty et al., 2003). Une préoccupation émergente concerne les effets cumulatifs des systèmes lentiques sur la température de l'eau des cours d'eau et des rivières, qui est un paramètre critique affectant l'eutrophisation des plans d'eau (Minaudo et al., 2018; Le Moal et al., 2019) et la répartition des communautés aquatiques (Cox et Rutherford, 2000; Poole et Berman, 2001; Ducharne, 2008)."

Les effets des masses d'eau lentiques sur la température des cours d'eau dépendent fortement de leurs caractéristiques individuelles et de leurs distributions spatiales. Ce qui complique les échelles d'analyse. Les auteurs proposent d'étudier le rapport entre température de l'air et de l'eau dans les bassins pour comprendre la dynamique des échanges de chaleur selon que les rivières sont fragmentées par divers types de retenues. 

Voici le résumé de leur recherche :

"Les ouvrages anthropiques (par exemple les grands barrages, les petits réservoirs et les retenues) se multiplient à l'échelle mondiale, influençant les régimes de température en aval de diverses manières, qui dépendent de leur structure et de leur position le long du continuum fluvial. 

En raison des multiples réponses thermiques en aval, il y a peu d'études caractérisant les tailles d'effet cumulatif à l'échelle du bassin versant. Ici, nous introduisons cinq indicateurs thermiques basés sur la relation de la température eau-air qui, ensemble, peuvent identifier les signatures thermiques modifiées par des barrages et des retenues. Nous avons utilisé cette approche de signature thermique pour évaluer un ensemble de données régionales de 330 séries chronologiques quotidiennes de température des cours d'eau provenant de stations du bassin de la Loire, en France, de 2008 à 2018. Ce bassin (100000 km2) est l'un des plus grands bassins versants européens avec des caractéristiques anthropiques et naturelles contratsées. Les signatures thermiques dérivées ont été contre-validées avec plusieurs caractéristiques connues du bassin versant, qui ont fortement soutenu leur séparation en signatures de type barrages, retenues et naturelles. Nous caractérisons le régime thermique de chaque signature thermique et nous le contextualisons à l'aide d'un ensemble de métriques thermiques pertinentes sur le plan écologique. 

Les résultats indiquent que les grands barrages ont réduit la température estivale des cours d'eau de 2 ° C et retardé le pic annuel de température des cours d'eau de 23 jours par rapport aux régimes naturels. En revanche, les effets cumulatifs des retenues en amont ont augmenté la température estivale des cours d'eau de 2,3 ° C et accru la synchronisation avec les régimes de température de l'air. Ces signatures thermiques permettent ainsi d'identifier et de quantifier les influences thermiques et écologiques en aval de différents types d'infrastructures anthropiques, sans information préalable sur la source de modification et les conditions de température de l'eau en amont."

Ce graphique montre la différence entre température de l'air (en gris) et température de l'eau dans les rivières à barrages (rouge), à retenues (vertes) ou de type naturel (bleu).

Extrait de Seyedhashemi et al 2021, art cit.


Cet autre graphique montre les variations observées selon les cours d'eau pour la température de l'eau en été (Tw summer), la température maximale mensuelle (maxTw), le nombre de jours à température > 20°C ou 15°C (DTw20), la différence maximale de température de l'eau dans l'année (max deltaTw), avec les mêmes codes couleur (rouge barrages, vert retenues, bleu naturel).


Extrait de Seyedhashemi et al 2021, art cit.

On observe au passage que les distributions de température d'été de l'eau (Tw) et températures maximales d'été (max Tw) se recoupent pour un grand nombre des sites naturels ou avec retenues. 

Concernant les retenues, les auteurs signalent notamment dans leur article que la couverture arborée a une influence négative notable sur la température. 

Discussion
Cette recherche confirme d'autres travaux ayant montré que les grands barrages tendent à refroidir l'eau quand les petits tendant à la réchauffer. Les déterminants sont notamment la hauteur de la colonne d'eau de retenue, la largeur de la surface de retenue, la présence ou non d'arbres en berge de la retenue. 

Il serait intéressant d'affiner le travail en précisant la nature des retenues. Le texte signale simplement une hauteur de moins de 15 m (pour les retenues hors barrage), mais cela laisse de la marge d'interprétation. Il existe en effet plusieurs dizaines de milliers d'ouvrages sur les rivières françaises, allant  de simples chaussées de moulins de 0,5m de hauteur à la retenue à peine perceptible jusqu'à des lacs de centaines d'hectares. Une prochaine étape pourrait être d'affiner le cas des rivières à retenue (le plus fréquent en France) pour analyser plus en détail les facteurs faisant varier la température, comme la densité, la surface, la spatialisation, la végétalisation de ces retenues sur le continuum.  

Référence :  Seyedhashemi H et al (2021), Thermal signatures identify the influence of dams and ponds on stream temperature at the regional scale, Science of the Total Environment, 766, 142667

14/03/2021

Ne plus laisser les agences de bassin détruire le patrimoine et la ressource en eau des territoires

Nouvelle provocation des agences de l'eau : tous leurs projets de SDAGE 2022-2027 comprennent des appels à privilégier l'effacement des moulins, étangs, canaux et autres ouvrages hydrauliques de notre pays. C'est un mépris affiché des attentes du gouvernement et du parlement pour une continuité apaisée et sans dogme. C'est un scandale démocratique, puisqu'une poignée de personnes nommées par préfet et donc sans légitimité élective prétend imposer des normes absentes de la loi et dilapider l'argent des contribuables. C'est une aberration scientifique, alors qu'aucune étude ne démontre l'implication des ouvrages dans la pollution des rivières ou dans la non-atteinte des objectifs de la directive cadre sur l'eau. C'est une trahison du combat climatique de la France, alors que les efforts doivent être portés sur l'équipement des ouvrages et la protection de tous les milieux en eau, naturels comme anthropiques. Hydrauxois appelle l'ensemble du mouvement des ouvrages, ses acteurs nationaux comme locaux, à organiser la riposte que cette provocation appelle. Les agences de l'eau doivent mener les objectifs posés par les lois françaises comme par les directives européennes, au lieu de leur échec actuel à le faire et de leur gabegie d'argent public. 


A de nombreuses reprises depuis 10 ans, les parlementaires ont signifié leur attachement au patrimoine hydraulique des rivières françaises. Ils ont modifié plusieurs fois la loi (en 2016, en 2017) pour que la destruction des moulins, des étangs, des centrales hydro-électriques et autres ouvrages ne soient pas la solution retenue par les gestionnaires publics de l'eau. Par ailleurs, ils ont inscrit en 2019 dans la loi l'urgence écologique et la nécessité d'intégrer la petite hydro-électricité dans la lutte contre le changement climatique

Après le rapport critique du CGEDD sur la mise en oeuvre de la continuité écologique, le gouvernement a adopté pour sa part un plan pour une politique apaisée de continuité écologique. Ce plan spécifie dans une note notamment adressée aux préfets de bassin et aux DREAL de bassin (donc in fine aux représentants de l'Etat dans les agences de l'eau) : "De nombreuses solutions sont possibles pour restaurer la continuité écologique, et la multiplicité des enjeux doit être prise en compte lors du diagnostic initial. Il n’existe aucune solution de principe. Parce que chaque situation est différente (type de cours d’eau, espèces concernées, usages, qualité de l’eau, qualité du patrimoine, partenaires, disponibilités financières), plusieurs scénarios devront faire l’objet d’une analyse avantages-inconvénients afin de dégager la solution présentant le meilleur compromis."

Les agences de l'eau viennent de présenter en ce mois de mars les 6 projets de SDAGE 2022-2027 en consultation publique. En parfait mépris des attentes du parlement et du gouvernement, ces textes refusent d'admettre qu'il n'existe aucune solution de principe et comportent tous, à des degrés plus ou moins graves, des appels à prioriser la destruction des ouvrages hydrauliques. 

Les extraits ci-après montrent la programmation par les agences de l'eau de la destruction prioritaire des ouvrages. 

"Partout où cela est techniquement et économiquement réalisable, en prenant en compte l'ensemble des enjeux locaux, la suppression ou l'arasement des obstacles, notamment des ouvrages sans usage, est privilégié."

"Les solutions visant le rétablissement de la continuité longitudinale, et en vue de diminuer le taux d'étagement des cours d’eau, s’efforcent de privilégier, dans l'ordre de priorité suivant : l’effacement, le contournement de l’ouvrage (bras de dérivation…) ou l’ouverture des ouvrages par rapport à la construction de passes à poissons après étude. Pour les ouvrages à l'abandon, pour les ouvrages sans usage, l'effacement est donc privilégié."

"La solution d’effacement total des ouvrages transversaux est, dans la plupart des cas, la plus efficace et la plus durable, car elle garantit la transparence migratoire pour toutes les espèces, la pérennité des résultats, ainsi que la récupération d’habitats fonctionnels et d’écoulements libres ; elle doit donc être privilégiée."

"Pour les ouvrages existants et sans usage reconnu par l’administration, l’option d’effacement total sera privilégiée dès lors que l’étude préalable aura démontré la faisabilité technique, économique et réglementaire de cette solution." 

"Aucune solution technique, qu’il s’agisse de dérasement, d’arasement, d’équipement ou de gestion de l’ouvrage, ne doit être écartée a priori. La question de l'effacement constitue une priorité dans les cas d'ouvrages n'ayant plus de fonction ou d'usage, ou lorsque l'absence d'entretien conduit à constater légalement l’abandon de l’usage."

Les maîtres d’ouvrages d’opération de restauration de la continuité écologique, de manière à atteindre les objectifs de réduction du taux d’étagement et de gain de linéaire accessible, s’attachent à privilégier les solutions, dans l’ordre de priorité suivant :
- l’effacement, notamment pour les ouvrages transversaux abandonnés ou sans usages avérés ; c’est en effet le seul moyen permettant de rétablir vraiment la continuité écologique et la pente naturelle du cours d’eau ;
- l’arasement partiel d’ouvrage et l’aménagement d’ouvertures, de petits seuils de substitution franchissables par conception ;(...)

Cette nouvelle provocation des agences de l'eau pose des problèmes graves. 

Dégradation et sous-information des politiques publiques : les agences de l'eau ont des résultats plus que médiocres sur leur obligation d'assurer les objectifs de la directive cadre européenne sur l'eau, dont l'échéance est en 2027. Elles continuent de propager dans les SDAGE des affirmations simplistes sur la qualité de l'eau qui ne mobilisent aucun modèle scientifique d'évaluation des causes de détérioration de cette qualité. Quand de tels modèles sont utilisés par les chercheurs, ils ne trouvent en aucun cas la primo-responsabilité des ouvrages dans les mauvais scores de la DCE. Une abondante littérature scientifique montre que les ouvrages procurent des services écosystémiques et que l'opposition milieu naturel - milieu artificiel ne peut être un critère efficace en écologie. Les agences de l'eau prennent des décisions sur des milieux qu'elles n'étudient même pas sérieusement, voire qu'elles ont fait disparaître de leur nomenclature administrative.

Trahison des engagements climatiques de la France : en appelant à détruire les ouvrages en place et en mettant le maximum d'obstacles à la production hydro-électrique, les agences de l'eau s'engagent désormais contre les objectifs carbone de notre pays. La recherche a montré que des dizaines de milliers d'ouvrages hydrauliques peuvent être équipés et apporter une contribution significative à la décarbonation urgente de l'énergie française. Les agences de l'eau aggravent le bilan carbone du pays et ouvrent la possibilité d'un contentieux à ce titre, pour carence fautive et préjudice, motif pour lequel le gouvernement français a déjà été condamné

Poursuite de la conflictualité sociale sur les rivières : en prenant position en faveur de la destruction préférentielle des ouvrages, ce qui se retrouvera ensuite dans les financements des programmes d'intervention, les agences de l'eau enterrent l'idée de continuité apaisée avec les propriétaires et riverains des ouvrages. Tous les acteurs (dont les agences de l'eau au premier chef) savent très bien que le problème vient du manque de financement des passes à poissons, rivières de contournement et autres solutions non destructrices. C'est donc un mépris affiché des citoyens attachés à leur cadre de vie, l'impossibilité pour les syndicats de rivière d'avoir des budgets qui correspondent aux attentes des habitants, non aux diktats des technocraties.

Absence de légitimité démocratique : les membres des comités de bassin sont nommés par le préfet, et non pas élus. Ils sont très peu nombreux (quelques dizaines) par rapport à la taille et à la diversité des territoires concernés (des milliers de ruisseaux, rivières, plans d'eau). Les associations de riverains, de moulins, d'étangs et plans d'eau, de protection du paysage et patrimoine historique sont exclues de ces comités de bassin. Elles ne sont pas invitées à co-construire en amont des décisions les normes sur les ouvrages, alors qu'elles sont les premières concernées. Les agences de l'eau n'ont donc aucune légitimité démocratique à adopter des normes et des subventions qui dérogent à ce que dit la loi, à ce que demande le parlement et à ce que rappelle le gouvernement. Des chercheurs ont dénoncé la dérive autoritaire dans la gestion de l'eau.

Le temps de la riposte
Il fut peut-être une époque où les dominants pensaient que leurs mots ne prêteraient pas à conséquence, que les citoyens n'y prendraient pas garde, que leur responsabilité ne serait pas engagée. Cette époque n'est plus. Le choix des agences de l'eau est une nouvelle agression contre les ouvrages hydrauliques, contre les rivières, retenues, canaux, plans d'eau et contre leurs riverains. Elle a pour circonstance aggravante qu'elle est commise en toute connaissance de cause, alors que les élus du pays ne veulent notoirement plus de ces gabegies et de ces diversions de l'essentiel. 

Nous appelons donc l'ensemble du mouvement des ouvrages hydrauliques à se concerter et à nous accompagner pour mener les actions suivantes au cours des prochains mois:
  • saisine commune du premier ministre, de la ministre de l'écologie, du comité national de l'eau et des préfets de bassin afin de faire constater et cesser la dérive des agences de l'eau;
  • demande aux parlementaires, qui votent le budget des agences de l'eau dans le cadre de la loi de finances publiques, de procéder à un contrôle de normativité des décisions des agences par rapport aux textes de loi;
  • en cas d'absence d'effet de cette saisine et de refus de retrait des dispositions litigieuses, préparation d'une requête en contentieux contre le ministère de l'écologie et contre les SDAGE pour carence fautive dans la lutte contre le changement climatique, préjudice aux citoyens, mise en danger de la ressource en eau, organisation illégale de l'inégalité des citoyens devant les charges publiques ;
  • enfin au cas par cas et sur les milliers d'ouvrages concernés, préparation d'une procédure standardisée de plainte pour tout refus d'une préfecture et d'une agence de l'eau de financer les solutions constructives au même niveau que les solutions de destruction.
Incapables de cibler les causes de dégradation des rivières, les agences de bassin veulent détruire le patrimoine hydraulique du pays et les conditions d'une gestion durable de l'eau : nous ne les laisserons plus faire.