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23/04/2019

Plus que 10 jours pour défendre les ouvrages hydrauliques, les rivières et les riverains dans les projets de SDAGE

Vous avez jusqu'au 2 mai 2019 pour donner votre avis sur les projets de schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) en cours d'élaboration dans les 6 agences de l'eau. Nous vous donnons ici les liens pour le faire et nous rappelons quelques arguments à mettre en avant. Contrairement à d'autres usagers ou citoyens, les moulins, les étangs, les plans d'eau, les riverains ne sont pas représentés dans ces agences de l'eau : elles sont devenues des structures fermées où, pour l'essentiel, des représentants du gouvernement imposent des orientations structurantes et indiscutables. La destruction des ouvrages fait partie de ces diktats scandaleusement imposés par le ministère de l'écologie et financés par les agences. Par ailleurs, le bilan des agences de l'eau et des SDAGE précédents sur les pollutions chimiques est mauvais, alors qu'il ne reste plus que quelques années pour respecter les demandes faites par l'Europe en 2000.  Les citoyens risquent en 2027 de payer des amendes européennes en sanction de ces retards. Pendant ce temps-là, leur eau reste polluée. Une ré-orientation majeure de la politique de l'eau doit être réclamée.


Voici les liens pour accéder aux documents et aux sites de consultation. Vous pouvez aussi envoyer un courrier libre. Nous conseillons à toutes les associations d'envoyer un courrier recommandé au siège postal des agences.

Site pour connaître son bassin

Adour Garonne 
AEAG, 90 Rue du Feretra, 31078 Toulouse Cedex 4

Artois Picardie 
AEAP, 200 Rue Marceline, 59508 Douai

Loire-Bretagne 
AELB, 9 Avenue Buffon, 45100 Orléans

Rhin Meuse 
AERM, 1 Route de Lessy, 57160 Rozérieulles

Rhône - Méditerranée 
AERMC, 2 Allée de Lodz, 69007 Lyon

Seine-Normandie 
AESN, 51 Rue Salvador Allende, 92000 Nanterre


Rappel de quelques arguments généraux
Vous pouvez ajouter à votre contribution des témoignages de carence d'action sur la qualité de l'eau dans votre région et citer des exemples de projets scandaleux de destruction de moulins ou d'étangs portés par des syndicats avec l'argent public des agences de l'eau, donc des contribuables. Pour les associations, n'hésitez pas à mentionner que des contentieux judiciaires sont déjà en cours contre des programmes d'intervention des agences de l'eau, et que d'autres suivront sur les SDAGE si les programmations ne changent pas dans le domaine des ouvrages hydrauliques. Ci-dessous, quelques points-clés qui doivent être soulignés.

  • La destruction des moulins, des étangs, des barrages est une politique inacceptable, qui doit cesser dans le SDAGE 2022-2027. L'agence de l'eau doit respecter et protéger le patrimoine, le paysage et les usages de l'eau. Il est antidémocratique d'exercer une pression financière par des subventions avantageuses pour la destruction des ouvrages hydrauliques alors que jamais la loi française n'a prévu cette issue. L'agence de l'eau doit arrêter ces dérives, déjà condamnées par les parlementaires et parfois par les tribunaux.
  • La programmation de l'eau doit faciliter l'équipement hydro-électrique des ouvrages hydrauliques afin d'engager la transition bas carbone et de dynamiser les activités économiques liées à l'eau-énergie sur chaque territoire. 
  • Le changement climatique se traduit déjà par des sécheresses plus prononcées. Il faut partout garder l'eau, milieu de vie. Aucun projet conduisant à la disparition de surfaces en eau (que ce soit des retenues, réservoirs, étangs, lacs, canaux, biefs etc.) ne doit être accepté ni financé par l'agence de l'eau. Il faut au contraire réfléchir au meilleur moyen de retenir partout (en surface comme dans les nappes) l'eau quand elle est abondante, afin d'en disposer encore quand elle est rare. 
  • Face aux risques de crues et inondations liées à des phénomènes météorologiques extrêmes, la protection de la sécurité des riverains se programme dès aujourd'hui. Toutes les retenues et tous les canaux déjà en place doivent être préservés car ils ralentissent et divertissent les crues. D'autres ouvrages doivent être ajoutés si nécessaire. Des zones d'expansion en lit majeur doivent être aménagées, en accord avec les propriétaires fonciers dédommagés si ce service représente un manque à gagner. Les collectivités doivent être aidées pour assumer l'obligation de gestion des ouvrages hydrauliques prévue dans la compétence GEMAPI, sans ajouter de nouvelles taxes sur l'eau mais en utilisant mieux les budgets existants (limiter les frais de fonctionnement et de communication, supprimer tous les programmes de destruction d'ouvrages représentant 10 à 20% des budgets, conserver des programmes de restauration à titre exploratoire et scientifique seulement, chercher d'autres financements que les agences de l'eau pour financer l'agence de biodiversité, en revenant au strict principe "l'eau paie l'eau").
  • Les pollutions chimiques et physico-chimiques sont les priorités de la directive cadre européenne sur l'eau 2000 pour définir le bon état écologique des rivières, des lacs, des estuaires et des nappes. Nous sommes en retard sur tous les objectifs : il y a des centaines de polluants formant des cocktails toxiques dans l'eau, la moitié des masses d'eau sont en mauvais état.  Les citoyens devront payer des amendes à l'Europe si les agences de l'eau ne travaillent pas à avoir 100% des eaux en bon état, c'est-à-dire déjà sans polluants. Inutile d'engager de l'argent public sur d'autres domaines si ce pré-requis n'est pas satisfait : c'est ce qu'exige l'Europe, c'est ce que veulent les citoyens pour leur santé et pour la qualité de leur rivière.
  • La politique de "renaturation" visant à produire des rivières "sauvages" et à détruire les héritages humains de la rivière - notamment les retenues, les étangs, les lacs, les canaux, les moulins -  est une dérive des politiques publiques, qui a été imposée par des bureaucraties et des lobbies sans jamais être débattue avec les citoyens. Il faut accepter l'existence d'écosystèmes créés par l'homme à travers les âges. La biodiversité propre aux milieux lentiques, à leurs rives et aux zones humides annexes doit être protégée. Les rivières sont des phénomènes naturels mais aussi des héritages sociaux, culturels, paysagers. Les cadres de vie et les spécificités locales doivent être respectés. 
  • L'agence de l'eau répercute d'abord les décisions venues des ministères à Paris, et elle agit comme toutes les structures de la bureaucratie française, en imposant des choix déjà pris à l'échelon normatif supérieur et en laissant très peu de marges de manoeuvres aux collectivités locales comme aux citoyens à la base. Seuls des experts participent réellement à la construction des textes dans leurs détails. C'est une confiscation démocratique.
  • Les moulins, les plans d'eau, les associations du patrimoine, les riverains ne sont pas représentés dans les comités de bassin des agences de l'eau. Cette caricature de démocratie participative oblige à faire des contentieux judiciaires contre les SDAGE et contre les programmes d'intervention des agences car les citoyens n'ont aucun moyen d'être réellement entendus, de participer aux délibérations en amont,  de voter des décisions, de vérifier que tous les avis sont pris en compte. Il faut en revenir à une démocratie participative à la base : d'abord définir sur chaque rivière des diagnostics et des attentes, en écoutant et consultant largement les riverains, dans des débats menés à la lumière de données objectives (indicateurs DCE complets) sur l'état de chaque rivière ; ensuite seulement répartir des moyens au pro rata des linéaires de cours d'eau, des populations, de certaines urgences identifiées dans les états DCE des eaux. Le dirigisme jacobin et la gouvernance du sommet vers la base ne fonctionnent plus dans ce pays. 
  • Nous ne voulons plus de décisions hors-sol où l'on paie pour des services que les citoyens ne demandent pas tout en oubliant ou négligeant ceux qui intéressent leur présent et leur avenir. La gestion des rivières doit revenir à ses fondamentaux en écoutant les attentes des riverains sur chaque bassin.

06/03/2019

Demande de révision urgente du potentiel hydro-électrique français: le gouvernement se base sur de mauvais chiffres!

Alors que la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique sont des obligations où la France accuse du retard, le gouvernement et son administration continuent de détruire le potentiel hydro-électrique du pays en rasant partout des barrages et des seuils en rivière. L'une des sources de ce choix aberrant réside dans la mauvaise information de la politique publique : le gouvernement a sous-estimé de 80% la production d'hydro-électricité que nous pouvons tirer des sites anciens et déjà en place comme les moulins et les forges. En réalité, comme vient de le démontrer une étude scientifique récemment parue, ces petits sites peuvent produire plus de 4 TWh d'électricité par an et alimenter ainsi 1 million de foyers en électricité hors chauffage. Nous proposons ci-dessous un argumentaire complet à ce sujet et nous allons demander à nos partenaires (fédérations de moulins, syndicats hydro-électricité) de co-saisir le ministère de l'écologie de cette anomalie. Mais chacun doit aussi agir sur son territoire: nous demandons aux associations de moulins d'utiliser librement les éléments techniques ici rassemblés pour écrire à leurs députés et sénateurs afin de les sensibiliser à la question. C'est d'autant plus nécessaire que le parlement s'apprête à ouvrir une commission d'enquête sur les choix français de transition énergétique, leur coût et leur cohérence. 


Relance d'un moulin pour produire de l'hydro-électricité (source) :
c'est possible sur des dizaines de milliers de sites en France.

La lutte contre le changement climatique par accélération de la transition bas-carbone est aujourd'hui reconnue comme une priorité nationale, européenne et mondiale dans le domaine de l'environnement. Elle est inscrite dans les programmes européens (nouvelle directive européenne UE 2018) s'imposant aux Etats-membres. Elle est aussi inscrite dans la programmation pluri-annuelle de l'énergie de la France (MTES 2019).

La France n'est pas bonne élève dans la lutte contre les émissions carbone. Le retard français dans l'atteinte des objectifs du premier paquet énergie-climat 2020 a été observé par les instances européennes de contrôle. Il a donné lieu par ailleurs à une démarche contentieuse (Affaire du siècle 2019) de la part d'associations et citoyens estimant que l'Etat français ne met pas en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour tenir ses engagements bas-carbone.

Dans ce contexte, il est de la plus haute importance d'avoir d'une politique publique de l'énergie et du climat transparente, efficace, et d'abord fondée sur des données robustes.

Concernant la petite hydro-électricité au fil de l'eau, nous sommes au regret de constater que cette condition n'est pas remplie.

Le ministère de l'écologie avait mené en 2013 avec l'Union française d'électricité un travail d'estimation du potentiel d'hydro-électrique (UFE-MEDDE 2013). Ce travail concluait à un potentiel de production des sites existants (barrages, moulins) de l'ordre de 900 GWh

Toutefois, comme l'avait reproché à l'époque plusieurs associations et syndicats, ce travail souffre d'un biais méthodologique : les petites puissances de moins de 100 kW en ont été exclues, alors qu'elles représentent la grande majorité des sites en place sur les rivières françaises.

La validité de cette critique est désormais démontrée : les chercheurs ayant mené le projet européen RESTOR HYDRO sur la remise en service des ouvrages hydrauliques anciens (moulins, forges etc.) viennent de sortir leurs résultats en publication scientifique indexée (Punys et al 2019). Il en ressort les éléments suivants :
  • avec 25 000 moulins, forges et autres sites pouvant être équipés, la France est le leader européen en nombre de sites à potentiel de petite hydro-électricité; 
  • la France a la chance d'abriter près de 40% des sites à équiper de l'Union européenne; 
  • la France pourrait produire plus de 4000 GWh d'électricité bas carbone sur les petits sites (dont plus de 3000 GWh sur moulins et sites anciens), ce qui représente la consommation électrique hors chauffage d'environ 1 million de foyers;
  • les ouvrages hydrauliques de puissances modestes (moins de 40 kW) forment plus de 90% des sites équipables, donc c'est vers eux que doit se porter une réflexion sur l'autoconsommation individuelle ou collective comme sur l'injection sur le réseau local;
  • ces ouvrages sont tous déjà en place, donc ils ne demandent pas de créer de nouveaux impacts morphologiques sur les rivières et ils peuvent être relancés sans chantier majeur de génie civil, avec un très bon bilan carbone cycle de vie des équipements.
L'estimation portée en 2013 par le gouvernement sur le productible en petite hydro-électricité ignore en conséquence 90% des sites existants et 80% du potentiel réellement exploitable sur cette gamme de puissance.

Nous ne pouvons pas mener une transition bas-carbone sur la base d'une mauvaise information technique et scientifique des politiques publiques, comme c'est le cas aujourd'hui pour la petite hydro-électricité.

Nous ne pouvons pas non plus profiter pleinement du potentiel hydro-électrique bien réparti sur tout le territoire français si nous poursuivons la politique actuelle de destruction de ce potentiel des moulins, forges, barrages et usines anciennes au nom de la continuité écologique, cela alors même que l'Europe a préconisé des aménagements non destructeurs pour satisfaire ce besoin de continuité (CE 2012, 'Blue Print').

En conséquence, nous sollicitons l'adoption de 4 mesures relatives à la bonne information des politiques publiques :
  • au niveau national, le ministère de la Transition écologique et solidaire doit engager une ré-évaluation du potentiel hydro-électrique français sur la base des méthodologies du projet RESTOR HYDRO, devant être croisées et enrichies avec les données du référentiel des obstacles à l'écoulement (ROE) géré par l'AFB. Cette démarche doit se faire en "science ouverte" avec accès de toutes les parties prenantes sur les données et les méthodes;
  • au niveau des grands bassins hydrographiques (SDAGE), les préfets de bassin doivent rappeler aux services des agences de l'eau la nécessité d'inclure le potentiel hydro-électrique dans leurs estimations coûts-avantages des usages de l'eau (article R212-3-3° du code de l'environnement), cela en y incluant tout le potentiel de petite hydro-électricité sans seuil de puissance;
  • au niveau des régions, les préfets de région doivent rappeler la nécessité d'intégrer l'évaluation du potentiel hydroélectrique dans chaque  Schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (article L222-1 du code de l'environnement), cela en y incluant tout le potentiel de petite hydro-électricité sans seuil de puissance;
  • au niveau des petits bassins hydrographiques (SAGE), les préfets de département doivent rappeler aux services des EPCI, EPAGE, EPTB la nécessité d'évaluer le potentiel hydro-électrique des rivières (article R212-36 du code de l'environnement), cela en y incluant tout le potentiel de petite hydro-électricité sans seuil de puissance.
A cela s'ajoute notre souhait d'une mesure d'orientation générale sur la politique publique des ouvrages en rivière.

Suite à des protestations citoyennes, des audits administratifs, des contentions judiciaires et des critiques parlementaires, le gouvernement a acté la nécessité de réviser la planification de la continuité écologique, sous la forme d'un Plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique publié en 2018 sur le site du ministère de l'écologie.

Nous demandons que la mise en oeuvre de ce plan soit assortie d'une priorité non équivoque donnée par l'Etat à l'adoption de mesures non destructrices de continuité écologique (préservation des ouvrages hydrauliques en place avec adjonction si nécessaire de vannes, passes à poissons, rivières de contournement) et à l'équipement hydro-électrique de ces ouvrages.

Références citées
  • CE (2012), Blue Print. Plan d'action pour la sauvegarde des ressources en eau de l'Europe, COM(2012)673, 30 p. 
  • UFE-MEDDE (2013), Connaissance du potentiel hydroélectrique français. Synthèse, 15 p.
  • MTES (2019), Stratégie française pour l'énergie et le climat. Programmation pluri-annuelle 2019-2023, 2024-2028, 368 p.
  • Punys P et al (2019), An assessment of micro-hydropower potential at historic watermill, weir, and non-powered dam sites in selected EU countries, Renewable Energy, 133, 1108-1123
  • UE (2018), Directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables

14/10/2018

Modèle de courrier au préfet pour refuser une demande excessive en débit de passe à poissons ou de rivière de contournement

Plusieurs propriétaires et riverains nous informent  que, dans le cadre de rivières classées en liste 2 au nom de la continuité écologique, les services de l'Etat (DDT-M, AFB, agences de l'eau) proposent désormais des passes à poissons ou des rivières de contournement prenant l'essentiel du débit de la rivière (jusqu'à 80%...!), donc vidant le bief et la retenue la majeure partie de l'année. De telles demandes sont illégales. Voici un modèle de lettre au préfet sur ce cas, à envoyer en recommandé, afin de signaler l'abus de pouvoir administratif et le cas échéant prendre date en vue d'un futur contentieux. 


Cas concernés : rivières classées en liste 2 au titre du L 214-17 CE, dossier de relance de moulin au titre du R 214-18-1 CE

Enjeux : si un dispositif de franchissement est démontré comme nécessaire, il doit être conçu pour respecter la consistance légale du moulin et pour s'adapter au débit minimum biologique de la rivière au droit de l'ouvrage, soit 10% du module (débit interannuel moyen).

Procédure : si un agent DDT-M ou AFB souhaite imposer un débit d'équipement fantaisiste pour le franchissement, signaler son désaccord au préfet par courrier recommandé (modèle ci-dessous) puis engager contentieux au tribunal administratif si le préfet ne recadre pas ses services.

Complément : il est vivement conseillé de recueillir dans votre région des exemples de passes à poissons conçues à 10% du module (le cas général observé). L'administration aura tendance à prétendre indûment que dans le cas de tel ouvrage, un débit supérieur s'impose, mais si vous montrez que le choix de 10% est la norme, cet argument ne sera pas empiriquement opposable (outre qu'il est légalement biaisé et scientifiquement douteux car le protocole ICE n'indique pas d'obligation de débits importants). Contactez vos associations pour recevoir des exemples ou demandez en sur le forum de la petite hydro.

Rappel : il est préférable d'envoyer copie de votre courrier à votre député et votre sénateur, en leur rappelant le caractère problématique de la mise en oeuvre de la continuité écologique, et en leur demandant expressément d'en saisir le ministre de l'écologie. Chaque abus de pouvoir local doit ainsi remonter vers le parlement et le ministère, aussi longtemps que l'administration n'aura pas reçu consigne de respecter le patrimoine hydraulique dans la mise en oeuvre de la continuité écologique.

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Modèle de courrier :

Monsieur le Préfet, Madame la Préfète, [préciser]

Au droit du moulin [préciser] sur la rivière [préciser], ouvrage dont je suis propriétaire, les services instructeurs de l'eau et de la biodiversité veulent imposer un dispositif de franchissement pour les poissons migrateurs.

Ce dispositif tel qu'il est proposé est prévu pour absorber XX% [préciser] du débit interannuel moyen de la rivière.

Ce point est problématique : j'en conteste la légalité.

L'article L 214-6 code environnement précise :
Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.

La jurisprudence administrative et judiciaire constante précise que la reconnaissance de l'existence légale d'un ouvrage réglementé et/ou fondé en titre implique la reconnaissance sa consistance légale autorisée à savoir :

  • hauteur du seuil, définissant la chute et la surface de la retenue
  • volume d'eau dérivé dans le bief, en l'état du génie civil en place

Aucune proposition administrative n'est fondée à sortir de cette consistance légale autorisée, hors un arrêté préfectoral qui annulerait le droit d'eau du moulin pour des motifs limitativement prévus par la loi, motifs qui ne sont pas invoqués dans le cas présent.

L'article L 214-18 code environnement précise le débit minimum biologique, "débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces" comme étant du "dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel".

En conséquence, je souhaite que les services instructeurs de l'eau et de la biodiversité proposent une solution de franchissement conforme à la consistance légale autorisée et prenant 10% du débit moyen de la rivière, comme la loi en dispose pour garantir la circulation et la reproduction des espèces.

Je vous remercie par avance de cette démarche qui permettra de concilier les enjeux patrimoniaux, paysagers, écologiques, dans le respect du droit, avec toute la pondération nécessaire à une gestion équilibrée et durable de l'eau telle que la définit l'article L 211-1 code environnement.

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IllustrationNiteshift, Klostermönch, CC BY-SA 3.0

26/09/2018

Plan gouvernemental pour une politique apaisée de continuité écologique: commentaires et modèle de lettre aux préfets

Après 8 mois de discussion au comité national de l'eau (CNE), le ministère de la Transition écologique et solidaire a officiellement adopté un Plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique. Ce texte reste très insatisfaisant : les hauts fonctionnaires de la direction de l'eau et de la biodiversité bloquent toute remise en question de leurs erreurs et de leurs interprétations abusives de la loi, persistant même à présenter comme des avancées ce qui forme toujours un déni scandaleux des dispositions votées par nos parlementaires. La loi interdit de contraindre un ouvrage autorisé à la destruction et la loi oblige l'Etat à indemniser les travaux au coût excessif : ce sont les éléments qu'il convient toujours de rappeler aux services de l'Etat, le cas échéant au juge si ces services les ignorent. La continuité écologique sera "apaisée" quand l'Etat reconnaîtra l'intérêt des moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques au lieu d'organiser leur harcèlement et leur effacement. Elle restera conflictuelle tant que les riverains et propriétaires devront se battre pour faire reconnaître leurs droits et leurs libertés, ainsi que la valeur du patrimoine historique et paysager, de ses usages sociaux, des milieux vivants qu'il héberge. Commentaires de ce nouveau plan et modèle de courrier associatif au préfet. 



La discussion au CNE avait soulevé des espoirs, car certains de ses animateurs étaient sincères. Mais le Plan en résultant est très en deçà de ce que l'on pouvait attendre.

En effet, la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) du ministère de l'écologie a maintenu l'essentiel de ses positions contestées et a refusé en conséquence les solutions les plus simples : déclasser un grand nombre de cours d'eau n'ayant pas de réels enjeux migrateurs ; poser la priorité aux aménagements non destructeurs et leur financement public.

Au lieu de la simplicité et de la clarté, c'est un surcroît de complexité qui a été choisi. Cela alors que les services en charge de l'eau et de la biodiversité se plaignent déjà du manque de temps et de moyens pour mener à bien leurs missions : il y a de quoi nourrir quelques inquiétudes sur la lucidité et l'efficacité de l'action publique, le pilotage de la direction ministérielle de l'eau étant aujourd'hui très critiqué sur certains choix.

Au sein de ce Plan, on note des points positifs et négatifs.  En particulier :

Point positifs
  • il est reconnu que certains ouvrages devront être définis comme prioritaires et d'autre non, premier pas pour reconnaître que nombre d'ouvrages sont aujourd'hui classés sans réel enjeu écologique,
  • il est demandé une mise en œuvre de solutions proportionnées au diagnostic réalisé et économiquement réalistes, ce qui suggère que des options actuelles sont disproportionnées et irréalistes,
  • il est posé le principe d'une conciliation des enjeux (environnementaux, climatiques, économiques, énergétiques, culturels, bien-être et qualité de vie, sportifs), donc la prime à la casse n'a pas à être un choix de première intention, comme c'est le cas dans un trop grand nombre d'instruction des agences de l'eau (par exemple 75% en Seine-Normandie, Artois-Picardie, plus de 50% en Loire-Bretagne).
Points négatifs
  • il n'y a aucune sécurité juridique ni efficacité programmatique en l'état du Plan, puisque même les ouvrages non prioritaires sont théoriquement toujours tenus d'être aménagés, dans le délai légal de 5 ans, de sorte que le propriétaire n'a pas de garantie sur son sort et risque de se retrouver dans un flou peu admissible,
  • l'Etat continue d'essayer d'échapper à la loi sur l'eau de 2006 en affirmant que les solutions de continuité écologique ne seront pas indemnisées, mais feront l'objet de simples facilités fiscales (prêt taux zéro, etc.), ce qui est inacceptable. Toute charge exorbitante de mise en conformité à la continuité doit être indemnisée sur fonds publics, il n'y a pas à déroger à cette règle voulue par le législateur 
Nous verrons avec quel degré de sincérité intellectuelle, de cohérence territoriale et d'esprit de conciliation les services de l'Etat mettent en oeuvre ce nouveau Plan.

Il n'y aura aucune politique "apaisée" de continuité écologique si les conditions suivantes ne sont pas remplies :

  • sortir de l'arbitraire, l'analyse au cas par cas est la règle en hydrologie et écologie, mais elle ne signifie pas que les services de l'Etat (AFB, Dreal, DDT-M, agences de l'eau) peuvent prendre des arbitrages différents ou présenter des niveaux d'exigence différents pour des cas similaires, au gré du bon vouloir des agents, comme c'est hélas le cas aujourd'hui (voir ce document listant tous les types de problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de la continuité à partir de témoignages de terrain et retours de propriétaires),
  • exempter clairement des obligations de continuité les ouvrages reconnus comme non prioritaires, par un courrier explicite de la préfecture sortant le propriétaire de l'insécurité juridique,
  • indemniser les solutions de franchissement représentant des charges spéciales et exorbitantes, ce que demande la loi et ce qui est à portée des budgets des agences de l'eau, d'autant que les ouvrages prioritaires seront bien moins nombreux à traiter que l'ensemble des ouvrages classés.
***

Modèle de lettre au préfet sur le Plan d'action pour une politique apaisée de continuité

Les associations de propriétaires, riverains et protection du patrimoine hydraulique doivent envoyer en recommandé un courrier au préfet actant le nouveau Plan. Ce courrier est l'occasion de rappeler les termes de la loi de continuité et les obligations (non respectées à date) de l'Etat. En cas de contentieux, il servira à chaque propriétaire adhérent de l'association pour témoigner de la bonne volonté de trouver des solutions et du retard de l'Etat à les proposer.

Monsieur le Préfet, Madame la Préfète (conserver la mention correcte)

Par la voix du ministre d'Etat en charge de la Transition écologique et solidaire, le gouvernement a annoncé en août 2018 l'adoption d'un Plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique. 

Ce Plan comporte 7 actions dont l'exécution et la coordination reviennent principalement aux services de l'Etat.

Nous observons en particulier que ce Plan demande sur les rivières classées en liste 2 au titre de la continuité écologique de :
- prioriser les interventions, et déjà définir en concertation avec les premiers concernés ce qu'est un ouvrage prioritaire (action 1)
- assurer une meilleure conciliation des enjeux environnementaux, climatiques, économiques, énergétiques, culturels, bien-être et qualité de vie, sportifs (action 2)
- chercher des solutions proportionnées au diagnostic réalisé et économiquement réalistes (action 4)
- trouver les circuits et outils financiers pour réaliser les travaux (action 5)

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le spécifier par courrier, la plupart des propriétaires d'ouvrages hydrauliques adhérents de notre association sont toujours dans l'attente d'une solution visant à respecter les termes de la loi (art L 214-17 CE), à savoir 
1) un ouvrage "géré, équipé, entretenu" , ce qui exclut toute pression à la destruction de la consistance légale autorisée,
2) selon "des règles définies par l'autorité administrative", ce qui suppose la caractérisation par vos services des enjeux propres à chaque rivière et ouvrage,
3) avec indemnisation des travaux présentant des "charges spéciales et exorbitantes", ce qui demande de flécher un financement si un dispositif coûteux est prescrit.

Le nouveau Plan gouvernemental aidera probablement à cet objectif, et il faut l'espérer car la plupart de nos adhérents sont aujourd'hui orphelins de solutions respectant la loi.

Disposés à rencontrer vos services avec les propriétaires de chaque rivière pour avancer de manière cohérente et concertée dans l'esprit "apaisé" que souhaite le gouvernement, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Préfet, Madame la Préfète (conserver la mention correcte), l'expression de nos sentiments respectueux.

22/09/2018

Zéro perte de linéaire, berge et diversité en rivière? Les fonctionnaires de l'écologie nagent dans leurs contradictions

Les hauts fonctionnaires du ministère de l'écologie appellent à des mesures de compensation pour tout chantier affectant les milieux aquatiques et humides, en particulier le linéaire en eau, ses berges, la capacité productive du milieu. Problème : les mêmes fonctionnaires exigent une application dogmatique de la continuité écologique avec préférence à l'effacement qui, dans de nombreux cas, amène à assécher des centaines de mètres de biefs et zones humides annexes, à faire crever la végétation riveraine, à diminuer la productivité biologique de plans d'eau et à réduire la capacité d'accueil de la biodiversité locale. Il faut donc désormais rappeler aux préfets et aux établissements porteurs de projets d'effacement ce qu'exige le ministère: la disparition d'un milieu en eau doit être évitée sinon compensée.  

La direction de l'eau et de la biodiversité a participé en 2017 à un colloque sur les mesures compensatoires quand un environnement aquatique ou humide est altéré par un chantier (Dimensionnement de la compensation écologique des cours d’eau, Bron, septembre 2017). Les hauts fonctionnaires ont exprimé leur "doctrine".



Voici deux diapositives intéressantes où les hauts fonctionnaires exposent certains points à la vigilance des préfets.


Le problème : ces mêmes hauts fonctionnaires ont donné la préférence à la destruction systématique des ouvrages d'hydraulique ancienne au nom de la continuité écologique, cela pour divers motifs (parfois une stratégie sincère pour améliorer la situation de grands migrateurs comme le saumon ou l'anguille; plus souvent la soumission au lobby des pêcheurs de salmonidés et à des ONG minoritaires défendant une vision radicale de la conservation, ainsi que la démission de la puissance publique faute de moyens, avec volonté de se débarrasser d'ouvrages dont il faut assumer le suivi réglementaire).

Or cette politique de destruction des ouvrages, biefs, canaux et plans d'eau a de nombreux effets négatifs sur l'environnement local, au regard même des différents motifs de compensation écologique que le ministère reconnait et rappelle aux préfets. Il est en effet courant que les opérations de destructions d'ouvrages fassent disparaître des centaines voire des milliers de mètres d'annexes latérales en eau (bief) et de leurs abords humides, particulièrement en tête de bassin où des milliers d'ouvrages anciens (étangs, moulins) sont concernés.


Exemple des conséquences de destructions d'ouvrages en lit mineur : la rivière se trouve réduite à un chenal unique car tout le réseau latéral des biefs et zones humides alimentés par ces biefs sera à sec à terme. De tels chantiers font perdre du linéaire d'écoulement et de berge, donc de la productivité et de la diversité biologiques pour les milieux aquatiques et humides. En tête de bassin, ces chantiers ne sont généralement réputés favorables à la biodiversité qu'en raison de la focalisation sur certaines espèces halieutiques comme la truite, intéressant en réalité des usagers de la rivière (lobbying des pêcheurs et de leurs fédérations). 

Les chantiers de destruction d'ouvrages hydrauliques, lorsqu'ils concernent des étangs ou des chaussées / barrages produisant des biefs d'intérêt avec des berges boisées, ont donc des impacts qu'il conviendrait de compenser, si l'on reprend la nomenclature proposée par le ministère:
  • perte de linéaire de cours d’eau,
  • perte de linéaire de berges naturelles,
  • modification des écoulements souterrains, des échanges nappe/cours d’eau,
  • déconnexion du chenal principal avec ses annexes hydrauliques, rupture ou altération de la continuité écologique latérale,
  • modification ou diminution localisée de la capacité d'accueil du cours d'eau pour la flore et la faune : réduction de la richesse spécifique, modification de la diversité des peuplements et/ou baisse de la productivité.

Lors des préparations de dossier, enquêtes publiques et contentieux judiciaires concernant des effacements d'ouvrages hydrauliques, nous appelons les riverains ou leurs associations à opposer ces points au pétitionnaire qui détruit ou assèche des plans d'eau et des biefs avec toute la perte de productivité biologique que cela implique.

Comment procéder ?
  • Les éléments en eau (et leur berge) appelés à disparaître sont photographiés et cartographiés par les riverains, avec autant que possible documentation de la biodiversité observée (arbres et plantes, insectes, amphibiens, oiseaux, poissons, etc.).
  • Un rapport est publié avec une demande formelle soit de respect des milieux en place, soit de description des compensations à hauteur de ce qui sera détruit, sous forme de courrier à adresser à 4 interlocuteurs : service instructeur DDT-M (courrier recommandé); service instructeur AFB (courrier simple) ; pétitionnaire maître d'ouvrage du chantier (syndicat, parc, fédé pêche, etc.) (courrier recommandé) ; élus locaux sur le territoire du chantier (courrier simple). 

Si l'administration et le pétitionnaire se refusent à éviter ou compenser les destructions opérées, le cas doit être porté en justice : requête en annulation de l'arrêté préfectoral autorisant les travaux malgré l'absence de compensation. Contacter notre association pour des modèles de contentieux.

Référence à citer : Direction de l'eau et de la biodiversité (MTES) (2017), Mesures compensatoires cours d’eau, réglementation, doctrine, 28 p. Egalement disponible à ce lien.

06/03/2018

Modèle de courrier pour un chantier de continuité écologique imposé au titre du L 211-1 code de l'environnement

Depuis quelques mois, l'administration en charge de l'environnement, s'appuyant sur un arrêt du Conseil d'Etat, tend à exiger des aménagements de continuité écologique en dehors des rivières ayant fait l'objet d'un classement (liste 2 du L 214-17 CE). Elle s'appuie sur l'article L 211-1 du code de l'environnement. Nous proposons ci-dessous pour les associations, les collectifs riverains ou le cas échéant les particuliers un modèle de courrier à ce sujet. L'article L 211-1 code de l'environnement est intéressant car s'il mentionne bien la continuité de la rivière, il énumère surtout l'ensemble des conditions de la "gestion équilibrée et durable de l'eau" (donc de l'intérêt général). Or ce texte, associé à d'autres rappelés dans ce modèle de courrier, montre que la destruction des ouvrages hydrauliques est généralement contraire à cet intérêt général car elle nuit à des éléments protégés par la loi. C'est donc un levier pour combattre certains chantages à l'effacement, qu'ils proviennent des agences de l'eau, des DDT-M ou de l'AFB, et plaider en faveur de solutions simples d'aménagement. 


Modèle de courrier (ici pour une association) aux DDT(-M)

Dans votre courrier visé en objet, vous signalez à notre association que le cours d'eau ne figure pas dans les listes 1 ou 2 au titre de l'article L 214-17 code de l'environnement, mais que l'article L 211-1 code de l'environnement 7° mentionne le "rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques" comme l'un des éléments de la gestion équilibrée et durable de l'eau.

C'est tout à fait exact. Nous souhaitons cependant mettre en contexte cette disposition dont vous vous prévalez.

Les arguments ici développés valent pour toute instruction de vos services motivée par cet article L211-1 CE sur les cours d'eau et plans d'eau du département

La "continuité écologique" : notion à spécifier
La "continuité de la rivière" est inscrite dans l'annexe V de la directive cadre européenne sur l'eau 2000 de même que la "continuité écologique" est inscrite dans la loi française (article L 211-1 code de l'environnement, article L 214-17 code de l'environnement).

La continuité en question désigne la continuité longitudinale, latérale, verticale et temporelle de l'écoulement de l'eau, du transport des sédiments et de la circulation des espèces.

Pour les espèces migratrices de poissons formant la cible biologique première de la défragmentation des rivières, la continuité en long au droit d'un ouvrage hydraulique peut être rétablie par :

  • Ouverture ou dépose de vanne
  • Rivière de contournement
  • Rampe rustique
  • Passe technique adaptée aux besoins migrateurs
  • Destruction partielle (arasement) ou totale (dérasement)

Donc d'une part, la continuité en long n'est qu'une des dimensions de la continuité écologique ; d'autre part, la destruction d'un ouvrage est une option extrême de rétablissement de cette continuité, dont la justification doit être forte en termes de garantie de bénéfices pour les milieux et stricte pour le respect des droits des tiers. Dans certains cas, la destruction d'un ouvrage et de sa retenue peut rompre la continuité temporelle (risque d'assec par exemple).

Dans le cas discuté en objet, il s'agira de démontrer in concreto a) l'existence d'espèces présentant un besoin de migration et b) l'entrave réelle à cette migration en l'hydrologie et la morphologie actuelles du site (ce qui peut s'observer le cas échéant par un déséquilibre des populations amont / aval). Vous voudrez bien nous transmettre les pièces en ce sens, par exemple les relevés de l'AFB. Une absence de motivation de la nécessité de la continuité en long dans le cours de la procédure contradictoire conduirait de notre point de vue à invalider le projet.

La continuité en long : les lois demandent l'aménagement et non la destruction d'ouvrages

Les lois françaises et les directives ou règlements européens - dont on rappellera la supériorité aux arrêtés préfectoraux (incluant SAGE ou SDAGE) dans la hiérarchie des normes juridiques - n'ont pas demandé la destruction des ouvrages hydrauliques.

La loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 créant l'article L 2147 code de l'environnement évoque " Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant. "

Ni l'arasement ni le dérasement n'est défini comme solution, l'ouvrage doit être géré, équipé ou entretenu lorsqu'il y a un classement réglementaire de continuité écologique.

Le loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, créant la Trame verte et bleue, énonce dans son article 29 : " La trame bleue permettra de préserver et de remettre en bon état les continuités écologiques des milieux nécessaires à la réalisation de l'objectif d'atteindre ou de conserver, d'ici à 2015, le bon état écologique ou le bon potentiel pour les masses d'eau superficielles ; en particulier, l'aménagement des obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons sera mis à l'étude. Cette étude, basée sur des données scientifiques, sera menée en concertation avec les acteurs concernés."

Là encore, la loi évoque l'aménagement, et non l'arasement. Les députés et sénateurs ont expressément retiré un amendement qui prévoyait d'inscrire la destruction d'ouvrage dans les orientations du législateur pour la Trame verte et bleue. La loi demande également de traiter "les ouvrages les plus problématiques", ce qui suppose une analyse par bassin pour hiérarchiser les enjeux et garantir la cohérence des interventions financées sur argent public.

Le Plan d'action pour la sauvegarde des ressources en eau de l'Europe (Blue print) COM/2012/0673 de 2012 édicté par la Commission européenne et notamment relatif à l'application de la DCE 2000  énonce à propos de la continuité en long de la rivière : "Si les évaluations de l'état écologique doivent encore être améliorées, il apparaît que la pression la plus courante sur l'état écologique des eaux de l'UE (19 États membres) provient de modifications des masses d'eau dues, par exemple, à la construction de barrages pour des centrales hydroélectriques et la navigation ou pour assécher les terres pour l'agriculture, ou à la construction de rives pour assurer une protection contre les inondations. Il existe des moyens bien connus pour faire face à ces pressions et il convient de les utiliser. Lorsque des structures existantes construites pour des centrales hydroélectriques, la navigation ou à d'autres fins interrompent un cours d'eau et, souvent, la migration des poissons, la pratique normale devrait être d'adopter des mesures d'atténuation, telles que des couloirs de migration ou des échelles à poissons. C'est ce qui se fait actuellement, principalement pour les nouvelles constructions, en application de la directive-cadre sur l'eau (article 4, paragraphe 7), mais il est important d'adapter progressivement les structures existantes afin d'améliorer l'état des eaux."

Les aménagements non destructifs sont donc présentés comme préconisation de première intention au plan européen également.

De ces textes, il résulte que des solutions de destruction d'ouvrages hydrauliques ne sont pas les préconisations nationales ou européennes quand il s'agit de rétablir une continuité longitudinale. Dans le cas du chantier visé en objet, l'ignorance de ces textes par le pétitionnaire et ses maîtres d'oeuvre, par vos services ou par ceux de l'agence de l'eau dans l'évaluation des financements conduirait notre association à contester la rigueur de l'instruction et la qualité de sa procédure contradictoire.

L'article L 211-1 code de l'environnement définit les conditions d'une gestion équilibrée et durable de l'eau conforme à l'intérêt général

Comme vous le rappelez dans votre courrier, la doctrine publique de la "gestion équilibre et durable de la ressource en eau" est spécifiée dans l'article L 211-1 code de l'environnement.

Mais vous ne citez que l'aliéna 7° du I relatif à la continuité écologique, en omettant de référer à l'intégralité de cet article, dont toutes les dispositions s'appliquent à tout projet en rivière. Or, c'est bien l'ensemble de ces dispositions qui va construire l'appréciation d'un intérêt général, et non telle ou telle isolée des autres.

"I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer :
1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ;
2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ;
3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ;
4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ;
5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ;
5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ;
6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ;
7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques.
(…)
II.-La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :
1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ;
2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ;
3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées.
III.- La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme."

Pour que le projet d'évolution de l'ouvrage hydraulique soit réputé d'intérêt général et conforme à cet article L 211-1 CE, il ne devra pas seulement rétablir une continuité en long (s'il est établi que la fragmentation représente en l'espèce un impact biologique significatif au droit du site), mais également vérifier dans quelle mesure l'objectif de continuité est conforme à ces autres enjeux :

  • contribuer à la prévention des inondations, 
  • préserver les zones humides (dont les plans d'eau, annexes humides et queues marécageuses, canaux font partie),
  • éviter tout écoulement sédimentaire dommageable (pollution, colmatage),
  • contribuer à une politique de stockage de l'eau à l'étiage,
  • respecter la vie biologique installée dans les milieux en place,
  • protéger les sites et les loisirs,
  • préserver le patrimoine hydraulique.

Notre association serait conduite à refuser le caractère d'intérêt général de tout chantier qui ne garantirait pas le respect optimal de l'ensemble de ces conditions d'une gestion durable et équilibre de l'eau, ou ne prévoirait pas des compensations si un choix particulier d'évolution du site devait nuire aux autres enjeux protégés par le L-221-1 code de l'environnement.

Illustration : exemple de passe à poissons (bassins successifs enrochés) au droit d'un moulin de la rivière Cousin, bien intégrée paysagèrement, ayant bénéficié d'un financement à 100% dans le cadre du programme LIFE+ Parc du Morvan. De tels montages de continuité en long ne posent pas de problème majeur et préservent les différentes dispositions de l'article L 211-1 code de l'environnement, contrairement aux destructions.

13/02/2018

Un "ouvrage irrégulier" ? Nouvelle tentative de contournement de la loi par les DDT-M

Depuis quelques semaines, certaines DDT(-M) tentent de mettre en avant la notion d'un "ouvrage irrégulier" pour refuser le délai de 5 ans dans la mise en oeuvre de la continuité écologique au titre du L 214-17 CE ou pour refuser l'exemption de continuité au titre du L 214-18-1 CE. Explications et arguments pour se défendre.


La mauvaise gouvernance de la réforme de continuité écologique et les rapports déplorables des services de l’Etat (DDT-M, AFB) avec les propriétaires de moulin et les exploitants en petite hydro-électricité ont déjà été reconnus par deux rapports d’audit administratif du CGEDD 2012 et 2016.

Des réformes étaient souhaitées par le CGEDD :  elles n’ont pas été engagées par l’administration.

Les parlementaires, informés de ces réalités et inquiets de leur dérive, ont déjà modifié à quatre reprises le régime de la continuité écologique entre 2015 et 2017 (loi patrimoine, loi biodiversité, loi montagne, loi autoconsommation). Ils ont pris soin de préciser lors des débats qu’il fallait cesser l’acharnement à détruire le patrimoine ou à exiger des dépenses exorbitantes à des particuliers, ce qui n’avait jamais été le texte et l’esprit de la loi sur l’eau de 2006.

Hélas, une partie de l'administration persiste aujourd'hui dans cette attitude négative. La croisade insensée d'incitation à la destruction du patrimoine par la menace réglementaire et le chantage financier n'a toujours pas cessé. Le découragement de la relance hydro-électrique des moulins s'est même accentué, en contradiction flagrante avec la politique de transition énergétique.

Ainsi, pour refuser le délai de 5 ans supplémentaires prévu par le réforme du L 214-17 CE ou pour refuser la dérogation du L 214-18-1 CE pour les moulins équipés pour produire de l'électricité, les DDT-M tentent une interprétation de la notion d'ouvrage "régulièrement autorisé", mentionnée dans ces textes.

Dans un premier cas qui nous a été soumis, la DDT mettait en avant un rapport selon lequel le moulin avait été modifié dans les années 1960 et ne possédait plus (selon la DDT) un élément nécessaire à l'usage de la puissance de l'eau. Le propriétaire n'était pas d'accord. Quoiqu'il en soit, un simple rapport n'a pas de valeur opposable, c'est un élément de procédure contradictoire. Si la DDT considère que le droit d'eau est caduc, elle prend un arrêté préfectoral pour en déclarer l'abrogation. Cet arrêté peut alors être attaqué devant le tribunal administratif, et c'est seulement si le contentieux est perdu par le propriétaire que l'arrêté prend effet et que la remise en état de la rivière est exigible. Mais tant que cela n'est pas fait, une DDT-M n'est pas fondée en droit à prétendre que l'ouvrage est "irrégulier" au plan réglementaire ou légal. C'est un excès de pouvoir.

Dans le second cas qui nous a été soumis, la DDT-M mettait en avant le fait que la rivière avait été classée cours d'eau poissons migrateurs par décret au titre de l'ancien article L 432-6 CE (l'ancêtre du L 214-17 CE, déjà imposé par le lobby pêche en 1984, déjà inappliquable donc déjà inappliqué). Pour cette DDT-M, l'ouvrage n'ayant pas réalisé de passe à poissons dans le délai imparti par l'ancien article L 432-6 CE, il serait aujourd'hui irrégulier. Est cité un arrêt de la cour d'appel de Nancy (n°15NC00542). A notre connaissance, cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, pas encore instruit.

Cet argument n'est pas plus recevable : l'article L 432-6 du code de l'environnement est abrogé et a cessé de produire effet, la continuité écologique est exigible au titre du L 214-17 CE depuis le classement des rivières en L1 ou L2 (2012 ou 2013). Il en résulte que l'administration doit respecter les obligations que lui a assignées la loi de 2006 et les réformes subséquentes du L 214-17 CE:
Si l'administration n'a pas rempli ces obligations à la première échéance de 5 ans après le classement (soit avant 2017 ou 2018 selon les bassins), elle est en tort.

Telle est la position que nous défendons, et défendrons devant les tribunaux si les désaccords persistent sur la continuité écologique. Nous rappelons que les propriétaires et les riverains profitant de leurs biefs ou retenues ont tout intérêt à :
  • rejoindre une association ou à se constituer en collectif sur chaque rivière,
  • se coordonner pour défendre une position claire et solidaire,
  • saisir les députés et sénateurs de leurs problèmes en demandant systématiquement aux parlementaires d'interpeller le ministre de l'écologie sur la dérive de son administration,
  • saisir les médias pour informer l'opinion des pratiques de destruction du patrimoine hydraulique, de son paysage et de sa biodiversité sur argent du contribuable. 
Quand l'administration française proposera une version intelligente et ouverte de la continuité écologique, les moulins auront vocation à s'y intégrer. Tant qu'elle se fera le chantre d'une vision intégriste de la renaturation non prévue dans la loi, elle perdra sa légitimité et ne produira que de la conflictualité.

14/01/2018

Guide de bonnes pratiques pour les projets d’effacement de seuils et barrages en rivière

Les collectifs ou les associations de riverains sont souvent confrontés au même problème dans le domaine de la continuité écologique: un bureau d'études, un syndicat de rivière ou une fédération de pêche présente un projet d'effacement d'un ouvrage hydraulique qui ne correspond pas à la réalité perçue et vécue de l'ouvrage. La raison en est que dès le départ, le diagnostic du site a été biaisé par des mauvaises pratiques, avec l'oubli de nombreux éléments à étudier. Pour les collectifs et les associations, nous proposons une grille d'élaboration des diagnostics et avant-projets d’effacement de seuils et barrages en rivière (version 1.3, janvier 2018). Il s'agit de l'adresser au début de toute étude à la structure en charge du diagnostic. Si vous rencontrez un interlocuteur fermé et peu disposé à entendre la nécessité d'une approche complète, objective et concertée de l'ouvrage hydraulique, contactez-nous. 


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Introduction du document :

Depuis le vote de la LEMA en 2006, la mise en œuvre de la continuité écologique se traduit par la multiplication des commandes pour les bureaux d’études, le plus souvent des commandes publiques ou financées par argent public.

Mais les dossiers qui en résultent font apparaître un certain nombre de problèmes, le plus souvent fonction du maître d’oeuvre : lacunes, erreurs, improvisations, distorsion des commentaires ou des conclusions par rapport aux résultats de calcul, etc.

Ces travers sont particulièrement marqués dans le cas des effacements d’ouvrages, auxquels cette note est spécifiquement dédiée. Une autre note évoquera la question des aménagements non destructifs.

De manière non exhaustive, on citera :

  • mauvaise information sur les bases juridiques du droit d’eau / règlement d’eau, voire oubli pur et simple de cette dimension ;
  • absence d’évaluation économique de ce droit d’eau (et de compensation afférente en cas de disparition) ;
  • carence d’évaluation des éléments immatériels (histoire, paysage, patrimoine) impliqués dans la valeur foncière du site ;
  • centrage sur les poissons, non prise en compte de la biodiversité ordinaire et des fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes humides ;
  • absence d’objectifs chiffrés et d’analyse coût-avantage de la restauration écologique envisagée (seule et en comparaison au coût-avantage de mesures compensatoires pour les milieux) ;
  • défaut de concertation élargie à l’ensemble des riverains impactés par la modification du lit suite à l’effacement ;
  • manque d’indépendance vis-à-vis du financeur de l’étude, dévalorisation de la qualité technique des travaux et donc de la signature du bureau.

Pour restaurer la crédibilité des BE, respecter les droits des propriétaires et riverains, produire une réforme de continuité écologique en phase avec les exigences du public, il est donc nécessaire de produire des études de restauration écologique / morphologique plus solides et plus équilibrées.

Ce guide a été réalisé à partir de l’étude de la littérature technique / scientifique et du retour d’expérience d’une cinquantaine d’ouvrages en France ayant fait l’objet d’une étude d’impact / étude de faisabilité en restauration. Distribué aux maîtres d’ouvrages, il sera pour eux la garantie que le BE mandaté par eux-mêmes, l’EPCI-EPTB ou l’Agence de l’eau accomplira un travail complet et objectif sur les différentes dimensions des ouvrages hydrauliques, les enjeux réels des chantiers et de tous leurs impacts.

Chaque volet du guide doit être rempli lors des travaux d’analyse diagnostique et une analyse coût-avantage doit intégrer l’ensemble des volets, afin que la décision d’effacement reflète fidèlement l’ensemble des coûts réels pour le maître d’ouvrage et pour la collectivité.

01/12/2017

Modèle de réponse à une DDT-M qui refuse de définir les règles de gestion de continuité écologique

Notre association a proposé diverses lettres-types de réponse à l'administration concernant la mise en conformité à la continuité écologique (voir cet article). Certains correspondants nous signalent des réponses de DDT-M refusant les termes de ces courriers et demandant aux propriétaires d'engager eux-mêmes des travaux de diagnostic de leur bien par un bureau d'étude privé. Nous faisons ici une nouvelle réponse-type, que chacun adaptera au mieux. Nous insistons sur l'urgente nécessité dans un tel cas de saisir votre député et votre sénateur afin qu'ils informent Nicolas Hulot. C'est à force d'être interpellée au Sénat et à l'Assemblée nationale par les représentants élus des citoyens que Ségolène Royal a dû convenir des mauvaises pratiques de son administration et demander qu'elles soient rectifiées. Il en ira de même aujourd'hui et demain, outre la saisine du tribunal administratif si besoin. Nicolas Hulot ayant été encore peu informé de ces questions (voire ayant été désinformé par certains lobbies qui entendent casser les ouvrages au profit de leur activité), il importe que le ministre soit désormais saisi le plus souvent possible des problèmes. Vous ne défendrez pas seulement votre bien en faisant cet effort d'informer vos élus et de demander leur intervention, mais tout le patrimoine aujourd'hui menacé en France. 



Rappel : tout courrier s'envoie en recommandé AR.

Lettre-type de réponse à une administration qui refuse de présenter une étude de continuité écologique justifiant les règles de gestion, équipement, entretien d'un ouvrage en rivière classée liste 2

J'ai bien reçu votre courrier du XX [préciser date] et vous me trouvez en désaccord avec ses termes.

L'Etat n'assure pas la maîtrise d'ouvrage directe sur le domaine privé mais, conformément aux termes de la circulaire d'application du 18 janvier 2013, les missions interservices de l'eau et  de la nature, ou parfois les DDT-M seules, ont assuré en France l'examen des ouvrages en association avec les établissements de bassin (EPTB, EPAGE), les collectivités, parfois les organismes agréés de protection des milieux aquatiques.

Cette démarche répond aux termes de la circulaire suggérant d'informer le cas échéant le propriétaire de "l’existence d’une maîtrise d’ouvrage publique et d’une démarche collective relative à la restauration du cours d’eau concerné susceptible de prendre en charge une partie de leurs obligations, notamment des études préalables à leurs projets de mise en conformité"

C'est le bon sens : d'une part, il ne revient pas à chaque citoyen de décider isolément comment il interprète la loi ni de se transformer en expert de l'écologie des milieux aquatiques; d'autre part, comme son nom l'indique, la continuité écologique ne concerne pas un site en particulier, mais tous les sites d'une rivière ou d'un tronçon, avec une démarche publique cohérente d'aménagement des bassins. 

Je tiens à votre disposition, et si besoin à celle du juge administratif, de nombreux exemples de chantiers où les propriétaires ont reçu une étude diagnostique et une proposition d'aménagement de leur bien, cela sans débourser d'argent et sans avoir à faire la démarche de leur chef. D'autres cas où les travaux eux-mêmes, pas seulement l'étude, ont été pris en charge entre 95 et 100%.

C'est donc ce que je vous demande à nouveau de faire si vous l'estimez nécessaire sur mon ouvrage, dont rien ne démontre a priori que sa gestion actuelle forme un problème pour les poissons ou pour les sédiments. 

Il me paraîtrait évidemment incompréhensible que les DDT-M représentant l'Etat et garantissant l'égalité des citoyens devant lui adoptent des politiques différentes selon les départements, les bassins, voire les propriétaires. 

Outre qu'il n'a pas à se substituer à la carence de l'administration dans sa mission, un bureau d'étude privé demande une somme allant de 10 à 20 k€ pour la seule étude du site (diagnostic écologique, étude réglementaire, étude de faisabilité, avant-projets sommaires et détaillés, plans de projet retenu), et cela sans même parler de l'exécution des travaux dont le coût est plus élevé encore.

Je ne connais pas une seule réforme en France où l'on demande à un particulier d'engager une telle dépense, juste pour interpréter la loi!

Cette dépense relève d'une "charge spéciale et exorbitante" dont l'article L 214-17 CE a précisé qu'elle ouvre droit à indemnisation. Donc, à supposer que vous ayez raison et que j'ai tort sur le point précédent, je ne saurais de toute façon faire cette démarche sans que vous vous engagiez préalablement à prendre en charge la totalité des coûts d'un prestataire privé et à me préciser comment vous avancez ce financement. 

J'attends donc sur ce dossier le respect de la loi et de l'égalité des citoyens devant la loi. Si vous estimez que mon ouvrage appelle aménagement, je souhaite comme d'autres en France recevoir une étude le démontrant et un plan de financement public des travaux de mise en conformité.

politesse

PS : je mets M. le Député (Mme la Députée) et M. le Sénateur (Mme la Sénatrice) en copie de la présente, car nos échanges témoignent des lourds problèmes sur les ouvrages de petite hydraulique, dont plusieurs ministres ont pourtant souhaité qu'ils cessent depuis déjà 3 ans. Je me permettrai de leur demander d'interroger M. le Ministre de la Transition écologique et solidaire à propos de ces pratiques incompréhensibles où de simples particuliers sont menacés de dépenses totalement déraisonnables et de pratiques inégalitaires. 



Lettre-type pour les député.e.s et sénateurs-trices

Monsieur / Madame le Député(e)
Monsieur / Mme le Sénateur / la Sénatrice,
[conserver la mention correcte]

Je me permets de vous transmettre ci-joint mes échanges avec l'administration. Et au-delà de mon cas, de vous saisir du problème des ouvrages hydrauliques : il s'en détruit un par jour en moyenne en France, et ceux qui refusent la destruction se voient accablés de menaces de dépenses exorbitantes. Mon cas en est un exemple. 

Pour résumer la situation le plus simplement possible : alors que la loi sur l'eau de 2006, contrairement à la loi pêche de 1984, avait prévu d'indemniser les travaux de continuité écologique (vannes, passes à poissons, rivières de contournement, etc.), l'Etat refuse aujourd'hui de tenir ses promesses et demande aux citoyens de payer de leurs poches.  Mais les simples études peuvent atteindre voire dépasser 20 k€, et les travaux coûtent dix à vingt fois plus. C'est évidement impossible, et je suis désespéré de ce harcèlement administratif sans aucune proportion aux enjeux écologiques concernés. 

Y a-t-il une seule autre loi en France qui assomme une catégorie de particuliers de dépenses aussi énormes? 

Mon cas n'est pas isolé, puisque le rapport national d'audit CGEDD 2016 a montré qu'un peu plus de 20.000 ouvrages hydrauliques sont concernés en France, très peu ayant trouvé une solution à date.

Je sollicite votre intervention urgente auprès de M. Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, afin de le questionner sur les mesures qu'il souhaite engager pour éviter les blocages et respecter l'engagement de l'Etat à financer la continuité écologique. 

Etant donné la fin de l'échéance règlementaire de 5 ans sur notre bassin comme sur la plupart des autres en France, étant donné les enjeux de patrimoine, de paysage, d'énergie, de riveraineté et de biodiversité attachés aux moulins, aux étangs, aux forges et autres éléments historiques de nos rivières, cette question est tout à fait urgente. Et pour mon cas comme pour celui de bien d'autres particuliers dépourvus de toute solution, elle est brûlante!

Par avance, je vous remercie des démarches que vous voudrez bien entreprendre pour que l'administration en charge de l'eau propose des solutions viables et durables. Je ne vois pas d'autre issue qu'une intervention directe du ministre, comme Mme Ségolène Royal avait su le faire en décembre 2015 par un courrier aux préfets, déjà pour les mêmes problèmes. 

22/11/2017

L'Etat demande une évaluation de la valeur patrimoniale et paysagère des ouvrages hydrauliques

Une avancée importante est à signaler dans le domaine de la continuité écologique : à la suite des évolutions de la loi votées par les parlementaires en 2015 et 2016, les ministères de la culture et de l'écologie ont mis au point une grille d'analyse du patrimoine lié à l'eau. Il est reconnu désormais que la continuité a des effets sur le patrimoine et le paysage demandant à être évalués dans le cadre des instructions de projet. Il a été demandé aux administrations de remplir cette grille pour tous les ouvrages anciens concernés, notamment les moulins, forges, étangs, anciennes usines hydro-électriques, etc. Nous reproduisons ces divers documents, la demande des ministères aux administrations concernées, ainsi qu'une lettre type à la DDT-M pour que chacun puisse s'assurer de la mise en oeuvre. La mesure est informative et non obligatoire : la bonne volonté dans son application sera cependant utilement vérifiée par les propriétaires, riverains et leurs associations. Le cas échéant, un refus par l'administration de remplir la grille lors d'un chantier visant à la destruction, ou une négligence à le faire après une demande explicite, pourra être signalé dans un dossier contentieux, et dans tous les cas rapporté aux élus ainsi qu'aux ministères de tutelle des agents concernés. 

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Courrier des ministères aux administrations
Grille d’analyse de caractérisation et de qualification d’un patrimoine lié à l’eau 
Note d'utilisation de la grille

Grille d'analyse et de qualification du patrimoine lié à l'eau
Courrier aux administrations de F. Mitteault (ministère de la Transition écologique) 
et J.M. Loyer-Hascoët (ministère de la Culture)

Suite à de récentes modifications législatives, notamment les articles L.211-1 et L.214-17 du code de l'environnement, il nous a semblé opportun d'opérer un rapprochement entre les services en charge de la restauration de la continuité écologique des cours d'eau et les services en charge de la préservation du patrimoine.

En effet, la mise en oeuvre de la restauration de la continuité écologique sur les cours d'eau peut avoir un effet sur les paysages (vallées, rivières, biefs, etc) et sur des sites patrimoniaux variés (patrimoine industriel, jardins, bâti, etc).

Plus de 15000 ouvrages sont recensés et les interventions sur ces ouvrages peuvent aller de la simple ouverture régulière des vannages jusqu'à la suppression complète de l'ouvrage, en passant par une réduction de sa hauteur ou l'aménagement d'une passe à poissons ou d'une rivière de contournement.

Dans ce contexte, un groupe de travail a été constitué entre le ministère de la transition écologique et solidaire et celui de la culture, auquel se sont joints des associations de propriétaires de moulins. Une grille d'analyse du patrimoine des aménagements liés à l'eau a été co-construite et a vocation à être complétée lors des diagnostics des ouvrages hydrauliques devant être mis en conformité au titre de la restauration de la continuité écologique. 

Vous veillerez à ce que la grille complétée soit une des pièces du dossier relatif aux propositions d'aménagement ou de changement de modalités de gestion de l'ouvrage considéré. Elle permettra, au sein des comités de pilotage des études de restauration, de confronter l'enjeu « patrimoine » et l'enjeu «continuité écologique » lors des décisions sur le scénario choisi.

Vous trouverez également une notice d'utilisation accompagnant la grille d'analyse de caractérisation et de qualification d'un patrimoine lié à l'eau.

Vous veillerez à diffuser le plus largement possible la grille aux propriétaires des ouvrages hydrauliques, aux bureaux d'études missionnés pour réaliser les diagnostics ainsi qu'à tout porteur d'étude globale sur un bassin versant ou un cours d'eau comme les collectivités territoriales ou les fédérations de pêche. Un retour d'expérience sera établi d'ici un an ou deux par les deux ministères. Le bureau des milieux aquatiques de la direction de l'eau et de la biodiversité ainsi que le bureau de l’ingénierie et de l'expertise technique de la direction générale du patrimoine sont à votre disposition pour vous assister face à toutes difficultés que vous pourrez rencontrer.


Lettre type à l'administration

Ce courrier peut être envoyé par tout propriétaire d'ouvrage ou toute association de défense du patrimoine au service DDT-M en charge de l'instruction de la continuité écologique. Les associations gagneront à engager la démarche sur les dossiers en cours présentant un risque de destruction irrémédiable d'un patrimoine d'intérêt. 

Madame, Monsieur,

A la suite des évolutions récentes des lois relatives à la gestion de l'eau, en particulier la continuité écologique, le ministère de la Culture et le ministère de la Transition écologique et solidaire ont mis au point une "Grille d’analyse de caractérisation et de qualification d’un patrimoine lié à l’eau".

Il a été demandé en septembre 2017 par les services des ministères que l'ensemble des ouvrages hydrauliques faisant l'objet d'une prescription de continuité écologique bénéficient de cette évaluation patrimoniale et paysagère.

[version propriétaire]
Etant concerné, je souhaiterais recevoir le travail concernant mon ouvrage hydraulique et ses annexes. Si ce travail n'est pas encore réalisé, je suis disposé à vous donner les informations que je possède sur le bien, et bien sûr à accueillir les services en charge de l'étude.

[version association]
Notre association ayant notamment pour objet la protection du patrimoine, nous serions désireux d'obtenir la grille concernant l'ouvrage [XXX], en étude pour la continuité.  Nous sommes bien sûr disposés à partager les informations en notre possession si l'évaluation de cet ouvrage n'a pas été réalisée.

En cas de refus ou de silence de deux mois, merci de signaler le cas à notre association (ou à une fédération de moulins, syndicat d'étangs, association nationale de protection du patrimoine, etc.)

12/11/2017

Votre ouvrage hydraulique est menacé de destruction? Modèles de réponse aux DDT-M sur la continuité écologique


L'association Hydrauxois propose à ses adhérents, sympathisants et associations partenaires des modèles de lettres à envoyer à l'administration (DDT-M) avant l'échéance du premier délai de 5 ans en rivières classées L2 au titre de la continuité écologique.
Lien modèles de lettres version Word
Lien modèles de lettres version pdf

Ces courriers abordent les 5 cas de figure :
  • vous produisez ou avez pour projet de produire de l'électricité,
  • vous êtes d'accord avec une proposition et son financement,
  • vous êtes d'accord avec une proposition mais elle n'est pas financée,
  • vous êtes en désaccord avec toutes les propositions faites,
  • vous n'avez reçu aucune proposition.

La philosophie générale de ces courriers est simple : tout propriétaire est fondé à recevoir de l'administration une proposition motivée de dispositif de franchissement (passe à poissons, rivière de contournement, gestion de vanne) qui respecte la consistance légale du droit d'eau et dont les frais sont entièrement indemnisés (de l'étude diagnostique à la réception du chantier). Aucune pression réglementaire ou financière en vue d'imposer une destruction n'est recevable.

Quand cette voie est actée par l'administration, les choses se passent à peu près bien. Quand elle est refusée, il y a, et il y aura, contentieux.

L'étape suivante consistera à vous proposer des modèles de contentieux au tribunal administratif, pour tous les cas où l'administration tente une mise en demeure afin de contraindre le propriétaire à subir des solutions ingérables et, en dernier ressort, à détruire son bien contre son gré.

La capacité des propriétaires d'ouvrages hydrauliques à avancer la même position de principe sur le maximum d'ouvrages sera le gage de notre succès à faire évoluer les pratiques dans les mois à venir. Aussi nous vous demandons d'assurer la diffusion la plus large de ces documents et, dans le cas des associations, de mener une campagne de mobilisation des maîtres d'ouvrages en rivière L2. L'unité et la solidarité des propriétaires de moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques comme des riverains de ces ouvrages appréciés sont essentielles pour préserver le patrimoine et le paysage de nos vallées d'une destruction inacceptable.

11/09/2017

Pas de continuité sans indemnité! Modèle de lettre aux préfectures et aux élus

La première loi de 1865 sur les poissons migrateurs prévoyait une indemnisation des travaux. Cette indemnité avait été supprimée par la loi pêche de 1984, ce qui avait conduit à un défaut d'application vu le coût inaccessible des chantiers de passes à poissons ou rivières de contournement. Le principe d'une indemnisation pour charge spéciale et exorbitante a été ré-introduit dans la loi de 2006 créant l'article L 214-17 CE et son obligation de continuité écologique. Un rapport publié à l'époque montre très clairement que l'Etat est conscient de la nécessité d'indemniser les travaux exigés. Mais depuis le vote de la loi, les administrations se gardent bien de le rappeler, préférant laisser croire que la solution illégale de la destruction serait la seule finançable. Nous demandons à toutes les associations de protection des ouvrages d'envoyer à leur préfecture le courrier ici proposé, qui rappelle aux services de l'Etat leur obligation d'information et d'indemnisation. De trop nombreux seuils et barrages ont été détruits par la seule pression d'un chantage financier qui n'a pas lieu d'être. Sont également proposés un modèle de courrier pour les propriétaires et un modèle de courrier d'accompagnement aux élus, qui doivent impérativement être saisis afin que le ministère de la Transition écologique fasse cesser les dérives de ses services.



Modèle de lettre associative aux préfectures

Monsieur le Préfet,
Madame la Préfète,
[conserver la mention correcte]

Notre association rassemble des propriétaires d'ouvrages hydrauliques, en particulier de moulins, dont plusieurs sont confrontés à la question de la mise en conformité à la continuité écologique en lien avec la classement au titre de l'article L 214-17 Code environnement.

Nous souhaitons vous saisir sur la question des indemnisations liées à ces travaux.

Permettez-nous un rappel de droit.

La première loi de 1865 sur les échelles à poissons prévoyait dans son article 3 une indemnité aux propriétaires contraints de construire des dispositifs de franchissement. La loi de 1984 dans son article 4 avait supprimé cette indemnité. C'est une des raisons pour lesquelles l'article L 432-6 Code environnement, codifié par cette loi de 1984, avait connu une application difficile.

L'article L 214-17 Code environnement a donc rétabli en 2006 le principe d'une indemnisation, en ces termes :
"Les obligations résultant du I du présent article n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante."
Ce point correspond à une volonté de l'Etat de rendre possible la réforme de continuité écologique introduite par la loi de 2006. C'est attesté très clairement par le rapport de l'Inspection générale de l'environnement préparatoire à la loi (Balland et Manfrédi 2006, Le devenir des programmes de restauration en faveur des poissons migrateurs, IGE/05/052, p. 21), rapport qui énonce :
"La mission considère qu’un élément important du succès de la politique nationale en faveur des MAH [migrateurs amphihalins] réside dans la fermeté de l’administration face aux pétitionnaires, notamment en matière d’équipement dans les délais prescrits de dispositifs de franchissement de tous les ouvrages installés sur des cours d’eau classés. Cette fermeté lui paraît d’autant plus justifiée que ces pétitionnaires disposent dorénavant d’un droit à indemnité de nature à leur permettre de faire face à leurs obligations."
L'Etat a donc promu la fermeté à la condition suspensive d'un droit à indemnité pour répondre aux obligations. Et ce droit est bel et bien prévu dans la loi.

Or, nous constatons que vos services sont totalement silencieux sur cette question de l'indemnisation.

Pour autant, il ne fait aucun doute que la charge de mise en conformité à la continuité écologique est "spéciale et exorbitante" :
- un diagnostic, avant-projet, plan de projet et suivi par un bureau d'étude coûte de 10 à 30 k€,
- les solutions d'aménagement coûtent de 50 à 500 k€,
- l'obligation de surveillance et d'entretien implique plusieurs centaines à milliers € de frais annuels,
- dans le cas d'une destruction (arasement, dérasement), le bien perd son droit d'eau, une partie de sa valeur paysagère et patrimoniale, et le moulin devient une simple maison en zone inondable.

De telles sommes et de telles contraintes sont évidemment hors de portée des particuliers, aussi bien que des petits exploitants dont plusieurs années de chiffre d'affaires devraient y être dédiés, et parfois la totalité des bénéfices du contrat d'achat de 20 ans sur l'énergie produite. Les agences de l'eau refusent (sauf rarissimes exceptions) de financer l'ensemble des travaux, et le restant dû est inaccessible. Par ailleurs, la loi ne parle pas d'une subvention par des agences de bassin, mais bien d'une indemnisation versée par l'Etat.

La mise en oeuvre effective des dispositifs de continuité représente ainsi une atteinte à des droits acquis, une modification de l'état antérieur autorisé d'un bien et une dépense individuelle sans proportion à l'intérêt général qui la motive, autant d'éléments qui forment la définition d'une charge spéciale et exorbitante, ce qui doit conduire l'Etat à indemniser des coûts représentés par ces dispositifs

Nous vous demandons donc de préciser à chaque maître d'ouvrage le niveau d'indemnisation qu'ouvrent les demandes formulées par l'Etat en matière de mise en conformité à la continuité écologique de son bien.

Compte-tenu de la difficulté de cette réforme, reconnue par les deux rapports d'audit administratif du CGEDDD 2012 et 2016 comme par le témoignage de plusieurs ministres et de nombreux parlementaires, nous sommes malheureusement contraints nous aussi à une certaine fermeté vis-vis de l'administration. Aussi, dans l'hypothèse où un courrier administratif de mise en demeure, a fortiori un arrêté, serait produit sans que le propriétaire concerné ait été dûment informé de ces indemnités auxquelles il a droit, un recours auprès du tribunal administratif reprenant les attendus de la présente sera porté.

Vous remerciant par avance de votre compréhension et souhaitant que chaque propriétaire soit informé de cette question par vos soins, je vous prie de recevoir Monsieur le Préfet / Madame la Préfète [conserver la mention correcte], l'expression de nos respectueuses salutations.

Copie au député, copie au sénateur, mention de la copie au préfet.



Modèle de lettre pour le propriétaire

Monsieur le Directeur des territoires,
Madame la Directrice des territoires,
[conserver la mention correcte]

La loi sur l'eau de 2006 sur la continuité écologique en rivière classée liste 2 au titre de l'article L 214-17 CE a rétabli le principe d'une indemnisation des propriétaires pour la charge des travaux. Ce principe avait été abandonné par la loi de 1984, mais le législateur a compris qu'il n'était pas possible de demander des travaux très coûteux pour de simples particuliers et pour une charge relevant de l'intérêt général.

A ce jour, vos services ne m'ont donné aucune information sur cette indemnité. Je ne peux pas planifier un chantier de continuité écologique, a fortiori le réaliser, si je n'ai pas de garanties à ce sujet.

Je précise que je n'attends pas de votre part d'être renvoyé vers l'agence de l'eau. D'une part, celle-ci verse des subventions conditionnelles, qui ne sont pas l'indemnisation prévue par la loi. D'autre part, l'agence de l'eau soutient en priorité des solutions de destruction. Or, la destruction n'est nullement inscrite dans la loi (qui parle d'équipement, de gestion ou d'entretien de l'ouvrage, cf article L 214-17 CE) et comme cette destruction contrevient à la consistance légale autorisée de mon bien, la légalité de ces exigences de l'agence de l'eau me semble pour le moins douteuse.

Je vous remercie donc de me préciser le niveau d'indemnité que l'Etat garantit, afin que je puisse prendre des dispositions. Dans l'hypothèse où vous refuseriez cette indemnisation, je ne vois guère comment envisager le moindre chantier au regard des coûts très élevés de leur conception et de leur réalisation.

Je vous prie de recevoir Monsieur le Directeur des territoires, Madame la Directrice des territoires, [conserver la mention correcte], l'expression de mes respectueuses salutations

Nota : vous pouvez bien sûr agrémenter ce courrier d'informations complémentaires (pressions que vous avez reçues pour détruire, mention exacte du montant des travaux et du financement consenti par l'Agence de l'eau, valeur patrimoniale, paysagère et affective de votre bien, etc.)

Modèle de lettre aux députés et sénateurs

Monsieur / Madame le Député(e)
Monsieur / Mme le Sénateur / la Sénatrice,
[conserver la mention correcte]

Un moulin est détruit chaque jour en France. Des milliers de propriétaires sont poussés au désespoir face à des factures de travaux totalement inaccessibles. Des dizaines de milliers de riverains sont exaspérés de voir disparaître le paysage apprécié des biefs, canaux, retenues, étangs, lacs créés par les ouvrages hydrauliques.

Ce triste bilan, c'est celui de la continuité écologique telle que l'administration française a choisi de la promouvoir, par une interprétation brutale et biaisée de la loi.

Comme vous le savez sans doute, cette réforme de continuité écologique pose des problèmes majeurs, qui ont été relevés par deux rapports d'audit du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD 2012, CGEDD 2026). Le second rapport, rendu public voici quelques mois, montre l'ampleur du problème : plus de 20000 ouvrages hydrauliques à aménager, un coût moyen dépassant les 100 k€ par ouvrage, 85% des ouvrages orphelins de solution alors que le délai de 5 ans est échu ou sur le point de l'être, une pression de l'administration en faveur des solutions de destruction réprouvée par les propriétaires et riverains, un défaut général de concertation ou une réduction de cette concertation à un monologue à sens unique avec la volonté d'imposer des solutions non consenties.

Des réformes législatives ont été votée en 2016 et 2017, mais elles sont insuffisantes par rapport à l'ampleur des problèmes et des retards. L'administration a par ailleurs produit des interprétations tendancieuses de ces évolutions législatives qui, pour l'essentiel, en neutralisent l'intérêt et donc reconduisent le blocage.

Nos adhérents propriétaires de moulins, forges, étangs et autres ouvrages hydrauliques sont à bout. Les riverains de ces ouvrages menacés sont également excédés. Nous sollicitons votre écoute pour saisir M. Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, de ce problème.

En pièce jointe, vous trouverez le dernier courrier que nous avons envoyé à la Préfecture, après de nombreux autres. La loi prévoyait une indemnisation des travaux (inaccessibles aux particuliers ou aux exploitants de petite hydroélectricité), mais les représentants de l'Etat n'ont jamais abordé ce point. Ils renvoient aux agences de l'eau, dont la vocation n'est pas d'aider des particuliers et dont les subventions à 80-100% sont de toute façon limitées aux cas de destruction d'ouvrage (alors que la loi de 2006 n'a jamais mentionné cette hypothèse d'effacement, arasement ou dérasement).

L'Etat doit prendre ses responsabilités : il avait été explicitement prévu en 2006 que l'indemnité versée aux propriétaires pour les passes à poissons était la condition de la fermeté dans la mise en oeuvre de la réforme. Depuis, nous avons la fermeté, et même la brutalité, mais l'engagement à financer les dispositifs de franchissement piscicole n'est pas tenu.

Vous remerciant par avance de votre sensibilité à cette question et des initiatives que vous pourrez prendre pour essayer de sortir de cette impasse, je vous prie de recevoir, Monsieur / Madame le Député(e), Monsieur / Mme le Sénateur / la Sénatrice, [conserver la mention correcte] l'expression de mes meilleurs sentiments.

Illustration : destruction des ouvrages hydrauliques du moulin d'Inxent, DR. Trop souvent, les propriétaires et les communes acceptent la disparition des ouvrages hydrauliques car les DDT-M, les agences de l'eau et les syndicats restent silencieux sur les indemnités dues pour les travaux de mise en conformité, laissant entendre que seule la destruction peut être financée à 100%. C'est un double abus de pouvoir : la loi n'a jamais prévu l'effacement et elle a posé le principe d'une indemnité pour les solutions coûteuses. Les propriétaires doivent donc opposer une fin de non-recevoir à ces méthodes inacceptables, et les associations porter plainte chaque fois que l'administration persiste dans cette voie. La continuité écologique ne pourra se dérouler normalement en France qu'à partir du moment où les fonctionnaires centraux et territoriaux cesseront d'être les exécutants de la casse des ouvrages et chercheront plutôt des solutions constructives.