Affichage des articles dont le libellé est Effacement. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Effacement. Afficher tous les articles

02/12/2018

A Genay (21), chantage à la destruction du plan d'eau et du moulin pour payer l'assainissement

Pour accorder des subventions sur une opération d'assainissement non collectif dans la commune de Genay, l'agence de l'eau Seine-Normandie exige la destruction d'un seuil de moulin et du plan d'eau du village. C'est le chantage d'une bureaucratie intégriste ayant promu la casse des ouvrages sur tout le bassin de Seine et de Normandie – une bureaucratie d'ores et déjà responsable d'une altération sans précédent du patrimoine hydraulique de notre pays. Au lieu de défendre l'intérêt des citoyens, le syndicat SMBVA appuie cette politique absurde et décriée. Mais cette écologie punitive peut-elle persister dans un tel aveuglement dogmatique alors que les Français se montrent excédés du mauvais comportement de l'Etat et du mauvais usage des impôts? Les technocrates de l'eau ont-ils compris que de telles méthodes et de tels gâchis d'argent public sont de moins en moins tolérés, surtout dans une ruralité où l'argent manque partout? Les citoyens doivent demander aux gestionnaires publics de traiter d'abord toutes les pollutions et de satisfaire les réelles exigences de qualité de l'eau posées par les directives européennes, au lieu de ces nuisances sans rapport à l'intérêt général. Autre choix prioritaire : développer l'hydro-électricité dans chaque village ayant la chance de pouvoir le faire grâce à la présence d'ouvrages. 


Notre association a reçu copie d'un courrier de l'Agence de l'eau au syndicat mixte de l'Armançon (SMBVA, ex SIRTAVA). En voici un extrait (cliquer pour agrandir) :



Dans ce courrier du 18 septembre 2018, le directeur territorial Seine Amont de l'Agence de l'eau Seine-Normandie prétend au président du SMBVA que "l'élément déclencheur" d'une aide financière de l'agence de l'eau pour améliorer l'assainissement non collectif serait la destruction de l'ouvrage hydraulique et du plan d'eau de la commune.

En d'autres termes : pas de casse de moulin et pas de suppression du plan d'eau, alors pas d'aide à la lutte contre la pollution.

Le chantage bureaucratique usuel sur les rivières, le bassin Seine-Normandie étant le plus intégriste en matière de destruction du patrimoine hydraulique (75% des sites détruits selon le rapport CGEDD 2016)

Ce courrier, que nous considérons comme un abus de pouvoir de l'agence de l'eau Seine-Normandie, sera versé si besoin dans un éventuel dossier contentieux contre la destruction du patrimoine de la commune de Genay.

Il y a des alternatives
Rappelons les faits, dans ce village de l'Auxois où coule l'Armançon.

Le propriétaire du moulin aval de la commune (moulin dit de la scierie ou moulin des Noues), agriculteur ayant acquis en 2000 le bien dans le cadre d'une préemption SAFER, a subi des pressions régulières du syndicat SMBVA et la DDT 21 l'ayant mené à abandonner son droit d'eau, de peur d'avoir à payer des amendes au titre de la continuité écologique. Le droit d'eau abandonné, le propriétaire se trouve dans l'obligation de remettre la rivière en l'état. Il faut noter que rien n'est clairement spécifié dans la loi sur ce que doit devenir un site après abandon de droit d'eau : tout serait donc encore possible, à condition de s'entendre sur l'interprétation d'une "remise en état".

Ainsi, si nous avions une ambition collective répondant aux enjeux réels de l'avenir des rivières et du climat au lieu de satisfaire des exigences intégristes et absurdes de soi-disant "renaturation", la commune de Genay pourrait décider de gérer le site à la place du propriétaire défaillant, développer un projet de petite usine hydro-électrique pour décarboner l'électricité du village (puissance de 50 kW, équivalent consommation d'une cinquantaine de familles), conserver le plan d'eau, ajouter une passe à poissons ou une rivière de contournement.

Le SMBVA avait organisé une réunion publique à Genay, le 16 décembre 2016. Une étude complète devait être faite sur le seuil, notamment sur son intérêt écologique (analyse d'effet d'épuration, analyse de biodiversité dont les rives). Rien de clair ne nous a été présenté, le syndicat semble avoir acté le principe de destruction du site, essayant de vendre aux habitants de la commune une improbable mare en guise de nouveau plan d'eau. Nous avions lors de cette réunion demandé à la salle si les personnes présentes souhaitaient garder le plan d'eau communal : tous les bras s'étaient levés. Et nous avions demandé au personnel du syndicat de prendre acte de cette volonté villageoise.

Mais en matière d'ouvrages hydrauliques, le SMBVA n'agit plus dans l'intérêt des communes ni des citoyens : il exécute simplement les ordres reçus de l'Etat de l'agence de l'eau, quand il n'en rajoute pas dans l'intégrisme de la renaturation allant bien au-delà de ce que demande la loi. Hélas, aucun avantage écologique clair ne ressort de telles mesures : on fait varier localement des densités de poissons ou d'insectes aquatiques, des caractéristiques morphologiques du lit, mais c'est loin de représenter une cause prioritaire de protection de la biodiversité.

Cette écologie punitive et bureaucratique dépense l'argent public sans intérêt clair pour l'environnement et contre l'avis des habitants : peut-elle se poursuivre à l'heure où le pays est excédé de ce genre d'excès public? Les habitants de Genay voulant préserver leur cadre de vie devront-ils enfiler à leur tour un gilet jaune pour se faire entendre? Le gestionnaire public n'est-il pas capable de se remettre en question quand il voit l'opposition de la société qu'il est censé servir?

Nous le verrons en 2019.

Vidéo sur les pratiques du SMBVA
Le scandale de la casse de la chaussée de Perrigny-sur-Armançon




A lire en complément
Lettre ouverte aux élus de l'Armançon sur la destruction des ouvrages hydrauliques
Techniques ordinaires de manipulation en évaluation écologique des seuils de moulins

10/11/2018

20 ans après la destruction du barrage de Maisons-Rouges, où en sont les grands migrateurs de la Vienne et de la Creuse?

La destruction du barrage de Maisons-Rouges sur la Vienne a libéré tous les obstacles entre la mer et les stations de comptage de Châtellerault (Vienne) et de Descartes (Creuse). Les quatorze années (Vienne) et onze années (Creuse) de suivi des migrateurs montrent des résultats inégaux, faibles pour le saumon et catastrophiques pour l'alose, avec une tendance déclinante pour la majorité des espèces sur les données et la période  disponibles. Ce qui pose diverses questions : d'où viennent au juste ces tendances? Correspondent-elles aux anticipations de gestionnaire? Que nous savons-nous réellement des déterminants d'abondance des populations piscicoles? Combien veut-on dépenser au juste sur les 100.000 obstacles que comptent les rivières françaises, pour quels services rendus à la société?

Malgré une forte opposition locale, le barrage de Maisons Rouges sur la Vienne, non loin de la confluence avec la Creuse, a été détruit en 1998 dans le cadre du Plan Loire Grands Migrateurs. A l'époque, le coût était de 12 millions de francs (2,6 millions € actuels). Les promoteurs de cette destruction (notamment les fédérations de pêche d'Indre-et-Loire et de la Vienne, le Conseil supérieur de la pêche, l'Union nationale des pécheurs, TOS (association Truite, ombre, saumon), Loire vivante) ont mis en avant le potentiel de recolonisation de la Vienne et de la Creuse par le saumon, alors disparu, l'alose, la lamproie marine, l'anguille.

La station de comptage du barrage de Châtellerault est située sur la Vienne à 270 km de l’estuaire de la Loire, en service depuis 2004. Ce barrage est devenu suite à l’arasement de Maisons-Rouges, le premier ouvrage depuis la mer pour les poissons migrateurs.

L'image ci-dessous montre le comptage de quatre espèces migratrices depuis 2004 sur la Vienne à Châtellerault.


On observe notamment :

  • les très faibles quantités de saumons (moins de 10 individus en général),
  • le déclin catastrophique des aloses,
  • la faible et inégale remontée des lamproies et des anguilles.

La station de comptage du barrage de Descartes se situe sur la Creuse à 260 km de l’estuaire de la Loire, en service depuis 2007. C’est le premier obstacle à la mer sur la Creuse, depuis la fin de Maisons-Rouges.

L'image ci-dessous montre le comptage de trois espèces migratrices depuis 2007 sur la Creuse à Descartes.


On observe notamment

  • les faibles quantités de saumons (autour de 100),
  • le déclin catastrophique des aloses,
  • les quantités inégales, souvent faibles et tendanciellement déclinantes de lamproies marines.

Ces données montrent donc un effet faible pour le saumon, un échec pour l'alose, un succès relatif pour l'anguille et les lamproies, avec des tendances sur 15 ans qui sont déclinantes pour la majorité des espèces. On constate qu'il existe une forte variabilité inter-annuelle, qui n'est plus explicable par la discontinuité en long depuis l'effacement de Maisons-Rouges.

Plusieurs questions se posent pour les gestionnaires :

  • quels étaient les chiffres anticipés dans les années 1990 pour les grands migrateurs de la Vienne et de la Creuse, et ces chiffres sont-ils atteints ?
  • quel a été le coût total des aménagements engagés sur ces axes, depuis les premiers plans migrateurs du milieu des années 1970?
  • pourquoi a-t-on des résultats très inégaux, et mauvais pour certaines espèces?
  • avant de continuer à dépenser des sommes importantes et d'induire des nuisances sociales sur les effacements d'ouvrages hydrauliques, n'est-il pas opportun d'avoir de bonnes explications et des capacités prédictives solides sur les variations des populations de poissons?
  • les services rendus à la société par les grands migrateurs justifient-ils une politique de restauration tous azimuts pour ces espèces spécialisées? 
On aimerait avoir une discussions transparente de ces points, au lieu de l'actuelle autosatisfaction du gestionnaire public martelant la supposée nécessité d'une course en avant sans réel retour critique sur sa politique de restauration de rivière

A lire sur le même thème

19/10/2018

L'intersyndicale EDF demande au gouvernement de préserver les barrages, lacs et usines de la Sélune

Plus de 50 millions € d'argent public dilapidés, des barrages hydro-életriques détruits en pleine transition bas carbone et quand les chercheurs appellent à la mobilisation générale pour le climat, 20 000 riverains ayant refusé de voir disparaître leur cadre de la vie, un cadeau d'un autre âge fait au lobby des pêcheurs de saumon : la destruction des barrages de la Sélune ne passe décidément pas. L'intersyndicale EDF a publié un texte commun demandant au gouvernement de revoir sa copie. Nous le reproduisons ci-dessous. Et nous appelons François de Rugy à abandonner dès à présent ce projet contesté.

«Ce barrage est solide et sa remise en eau, ne pose aucun des problèmes annoncés.» 
(Sous-préfet sur France 3)

L'intersyndicale CFDT, CFE, CGT, FO et UNSA s'oppose toujours à la destruction des barrages de Vezins et La Roche-qui-Boit décidée par Nicolas Hulot, lorsqu'il était encore ministre de la Transition écologique et solidaire (le 14 novembre 2017).

Oui ! redonnez à EDF l'exploitation des seuls poumons verts du sud de la Manche n'est pas utopique dans une période de dérèglement climatique. Quels sont les motivations profondes liées à cette volonté de destruction ? Les machines et les installations sont en bon état, sous réserve de continuer à les entretenir. Mesdames et Messieurs les décideurs en ces temps de développement des Energie renouvelables ne pensez-vous pas qu'il y a d'autres priorités ?

L'intersyndicale estime que l'arasement des barrages hydro-électriques de Vezins et de la Roche qui Boit (GEH Ouest) est absurde au regard de l'état des installations et du besoin de production verte dans le sud du département !

Concernant la sécurité des biens et des personnes Le barrage de Vezins a un rôle d'écrêter les crues. Demain les crues risquent d'être brutales pour les riverains et les entreprises de la vallée de la Sélune.

A force de dogmatismes, dans un second temps ces décisions auront des impacts lourds de
conséquences pour l'emploi dans les territoires.

Les oonséquences éoologiques, économiques et sur l'emploi sont-elles, pleinement et objectivement, mesurées ?

L'étude de classement de la Sélune reste une solution à ré-étudier pour trouver un équilibre entre écologie et production d'électricité verte associée à la gestion de l'eau.

Il est encore temps de redonner aux barrages de la Sélune leur fonction en matière de production d'électricité et de multi-usages de l'eau (gestion des crues, tourisme, agriculture, pêche...).

L'intersyndicale CFDT, CFE, CGT, FO et UNSA continue à combattre ces décisions illogiques et demande la réhabilitation des barrages et des centrales de la Sélune.

12/10/2018

Prime à la casse des moulins dans les programmes des agences de l'eau, ou les mensonges de la continuité écologique "apaisée"

Les agences de l'eau sont en train de voter leur programme d'intervention 2019-2024, c'est-à-dire leur orientation programmatique et financière. Les associations de moulins et riverains sont aujourd'hui exclues des concertations comme des délibérations. Fidèle à son double langage, l'administration en charge de l'eau et de la biodiversité prétend à Paris qu'elle veut une "continuité apaisée", mais persiste dans plusieurs agences de l'eau à donner la priorité économique à la destruction des ouvrages en rivière et à refuser l'indemnisation des travaux prévue par la loi de 2006. Soit un chantage financier contraignant souvent les plus faibles à céder et à détruire le patrimoine. A l'initiative de notre association, avec le soutien national de la FFAM, de la FDMF, de l'ARF, de l'UNSAAEB et l'OCE, une quarantaine d'associations se sont mobilisées pour lancer des appels sur les bassins Loire-Bretagne et Seine-Normandie. Ces associations refusent la prime à la casse des moulins, forges, étangs et barrages.  Face à la mauvaise foi et au dogmatisme de leurs interlocuteurs, elles se concertent aujourd'hui pour organiser les ripostes judiciaires aux dérives administratives. En attendant, les propriétaires et riverains attachés aux ouvrages s'engagent solidairement sur la même position de défense des rivières et de leurs patrimoines: aucun abandon de droit d'eau, aucune proposition remettant en cause la situation légalement autorisée, aucun chantier d'intérêt général sans indemnisation publique. Car tels sont la lettre et l'esprit de la loi française votée par les représentants des citoyens. Une loi exprimant la volonté générale et s'imposant aux dérives illégitimes des bureaucraties comme des lobbies de la destruction. 



Appel Seine Normandie : télécharger (pdf)
Appel Loire Bretagne : télécharger (pdf)

Les signataires représentent des propriétaires, riverains et usagers de l’eau concernés par la continuité écologique en long des rivières.

Dans son 10e programme d’intervention, l’Agence de l’eau Seine Normandie a développé des barèmes systématiquement favorables à la destruction totale ou partielle (arasement, dérasement) des ouvrages hydrauliques plutôt qu’à leur aménagement.

Ce choix contrevient aux textes de loi qui prévoient exclusivement l’aménagement des ouvrages hydrauliques dans le cadre de la restauration de la continuité écologique : aucun texte du législateur français ou européen n’a jamais exigé la destruction des ouvrages hydrauliques.

Rappel des textes

La loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 créant l'article L 214-17 code de l'environnement évoque "Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant."

Ni l'arasement ni le dérasement n'est défini comme solution, l'ouvrage doit être géré, équipé ou entretenu lorsqu'il y a un classement réglementaire de continuité écologique.

Le loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, créant la Trame verte et bleue, énonce dans son article 29 : "La trame bleue permettra de préserver et de remettre en bon état les continuités écologiques des milieux nécessaires à la réalisation de l'objectif d'atteindre ou de conserver, d'ici à 2015, le bon état écologique ou le bon potentiel pour les masses d'eau superficielles ; en particulier, l'aménagement des obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons sera mis à l'étude. Cette étude, basée sur des données scientifiques, sera menée en concertation avec les acteurs concernés."

Là encore, la loi évoque l'aménagement, et non l'arasement. Les députés et sénateurs ont expressément retiré un amendement qui prévoyait d'inscrire la destruction d'ouvrage dans les orientations du législateur pour la Trame verte et bleue

Le Plan d'action pour la sauvegarde des ressources en eau de l'Europe (Blue print) COM/2012/0673 de 2012 édicté par la Commission européenne et notamment relatif à l'application de la DCE 2000  énonce à propos de la continuité en long de la rivière : "Si les évaluations de l'état écologique doivent encore être améliorées, il apparaît que la pression la plus courante sur l'état écologique des eaux de l'UE (19 États membres) provient de modifications des masses d'eau dues, par exemple, à la construction de barrages pour des centrales hydroélectriques et la navigation ou pour assécher les terres pour l'agriculture, ou à la construction de rives pour assurer une protection contre les inondations. Il existe des moyens bien connus pour faire face à ces pressions et il convient de les utiliser. Lorsque des structures existantes construites pour des centrales hydroélectriques, la navigation ou à d'autres fins interrompent un cours d'eau et, souvent, la migration des poissons, la pratique normale devrait être d'adopter des mesures d'atténuation, telles que des couloirs de migration ou des échelles à poissons. C'est ce qui se fait actuellement, principalement pour les nouvelles constructions, en application de la directive-cadre sur l'eau (article 4, paragraphe 7), mais il est important d'adapter progressivement les structures existantes afin d'améliorer l'état des eaux."

Les aménagements non destructifs sont donc présentés comme préconisation de première intention au plan européen également.

En outre, la France s’est dotée d’une doctrine publique de « gestion équilibrée et durable de l’eau », défini par la loi dans l’article L 211-1 du code de l’environnement.

Ce texte établit les principaux enjeux dont il convient de tenir compte s’agissant de l’administration des eaux et mentionne en particulier la nécessité de : préserver la ressource en eau, réduire les pollutions, préserver le patrimoine, développer l’énergie hydro-électrique, l’agriculture et l’irrigation, conserver des réserves d’eau à l’étiage, prévenir les risques d’inondations, protéger les zones humides (dont font partie les canaux, biefs, étangs, plans d’eau, lacs, etc.).

Autant d’enjeux qui plaident en faveur de la conservation des retenues d’eau multi-séculaires formées par les chaussées ou barrages des moulins, étangs, petites usines à eau.

Le choix d’effacement des retenues et biefs avec l’argent public a pour conséquences de :

1-réduire la surface et le volume des masses d’eau, abaisser le niveau des nappes d’accompagnement, détruire les zones humides annexes aux ouvrages, et plus largement aggraver les tensions sur la ressource en eau et les situations d’étiage,
2-aggraver les phénomènes de crue par la perte des fonctions de stockage, diversion, et ralentissement des écoulements,
3-détruire les habitats des milieux aquatiques et rivulaires, donc la biodiversité installée sur les sites,
4-détruire un potentiel de développement de l’énergie hydroélectrique,
5-dégrader la qualité des eaux en augmentant les concentrations de nitrates et dérivés dans les eaux (perte de la fonction d’épuration reconnue des zones lentiques).

Ce choix de l’agence de l’eau entre donc en parfaite contradiction avec les grands enjeux exprimés par l’article L211-1 du code de l’environnement.

Enfin, en refusant de respecter le cadre d’intervention fixé par la loi (gestion, équipement) pour imposer une pression à la destruction par le jeu de financement inégaux et arbitraires, l’agence de l’eau porte une responsabilité majeure dans l’échec de la mise en œuvre de la continuité écologique depuis le classement des rivières de 2012-2013.

En conséquence, nous exigeons que le 11ème programme de l’agence de l’eau :
cesse de financer la  destruction des ouvrages hydrauliques
ouvre le barème maximal de financement (80 %, jusqu’à 100% en programme prioritaire) pour les solutions d’aménagement (vannes, passes, rivières de contournement) correspondant au texte et à l’esprit de la loi.

Les arbitrages de l’agence de l’eau sont inacceptables et entraîneraient l’ouverture de contentieux judiciaires s’ils devaient persister dans le 11ème programme d’intervention 2019-2024.


09/10/2018

Pas de hausse des températures limitée à 1,5°C sans hydro-électricité, selon le GIEC

Le GIEC vient de publier un rapport destiné à éclairer les décideurs et les opinions sur la différence entre un monde réchauffé de 1,5°C et de 2°C par rapport à l'époque pré-industrielle. Ce rapport examine aussi les conditions de réussite d'un objectif de réchauffement limité à 1,5°C (soit seulement 0,5°C par rapport à aujourd'hui). Tous les scénarios qui parviennent à cet objectif incluent une hausse des énergies renouvelables, dont l'hydro-électricité. Le gouvernement français doit stopper immédiatement le choix aberrant de dépenser l'argent public à détruire des barrages et usines hydro-électriques ainsi que des moulins pouvant être relancés.



Dans son nouveau rapport de 400 pages, le Groupe international d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) analyse notre situation climatique. Commandé par l'ONU au moment de l'accord de Paris (2015), ce texte du GIEC doit nourrir le processus de révision des engagements nationaux, qui sera lancé à la COP24 en décembre prochain.

Le rapport du GIEC observe à propos des scénarios qui permettraient de contenir le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l'ère pré-industrielle (chapitre 2, p.53) :

"Vers le milieu du siècle, la majorité de l’énergie primaire provient de combustibles non fossiles (c’est-à-dire les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire) dans la plupart des trajectoires à 1,5 ° C (…)

L'énergie renouvelable (biomasse, hydroélectricité, solaire, éolienne et géothermique) augmente dans toutes les trajectoires à 1,5 ° C, la part d'énergie renouvelable dans l'énergie primaire atteignant 28–88% en 2050, avec une plage interquartile de 49–67% . La magnitude et la répartition entre bioénergie, éolienne, solaire et hydro-électricité diffèrent d'une trajectoire à l'autre."

La France est en retard sur ses objectifs et engagement énergétiques, comme l'avait relevé l'OCDE. Les émissions carbone sont même reparties à la hausse depuis deux ans, malgré les efforts accomplis.

Face à la difficulté et au coût de la transition bas-carbone, on ne peut plus faire comme si nous avions le luxe de négliger des opportunités.

L'énergie hydraulique a de multiples atouts, en particulier la petite hydraulique relancée sur les sites existants :
  • elle a le meilleur bilan carbone de toutes les énergies en région boréale et tempérée, et plus encore quand on restaure des sites anciens (GIEC SRREN Report 2012) ;
  • elle a le meilleur bilan matière première, car sa technologie est simple, concentrée, robuste et à longue durée de vie (Kleijn et al 2011 et Van Der Voet et al 2013).;
  • elle a le meilleur taux de retour sur investissement énergétique (EROEI), c'est-à-dire qu'elle est la plus efficace quand on intègre ce qu'elle consomme et ce qu'elle produit sur toute la durée de vie (Murphy et Halls 2010) ;
  • elle a une forte acceptabilité sociale, car elle n'a pas de nuisance visuelle ou sonore, n'altère pas les paysages, ré-utilise en général des ouvrages existants et est associée à des retenues qui ont de nombreux autres usages sociaux (voir le résultat de la concertation publique PPE 2018) ;
  • elle a une bonne rentabilité économique et coûte moins cher au contribuable (CSPE) que d'autres énergies moins mature (hydrolien, éolien offshore, solaire en petite installation, etc.) ;
  • elle est bien répartie sur le territoire, ne demande pas de développer le réseau très haute tension et permet de produire à proximité de la consommation (moins de perte en distribution) ;
  • elle permet à tout un tissu économique local de se développer pour l'installation et la maintenance des équipements.


Malgré ces évidences, nous assistons à une aberrante politique à contre-emploi en France : la direction de l'eau du ministère de l'écologie et les agences de l'eau encouragent et financent la destruction des ouvrages hydrauliques susceptibles de produire de l'énergie locale et propre. Cela inclut même, comble de l'absurdité, des barrages et usines hydro-électriques en fonctionnement :
Le seul autre pays dans le monde engagé dans une politique de destruction aussi systématique des ouvrages hydrauliques, ce sont les Etats-Unis d'Amérique : la France veut-elle copier en Europe les champions occidentaux des émissions carbone ? 

Cette politique de destruction des seuils et barrages dilapide l'argent public, aggrave le bilan carbone, retarde la transition énergétique en France et nuit à long terme à nos capacités d'adaptation au changement climatique (stockage et régulation de l'eau). Elle doit cesser immédiatement, comme nous en avons fait la demande à François de Rugy. Et comme la commission du débat public sur la programmation pluri-annuelle de l'énergie vient aussi de le rappeler au gouvernement, l'hydro-électricité figure en bonne place dans les énergies dont les Français souhaitent le déploiement.  .

04/10/2018

Les riverains de la Sagne à Cabrerets en lutte pour préserver leur cadre de vie

Sur la Sagne (affluent du Célé), au village de Cabrerets, des centaines d'habitants ont déjà signé une pétition pour déplorer la destruction de leur cadre de vie au nom de la continuité écologique. Partout, des collectifs riverains s'organisent et se plaignent des mêmes maux : manque de concertation, travail en vase clos des bureaucrates de l'eau (syndicats et parcs, agences de bassin, préfectures), refus de débats sincères sur les options, avantages surévalués de la continuité et pertes sous-évaluées du cadre paysager et des services rendus par les écosystèmes aménagés. La continuité ne sera jamais apaisée si l'on méprise ainsi les citoyens et si l'on nie leurs contestations du bien-fondé de certaines mesures n'ayant rien à voir avec l'intérêt général.



Extrait de la pétition :

Sans contester la validité du projet dans son ensemble, les habitants de la commune souhaitent néanmoins attirer l'attention des décideurs sur un certains nombres d’éléments regrettables dans la prise en compte de leur avis  sur ce projet et leur manque d’information.

Une association a été créée et  l'urgence est là, les travaux ont commencé et sans réaction des acteurs que sont la mairie de Cabrerets, Syndicat Mixte de La Rance et du Célé et la préfecture du Lot, les bassins et les ouvrages tant appréciés des habitants de la commune et des nombreux touristes passant dans le village seront détruits.

Ainsi nous déplorons :

- La suppression des seuils artificiels mis en place sur le linéaire du village dont une gestion simple, qui a fait ses preuves sur du long terme, permettait de former et maintenir des bassins dans la traversée du bourg sans compromettre l’écoulement de l’eau pendant les crues. Au contraire ces petites retenues diminuent les risques en  atténuant l’effet de canalisation du cours d’eau sur un segment à forte pente. De même, la continuité écologique de la Sagne n’a jamais été compromise par ces seuils de faible hauteur comme en témoigne la présence des espèces piscicoles en amont. Au contraire, la présence de petits bassins permet d’assurer une continuité temporelle du ruisseau profitable à la faune et à la flore.
De plus, ces bassins offrent un agrément en période estivale et justifient la présence des lavoirs. De plus, ces bassins offrent un agrément en période estivale et justifient la présence des lavoirs.

La commissaire enquêtrice dans son rapport approuve la sauvegarde des seuils ou d’une partie de ces seuils « en proposant de nuancer le projet de disparition systématique des six seuils bâtis qui ont faute d'entretien favorisé l'accumulation du tuf et en envisageant la conservation technique de tout ou partie de ces seuils ».

- La destruction de la passerelle d’accès au restaurant « La Roue » qui nuit au bon fonctionnement de l’activité de restauration de madame Delvit. La proposition alternative pour cet accès paraît dangereuse du fait que la nouvelle rampe débouche sur la route principale du bourg particulièrement passante en période estivale. Sans compter que cet aménagement réduit son espace commercial et que ce dernier a un coût élevé.

- L’absence de garantie quant à l’efficacité des travaux comme le stipule la réponse aux questions de l’enquête publique : « l’arasement des seuils, comme l’ensemble du projet ne permet pas d’éviter le débordement d’une crue décennale dans le bourg. » . 

- D’une manière plus générale, le manque de concertation avec les habitants de la commune sur le projet et la non prise en compte de la mémoire des « Anciens » en ce qui concerne l’entretien de la Sagne dans le bourg. Par exemple, les derniers travaux de curage réalisés en 1991 auraient pu servir de référence, d’autant plus que l’entrepreneur demeure dans notre commune.

Signez la pétition en solidarité des riverains de la Sagne

Illustration : la Sagne à Cabrerets par Torsade de Pointes — photographie personnelle, domaine public 

A lire sur le bassin du Celé :
Quand les alevinages des pêcheurs influencent davantage la génétique des poissons que les ouvrages hydrauliques (Prunier et al 2018)
Diversité génétique et fragmentation des rivières (Blanchet et al 2010, Paz-Vinas et al 2013, 2015) 

02/10/2018

Un recours des riverains ? Vite, cassons l'ouvrage pour rendre la situation irréversible...

Nous avions signalé une destruction non autorisée d'ouvrage hydraulique dans les Pyrénées-Atlantique, faite sur simple déclaration malgré plus de 400 m de profil en long modifiés. Alors que les parties prenantes ont été informées et que des recours sont déposés sur les autres chantiers problématiques, la fédération de pêche de ce département se hâte de détruire les ouvrages afin de rendre irréversible la situation. Une habitude apparemment pour ce lobby si bien intégré dans l'appareil d'Etat qu'il a toute confiance dans la protection et la compréhension des services préfectoraux à son endroit. C'est au tour de la chaussée Kaskoin Karrika d'être détruite. Vous avez dit "continuité apaisée" ? Subir un pouvoir arbitraire est déjà peu supportable. Subir un pouvoir arbitraire qui se prétend ouvert et conciliant dans sa propagande ne l'est plus du tout. La continuité écologique est en train de donner une image catastrophique des politiques publiques de l'environnement.

27/09/2018

Pêcheurs et préfets sont-ils capables de respecter l'état de droit en matière de continuité? Casse à Louhossoa

Le seuil de Apeztegia à Louhossoa (Pyrénées-Atlantiques) a été ébréché à peine quelques jours après la parution de l'arrêté préfectoral (signé le 13 septembre 2018), sous maîtrise d'ouvrage de la fédération de pêche, sans même attendre le délai d'opposition à l'arrêté (4 mois). Problème : l'étude préalable montrait que le chantier modifie 445 m de rivière. Dans le droit français (article R 214-1 code de l'environnement), un tel changement du milieu (plus de 100 m de profil en long) impose une procédure d'autorisation avec enquête publique. L'administration ne saurait l'ignorer puisque le tribunal administratif de Pau vient de condamner le ministère de l'écologie pour avoir négligé cette disposition bien connue de tout pétitionnaire de chantier en rivière. Mais ici, le préfet a passé outre et autorisé la destruction sur la base d'une simple déclaration. Comme pour l'étang de Bussières, où une double procédure pénale et administrative est engagée. Le gouvernement lance un plan pour une continuité prétendument "apaisée", mais son administration persiste à valider n'importe quelle dépense publique et n'importe quelle entorse au droit commun de l'eau. C'est lamentable et en guise d'apaisement, ce double langage ne fait qu'accroître l'exaspération des riverains. Un recours sera déposé pour cesser les autres opérations prévues dans les Pyrénées-Atlantiques. 

L'ouvrage ébréché :


L'extrait du document d'incidence montrant les 445 m d'impact :


Sur le seuil d'Inchaya faisant partie du même lot analysé de 7 ouvrages, le bureau d'études observait dans le rapport de préparation du chantier qu'une modification de plus de 100m (ici 135 m) implique une autorisation (a fortiori pour 445m sur le seuil d'Apeztegia, mais le préfet a de toute façon ignoré ces obligations sur tous le seuils concernés par son arrêté) :

22/09/2018

Zéro perte de linéaire, berge et diversité en rivière? Les fonctionnaires de l'écologie nagent dans leurs contradictions

Les hauts fonctionnaires du ministère de l'écologie appellent à des mesures de compensation pour tout chantier affectant les milieux aquatiques et humides, en particulier le linéaire en eau, ses berges, la capacité productive du milieu. Problème : les mêmes fonctionnaires exigent une application dogmatique de la continuité écologique avec préférence à l'effacement qui, dans de nombreux cas, amène à assécher des centaines de mètres de biefs et zones humides annexes, à faire crever la végétation riveraine, à diminuer la productivité biologique de plans d'eau et à réduire la capacité d'accueil de la biodiversité locale. Il faut donc désormais rappeler aux préfets et aux établissements porteurs de projets d'effacement ce qu'exige le ministère: la disparition d'un milieu en eau doit être évitée sinon compensée.  

La direction de l'eau et de la biodiversité a participé en 2017 à un colloque sur les mesures compensatoires quand un environnement aquatique ou humide est altéré par un chantier (Dimensionnement de la compensation écologique des cours d’eau, Bron, septembre 2017). Les hauts fonctionnaires ont exprimé leur "doctrine".



Voici deux diapositives intéressantes où les hauts fonctionnaires exposent certains points à la vigilance des préfets.


Le problème : ces mêmes hauts fonctionnaires ont donné la préférence à la destruction systématique des ouvrages d'hydraulique ancienne au nom de la continuité écologique, cela pour divers motifs (parfois une stratégie sincère pour améliorer la situation de grands migrateurs comme le saumon ou l'anguille; plus souvent la soumission au lobby des pêcheurs de salmonidés et à des ONG minoritaires défendant une vision radicale de la conservation, ainsi que la démission de la puissance publique faute de moyens, avec volonté de se débarrasser d'ouvrages dont il faut assumer le suivi réglementaire).

Or cette politique de destruction des ouvrages, biefs, canaux et plans d'eau a de nombreux effets négatifs sur l'environnement local, au regard même des différents motifs de compensation écologique que le ministère reconnait et rappelle aux préfets. Il est en effet courant que les opérations de destructions d'ouvrages fassent disparaître des centaines voire des milliers de mètres d'annexes latérales en eau (bief) et de leurs abords humides, particulièrement en tête de bassin où des milliers d'ouvrages anciens (étangs, moulins) sont concernés.


Exemple des conséquences de destructions d'ouvrages en lit mineur : la rivière se trouve réduite à un chenal unique car tout le réseau latéral des biefs et zones humides alimentés par ces biefs sera à sec à terme. De tels chantiers font perdre du linéaire d'écoulement et de berge, donc de la productivité et de la diversité biologiques pour les milieux aquatiques et humides. En tête de bassin, ces chantiers ne sont généralement réputés favorables à la biodiversité qu'en raison de la focalisation sur certaines espèces halieutiques comme la truite, intéressant en réalité des usagers de la rivière (lobbying des pêcheurs et de leurs fédérations). 

Les chantiers de destruction d'ouvrages hydrauliques, lorsqu'ils concernent des étangs ou des chaussées / barrages produisant des biefs d'intérêt avec des berges boisées, ont donc des impacts qu'il conviendrait de compenser, si l'on reprend la nomenclature proposée par le ministère:
  • perte de linéaire de cours d’eau,
  • perte de linéaire de berges naturelles,
  • modification des écoulements souterrains, des échanges nappe/cours d’eau,
  • déconnexion du chenal principal avec ses annexes hydrauliques, rupture ou altération de la continuité écologique latérale,
  • modification ou diminution localisée de la capacité d'accueil du cours d'eau pour la flore et la faune : réduction de la richesse spécifique, modification de la diversité des peuplements et/ou baisse de la productivité.

Lors des préparations de dossier, enquêtes publiques et contentieux judiciaires concernant des effacements d'ouvrages hydrauliques, nous appelons les riverains ou leurs associations à opposer ces points au pétitionnaire qui détruit ou assèche des plans d'eau et des biefs avec toute la perte de productivité biologique que cela implique.

Comment procéder ?
  • Les éléments en eau (et leur berge) appelés à disparaître sont photographiés et cartographiés par les riverains, avec autant que possible documentation de la biodiversité observée (arbres et plantes, insectes, amphibiens, oiseaux, poissons, etc.).
  • Un rapport est publié avec une demande formelle soit de respect des milieux en place, soit de description des compensations à hauteur de ce qui sera détruit, sous forme de courrier à adresser à 4 interlocuteurs : service instructeur DDT-M (courrier recommandé); service instructeur AFB (courrier simple) ; pétitionnaire maître d'ouvrage du chantier (syndicat, parc, fédé pêche, etc.) (courrier recommandé) ; élus locaux sur le territoire du chantier (courrier simple). 

Si l'administration et le pétitionnaire se refusent à éviter ou compenser les destructions opérées, le cas doit être porté en justice : requête en annulation de l'arrêté préfectoral autorisant les travaux malgré l'absence de compensation. Contacter notre association pour des modèles de contentieux.

Référence à citer : Direction de l'eau et de la biodiversité (MTES) (2017), Mesures compensatoires cours d’eau, réglementation, doctrine, 28 p. Egalement disponible à ce lien.

12/09/2018

7500 propriétaires et riverains d'ouvrages hydrauliques menacés interpellent François de Rugy

En juin dernier, l'association Hydrauxois lançait une lettre-pétition au ministre de l'écologie pour cesser la politique publique de destruction des moulins, forges, barrages, étangs en France. Plus de 7500 propriétaires et riverains de ces ouvrages ont répondu à l'appel. Ils disent à François de Rugy leur désarroi, leur indignation et leur colère face à l'attitude de son administration, leur refus de voir disparaître le patrimoine de la rivière et leur attente des solutions promises par l'Etat lors du vote de la loi de 2006. Nous reproduisons ci-dessous cet appel et la lettre d'accompagnement envoyée au ministre. Les parlementaires en recevront copie. Nous demandons à nos lecteurs et associations correspondantes de saisir eux aussi leurs parlementaires en les informant de cette démarche et des problèmes sur chaque rivière, afin que le ministère de l'écologie mette fin sans délai aux dérives observées depuis le classement des rivières.



Monsieur le Ministre d’Etat

Recevez d’abord toutes nos félicitations et tous nos encouragements pour votre nomination à la direction du ministère de la Transition écologique et solidaire. Les défis de cette transition sont immenses, les réponses à ces défis sont complexes : votre engagement d’une vie sur la question n’est pas de trop pour vous guider dans cette tâche.

En juin dernier, notre association a lancé une lettre-pétition pour stopper la destruction des ouvrages en rivières (moulins, forges étangs barrages) : en l’espace de 3 mois, 7588 propriétaires et riverains de ces ouvrages ont signé cet appel. Nous vous écrivons en leur nom et nous reproduisons l’appel en post scriptum de ce courrier.

En janvier dernier, votre prédécesseur M Nicolas HULOT avait déjà reçu un appel à moratoire sur les destructions d’ouvrages signés par 1392 élus dont 36 parlementaires, 514 personnalités du monde économique, artistique, technique et scientifique, 349 associations représentant 110.000 adhérents directs.

M. HULOT et son cabinet n’avaient pas jugé nécessaire d’entendre les porteurs de cet appel.

Pourquoi une telle émotion ? Pourquoi un tel mouvement dans tous les territoires ? Pourquoi une telle division là où l'écologie devrait nous rassembler ?

Les propriétaires et riverains vous demandent de stopper les dérives que l’on observe aujourd’hui au bord de nos cours d’eau :

  • Des centaines de millions € d’argent public dépensés pour détruire au lieu d’aménager les ouvrages 
  • Des choix de liquidation de centrales hydro-électriques ou de sites à potentiel de production renouvelable totalement contraires à nos objectifs de transition bas carbone ni fossile ni fissile
  • Des lacs, étangs, plans d’eau, canaux, zones humides vidés, asséchés, détruits avec toute leur biodiversité, dans des opérations où le vivant est sacrifié aux seuls poissons migrateurs, cela bien souvent pour des motifs paraissant davantage halieutiques qu’écologiques


Les propriétaires et riverains vous demandent aussi – et nous savons toute votre sensibilité à l’équilibre des pouvoirs – que l’administration placée sous votre tutelle respecte davantage l’esprit et la lettre des lois que les parlementaires ont rappelé à de nombreuses reprises depuis 7 ans :

  • jamais la loi française et jamais les directives européennes n’ont demandé la destruction des ouvrages au nom de la continuité écologique et de la trame bleue, c’est la gestion et l’aménagement qui sont attendus, pas l’effacement ;
  • la « gestion équilibrée et durable » de l’eau inscrite dans la loi ordonne au nom de l’intérêt général que la continuité écologique respecte les autres enjeux, comme l’hydro-électricité, l’irrigation, la préservation de l’eau face au changement climatique, le patrimoine historique, culturel et paysager


Aussi nous ne pouvons plus accepter que des représentants de l’administration (DREAL, agences de l’eau, DDT-M, AFB) affirment encore en 2018 aux maître d’ouvrages communaux ou particuliers que seul l’effacement pur et simple des sites est d’intérêt public, et subventionné à hauteur de ses coûts inaccessibles. Cette distorsion de la lecture de la loi a induit une terrible crise de confiance dans la neutralité et l’objectivité de l’action publique portée par votre ministère sur ce volet précis de l’action en rivière.

Un dernier point qui explique le désarroi des riverains : en 2006 lors du vote de la loi sur l’eau, l’Etat s’était engagé à indemniser les sommes considérables que représentent les dispositifs de franchissement de type passes à poissons. Aujourd’hui, l’Etat renie sa parole et refuse d’appliquer les dispositions prévues dans le code de l’environnement. Le blocage est évidemment complet, des particuliers ou des petits exploitants ne peuvent tout simplement pas engager des dizaines à centaines de milliers € pour des dispositifs servant au bien commun, représentant déjà une servitude de surveillance et entretien.

Les ouvrages hydrauliques sont des atouts pour le vivant, pour la société, pour le territoire : nous sollicitons donc de votre sagesse un engagement à les protéger et à engager une continuité écologique positive, fondée sur des solutions financées qui améliorent le transit sédimentaire et piscicole là où c’est nécessaire de le faire, sans altérer le cadre de vie des riverains, la production énergétique, l’équilibre des milieux en place.

La sécheresse et la canicule 2018 ont encore montré la fragilité de la ressource en eau, et nous savons tous que les prévisions pour ce siècle sont pessimistes : le destin des ouvrages qui retiennent cette eau précieuse dans nos vallées depuis des décennies et parfois des siècles mérite toute votre attention. C’est aussi un engagement devant l’histoire, et pour les générations futures.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre d’Etat, l’expression de nos sentiments respectueux.



Appel
7588 riverains et propriétaires
refusent de détruire leur ouvrage hydraulique

Monsieur le Ministre d’Etat,

Votre administration en charge de l’eau a engagé en 2009 un plan d’action pour la restauration de continuité écologique des cours d’eau, et procédé en 2012-2013 au classement à cette fin de nombreuses rivières.

Plus de 20 000 ouvrages hydrauliques sont concernés en France.

Nous sommes propriétaires ou riverains d’ouvrages hydrauliques d’intérêt : moulins, forges, anciennes usines à eau, étangs, plans d’eau communaux.

Nous acceptons bien sûr de participer à l’amélioration des conditions de vie des poissons migrateurs menacés. Mais cette politique doit respecter les autres dimensions de la gestion équilibrée des rivières et de l’intérêt général au sein des territoires.

Nos ouvrages et leurs annexes ont ainsi de multiples atouts : agrément paysager, patrimoine historique, production énergétique, régulation hydrologique des crues et étiages, usages locaux, biodiversité des milieux lentiques, rives et zones humides.

Ces atouts ont été reconnus et maintes fois rappelés par les députés et sénateurs.

Nous constatons que ces atouts sont trop souvent niés, ignorés ou minimisés par l’administration en charge de l’eau, dont les priorités vont à la destruction des sites et au refus de financer à hauteur suffisante les aménagements « doux » de continuité (vannes, passes à poissons, rivières de contournement). 

Par la présente, nous sommes dans l’obligation de vous signifier que :

- nous déplorons la manière biaisée dont vos services instruisent la continuité écologique des cours d’eau,

- nous refusons de détruire les ouvrages hydrauliques dont nous sommes propriétaires ou riverains,

- nous contesterons si nécessaire en justice les pratiques de vos services si elles devaient persister dans le sens actuel d’une pression systématique à la destruction et d'une méconnaissance des atouts locaux des ouvrages, alors que ni les lois françaises ni les directives européennes n'ont prévu cette issue.

La continuité écologique agressive et destructrice n’est plus acceptable et n'est plus acceptée, comme l’ont déjà reconnu les rapports parlementaires et les audits administratifs de cette réforme.

Nous vous demandons en conséquence de mettre en œuvre une continuité écologique positive, fondée sur le respect des patrimoines naturel et culturel ainsi que sur la valorisation des sites.

07/09/2018

Dépenser 1 million d'euros pour casser une usine d'hydro-électricité très bas carbone?

Scandale à Pont-Audemer : l'Agence de l'eau Seine-Normandie envisagerait d'engager plus d'un million € d'argent public pour casser une usine hydro-électrique en état de fonctionnement. On marche sur la tête, alors que nous sommes très en retard sur nos objectifs d'électricité renouvelable ni fossile ni fissile. Le ministère de l'écologie doit ordonner à ses fonctionnaires de cesser cette gabegie contraire aux priorités de la France dans la transition  énergétique, et manifestement opposée à l'intérêt général. Les seuls bénéficiaires sociaux de ces mesures sont le lobby des pêcheurs de salmonidés qui, en Normandie, fait pression sur les services de l'Etat pour détruire tous les ouvrages. Mais on peut faire migrer des poissons sans effacer les seuils et barrages. Nicolas Hulot avait constaté que  notre maison brûle et que nous ne faisons rien : c'est pire en réalité, puisque l'Etat dépense des sommes et des efforts considérables pour détruire ou pour empêcher l'équipement du potentiel bas-carbone des rivières françaises. 


L'affaire est rapportée par le site Paris-Normandie. Le maire de la ville explique ainsi : "Je ne suis pas un spécialiste de la remontée des espèces, j’ai donc suivi les recommandations de l’Agence de l’eau en ce qui concerne les aménagements à prévoir pour rétablir la continuité écologique de ce que l’on appelle le nœud de la Risle. La ville est désormais propriétaire de ce barrage et n’a pas déboursé un seul centime. En effet, l’Agence de l’eau a financé, à 100 %, le rachat et les aménagements qui sont prévus".

Mais en fait, depuis 5 ans, les fonctionnaires de l'Agence de l'eau Seine-Normandie exercent un chantage financier à seule fin de mener un programme idéologique : détruire le maximum d'ouvrages. Un programme qui est soutenu en Normandie par le lobby des pêcheurs de saumons et truites de mer, seuls réels bénéficiaires sociaux de ces mesures (voir leur bilan sur la Touques,  leurs dérives sur la Dives, leur rôle dans la casse des barrages de la Sélune).

Richard Rodier co-signataire d’un courrier adressé la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l’Eure avec une copie adressée au préfet et au sous-préfet de l’Eure, n'est pas du tout d'accord avec cette vision :

"contrairement à ce que l’Agence de l’eau indique pour faire voter la subvention qu’elle octroie à la ville et faire disparaître la turbine, aucun comité de pilotage n’a jamais décidé d’effacer le barrage, bien au contraire. Lors du comité de pilotage n°10, il a été simplement décidé de choisir le meilleur scénario en tenant compte du potentiel électrique qui doit absolument être conservé. Cette interprétation est très grave car ce mensonge présenté dans le dossier remis à la commission des aides a permis de débloquer 1,2 M€ ».

Selon le rapport du CGEDD 2016 sur les problèmes de la continuité écologique, l'agence de l'eau Seine-Normandie a déjà engagé la destruction de 75% des ouvrages hydrauliques dans les dossiers de continuité qu'elle a traités. Ce comportement est le symptôme d'une scandaleuse dérive de ses fonctionnaires : la loi n'a jamais demandé la disparition des ouvrages et la loi considère que la continuité écologique doit se rendre compatible avec l'intérêt général c'est-à-dire avec une "gestion durable et équilibrée" de l'eau, incluant les sources d'énergie bas-carbone.

Avec ses consoeurs, notre association va porter en cette rentrée une motion contre les pratiques injustifiables de l'agence de l'eau. Nous souhaitons que chaque lecteur observant ces pratiques en informe systématiquement son député et son sénateur, en leur demandant expressément de saisir du problème le ministre de l'écologie, François de Rugy. Les mesures doctrinaires et arbitraires de l'administration de l'eau cesseront quand elles seront clairement condamnées par le ministre de tutelle. Les citoyens n'ont plus à accepter la destruction du patrimoine hydraulique et du potentiel énergétique des rivières françaises au service de quelques idées extrémistes, minoritaires et déjà condamnées à de nombreuses reprises par les parlementaires.

Illustration : la Risle à Pont-Audemer, JacoNed travail personnel, CC BY-SA 3.0

27/06/2018

Destruction du seuil, de la retenue et de la chute de Perrigny-sur-Armançon

Le 26 juin 2018, en quelques heures, la chaussée du moulin de Perrigny-sur-Armançon a disparu sous les coups de la pelle mécanique, avec elle la chute et la retenue qui agrémentaient le cadre de vie du village depuis le XIXe siècle. Telle est la triste issue où mènent les idées folles que propagent des intégristes et qu'exécutent des arrivistes. La destruction précipitée et forcée des ouvrages est une page honteuse de l'histoire de nos rivières. Arrêtons cette dérive.


L'enquête publique sur le premier arrêté de 2016 avait conclu à l'absence d'intérêt écologique et à l'absence d'intérêt général du projet. Et pour cause : la chute était modeste, les relevés piscicoles ne démontraient pas d'impact majeur, l'analyse morphologique du bassin n'avait pas conclu à un déséquilibre notable, l'endroit était charmant. Outre que la rivière Armançon est fragmenté de barrages beaucoup plus importants et sans projet, mais aussi polluée et soumise à des sécheresses parfois sévères, ce qui inquiète davantage les riverains.

Mais ce chantier est caractéristique de la routine dogmatique des effacements d'ouvrage en France : on le fait car il y a un diktat du ministère de l'écologie, une obéissance sans esprit critique des rouages administratifs et des syndicats, un budget de l'agence de l'eau ayant toujours de l'argent public à gâcher sur les modes du moment, quelques élus locaux prêts à tirer la gloriole d'une soi-disant "restauration de la rivière" alors que les causes majeures de sa dégradation ne sont pas modifiées. Les mêmes faisaient le contraire 40 ans plus tôt, en aménageant à l'époque lourdement les cours d'eau et en affirmant déjà que leurs travaux étaient tout à fait indispensables au bien commun. Bêtise et vanité...

A Perrigny-sur-Armançon, l'association Hydrauxois avait requis l'annulation de l'arrêté de 2016 et la préfecture de l'Yonne avait préféré retirer le texte, obtenant un non-lieu devant la justice. Mais un autre arrêté a été promulgué en novembre 2017, cette fois sans enquête. Bel exemple du déni démocratique massif entourant la question des ouvrages hydrauliques : pourquoi donc entendre les citoyens, puisqu'ils refusent de penser comme l'Etat exige qu'ils le fassent? Si cette "écologie"-là se croit un avenir, elle se trompe.

L'association Hydrauxois appelle les propriétaires et riverains de l'Armançon à exprimer leur désapprobation au SMBVA, aux élus et aux administratifs. Ainsi qu'à s'engager à ses côtés sur tous les autres projets en cours où la destruction est encore proposée comme option, en attendant que des choix nationaux mettent éventuellement fin à cette version absurde, destructrice et coûteuse de la continuité écologique.

20/06/2018

La justice confirme qu'un effacement d'ouvrage relève de l'autorisation dès que plus de 100 m de rivière sont modifiés

Pour aller plus vite dans leur entreprise de destruction à la chaîne des ouvrages hydrauliques, certains maîtres d'ouvrage et certaines administrations ont tenté de faire passer des chantiers sous le régime de la simple déclaration. Cela évite notamment d'étudier les milieux que l'on s'apprête à altérer et de faire une enquête publique pour entendre l'avis des riverains. Le tribunal administratif de Pau vient de confirmer en première instance que cette pratique est illégale dès que plus de 100 mètres du profil en long ou en travers d'un cours d'eau sont modifiés en conséquence d'un chantier. L'association Hydrauxois avait soulevé le problème voici déjà 2 ans et demi. Elle a depuis saisi plusieurs administrations et deux tribunaux de cette mauvaise pratique, dans Yonne, dans l'Ain, en Moselle et en Savoie. Toutes les associations de moulins, riverains, protection des patrimoines naturel et culturel doivent être vigilantes, en signalant au préfet et si nécessaire au juge les chantiers non règlementaires.



Dans l'affaire jugée à Pau, un récépissé est délivré le 31 juillet 2015 par le préfet des Pyrénées-Atlantiques suite à la déclaration déposée par la société du moulin de Chopolo en vue de la réalisation de travaux d'arasement du barrage du moulin du Bourg, et de la construction d'une passe à poisson sur le barrage de la centrale hydroélectrique du moulin de Chopolo, à Ustaritz.

L'association Ustaritz défense environnement demande de l'annuler, en même temps que l'arrêté du 30 octobre 2015 par lequel cette même autorité préfectorale a fixé des prescriptions complémentaires concernant l'arasement du barrage du moulin du Bourg.

L'association soutient que l'arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que les travaux projetés sont soumis à autorisation au titre des articles L. 214-1 et L. 214-6 du code de l'environnement.

Le juge retient ce motif, observant que les travaux d'arasement modifient plus de 100 m de rivière, un tel chantier demandant une autorisation et non une simple déclaration :

"Considérant qu'il résulte notamment des cartographies, du formulaire de demande déposé par la société du moulin de Chopolo et de l'arrêté attaqué, que si les travaux d'arasement de l'ancien canal du moulin du Bourg ne portent que sur un linéaire de 10 m, les travaux d'arasement du seui l du moulin du Bourg prévoient un abaissement de ce seuil, passant de la cote 6,50 m NGF environ à la cote 4 m NGF sur une longueur de 130 m ; que le procès-verbal de constat d'huissier d"ll11juin 2016 produit par l'association requérante, a relevé une longueur du seuil égale à 116,7 m ; qu' ainsi, les travaux relatifs au récépissé et à l'arrêté attaqué ont pour effet de modifier le profil en travers du lit mineur de la Nive sur une longueur supérieure à 100 m; que, dès lors, en application de l'article R. 214-1 du code de l'environnement , ces travaux relevaient non pas du régime de la déclaration, mais de celui de l'autorisation ; que, par suite, le récépissé et l'arrêté attaqué sont entachés d'erreur de droit."

Par ailleurs, le juge retient aussi l'unité des opérations :

"si l'arrêté attaqué comporte différents travaux, soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature définie à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, ils ont été présentés par la même société et concernent le même milieu aquatique de la Nive de telle sorte qu'ils doivent être regardés comme une seule et même opération".

Conclusion : les destructions d'ouvrages hydrauliques sont des chantiers à part entière, et dès lors qu'ils modifient plus de 100 m de profil en long ou en travers, détruisent plus de 200 m2 de frayères, ou encore assèchent des zones humides supérieures à 1 ha, il faut un dossier complet d'autorisation. Ce point doit attirer la vigilance de tous les riverains, car certains maîtres d'ouvrages et certaines administrations de l'eau oublient parfois ces prescriptions, faisant passer la destruction de sites sous le régime de simples déclarations.

Source : jugement du 19 décembre 2017, tribunal administratif de Pau, n° 1502509

A lire en complément
Pourquoi tout chantier doit faire l'objet d'une autorisation et d'une enquête publique s'il modifie plus de 100 m de rivière 

Illustration : l'ouvrage de Belleydoux sur la Semine a commencé à être démonté en 2016 sur simple déclaration, alors que le dossier du porteur (PNR du Haut Jura) attestait d'une influence sur plus de 400 m de rivière. La préfecture a validé cette déclaration simple malgré le recours motivé de notre association. Le dossier est en contentieux.

06/06/2018

L'agence de l'eau Seine-Normandie a déjà engagé 45,6 millions € pour détruire lacs et barrages de la Sélune

Notre association a finalement obtenu la communication des décisions de financement de l'agence de l'eau Seine-Normandie relatives aux barrages de la Sélune. Il en ressort qu'entre 2012 et 2018, l'agence de l'eau a engagé plus de 45 M€ d'argent public pour effacer les ouvrages hydrauliques. Cette somme finance un projet consistant à détruire contre l'avis des 20.000 riverains deux barrages en état de produire de l'hydro-électricité, qui servent également de réserve d'eau potable, de lieux de loisir et de ralentisseurs de crue, tout en évitant l'arrivée d'eaux polluées dans la baie du mont Saint-Michel. Cette gabegie incroyable et ce mépris des habitants sont un cadeau fastueux au lobby des pêcheurs de saumon et à quelques intégristes minoritaires des rivières sauvages, dont l'objectif affiché depuis 30 ans est de détruire le maximum de barrages en France. En plein transition énergétique bas-carbone et alors que l'action publique manque de moyens, Nicolas Hulot laisse faire voire encourage cette absurdité. Le gouvernement a-t-il toute sa lucidité sur ce dossier? Pourquoi tient-il un double discours sur la nécessité d'abandonner les grands projets qui divisent à Notre-Dame-des-Landes mais pas sur la Sélune, renouant avec la duplicité usuelle des dirigeants dont les citoyens sont si las? Le président mesure-t-il l'image donnée, quand il avait promis aux Français un usage juste, intelligent et modéré de la dépense publique? Quand on rogne sur les investissements d'accessibilité des personnes handicapées mais qu'on dépense ainsi à vannes ouvertes sur l'accessibilité des saumons?  Il est temps de stopper cette folie héritée des dérives antérieures de la continuité écologique, folie qui est combattue sur le terrain comme devant les tribunaux.


Pour l'ouvrage de Vézins (Etat maître d'ouvrage), le 16 janvier 2012, l'agence de l'eau Seine-Normandie a signé une convention d'étude préalable à l'effacement (sous forme d'un fond de concours) et une première convention d'aide financière.

Le versement de 1 million € (M€) a eu lieu en deux fois en juin et octobre 2012.

Le 11 février 2014, un second fond de cours a été décidé par l'agence de l'eau pour la poursuite des travaux préalables à l'effacement, suivi le 3 mars 2014 par une autre convention d'aide financière.

Les sommes versées ont cette fois atteint 25 M€ (en juillet 2014 et en juillet 2016).

Pour l'ouvrage de La Roche-qui-Boit (EDF maître d'ouvrage), la commission des aides a donné un avis favorables pour 4 subventions de 38148 €, 94850 €, 19964 €, 392080 €, correspondant à des travaux de préparation du démantèlement du barrage et de l'usine.

Cela représente 545.042 € (0,5 M€).

Enfin en février 2018, l'agence de l'eau Seine-Normandie a décidé de verser :
- un troisième fond de concours à l'Etat pour un montant de 13,5 M€,
- une subvention à EDF de 5,553 M€.

On atteint donc déjà au total la somme exorbitante de 45,598 millions € dépensés pour détruire les barrages et les lacs de la Sélune.

Ces sommes ne prévoient aucune compensation ni aucun projet de substitution dans la vallée défigurée — l'Etat laisse aujourd'hui entendre que ce sera à charge des collectivités locales, qui sont désargentées et n'ont nulle somme importante à investir dans le cloaque que laisseraient les travaux.

La bureaucratie de l'eau dilapide ainsi l'argent public pour effacer des barrages qui
  • produisent une énergie bas carbone,
  • ralentissent les inondations de la vallée aval,
  • forment la principale réserve d'eau potable locale,
  • nourrissent les activités socio-économiques autour des lacs,
  • protègent la baie du Mont-Michel des pollutions.
Mais pourquoi, diront ceux qui découvrent le dossier ?

Cette dépense a pour objectif principal la présence de 1300 saumons supplémentaires alors même que cette espèce circule déjà dans tous les fleuves de la baie du Mont Saint-Michel, dont la Sélune aval. Cette quantité (hypothétique) de salmonidés est remarquablement faible par rapport au coût et aux standards de projets de cette ampleur dans le monde, où ce sont plutôt des centaines de milliers de migrateurs qui sont le cas échéant concernés. L'enjeu écologique est ici assez secondaire, d'autant que la zone amont des barrages est dégradée, sans budget disponible pour la restaurer à ce jour. De plus un repreneur industriel a proposé dans son projet de tester sur 30 ans un transport des saumons vers l'amont, comme cela se pratique en France et dans certains fleuves à saumon dans le monde (voir par exemple Kareiva 2017 sur la Snake River, où le déclin du migrateur a été conjuré). Enfin, un nombre croissant de chercheurs appellent à la prudence sur la gestion des barrages en situation de changement climatique (voir Beatty et al 2017).

Ce grand projet inutile et imposé est principalement un cadeau fait au lobby des pêcheurs et à quelques intégristes des rivières sauvages, cadeau se payant par le sacrifice du cadre de vie de 20 000 riverains ayant dit leur opposition à la casse lors d'une consultation.

En septembre 2018 se tiendra la fête annuelle des barrages. Nous appelons tous ceux qui le peuvent à converger vers la Sélune pour dire leur opposition à cette folie sur le terrain, comme cela est déjà engagé devant les tribunaux.

Image : une rupture de digue lors de la vidange de 2017, DR.

02/06/2018

Tombeau du patrimoine: une lettre à Stéphane Bern en défense des moulins, forges et étangs que l'Etat français détruit

On entend beaucoup parler du loto du patrimoine, mis en place par Stéphane Bern à la demande d'Emmanuel Macron, en vue d'aider à financer la sauvegarde du patrimoine en péril. Mais qu'en est-il du petit patrimoine rural et technique, qui a accompagné au cours des siècles le développement de nos provinces et qui forme aujourd'hui encore le paysage de ses vallées? Luc Lefray, Marie-Geneviève Poillotte, Pierre Potherat (Société mycologique du Châtillonnais) et François Poillotte (Société archéologique et historique du Châtillonnais) attirent l'attention de Stéphane Bern sur la scandaleuse campagne administrative de destruction systématique des chutes, ouvrages, vannages, canaux, biefs, retenues et étangs, souvent présents depuis le Moyen Âge. La France doit cesser cette gabegie d'argent public, qui est un appauvrissement culturel sans précédent des paysages riverains et, bien souvent, une aberration écologique. 



Le Président de la république vous a récemment confié une mission spéciale consacrée à la recherche de moyens financiers destinés à sauvegarder le patrimoine français en péril.  Nous vous avons entendu avec satisfaction et espoir quand vous avez déclaré que tout le patrimoine vous intéressait, y compris le petit patrimoine ou patrimoine vernaculaire. Hormis le patrimoine mentionné habituellement (cathédrales, châteaux, abbayes…etc), notre région, le nord Côte-d’Or, partie intégrante du plateau de Langres, est particulièrement bien dotée en petit patrimoine en raison du grand nombre de ruisseaux et rivières y prenant naissance, tels la Seine et ses principaux affluents : Marne, Aube, Ource et Laignes…etc. Le plateau de Langres n’est-il pas considéré par les spécialistes géologues et hydrogéologues, comme le château d’eau du bassin parisien ?

Dès le Moyen Âge, ces rivières et ruisseaux, compte tenu de leur fort potentiel en énergie hydraulique, de la présence de bois en quantité ainsi que d’un minerai de fer aisément exploitable, ont vu fleurir sur leurs cours de nombreuses installations artisanales telles que des moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries…

La construction de ces installations, à l’architecture souvent remarquable, s’est accompagnée de l’aménagement des cours d’eau au moyen d’astucieux systèmes de vannages, de biefs et de canaux destinés à acheminer l’eau jusqu’aux installations en question puis à la rendre à la rivière principale, contribuant ainsi à créer un entrelacs de rivières, chenaux, petites retenues et chutes d’eau, à fort potentiel patrimonial et touristique sur l’ensemble de la région.

Par ailleurs ces aménagements semblent avoir été extrêmement bénéfiques pour le peuplement des rivières comme nous l’enseigne la longue histoire de la truite chatillonnaise qui remonterait également au Moyen Âge.

Les rois de France de passage dans la région, de Charles VI à Louis XIV, se sont vus offrir le célèbre pâté de truites châtillonnais. François Ier, Louis XIII et Louis XIV l’ont tellement apprécié qu’ils ont fait repeupler à plusieurs reprises les étangs de Fontainebleau avec des truites prélevées entre Châtillon-sur-Seine et Mussy-sur-Seine.

Jusqu’au milieu du XXème siècle, quand la pêche commençait à  devenir une activité de loisirs,  toutes les rivières de la région étaient considérées comme des « spots » exceptionnels pour la pêche à la truite, au brochet et même à l’anguille.

 Ces dernières années, notre association ainsi que la population locale se sont émues devant l'effacement et/ou l'absence d'entretien de quelques étangs aménagés à l'époque médiévale (début XIVème siècle) par les ducs de Bourgogne, en forêt domaniale de Châtillon, laquelle doit devenir l'un des cœurs du futur parc national des forêts de feuillus.

Ces étangs faisaient partie d’un ensemble unique en France de sept plans d’eau disposés en chapelet le long du ru du val-des-Choux, depuis la source située dans l’ancienne abbaye éponyme, jusqu’à la confluence avec l’Ource, soit sur un linéaire de seulement 5,5 km. Outre l’application très rigoriste de la directive européenne sur  la « continuité écologique des cours d’eau », une des raisons principales avancées pour justifier l’absence d’entretien est le manque de moyens de l’ONF, gestionnaire des étangs.

Or, dans le même temps l’État engage des dépenses très importantes pour détruire le petit patrimoine que sont les vannages et chutes d’eau des anciens moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries dont un grand  nombre remonte au moins au XIIème siècle. 

Cette campagne de suppression massive des anciens ouvrages, orchestrée et financée par les pouvoirs publics, va au-delà des recommandations de la directive européenne relative à la continuité écologique des cours d’eau et nous paraît sans fondement puisque, compte tenu de leur faible hauteur (inférieure à 2,5m), l’excellente qualité halieutique de nos rivières a toujours été de pair avec ces aménagements  pluriséculaires jusqu’à leur abandon progressif, dans la deuxième moitié du siècle dernier.

Plus de 600 petits ouvrages, dont le plus grand nombre est encore en bon état ou, pour le moins, faciles à restaurer, ont été répertoriés dans le périmètre du futur parc national. A raison de 100 à 250 k€ nécessaires par ouvrage, leur suppression couterait près de 100 million d’euros. Ce chiffre ne concerne que les vannages et seuils recensés dans le périmètre du parc national d’une superficie de 240 000 ha. Etendu à tout le territoire national, sur les ouvrages de même gabarit, le montant des travaux promet d’être colossal pour un résultat qui ne saurait  être partout à la hauteur des objectifs fixés.

Nous espérons Monsieur Bern, que vous prendrez notre message en considération et que vous saurez œuvrer efficacement pour stopper la casse programmée de notre petit patrimoine. Nous pensons que l’argent ainsi épargné sera plus utile dans votre quête de moyens de sauvegarde.

Photographie : les étangs des Marots en automne, par Christal de Saint-Marc (droits réservés).

28/05/2018

Les barrages comme refuges? Intégrer le changement climatique dans les choix sur les ouvrages hydrauliques (Beatty et al 2017)

Quand on prend une décision d'aménagement sur un barrage, on regarde aujourd'hui les conditions passées et présentes. Mais quelle sera la situation future, en période de  changement climatique rapide? Une dizaine de biologistes publie une perspective à ce sujet dans Biological Conservation. Ces chercheurs soulignent que les réservoirs des grands barrages ont aussi des intérêts écologiques : ils servent de refuges face aux sécheresses, bloquent des espèces invasives, forment des écosystèmes lacustres ayant leur propre diversité. L'avenir à long terme du vivant après leur effacement n'est pas garanti si l'écosystème originel de la rivière a été très modifié. Et la valeur de l'eau stockée dans les retenues a par ailleurs toute chance de devenir plus forte en situation de réchauffement. Non seulement il faut décider de l'avenir des barrages au cas par cas, mais l'estimation des options doit impérativement intégrer la situation climatique et hydrologique du bassin dans l'avenir. 



Il existe dans le monde plus de 50 000 barrages d'une hauteur supérieure à 15 m. Ils permettent l'approvisionnement en eau potable, le contrôle des crues, l'irrigation, la navigation, la production d'énergie et des loisirs. Alors que la construction de barrages se poursuit dans de nombreuses régions du monde, en particulier en Chine, en Inde et en Afrique, elle a ralenti en Amérique du Nord et en Europe. Leur effacement dépasse maintenant leur construction aux États-Unis.

Pour Stephen Beatty et ses collègues, "cette poussée de l'effacement des barrages est principalement attribuable à des facteurs économiques, beaucoup ont été construits au milieu du 20e siècle, et les coûts de réparation des infrastructures vieillissantes dépassent largement les coûts de suppression (Stanley et Doyle 2003). Plus récemment, l'impulsion pour l'effacement de nombreux barrages a été d'atténuer leurs impacts écologiques; habituellement pour rétablir les voies de migration des poissons et restaurer les régimes naturels d'écoulement (Service 2011, O'Connor et al 2015)".

Les impacts écologiques négatifs des grands barrages sont bien connus dans la littérature scientifique: ils ennoient des habitats dans leur retenue, bloquent la migration des poissons, retiennent les sédiments devenant déficitaires à l'aval, modifient la variabilité naturelle des crues et étiages ponctuant la vie des espèces aquatiques et rivulaires comme la dynamique des lits mineur et majeur. Aussi pense-t-on qu'une rivière sans grand barrage serait, toutes choses égales par ailleurs, une rivière présentant davantage de diversité.

Les auteurs mettent toutefois un bémol à ce point de vue : "alors que les impacts écologiques négatifs des barrages sont bien reconnus, nous soutenons que les influences du changement climatique sur les futurs impacts et valeur des barrages nécessitent une plus grande considération dans les processus de prise de décision visant à les éliminer dans les régions tempérées soumises à sécheresse".

Il est d'abord rappelé que l'effacement de barrage "doit être considéré comme une perturbation écologique en soi", avec certains changements écologiques plus coûteux que bénéfiques. C'est le cas bien connu de la remobilisation des sédiments accumulés, et parfois pollués.

Mais les chercheurs soulignent aussi qu'un barrage crée un écosystème à part entière : "Nous devons aussi être conscient qu'une fois un barrage construit, l'écosystème aquatique antérieur a été modifié et, bien que physiquement altérés par rapport à cet état originel, les nouveaux écosystèmes lentiques peuvent soutenir une biodiversité aquatique considérable. Ces valeurs potentiellement positives doivent être prises en compte dans les propositions d'élimination des barrages, car nous ne pouvons pas toujours supposer qu'un écosystème reviendra à son état initial après l'élimination d'une barrière. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer et quantifier les impacts de l'enlèvement des barrages sur des échelles spatiales et temporelles plus longues (Graf 2003)".

Ainsi, "on reconnaît de plus en plus que les plans d'eau créés artificiellement peuvent jouer un rôle important dans la création d'habitats pour les organismes aquatiques (par exemple, Chester et Robson 2013, Halliday et al 2015, Beatty et Morgan 2016). Ces refuges artificiels comprennent des réservoirs de stockage d'eau, des fossés de drainage, des chenaux d'irrigation, des gravières, des canaux de transport d'eau et des lacs de golf, entre autres (voir Chester et Robson 2013). Fait important, ils ont également été identifiés comme habitat de refuge pour une gamme d'organismes aquatiques menacés, notamment les poissons d'eau douce (Tonkin et al 2010, 2014; Ebner et al 2011), les mollusques (Clements et al 2006) et les oiseaux aquatiques (Li et al 2013)."

À ce jour, la plupart des études sur les effets du changement climatique se sont concentrées sur la hausse de la température de l'eau comme facteur de stress sur les communautés de poissons d'eau froide. Or, se pose aussi la question de la ressource en eau: "Les changements hydrologiques ont rarement été envisagés, mais au cours des 50 dernières années, le débit a diminué de plus de 30% dans de vastes régions du sud de l'Europe, du Moyen-Orient, de l'Afrique occidentale et australe, du sud-est asiatique et de l'Australie, et 10-30% dans l'ouest de l'Amérique du Nord et une grande partie de l'Amérique du Sud (Milliman et al 2008), la plus grande partie de cette diminution étant due au forçage climatique (Dai et al 2009). Les projections tirées des modèles de changement climatique suggèrent que les diminutions de débit continueront dans ces régions à l'avenir (Jiménez Cisneros et al 2014, Schewe et al 2014)".

Autre enjeu : les espèces envahissantes et les maladies exotiques qu'elles introduisent, représentant une menace pour les écosystèmes aquatiques du monde entier. Les températures plus élevées de l'eau peuvent accroître la transmission et la virulence des parasites exotiques et des agents pathogènes, de même qu'elles augmentent la probabilité d'arrivée de nouvelles espèces. "Alors que les réservoirs créés par les barrages sont souvent des points chauds d'espèces exotiques, en particulier les poissons carnassiers prédateurs, plusieurs exemples de barrages (intentionnels et non intentionnels) limitent la propagation des espèces envahissantes (McLaughlin et al 2007; Rahel 2013; voir notre étude de cas). En outre, bien que souvent difficile, l'éradication des espèces exotiques des réservoirs est possible (Meronek et al 1996) et peut directement faciliter leur utilisation comme refuges par les poissons indigènes (Beatty et Morgan 2016). La valeur relative de la restauration de la connectivité pour les espèces indigènes par rapport à la limitation de la propagation des espèces envahissantes nécessite un examen attentif lors de la décision d'enlever des barrages ou d'installer des passes à poissons."

Une grille de décision est proposée, consistant à objectiver les effets écologiques positifs et négatifs actuels des barrages, ainsi que leurs usages, puis à analyser l'évolution des coûts et bénéfices en situation de changement climatique (cliquer pour agrandir) :


Extrait de Beatty et al, art cit. 

En conclusion, les scientifiques demandent un ré-examen attentif de ces questions: "Compte tenu des impacts biologiques et écologiques néfastes des barrages dans le monde entier, leur effacement aurait un impact positif net significatif sur les écosystèmes fluviaux et la biodiversité aquatique dans la grande majorité des cas (Williams et al 1999; Perkin et al 2015). Néanmoins, davantage de recherches sont nécessaires pour quantifier les valeurs écologiques existantes des retenues artificielles, et pour prédire comment ces valeurs pourraient changer à l'avenir. Plus particulièrement, dans des cours d'eau menacés de sécheresse où les refuges naturels seront perdus, l'implication des projections climatiques sur la valeur des barrages et les impacts de leur suppression doit être prise en compte par les chercheurs et les décideurs".

Discussion
Les sociétés humaines ont construit des barrages (petits et grands) depuis des millénaires, produisant des changements profonds dans le régime naturel des débits, la configuration sédimentaire des bassins, les peuplements biologiques. La prise en considération des effets environnementaux des barrages est récente à échelle de cette longue histoire. Elle a été accélérée par la multiplication des grands barrages depuis 1900, ces majestueux ouvrages de génie civil étant à la fois témoins spectaculaires de la puissance de la modernité industrielle et agents de modification radicale des milieux naturels.

Pour une écologie de la conservation valorisant les systèmes naturels pré-humains, le schéma est assez simple : le barrage représente un impact au fonctionnement spontané du cours d'eau, sa disparition est donc toujours profitable. Mais cette écologie de la conservation est une discipline en construction, et la réalité est finalement un peu plus complexe que certains discours formalisés dans les années 1960-1980. L'empreinte écologique de 9 à 11 milliards d'humains d'ici 2050 sera très difficile à réduire, la trajectoire de changement climatique par hausse du carbone atmosphérique est déjà engagée, la majorité des espaces naturels continentaux sont désormais des espaces anthropisés, c'est-à-dire des co-produits de processus naturels et d'interventions humaines. A cela s'ajoute que les barrages ont des enjeux socio-économiques notables et qu'ils sont une des meilleures sources d'énergie renouvelable (selon les critères de pilotage, stockage, puissance, empreinte carbone, empreinte matières premières, taux de retour énergétique). Les rares pays pauvres ou émergents qui arrivent à produire une électricité 100% renouvelable le font aujourd'hui avec une très forte base hydro-électrique. Et dans les autres, aucun scénario ne permet la sortie du carbone d'ici le milieu de siècle en sacrifiant l'énergie hydraulique.

Outre ces  contraintes globales que l'on doit garder à l'esprit, ce sont aussi les conditions locales qu'il faut examiner. Que disent les modèles climatiques sur l'avenir de chaque rivière? Quelle est la probabilité d'une hausse de fréquence des épisodes de sécheresse sévère (ou à l'inverse de crue)? Cet avenir probable suppose-t-il de conserver des capacités de régulation et de refuge? Que trouve-t-on aujourd'hui comme biodiversité aquatique et rivulaire dans le bassin, non seulement dans les zones naturelles, mais aussi dans les habitats artificiels? Ceux qui portent aujourd'hui la politique d'effacement sont-ils prêts à engager leur responsabilité en cas d'erreur de jugement observée dans 10, 20 ou 50 ans (tant de politiques publiques ayant produit des effets adverses et non anticipés par la planification…)? On aimerait avoir la réponse à ces questions aujourd'hui en France, dans le cadre de débats démocratiques apaisés et de discussions scientifiques transparentes.

Référence : Beatty S et al (2017), Rethinking refuges: Implications of climate change for dam busting, Biological Conservation, 209, 188–195