31/10/2015

Mortalité en turbine: une modélisation discutable en Loire-Bretagne (Briand et al 2015)

Un travail a été mené sur le bassin de Loire-Bretagne pour estimer la mortalité totale des jeunes saumons (smolts) et des anguilles argentées due aux ouvrages hydro-électriques en activité sur les rivières. Les valeurs de mortalité obtenues vont de 2 à 27% des poissons produits sur le bassin. Nous exposons ici des réserves sur les formules utilisées pour le calcul de mortalité et sur l'absence d'intervalle de confiance dans les résultats du modèle. Minimiser la mortalité piscicole dans les ouvrages hydro-électriques est un vrai enjeu, en particulier si l'on souhaite le plein développement de cette source d'énergie dans les années à venir. Mais il faut au préalable améliorer les connaissances sur les mortalités réelles en conditions d'exploitation, particulièrement pour les petites puissances très peu étudiées à ce jour dans la littérature scientifique. Cette analyse par gradient de puissance est également nécessaire pour adapter les prescriptions réglementaires d'ichtyocompatibilité des installations. 

Une étude sur la mortalité des saumons et anguilles a été produite sur le bassin Loire-Bretagne, avec pour auteurs Cédric Briand (EPTB-Vilaine), Marion Legrand (Loire Grands Migrateurs), Pierre-Marie Chapon (Onema-INRA), Laurent Beaulaton (Onema-INRA), Gaëlle Germis (Bretagne Grands Migrateurs), Marie-Andrée Arago (Onema), Timothée Besse (Loire Grands Migrateurs), Laura De Canet (Loire Grands Migrateurs) et Pierre Steinbach (Onema). Il s'agit d'une modélisation à échelle de bassin versant.


Méthodes et résultats
L’effet des ouvrages hydro-électrique sur la mortalité en dévalaison a été simulé à l’aide d'un modèle de répartition des poissons (saumons en phase smolt, anguilles) et d'un modèle de mortalité en turbine, à l’échelle de Loire-Bretagne (155.000 km2 de rivières). Les productions de smolts ont été évaluées à 100 000, celles d'anguilles à 306.700 (fleuves côtiers de Bretagne), 314.900 (Loire) et 124.400 (fleuves côtiers  de Vendée). Les calculs de mortalité ont été appliqués à 387 des 749 ouvrages de la zone, soit 578 turbines.

Chez les smolts, les taux moyens de mortalité dans les turbines ont été calculé à 17% dans les Kaplan, 20% dans les Francis et une mortalité moyenne de 20% appliquée aux turbines de caractéristique inconnue (43%). Chez les anguilles, les mortalités moyennes dans les turbines ont été établies à 45.8%, 88.5% et 70.8% dans les turbines Kaplan, Francis et indéterminées respectivement.

Pour les saumons, les mortalités sont évaluées à N=26.872 (soit 27%) de la production de smolts en Loire, et N=1 636 (soit 2%) en Bretagne. Pour l’anguille, les mortalités sont évaluées à N=9831 (soit 3.1%) de la production d’anguilles argentées en Loire, N=9418 (soit 3.3%) en Bretagne et N=2687 (soit 2.2%) en Vendée.

Nos observations : un modèle de mortalité perfectible avec une absence peu crédible de marge d'erreur
Notre principale réserve est que le modèle ne produit aucun intervalle de confiance. Par définition, le modèle de production des saumons et anguilles a des incertitudes, celui de mortalité en turbine également. On s'attend donc à trouver une expression de cette incertitude croisée sous la forme d'une marge d'erreur dans les résultats ou, ce qui revient au même, une fourchette à 95% d'intervalle de confiance. C'est la norme en modélisation et cela permet de juger d'un coup d'oeil la robustesse des calculs : il est tout à fait normal d'avoir des incertitudes dans un modèle, mais il est en revanche anormal de ne pas produire une estimation de ces incertitudes. En particulier quand le travail de modélisation possède une visée applicative à destination du décideur.

Si l'on s'en tient à la modélisation de mortalité en turbine (nous n'avons pas examiné le volet piscicole), une raison pour laquelle on ne trouve pas de marge d'erreur est que les formules employées (équations 2.5 à 2.9) sont déterministes, c'est-à-dire qu'elles sont censées donner un résultat exact une fois les paramètres renseignés (et donc un résultat constant à paramètres identiques). Or, ces équations posent divers problèmes :
  • l'équation de mortalité des smolts en Kaplan ne fait pas intervenir la hauteur ni le débit ni la vitesse de la roue (simplement des paramètres constructif comme le diamètre ou le nombre de pales) ;
  • les travaux sur lesquels reposent ces équations – Larinier et Dartiguelongue 1989, Larinier et Travade 2002  – se fondent sur des échantillons assez faibles de turbines, les auteurs reconnaissant en particulier que les sites de petite puissance sont trop peu représentés. Or l'examen de l'annexe J montre que beaucoup d'ouvrages de la zone ont moins de 5 m de hauteur et/ou moins de 10 m3/s de débit d'équipement ;
  • l'équation utilise une transformation angulaire (arcinus) pour normaliser les réponses en pourcentages, mais cette solution peut biaiser les valeurs faibles ou fortes de la distribution qu'elle "étire" (ce qu'observent Larinier et Travade 2002) ;
  • cette même équation est dépendante de la taille du smolt qui a été fixée dans l'étude soit à 15 soit à 18 cm (alors que cette taille varie plutôt in vivo de 10 à 20 cm) ;
  • les travaux cités montrent que les estimations par régression linéaire manquent une partie de la variabilité des mortalités observées (par exemple, R allant de 0.59 à 0.87 chez Larinier et Travade 2002, la première valeur étant celle des jeunes salmonidés en Kaplan, soit le cas le plus fréquent dans le travail ici analysé). 
Avant ces incertitudes liées au calcul de mortalité pour le poisson déjà engagé dans la turbine se pose la question de la répartition des poissons à l'approche des centrales – c'est-à-dire la question du comportement réel des espèces. La formule retenue sur ce point (équations 2.13 et 2.14) est celle d'une mortalité en dévalaison au pro rata du débit turbiné par rapport au débit classé, sans hypothèse particulière sur l'évitement des ouvrages hydro-électriques (du fait de grille, de vibration, de débit d'attrait ou de tout autre facteur d'influence du comportement du poisson in situ). Là encore, on peut tout à fait admettre des simplifications dans un modèle, mais il est plus difficile d'admettre une approche déterministe ne donnant aucune estimation de sa marge d'erreur ou aucune confrontation de ses choix avec des données empiriques de validation.


Améliorer la modélisation par des études in situ sur les petites puissances
Le travail mené par Cédric Briand et ses collègues est une approche intéressante, mais elle manque quelque peu de réalisme… malgré des résultats de mortalité produits à l'unité près. Nous ne partageons donc pas la conclusion selon laquelle "les résultats sont jugés comme suffisamment robustes pour permettre une priorisation des actions au niveau du bassin Loire Bretagne". Comme ce travail est prévu pour être évolutif, nous ne pouvons que souhaiter une amélioration de ses paramétrisations.

Rappelons que sur certains sites de petite puissance (moins de 500 kW), il serait possible de faire des estimations réalistes de mortalité à filet filtrant posé en sortie de turbine, cela en condition réelle d'exploitation de la centrale et de circulation du poisson. A plusieurs reprises lors de concertations passées, il a été souhaité que l'Onema mène des études sur un échantillon conséquent de moulins et usines de petite puissance, afin de produire ces analyses réalistes de mortalité dont il est reconnu qu'elles manquent dans la littérature scientifique. A notre connaissance, aussi bien les syndicats de producteurs (FHE, EAF) que les fédérations de moulins (FFAM, FDMF) seraient disposés à aider au recrutement de sites volontaires pour des tests.

Tant que ce travail ne sera pas mené selon un protocole accepté par les parties, les calculs n'approcheront que pauvrement la réalité sur certaines situations. Notons que cette réserve est parfaitement neutre sur le résultat de telles études par rapport aux calculs de Briand et al 2015 (sous-estimation ou sur-estimation de la mortalité effective en turbine). Mais l'ignorance n'est pas la solution, et comme le souhaitaient M. Larinier et ses collègues, seules des études plus approfondies pourront améliorer le réalisme des modèles.

Référence
Briand C et al (2015), Mortalité cumulée des saumons et des anguilles dans les turbines du bassin Loire-Bretagne, version 0.3.1, 260 p.

Illustrations : en haut, exemple de résultat du modèle de Briand et al. 2015, mortalité des smolts dévalant en Bretagne ; en bas, modèle de filet filtrant pour étude de mortalité in situ. Le protocole le plus réaliste nous paraît l'analyse des mortalités effectives en période migratoire des espèces d'intérêt, sans contrainte sur le poisson (pas d'injection forcée en distributeur), ce qui permet notamment d'évaluer les comportements spontanés d'évitement.

Voir aussi sur Hydrauxois : Mortalité des poissons en turbine, une analyse critique

30/10/2015

Effacement des ouvrages d'Essarois: 400.000 euros pour quels résultats?

Autorités et gestionnaires de l'eau vantent souvent les travaux de restauration morphologique comme ayant des effets "très positifs" sur la rivière et ses milieux. C'est le cas du Sicec et de l'Onema pour l'effacement des forges d'Essarois (21) sur la Digeanne. Que révèle en réalité le bilan détaillé de ces travaux ayant coûté 400 k€ (dont 90% de financement public)? Une simple variation de la densité et biomasse locales d'espèces piscicoles qui ne sont par ailleurs pas particulièrement menacées sur le bassin. A ce bilan halieutique modeste répondent en revanche des effets négatifs purement et simplement ignorés dans les politiques de l'eau : disparition du patrimoine historique et du potentiel énergétique, qui sont pourtant eux aussi des questions d'intérêt général pour le territoire. Le bilan nous paraît donc assez clair: il ne faut surtout pas généraliser de telles opérations!



En 2012 et 2013, les anciennes forges d'Essarois ont fait l'objet de travaux avec renaturation de la rivière (Digeanne, affluent de l'Ource). Trois ouvrages hydrauliques ont été effacés, le bief a été comblé sur 800 m, la rivière a été reméandrée sur 1500 m avec une buse large de passage sous un ouvrage. Le coût total de ces travaux a été de 400.000 euros, dont 90% sur financement public et 10% pour le propriétaire, un exploitant agricole. La figure ci-après indique la nature des travaux.


Un premier bilan écologique des opérations a été réalisé en 2014 par l'Onema. Ce bilan a été limité à l'état piscicole d'une partie du tronçon sans information sur l'état chimique de la rivière ni sur les autres indicateurs biologiques (invertébrés, macrophytes, diatomées). La pêche de contrôle de mai 2012 a été comparée à la pêche de juillet 2014 (décalage rendant incertain la comparaison des alevins après les éclosions de printemps). Nous publions quelques graphiques commentés, extraits de l'analyse de l'Onema.


Au total, la zone étudiée comporte 16 espèces (ci-dessus). Le peuplement piscicole est dominé par la truite, le vairon, le blageon et l'épinoche, suivi par le chabot et la loche. Ce peuplement est conforme à la typologie du cours d'eau (définie principalement par sa pente, sa température, sa distance à la source et son hydro-écorégion).


Ces deux graphiques comparent la richesse spécifique (en haut) et la densité / biomasse (en bas) des différentes stations d'étude. Sur la seule station comparable (Digeanne amont), on observe une baisse de richesse spécifique, de densité et de biomasse. Sur le principal objet des travaux (Digeanne travaux aval), on observe une richesse spécifique, une densité et une biomasse appréciables tenant à la colonisation rapide du nouveau milieu.

Dans le cas particulier de la truite, les observations convergent avec le graphique précédent : une petite baisse dans la station Digeanne amont, une hausse à l'aval. L'analyse détaillée des peuplements de truite (non représenté) montre une forte présence des alevins dans la zone des travaux aval, ce qui indique une colonisation du linéaire restauré par cette espèce.

Un bilan très positif pour l'Onema, mais très discutable selon nous
L'Onema considère que le bilan de l'effacement de la forge d'Essarois est "très positif", tout en posant la réserve d'un suivi dans la durée pour vérifier l'évolution des peuplements. Pour notre part, nous jugeons très discutable l'intérêt des travaux d'Essarois et la qualité du bilan (incomplet) qui en est fait par le Sicec. En voici les raisons :

  • le bilan chimique et physico-chimique de la rivière n'est pas réalisé, nous ne savons pas ce qu'il en est des nitrates, HAP, MES et autres facteurs connus pour dégrader l'eau du bassin Seine-amont et Ource;
  • plus généralement, l'analyse du tronçon avant / après au regard de l'éligibilité au bon état et chimique DCE 2000 n'est pas réalisée, donc nous ne savons pas si les travaux ont eu un impact sur ce qui est la seule obligation réelle de la France vis-à-vis de l'Europe;
  • aucune des espèces concernées par le tronçon n'est menacée dans le Châtillonnais ni dans le bassin de l'Ource, il n'y a donc pas d'urgence particulière à leur conservation (par rapport à d'autres espèces classées comme vulnérables ou à des grands migrateurs ayant disparu des cours d'eau);
  • il est attendu que l'ouverture d'un nouveau milieu produise un effet de colonisation (le contraire aurait été surprenant), mais l'examen des chiffres montre que le gain effectif reste faible (quelques dizaines à centaines d'individus) au regard des travaux conséquents;
  • l'argent public a servi à faire disparaître un témoin du patrimoine historique du Châtillonnais, en l'occurrence les éléments hydrauliques de ce qui fut la première forge à retour d'air chaud de Bourgogne. Sur place, rien n'a été fait pour valoriser l'intérêt patrimonial des ouvrages résiduels (qui sont invisibles et inaccessibles) ni au demeurant pour des activités récréatives ouvertes au public. La forge d'Essarois avait pourtant été reconnue pour l'"ancienneté exceptionnelle de ses vestiges" et la "continuité remarquable de son activité industrielle" (Benoit 1988)  ;
  • l'argent public a servi à faire disparaître un potentiel énergétique de production d'électricité bas-carbone, alors même que le réchauffement climatique est considéré par les chercheurs comme premier facteur de changement de peuplement piscicole dans le siècle à venir.
L'effacement des ouvrages hydrauliques de la forge d'Essarois et la renaturation de la rivière Digeanne sur 1500 m de linéaire sont représentatifs des travaux actuels de restauration de l'habitat en cours d'eau, présentés par les syndicats de rivière ou les autorités comme des initiatives de première importance pour les milieux. En réalité, si ces travaux ont certainement des effets positifs sur le milieu local et pour certains espèces inféodés aux eaux vives, leur impact reste néanmoins très limité et ne correspond à aucune urgence écologique. La dépense conséquente d'argent public ne fait pas l'objet d'une analyse coût-avantage, alors même qu'elle a des effets manifestement négatifs sur d'autres dimensions de la rivière (patrimoine, culture, énergie). S'il y a donc un enseignement d'Essarois, c'est que la généralisation de telles initiatives représenterait un coût disproportionné au résultat écologique et un choix public déséquilibré par rapport aux autres enjeux d'intérêt général liés à nos cours d'eau.

Références citées
Benoit S (1988), Patrimoine sidérurgique en Bourgogne du Nord : Guide de découverte, Association pour la sauvegarde et l'animation des forges de Buffon, 56 p.
Bouchard J et al (2014), Diagnostic piscicole de la Digeanne à Essarois suite aux travaux de restauration hydromorphologique, Onema, 27 p.
FDAAPPMA 21 (2011), Etude des peuplements macrobenthique et piscicoles de l'Ource et de ses affluents au regard de la qualité physique et chimique de l'hydrosystème, 110 p.

Illustrations : photographie par C Jacquemin / Arpohc ; graphiques issus du rapport Onema.

29/10/2015

Le taux d'étagement en Comina, ou comment se fabriquent les politiques de l'eau

Mais au fait, comment se fabriquent au juste les politiques de l'eau dans les grandes Agences de bassin? D'où viennent ces idées, ces orientations, ces affirmations qui semblent parfois sorties de nulle part? Le fonctionnement des Agences est effroyablement complexe, comme le savent tous ceux qui ont essayé de le comprendre (ou de demander des informations chiffrées sur l'état des masses d'eau). Un extrait de délibération d'une Commission interne permet d'observer la nature des échanges. Instantané photographique qui ne prétend évidemment pas résumer tout le fonctionnement d'une Agence, mais qui montre bien le niveau très inquiétant de confiance excessive dans des données partielles et la spirale d'auto-persuasion dans des cénacle fermés. 

M. Paul-Henry de Vitton (Association des amis et de Sauvegarde des Moulins de la Mayenne) nous fait parvenir un lien utile : le compte-rendu d'une réunion de la Commission du milieu naturel et aquatique (COMINA) de l'Agence de l'eau Seine-Normandie (lien pdf).

Ce document, qui traite notamment de la question controversée du taux d'étagement, est intéressant à plus d'un titre. Sa lecture révèle en effet que :
  • les participants de cette "Comina", qui contribuent à l'élaboration des politiques de bassin (avant leur présentation à la C3P, Commission permanente des programmes et de la prospective), ne disposent pas d'information scientifique précise sur l'objet de leur discussion;
  • il est fait mention d'études qui auraient dû être menées… mais ne l'ont manifestement pas été ou n'ont pas été publiées;
  • cela n'empêche pas certains de défendre l'intérêt supposé du taux d'étagement comme outil de gestion, sans autre élément tangible pour appuyer leurs dires que leur intime conviction (ou le fait que cet outil existe déjà en Loire-Bretagne, bassin dont on rappellera le résultat terriblement médiocre en terme de gain écologique et chimique de qualité des rivières depuis 10 ans, de sorte que son invocation devrait être un contre-exemple de l'optimisation de l'investissement public en rivière) ;
  • alors que la loi a prudemment et limitativement instauré un objectif de fonctionnalité (franchissement piscicole, transit sédimentaire) au droit des ouvrages, il est manifeste que certains sont toujours dans une logique de restauration complète des habitats de la rivière (donc de "renaturation" et de suppression à cette fin des ouvrages), position radicale qui a fort peu de base légale ou réglementaire et qui pose clairement la question du caractère démocratique de la prétention normative des Agences de l'eau ;
  • les dimensions historiques, culturelles, récréatives, énergétiques, patrimoniales des ouvrages sont totalement absentes de la réflexion, ces comités fermés vivent dans un monde où ils peuvent gérer la rivière selon les critères qu'ils ont eux-mêmes posés comme légitimes, sans souci de se confronter aux autres visions de l'eau ni de problématiser (dans leur propre logique) ce que peut ou doit être un "milieu naturel" en situation d'influence anthropique multiséculaire;
  • les objectifs chiffrés, les analyses coût-avantage, les probabilités d'atteindre le bon état DCE 2000 (engagement européen de la France) ne sont manifestement pas à l'ordre du jour, on se contente de citer quelques expériences locales sans aucune méthodologie rigoureuse de contrôle, de suivi, de mesure.
Ce type de document ne fait que confirmer nos critiques antérieures: la politique publique de l'eau est aussi sous-informée scientifiquement qu'elle est mal-menée démocratiquement. Ce n'est pas avec de telles méthodes qu'elle gagnera une légitimité sur la question des ouvrages hydrauliques, plus généralement sur ses objectifs de qualité et la difficulté manifeste à les atteindre.

27/10/2015

Sur le goujon asiatique (Pseudorasbora parva)

Des chercheurs de l'IRD, (avec l'Université Mugla Sitki Koçman en Turquie et l'Université Bournemouth au Royaume-Uni) viennent de publier une étude sur le goujon asiatique, Pseudorasbora parva, montrant que le pathogène dont ce poisson est porteur sain peut provoquer de fortes mortalités chez les poissons natifs d'un bassin versant, voire sur les espèces d'élevage en eaux saumâtres. Le pseudorasbora a colonisé des rivières françaises dès les années 1970. Mais la problématique des espèces invasives et indésirables, liée dans plus d'un tiers des cas au loisir de pêche, est fort peu étudiée dans notre pays. Le gestionnaire de l'eau gagnerait à corriger ce retard… d'autant que la politique (précipitée) de défragmentation des rivières par suppression massive des seuils et barrages est de nature à modifier à court terme la dynamique des populations piscicoles, y compris les espèces invasives. 



Le Pseudorasbora parva est un cyprinidé originaire d'Asie, qui mesure 5-9 cm pour 10 g. L'espèce a été introduite accidentellement en Roumanie dans les années 1960, à partir de deux souches chinoises. A partir de là, le pseudorasbora s'est rapidement diffusé dans l'ensemble de l'Europe occidentale et centrale ainsi que sur la zone anatolienne. Pas moins de 32 pays ont été colonisés en l'espace de 50 ans (Gozlan et al 2010). L'analyse génétique montre que cette diffusion est associée à des actions humaines, mais qu'elle suit aussi désormais sa dynamique propre (Simon et al 2015). En 2005, il a été montré que le goujon asiatique est porteur sain d'un agent infectieux de type parasitaire, Sphaerothecum destruens, capable de se transmettre à des espèces natives comme l'able de Heckel (Leucaspius delineatus) (Gozlan et al 2005). Le parasite et le poisson ont co-évolué pendant des millénaires.

Dans nouveau travail de l'IRD, les chercheurs ont suivi pendant quatre ans (2009-2013) les populations sauvages de poissons d’eau douce dans un bassin versant au sud-est de la Turquie. Trois ans après l’introduction du pseudorasbora et de son parasite, toutes les espèces du bassin étaient infectées à des degrés divers. Entre 2009 et 2013, le nombre d’individus des populations infectées a chuté jusqu'à 80 voire 90 %. Dans la zone méditerranéenne concernée, 56% des espèces piscicoles sont considérées comme menacées, et 18% en danger critique d'extinction.

Dénué de valeur commerciale, le pseudorasbora sert principalement de poisson-fourrage pour des piscicultures, notamment celle du sandre. Son caractère invasif est associé à des avantages adaptatifs lui permettant de coloniser rapidement des milieux divers : plasticité phénotypique, temps de génération court et forte fécondité (maturité sexuelle dès la première année, 600 à 4000 ovocytes en fécondité absolue), capacité à vivre en eau douce ou saumâtre, en milieu lentique ou à courant plus vif, sur une grand plage thermique. On a pu lui attribuer déjà le déclin de certaines populations natives, comme les ides sur des bassins du Royaume-Uni. Outre-Manche, le gestionnaire de l'eau prend la menace au sérieux et a testé des politiques d'éradication.

Quelques observations
En France, le pseudorasbora n'est pas inconnu puisqu'une première synthèse sur son introduction était publiée en 1988 (Allardi et Chancerel 1988). La première mention du poisson date de 1978-1979 dans la Sarthe, après quoi il a été signalé dans les années 1980 sur plusieurs bassins, Seine, Rhône et Rhin. L'existence du parasite était à l'époque inconnue, mais les chercheurs prenaient soin de souligner en 1988 le "risque d'introduction d'agents pathogènes". Il faut dire que les importations d'agents infectieux sont loin d'être rares : nématode parasite de la vessie natatoire des anguilles (Anguillicola crassa) lié à l'importation européenne d'individus japonais ; yersiniose associée à l'introduction du tête de boule d'origine américaine ; trématode parasite Bucephalus polymorphus diffusé par l'introduction du sandre, etc. La première cause historique d'introduction d'une espèce étrangère sur un bassin est le loisir-pêche (36% des cas recensés, voir Keith et Allardi 1997)

Compte-tenu de la politique actuelle de l'eau, on s'interroge bien sûr sur les effets indirects de la restauration de continuité écologique longitudinale quand un bassin est infesté par des espèces jugées invasives ou indésirables. A long terme, les obstacles à l'écoulement n'empêchent pas la colonisation des rivières, sauf éventuellement pour certaines espèces migratrices très spécialisées. Mais à court terme, la suppression des obstacles peut favoriser des espèces invasives autant que natives, et l'analyse coût-avantage doit le prendre en considération (voir par exemple Marks et al 2010).

Une équipe chinoise a étudié l'influence des barrages sur les espèce indigènes et invasives (dont le pseudorasbora) sur la rivière Qingyi, partant de l'hypothèse que les habitats banalisés des retenues peuvent représenter des "bassins de colonisation" pour les invasifs. Leurs résultats ne sont pas évidents à interpréter ; néanmoins, on observe sur le premier axe de variance de l'analyse de correspondance une association négative entre les espèces invasives et le nombre de barrages amont (-0.481) ou aval (-0.282), voir figure ci-dessous (Chu et al 2015).


L'invasion par le pseudorasbora n'est pas sans poser de nombreuses questions:
  • pourquoi le gestionnaire de l'eau est-il si lent à réagir, en particulier pourquoi la problématique des espèces invasives / indésirables est-elle si peu prise en compte dans les outils de gestion (SDAGE, SAGE, etc.) ?
  • quel rôle occupe au juste les espèces dites invasives dans l'évolution du peuplement piscicole des rivières françaises (et subsidiairement, que signifie au juste défendre une "intégrité biotique" et un "état de référence" de la rivière quand son peuplement évolue rapidement sous l'effet des introductions ou d'autres facteurs) ?
  • pour le cas particulier de la politique d'effacement des ouvrages hydrauliques, le risque d'accélération de l'invasion de certains bassins a-t-il été pris en compte (pour le pseudorasbora, mais aussi pour les autres espèces porteuses de pathogènes)? 
  • pourquoi certaines activités ne font-elles pas l'objet d'une analyse scientifique de leurs impacts sur les rivières quand d'autres sont abondamment étudiées?
Les responsables des politiques publiques de l'eau gagneraient à répondre avec franchise à ces questions s'ils souhaitent restaurer la légitimité et l'impartialité contestées de leur action, et améliorer ses résultats globalement médiocres.

Référence principale
Ercan D et al (2015), Evidence of threat to European economy and biodiversity following the introduction of an alien pathogen on the fungal-animal boundary, Emerging Microbes & Infections - Nature, 4, e52; doi:10.1038/emi.2015.52

Illustrations : Wikimedia Commons ; extrait de Chu 2015 DR.

A lire également sur Hydrauxois :
Evolution des populations de poissons depuis 20 ans : l'étude de chercheurs de l'Onema (Poulet et al 2011) avait montré que le goujon asiatique est l'espèce ayant connu la plus forte progression en France sur la période 1990-2009.

26/10/2015

Lettre ouverte à M. Joël Pélicot sur le SDAGE Loire-Bretagne 2016-2021

Après notre lettre ouverte à M. François Sauvadet (Seine-Normandie), ce sont 25 associations qui adressent un message similaire à M. Joël Pélicot, Président du Comité de bassin Loire-Bretagne. Cette forte mobilisation souligne le caractère inacceptable de la politique menée par l'Agence de l'eau sur ce bassin : absence d'analyse de l'état chimique des rivières (plus de 15 ans après que la DCE a exigé ces mesures), harcèlement et effacement des ouvrages hydrauliques, refus de subvention aux aménagements non destructifs, tentative d'imposition de principes de gestion non scientifiques comme le taux d'étagement, dépréciation manifestement volontaire du potentiel hydro-électrique du bassin, indifférence aux risques pour les milieux, biens et personnes induits par les changements d'écoulement... Si le SDAGE Loire-Bretagne est voté en l'état, la question des ouvrages hydrauliques sera ingérable pendant 6 ans. Et des requêtes en annulation sont à prévoir. 

Monsieur le Président,

Comme vous le savez, la mise en œuvre de la continuité écologique soulève de nombreuses difficultés et inquiétudes : assèchement brutal des biefs et canaux, changement peu prévisible des écoulements, affaiblissement de berges et des bâtis, perte esthétique et paysagère dans les villages et les vallées, disparition du patrimoine historique et du potentiel énergétique, choix d'aménagement décidés alors que les rivières ne sont pas scientifiquement étudiées sur l'ensemble de leur bassin versant, dépense publique conséquente malgré le manque de résultats probants sur nos engagements européens de qualité chimique et écologique des masses d'eau.

Ce n'est pas une fatalité : c'est le résultat de choix tout à fait excessifs visant à imposer contre la volonté des propriétaires, des riverains et souvent des élus locaux, ainsi que contre l'esprit des lois françaises, la seule solution de la destruction du patrimoine hydraulique. Malheureusement, l'Agence de l'eau Loire-Bretagne dont vous présidez le Comité de bassin s'inscrit dans cette perspective excessive, autoritaire, brutale.

Pour comprendre l'ampleur et la nature du problème, un petit retour en arrière est nécessaire. Dans la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (2006), la représentation nationale a souhaité que les ouvrages en rivière classée au titre de la continuité soient "entretenus, équipés, gérés" selon les prescriptions concertées de l'autorité administrative. De la même manière, la loi dite de Grenelle 1 créant la trame bleue (2009) a souhaité une "mise à l'étude" de l"aménagement des ouvrages les plus problématiques" pour les poissons migrateurs.

En aucun cas nos députés et sénateurs n'ont inscrit les mots "effacement", "arasement", "dérasement" ou "destruction" dans le texte de la loi ni dans l'horizon commun de gestion équilibrée des rivières. Au cours du vote de la loi de Grenelle 1, une commission mixte paritaire a même volontairement écarté une rédaction qui préconisait cet effacement.

C'est donc un choix démocratique clair et lucide : la suppression totale ou partielle des ouvrages n'est pas le souhait des représentants des citoyens français.

Plus récemment, vous n'êtes pas sans ignorer que Madame la Ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, saisie des dérives de la mise en œuvre administrative des lois de continuité, a déclaré aux sénateurs qui l'interpellaient à ce sujet que "les règles du jeu doivent être revues, pour encourager la petite hydroélectricité et la remise en état des moulins". Mme la Ministre de la Culture Fleur Pellerin a affirmé pour sa part aux députés lors de la discussion parlementaire sur la loi du patrimoine : "Je partage moi aussi votre souci de ne pas permettre la dégradation, voire la destruction, des moulins, qui représentent un intérêt patrimonial, par une application trop rigide des textes destinés à favoriser les continuités écologiques."

Le problème, Monsieur le Président, est que l'Agence de l'eau Loire-Bretagne ne respecte nullement ces choix posés par le législateur et ré-affirmés par le gouvernement.

Quand on consulte les services de l'Agence de l'eau pour aménager un moulin à fin de continuité, il est répondu que seul l'effacement est financé à 80 %. Les passes à poissons (très coûteuses et inaccessibles aux maîtres d'ouvrage) ne font l'objet d'aucune subvention s'il n'existe pas d'usage économique avéré (90 % des cas), et d'une subvention bien trop faible dans les rares autres cas. Même avec un soutien à 50 %, le propriétaire devrait encore débourser des dizaines à des centaines de milliers d'euros restant dus pour payer les aménagements de continuité, ce qui est une dépense privée exorbitante pour des travaux relevant de l'intérêt général, créant une servitude permanente d'entretien et n'apportant strictement aucun profit aux particuliers ni aux communes à qui il est fait injonction de les réaliser.

On peut poser des normes très strictes pour des biens communs tels la qualité des milieux, mais la moindre des choses est d'en provisionner un financement public conséquent, pas d'en faire reposer la charge disproportionnée sur les seules épaules de quelques milliers de propriétaires insolvables à hauteur de ce qu'on exige d'eux.

Ces choix déplorables, à l'origine d'une tension croissante au bord des rivières, ne sont pas modifiés mais au contraire aggravés dans le projet de SDAGE 2016-2021 que vous vous apprêtez à adopter. Ce projet comporte en effet de nouvelles dérives dans le domaine de la continuité écologique, et des dérives inacceptables compte tenu des nombreux retours d'expérience accumulés depuis le classement de 2012, des progrès des connaissances et du rappel législatif évoqué plus haut.

Ainsi, le SDAGE intègre la notion de "taux d'étagement" de la rivière et le préconise comme objectif des SAGE pour les cours d'eau. Or, ce concept inventé dans un bureau ne figure à notre connaissance dans aucune loi ni aucune règlementation française. Il n'a aucune base scientifique solide (un simple mémoire de master d'étudiant lui a été consacré) et l'intérêt du taux d'étagement est totalement contredit par les résultats récents de la recherche française, européenne et internationale, montrant le faible lien entre les seuils et la qualité piscicole des rivières (ou la biodiversité). Il n'est pas acceptable que l'Agence de l'eau Loire-Bretagne propage des objectifs sans fondement scientifique solide. De tels dispositifs génériques n'ont par ailleurs aucun sens par rapport à nos obligations réelles : comme nous y enjoint l'Union européenne, chaque rivière doit faire l'objet d'une analyse complète de ses impacts (physico-chimiques, morphologiques, chimiques) et de ses indicateurs de qualité biologiques, après quoi seulement on choisit des solutions adaptées aux déséquilibres constatés. Le simplisme et l'arbitraire du taux d'étagement nient cette nécessité d'une action localement conçue et scientifiquement étayée.

De la même manière, quand le projet de SDAGE écrit que " la solution d’effacement total des ouvrages transversaux est, dans la plupart des cas, la plus efficace et la plus durable car elle garantit la transparence migratoire pour toutes les espèces, la pérennité des résultats, ainsi que la récupération d’habitats fonctionnels et d’écoulements libres ; elle doit donc être privilégiée", il se place en contradiction formelle avec les lois de 2006 et 2009 dont nous avons vu qu'elles ont privilégié l'aménagement et la gestion des ouvrages, en aucun cas l'effacement. Depuis quand une Agence de bassin prétend-elle imposer ses vues au détriment de celles du législateur ?

Cette disposition est d’autant plus mal venue que l’Agence de l’eau Loire-Bretagne n’est pas capable de proposer au public et aux décideurs un état chimique des eaux de son bassin. Dans l’Etat des lieux annexes à la discussion du SDAGE, on lit en effet : « L’agence de l’eau, en charge du programme de surveillance des eaux, a conduit en 2009-2010 les premiers calculs de l’état chimique avec les règles de l’arrêté appliquant la directive cadre. Pour différentes raisons précisées ci-dessous, elle a rencontré des difficultés à exploiter des résultats acquis et n’a pas pu valider les évaluations dans un contexte aussi fragile. Depuis 2009, avec l’accord des instances de bassin, l’agence de l’eau considère non pertinent et impossible de calculer et de publier un état chimique. »

Est-il tolérable qu’en 2015, une grande Agence de bassin soit incapable de satisfaire une obligation européenne décidée en 2000 et transposée en 2004 en droit français ? Comment l’Agence peut-elle promouvoir des mesures aussi radicales que l’effacement prioritaire du patrimoine hydraulique sur le compartiment de l’hydromorphologie alors qu’elle est manifestement incapable d’apprécier le poids relatif des différents impacts en rivière, en particulier celui des pollutions chimiques ? Où est le respect de l’information due aux citoyens dans le domaine environnemental, pourtant inscrit dans la Constitution ? Où est le respect de la « gestion équilibrée et durable » de la ressource en eau, posé comme principe général par le législateur, dans cet acharnement à exagérer certains impacts et cette désinvolture à en ignorer d’autres ? Qui peut croire un seul instant que la destruction de moulins centenaires est plus urgente et plus nécessaire pour la qualité de l’eau que la mesure des innombrables pollutions qui affectent nos bassins versants, leurs populations, leur faune et leur flore ?


Monsieur le Président,

Le rôle des Agences de l'eau n'est pas de se substituer au législateur dans la définition de la politique de l'eau ni d'intimer à l'administration des actions que ni la loi ni la règlementation n'exigent. Il n'est pas non plus de créer des inégalités des citoyens devant la loi – or c'est bien ce qui se passe, puisque chaque Agence choisit ses financements et que si tous sont soumis à la loi commune en matière de continuité écologique, certains sont moins aidés que d'autres. Cela révolte la décence commune et le sens élémentaire de la justice des citoyens français, dont on sait l'attachement au principe d'égalité de tous devant la loi.

Les Agences de l'eau sont d'autant moins fondées à des prétentions normatives qu'elles représentent un modèle de démocratie très perfectible : nous vous rappelons que les associations de moulins, les associations de riverains, les associations de défense du patrimoine rural et technique, les sociétés locales des sciences et tant d'autres acteurs légitimes de la question hydraulique ne figurent pas dans votre Comité de bassin. De sorte que les principaux concernés par la continuité écologique sont totalement écartés de la discussion et de l'élaboration des mesures qui les regardent au premier chef. Cela rend à tout le moins fragile la prétention du SDAGE à imposer ses vues à une société civile exclue de tout pouvoir autre que très vaguement consultatif.

Dans les rares occasions où elles ont été consultées ces dernières années, nos associations ont tiré la sonnette d’alarme sur les dérives actuelles de la politique de l’eau dans le bassin Loire-Bretagne. En particulier, nous avons souligné :
  • l’absence d’évaluation de la problématique des espèces invasives (comme le goujon asiatique faisant des ravages) dans la politique d’effacement de seuil leur ouvrant des boulevards de colonisation vers l’amont (un choix répréhensible et lourdement condamné par la loi) ;
  • l’absence générale de prise en compte des risques pour les milieux, les biens et les personnes (changement à échelle de bassin versant du régime des crues et étiages, fragilisation des fondations mises à sec, non prise en compte des événements extrêmes associés au changement climatique, etc.) ;
  • la dimension caricaturale et trompeuse de l’estimation du potentiel hydro-électrique du bassin Loire-Bretagne, estimation qui exclut les ouvrages de moins de 2 m alors même que le Référentiel des obstacles à l’écoulement de l’Onema montre que ces chutes représentent 83 % des ouvrages équipables en énergie bas-carbone ;
  • le refus manifeste d’une approche équilibrée de la rivière, où l’indispensable reconquête de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques doit toujours être adossée à la preuve scientifique du bien-fondé de nos choix, mais aussi au respect de toutes les autres dimensions de la rivière (patrimoine, paysage, usages).
Le projet du SDAGE 2016-2021, poursuivant et aggravant les erreurs du SDAGE 2010-2015 dans le domaine de la continuité écologique, interdit cette politique équilibrée sur les rivières. S'il devait être adopté en l'état, le SDAGE ferait l'objet de requêtes en annulation devant les cours administratives. Et si l'Agence de l'eau Loire-Bretagne persistait à refuser par principe le financement des aménagements des ouvrages au titre de leur gestion, entretien ou équipement., ce sont des centaines de contentieux qui s'ouvriront d'ici 2017, terme prévu du classement des rivières. Car les propriétaires de moulins, les riverains et un nombre croissant d'élus locaux sont désormais décidés à se battre sur chaque ouvrage et chaque rivière contre les mesures injustes et les financements inégaux que promeut l'Agence de l'eau Loire-Bretagne.

Nous vous prions donc de porter à la connaissance du Comité de bassin les points soulevés dans la présente lettre, et nous ne pouvons qu'espérer un abandon pur et simple des mesures les plus contestables du SDAGE 2016-2021, comme nous l'avons déjà exprimé en phase de consultation.

Le SDAGE nous engage collectivement pour 6 ans. Ces années peuvent être constructives plutôt que destructives, apaisées plutôt que tendues, consensuelles plutôt que polémiques. Si l'Agence de l'eau persiste dans la voie dogmatique qui est la sienne dans le domaine de la continuité écologique, elle aura pris la responsabilité de rendre parfaitement ingérable la question des ouvrages hydrauliques en rivière sur l'ensemble du bassin.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l'expression de nos respectueuses salutations.

Gérard Aubéry, Président de l'Association départementale des amis des moulins de l'Indre | Françoise Bouillon, Présidente de l’Association Les amis de l’Arias | Alain Brice, Président de l’Association des propriétaires riverains et amis des moulins du bassin de l'Huisne d'Eure-et-Loir | Patrick Cacheux, Président de l'Association des cours d'eaux des Bassins de la Jouanne et du Vicoin | Pierre-Antoine de Chambrun, Président de l’Association Vègre, Deux Fonts, Gée | Charles-François Champetier, Président de l’Association Hydrauxois | Dr Henri-Jacques Divet, Président de l'Association de défense des riverains de la Colmont et de ses affluents | Eric Drouart, Président de l’Association de sauvegarde des moulins de Bretagne | Mark van der Esch, Président de l'Association des Riverains et des Moulins des Côtes d'Armor | Alain Espinasse, Président de l’Association des moulins de Touraine | Loup Francart, Président de l'Association pour la protection des Vallées de l'Erve du Treulon et de la Vaige | Xavier Gence, Président de Blaise 21 | Dr Francis Lefebvre-Vary, Président de l’Association des moulins du Morvan et de la Nièvre | Louis Lemoine, Président de l'Association des amis et de sauvegarde des moulins de la Mayenne | Marie Marin, Présidente de l’Association des moulins de Saône-et-Loire | Yves Paul-Dauphin, Président de l'Association Au cours de l'Eure | Amaury de Penfentenyo, Président de l'Association de défense et de sauvegarde de la Vallée de l'Oudon | Jacky Pigeard, Président de l’Association des riverains, propriétaires de moulins sur le Loir amont | Arsène Poirier, Président de l’Association de sauvegarde des moulins et rivières de la Sarthe | Jean-Pierre Rabier, Président de l’Association de sauvegarde des moulins à eau de Loir-et-Cher | Jean Claude Robin, Président de l'Association des amis et utilisateurs de la Claise et de ses affluents | François-Régis de Sagazan, Président de l'Association de Chailland sur Ernée | Charles Ségalen, Co-président de l’Association des moulins du Finistère | Michel Sennequier, Président de l’Association des amis des moulins du Cher | Annick Weil-Barais, Présidente du Comité d'action et de défense des victimes des inondations du Loir

Copie à M. le Préfet de Bassin et M. le Directeur de l'Agence de l'eau