11/10/2022

Observations à Florence Habets sur les retenues si mal aimées (par certains...)

L'hydrogéologue Florence Habets, par ailleurs conseillère scientifique de l'agence de l'eau Seine Normandie, donne un portrait fort négatif des retenues d'eau dans un entretien au journal Le Monde. Quelques réponses.


Les riverains ne sont pas convaincus (ni satisfaits) des effets concrets des effacements d'ouvrages promus par l'écologie de la renaturation. Affirmer que le bilan est positif pour l'atténuation des effets des sécheresses et pour la qualité de vie est pour le moins étonnant...


Ce n'est pas la première fois que le journal Le Monde choisit de donner la parole à des experts avançant une image uniquement négative des ouvrages et retenues en rivière (voir ici et ici). L'entretien publié ce 11 octobre 2022 avec Florence Habets ne déroge pas à cette ligne. Voici des extraits et nos commentaires.
«Quant à la problématique des retenues destinées à l’irrigation agricole, elle revient à considérer que la ressource qui y est stockée appartient aux exploitants. Qu’en est-il de la préservation du milieu dans ces conditions ? Certes les dispositions réglementaires imposent de conserver une part du débit des rivières pour les écosystèmes, mais il s’agit seulement d’un pourcentage fixé à 10 % précisément. Or ces retenues sont souvent situées les unes derrière les autres dans le bassin versant. Ainsi on réserve 10 % de l’une, puis de l’autre, puis de la troisième, et à la fin, il ne reste plus rien en aval.»
Cette vue est présentée de manière trompeuse, voire inexacte. Le débit réservé consiste, pour un ouvrage hydraulique, à laisser en permanence 10% du module (débit moyen annuel) dans le lit de la rivière. Ce n’est évidemment pas 10% du débit d’étiage, ce dernier étant parfois inférieur au débit réservé. Quand une retenue est alimentée par l’amont à moins de 10% du module, elle se vide progressivement en été puisqu’elle doit transmettre à l’aval l’eau stockée. La formulation choisie donne ici à penser que la première retenue laisse 10%, la seconde 1%, la troisième 0,1%, etc. Mais non, chaque retenue doit laisser 10% du module en fonction de sa situation dans le bassin versant (le débit n’est pas le même en amont et en aval d'une rivière). 

Par ailleurs, de nombreuses rivières du Sud de la France seraient infréquentables par les touristes en été si leur débit n’était pas soutenu par des réservoirs amont, qui compensent justement les très faibles pluviométries de certains bassins menant à des débits d’étiage faibles voire nuls. Pourquoi ne pas le dire? Pourquoi réduire la retenue à une représentation un peu simpliste d’un dispositif qui ne servirait pas à retenir l’eau? Nous ne sommes pas en France dans la situation du Colorado ou d’autres fleuves de régions arides dont le lit disparaît à force d’usages immodérés. Le bilan des retenues en régions non arides peut être positif pour les différentes formes de sécheresses (voir le détail des simulations de Wan et al 2018 sur une projection climatique d'ici 2100)
«La polémique sur la nécessaire continuité écologique hydrologique montre qu’il y a des progrès à faire sur la compréhension du cycle de l’eau : les gens ont l’impression qu’en l’arrêtant entre deux seuils où elle stagne et se réchauffe, ils la sauvent, mais c’est faux. La rivière peut apparaître à sec quand elle s’infiltre alors qu’elle s’écoule sous la surface, puis ressort plus loin. Laisser l’eau s’écouler est le meilleur moyen de sauver l’environnement. Sinon les poissons ont le choix entre la prison et la mort.»
Les «gens» ne sont pas idiots : il est clair pour tout le monde qu’une retenue ne crée pas d’eau, elle se contente de la retenir. Ce faisant et tout au long de l’année, une retenue et ses diversions latérales tendent à stocker davantage l’eau que le lit seul de la rivière. 

Des travaux ont montré que la destruction des retenues mène parfois à des lits incisés, des cours plus rapides, une baisse de la nappe d’accompagnement, moins de débordements  latéraux qui aident à recharger les sols et aquifères, etc. (voir Maaß et Schüttrumpf 2019, Podgórski et Szatten 2020). Ces travaux confirment une idée assez simple à comprendre : si vous transformez la rivière en chenal de drainage rapide de l’eau d’hiver et de printemps en excès, vous évacuez  l’eau plus vite, vous stockez et répartissez moins l’eau tout au long de l’année, pas seulement en été. Le fait de ralentir l’écoulement (sur les sols versants comme sur les lits) a toujours été associé dans les manuels d’hydrologie au fait d’augmenter la saturation en eau d’un milieu local. Or c'est justement le but, préserver l’eau partout dans les bassins versants en saison de pluie pour réduire le risque de manque d'eau en saison sèche.

De plus, s’il y a beaucoup de retenues sur les rivières françaises depuis le Moyen Age (plusieurs centaines de milliers en intégrant tous les types de retenues) et dans le sillage de l’occupation néolithique avec création du petit cycle de l’eau, c’est qu’il y a toujours eu beaucoup besoin de retenir l’eau pour différents usages sociaux et économiques – abreuvement des troupeaux, irrigation, énergie, pisciculture, tamponnage de crue, etc. L’humain n’est pas très différent de ce point de vue du castor qui, lorsqu’il colonise une vallée, construit des successions d’ouvrages pour maintenir un habitat aquatique favorable.

Enfin, comment peut-on parler de «continuité hydrologique» alors que l’on observe des assecs, y compris des assecs favorisés par des destructions d’ouvrages, accélérations de l’écoulement, incisions de lits ? La continuité temporelle du débit fait partie des 4 dimensions de la continuité, et il paraît assez évident qu’une rivière avec assecs répétés aura une biodiversité aquatique moindre qu’une rivière en eau. Le poisson (comme bien d’autres espèces) meurt quand il n’a plus d’eau.
« D’autre part, les retenues et les plans d’eau génèrent une forte évaporation et une augmentation des températures qui favorise des proliférations de cyanobactéries et de toxines. Un printemps peu nuageux favorise la présence d’algues, l’eau devient plus turbide, elle stocke alors encore plus la chaleur. Ces phénomènes appelés « blooms » se multiplient, on les observe notamment au Canada. C’est inquiétant, il en va de l’avenir de nos plans d’eau. »
L’évaporation des retenues est à mesurer selon les types de retenues (rappelons que l’OFB en distingue 23 types différents selon leur position par rapport au lit, leur hydraulicité etc.). Des travaux de mesure de l’évaporation sur les milieux sont rares. Ceux menés pour comparer des plans d’eau artificiels à d’autres milieux naturels (prairie humide, forêt) montrent que les retenues de type étangs évaporent moins à l’année, donc que leur bilan annuel est positif pour le stockage (Aldomany et al 2020). 

Et pour le vivant aquatique comme pour le riverain, qu’est-ce qui est préférable : une retenue à demi-évaporée, mais qui a encore de l’eau, ou un assec? Le bilan d’évaporation ne doit pas divertir du bilan hydrique : reste-t-il oui ou non de l’eau de surface pour la survie des espèces qui en dépendent selon les choix faits sur les retenues?

Sur les risques de blooms, il est bon de rappeler qu’une retenue se gère, que ce soit un lac, un étang, un réservoir, un plan d’eau, etc. Il serait préférable que l’administration de l’eau vise à des règles simples et des procédures efficaces qui encouragent la gestion hydraulique, au lieu de l’actuel bazar règlementaire qui décourage les propriétaires et gestionnaires, aboutissant parfois à des ouvrages mal entretenus. Il serait aussi préférable que cette administration donne des conseils de gestion écologique utile de ces retenues, au lieu de s'accrocher au dogme de leur disparition qui a déjà échoué largement. Mais concernant les blooms, la moindre des choses est de rappeler que les retenues ne sont pas responsables des excès de nutriments dans les eaux : la France serait avisée  de réduire les pollutions à la source, de limiter ainsi l’eutrophisation et l’hypoxie qui en découlent. 

De manière générale, l’expertise collective Irstea-OFB menée voici quelques années  avait conclu que nous étions en défaut de connaissances scientifiques solides sur les effets cumulés des retenues. Il faut pour cela des campagnes de mesures de terrain sur toutes les dimensions de ces retenues avant de tirer des conclusions, en incluant
  • la diversité climatique, géologique, hydrologique, écologique des bassins versants, 
  • la diversité des retenues et ouvrages dont on parle, 
  • la diversité des services écosystémiques attendus par la société (jusqu’à une quarantaine de services rendus pour les plans d’eau, cf Janssen et al 2020). 
Au final, il est évident qu'une retenue d'eau peut avoir des effets négatifs et positifs, dépendant de sa conception, de sa gestion, des besoins des milieux et de ceux des humains. Mais le choix de ne proposer que des appréciations négatives et de passer sous silence les nombreux effets positifs des ouvrages humains ne permet pas de créer un débat éclairé. 

10/10/2022

Petite hydro-électricité, environnement et biodiversité

La coordination Eaux & rivières humaines produit un document d’information sur les effets environnementaux de la petite hydro-électricité. A télécharger et à diffuser à vos élus locaux, ainsi qu’aux députés et sénateurs qui examinent à la fin de ce mois une loi d’accélération des énergies renouvelables.


Toutes les extractions d’énergie ont des effets sur les milieux naturels, et l’hydraulique ne fait pas exception. Toutefois, en ce qui concerne le développement de l’hydro-électricité par équipement des seuils et barrages déjà en place, nous sommes bien loin de l’image noire que certains lobbies ont essayé de propager dans l’opinion. Les effets négatifs d’un ouvrage producteur peuvent être atténués assez aisément. Et la petite hydraulique a aussi des effets positifs sur la ressource en eau, outre que les sites anciens ont fini par créer de nouveaux habitats anthropiques. La politique publique doit donc s’orienter vers l’équipement énergétique prioritaire des sites hydrauliques pouvant produire la plus décarbonée des énergies, tout en mobilisant agences de l’eau et syndicats de rivière sur l’accompagnement écologique de ce choix. 


Rappel : un autre dossier a été produit en septembre 2022 par la CNERH, présentant plus largement les enjeux énergétiques, environnementaux, économiques et sociaux de la relance de la petite hydraulique. Si vous ne l’avez pas encore téléchargé et diffusé, c’est le moment ! Votre mobilisation est indispensable pour faire circuler les informations et donner aux décideurs les clés de compréhension pour agir. 



08/10/2022

Profiler et reprofiler le delta du Rhin, entre guerre et inondation (Mosselman 2022)

Saviez-vous que le profil actuel du delta du Rhin a été influencé par l’arrivée des troupes de Louis XIV en 1674 et l’humiliation hollandaise de n’avoir pu les stopper ? A travers quelques exemples, un chercheur néerlandais rappelle dans une publication récente que les aménagements fluviaux suivent les aléas de l’histoire humaine, avec des fenêtres d’opportunité qui permettent de réaliser des projets.  En dernier ressort et même quand ils prennent la forme de «renaturation», ces choix sont évalués à leurs résultats tels que les apprécient les sociétés.


Le passage du Rhin, peinture d'Adam Frans Van der Meulen

Le delta du Rhin aux Pays-Bas, parfois appelé delta Rhin-Meuse-Escaut, est une zone modifiée par les interventions humaines depuis l’époque romaine. Erik Mosselman (Université Delft de Technologie) publie un article intéressant sur les entrelacements des choix hydrauliques et des événements historiques à l’Anthropocène. 

Au 17e siècle, les jeunes Pays-Bas ont émergé comme association de provinces unies après le traité de Westphalie (1648). Mais la province de Gueldre et la province de Hollande ont un différend. Près du delta, le bras du Rhin se sépare, avec le Waal méridional vers l’Ouest qui prend la plus grande part, le Rhin septentrional qui tend à avoir moins d’eau. L’excès d’eau dans le Waal brisait les digues et créait les inondations. Les habitants de Gueldre proposèrent de réduire son débit par une dérivation, mais la Hollande refusa, craignant de perdre la navigabilité de cette voie essentielle pour desservir Rotterdam,  Dordrecht et l’arrière-pays rhénan. 

Las, tout le monde fut mis d’accord… par les armées françaises de Louis XIV lorsqu’elles envahirent le pays en 1674. Les troupes traversèrent sans peine les branches du Rhin à niveau bas. L’événement créa un choc dans les esprits (même si les Provinces-Unies ouvrirent finalement grandes leurs digues et noyèrent le plat pays pour repousser les Français). La Hollande et la Gueldre se mirent d’accord pour réaménager la zone et construire le canal de Pannerden (1701-1709) qui servait à la fois à la répartition des eaux, en ligne de défense et en raccourcissement des transports dans le Rhin inférieure. Un peu plus tard, la gestion de cette région deltaïque qui restait très instable donna naissance au Rijkswaterstaat (1798), organe public de gestion de l’eau et des infrastructures. «Sans cette guerre, le système fluvial des Pays-Bas aurait pu se développer d’une manière complètement différente», souligne Erik Mosselman.

Au 20e siècle, le chercheur prend un autre exemple, dont l’événement fondateur n’est pas une guerre mais une catastrophe naturelle : les grandes inondations de 1953. L’ampleur des dégâts provoque la naissance d’un Comité Delta qui décide de protéger les populations et de réduire le coût économique des aléas par un système d’endiguement des branches du delta du Rhin et de barrage évitant les remontées d’eaux salines. Mais dans les années 1970, la mémoire de la catastrophe s’est estompée et les habitants manifestent de plus en plus d’hostilité à l’endiguement, notamment du fait de démolition de patrimoine historique. Dans les années 1980, un groupe d’écologue propose une option novatrice à l’époque, consistant à élargir les lits plutôt qu’à les endiguer. Malgré un prix d’architecture du paysage, le projet n’est pas retenu. 

C'est alors que survient la grande crue de 1995 (le Rhin atteint 12000 m3/s) qui occasionne le déplacement de 250 000 personnes et de nombreux dégâts dans les zones où l’endiguement avait été stoppé. Un programme appelé « Espace pour la rivière » est lancé, avec un budget de 2,3 milliards, reprenant les idées du projet de 1980 : «les plaines inondables ont été abaissées, les obstacles ont été enlevés, les épis ont été arasés ou remplacés par des murs d’entraînement longitudinaux, des canaux latéraux et des canaux de dérivation ont été creusés et des digues ont été reculées. Ces interventions visaient non seulement à réduire les niveaux d’eau de crue, mais aussi à améliorer la ‘qualité spatiale’, un amalgame de nature, de paysage et de patrimoine culturel». 

Erik Mosselman souligne que les normes de résistance aux crues ont encore changé dans les années 2010 et que la politique publique se ré-oriente vers la consolidation de digues, les options impliquant la «renaturation» répondant moins bien aux nouvelles exigences des évaluations. Il y a donc eu une fenêtre étroite pour modifier le profil du delta du Rhin dans le sens d’un espace de liberté en lit majeur.

Discussion
Si la nature fixe ses conditions d’entrée géologiques et hydrologiques, les rivières sont tout autant les filles de l’histoire et des actions humaines. S’en aviser permet de prendre quelque recul par rapport aux «modes» qui se succèdent dans l’inspiration des politiques publiques. En dernier ressort, ce sont les heurs et malheurs des sociétés humaines qui vont guider l’urgence d’agir, et c’est l’obtention de résultats espérés qui sera l’arbitre de l’intérêt de l’action. 

Ce siècle nous promet de nombreux aléas hydrologiques, en particulier les sécheresses et les crues dont l’intensité devrait augmenter avec le changement climatique. Qu’ils prennent l’argument de la renaturation ou de la maîtrise, les aménagements hydrologiques et hydrauliques seront d’abord jugés à leurs effets, et notamment leurs effets socio-économiques en lien aux aléas. Les aménageurs public doivent s’en souvenir, car la perte de mémoire historique de l'eau, le défaut de culture hydraulique et le manque de vision sur les objectifs de l’action peuvent perdre un temps et un argent précieux dans la course à l’adaptation climatique.

06/10/2022

Les seuils contribuent à dépolluer les rivières, leur suppression élimine cet effet bénéfique (Teran-Velasquez et al 2022)

Des chercheurs ont utilisé un modèle à haute résolution spatiale pour vérifier le bilan nitrate d’une rivière avec retenues d’eau créées par des seuils. Leur travail confirme que les ouvrages hydrauliques tendent à améliorer la qualité de l’eau à l’aval de manière significative, en comparaison d'un tronçon sans seuil ou à seuil supprimé. Ils soulignent que la politique de destruction des ouvrages devrait exiger de meilleures informations sur leurs avantages et inconvénients, au lieu de l’actuel procès à charge par nombre de gestionnaires publics. 

Les pollutions des rivières comprennent les émissions de nutriments, de matières organiques et de produits chimiques toxiques provenant de sources diffuses et ponctuelles comme les rejets agricoles, industriels ou ceux des systèmes d'épuration mal conçus. L'azote est considéré comme le principal polluant des écosystèmes aquatiques et terrestres car  les activités anthropiques ont considérablement modifié et intensifié son cycle naturel. L'excès continu d’azote dans le sol et l'eau entraîne acidification et eutrophisation. 

Dans les systèmes aquatiques, la présence d'azote dépend de plusieurs facteurs : les réactions de minéralisation et d'hydrolyse de la matière organique selon la libération d'ammoniac, l'oxydation de l'ammoniac en nitrite et en nitrate (nitrification),  la réduction du nitrate en azote gazeux dans des conditions anaérobies (dénitrification) ainsi que l'absorption de nitrate par les algues fixatrices.

La fonction de dénitrification des eaux plus lentes est connue, mais mal quantifiée. Geovanni Teran-Velasquez et deux collègues de la faculté des sciences environnementales de Dresde ont étudié le phénomène avec un modèle haute résolution sur un tronçon du Freiberger Mulde (land de Saxe). La section étudiée contient des linéaires avec seuils et d’autres en libre écoulement.

Voici le résumé de leur étude :

«La dynamique fluviale de l'azote aux abords des seuils est encore rarement étudiée en détail. Les données eulériennes, souvent utilisées par les approches conventionnelles de surveillance et de modélisation des rivières, manquent de résolution spatiale pour une représentation sans ambiguïté. Dans le but de combler cette lacune dans les connaissances, la présente étude applique un modèle couplé hydrodynamique-qualité de l'eau 1D à un tronçon de 26,9 km d'une rivière en amont. 

Des simulations sur mesure ont été réalisées pour les tronçons de rivière avec rétention d'eau et conditions d'écoulement libre afin de quantifier les influences des déversoirs sur la dynamique de l'azote. Les données sur la qualité de l'eau ont été échantillonnées avec des stratégies eulériennes et lagrangiennes. Malgré les limitations en termes de discrétisation spatiale requise et de temps de simulation, des calibrages de modèles affinés à haute résolution spatio-temporelle ont corroboré les taux d'ammonification élevés (0,015 j−1) sur les tronçons de rivière sans déversoirs et les taux de nitrification élevés (0,17 j−1 ammonium en nitrate, 0,78 d−1 nitrate à nitrite) sur les tronçons de rivière avec déversoirs. 

De plus, en utilisant des estimations de la dénitrification basées sur des valeurs typiques pour les sédiments du lit de la rivière comme référence, nous avons pu démontrer que dans notre étude de cas, les déversoirs peuvent améliorer considérablement la dénitrification. Les longueurs de remous produites peuvent induire un moyen d'élimination supplémentaire de l'azote de 0,2 tonne j−1 (10,9 %) pendant les périodes chaudes et d'étiage.»

Ce graphique montre la différence en hypothèse «seuil présent» et «seuil supprimé» dans la réduction de l’azote :

Les auteurs prennent soin de préciser :

« Bien que la suppression des seuils soit la mesure la plus répandue pour la restauration des rivières, dans la pratique, il ne s'agit pas d'un processus décisionnel simple pour sa mise en œuvre. L'impact de l'enlèvement des déversoirs peut ne pas bénéficier à tous les services écosystémiques connexes, comme également discuté dans Cisowska et Hutchins 2016. Bien que cela permettrait principalement une connectivité fluviale quasi naturelle, améliorant la migration des poissons et les habitats écologiques, cela pourrait également entraîner une exportation plus élevée de nutriments (par exemple, les formes N) vers les sections fluviales en aval et la perte de certains autres services historiques intrinsèques tels que les loisirs, la pêche, la navigation et la protection contre les crues. Par conséquent, d'autres études et évaluations des coûts pour les différents échanges entre les services écologiques sont nécessaires. »

Discussion
Au début des années 2010, dans le but de « vendre » la politique de continuité écologique par destruction d’ouvrages aux élus et aux populations, les autorités publiques françaises avaient prétendu que ce choix permettrait de retrouver «l’auto-épuration» de la rivière et d’atteindre plus facilement les objectifs de la directive cadre européenne sur l’eau. Merveilleux : on détruisait moulins et étangs, la pollution disparaissait.

Non seulement cette assertion divertissait les esprits de la nécessité de lutter contre les pollutions à la source, mais elle était fausse : d’innombrables travaux sur les ouvrages des humains comme des castors ont montré que des successions de retenues permettent plutôt d’épurer l’eau des intrants indésirables. 

Les choix d’effacer les seuils contredisent les obligations légales d’une gestion durable et équilibrée de l’eau quand ils abaissent les capacités d’épuration du milieu en place et contribuent à détériorer la qualité physico-chimique de la masse d’eau au sens de la directive cadre sur l’eau. La non-prise en compte de cet élément dans les dossiers déposés en préfecture figure parmi les nombreux problèmes que pose cette politique de destruction des ouvrages. 

L’incapacité à réduire à la source les nombreux polluants de l’eau couplée à la suppression des ouvrages nuit à la qualité des milieux aquatiques.

Référence : Teran-Velasquez, G et al  (2022), Longitudinal river monitoring and modelling substantiate the impact of weirs on nitrogen dynamics, Water, 14, 2, 189.

04/10/2022

Destruction du moulin de Houetteville, l'argent public dépensé contre l'intérêt général

Alors que les parlementaires ont interdit la destruction de l'usage actuel et potentiel des ouvrages hydrauliques comme option de continuité écologique, la préfecture de l'Eure a organisé la casse précipitée d'un moulin sur la rivière Iton à Houetteville. Ce chantier est contraire à l'intérêt général, dépense de manière indue des fonds publics sur des biens privés, entre en contradiction avec les prescriptions légales de gestion durable et équilibrée de l'eau. La gabegie est d'autant plus absurde que la rivière Iton est en bon état écologique à l'amont comme à l'aval du site. Quatre associations dont Hydrauxois portent plainte et exigent la remise en état du site.


Les députés et sénateurs ont beau répéter à chaque évolution de la loi sur l'eau que la continuité écologique doit respecter le patrimoine hydraulique bâti et ses usages bénéfiques pour l'environnement, certains services de l'Etat continuent de mener leur projet radical et abusif de destruction des moulins et autres ouvrages hydrauliques. La preuve vient encore d'en être apportée à Houetteville, dans l'Eure.

Voici la chronologie de cette sombre affaire, qui a été pliée en quatre semaines seulement:
  • un arrêté préfectoral a été publié le 2 septembre 2022, avec comme pièce d'appoint un porter à connaissance non conforme à l'évolution du code de l'environnement,
  • un riverain a fait arrêter les travaux pour non-respect des prescriptions de l'arrêté préfectoral  par une lettre adressée à la DDTM de l'Eure le 12 septembre,
  • les travaux ont été arrêtés du 14 au 21 septembre,  
  • une requête en référé suspension de l'arrêté préfectoral été déposée le 28 septembre par Hydrauxois, la Fédération française des associations de moulins, l’Association de défense et de sauvegarde des moulins normands-picards, l'association VPH Normandie,
  • la requête en référé a été retenue pour examen en audience trois semaines plus tard,
  • le chantier a persisté malgré cela et les engins mécaniques ont détruit en trois jours les ouvrages hydrauliques du moulin.
Les associations plaignantes vont continuer la procédure pour exiger l'annulation de l'arrêté préfectoral et la remise en état du site. Elles mettent en avant pas moins de huit manquements aux prescriptions du code de l'environnement, outre des erreurs procédurales. 

Alors que la France souffre de pénurie d'eau et d'énergie, l'administration dépense l'argent du contribuable à détruire les ouvrages qui aident à lutter contre ces problèmes. Nous n'allons pas manquer de citer ce nouvel exemple lamentable aux parlementaires qui commencent bientôt à examiner la loi d'accélération de l'énergie renouvelable. Nombre de députés et sénateurs sont déjà indignés des dérives permises par certains services de l'Etat et de leur indifférence pour les termes de la loi clairement favorables au maintien des ouvrages en rivière. La reprise en main politique de ce dossier est plus urgente que jamais.