26/09/2014

Potentiel énergétique du Cousin aval: une source d'énergie locale menacée par le projet du Parc du Morvan

Malgré un financement généreux de plus de 3 millions d'euros, le Parc naturel régional du Morvan n'a pas jugé nécessaire de demander à ses deux bureaux d'études une analyse du potentiel énergétique des moulins de la Vallée du Cousin Aval. Certes, l'objectif du projet du Parc financé par LIFE+ est la restauration de la continuité écologique. Mais cette restauration n'a de sens que si elle intègre les autres dimensions de la rivière : le patrimoine, le paysage, le tourisme, la culture et bien sur l'énergie, puisque la forte densité des moulins témoigne de cet usage ancien.

Pas de projet réellement écologique sans réflexion énergétique
Aujourd'hui, un moulin du Cousin aval (Léger) produit encore de l'énergie électrique raccordée au réseau, pour une puissance de l'ordre de 50 kW. Et il existe d'autres producteurs sur le linéaire de la rivière (Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Moulin Simonnot) et au moins trois propriétires intéressés par un projet. La micro-hydraulique est donc une réalité vivante sur le territoire, susceptible de produire une énergie propre, non carbonée, locale. Et, bien sûr, des revenus associés à cette production. En pleine période de transition énergétique, et alors que la plupart des experts considèrent le réchauffent climatique comme l'une des principales menaces sur la biodiversité (aquatique notamment) et la ressource en eau, il est pour le moins léger d'ignorer totalement cette dimension dans un projet d'aménagement de rivière.

L'association Hydrauxois a signalé au SIVU du Cousin son intérêt pour la question énergétique et son souhait d'une étude à échelle du bassin versant, affluents inclus. La question est encore en discussion. Nous ne pouvons évidemment pas improviser cette analyse qui demande du temps. Toutefois, puisque le Parc naturel régional du Morvan souhaite précipiter les décisions d'aménagement en cette fin d'année 2014, il paraît nécessaire de donner au moins aux citoyens et aux décideurs un ordre de grandeur.

Première estimation de puissance: environ 879 kW sur le Cousin aval
Pour estimer cet ordre de grandeur, on prend la formule classique en hydraulique de puissance brute:
P=rho*g*Q*H
Avec P la puissance en W, g accélération de la gravité, rho masse volumique de l'eau, Q débit nominal d'exploitation et H hauteur de chute.

L'énergie produite à l'année s'obtient par
E=n*P*h
Avec E l'énergie en Wh ou kWh, n le rendement croisé des installations (hydrauliques, mécaniques et électriques) et h le nombre d'heures de turbinage au débit nominal (facteur de charge)

L'étude BIOTEC 2013 montre que le cumul des hauteurs de seuil sur le Cousin aval est de 25,6 m (taux d'étagement de 21,6% sur le linéaire concerné).

La station hydrologique d'Avallon indique un module inter-annuel du Cousin de 3,90 m3/s. Compte-tenu de la géographie du bassin versant, on prendra 3,5 m3/s comme valeur moyenne de débit d'équipement des moulins sur le linéaire concerné par le projet du Parc.

La puissance hydraulique brute s'élève donc à 879 kW.

Un productible annuel de 2 GWh, soit plus de 400 foyers
Dans la logique d'une étude de potentiel, on fait l'hypothèse que l'ensemble des ouvrages hydrauliques sont préservés, et le cas échéant restaurés dans leur pleine fonctionnalité. Le classement du Cousin en liste 1 au titre de l'article 214-17 C env interdit de sur-élever les ouvrages ou d'en construire de nouveau, mais il n'interdit nullement l'équipement des ouvrages existants.

Les chutes des moulins du Cousin sont relativement faibles : 24 sites pour 25,6 m de hauteur ouvragée représente une hauteur moyenne de 1,07 m. En conséquence, il est réaliste de prendre un facteur de rendement de l'ordre de 0,6 (au lieu des 0,7 qui sont la norme de primo-estimation dans la profession), car les faibles chutes sont plus difficiles à équiper. En revanche, on peut tabler sur 5000 heures de fonctionnement en équivalent débit nominal (c'est-à-dire, une production un peu plus forte quand on est au-dessus du module compensant les périodes où l'on est en-dessous, le débit réel d'équipement étant généralement choisi au Q60, et non au module).

Le productible annuel E serait donc de l'ordre de 2 millions de kWh ou 2 GWh.

Le kWh est racheté (en moyenne) 10 c€ dans le cadre des contrats d'achat EDF-OA sur 20 ans. Donc l'équivalent revenu brut d'exploitation est de 200.000 euros. Sur les 20 ans de contrat, on aboutit à 4 millions d'euros, somme assez comparable aux 3 millions d'euros du programme LIFE+. Il faut noter que la production hydraulique continue après ce contrat de 20 ans, le matériel et le génie civil ayant une durée de vie plus longue.

La consommation annuelle moyenne d'un site résidentiel en France est de l'ordre de 4500 kWh, toutes résidences confondues. L'aménagement hydro-électrique des moulins du Cousin représente donc un potentiel équivalent à 444 foyers (environ 1500 personnes). Ce n'est pas négligeable du tout à l'heure de la transition énergétique.

Le Parc doit reprendre sa réflexion sur de nouvelles bases
Cette courte étude ne prétend pas à autre chose qu'un ordre de grandeur. Elle donne une idée de ce qu'il serait possible de produire si les ouvrages du Cousin aval étaient tous restaurés et équipés des dispositifs les plus performants pour leurs débits et hauteurs de chute. Seule une étude plus approfondie, si possible à échelle de l'ensemble du bassin versant du Cousin, permettrait de dégager le productible réel.

Aussi frustes soient-ils, les ordres de grandeur indiquent que le potentiel n'est pas négligeable. Il paraît donc indispensable que le Parc du Morvan reprenne sa réflexion sur ses choix d'aménagement avant d'engager la destruction irrémédiable du potentiel énergétique de la Vallée du Cousin (qui est aussi la destruction d'un patrimoine historique pluricentenaire, comme nous l'avons rappelé). Ce sera l'un des objets de la réunion de concertation du 29 septembre 2014.

Pour aller plus loin sur l'énergie hydraulique
10 questions et réponses sur la petite hydro-électricité 
Le EROEI de l'énergie hydraulique 
En finir avec une idée reçue: un moulin ne produirait presque rien 
Le bilan environnemental de l'énergie hydraulique
La Cour des Comptes souhaite intégrer l'hydraulique dans le mix énergétique
Transition énergétique : l'exemple de la Côte d'Or en potentiel hydraulique 
Le bilan carbone de l'énergie hydraulique 

Illustrations
Visite de l'Abbaye de la Pierre-qui-Vire et de ses installations hydro-électriques par les membres de l'association, au printemps 2014. Par son choix d'énergie durable, l'Abbaye offre un modèle de développement local et propre, parfaitement intégré dans un environnement préservé.

16/09/2014

Un moulin-bateau en Saône-et-Loire

Chez nos voisins de Saône-et-Loire, un chantier d'archéologie subaquatique met au jour un moulin-bateau sur le Doubs. Le reportage de France 3 régions est complet et passionnant. Les rivières et fleuves à large lit présentent une puissance régulière et importante, mais leur dérivation vers des biefs n'est pas aisée. Aussi les meuniers utilisaient-ils des bateaux dotés de roues à aubes (roue de dessous) et meules, afin de moudre le grain directement dans le lit. Les techniques de construction en sont peu connues, car les premiers traités apparaissent tardivement, au XVIIIe siècle. Le moulin-bateau de Sermesse date du XVIe siècle, et il est très bien conservé avec son matériel, à la suite d'un naufrage probablement accidentel : cela promet une belle moisson d'informations sur les techniques hydrauliques!

15/09/2014

Avallon et ses moulins en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager: où sont les analyses d'impact des projets du Parc du Morvan?

Les ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) visent à définir, par accord entre l'État et les collectivités, les modalités de gestion d'un secteur urbain d'intérêt patrimonial. Il se trouve que la ville d'Avallon est en ZPPAUP et, comme le montre la carte ci-dessous, la protection concerne également le Cousin, ses rives, sa vallée… et ses moulins!


Le document d'accompagnement du ZPPAUP précise en particulier les points suivants :
La vallée du Cousin est un secteur naturel qui est inclus dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. en tant que « zone naturelle constituant un espace complémentaire aux zones bâties » : rôle d’écrin, de toile de fond. Les relations visuelles entre le centre ancien d’Avallon et la vallée du Cousin sont particulièrement étroites, ce que soulignait déjà Victor Petit au siècle dernier : si « la vallée n’est belle que vue de la ville, [...] la ville n’est réellement belle que vue de la vallée ». Cette notion de réciprocité visuelle justifie pleinement l’intégration d’une partie de la vallée dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. (..) On y trouve en outre des constructions pittoresques restées à l’abri de l’urbanisation de l’après-guerre : anciens moulins à eau, petites fabriques, etc. Ils sont généralement bien intégrés au paysage naturel et participent au caractère romantique des lieux.

Environ la moitié des moulins du Cousin concernés par le programme de restauration écologique LIFE+ du Parc du Morvan sont situés dans la zone de protection.

Le patrimoine et le paysage sont une affaire d'intérêt général: notre association s'étonne donc qu'il n'existe à ce jour aucune délibération publique relative à l'intérêt des ouvrages hydrauliques, ni aucune simulation du profil de vallée avant et après les aménagements souhaités par le Parc, en particulier quand ces opérations consistent à détruire les ouvrages hydrauliques et à modifier substantiellement le miroir d'eau. Si ces travaux existent, ils ne sont pas accessibles aux citoyens sur les sites du Parc, du Stap 89 ou de la Drac Bourgogne.

Nous avons donc saisi M. Jean-Pierre Mayot et Mme Isabelle Humbert du Service territorial de l'architecture et du patrimoine (Stap 89), afin de pouvoir consulter les délibérations des architectes des bâtiments de France sollicités par le Parc du Morvan et afin de signaler la préférence de notre association pour des aménagements écologiques non destructeurs du patrimoine et du paysage. Nous vous tiendrons au courant de l'évolution du dossier, qui sera également débattu le 29 septembre avec les acteurs concernés.

13/09/2014

Chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21)

A l'invitation de l'ADEME, l'association Hydrauxois a participé parmi une douzaine de maîtres d'ouvrages à la visite du chantier de la vis d'Archimède de Champdôtre (21), sur la Tille. Les visiteurs ont pu appréhender les enjeux de génie civil d'une restauration énergétique : batardeau avec mise à sec du barrage et du bief, pose de nouvelle vannes motorisée (sur 20 m), construction du radier de la vis et confortement des parements du bief… La vis aura une puissance d'environ 50 kW, relativement modeste mais en charge une grande partie de l'année à sa puissance nominale. La pose de la vis elle-même est prévue en octobre pour une première injection réseau d'ici novembre. Avec le chantier sur le débit réservé de la centrale de Brienon-sur-Armançon (89), Champdôtre sera l'une des deux premières vis hydrodynamiques en Bourgogne. (Voir le dossier de l'association sur cette technologie).