21/11/2017

Au temps où les rivières étaient poissonneuses

Un lecteur nous adresse cet extrait de l'ouvrage de Paul Delsalle, maître de conférences en histoire moderne et archivistique aux universités de Mulhouse et Besançon, consacré à la vie des paysans de Haute Saône au XVIe et XVIIe siècles. Le travail sur les archives révèle la richesse des rivières en poissons, convoitée les jours maigres, à une époque où moulins et étangs s'étaient déjà installés sur de nombreux bassins versants. On observe que les poissons d'eaux lentes s'y mêlent déjà aux poissons d'eaux vives.


Les jours maigres étant nombreux, nous ne pouvons pas négliger la consommation de poissons. Heureusement, les rivières étaient alors très poissonneuses, selon de nombreux témoignages contemporains. S'y ajoutaient les étangs et les viviers. Les paysans disposaient encore assez souvent du droit de pêche. C'est ainsi que les habitants de Breurey-lès-Faverney et ceux de Mersuay s'accordaient en 1572 au sujet de la pêche dans la Lanterne. Les fermiers de la grange de Miéüllers à Cendrecourt pouvaient pratiquer "la pêche à la trouble [=au filet] à pied dans la rivière de Saône". Dans l'Ognon, on pêchait assez librement des perches, des carpes, des brochets, des brèmes, des barbeaux, des lamproies et des anguilles. Les étangs fournissaient des carpes, des "carpailles", des brochets, des tanches et bien d'autres poissons. Dans la Saône, on capturait des brochets, des lottes, des truites, des ombres, des carpes, des perches, des anguilles, des tanches, des "menuses" (poissons de petite taille, menu fretin), mais encore "des poissons blancs de toute espèce", des écrevisses et des grenouilles. Dans les différentes rivières ou ruisseaux de la région, on pouvait se procurer aussi des poissons aux noms plus ou moins indigènes : rousses, bouilles, rougeuil (rouget?), abletz (ablettes), daressons, seffes, greffons ou gouvion, (gouions), verons (vairons), bavoux, mostelles (motelles ou moutelles, lottes de rivière, minuscules poissons à chair grasse), filleittes, barbeletz (barbeaux?), lamproies de rivière dites aussi sept-oeils, et bien d'autres. Les garçons et les filles chargés de surveiller le bétail passaient leur temps à pourchasser les grenouilles, les moules de rivière, les escargots, et toutes les autres bestioles comestibles afin de remplir leur panier pour améliorer l'ordinaire.

Source : Delsalle Paul (2016), Des paysans au temps de la poule au pot, sur les plateaux de la haute Saône vers 1580-1635, éditions Franche-Bourgogne, 371 p.-XII p. de pl.

A lire aussi sur le thème de l'histoire des rivières et de leurs peuplements
Salzach: quand la pêche modifie les peuplements piscicoles (Haidvogl et al 2015)
L'anguille et les obstacles à sa migration à travers les âges (Clavero et Hermoso 2015)
Les moulins auraient-ils fait disparaître 90% des saumons du Paléo-Rhin? (Lenders et al 2016)
Histoire des rivières: quand l'urgence était de démanteler les barrages… des pêcheurs

20/11/2017

Des riverains en lutte pour préserver le plan d'eau de Garchy (Nièvre)

Des objectifs opaques, des citoyens écartés de la construction des projets, des agences de l'eau imposant des arbitrages financiers favorables aux destructions, des services officiels de la biodiversité ne s'intéressant qu'à quelques espèces spécialisées d'eaux vives, des élus, techniciens, administratifs préférant travailler en vase clos et arriver dans chaque village avec une "solution" dont l'issue n'est déjà plus discutable : partout la continuité écologique se déploie dans le mépris du dialogue social et environnemental, au lieu de partir des attentes des riverains et de la réalité des milieux aquatiques modifiés par l'histoire. Les habitants du village de Garchy s'en plaignent. Hydrauxois sera à leur côté.


18/11/2017

Que se passe-t-il sur l'étang de Bussières?

Nous avons constaté la mise hors d'eau de l'étang de Bussières, avec dégradation de la vanne. Vidange de contrôle? Curage? Début d'un projet de destruction? Nous l'ignorons puisqu'aucun affichage n'était visible au bord de l'étang. Un constat de divers problèmes et une demande de communication des pièces administratives d'instruction de ce chantier ont été adressés à la préfecture de l'Yonne.

Malgré nos précédentes demandes d'être associés à la réflexion sur l'avenir de ce site, qui représente un milieu humide d'intérêt écologique et paysager, ainsi qu'une belle chute au plan énergétique, ni l'administration, ni la Fédération de pêche 89 (maître d'ouvrage à notre connaissance) ni le Parc du Morvan ne nous ont informés des objectifs et projets sur ce site.

Le Parc du Morvan, qui avait initialement inscrit la destruction de l'étang dans le projet de contrat global Cure-Yonne-Cousin, nous avait signalé en octobre 2016 s'être retiré de toute maîtrise d'ouvrage. A la même époque, la Fédération de pêche 89 nous avait répondu qu'il n'existait aucune étude environnementale ni de projet sur l'étang de Bussières.

Pourtant, nous constatons les faits rapportés ci-dessous.

Il est dommage que l'association soit contrainte d'interagir avec les autres acteurs de la rivière par échange de courriers recommandés, faute d'une concertation amont sur un sujet pourtant connu comme source de débats au sein de la société.


Constat de l’étang hors d’eau. Le site contient des poches en eau non connectées au lit résiduel de la rivière, avec des remous indiquant la présence de poissons. Les zones humides des abords de l’étang (marge de marnage) sont bien sûr déconnectées. Les piles du pont sont exondées. En l’état, le site ne respecte pas la consistance légale autorisée (qui est par défaut au niveau de crête de la digue et de son déversoir). Il se peut bien sûr que ce soit une vidange d'inspection ou un curage d'entretien, mais nous le vérifierons en prenant connaissance du dossier d'instruction.


Constat des vannes détruites. Le mécanisme de gestion des niveaux a été déposé, la barre de soutien de la crémaillère volontairement endommagée (découpée). En l’état, le site n’est pas aux normes car dépourvu de ses organes de gestion, sauf si cette mesure répond à une demande administrative spécifique. Il est à signaler qu'un adhérent d'Hydrauxois a déjà été verbalisé par la DDT 89 pour non-fonctionnalité d'une vanne. Nous avons donc précisé à l'administration que nous attendions une pièce justifiant la destruction et le non-remplacement des mécanismes de vanne, à peine de demander une instruction de la police de l'eau.

15/11/2017

Barrages et lacs de la Sélune : stop à la destruction !

Stupeur. Colère. En pleine COP 23, alors qu'il vient de renoncer à la réduction du parc électronucléaire telle qu'elle fut votée par la loi de transition énergétique de 2016 et que la France est en retard sur ses objectifs climatiques, Nicolas Hulot annonce par communiqué la destruction des deux barrages hydro-électriques de la Sélune. Une incohérence complète. Mais aussi un mépris total pour les dizaines de milliers de riverains des lacs ayant exprimé leur opposition à la disparition de leur cadre de vie. Le motif de cette destruction est le retour hypothétique des saumons dans une rivière par ailleurs reconnue comme polluée, et dégradée morphologiquement dès l’amont sur les zones de frai. D’autres options pour le saumon sont possibles. L'association Hydrauxois encourage les habitants de la vallée à protéger les ouvrages de la destruction par tous les moyens démocratiques à leur disposition. Elle appelle tous les amoureux des patrimoines hydrauliques de France et d’ailleurs à manifester leur solidarité financière et militante pour le combat qui s’annonce. Nous participerons au contentieux contre les décisions de l'Etat et à la mobilisation citoyenne pour défendre les sites menacés.



Dans un communiqué en date du 14 novembre 2017, le ministère de la Transition écologique et solidaire vient d'annoncer l'engagement du chantier de destruction des barrages de la Sélune. L'effacement du barrage de Vezins est censé commencer dès le printemps 2018, suivi par celui du barrage de la Roche-Qui-Boit.

La décision de Nicolas Hulot est inacceptable pour les raisons suivantes :

  • elle a été prise de manière brutale, sans concertation avec les acteurs, poursuivant la déplorable habitude d’une soi-disant « écologie » autoritaire et punitive imposée depuis Paris,
  • les habitants riverains de la vallée ont dit leur opposition massive à la disparition des lacs et des activités qui leur sont associées, sans que leur voix soit entendue,
  • les deux barrages représentent des outils de production hydro-électrique très bas-carbone, et leur destruction en pleine COP23 est une véritable provocation, d'autant que la France s'avoue incapable de tenir son programme de sortie progressive du nucléaire comme de déploiement des éoliennes très contestées en ruralité,
  • le retour des saumons sur la Sélune a été d'abord porté comme une exigence du lobby de la pêche de loisir, ce qui ne correspond en rien à un intérêt général mais illustre l’écoute anormalement attentive d’intérêts particuliers par les ministères successifs de l’écologie,
  • à échelle de temps de l’écologie (de la décennie au millénaire), la durabilité des retours des saumons sur le bassin atlantique est incertaine en situation de réchauffement climatique et de modification des routes migratoires,
  • pour un coût considérable de plus de 50 millions €, quelques milliers de saumons retournants sont attendus, soit un bénéfice négligeable par rapport aux opérations nord-américaines du même type qui ouvrent la voie à des dizaines ou des centaines de milliers de migrateurs,
  • il existe des méthodes non destructrices pour déjà tester la capacité des saumons à coloniser l'amont, comme celles utilisées par EDF sur plusieurs rivières françaises,
  • le bilan global de biodiversité du chantier serait mauvais, car les lacs hébergent de nombreuses espèces d’intérêt, dont certaines protégées, et ils remplissent des services écosystémiques bénéficiant à l’aval et à la baie du Mont-Saint-Michel.

On trouvera ci-après un rappel sommaire des coûts et nuisances associés à la destruction des ouvrages, y compris au plan environnemental.

La réponse à cette nouvelle dérive autoritaire du ministère de la Transition écologique et solidaire doit être claire : les barrages et lacs de la Sélune sont devenus une zone à défendre.

M. Nicolas Hulot ayant soutenu les riverains en lutte à Sivens ou à Notre-Dame-des-landes, il comprendra sans peine la mobilisation résolue dont sa décision va faire l’objet, sur le terrain, dans les médias et devant les tribunaux.

Nous appelons l'ensemble des citoyens à soutenir les actions qui seront menées par les habitants de la vallée, et dont nous vous tiendrons informé.

En concertation avec les acteurs locaux, l'association Hydrauxois travaille dès à présent à la préparation d'un recours en justice contre cette décision inacceptable.



Effacement des ouvrages de la Sélune, 
un bilan coût-bénéfice très mauvais

Les avantages de l'effacement des ouvrages de la Sélune sur le retour de 3000 à 5000 saumons doivent être mis en balance avec ses effets négatifs, qui sont bien plus nombreux. En voici une liste probablement non exhaustive (la plupart sont dans l'étude Artelia 2014).

Economie
  • coût considérable pour la dépense publique (minimum 50 M€)
  • perte d’activité des installations touristiques en lien direct avec la retenue (village de gîtes du Bel Orient, base de Mazure, parc de l'Ange Michel, etc.)
  • perte de retombées socio-économiques pour les collectivités locales destinataires de la taxe foncière et professionnelle liée aux barrages
  • risque de ne jamais retrouver des activités durables vu le caractère encaissé de la vallée (au droit des retenues) et des fréquentes inondations rendant difficile l'aménagement des berges
  • risque de coûts supplémentaires et conséquents si le saumon trouve des eaux trop polluées et trop fragmentées, des habitats trop dégradés pour coloniser efficacement la tête de basin et le chevelu amont

Energie et climat
  • perte d'une production d'énergie hydroélectrique en place (18% du parc des énergies renouvelables de la Manche), qui a le meilleur bilan carbone en zone tempérée (25 GWh/an, émission de 7 g éqCO2/kWh en comparaison des 45 g éqCO2/kWh de l’électricité produite en France)
  • émissions de gaz à effet de serre (GES) supplémentaires en contradiction avec la lutte contre le réchauffement climatique (émission lors de la phase travaux, perte de la fonction puits carbone de la retenue, perte du productible énergétique bas-carbone et fin prématurée du cycle de vie de l'équipement, coût carbone de la reconstruction d'un productible équivalent, à durée de vie moindre que des barrages)

Sécurité, services et régulation
  • fin de l'écrêtement des crues les plus fréquentes et de la prévention des inondations aval (ralentissement de la cinétique des crues)
  • reprise d'érosion régressive, fragilisation des berges, risque de glissements de terrain en amont du barrage lors de la phase de vidange et au-delà (disparition des pontons, cabanons et autres bâtis d'aménagement)
  • disparition de la réserve d'eau et de son captage (43 communes)
  • risque sur l'approvisionnement durable en eau (hydrogéologie du socle ne permettant pas de grands aquifères, pollution de l'alternative Beuvron, changement climatique et baisse tendancielle des débits)

Environnement
  • destruction d'une zone humide à intérêt majeur de préservation et régulation de la ressource en eau, en situation de changement climatique et hydrologique
  • perte de la fonction d'épuration chimique de l'eau polluée par les activités amont
  • risque de pollution des eaux et berges à l'aval, risque de "marée verte" sur la petite baie du Mont Saint-Michel
  • risque de propagation d’espèces invasives et pathogènes associés
  • réduction de zones favorables aux espèces des milieux lentiques (brème, brochet, gardon, carpe, perche, sandre, tanche)
  • disparition de la réserve d’habitats que peut constituer la retenue en période de très basses eaux dans le cas d'un cours d’eau soumis à des étiages sévères
  • destruction de l’alimentation des zones humides dans les zones déprimées en fond des vallons
  • mortalité d’une partie de la ripisylve de la retenue du barrage dont les racines seront exondées
  • destruction des conditions favorables au développement du phytoplancton et de certaines macrophytes, disparition des vasières et des espèces inféodées à ce milieu (limoselle aquatique, scirpe à inflorescence ovoïde, léersie faux-riz) 
  • perte d'habitat et nourrisserie pour l'avifaune, dont certaines espèces protégées (hirondelle de fenêtre, bergeronnette des ruisseaux, chevalier guignette, grèbe huppé, héron cendré, grand cormoran, bouscarle de Cetti, martin pêcheur d’Europe, troglodyte mignon, bondrée apivore, pic épeichette)
  • perte d'habitat pour les amphibiens et urodèles (grenouille agile, crapaud commun, salamandre tachetée, triton palmé), risque de disparition de certains insectes protégés (gomphe semblable)
  • menace sur les colonies de chiroptères (petit rhinolophe, murin à oreilles échancrées, murin de Daubenton) 
  • risques environnementaux et sanitaires liés aux processus d’érosion et de lixiviation en cas d’une contamination des sédiments exondés
  • bénéfice saumon très faible (5000 individus mxi, à comparer au retour de 500.000 migrateurs espéré sur l’opération similaire de l’Elwha aux Etats-Unis)
  • poursuite d'une vision déjà datée et contestée de la "renaturation" par retour à une référence naturelle, alors que les rivières sont des phénomènes hybrides à co-évolution biologique et sociale, avec des biodiversités acquises dans les zones artificialisées offrant des habitats d'intérêt faunistiques ou floristiques 

Société, mode de vie et gouvernance
  • modification non désirée et non concertée du cadre de vie des riverains
  • disparition d'un des seuls plans d'eau de pêche aux carnassiers et blancs de la région (usage majoritaire des 1600 adhérents des associations de pêche locale)
  • disparition des activités festives et sportives liées aux retenues
  • perte du patrimoine industriel local lié à l'existence des barrages
  • opposition quasi unanime de la population de la vallée à la fin imposée des ouvrages, image négative de la "continuité écologique" comme mesure antidémocratique et peu rationnelle

12/11/2017

Votre ouvrage hydraulique est menacé de destruction? Modèles de réponse aux DDT-M sur la continuité écologique


L'association Hydrauxois propose à ses adhérents, sympathisants et associations partenaires des modèles de lettres à envoyer à l'administration (DDT-M) avant l'échéance du premier délai de 5 ans en rivières classées L2 au titre de la continuité écologique.
Lien modèles de lettres version Word
Lien modèles de lettres version pdf

Ces courriers abordent les 5 cas de figure :
  • vous produisez ou avez pour projet de produire de l'électricité,
  • vous êtes d'accord avec une proposition et son financement,
  • vous êtes d'accord avec une proposition mais elle n'est pas financée,
  • vous êtes en désaccord avec toutes les propositions faites,
  • vous n'avez reçu aucune proposition.

La philosophie générale de ces courriers est simple : tout propriétaire est fondé à recevoir de l'administration une proposition motivée de dispositif de franchissement (passe à poissons, rivière de contournement, gestion de vanne) qui respecte la consistance légale du droit d'eau et dont les frais sont entièrement indemnisés (de l'étude diagnostique à la réception du chantier). Aucune pression réglementaire ou financière en vue d'imposer une destruction n'est recevable.

Quand cette voie est actée par l'administration, les choses se passent à peu près bien. Quand elle est refusée, il y a, et il y aura, contentieux.

L'étape suivante consistera à vous proposer des modèles de contentieux au tribunal administratif, pour tous les cas où l'administration tente une mise en demeure afin de contraindre le propriétaire à subir des solutions ingérables et, en dernier ressort, à détruire son bien contre son gré.

La capacité des propriétaires d'ouvrages hydrauliques à avancer la même position de principe sur le maximum d'ouvrages sera le gage de notre succès à faire évoluer les pratiques dans les mois à venir. Aussi nous vous demandons d'assurer la diffusion la plus large de ces documents et, dans le cas des associations, de mener une campagne de mobilisation des maîtres d'ouvrages en rivière L2. L'unité et la solidarité des propriétaires de moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques comme des riverains de ces ouvrages appréciés sont essentielles pour préserver le patrimoine et le paysage de nos vallées d'une destruction inacceptable.