10/07/2022

L'administration veut continuer à casser les ouvrages en rivière et résiste à l'application de la loi

On s'en doutait : les casseurs d'ouvrages hydrauliques persistent à refuser l'évolution de la loi. Dans une table ronde au Sénat, il a été prétendu que la loi Climat de 2021 empêche toute destruction d'ouvrage. Ce qui est faux : cette destruction est toujours possible en cas d'abandon volontaire du droit d'eau et donc de l'ouvrage par son propriétaire, sans rapport avec la continuité écologique. En revanche, la loi contredit l'idéologie d'un certain nombre de fonctionnaires militants qui refusent de reconnaître les intérêts nombreux des ouvrages hydrauliques. Leur seul programme réel, depuis le début, a été le retour à la rivière sauvage par exclusion maximale de la présence humaine. Pour cela, le harcèlement des propriétaires et riverains en les menaçant de chantiers ruineux sans aucune aide publique, cette dernière étant réservée aux casseurs. Mais justement, les plus hautes instances judiciaires et parlementaires du pays ont signifié sans l'ombre d'un doute que cette idéologie de négation des dimensions humaines, sociales, économiques, patrimoniales de la rivière n'est pas la politique publique de l'eau en France. Il serait temps pour ces fonctionnaires militants de se soumettre ou de se démettre... Et pour leurs collègues, d'appliquer simplement la loi, ce qui permettra d'avancer enfin sur la continuité écologique, mais aussi sur les autres enjeux du pays liés à ces ouvrages.


Le magazine en ligne Actu Environnement publie un article sur les difficultés de la continuité écologique des rivières suite à la loi Climat de 2021. Comme l'écrit le journal, "son article 49 a supprimé l'aide des agences de l'eau pour l'effacement des seuils installés sur les rivières et a précisé que l'usage actuel ou potentiel des ouvrages ne peut être remis en cause, notamment aux fins de production d'énergie. Deux évolutions qui semblent aujourd'hui poser des problèmes aux agents de l'État chargés de faire appliquer la loi".

Il est ainsi affirmé par Pierre Dubreuil, directeur général de l'Office français de la biodiversité, : "Ce que nous constatons, c'est que plusieurs projets sont en attente, voire bloqués, en application de l'article 49 de la loi Climat et résilience : les propriétaires, qu'ils soient privés ou des collectivités, envisageaient un effacement qui n'est plus possible".

Ce point est faux au plan du droit. Il revient normalement aux services juridiques du ministère de l'écologie de produire une circulaire d'application de la loi (pas à une personne en charge de la biodiversité de donner un avis mal informé...). Mais voilà : les hauts fonctionnaires du ministère de l'écologie ne veulent pas admettre l'évolution légale choisie par les parlementaires et font de la résistance interne dans l'appareil d'Etat... alors qu'ils n'ont jamais été élus, rappelons-le. C'est ce genre de problèmes qui exaspère beaucoup et à juste titre les citoyens de notre démocratie. 

Ce que permet le droit
Tout ouvrage hydraulique sur une rivière est l'objet d'une autorisation, soit sous la forme tacite d'un droit d'eau fondé en titre (le fait que l'ouvrage existe avant 1790 pour un moulin ou avant 1829 pour un étang), soit sous la forme explicite d'un arrêté préfectoral de règlement d'eau précisant les conditions d'existence et d'usage de l'ouvrage.  

Un propriétaire (privé, communal, public) d'ouvrage hydraulique peut parfaitement s'il le désire engager une procédure d'abandon de droit d'eau, et donc de l'ouvrage. En ce cas, le préfet constate cet abandon et produit un arrêté préfectoral d'annulation de l'autorisation. Cette procédure n'a rien à voir avec la continuité écologique, donc elle ne relève pas de l'article 49 de la loi Climat de 2021 ni de l'article L 214-17 code de l'environnement que cette loi a modifié. En ce cas en effet, le propriétaire a obligation de remettre le site dans une situation de gestion équilibrée et durable conforme aux attendus de l'article L 211-1 code de l'environnement. C'est logique : vous abandonnez un bâti qui était lié à un usage, on vous demande de remettre les choses en l'état (si ce bâti est situé sur une rivière ayant d'autres usages pour des tiers ou s'il pose des problèmes).

Notre association n'est évidemment pas favorable à cet abandon des ouvrages par leurs propriétaires, car nous avons montré que ceux-ci ont des effets positifs multiples qui l'emportent sur des effets négatifs concernant certaines espèces spécialisées. Cela étant dit, nul ne peut être contraint de gérer un bien dont il ne veut plus. Si personne ne veut assumer cette gestion de l'ouvrage, alors sa disparition peut être envisagée. Mais au terme de cette démarche volontaire et réfléchie, après avoir vérifié qu'il n'existe pas d'autres options, en prenant soin que le chantier ne nuise pas aux enjeux locaux du vivant, de l'eau, de la santé et de la sécurité comme aux enjeux d'intérêt général du pays. 

L'idéologie de la casse doit être chassée des administrations de l'eau
En vérité, un certain nombre de fonctionnaires militants de la casse des ouvrages hydrauliques au nom du retour à la nature sauvage, travaillent à l'OFB, aux DREAL de bassin, aux agences de l'eau, dans des syndicats de rivière, ont toujours comme programme de pousser les citoyens à détruire le maximum de sites par le chantage financier et règlementaire. Cela alors que pour assurer la fameuse continuité écologique, il existe en réalité des solutions non destructrices des ouvrages, conservant leurs atouts conformes à l'intérêt général. 

Les parlementaires, le conseil constitutionnel, le conseil d'Etat : toutes les plus hautes instances ont réaffirmé à diverses reprises depuis 10 ans que la politique publique de la France n'est pas de sacrifier l'humain à une "naturalité" des rivières, mais plutôt de concilier des fonctions naturelles des cours d'eau avec des usages par ailleurs utiles et appréciés, comme ceux des ouvrages hydrauliques. Rappelons ainsi que le conseil constitutionnel a reconnu que le patrimoine hydraulique et l'énergie hydraulique sont d'intérêt général, conforme à la charte de l'environnement. Et que le conseil d'Etat a lui aussi refusé de valider l'idéologie extrémiste réduisant les ouvrages à des impacts à faire disparaître.

Le mouvement des ouvrages hydrauliques doit informer les parlementaires de ces manoeuvres dilatoires qui tentent d'imposer à nouveau une certaine vision intégriste et agressive de la nature sauvage en liquidant le maximum du patrimoine hydraulique français et ses usages avérés (production d'énergie ou production alimentaire, agrément des riverains, effets bénéfiques en crues et sécheresses, création de nouveaux écosystèmes et écotones, etc.). 

A retenir :

6 commentaires:

  1. Bonjour,
    En Ariège une association écologiste (membre de FNE) veut réintroduire le castor précisément pour les bienfaits des barrages qu'ils construisent !!!
    C'est savoureux ! Dans un département ou les ayatollah de la truite on un poids plus fort qu'ailleurs.
    Les fédérations de pêches, les APPMA vont elles laisser faire les organisations qui, jusqu'à maintenant, étaient sur la continuité et l'hydro en particulier leurs "idiot utile" ?
    Voir le lien :
    https://www.ladepeche.fr/2022/07/09/reintroduire-le-castor-en-ariege-un-atout-pour-lenvironnement-10425439.php

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  2. C'est révoltant de détruire le dur travail de nos anciens!
    Imaginez 1118 ouvrages produisant de l'électricité! même a basse puissances c'est pas négligeable!
    Y a t'il une association pour défendre ce sujet?

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  3. Si on vous comprend bien la loi "Climat et Résilience" n'a rien changé puisque le propriétaire d'un ouvrage faisant obstacle à la continuité peut toujours préférer le détruire que l'équiper d'un dispositif de franchissement et que, depuis toujours, aucun propriétaire de tel ouvrage n'a été obligé de le détruire et si un tel ouvrage a été détruit dans le passé, cela l’a toujours été avec l'accord du propriétaire qui a toujours gardé le choix de la solution pour se mettre aux normes de la continuité piscicole et sédimentaire... Quant aux aides publiques et notamment à l'aide des Agences de l'eau rien dans la loi, selon vous, ne leur interdit de financer davantage l'effacement d'un ouvrage que son équipement. Qu'a donc changé au final selon vous la loi "Climat et Résilience" à part de faire douter quelques fonctionnaires peu informés et en attente d’un signal de leur Ministère ?

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    1. La loi Climat de 2021 a précisé aux citoyens et aux administration que la destruction des ouvrages ne doit plus être la politique de continuité écologique sur les rivières classées à cette fin. Si vous avez du mal à le comprendre, on ne peut pas grand chose pour vous. Les gens travaillant dans une administration publique sont en charge d'appliquer les lois, donc ils ne doivent tout simplement plus faire la promotion et le financement systématique de solutions non-légales. Mais une démarche individuelle d'abandon de droit d'eau est toujours possible, et en ce cas, l'aide publique est possible pour d'autres motifs à justifier selon les textes du financeur public envisagé. Cette démarche individuelle n'est pas une politique publique générale, c'est du cas par cas.

      Les agences de l'eau sont en contentieux avec nous et les fédérations de moulin. Nous verrons ce que les juges de dernière instance disent concernant le choix de financement public au regard des lois. Mais détruire les sites du patrimoine hydraulique et l'énergie hydraulique quand le conseil constitutionnel a dit qu'ils étaient d'intérêt général et conformes à la charte de l'environnement, quand le conseil d'Etat a censuré le gouvernement en disant qu'un ouvrage hydraulique n'était pas par essence à considérer comme un obstacle à la continuité écologique, c'est assez curieux pour un choix public. Nous espérons donc que le juge va censurer des options extrémistes dont on connaît très bien les auteurs et les inspirateurs.

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    2. Votre thèse est donc que le seul effet de la loi "climat et résilience" est que le propriétaire de seuil de moulin ( cela ne joue pas pour les seuils ayant une autre origine) qui a choisi de supprimer son seuil situé sur un tronçon de rivière classé en liste 2 (rien n'est interdit hors liste 2 ) ne peut plus recevoir une aide publique pour cette suppression au seul motif du rétablissement de la continuité écologique. Il faudra pour cela rechercher "d'autres motifs à justifier selon les textes du financeur public envisagé". Est-ce bien cela?

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    3. Le nouvel article L 214-17 CE pose que dans les rivières exigeant un rétablissement de continuité écologique (liste 2), "tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie". C'est assez clair, cela signifie qu'en matière de politique publique de continuité, on attend des solutions non destructrices des ouvrages de la part de l'autorité administrative. Mais la continuité ne résume pas l'ensemble de la gestion d'un ouvrage. Si un ouvrage perd son autorisation, alors nous ne sommes plus dans un problème de continuité, nous sommes dans un problème d'existence légale d'un bien.

      L'esprit de la loi est que l'Etat acte la valeur des ouvrages hydrauliques et le principe de leur maintien (= ce que doit refléter la politique publique désormais), mais que si des ouvrages sont sans usage ni autorisation, alors l'Etat est libre de décider la meilleure solution pour l'avenir des biens concernés, selon les conditions locales et dans le respect du reste du code de l'environnement.

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