28/09/2025

Quand la rivière tue, priorité doit être donnée à la sécurité des citoyens

Le 22 septembre 2025, une femme de 55 ans perdait la vie à Guingamp, emportée par une crue soudaine. Un drame terrible, rendu encore plus insupportable par le lieu de l'accident : la vallée de Cadolan, qui venait de faire l'objet d'un chantier de "renaturation" à près d'un million d'euros, censé lutter contre les inondations. Cet événement tragique rappelle que la rivière tue : le risque zéro est impossible, mais le devoir du gestionnaire public de l'eau est de protéger les citoyens. Or la politique de l'eau a fait depuis des décennies le choix idéologique de la "restauration écologique des rivières" au détriment du génie hydraulique et de la protection des populations, qui se retrouvent sous-financés. Face à l'urgence climatique, il est temps de replacer la sécurité des personnes et la maîtrise de l'eau au cœur d'une véritable politique de gestion des bassins versants.


(DR, actu.fr)

Le lundi 22 septembre 2025, à 7h15 du matin, une agente du lycée Pavie s'engage sur la route du lieu-dit Cadolan. Le département est en proie à ce que Météo France qualifie d'"épisode pluvieux remarquable", avec des cumuls atteignant plus de 150 mm dans le secteur de Plouha entre le dimanche midi et le lundi matin. Alors qu'il fait encore nuit, sa voiture est surprise par une montée des eaux fulgurante. L'issue sera fatale.

Ce drame exprime aussi un échec. Car la vallée de Cadolan n'est pas un lieu anodin. C'est le site d'un projet phare de l'agglomération Guingamp-Paimpol, une opération de réhabilitation écologique à 840 000 euros. L'aménageur lui-même expliquait que l'idée initiale était de créer cet espace "pour éviter la construction d'un nouveau barrage qui permettait de lutter contre les inondations". 

Le résultat ? Face à une crue réelle, le secteur engorgé s'est transformé en piège mortel.

La politique de l'eau : tout pour l'écologie, plus grand chose pour l'hydraulique
Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il faut se plonger dans les documents qui orientent la politique de l'eau sur chaque territoire, comme le SAGE voisin de la Baie de Lanion ou les documents de l'Agglomération de Guingamp-Paimpol. On y parle de préserver les "zones d'expansion des crues" ou de "sensibiliser à la culture du risque". On y évoque des "solutions fondées sur la nature" et des "restaurations écologiques". Pas un mot sur les solutions de génie hydraulique qui ont fait leurs preuves depuis des décennies. Pas un mot sur des barrages de retenue en amont, des digues de protection ou des canaux de contournement pour dévier les crues des zones habitées. La doctrine publique de gestion de l'eau est devenue : on ne s'oppose plus à l'eau, on lui laisse de la place. C'est un choix politique qui, au nom de la nature, abandonne des décennies de savoir-faire en matière de sécurité hydraulique.

Pire, cette doctrine publique a conduit à se priver des outils de régulations de l'eau, en particulier les barrages et canaux qui soit sont découragés et sous-financés, soit carrément détruits volontairement quand ils existent. 

Dans cette région de Guingamp-Paimpol-Lannion, l'idéologie de la destruction des barrages et la vénération des rivières "sauvages" n'est pas nouvelle. On peut remonter à 1996. Cette année-là, le barrage de Kernansquillec sur le Léguer, un ouvrage de 15 mètres de haut, fut entièrement démoli. Bien que situé sur un bassin versant voisin du Trieux (donc sans impact sur le cas de Guingamp), son démantèlement fut érigé en exemple régionale et national ; il a servi de déclencheur politique et idéologique à la doctrine de "l'effacement" systématique des ouvrages hydrauliques, qui fut ensuite le dogme appliqué partout, en Bretagne et en France.

La circulation de la truite ou du saumon passe après les vies humaines
Face à la tragédie de Guingamp, les citoyens sont en droit de demander des comptes à l'agence de l'eau, à l'agglomération Guingamp-Paimpol et aux acteurs à compétence Gemapi, qui appliquent ces orientations.

Comment peut-on justifier de dépenser des millions d'euros d'argent public dans une politique qui fait de la circulation de la truite ou du saumon une priorité, tout en ignorant les outils les plus efficaces pour protéger les vies humaines ? Comment peut-on se contenter de brandir des "solutions fondées sur la nature" sans garantir qu'elles seront efficaces en crue, sans évaluer l'eau stockée par ce biais, sans alerter les citoyens du nouveau régime d'écoulement que cela implique ? 

La priorité absolue doit être la sécurité et la santé des personnes. L'écologie de la "restauration", aussi louable soit-elle, ne peut primer sur cet impératif. Que l'on investisse dans des solutions fondées sur la nature, comme de véritables zones humides d'expansion de crues, pourquoi pas. Mais d'abord à condition que l'efficacité soit démontrée. Ensuite en complément, et non en remplacement, des ouvrages de protection active ainsi que de la gestion technique des ruissellements en zone urbaine.

L'aménagement de la vallée de Cadolan a montré les limites de la seule renaturation, et cela de la plus tragique des manières.

Pour un changement de cap : la sécurité d'abord
L'heure est à l'action. Il faut un moratoire immédiat sur toute destruction de barrages et de seuils qui participent, même modestement, à la régulation des eaux. Il est vital de réinvestir dans une approche hydraulique robuste, et même de reprendre la construction d'ouvrages de protection là où c'est nécessaire. Cela implique également de financer en priorité des systèmes d'alerte météo et de crues plus réactifs et plus localisés, pour que ni les citoyens, ni même les élus, ne soient surpris par une montée des eaux fulgurante en pleine nuit.

Cela passe aussi par un changement dans les mentalités et les compétences. Les agents publics qui gèrent nos rivières doivent être formés au génie hydraulique et à la gestion des risques, pas seulement à la biologie et à la morphologie des cours d'eau.

Cet impératif est rendu encore plus criant par le réchauffement climatique. Les experts nous alertent depuis plus de 20 ans : les événements extrêmes vont devenir plus fréquents et plus intenses. Pourquoi, dans ce cas, nos aménageurs n'ont-ils pas réfléchi plus tôt au dimensionnement des projets ? Pourquoi ne pas avoir compris le coût énorme que représente une maîtrise correcte des écoulement en zone agricole et urbaine, donc la nécessité de concentrer et non disperser l'effort public en subventions et en personnels ?  

Continuer sur la voie actuelle, c'est faire le choix de l'impréparation. Un choix inacceptable. Un choix qui doit disparaître des SDAGE et des SAGE. 

Protéger la biodiversité est nécessaire, restaurer des naturalités peut être utile. Mais garantir la sécurité et la santé des habitants est le premier devoir du gestionnaire public. Il est temps de remettre l'ingénierie, la prudence et le bon sens au cœur de la gestion de nos rivières. Avant qu'une autre crue ne vienne nous rappeler, de la plus brutale des manières, le coût de nos égarements par rapport à la hiérarchisation et la priorisation des actions. 

6 commentaires:

  1. L'ignominie n'a donc plus de frontière chez vous. Instrumentaliser la mort de quelqu'un pour faire passer votre idéologie. En quoi on consisté ces travaux en 2024 ? Aucune idée, vous ne le dites pas. Nous pouvons certainement parier que ce n'était pas des travaux d'effacement. Est ce que l'inondation sur ce lieu dramatique est due aux travaux ? Aucune idée là aussi ou est ce que les travaux ont bien joué leur rôle. Oser faire le parallèle avec un effacement datant de 1996...c'est pitoyable. Aucune inondation entre les deux projets ? Aucune inondation sur des cours d'eau avec barrage ? Jamais eu de mort ?
    Faire croire que les. Ouvrages hydraulique de lutte contre les. Inondations sont sous financés à cause de ça mais quelle honte. Il n'y a plus qu'à espérer que vous alliez au tribunal pour diffamation de la part de la Famille et du maître d'ouvrage. Que la honte vous étouffe.

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  2. Vous devriez avoir honte d'une telle prise de position à l'encontre des techniciens GEMAPI alors que la situation coupable est celle de l'arrachage des haies depuis le remembrement, du drainage des parcelles, de la bétonnisation des milieux urbains, de la destruction des zones humides faites pour tamponner, du curage excessif des cours d'eau et fossés, de la perte de matière organique dans les sols, de la mort biologique des sols et donc de leur capacité à stocker et à infiltrer. Si les barrages sont utilisés pour protéger certaines zones du territoire, ce n'est le cas que lors de faibles à moyennes crues. Ici, c'était une crue éclair centenale. Le barrage aurait retardé mais pas évité la crue.
    La faute aussi aux absents qui n'ont pas eu le temps de barrer cette route régulièrement inondée puisque située dans le lit majeur du cours d'eau.
    Signé un non GEMAPI mais amoureux des rivières riches de biodiversité

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    1. Vous l’avez bien dit cela aurait retardé et surtout une montée plus lente ce qui permet de réagir en conséquence et éviter le pire.
      Je vis au bord d’un cours d’eau et le risque d’être piégé est réel.

      La disparition des seuils et des étangs assèche aussi mon cours d’eau tout les deux ans, les stations d’épuration sont seules pour alimenter la rivière, je suis sceptique sur le résultat de cette politique.
      Quand je lis les bienfaits du castor, il crée un seuil comme un moulin et c’est sensationnel.

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  3. @ci-dessus

    a) L'article n'accuse nullement les travaux d'avoir causé la mort de cette personne. L'article déplore que l'argent public de l'eau soit dilapidé hors des priorités (déjà la sécurité et la santé des citoyens) et sans garantie de résultat.

    b) Les commentaires anonymes pour nous insulter, cela suffit. Soit vous publiez en nom et qualités, soit vous allez verser votre bile ailleurs.

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  4. Figeac 8,9 millions d’euros soit 2000€ par figeacois pour le même résultat, la gabegie se poursuit. Le Célé embarquera tout avec en plus la départementale comme à Tulle. Les écologistes sont ravis, les riverains beaucoup moins, évidemment les premiers n’auront pas les pieds dans l’eau et racontent toujours les mêmes inepties apprises par cœur sur le net.

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  5. ayant fait partie d'une CLE pendant 7 ans et vu la mise en place de GEMAPI, il est évident d'une part que la taxe correspondante n'est pas à la hauteur des besoins pour les risques inondation, d'autre part que la quasi absence de l'Agence de l'Eau dans ce domaine, alors qu'elle subventionne très largement l'OFB, est choquante. Le malheureux accident cité dans votre texte rappelle combien les Français ne se soucient pas de ces phénomènes d'inondation (appelés à se développer dans les années qui viennent) et combien les autorités restent volontairement myopes sur ces sujets (malgré des progrès réglementaires il y a une décennie environ). Il faut mobiliser sur un temps long et faire preuve de constance dans l'effort. Pas dans l'air du temps !
    Vous avez raison de souligner la priorité exclusive accordée à des réalisations sur les rivières dont l'efficacité n'est pas prouvée au détriment d'autres dont l'intérêt est historiquement prouvée. Que les élus et les Français prennent conscience des limites et des erreurs d'une idéologie qui sévit depuis plusieurs décennies !

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