17/10/2025

Le Conseil d’État met un coup d’arrêt à l’arbitraire administratif contre les moulins fondés en titre

Sous prétexte d’écologie, l’administration avait fini par s’arroger le pouvoir d’effacer des droits réels multiséculaires attachés aux moulins et ouvrages hydrauliques. Par une décision du 10 octobre 2025, le Conseil d’État rappelle fermement que nul, pas même le préfet, ne peut abolir un droit fondé en titre sans loi ni indemnité. Une victoire majeure pour le respect du droit et la défense des patrimoines de l’eau.


Par une décision rendue le 10 octobre 2025, le Conseil d’État a partiellement annulé le refus du ministre de la Transition écologique d’abroger l’article R.214-18-1 du Code de l’environnement. Cette décision marque une étape importante pour la défense des ouvrages hydrauliques fondés en titre.

Depuis 2014, l’article R.214-18-1 du Code de l’environnement imposait aux propriétaires d’ouvrages fondés en titre — des droits réels immobiliers antérieurs à la Révolution — une procédure déclarative lourde et inédite pour toute remise en eau, remise en service ou confortement. Aucune obligation comparable ne pesait sur les ouvrages plus récents, simplement autorisés ou déclarés. Cette différence de traitement, fondée non pas sur un motif environnemental mais sur l’ancienneté du droit, créait une rupture manifeste du principe constitutionnel d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Un pouvoir préfectoral contraire à la Constitution
Surtout, le texte controversé permettait au préfet, saisi d’une déclaration, d’abroger purement et simplement le droit fondé en titre, même en l’absence de ruine ou de changement d’affectation de l’ouvrage. Autrement dit, l’administration pouvait faire disparaître un droit réel attaché à un bien, sans procédure d’expropriation ni indemnisation — une atteinte directe au droit de propriété garanti par la Constitution.

Le Conseil d’État a jugé cette disposition illégale : il a enjoint au Premier ministre d’abroger sous six mois les mots “le droit fondé en titre ou” figurant à l’article R.214-18-1 II 3° du Code de l’environnement. Le pouvoir réglementaire, rappelle la haute juridiction, ne peut remettre en cause la substance d’un droit réel garanti par la loi et la Constitution (article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958).

Cette décision n’annule pas l’ensemble de l’article R.214-18-1, mais elle rétablit une limite essentielle : le préfet ne peut pas supprimer un droit fondé en titre sous couvert de police de l’eau. Il ne peut agir que sur les autorisations d’exploitation, non sur le droit d’usage lui-même, qui reste attaché à l’immeuble.

Une mise en garde adressée au ministère
Au-delà de son aspect juridique, cette affaire illustre une nouvelle fois les dérives du ministère de la Transition écologique, dont certaines pratiques consistent à interpréter les textes de manière extensive, au mépris des principes supérieurs de notre droit.

Le Conseil d’État rappelle ici que l’administration est tenue par la hiérarchie des normes et que les droits anciens, même modestes, bénéficient d’une protection constitutionnelle.

Me Jean-François Remy (ayant porté l'affaire au nom du cabinet Cassini Avocats) se félicite de cette décision, qui met fin à une dérive emblématique et consacre la primauté du droit sur l’arbitraire administratif.

Pour les propriétaires de moulins, d’étangs ou d’ouvrages fondés en titre, cette jurisprudence constitue un précédent fort : la pérennité de leurs droits ne peut être remise en cause sans base légale claire ni indemnisation.

Référence : Conseil d'État, arrêt n°495104, 10 octobre 2025

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