Longtemps confondues avec de simples marais, les tourbières restent mal connues, alors même qu’elles jouent un rôle majeur dans les cycles de l’eau, du carbone et de la biodiversité. Dans Plaidoyer pour les tourbières, Hervé Cubizolle propose une synthèse claire et accessible des connaissances scientifiques actuelles sur ces milieux singuliers, en croisant hydrologie, pédologie, écologie et histoire des usages humains. Un ouvrage de référence pour comprendre ce que sont réellement les tourbières, comment elles fonctionnent et pourquoi leur devenir pose aujourd’hui question.
L’auteur part d’observations de terrain pour rappeler une évidence souvent oubliée : une tourbière n’est ni un marais, ni une simple zone humide. Il introduit les grandes idées fausses associées à ces milieux (éponge à crues, réservoir d’eau estivale, dangerosité), et pose le cadre du livre : expliquer les mécanismes réels, sans simplification excessive ni catastrophisme, à partir de décennies de recherches, notamment dans le Massif central
De l’eau, de la tourbe et de la vie
La première partie constitue le socle scientifique de l’ouvrage. Elle détaille le rôle central de l’eau dans la formation des tourbières, en insistant sur les liens étroits entre précipitations, nappes phréatiques et sols saturés. L’auteur explique comment la tourbe se forme par accumulation lente de matière organique mal décomposée, donnant naissance à un sol spécifique, l’Histosol.
Le lecteur découvre ensuite la diversité des tourbières (minérotrophes, ombrotrophes), leur répartition géographique mondiale, ainsi que la richesse biologique souvent discrète mais remarquable de ces milieux, tant végétale qu’animale. Un chapitre particulièrement original montre comment les carottes de tourbe permettent de reconstituer l’histoire des paysages, des climats et des activités humaines sur plusieurs millénaires
Les tourbières et les sociétés humaines
La seconde partie s’intéresse aux relations anciennes et contemporaines entre les sociétés humaines et les tourbières. L’auteur passe en revue les usages historiques : mise en culture, drainage, extraction de tourbe, transformation en marais, mais aussi les héritages paysagers et hydrauliques qui en résultent.
Il aborde ensuite l’état de dégradation de nombreux sites, tout en montrant que certains dysfonctionnements hydrologiques peuvent être réversibles si l’on agit à l’échelle pertinente, souvent celle du bassin versant. La question de la protection est traitée de manière nuancée : progrès réglementaires réels, mais pressions persistantes, notamment liées aux prélèvements d’eau et aux changements climatiques.
Les derniers chapitres ouvrent une réflexion plus large sur les services rendus par les tourbières (eau, carbone, biodiversité), sur les limites d’une gestion trop interventionniste, et sur l’intérêt, dans certains cas, de laisser ces milieux évoluer selon leurs dynamiques propres
En conclusion, Hervé Cubizolle rappelle que l’essentiel des tourbières mondiales reste encore relativement intact, ce qui rend leur préservation à la fois urgente et possible. L’ouvrage se clôt sur un appel à mieux connaître ces écosystèmes pour éviter les décisions hâtives ou fondées sur des représentations erronées.
Référence : Cubizolle, Hervé (2024), Plaidoyer pour les tourbières, Versailles, Éditions Quæ, ISBN 978-2-7592-3846-0

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