20/02/2013

Circulaire d'application du classement des cours d'eau: l'Etat entendrait-il faire payer aux maîtres d'ouvrage les mesures qu'il n'a pas réalisées?


La circulaire d'application du classement des cours d'eau vient de paraître. On peut la consulter à cette adresse (pdf). Rappelons que le classement des cours d'eau va imposer, dans les rivières classées en liste 1 et surtout en liste 2, un aménagement des obstacles à l'écoulement (seuils, chaussées, barrages, digues, etc.) afin d'améliorer le transit des sédiments et la circulation des poissons. En Côte d'Or, l'immense majorité de ces obstacles à l'écoulement sont des seuils de moulin de taille modeste, généralement en place depuis des siècles. Les plus grands barrages du département sont des établissements publics gérés par VNF (et épargnés par le classement des cours d'eau, bien que leurs altérations du transit et de la circulation soient majeures).

Une ambiguïté fondamentale dans la circulaire
Le texte fera l'objet d'une analyse détaillée, mais on peut d'ores et déjà en relever une ambiguïté fondamentale. La circulaire explique en effet dans ses motifs généraux d'introduction :
Dans tous les cas, le choix des moyens d’aménagement ou de gestion répondant aux obligations de résultat induites par un classement en liste 2, doit tenir compte des principes d’utilisation des meilleures techniques disponibles ainsi que de proportionnalité des corrections demandées au regard de l’impact de chaque ouvrage et de proportionnalité des coûts par rapport aux avantages attendus. Sur la base de ces principes, il appartient au responsable de l’ouvrage d’analyser l’impact de celui-ci sur la continuité écologique et de proposer les aménagements et modalités de gestion adéquats, et à l’autorité administrative, de fournir les éléments de connaissance qu’elle possède le cas échéant  sur ce point et de fixer les prescriptions  permettant de respecter les exigences du classement, à partir de la proposition d’aménagement ou de gestion faite par le responsable de l’ouvrage.
Le texte laisse entendre qu'il reviendrait à chaque maître d'ouvrage de réunir les informations sédimentaires et piscicoles de sa masse d'eau (phrase en gras). Mais ce point est éminemment problématique : l'administration en charge de l'eau ne peut évidemment prétendre qu'un ouvrage pose un problème sédimentaire et piscicole (raison d'être du classement) sans avoir elle-même procédé aux mesures préalables permettant de prouver l'existence du problème sédimentaire et piscicole au droit de l'ouvrage.  Soit elle admet que les mesures n'existent pas, et la demande d'aménagement ou effacement paraît difficilement fondée. Soit les mesures existent, et c'est à l'administration de les produire au maître d'ouvrage.

Il devient impératif que les mesures soient publiées
Notre association réitère donc plus que jamais la demande qu'elle a déjà formulée : que les administrations en charge de l'eau (principalement Agence de l'eau, Dreal et Onema) publient immédiatement l'ensemble des mesures chimiques, physicochimiques, biologiques et morphologiques de chaque masse d'eau de notre département.

Si ces mesures n'existent pas, ce ne sont certainement pas les usagers de l'eau qui vont se substituer aux obligations de la puissance publique et payer de leur poche un travail que l'Etat n'aurait pas engagé depuis 12 ans qu'il est tenu de le faire (directive-cadre sur l'eau, 2000).

Par ailleurs, le principe de proportionnalité impact/correction ne saurait être déterminé par chaque maître d'ouvrage — on se demande comment le propriétaire serait capable de réunir les informations historiques démontrant dans quelle proportion son ouvrage en particulier a quantitativement altéré les sédiments et les poissons à l'aval ou à l'amont. Si l'Onema a été chargé depuis quatre ans de mettre au point le Référentiel des obstacles à l'écoulement (ROE) et de gérer le Système d'information sur l'eau (SIE), c'est bien pour que cette proportionnalité soit établie de manière claire, transparente et partagée. Ou contestable le cas échéant.

Notre association demandera clarification de ces différents points aux autorités départementales et régionales compétentes.

A lire en complément :
Le dossier de la continuité écologique en Côte d'Or
Bilan chimique et écologique : les mesures que l'autorité en charge de l'eau doit produire
Le classement des cours d'eau : introduction générale
Le référentiel des obstacles à l'écoulement

Continuité écologique en Côte d'Or: le dossier!


Dans ce premier dossier départemental, l'Observatoire de la continuité écologique et des usages de l'eau fait le point sur l'ensemble des problèmes observés en Côte d'Or. Ce travail a été rendu possible par la collecte et l'analyse d'information effectuées par le réseau d'associations locales : Hydrauxois bien sûr, mais aussi nos amis de l'Arpohc en Châtillonnais et de l'APGBCO en plaine de Saône.

Dans les semaines qui viennent, ce dossier sera diffusé aux associations, aux administrations, aux syndicats de rivière, aux élus et aux médias. Mais outre les "décideurs", ce sont tous les riverains qui doivent se saisir de la question de la qualité de la rivière, des causes réelles de sa dégradation et des mesures les plus appropriées pour sa restauration.

Ce dossier fait plus de 40 pages, chaque aspect de la continuité écologique y est exposé de manière didactique, sous forme de question (cf ci-dessous) dont les réponses sont toutes référencées. Ce dossier est aussi l'expression d'une vive inquiétude : alors que de nombreux doutes pèsent aujourd'hui sur la qualité du Système d'information sur l'eau, alors que nulle part il n'est démontré que les seuils et petits barrages forment les altérations majeures de l'équilibre de nos rivières, les associations côte-doriennes refusent que des décisions précipitées détruisent le paysage, le patrimoine et le potentiel énergétique que nous avons reçus des générations passées et que nous lèguerons aux générations futures. Nous souhaitons donc une application concertée, équilibrée, prudente et intelligente du nouveau classement des rivières. Et au-delà, une vraie réflexion collective sur  les usages et mésusages de l'eau.

Sommaire

Introduction : Dix motifs d’inquiétude et un urgent besoin de concertation entre associations, syndicats, élus et administrations

Continuité écologique et hydromorphologie: une place modeste dans l’objectif européen de reconquête de la qualité des eaux
> Rappel: le classement des rivières et la continuité écologique
> La question des seuils et de la continuité est-elle centrale pour le bon état chimique et écologique des rivières?
> Mesure-t-on et explique-t-on correctement les causes de dégradation de nos rivières?

Seuils, barrages et qualité de la rivière : des connaissances encore incertaines, des résultats parfois contradictoires
> Les seuils et barrages transforment-ils l’ensemble du linéaire des rivières?
> Les seuils et barrages affectent-ils de façon manifeste et systématique la qualité piscicole
> Tous les poissons ont-ils besoin d'un franchissement en montaison et dévalaison?
> L’auto-épuration des rivières est-elle affectée par les seuils et barrages?
> Connaît-on l'effet des seuils et barrages sur les espèces exotiques envahissantes?
> Pourquoi ignorer l'effacement naturel des obstacles à l'écoulement?

Patrimoine, paysage, énergie : les dimensions oubliées de la rivière
> La valeur patrimoniale, historique, paysagère et touristique des ouvrages hydrauliques est-elle évaluée?
> Le potentiel énergétique des ouvrages hydrauliques est-il pris en compte?

La continuité écologique en action: un niveau de qualité, de concertation et de cohérence insatisfaisant
> L’incitation systématique à l’effacement assure-t-elle à une gestion durable et équilibrée de la rivière ?
> Qu'est-ce qui est fait pour les grands barrages de notre département gérés par les établissements publics?
> Le principe de précaution est-il respecté dans la politique d'effacement des seuils?
> Les règles et bonnes pratiques des travaux de continuité écologique sont-elles suivies dans les chantiers engagés?
> Quel sera le coût de la continuité écologique et qui va le supporter?

Dix mesures pour réussir la continuité écologique et la reconquête des milieux aquatiques en Côte d’Or

Pour le télécharger (pdf, 4,7 Mo) : Continuité écologique en Côte d'Or

13/02/2013

100%, 20%, 1%...


Le rapport 2013 de la Cour des Comptes est donc paru, confirmant l'ensemble des informations circulant depuis deux mois sur les dysfonctionnements de l'Onema et, plus généralement, du Système d'information sur l'eau en France. Le Premier Président de la Cour a par ailleurs annoncé qu'il y aurait des poursuites, contrairement à ce qu'affirmait Mme Dupont-Kerlan, directrice de l'établissement : «L’exemple de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, créé en 2007, révèle une accumulation de missions mal assurées et des déficiences graves dans l’organisation et la gestion. Devant l’ampleur de celles-ci, la Cour des comptes, par une délibération de la septième chambre, a décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de certains des faits constatés et a transmis le dossier au parquet général à cette fin.» 

Nous n'épiloguerons pas ici sur ces faits, que d'autres commentent avec acuité et dont une synthèse sera produite par l'Observatoire de la continuité écologique.

L'acharnement sur les seuils
Deux points retiendront notre attention. Le premier concerne  l'exercice de la Police de l'eau, avec cette observation de la Cour des Comptes (p.329) :

« Alors que des actions contentieuses ont été engagées contre la France sur le non-respect de la directive européenne sur les nitrates, la «pression de contrôle» est insuffisante pour faire diminuer ce type de pollution et se prémunir contre de nouveaux contentieux. La circulaire du ministère de l’environnement du 12 novembre 2010 fixe en effet un objectif de contrôle peu ambitieux au regard des enjeux : dans les zones les plus sensibles, 1 % seulement des exploitations d’un département font l’objet d’un contrôle. Ce taux, à comparer avec ceux des stations d’épuration (20 %) ou des seuils et barrages (100 %), n’est pas de nature à contribuer à une diminution de la pollution de l’eau par les nitrates. »

100% de contrôle sur les seuils, 20% sur les stations d'épuration, 1% sur les exploitations agricoles intensives... voilà un bon résumé en trois chiffres du problème observé sur les cours d'eau depuis quelques années. L'inexplicable acharnement sur un seul aspect du compartiment hydromophologique des rivières répond à l'indéfendable relâchement sur les causes directes de pollution chimique. Et cela alors que les preuves convaincantes manquent singulièrement pour établir le rôle des seuils et de la petite hydraulique dans la dégradation de la qualité piscicole.

Evaluation et audit des données sur l'eau
Le second point concerne ce communiqué de Mme Batho, ministre de l'Ecologie, qui reconnaît sans commentaire les «graves dysfonctionnements» de l'Onema, mais qui précise surtout :

« Concernant les insuffisances structurelles de la  politique de l’eau, mises en évidence par le rapport de la Cour des Comptes, la Ministre de l’Écologie a souhaité qu’une évaluation de la politique de l’eau soit engagée dans le cadre du chantier de modernisation de l’action publique. Les scénarios d’évolution de la politique de l’eau seront présentés à la conférence environnementale en septembre 2013. Le plan d’action de modernisation de cette politique sera lancé au mois d’octobre. Cette évaluation de la politique de l’eau comportera également un audit transparent et partagé de la production et de la gestion des données sur l’eau. »

Nous prenons acte que la qualité du système d'information sur l'eau est à ce point suspecte qu'elle demande une évaluation de sa politique de mise en oeuvre et un audit complet des données déjà produites.

Mais nous nous étonnons que le Ministère persiste à publier des arrêtés de classements de cours d'eau dont les mesures structurantes (définition du très bon état écologique, peuplement piscicole dans chaque masse d'eau, élaboration des corridors biologiques, etc.) proviennent d'un Système dont la robustesse technique et scientifique est l'objet de sa propre suspicion.

09/02/2013

L'équipement hydraulique de la Côte d'Or en 1899


Créé en 1891, l'Office du travail fut incorporé en 1899 dans  la Direction du travail (au sein du ministère du Commerce) et doté d'un bureau de la statistique générale de la France. L'un des objectifs était de fournir au pays un recensement précis de ses capacités industrielles et commerciales. Parmi elles, les « force motrices à vapeur et hydrauliques » intéressaient évidemment les esprits, en cette fin d'un siècle marqué par le rôle prépondérant de l'énergie. Deux enquêtes quinquennales avaient précédé en 1840-1845 et 1860-1865. Le recensement de 1899 de l'Office du travail permet d'évaluer quel était l'équipement hydraulique de la Côte d'Or.

568 sites équipés de moteurs hydrauliques, pour une puissance de 4,92 MW
Pour les rivières non navigables, la Côte d'Or comptait 565 chutes aménagées. Elle se place en 35e position des départements français (en tête le Puy-de-Dôme avec 1529 chutes, en queue la Seine avec 19 chutes). Sur les rivières et canaux navigables, les aménagements ne comptent que 3 sites (contre par exemple 146 en Haute-Garonne, le département le plus équipé sur ce type de cours d'eau).

Les 565 chutes des rivières non navigables sont exploitées par 509 établissements rattachés aux industries de transformation, 33 relevant de la forêt et agriculture auxquels s'ajoutent 2 services de l'Etat ou des communes. La puissance totale est estimée à 6686 chevaux-vapeur (soit 4,92 MW). La répartition par puissance n'est pas individualisée par établissement ou chute, mai donnée par tranche. Elle est de 146 établissements entre 1 et 4 ch (moins de 3 kW), 210 établissement entre 5 et 10 ch (jusqu'à 7 kW), 122 de 11 à 20 ch (jusqu'à 15 kW), 55 de 21 à 50 ch (jusqu'à 38 kW), 6 de 50 à 100 ch (jusqu'à 73 kW), 1 de 100 à 200 ch (jusqu'à 145 kW) et 2 de 201 à 500 ch (jusqu'à 350 kW).

Des activités  diverses,  largement dominées par la minoterie
Les quatre secteurs dominants sont les industries de l'alimentation (352 établissements), les industries du bois (82), les industries chimiques (30) et le travail du fer, acier et métaux divers (17).

Les dix premières activités plus précisément détaillées sont la minoterie et moulin à farine (313 établissements),  la scierie de bois (64), le battage de grains (32), le moulin à farine associé à d'autres industries (31), l'huilerie (15), le moulin à tan (11), la fabrique de ciment, plâtre ou phosphate (8), la tuilerie et briqueterie (7), la fabrique de moutarde (6), la scierie de pierre (4).

S'y ajoutent de nombreux autres activités n'occupant souvent qu'un moulin spécialisé : ferblanterie, émaillerie, clouterie, fonderie, distillerie, chaudronnerie, poudrerie, etc. La plus grande puissance à 320 ch (235 kW) est mobilisée par une forge. Notons que la statistique de 1899 ne compte que deux établissements produisant de l'électricité (à fin d'éclairage), l'un à 35 ch et l'autre à 60 ch.

Quant aux trois sites sur canaux et rivières navigables (37 ch), ils servent à la fabrication du ciment pour deux d'entre eux et au sciage du bois.

Quelques observations pour conclure
La statistique de 1899 donne une base intéressante sur l'hydraulique cote-dorienne, même s'il n'est pas certain qu'elle reflète la totalité des sites équipés. Les services de l'Office du travail se plaignaient d'un manque  de moyens, surtout après la centralisation du dépouillement à Paris (en association avec le recensement général depuis 1896).

La détermination de la puissance effective (relevant de la Direction de l'hydraulique agricole à la fin du XIXe siècle) est également problématique. Il a été observé la difficulté de définir la puissance d'un moteur hydraulique compte tenu des variations de débit — la puissance nominale sera considérée comme celle de la génératrice après l'électrification, mais cet usage était encore rare en 1899  (Huber 1932).

Références : 
Huber M (1932), La statistique des forces motrices, Journal de la société statistique de Paris, 73, 397-422.
Ministère du Commerce de de l'Industrie (1901), Répartition des forces motrices à vapeur et hydrauliques en 1899, Tome II Moteurs hydrauliques, Imprimerie nationale.

Illustration : turbine centrifuge Fourneyron, représentée par Armenaud aîné in Traité théorique et pratique des moteurs hydrauliques (1868).

L'Onema persiste dans le déni: non, les mesures ne sont pas mises à disposition du public!

En réponse au « scandale de l'eau » lancé par Marc Laimé et repris par Le Monde, sur la base d'un rapport (non public) de la Cour des Comptes, l'Onema a publié un communiqué de presse. L'Office affirme notamment :

L’Onema est chargé, entre autres, de la coordination technique du système d’information sur l’eau, piloté par le ministère. Crée en 1993, le SIE rassemble des données produites par les services déconcentrés de l'État, les agences et offices de l’eau, l'Onema, le BRGM, les collectivités territoriales, les industriels, les associations pour la protection des poissons migrateurs, etc. Ces données sont pour la plupart, mises à disposition des autorités et du public sur les sites Eaufrance.
D'autres bases de données, en cours de développement, rassembleront et mettront à disposition du public d'autres données, par exemple sur les prélèvements d'eau ou sur les flux de poissons migrateurs.

Ce propos est un accompagné d'une liste des sites du système Eaufrance (cliquer l'image pour agrandir) — liste dont l'empilement et l'entrecroisement sont déjà en soi une promesse d'illisibilité pour les citoyens, leurs élus ou leurs associations.

Il est regrettable que l'Onema persiste ainsi dans le déni en laissant entendre que tout va très bien dans le Système d'information sur l'eau et que chacun peut connaître l'état de sa rivière.

72 mesures exigibles sur chacune des 11 000 masses d'eau françaises: où sont-elles ?
Car il existe un problème, et un gros : les mesures exigibles depuis la Directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) ne sont tout simplement pas disponibles. On est à vrai dire incapable en ce début 2013 de savoir si une seule masse d'eau a vraiment la totalité des mesures requises, à la fréquence voulue (nous parlons bien de mesures quantifiées de phénomènes chimiques, physiques ou biologiques, et non pas d'avis subjectifs d'expert dont l'indice de confiance est faible ou qui sont tout simplement dépourvus de sens ;  voir le problème ici.)

La DCE 2000 sur l'eau demande aux Etats-membres d'évaluer l'état chimique et écologique de chaque masse d'eau. Il existe en France 11523 masses d'eau superficielles, dont 10824 concernant des rivières. En moyenne, une masse d'eau de rivière représente 22 km de tronçon. Cette masse d'eau est délimitée par sa cohérence : hydrologie, géologie, influence anthropique. (Source : WISE, rapportage français à l'Union européenne.)

Sur chaque masse d'eau, l'Etat-membre doit produire à la fréquence requise pour chaque indicateur (Arrêté du 25 janvier 2010). :
• 5 mesures biologiques
• 18 mesures physicochimiques
• 8 critères de description morphologique
• 41 mesures chimiques

Et c'est là une demande conservatrice de la part de l'Union européenne puisque l'étude menée en 2007-2009 sur les milieux aquatiques continentaux avait révélé la présence de 413 micropolluants en eaux superficielles (Etudes & Documents 54, 2011)

Aucun site ne fournit de manière synthétique et claire ces données pour chaque masse d'eau
Or, quand nous demandons ces mesures sur chacune des masses d'eau de Côte d'Or, ni l'Onema ni l'Agence de l'eau ne sont capables de nous donner un lien efficace, c'est-à-dire un site où chaque masse d'eau dispose de son rapport de mesure comprenant l'ensemble des 72 analyses nécessaires au terme de la DCE. L'Onema renvoie vers des relevés piscicoles (type Indice poisson rivière) ne concernant qu'une poignée de cours d'eau par département, et l'Agence de l'eau vers des sous-sites Eaufrance dont aucune ne comporte l'ensemble des masses d'eau (et dont les rares que nous trouvions à proximité de l'Auxois annonçaient une "base indisponible", encore un exemple ci-contre en date du 7 février).

Il semble que la Direction de l'eau et de la biodiversité au Ministère de l'Ecologie commence seulement à prendre la mesure de l'état déplorable de l'information sur l'environnement aquatique. C'est inquiétant :  cette information est non seulement un devoir vis-à-vis de l'Union européenne (rapportage de chaque état-membre pour le suivi de la Directive-cadre sur l'eau), mais elle est également un devoir vis-à-vis des citoyens, qui entendent pouvoir accéder simplement et efficacement au bilan chimique et écologique de leur rivière.

Si le Système d'information sur l'eau vise la transparence sur les mesures réellement effectuées, rien de plus simple : il suffit de réunir sur un même site, avec entrée par bassins et rivières, la liste des masses d'eau et d'un simple clic accéder à un bilan chiffré des analyses : substance (ou paramètre), année, mesure, écart de cette mesure par rapport à la normale ou la valeur maximale admissible. Nos concitoyens sont capables de lire une analyse de sang sur ce principe, ils peuvent parfaitement lire une analyse de qualité des milieux aquatiques. Pourvu que l'Autorité en charge de l'environnement soit décidée à faire la lumière sur ce qui a été réalisé ou non. Pourvu aussi qu'elle consente réellement à assurer l'accès transparent et efficace aux données relatives à l'environnement.

Le mauvais argument du manque de moyens
L'argument généralement repris ces temps-ci en défense des établissements publics travaillant pour l'Autorité en charge de l'environnement est celui du "manque de moyens". Mais c'est peu recevable : les Agences de l'eau disposent d'un budget annuel de l'ordre de 2 milliards d'euros — auquel s'ajoute le budget des établissements qui, outre l'Onema (principalement abondé par les Agences), concourent à une partie des mesures chimiques et biologiques : Irstea, Ifremer, Museum national d'histoire naturelle, etc.

Les moyens existent donc depuis 12 ans que la Directive-cadre a été adoptée. C'est leur usage qui est en cause. Et c'est la Direction de l'eau et de la biodiversité au Ministère de l'Ecologie qui, en dernier ressort, doit en répondre.

En terme de mésusage, on observera que, à rebours de la méthodologie préconisée par l'Union européenne*, des sommes importantes ont été dédiées au compartiment hydromorphologie (mise en place du Référentiel des obstacles à l'écoulement, opérations-pilotes au budget souvent pharaoniques sur l'effacement de 1200 ouvrages prioritaires de la circulaire Grenelle 2010, etc.). Cela alors même que les mesures de base sur la pollution chimique et la dégradation biologique n'étaient pas réunies — de sorte que l'on se précipite en réalité de faire librement circuler des eaux et sédiments pollués dans les rivières, les fleuves, les estuaires et finalement les océans. Et que nul ne peut estimer le rapport coût économique-bénéfice écologique des opérations dites de "restauration des milieux aquatiques". (Rappelons tout de même à titre d'exemple que, sans l'intervention d'un Collectif associatif, on s'apprêtait à dépenser à Semur-en-Auxois un demi-million d'euro pour supprimer un petit barrage, et son socle granitique naturel dans la foulée ; avec une telle somme, on peut tout de même financer des prélèvements et des analyses sur les rivières de Côte d'Or...)

Les deux premiers travaux de l'Observatoire de la continuité écologique suggèrent fortement que la grande majorité des obstacles à l'écoulement longitudinal ne sont pas les causes de la dégradation piscicole observée depuis le XXe siècle. Aussi la question se pose : les gouvernement successifs ont-ils eu réellement la volonté de chercher et de traiter les causes de détérioration des milieux aquatiques? Ou ont-ils choisi des mesures "visibles" pour dissimuler le catastrophique retard dans la connaissance et dans l'action?


(*) La Communauté européenne a adopté cet arbre de décision (image ci-dessus), au terme duquel les Etats-membres doivent d'abord mesurer l'état biologique (5 marqueurs), puis en cas de résultat médiocre analyser les causes physicochimiques d'altération. L'hydromorphologie (incluant les obstacles à l'écoulement latéraux et longitudinaux, mais aussi 6 autres critères) n'est pas considérée comme un critère décisif pour le bon état de la rivière.

PS : on lira avec la lettre ouverte de M. Jean-Luc Touly, membre du Comité national de l'eau et du Comité de bassin Seine-Normandie (dont dépendent nos rivières en Auxois).