23/01/2018

Etude de biodiversité des chaussées de la Sarthe: "Toute destruction sans connaissance préalable de la faune présente est un non sens!"

Suite à la publication de notre rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques, l'Association de sauvegarde des moulins et rivières de la Sarthe nous a fait parvenir un document très intéressant. Il s'agit d'un inventaire partiel de biodiversité (odonates, papillons, reptiles, amphibiens) des ouvrages hydrauliques de la Sarthe, de l’Huisne et du Loir, qui a été réalisé en 2009 par la Société d’histoire naturelle Alcide d’Orbigny. Nous en publions ci-dessous de courts extraits. Les naturalistes montrent que chaque ouvrage est plus ou moins intéressant pour la biodiversité, et que plusieurs espèces protégées profitent de leurs habitats. Chaque site est particulier, toute destruction sans étude préalable du vivant et des enjeux réels de biodiversité est donc un non-sens écologique. 

Introduction (extraits) 
Les rivières de la Sarthe, de l’Huisne et du Loir sont parcourues par de nombreux moulins et bar- rages de taille et d’usages divers, installés pour la plupart depuis plusieurs siècles. Pour l’essentiel, ils sont référencés dans la carte de Cassini établie au XVIIIème. Ces moulins et barrages modifient, souvent depuis le Moyen-âge, le régime de la rivière par rapport à un fonctionnement antérieur, dit « naturel ». La directive cadre sur l’eau du 23 octobre 2000 adoptée par le Conseil et par le Parlement européen définit un cadre pour la gestion et la protection des eaux par grand bassin hydrographique au plan européen. Elle fixe des objectifs ambitieux pour la préservation et la restauration de l’état des eaux superficielles (eaux douces et eaux côtières) et pour les eaux souterraines. Aussi un retour à une plus grande naturalité de ces rivières est actuellement souhaité, menaçant à terme l’existence de nombreux barrages et moulins. 


Dans ce travail nous nous intéresserons au potentiel biologique des eaux au niveau des barrages. Ces derniers sont-ils néfastes à la diversité de la vie aquatique, ne peuvent-ils pas être également générateurs de milieux favorables à certaines espèces, remarquables de par leur rareté et leur valeur patrimoniale (statuts de protection)?

Conclusion (extrait)
En conclusion de ce travail, nous pouvons affirmer qu’il ne faut pas généraliser les conclusions sur l’impact des barrages d’un point de vue écologique. La destruction d’un barrage peut se révéler pertinente dans un cas et ne pas l’être dans un autre. L’environnement global de la rivière est très certainement sous-estimé dans cette problématique. La destruction de barrages dans des zones d’eau polluées permettrait elle de retrouver un fonctionnement naturel ? Rien n’est moins sûr tant que tous les facteurs environnementaux ne sont pas pris en compte.

Chaque cas est particulier et doit être pris individuellement. Des équilibres se créent et les espèces sont capables d’adaptation (comme l’illustre les espèces d’Odonates qui affectionnent les zones calmes des rivières), ce qui est d’autant plus vrai dans le cas de barrages et seuils anciens, qui représentent aujourd’hui la majorité des ouvrages sur les rivières considérées.

Les espèces se sont adaptées au cours du temps à leur environnement et des espèces rares profitent des milieux crées par les barrages. En témoigne la Cordulie à corps fin, Oxygastra curtisii, protégée au niveau européen (Annexes II et IV de la Directive habitat). L’espèce est protégée mais également ses milieux de développement, c’est-à-dire la rivière elle-même. Détruire le barrage dans ce cas précis revient à détruire un habitat protégé au niveau européen! Toute destruction sans connaissance préalable de la faune présente est un non sens!

Ce que vous devez faire
Les associations de propriétaires et riverains comme les associations naturalistes doivent se saisir pleinement de cette question de la biodiversité. La destruction actuelle des ouvrages au nom de la continuité écologique obéit trop souvent à des enjeux halieutiques et piscicoles, non pensés dans une approche écologique globale. Il convient désormais pour les associations de :
  • motiver les propriétaires à étudier, documenter, protéger la biodiversité au droit de leurs ouvrages hydrauliques et des annexes (souvent les plus riches),
  • rechercher des partenariats pour étudier cette biodiversité orpheline, à ce jour largement ignorée par l'Agence française pour la biodiversité et par certaines structures naturalistes posant à tort que tout habit anthropique serait sans intérêt pour le vivant,
  • demander aux syndicats, parcs , fédérations de pêche et tous autres EPCI ou collectivités en charge de l'eau une étude préalable de biodiversité avant toute destruction d'ouvrage hydraulique,
  • engager des contentieux judiciaires si des chantiers de destruction de zones humides et de milieux d'intérêt sont engagés sans examen préalable de leur biodiversité, s'il est décidé de détruire malgré une perte nette de biodiversité, si les espèces invasives ne sont pas prises en compte, de manière générale si toutes les précautions demandées par la loi ne sont pas respectées (pour un aperçu de ces obligations, voir les annexes juridiques de la Grille des bonnes pratiques en effacement d'ouvrage).
Source : Société d’Histoire naturelle Alcide d’Orbigny (2009), Inventaires naturalistes des rivières de la Sarthe, de l’Huisne et du Loir. Département de la Sarthe (72), 31p.

20/01/2018

1392 élus et 349 associations demandent à Nicolas Hulot un moratoire sur la mise en oeuvre de la continuité écologique

Détruire le patrimoine hydraulique français et dépenser chaque année des centaines de millions d'euros pour des bénéfices incertains : la réforme de continuité écologique ne passe décidément pas en France. Ainsi, 1392 élus dont 36 parlementaires, 514 personnalités du monde économique, artistique, technique et scientifique, 349 associations représentant 110.000 adhérents directs ont signé l'appel à moratoire sur la destruction des ouvrages dans le cadre de la continuité écologique. Le texte et les signatures ont été officiellement déposés le 12 janvier 2018 au secrétariat de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire. Les 12 organisations nationales qui portent le moratoire ont demandé audience. Nous publions leur lettre d'accompagnement. Cette remise du moratoire au ministre inaugure une campagne nationale d'information des élus et de préparation d'actions sur les sites problématiques. L'administration en charge de l'eau doit cesser d'ignorer les nombreux rappels à l'ordre des parlementaires et stopper les choix les plus réprouvés d'une réforme mal concertée, mal financée, mal acceptée.


Monsieur le Ministre d’Etat,

Sur tous les territoires de notre République, la destruction des ouvrages de moulins, forges, étangs, lacs, usines hydroélectriques, canaux d’irrigation, soulève  une vive émotion et des contestations ouvertes. Des riverains sont déconcertés, des services de l’État interpellés, et des élus locaux désemparés.

Face à ce problème, nous avons lancé voici 2 ans un appel à moratoire sur la destruction des ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique (voir annexe 1).

A ce jour, 1392 élus dont 36 parlementaires, 514 personnalités du monde économique, artistique, technique et scientifique, 349 associations représentant 110.000 adhérents directs l’ont signé, auxquels s'ajoutent 66 questions écrites de parlementaires.

Leur souhait ? Que le rétablissement du transit sédimentaire et de la circulation piscicole sur les rivières classées au titre de la continuité écologique se fasse dans le respect de  l’art. L 211-1 du code de l’environnement, c'est-à-dire dans le respect de tous les usages au sein d’une «gestion équilibrée et durable de l’eau».

Les ouvrages hydrauliques ont un intérêt historique, économique, social, patrimonial et paysager.  Beaucoup sont présents depuis des siècles et tous participent au cadre de vie des vallées françaises.

Mais nous tenons à rappeler que ces ouvrages concernent aussi des enjeux écologiques, qui ont été rappelés par divers travaux scientifiques ces dernières années :

  • ils génèrent des zones humides (étangs, lacs, retenues, biefs, canaux), qui hébergent de nombreuses espèces, et alimentent l’hydrologie de la plaine alluviale; 
  • ils préservent, stockent et régulent l’eau à l’heure où le climat change, où les sécheresses deviennent fréquentes et les étiages sévères; 
  • ils contribuent souvent à l’épuration des nutriments et phytosanitaires circulant dans les masses d’eau;
  • ils peuvent pour certains produire une énergie très bas-carbone à l’heure où il nous faut accélérer la transition énergétique sur tous les territoires.

La destruction pure et simple des seuils est, dans la majorité des cas, prioritairement préconisée par tous les services administratifs – DDT[M], Agences de l'Eau et AFB –à grand renfort de subventions bonifiées, alors que cela n'a jamais été inscrit dans la loi sur l'eau de 2006 qui demande uniquement que chaque ouvrage sur cours d'eau en liste 2 soient « équipé, géré et entretenu ». Ces arasements sont aussi contraires à de nombreuses autres politiques publiques.

Le rapport récent du CGEDD, demandé par Mme Royal, acte de nombreux dysfonctionnements dans la mise en œuvre de la continuité écologique. Vous en trouverez une synthèse en annexe de la présente (voir annexe 2). Un premier rapport du CGEDD en 2012 pointait déjà des problèmes, mais ses recommandations sont restées sans effet.

Le coût estimatif de l’application complète du classement au titre de la continuité écologique dépasserait les 2 milliards d’euros d’argent public, auxquels il faut ajouter la part de financement privé. Par ailleurs, au rythme actuel des opérations, il faudrait cinq décennies (et non les 5 ans du délai légal) pour respecter la mise en conformité du nombre manifestement déraisonnable de cours d’eau classés la plupart du temps sans justification avérée.

Ces données du CGEDD démontrent que la réforme de continuité écologique a été mal préparée, mal gérée et mal acceptée.

Nos demandes ont fait l’objet d’une écoute de la part de certains pouvoirs publics et de beaucoup d'élus. On a pu observer ces trois dernières années :

  • des demandes des ministres de l’environnement et de la culture comme des parlementaires de cesser désormais la destruction du patrimoine ancien et/ou industriel ;
  • le vote de la loi «création architecture et patrimoine» de 2016 introduisant une mesure de sauvegarde, mais seulement pour le patrimoine déjà classé ; 
  • le vote de la loi «biodiversité» de 2016, ajoutant un délai de 5 ans pour l’exécution des travaux demandés ;
  • le vote loi de ratification des ordonnances sur l’autoconsommation énergétique de 2017 exemptant les moulins producteurs et encourageant leur équipement hydroélectrique.

Nous constatons, hélas, que certains services instructeurs (DDT-M), certains représentants de l’État au sein des Agences de l’eau et de l’Agence française pour la biodiversité prennent insuffisamment en compte ces nouvelles orientations.

En effet :

  • certains services de l’État et des établissements administratifs ignorent les grilles multi-critères sur chaque chantier; 
  • des ouvrages et des plans d’eau sont effacés sans inventaire de leur biodiversité, au risque d’avoir un bilan écologique négatif;
  • les riverains ne sont pas intégrés dans la concertation en amont, se trouvant mis en face d'une mise en œuvre opaque et autoritaire;
  • même lorsque l’enquête publique émet des réserves ou conclut à un avis négatif, l’administration n’en tient pas compte;
  • les sommes demandées pour des aménagements non destructeurs (passes à poissons, rivières de contournement) sont exorbitantes et l’État refuse de les indemniser alors qu’il s’y était engagé en 2006;
  • les solutions les plus simples, comme la gestion des vannes sur les ouvrages modestes, ne sont quasiment jamais évoquées;
  • les projets hydroélectriques font l’objet d’instructions très longues et de prescriptions complémentaires, aléatoires, la plupart du temps en logique de moyens et non de résultats,  sans réelle évaluation du coût-bénéfice des mesures imposées, et sans prise en compte du diagnostic de l’état initial. 

Monsieur le Ministre d’Etat, la France et l’Europe affrontent aujourd’hui des défis écologiques sans précédent.

La politique de destruction des ouvrages hydrauliques et de refus de leur équipement hydroélectrique néglige tous les enjeux autres que piscicoles et sédimentaires, tels que patrimoine, paysage, usages, biodiversité et énergie renouvelable. La transition énergétique ne peut réussir sans la capacité des ouvrages hydroélectriques à accompagner les autres énergies renouvelables intermittentes. Cette politique de destruction bafoue également la démocratie locale, en particulier dans des territoires ruraux qui souffrent aujourd’hui d’un manque d’écoute sur ce qu’ils estiment être leurs enjeux de développement.

C’est la raison pour laquelle, au nom de tous les signataires de notre appel, des plus de 110.000 adhérents qu’ils représentent et des 12 organisations nationales qui le portent, nous sollicitons un moratoire sur les effacements d’ouvrages hydrauliques, d'étangs et plans d’eau, le temps d'instaurer une vraie concertation sur une nouvelle manière d’envisager les enjeux piscicoles et sédimentaires des rivières françaises, en lien avec les autres usages de l’eau et les autres politiques publiques. Nos organisations se tiennent à disposition pour vous rencontrer rapidement et pour trouver la meilleure manière d’avancer sur cette question.


Signataires nationaux
Association des riverains de France (ARF)
Coordination rurale (CR)
Electricité autonome française (EAF)
Fédération des moulins de France (FMDF)
Fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM)
France hydro électricité (FHE)
Fédération nationale des syndicats de forestiers privés (FRANSYLVA)
Maisons paysannes de France (MPF)
Observatoire de la continuité écologique et des usages de l’eau (OCE)
Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF)
Union nationale des syndicats et associations des aquaculteurs en étangs et bassins (UNSAAEB)
Vieilles maisons françaises (VMF)

Et 1392 élus, 349 associations, 514 personnalités

18/01/2018

Rapport sur la biodiversité et les fonctionnalités écologiques des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes

Le Comité national de l'eau a ouvert un cycle de discussion sur les problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de la continuité écologique et les meilleurs moyens d'y remédier. A cette occasion, notre association et l'Observatoire de la continuité écologique ont publié un rapport sur la question de la biodiversité et des fonctionnalités écologiques négligées des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes. Sa diffusion est libre et conseillée, pour informer les élus, les commissaires enquêteurs, les animateurs de syndicats, etc. 

Téléchargement du rapport (pdf)

Introduction
Les ouvrages hydrauliques ont des impacts physiques, chimiques, biologiques sur la rivière, et modifient localement le vivant. Dans certains cas, les modifications excèdent la station et s’observent sur un tronçon de rivière, voire un bassin versant. Des espèces de poissons ayant besoin de grandes migrations sont pénalisées, d’autres ayant une préférence pour les eaux vives voient leurs habitats restreints sur le bassin versant.

Mais les ouvrages hydrauliques, dont beaucoup sont anciens en France, produisent aussi des habitats qui leur sont propres, ils augmentent la surface en eau du bassin versant, ils dessinent des zones humides artificielles.

La politique de continuité écologique aboutit aujourd’hui à la destruction d’ouvrages et de leurs annexes hydrauliques, choix majoritaire dans plusieurs bassins majeurs (Seine-Normandie, Artois-Picardie Loire-Bretagne). Ces ouvrages conditionnent l’existence de divers milieux aquatiques et humides : retenues, réservoirs, lacs, étangs, canaux, biefs, rigoles de déversoir, annexes humides, etc.

Outre la mauvaise prise en compte de certaines dimensions d’intérêt général (paysage, patrimoine, énergie, etc.), les conditions de mise en œuvre de ces destructions sont problématiques :

  • La biodiversité et les fonctionnalités (comme l’épuration) des systèmes hydrauliques concernés ne sont pas étudiées.
  • Le choix de favoriser la biomasse de certains poissons spécialisés (parfois non migrateurs et non amphihalins) ne signifie pas un gain total de biodiversité (ignorance presque totale des oiseaux, amphibiens, mammifères, insectes, végétaux, etc.). Les gains ne sont pas évalués en vérifiant des pertes pour d’autres assemblages biologiques.
  • Les milieux lentiques sont assimilés par construction à des milieux « dégradés » par rapport à des milieux lotiques, alors qu’ils sont aussi des habitats pour des espèces adaptées.
  • Une certaine vision de la nature idéale comme « nature sans l’homme » voire « nature avant l’homme » est mise en avant alors qu’elle est loin d’être consensuelle dans la communauté savante et encore moins chez les riverains (loin aussi d’être avancée de manière aussi brutale dans les autres compartiments des politiques publiques).
  • Les renaturations de rivières ont des coûts conséquents avec des impacts sur les usages ou aménités, sans qu’il soit clairement démontré que les services rendus par les écosystèmes aux citoyens sont modifiés dans un sens favorable.

Des travaux de recherche, y compris français et récents, critiquent désormais certains aspects de cette politique de restauration physiques des rivières, appelant à une approche plus intégrée et plus rigoureuse des choix publics.

Nous proposons pour l’avenir de

  • Séparer plus nettement la gestion halieutique (poisson et pêche) et la gestion écologique (diversité du vivant et des habitats) des rivières
  • Mieux préparer les chantiers en développant une grille d’analyse de biodiversité et de fonctionnalité des sites, préalable à toute destruction
  • Rehausser le niveau d’étude des bassins versants, avec une écologie du terrain et de la donnée évitant d’appliquer de manière trop rigide les orientations trop systématiques des programmations administratives.
  • Solvabiliser ce niveau d’ambition, qui ne peut relever que des politiques publiques d’expertise et non des particuliers ou exploitants.

Chaque rivière a une histoire de vie qui lui est propre, chaque site est un cas particulier. La réalité écologique doit être étudiée sans préjugé avant intervention.

17/01/2018

Après Notre-Dame-des-Landes, les luttes riveraines sont légitimes

Le gouvernement a décidé de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes. Cette question n'entre pas dans le domaine d'expertise et d'intervention de notre association, hormis sur un point : l'attitude des citoyens vis-à-vis des politiques publiques, et en particulier du pouvoir exécutif et de son administration. Nous recevons ainsi ce message de l'Etat : les luttes pour protéger les cadres de vie menacés par des politiques jugées brutales et inutiles par les riverains sont désormais légitimes en France. L'immense et ruineuse folie de la destruction des patrimoines historique, culturel et naturel des rivières, des étangs, des lacs doit donc être combattue sur le terrain comme devant les tribunaux tant que le gouvernement et son administration n'entendent pas les attentes des citoyens.



Quels que soient ses qualités et ses défauts, le projet de NDDL avait été validé par l'ensemble des votes intermédiaires, des enquêtes publiques, des contentieux judiciaires. Il avait aussi donné lieu à une procédure exceptionnelle de référendum local, avec issue favorable au projet.

Le gouvernement a néanmoins jugé préférable de donner raison aux opposants, incarnés notamment par la "zone à défendre" ayant pris la place de la zone d'aménagement différée dans le bocage de la région nantaise.

L'évacuation de cette "ZAD" et les justifications apportées par le gouvernement sont ici secondaires par rapport au message principal que contient la décision : les citoyens voient reconnaître la légitimité d'une opposition aux choix néfastes de la puissance publique. Et cela au-delà des procédures de concertation ou de contentieux, qui avaient été respectées dans le cas de Notre-Dame-des-Landes.

Ce droit de résistance aux décisions publiques absurdes, nous le revendiquons donc ici, maintenant et partout pour la défense des ouvrages hydrauliques menacés de destruction.

Nous rappelons que la réforme dite de "continuité écologique", initialement conçue pour aider des poissons grands migrateurs à remonter les rivières là où l'intervention avait un bilan coût-bénéfice raisonnable, est devenue une machine administrative folle à détruire les cadres de vie appréciés des riverains et les paysages hérités des vallées françaises.

Le ministre Nicolas Hulot a encore pris le 4 novembre 2017 la décision isolée et autoritaire de programmer la destruction des deux grands barrages de la Sélune, contre l'avis de dizaines de milliers de riverains et en ignorance des discussions en cours. Des centaines de moulins, forges, étangs sont déjà détruits chaque année dans le pays.

Cette réforme dite de continuité écologique :
  • est menée dans le mépris des citoyens avec une concertation minimaliste et des comités de pilotage fermés,
  • coûtera plus de 2 milliards € d'argent public sur les 20 000 ouvrages menacés,
  • détruit à marche forcée le patrimoine hydraulique français,
  • fait disparaître des zones humides et milieux d'intérêt,
  • contredit la lutte contre le changement climatique en sacrifiant des énergies locales et bas-carbone.
La continuité écologique telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée par l'administration française a toutes les caractéristiques des "grands projets inutiles et coûteux". Elle relève d'abord de l'abus de pouvoir des bureaucraties autoritaires, et non de la volonté des citoyens comme de leurs représentants élus.

Cela doit cesser.

Les riverains sont fondés à s'engager par tous les moyens démocratiques à leur disposition pour lutter contre la destruction des ouvrages hydrauliques. Après Notre-Dame-des-Landes, le choix des possibles s'est élargi pour cette mobilisation nécessaire, urgente, collective.

15/01/2018

Trois orientations simples pour une politique apaisée des ouvrages hydrauliques

Dans les coursives du ministère de la Transition écologique et solidaire, dans les cénacles du Conseil national de l'eau, dans les bureaux des administrations aquatiques, on discute beaucoup des issues à trouver pour la réforme ratée de continuité écologique, décrite comme une "épine dans le pied" des politiques environnementales par le récent rapport du CGEDD. Hélas, ces discussions tendent toujours à contourner les problèmes principaux. Nous revenons ici à trois idées simples formant la base des attentes des propriétaires et des riverains. Et revenant surtout sur ce que dit la loi française. Nous invitons les associations, syndicats et collectifs à les rappeler aux administrations et gestionnaires, en demandant si, oui non, ils s'engagent à respecter ces trois orientations. Si la réponse est négative, les problèmes ne pourront pas trouver de solutions. Si la réponse est positive, la continuité écologique sera apaisée.


Une continuité écologique privilégiant la gestion, l'équipement, l'entretien des ouvrages
Enjeu : la loi française (article L 214-17 Code de l'environnement) a demandé que chaque ouvrage soit "géré, équipé, entretenu" dans le cadre de la continuité écologique. Ce qui signifie : ouverture des vannes, passes à poissons, rivières de contournement, rampes enrochées. Certains établissements administratifs comme les Agences de l'eau ou l'Agence française pour la biodiversité expriment une préférence pour la destruction des ouvrages, choix qui n'est pas spécifié par les parlementaires. Or, il ne revient pas à l'administration d'interpréter la loi, mais de l'exécuter en conformité à la volonté générale. Des destructions sont possibles dans certains cas, mais elles n'ont aucune légitimité à devenir le choix des pouvoirs publics.
Attente : la politique de continuité doit revenir à son orientation première, cesser les destructions qui posent problème et privilégier les solutions non destructrices.

Une continuité écologique indemnisant les solutions inabordables pour les maîtres d'ouvrage
Enjeu : les aménagements de continuité écologique, visant au bien commun, ont des coûts considérables. Ils ne sont donc pas abordables pour les particuliers et petits exploitants, ces derniers ayant déjà la servitude lourde de surveiller et gérer les dispositifs de franchissement. La loi de 1984 avait programmé le franchissement piscicole sur certaines rivières à migrateurs, mais elle avait été très peu appliquée car elle ne prévoyait justement pas d'indemnisation des travaux, aboutissant à un blocage de terrain. La loi de 2006 a corrigé cette erreur en prévoyant l'indemnisation des travaux représentant une charge spéciale et exorbitante.
Attente : les solutions de continuité écologique doivent faire l'objet d'un financement public, les solutions les moins coûteuses étant privilégiées.

Une continuité écologique respectant la gestion équilibrée et durable des rivières
Enjeu : la continuité écologique n'est qu'un des nombreux éléments définissant dans la loi la "gestion équilibrée et durable" de l'eau (article L 211-1 Code de l'environnement). Sa mise en oeuvre doit donc être compatible avec les autres dimensions de la rivière. Dès 2012, le Conseil général de l'environnement et du développement durable a demandé que les ouvrages soient analysés selon une grille multicritères incluant le patrimoine, le paysage, l'énergie, les usages locaux, la valeur foncière, la biodiversité en dehors des poissons spécialisés, etc.
Attente : les projets de continuité écologique doivent améliorer le franchissement piscicole et le transit sédimentaire en tenant compte des droits établis, des autres attentes d'intérêt général, des différents aspects de l'écologie, sur la base d'analyse coûts-avantages.