24/05/2019

Petites puissances d'intérêt énergétique, règlement d'eau comme droit réel: les avancées du droit pour les moulins

Nous revenons sur les deux points de droit importants de l'arrêt récent du conseil d'Etat sur le moulin du Boeuf en Côte d'Or, ayant vu la victoire des propriétaires contre le ministère de l'écologie. L'examen des conclusions du rapporteur public souligne d'une part que la puissance d'un moulin ne peut être alléguée sur l'intérêt qu'il y a ou non, du point de vue des lois énergie-climat, à sa relance (soit le contraire de ce que prétend encore le ministère de l'écologie dans sa circulaire "continuité apaisée" diffusée trois semaines après l'arrêt...) ; d'autre part, et c'est le point majeur au plan normatif, que le règlement d'eau d'un moulin entre 1790 et 1919 est assimilable à un droit réel qu'un préfet ne peut abroger au titre du pouvoir de police, encore moins sans indemnité. Le règlement d'eau devient en droit parfaitement assimilable à un fondé en titre, ce qui est une bonne nouvelle pour la protection des moulins.


Dans l'arrêt n°414211 du moulin du Boeuf qui a annulé des dispositions d'abrogation du règlement d'eau par la DDT de Côte d'Or, Stéphane Hoynck, rapporteur public, a livré des conclusions tout à fait intéressantes. Ces conclusions ont été suivies par les conseillers et renseignent donc sur la doctrine juridique des moulins. Nous ne pouvons les diffuser dans leur intégralité car elles ne sont pas libres de droits, mais simplement en citer et commenter deux extraits importants.

Observation du rapporteur public sur l'énergie
"Il est certain que la mise en service d’un petit moulin comme celui en cause, dont la puissance disponible est inférieure à 50 kW, ne résoudra pas à elle seule les défis de la transition énergétique. On peut par comparaison noter que l’EPR de Flamanville est prévu pour une puissance nominale de l’ordre de 1600 MW, soit 32000 fois la puissance du moulin du Bœuf. Mais le raisonnement suivi par la cour revient en réalité à considérer que la contribution de la «petite hydroélectricité» au développement des énergies renouvelables serait par nature insignifiante et que l’objectif de valorisation économique de l’eau ne serait pertinente que pour de gros projets, ce qui n’est pas l’objectif défini par le législateur, qui au demeurant n’implique pas de raisonner à l’échelle du bassin du cours d’eau concerné. Vous pourrez donc accueillir l’erreur de droit soulevée."
Ce point est d'actualité puisqu'à peine trois semaines après le prononcé de l'arrêt du conseil d'Etat, dans la circulaire d'application du plan de continuité écologique apaisée, le ministère de l'écologie persiste à arguer de la faible puissance de moulins pour justifier que ses services donnent des instructions défavorables à leur équipement, notamment en rivière de liste 1.

Ainsi la circulaire NOR:TREL1904749N du 30 avril 2019 énonce :
"De même, il est essentiel de pondérer l’intérêt de la production hydroélectrique d’un projet au regard de la part qu’elle représente dans l’atteinte des objectifs de la politique énergétique et des impacts qu’elle engendre. Plus la puissance et la capacité de production de l’installation sont faibles, plus les enjeux d’intérêt général liés à la restauration des milieux (reconquête de biodiversité aquatique, du bon état, services rendus, préventions des inondations par restauration de la rivière, etc.) doivent primer et moins le maintien des impacts liés au seuil et à la dérivation éventuelle du débit se justifient. Il doit être tenu compte également du fait que les très petites puissances ne répondent pas à l’enjeu essentiel de sécurisation du réseau électrique."
Le rapprochement des deux textes est saisissant : le ministère de l'écologie allègue des éléments qui sont absents de la loi, car jamais le législateur n'a indexé l'intérêt d'un projet énergétique bas carbone sur sa puissance nominale. On est donc dans la procédure usuellement observable dans le domaine de l'eau et de la biodiversité : l'arbitraire de l'exécutif et des hauts fonctionnaires de son administration, qui inventent à leur gré une interprétation des normes non visée par le parlement et non sanctionnée par les cours.

Nous espérons que ces dispositions de la circulaire du 30 avril 2019 ferons l'objet d'une requête en annulation et, en tout état de cause, nous attaquerons en justice tout avis défavorable d'une administration à une relance de moulin au motif de la puissance du site.

(Nota : le point plus retors, sur lequel nous sollicitons en ce moment nos conseils juridiques, est la méthode de l'administration consistant non à empêcher ouvertement une relance - bien que ce soit manifestement son but -, mais à exiger pour cette relance des dispositions qui sont en claire disproportion des impacts comme des moyens du pétitionnaire, avec des procédures durant plusieurs années et des accumulations d'exigences sans rapport aucun à un trouble au milieu lorsque le moulin ou l'usine hydraulique existe déjà. Il est nécessaire de construire une défense juridique et d'aller en justice quand des procédés dilatoires et abus de pouvoir s'observent).

Observation du rapporteur public sur le règlement d'eau comme droit réel
"En réalité, l’autorisation administrative délivrée au 19eme siècle a une double nature :- elle est une autorisation de police, en fixant toute une série de paramètres que doit respecter un ouvrage pour assurer la garantie des intérêts posés par la loi. C’est en tant que ces ouvrages sont soumis à la police de l’eau que les prescriptions fixées par leur autorisation peuvent être modifiées ou même abrogées pour défaut d’entretien. C’est ainsi que se lit l’article L 214-4 lorsqu’il permet une telle abrogation « sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police ».- mais cette autorisation a comme on l’a vu, une seconde nature, qui découle de la volonté du législateur de 1919 : elle consacre l’existence d’un droit réel qui ne se perd que par la ruine ou le changement d’affectation. Dans cet aspect, si le préfet peut constater la caducité selon des critères fermement posés et confirmés, y compris à l’occasion de l’exercice de ses pouvoirs de police de l’eau, il n’a pas pour autant un pouvoir d’abroger des droits réels, encore moins sans indemnisation."

Ce point renforce considérablement le régime des moulins réglementés ou fondés sur titre (ayant bénéficié d'une autorisation administrative sur une puissance de moins de 150 kW entre 1790 et 1919), puisqu'ils sont désormais alignés sur le régime des droits fondés en titre. Le rapporteur public souligne que c'est une mise en cohérence des décisions antérieures du conseil d'Etat comme de la cour de cassation. Il mentionne au passage qu'une lecture contraire - soumettre un droit d'usage acquis à l'appréciation de la police de l'eau - poserait un problème constitutionnel.

Voici le commentaire de Me Jean-François Remy à ce sujet :
"c’est doute l’apport majeur de cette décision, le Conseil d’Etat rappelle que les autorisations administratives délivrées avant 1919 et pour 150 kW au plus, qui ont conservé leur validité au-delà du 18 octobre 1994, présentent un caractère réel immobilier (comme les droits fondés en titre).
Le conseil d’Etat considère dès lors que le Préfet ne peut procéder à leur abrogation, si les ouvrages ne sont pas à l’état de ruine (auquel cas, comme pour un droit fondé en titre, le droit d’usage disparaît), sans indemnité, une telle hypothèse posant selon le Rapporteur public un véritable problème de constitutionnalité.
Considérant dès lors que l’article L 214-4 du Code de l’environnement ne peut s’appliquer qu’aux seules autorisations délivrées en matière de police de l’eau, et non aux autorisations délivrées avant 1919 et pour 150 kW au plus, en matière de police de l’énergie, le conseil d’Etat indique que, même si le Préfet peut abroger l’arrêté préfectoral ancien et donc la règlementation adoptée au titre de la police de l’eau, en cas d’absence d’entretien ou d’abandon des ouvrages, pour autant il ne peut abroger sur ce fondement du Code de l’environnement le droit d’utiliser l’énergie hydraulique conféré par cet arrêté ancien, le droit d’usage de l’eau demeurant au regard de la police de l’énergie (le régime de ces autorisations est ainsi aligné sur celui des droits fondés en titre)."
Nous rappelons à tout les titulaires d'un droit d'eau (fondé en titre ou réglementé) que son abandon sans indemnité revient à une mort juridique du moulin ou de l'étang, et à une soumission (éventuellement à vos frais) à tout ce que l'administration peut exiger en matière de remise en état du site. Nous observons malheureusement des pressions régulières de certaines parties prenantes pour pousser des particuliers ou des communes à l'abandon du droit d'eau. Nous allons informer les préfets de ces mauvaises pratiques tant du fait de l'usurpation de fonctions régaliennes par certains employés de syndicats de rivière (ou autres) que de la mauvaise information voire tromperie volontaire sur la réalité du droit.

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Nous invitons les propriétaires et les cadres associatifs à venir nombreux à nos rencontres du 27-28 juillet 2019, afin de coordonner la protection, la valorisation et l'affirmation des ouvrages hydrauliques.

23/05/2019

La mémoire des fleuves et des rivières contée par Christian Lévêque

L'hydrobiologiste Christian Lévêque, dont les membres de l'association Hydrauxois avaient pu apprécier les brillantes réflexions sur la biodiversité, publie un nouveau livre sur la mémoire des rivières et des fleuves. Cet essai passionnant est d'abord un remarquable travail d'érudition et de synthèse sur toutes les facettes de l'histoire naturelle et humaine des cours d'eau. Mais c'est aussi une réflexion magistrale et humaniste sur la place de la nature dans nos représentations collectives, sur la diversité de nos aspirations et sur nos capacités à vivre ensemble autour de l'eau. Quelques bonnes feuilles pour introduire ce travail à découvrir d'urgence. 

Introduction du livre

Les cours d’eau font partie de notre environnement familier. On aime se promener le long des berges. Les poètes ont célébré la beauté sauvage de l’eau qui coule, symbole de pureté et de liberté. Les peintres ont été sensibles à l’esthétisme des paysages fluviaux. Quant à l’image du pêcheur paisiblement installé au bord de l’eau, c’est toujours un monument de la culture populaire.

Si l’on procède par analogies, les cours d’eau sont les artères qui irriguent nos territoires. C’est autour des rivières, où l’eau était disponible en permanence, que les hommes se sont installés. Ils y ont pratiqué la pêche et la chasse, ils ont développé l’agriculture et l’élevage. La navigation a joué autrefois un rôle stratégique pour les échanges de biens et la circulation des personnes. Et la force du courant a été pendant longtemps l’une des principales sources d’énergie mécanique. Au fil du temps, les hommes ont appris à utiliser tous les services offerts par les cours d’eau, mais aussi à se protéger de leurs humeurs et de leurs excès, que ce soit les fortes crues ou les sécheresses. L’objet naturel cours d’eau a donc été aménagé pour le stockage de l’eau, la navigation, la production d’énergie et la protection contre les crues. Ce sont des systèmes anthropisés : endigués, chenalisés, fragmentés par des barrages, ils n’ont plus grand-chose à voir avec des écosystèmes dits naturels. Mais ce sont néanmoins des systèmes écologiques fonctionnels, même s’ils fonctionnent différemment. Ces systèmes aménagés pour remplir certains usages, on les appelle alors socio-écosystèmes ou anthroposystèmes. 


Nos paysages fluviaux actuels gardent la mémoire de ces divers usages, parfois conflictuels, dont ils ont fait l’objet. Il s’agit tout à la fois d’un patrimoine bâti (barrages, digues, aménagements portuaires, moulins, etc.) et d’un patrimoine biologique sous forme de systèmes écologiques créés, aménagés et gérés pour répondre à certains usages, à l’exemple des nombreux étangs, réservoirs, canaux ou lacs qui occupent les lits fluviaux. Ces aménagements, qui se sont échelonnés au cours du temps, ont profondément transformé nos cours d’eau. Et si nous parlons maintenant de continuité écologique, il ne faut pas oublier, comme le disait le sociologue André Micoud, qu’il y a aussi une continuité dans le temps des usages... Depuis quelques décennies, certains usages sont en voie de disparition, à l’exemple de la navigation commerciale, alors que les cours d’eau retrouvent d’autres usages liés aux activités ludiques telles que la baignade, le kayak, la randonnée sur les chemins de halage, le tourisme fluvial, etc.

Ce patrimoine fluvial est le témoin de l’histoire des sociétés, et le support emblématique de leur identité. Il traduit concrètement, sur le terrain, les relations diversifiées qui lient les individus au milieu naturel. Et il participe à la construction symbolique de leur cadre de vie. Cette notion de patrimoine associe des entités naturelles (milieux physiques, espèces animales et végétales, etc.) à des entités culturelles et matérielles (moulins, châteaux, ports, ponts, lavoirs, moyens de navigation, etc.). Il a également une dimension immatérielle (savoirs, pratiques, symboles, etc.) qui fait sens pour les populations locales. Mais, dans le même temps, la démarche patrimoniale tout comme la démarche conservationniste de protection de la nature peuvent conduire à fossiliser les systèmes écologiques concernés, par le désir de les maintenir et de les protéger dans leur état actuel, alors qu’ils sont appelés inéluctablement à se modifier...

À divers points de vue, les cours d’eau sont donc porteurs d’une mémoire. La morphologie de leur vallée est le résultat de longs processus au cours desquels la géologie a été confrontée aux changements climatiques. Les espèces qu’ils hébergent sont issues tout à la fois de l’histoire de l’évolution et, plus récemment, des transferts d’espèces favorisés par l’homme. Les archéologues explorent les archives sédimentaires des vallées alluviales qui nous ont permis de reconstituer l’histoire du contexte climatique, biologique et social, tout en nous apportant des témoignages concrets, grâce aux nombreux vestiges historiques ou fossilisés qui ont été retrouvés. Cette mémoire, on peut aussi la retrouver dans les nombreux documents de toute nature (écrits, gravures, tableaux, etc.) accumulés dans les bibliothèques et les musées.

Alors que de nombreux ouvrages sur l’histoire des cours d’eau sont l’œuvre de géographes et d’historiens, celui-ci est écrit par un écologue qui essaie de retracer les trajectoires temporelles, sous contrainte climatique et anthropique, des systèmes fluviaux. Il s’agit de comprendre pourquoi et comment activités humaines et processus spontanés ont interféré et co-évolué au cours du temps pour produire ces anthroposystèmes qui nous sont familiers. Car les cours d’eau et les hommes ont une histoire commune, faite de processus itératifs d’adaptation, des hommes au milieu et des milieux aux hommes. Cette co-adaptabilité des sociétés et des milieux implique une forme d’opportunisme qui a pu se manifester de manière indépendante, et parfois différente, dans divers contextes socioculturels et environnementaux.

Il est aussi nécessaire à ce titre de rafraîchir notre mémoire... et de rappeler que nos ancêtres ne vivaient pas dans un paradis terrestre en « harmonie avec la nature », tel que certains discours le laissent penser. Les aléas climatiques, à l’instar des inondations et des sécheresses, ont profondément affecté les conditions de vie de la France rurale, c’est-à-dire de la majorité des citoyens. Et c’est en luttant contre cette nature hostile que nos sociétés ont pu acquérir un certain bien-être. Par exemple, c’est en stockant de l’eau pour irriguer que certaines régions méditerranéennes sont devenues fertiles. Si l’homme n’a pas toujours agi avec pertinence, il n’a pas non plus pris plaisir à « détruire » la nature. Il l’a aménagée pour y vivre, en essayant d’en tirer profit mais aussi en se protégeant de ses méfaits. Si on ne comprend pas cette relation duelle de l’homme à la nature, on ne pourra jamais envisager sérieusement le futur.

Dans une société où les discours anxiogènes de certaines cassandres n’ont de cesse de dénoncer l’impact des activités humaines sur la nature, l’histoire nous apporte un autre éclairage et nous amène à porter un regard plus nuancé sur les relations sociétés/nature. Si l’histoire n’excuse pas tout, elle permet néanmoins d’expliquer en grande partie les motivations de nos ancêtres qui ont conduit à la situation que nous connaissons. Elle nous aide surtout à comprendre pourquoi et comment les sociétés ont été amenées à exploiter les ressources naturelles à leur disposition et à modifier leur environnement. À chacun ensuite de porter un jugement de valeur selon sa sensibilité...

Référence : Lévêque C (2019), La mémoire des fleuves et des rivières. L'histoire des relations entre les hommes et les cours d'eau à travers les siècles, Ulmer, 192 p.

A lire aussi
Jean-Michel Derex, la mémoire des étangs et marais, éloge des eaux dormantes 

17/05/2019

Gérer l'eau dans la perspective de l'adaptation au changement climatique

Les  sénateurs Ronan Dantec et Jean-Yves Roux ont présenté les conclusions de leur rapport d’information sur l'adaptation de la France aux changements climatiques à l'horizon 2050, fait au nom de la délégation à la prospective, présidée par Roger Karoutchi. Après auditions d'experts, les parlementaires pointent que la question de l'eau deviendra plus tendue à l'horizon 2050 pour la France, avec notamment des risques accrus de sécheresses et vagues de chaleur sur l'Hexagone. Ils appellent à des solutions fondées sur la nature aussi bien que la technologie pour maîtriser et stocker l'eau, en tirant pleinement partie des excès hivernaux et printaniers pour traverser ensuite les étiages et pour profiter de la ressource. Nous appelons pour notre part chaque lecteur à demander sur son territoire un moratoire immédiat sur toute destruction de lac, retenue, canal : ces choix engagent une perte de surface aquatique, une incision des lits, une baisse de recharge de la nappe, une moindre disponibilité de l'eau au fil de l'an, un stress sur la faune et la flore présente dans les cours d'eau et plans d'eau, y compris les écosystèmes anthropisés. Chaque propriétaire, chaque commune et chaque territoire doit désormais gérer son eau dans la perspective d'une rareté et surtout d'une incertitude croissantes, y compris en conservant les ouvrages anciens (moulins, étangs, canaux, biefs et béals) qui permettent déjà de la stocker sans avoir à créer de nouvelles constructions et de nouveaux impacts.



Extraits de la synthèse et du rapport des sénateurs Dantec et Roux

Des projections inquiétantes concernant les ressources en eau
Le rapport « Explore 70 » du BRGM livre des chiffres choc concernant le niveau des cours d’eau et le taux de charge des nappes phréatiques attendus à l'horizon 2046-2065. On doit s’attendre à une baisse significative de la recharge des nappes, une baisse du débit moyen annuel des cours d’eau et à des débits d’étiages plus sévères, plus longs et plus précoces, avec des débits estivaux réduits de 30 à 60 %. Cette raréfaction des ressources hydriques se traduira par la détérioration des milieux aquatiques, des contraintes accrues sur l’approvisionnement en eau potable ou encore des perturbations sévères pour des secteurs comme l’agriculture, le tourisme ou l’énergie. Dans les territoires en situation de stress hydrique, les conflits d’usages pourraient se multiplier.

La France pays d'abondance hydrique... à maîtriser
En premier lieu, il faut rappeler une évidence parfois oubliée : la France par son climat tempéré, ses nombreux fleuves et ses montagnes qui constituent une sorte de château d’eau naturel, est un pays d’abondance hydrique. C’est ainsi que le rapport Climsec de Météo-France, tout en annonçant des sècheresses extrêmes pour l’avenir, qualifie malgré tout notre pays.

Le CNRS, dans son dossier en ligne sur l’eau, va dans le même sens : « Aucun risque de pénurie globale en eau n'est à redouter dans notre pays. La France dispose, en effet, d'une capacité de stockage en eau élevée, du fait de sa pluviométrie, de ses grandes montagnes, de son réseau hydrographique étendu et de ses importantes nappes souterraines ».  Le territoire métropolitain bénéficie ainsi en moyenne de 480 km3 de pluies par an, auxquels s'ajoutent 11 km3 provenant des fleuves transfrontaliers. Ces 491 km3 de ressources se répartissent ensuite en 170 km3 d’eau bleue (eau issue des précipitations atmosphériques qui s'écoule dans les cours d'eau jusqu'à la mer, ou qui est recueillie dans les lacs, les aquifères ou les réservoirs) et 321 km3 d’eau verte2. Par ailleurs, le stock des eaux souterraines est estimé à environ 2 000 milliards de mètres cubes, et celui des eaux de surface stagnantes (lacs naturels, grands barrages et étangs) à environ 108 milliards de mètres cubes. Dans le même temps, la consommation en eau, tous usages confondus, représente à peine 3 % de la ressource renouvelable.

Le paradoxe est donc que pourraient à l’avenir se développer de fortes tensions sur les ressources d’eau, alors que le niveau global des précipitations est et restera considérable en France. Cela s’explique évidemment par la non coïncidence spatiale, et surtout temporelle, entre les besoins en eau et les ressources hydriques. Il ne pleut pas forcément où et quand on a le plus besoin d’eau. En particulier, les besoins sont sensiblement plus forts en été alors que la ressource est relativement plus abondante en hiver. (...)

La non coïncidence entre les besoins en eau et le volume des ressources hydriques n’est pas une fatalité. Il est possible de la réduire par l’utilisation combinée de plusieurs leviers :
- en encourageant des usages plus parcimonieux de l’eau;
- en partageant la ressource entre les territoires d’abondance hydrique et ceux en situation de stress hydrique, grâce à des aménagements comme des canaux;
- en amélioration la recharge des nappes par des solutions fondées sur la nature ou la technologie;
- en développant le stockage hivernal en surface.
Les agences de l’eau des bassins hydrologiques français ont défini récemment des plans d’adaptation au changement climatique qui entendent jouer simultanément sur tous ces leviers.

Les réponses technologiques à la raréfaction de l’eau : le stockage
L’adaptation au changement climatique, en complément d’une action pour rendre les usages plus économes et pour développer les solutions fondées sur la nature, peut aussi consister à accroître artificiellement le volume d’eau prélevable à la saison sèche grâce à une politique de stockage souterrain ou de surface.

Le stockage de surface est un procédé ancien et techniquement maîtrisé, qui consiste à construire des retenues d’eau, plus ou moins grandes en fonction de la topographie du terrain, du volume et de la nature des besoins à satisfaire (soutien d’étiage, irrigation, production d’énergie, etc.).
Le stockage souterrain consiste à recharger artificiellement les nappes en favorisant l’acheminement de l’eau jusqu’à l’aquifère. Un aquifère peut ainsi être réalimenté à partir de deux types d’eau : les eaux de surface issues des cours d’eau et les eaux usées traitées. Les dispositifs de recharge actuellement utilisés en France emploient uniquement des eaux de surface, qui sont à la fois disponibles et de qualité. Elles peuvent être employées par injection indirecte (bassin d’infiltration) ou injection directe (via un forage). On compte une vingtaine de sites en activité. Appliquée dans plusieurs pays (autour du Bassin méditerranéen, en Australie et aux États-Unis), la réutilisation des eaux traitées n’est actuellement pas autorisée en France pour la recharge artificielle des aquifères. Le BRGM a mené deux projets de recherche jusqu’en 2011 (REGAL et RECHARGE), puis dans le cadre du projet européen FRAME. De possibles effets sanitaires sont encore à évaluer concernant les polluants dits « émergents », ce qui plaide pour un soutien à l’effort de recherche dans ce domaine.(...)

Dans certains territoires, les mesures d’adaptation fondées sur les économies d’eau ou le développement de solutions fondées sur la nature ne sont déjà plus suffisantes ou ne montent pas en puissance suffisamment vite pour réduire les déficits entre ressources et besoins en eau. Dans ces conditions, des arrêtés de limitation des prélèvements ou de la consommation conduisent de plus en plus fréquemment à ajuster assez brutalement les besoins à la ressource, avec des conséquences économiques fortes. Ce mode court-termiste de régulation du déficit hydrique est évidemment peu satisfaisant et constitue un exemple typique de mal- adaptation au changement climatique.
Pour éviter cette régulation purement administrative du déficit et la généralisation des conflits d’usages à l’avenir sous l’effet du changement climatique, chaque territoire doit maintenant s’engager dans une réflexion prospective pragmatique sur la question de l’eau pour déterminer quelle sera la ressource disponible et quels seront les besoins à satisfaire à horizon 2050. Cela suppose non seulement de bâtir des scénarios climatiques, mais aussi socio-économiques, notamment en ce qui concerne la capacité des acteurs à faire évoluer leurs usages de l’eau. (...)

Dans ce domaine, il est essentiel de faire preuve d’intelligence collective et de pragmatisme. La voie tracée par le PNACC 2 est à cet égard la bonne : « adapter les besoins en eau aux ressources utilisables dans le présent et le futur et réaliser, là où c’est utile et durable, des projets de stockage hivernal de l’eau sur la base des meilleures connaissances possibles ». Autrement dit : ne pas exclure a priori la construction de retenues mais soumettre les projets à une condition forte : faire la preuve objective et chiffrée que ces retenues sont nécessaires et que leur construction ne se fait pas au détriment de solutions d’adaptation alternatives, notamment sur le plan de l’impact paysager et environnemental.

Pour parvenir à apporter des réponses pertinentes, il faudra être capable de faire émerger, au niveau des bassins hydrologiques, des visions communes sur l’avenir de l’eau et des projets de territoire partagés par tous les acteurs

Source : Sénat (2019), Adaptation de la France aux changements climatiques à l’horizon 2050

14/05/2019

Loire-Allier: retour du saumon d'élevage et échec des politiques de renaturation

Le Comité de gestion des poissons migrateurs du bassin de Loire a pris la décision fin avril d'autoriser le déversement d'alevins de saumons d'élevage dans les zones refuges jadis protégées en amont du barrage de Poutès-Monistrol. Ce retour aux techniques usuelles d'alevinage en soutien des effectifs signe l'échec des politiques de "renaturation" des axes Loire-Allier entreprises voici plus de 40 ans. Cela pose évidemment question sur la volonté du gouvernement de poursuivre de telles stratégies sur d'autres axes fluviaux qui sont encore moins favorables que la Loire et l'Allier pour le saumon sauvage. Va-t-on continuer à détruire des ouvrages partout ou à construire des passes à poissons coûteuses pour finalement reconnaître le caractère vain et inopportun de ce choix, alors que d'autres services rendus par les ouvrages détruits sont sacrifiés? 


Le comité scientifique du Comité de gestion des poissons migrateurs (Cogepomi) a rendu au début du mois d'avril 2019 un avis favorable au retour des opérations d'alevinage en amont du barrage de Poutès. Le Cogepomi (comité de gestion des poissons migrateurs), réuni le 29 avril 2019, a validé cette position. Au moment où nous écrivons, ces dispositions sont rapportées dans la presse et sur les réseaux sociaux, mais les documents de décision ne sont pas disponible pour le public - mauvaise habitude de négligence ou d'opacité de certains cénacles à financement public dont les délibérations ont pourtant des effets concrets sur l'environnement, devant à ce titre recevoir toute publicité et accessibilité nécessaire pour les citoyens.

Le Conservatoire national du saumon sauvage (CNSS) basé à Chanteuges (Haute-Loire) pourra donc déverser des milliers d'alevins dans ce qui était depuis 12 ans considéré comme une réserve pour le saumon sauvage, soit les zones de frayères amont du barrage de Poutès. La directrice adjointe du CNSS, Céline Bérard, a confié à la presse le souhait de déverser 170.000 alevins d'élevage dès le mois de juin (voir La Montagne, 5 mai 2019).

Cette décision vient sanctionner l'échec de certaines options de restauration du saumon sauvage de l'axe Loire-Allier commencée dans les années 1970. Tout un symbole, puisque c'est l'un des plus anciens combats pour ce migrateur : le tout premier "Plan saumon" concernait la période 1976-1980.

Dans la dernière estimation consultable (voir cette page, mise à jour 24 mars 2019), 389 saumons de l'année sont comptés en 2018 à la station de Vichy par le Cogepomi. Qui commente: "Le nombre d’adultes actuellement observés à Vichy (rivière Allier) est faible et bien en-deçà de la capacité d’accueil du bassin de l’Allier. Le modèle de dynamique de population du saumon fournit des estimations du nombre de saumons à Vichy présents à la fin des années 70. Les effectifs observés actuellement ont été divisés par près de 5 par rapport au maximum estimé dans les années 70-80."

Le même texte annonce : "L’objectif du plan de gestion actuel 2014-2019 est l’atteinte à terme d’une population de saumons sauvages qui se renouvelle naturellement." Mais vu les introgressions génétiques fréquentes entre saumon sauvage et saumon d'élevage, la décision d'aleviner partout y compris dans la zone refuge soulève des doutes sur la réussite de cet objectif. C'est plus probablement une population de saumons d'élevage ou de saumons hybridés qui pourrait s'installer à terme dans l'Allier.

On peut qualifier cette décision de défaite de la position "naturaliste". L'idée était qu'en renaturant la rivière (notamment par la continuité écologique), on pourrait préserver et renforcer des populations sauvages de saumon sans avoir recours à la pisciculture de repopulation, qui est le choix par défaut depuis le XIXe siècle. Mais la stratégie de la renaturation ne fonctionne pas, tout du moins elle ne fonctionne pas à un niveau d'acceptabilité sociale et économique par les populations et les usagers concernés.

Ré-ensauvager la rivière pour le saumon revient à la débarrasser de ses usages humains, entre autre à faire disparaître les barrages. Une position délicate à tenir, parce que la rivière a d'autres dimensions que le saumon (ou la "naturalité" en général) pour la société. De plus, les pêcheurs forment en réalité les bénéficiaires finaux de cette politique, puisqu'ils seraient ré-autorisés à pêcher une fois la population de saumon rétablie. Cet usage correspond à une demande sociale légitime en soi, mais si les politiques publiques servent certains usagers, les autres ne seront pas forcément satisfaits des équilibres trouvés. Notamment l'électricien EDF, qui gère le barrage de Poutès-Monistrol, et les populations qui bénéficient des revenus locaux de la production hydro-électrique. L'Etat français est déjà empêtré dans son projet de destruction très vivement contesté des barrages de la Sélune (au nom du saumon encore). Et son retard sur les engagements carbone ne l'autorise pas vraiment à sacrifier ces barrages, bien au contraire : l'hydro-électricité sur les sites déjà existants (sans génie civil ni ennoiement supplémentaire) a le meilleur bilan carbone des énergies renouvelables, outre pas mal d'atouts que n'ont ni l'éolien ni le solaire.

Si ce choix de l'alevinage du saumon sur l'Allier est bien retenu, il posera donc de nombreuses questions:

  • Combien d'argent public a été dépensé sur cet axe Loire-Allier depuis 40 ans au regard du résultat obtenu sur le saumon sauvage?
  • Pour quelles causes clairement identifiées ces dépenses n'ont-elles pas suffi à restaurer efficacement une population de saumon sauvage?
  • En dehors de la politique du "toujours plus" (de dépenses, de renaturation, de destruction de barrages etc.) sans prédiction fiable sur un seuil de réussite, a-t-on des options?
  • En terme de services rendus et de diversité fonctionnelle, le retour du saumon d'élevage est-il pénalisant par rapport à celui du saumon sauvage?
  • Pourquoi ce qui ne fonctionne pas sur l'axe Loire-Allier devrait fonctionner sur l'axe Seine ou sur d'autres, dans des zones lourdement défavorables aux saumons (pollutions, colmatages, fragmentations, réchauffement, prédateurs etc.)? 
  • Quand les politiques publiques migrateurs vont-elles mettre en balance ces enjeux devant les citoyens, et avec les citoyens, en faisant notamment une présentation transparente et complète des coûts, des résultats, des conséquences sur les autres usages de la rivière?

A lire autour de ces sujets
Le saumon de l'Allier va-t-il devenir le symbole des échecs et inconséquences de la politique de l'eau? 
Des saumons, des barrages et des symboles, leçons de la Snake River (Kareiva et Carranza 2017)
Quand les saumons franchissent un seuil de moulin... en évitant les passes à poissons! (Newton et al 2017)
Hybridation génétique des saumons de la Sélune (Le Cam et al 2015)

Illustration : saumons en ferme d'élevage, CSIRO, CC VY 3.0.

12/05/2019

Mortalité quasi-nulle de jeunes saumons dans des turbines hydro-électriques (Tomanova et al 2018)

Une étude montre que la mortalité des jeunes saumons par turbine hydro-électrique n'est pas une fatalité : elle est réduite à des taux nuls à très faibles (ente 0 et 1,8%) dans les sites protégés par des grilles fines, l'essentiel des poissons passant par les exutoires de libre dévalaison. Cette estimation est conservatrice dans la méthodologie utilisée, donc la mortalité accidentelle peut être considérée comme quasi-réduite à néant. C'est une bonne nouvelle pour les objectifs carbone de notre pays, une recherche récente ayant montré qu'au moins 25 000 sites de moulins et forges sont rapidement équipables, outre des étangs en lit mineur et de nombreux barrages d'usage non énergétique (navigation, irrigation, eau potable). 


La configuration de l'un des sites étudiés. Image extraite de Tomanova et al 2018.

Diminuer la mortalité liée au passage des poissons dans les turbines hydro-électriques est un souci déjà ancien. Les barrières physiques, comme les grilles bloquant le poisson avant la chambre d'eau ou la conduite forcée, et les barrières comportementales, comme des émetteurs de bruit ou d'ondes électriques, ont été testées, les premières donnant en général plus de résultats.

Sylvie Tomanova et ses collègues (AFB-IMFT-Université de Toulouse-CNRS, EDF R&D Hydro, Ecogea) ont étudié quatre sites de production hydro-électrique dotés de grilles fines : Auterrive (Gave d'Oloron, 9,5 m3/s), Trois-Villes (Saison, 4,1 m3/s), Gotein (Saison, 6,7 m3/s) et Halsou (Nive, 30 m3/s).

Voici la synthèse de leurs résultats :

"La restauration de la connectivité longitudinale des rivières est en train de devenir une priorité de la conservation dans les pays où le développement des centrales hydroélectriques est élevé. De nouvelles solutions de dévalaison pour le poisson sont en cours d'installation dans les centrales hydro-électriques (CHE) de petite et moyenne dimensions en France, et une évaluation précise de leur fonctionnalité est nécessaire. 

Nous avons abordé ici l’efficacité des systèmes de protection de la migration vers l'aval des jeunes saumons Atlantique dans quatre CHE (trois racks inclinés horizontalement à 26° et un à 15° par rapport à l'axe de flux dans l’alignement des rives, tous avec des barres espacées de 20 mm). Entre 239 et 300 saumoneaux d'élevage ont été marqués par transpondeur et relâchés en 5 à 6 groupes à 100 m en amont de chaque CHE étudiée. Leurs passages à travers les centrales ont été détectés avec une antenne d'identification par radiofréquence (RFID) dans les dérivations pour la migration en aval et en amont. 

En moyenne, entre 82,8% et 92,3% des smolts relâchés ont réussi à passer la CHE par l’un des deux itinéraires autres que les turbines. L'efficacité moyenne du passage en dérivation ainsi obtenue variait de 80,9 à 87,5% et tous les groupes de poissons atteignaient une efficacité de passage supérieure à 70%. À l'exception d'un site, 50% des saumoneaux ont traversé la voie de dérivation en moins de 23 minutes après leur libération et 75% d'entre eux en moins de 2 h 15 min. En combinant nos résultats avec les taux d'entraînement des poissons précédemment estimés dans le canal d'amenée et les taux de mortalité liés aux turbines, nous avons évalué la survie globale des poissons aux barrages / CHE étudiés, qui se situe entre 98,24% et près de 100%. Nos résultats confirment les critères de conception recommandés pour les racks inclinés et orientés et l'intérêt des dispositifs testés pour la protection des smolts en dévalaison."

Il faut noter que la survie des poissons sans système de protection serait déjà assez élevée selon le modèle des auteurs : 99,9% à Auterrive, 93,1% à Trois-Villes, 92,7% à Gotein et 86,4% à Halsou, comme le montre ce tableau de synthèse (cliquer pour agrandir).

Extrait de Tomanova et al 2018, art cit. 

Mais dans la perspective d'un équipement énergétique plus systématique des rivières, la mortalité cumulée peut devenir importante même si elle est modeste à chaque site. Parvenir à des mortalités quasi-nulles est donc un objectif souhaitable, et cela permettrait d'éliminer certaines objections couramment avancées sur les risques liés à l'équipement des ouvrages hydro-électriques.

Discussion
La méthode ici utilisée définit l’efficacité minimale des exutoires, en dehors de période de montée des eaux avec surverses sur le barrage (c'est souvent dans ces conditions de "coup d'eau" que le poisson dévale). L’efficacité nous paraît aussi minimale car l’hypothèse de travail est que les poissons non détectés sont passés par la turbine (en soi, il est possible qu'ils ne dévalent pas et restent dans le canal, qu'ils remontent dans le cours d’eau, qu'ils soient l’objet de prédation, etc.). Il est nécessaire de tester les efficacités d’autres configurations de grille et d’autres types d’exutoires, afin de recherche le meilleur coût économique tout en préservant la mortalité minimale. Le fait que sur certains sites, la présence ou l'absence de protection ne changent quasiment pas la mortalité (99,9% versus 99,98% de survie à Auterrive par exemple) doit inciter à poursuivre ces travaux d'analyse. Il serait en particulier nécessaire d'analyser des sites de petites puissances (5-50 kW) formant 95% du potentiel hydro-électrique français non encore utilisé, soit plus de 25 000 sites à équiper en première intention en France (Punys et al 2019).

Les turbines sont en général les dispositifs les plus efficaces pour produire de l'électricité dès qu'on dépasse 1,5 m de chute, même si les moulins, forges et petits sites choisissent parfois des systèmes moins impactants pour les poissons comme les roues, les vis d'Archimède ou les hydroliennes.  Etant à la fois favorables à l'équipement hydroélectrique du maximum de sites en rivières et à la protection des milieux aquatiques, nous ne pouvons que souhaiter le progrès dans ces prises d'eau ichtyocompatibles. Il y a bien sûr une limite à ces barrières physiques : plus les grilles sont fines, plus il y a de turbulence et de perte de charge, moins la centrale hydro-électrique produit. Le colmatage des grilles devient aussi trop difficile à gérer quand l'écartement se réduit à l'excès. Néanmoins, on doit pouvoir parvenir à des compromis sur chaque typologie de site. Il faut continuer ces travaux d'analyse, tester les comportements et les mortalités des poissons en situations réelles, définir des bonnes pratiques conciliant les rationalités économiques et écologiques.

Référence : Tomanova S et al (2018), Protecting efficiently sea-migrating salmon smolts from entering hydropower plant turbines with inclined or oriented low bar spacing racks, Ecological Engineering, 122, 143–152.