19/12/2020

Les moulins à eau et leurs artisans, pionniers de la révolution industrielle anglaise

Trois économistes (Karine van der Beek, Joel Mokyr et Assaf Sarid) revisitent l'histoire de la révolution industrielle en Angleterre. Ils observent que les moulins à eau, véritables usines des sociétés pré-industrielles, avaient vu l'émergence progressive d'une classe d'artisans qualifiés, polyvalents, qui ont formé le capital humain indispensable au développement du machinisme moderne.



Voici le résumé de leur travail : "Cet article examine l'effet de l'adoption précoce de la technologie sur l'évolution du capital humain et sur l'industrialisation, dans le contexte de la révolution industrielle britannique. Il montre que les artisans de chantier (wrights), un groupe d'artisans mécaniciens hautement qualifiés, qui se sont spécialisés dans les machines à eau entre 1710 et 1750, ont été assez persistants dans le temps et ont évolué au début du Moyen-Âge, en réponse à l'adoption de la technologie de l'énergie hydraulique, dont l'étude Domesday Book a fait état pour la première fois en 1086. En outre, nos résultats suggèrent qu'à leur tour, la disponibilité d'infrastructures physiques et d'artisans hautement qualifiés dans les endroits qui ont adopté les moulins à eau au Moyen Âge a conjointement été un facteur majeur dans la détermination de la localisation de l'industrie anglaise depuis la fin du XIIIe siècle, jusqu'à la veille de la révolution industrielle."

Voici leur conclusion :

"Les résultats présentés ci-dessus confirment l'hypothèse qu'à la veille de la première révolution industrielle, la répartition spatiale des artisans mécaniquement qualifiés était le résultat d'un processus persistant, qui a commencé au début du Moyen Âge, lorsque les moulins à eau (inventés à l'époque romaine) sont devenuq largement utiliséq. Comme Marc Bloch (1966) l'a dit de façon mémorable, à l'époque de Charlemagne en Gaule et du Domesday Book en Angleterre, «pour tous ceux qui ont des oreilles pour entendre, [ces régions] bruissent de la musique de la roue du moulin." Les exigences techniques liées à la construction de ces moulins ont joué un rôle clé dans la formation d'artisans qualifiés. À leur tour, les artisans mécaniquement qualifiés formés comme artisans du bois aidaient d'autres industries qui pouvaient utiliser l'énergie hydraulique pour prospérer. Cet article présente un test de la persévérance que ces compétences ont engendrée.

Nous mettons ainsi en évidence un segment restreint mais significatif des meilleurs artisans anglais, à savoir les mécaniciens de chantier et les ingénieurs. La présence de conditions géographiques qui ont favorisé la construction de moulins à eau engagés dans la meunerie a créé une classe de mécaniciens de chantier hautement qualifiés dont les compétences se sont répercutées sur les industries de la laine et du fer. La prédominance de ces industries était une première étape dans la voie de l'Angleterre devenant nation industrielle. Ce n'est pas un hasard si le terme «moulin» est devenu synonyme de «usine» dans les premiers stades de la révolution industrielle, car le rôle des moulins à eau dans la fabrication textile est resté central pendant de nombreuses décennies au XVIIIe et au début du XIXe siècle, avant qu'ils ne soient finalement remplacés par la vapeur.

Ces schémas de localisation ont-ils eu une importance quelconque dans ce qui s'est passé après 1750? L'importance de l'industrie de la laine dans la révolution industrielle a été traditionnellement éclipsée par la croissance spectaculaire de l'industrie du coton, mais il ne faut pas oublier que la laine a continué de croître pendant la révolution industrielle à un rythme plus que respectable et que "l'industrie de la laine ne s'est pas laissée éclipser" (Jenkins et Ponting, 1982, p. 296). Bon nombre des avancées technologiques du coton se sont répercutées sur la laine et vice versa, et les deux industries ont grandement bénéficié du haut niveau de compétence des artisans et mécaniciens britanniques (Kelly, Mokyr et Ó Gráda, 2019). Les mécaniciens de chantier étaient une composante substantielle de cette classe, mais bien d'autres aussi: les horlogers, les rectifieuses, les colliers, les serruriers, les fabricants de jouets, les ferronniers, les fabricants d'instruments et de nombreux fabricants de biens de consommation haut de gamme ont tous joué un rôle.

Nous nous empressons d'ajouter qu'il n'y a pas eu de cartographie simple entre la préexistence d'une main-d'œuvre hautement qualifiée et l'accélération du progrès technologique pendant la révolution industrielle. Les Midlands et Londres ont pu transformer ces compétences en une croissance rapide. Mais les zones traditionnelles de fabrication de la laine dans le West Country et l'East Anglia ont fini par céder lentement leur base industrielle au Yorkshire. Comme l'a souligné Jones (2010, p.8), l'échec du Sud anglais à s'industrialiser peut paraître surprenant. Plus que toute autre chose, ils ont peut-être suivi les règles de la spécialisation régionale car la baisse des coûts de transport et l'intégration du marché ont dépassé les aptitudes traditionnelles de la fabrication de la laine dans ces domaines. Comme l'observe Jones (2010, p. 66), malgré son déclin relatif, l'industrie de la laine du Gloucestershire était tout à fait capable de se mécaniser.

En fin de compte, nos recherches contribuent à restaurer la place du capital humain dans le leadership technologique britannique. Pour voir cela, nous devons nous débarrasser de l'habitude moderne de considérer le capital humain en termes «modernes» de scolarisation et d'alphabétisation, ou même en termes de conditionnement social que les établissements d'enseignement de cette époque ont inculqué à leurs élèves. Nous devrions plutôt nous pencher sur les talents tacites, les compétences techniques transmises de maître à apprenti par le biais de contacts personnels informels. Le grand historien de la technologie pendant la révolution industrielle, John R. Harris, s'en est rendu compte lorsqu'il a noté que "tant de connaissances étaient insufflées par l'ouvrier dans l'atmosphère de suie où il vivait plutôt que consciemment apprises" (Harris, 1992, p. 30). Il en va de même pour les mécaniciens de chantier britanniques, dont certains se sont transformés et ont formé une classe d’ingénieurs en mécanique au XIXe siècle. Le rôle crucial des techniciens formés mécaniquement dans la révolution industrielle, et donc dans le grand enrichissement (MacLeod et Nuvolari, 2009) dans son ensemble, mérite largement notre reconnaissance."

Source : Karine van der Beek, Joel Mokyr et Assaf Sarid (2020), The wheels of change: technology adoption, millwrights, and persistence in britain’s industrialization, Discussion Paper DP14138, première pub. novembre 2019, révision décembre 2020, Centre for Economic Policy Research

18/12/2020

Protéger reptiles et amphibiens plutôt que casser moulins et étangs

Les citoyens peuvent voter en ligne jusqu'à ce soir pour qualifier un projet de biodiversité porté par des associations. Le projet mis en première place sur le site du ministère consiste à créer des films de propagande sur la destruction des ouvrages de rivières. Nous préférons pour notre part un autre projet, bien plus constructif pour le vivant, qui consiste à améliorer connaissance et protection des reptiles et amphibiens. Ceux-ci sont d'ailleurs mis en péril quand on assèche des retenues, étangs, plans d'eau, canaux et biefs. A vous de voter!



L'administration de l'écologie (OFB, agences de l'eau, DREAL, régions) propose un concours national de vote citoyen sur des projets pour la biodiversité.

Le premier projet mis en avant sur le site vise la "promotion de l'efficacité de la politique de continuité écologique et de restauration de la biodiversité de la France par la réalisation d'un ensemble des vidéos grand public, destinées à la diffusion nationale et internationale, et organisation d’une série d'évènements à partir de ces modules pour sensibiliser les élus, les décideurs et les citoyens."

Autant dire : faire des films de propagande à la gloire de la casse des ouvrages hydrauliques, le porteur de ce projet (ERN) étant un militant de longue date de la destruction des patrimoines de l'eau.

Etant donné les sommes considérables d'argent public déjà dépensées pour cette politique de continuité écologique dont les résultats sont très critiqués par les citoyens, nous préférons soutenir pour notre part le projet n°3 : la constitution d’un réseau national SOS serpents, tortues et grenouilles et l’élaboration d’outils et supports de communication, de formation et de sensibilisation à destination du grand public et des structures impliquées dans une démarche de médiation faune sauvage.

Le vote s'arrête ce soir, à vos claviers et écrans. Lien pour voter.

17/12/2020

Avec 1,2 million de barrières, les rivières européennes sont des écosystèmes massivement transformés par la société humaine (Belletti et al 2020)

Une recherche venant d'être publiée dans la revue Nature montre que les rivières de 36 pays européens sont fragmentées par au moins 1,2 million de barrières à l'écoulement, soit en moyenne 0,74 obstacle par kilomètre (ou un obstacle tous les 1350 mètres). Les auteurs en tirent la conclusion que l'on devrait supprimer le maximum de ces ouvrages, notamment les plus modestes ayant perdu leur fonction d'origine comme les moulins. On ne peut qu'exprimer notre désaccord total avec cette orientation, mal informée de nombreux autres travaux de recherche sur l'appropriation de ces ouvrages par les riverains et sur l'émergence de nouveaux écosystèmes anthropiques, outre les besoins massifs de transition énergétique bas-carbone en Europe. Mais surtout, cette recherche doit mener le législateur et le gestionnaire à sa conclusion la plus évidente: les rivières européennes sont des socio-écosystèmes co-construits par les humains au fil des siècles. Cette nouvelle nature est notre réalité, et l'action publique ne doit plus être guidée par l'idée naïve d'une sorte de retour en arrière. Ce qui ne signifie pas tout conserver en l'état, bien sûr, mais simplement ajuster les choix publics aux évolutions du vivant, aux attentes des riverains et aux besoins reconnus comme d'intérêt par la société.

Densités de barrières sur les rivières européennes, estimées par modèle, extrait de Belletti et al 2020, art.cit. 

Le programme Amber (Adaptive management of barriers in Europe ; "gestion adaptative des obstacles en Europe"), notamment financé la Commission européenne, vient de publier dans la revue Nature un résultat de son travail sous forme d'atlas estimant les barrières à l'écoulement en Europe. L'étude est signée par vingt chercheurs avec pour premier auteur Barbara Belletti, spécialiste en géomorphologie au CNRS et à l’université de Lyon.

Voici le résumé de leur recherche :

"Les rivières abritent une des plus riches biodiversité de la planète et fournissent des services écosystémiques essentiels à la société, mais elles sont souvent fragmentées par des obstacles à la libre circulation. En Europe, les tentatives de quantifier la connectivité fluviale ont été entravées par l'absence d'une base de données harmonisée sur les barrières. Nous montrons ici qu'il y a au moins 1,2 million de barrières sur les eaux intérieures de 36 pays européens (avec une densité moyenne de 0,74 barrières par kilomètre), dont 68% sont des structures de moins de deux mètres de hauteur, souvent négligées. Des enquêtes standardisées sur 2 715 kilomètres de longueur de cours d'eau pour 147 rivières indiquent que les registres existants sous-estiment le nombre d'obstacles d'environ 61%. Les densités de barrières les plus élevées se produisent dans les rivières fortement modifiées d'Europe centrale et les plus faibles densités de barrières se produisent dans les zones alpines les plus reculées et les moins peuplées. Dans toute l'Europe, les principaux prédicteurs de la densité des barrières sont la pression agricole, la densité des passages routiers de traversée de l'eau, l'étendue des eaux de surface et l'altitude. On trouve encore des rivières relativement non fragmentées dans les Balkans, les États baltes et certaines parties de la Scandinavie et du sud de l'Europe, mais elles nécessitent une protection urgente contre les projets de construction de barrages. Nos conclusions pourraient éclairer la mise en œuvre de la stratégie de l’UE pour la biodiversité, qui vise à reconnecter 25 000 kilomètres de rivières d’Europe d’ici à 2030, mais y parvenir nécessitera un changement de paradigme dans la restauration des rivières qui reconnaisse les impacts généralisés causés par les petits obstacles."

Il est à noter que la France et les Pays-Bas figurent comme les 2 pays dont les estimations d'obstacles sur les rivières sont les plus abouties (en France grâce au référentiel des obstacles à l'écoulement lancé dans les années 2000 par l'Onema). 

En France, sur 183 373 km de rivière (donc à l'exclusion du petit chevelu deux fois plus important), on compte 63932 obstacles dont 8744 barrages, 36855 seuils, 346 écluses, 5915 buses, 357 gués, 4512 rampes et 5231 autres ou inconnus.

Dans leur introduction, les chercheurs soulignent : "sans barrages, déversoirs, gués et autres structures dans le cours d'eau, il est difficile d'imaginer de prélever de l'eau, de produire de l'énergie hydroélectrique, de contrôler les inondations, de transporter des marchandises ou même simplement de traverser des cours d'eau."

Pourtant, ils ne se privent pas de donner en conclusion un point de vue plus politique sur ce qu'il faudrait faire de certains de ces ouvrages:

"Pour reconnecter les rivières, des informations sont nécessaires sur l'utilisation actuelle et le statut juridique des barrières, étant donné que beaucoup ne sont plus utilisées et pourraient être supprimées. Dans certaines régions d'Europe, par exemple, de nombreux déversoirs ont été construits pour desservir d'anciens moulins à eau, qui ont ensuite été abandonnés. Compte tenu de l'élan actuel vers l'élimination des obstacles et la restauration de la connectivité fluviale, il serait logique de commencer par des structures obsolètes et petites (<5 m), qui constituent la majorité des barrières en Europe. La suppression des petites barrières sera probablement plus facile et moins coûteuse que la suppression des infrastructures plus grandes, et probablement aussi mieux acceptée par les acteurs locaux, dont le soutien est essentiel pour restaurer la connectivité fluviale. Cependant, la suppression des anciennes barrières n'augmentera pas la connectivité si davantage de barrières sont construites ailleurs. Les taux actuels de fragmentation devraient être stoppés, ce qui peut nécessiter une réévaluation critique de la durabilité et la promotion des développements micro-hydroélectriques par rapport à l'alternative consistant à améliorer l'efficacité des barrages existants."

Discussion
Le premier enseignement de ce travail est que les rivières européennes sont une réalité massivement anthropisée. Ce ne sont plus dans la majorité des cas des systèmes "naturels", mais des systèmes "socio-naturels", c'est-à-dire des réalités physiques, chimiques et biologiques qui ont été lentement modifiées par des usages humains de l'espace. Il est alors très étonnant que le classement des masses d'eau souhaité par la directive cadre européenne (DCE 2000) n'ait pas conclu que 80 ou 90% des fleuves et rivières du continent sont des système "fortement modifiés", comme la nomenclature juridique de la DCE permet de le reconnaître. Nous devons en informer le législateur et le gestionnaire, afin qu'à l'issue du dernier cycle de la DCE (2021-2027), on acte enfin la réalité telle qu'elle est.

L'idée défendue par les auteurs en conclusion qu'il serait plus économique de supprimer 1,1 million de petites barrières est assez mal informée (en tout état de cause, elle n'est pas chiffrée). En fait, comme le montre l'expérience française en la matière, les effacements ou aménagements d'ouvrages sont rapidement coûteux lorsqu'ils ne sont pas bâclés. Il faut en effet tenir compte du droit des tiers dans les changements d'écoulement induits, mais aussi compenser diverses pertes hydrologiques et écologiques (mise à sec de retenues, canaux, puits, remobilisation sédimentaire problématique, fragilisation de bâtis et de berges, etc.). Du même coup, le bilan réel en gain et perte de ces opérations n'est pas fait. Un ouvrage n'ayant plus son usage ancien n'est pas forcément un ouvrage ayant perdu toute fonction ou tout service écosystémique 

Certains biologistes et écologues nous ont habitués à l'expression d'une sorte d'"impérialisme disciplinaire" en matière de conservation des espèces et des habitats : dès lors qu'un phénomène représente un "impact sur la nature", sa suppression serait souhaitable sans qu'il soit nécessaire de trop problématiser cette position. Cet article s'y inscrit en partie, mais il est quand même ennuyeux d'avoir une cécité aux travaux des autres sciences et disciplines académiques. Si Barbara Belletti et ses collègues s'étaient enquis des recherches menées en géographie, sociologie, histoire, humanités, économie, ils auraient par exemple observé que loin d'être vus comme vestiges sans usage du passé ou barrières à migrateur ou pièges à sédiments, les ouvrages hydrauliques font l'objet de diverses formes d'appropriation. Plus largement, ils auraient observé que la nature perçue et vécue du riverain n'est pas forcément la nature fonctionnelle ou idéale de l'écologue et du biologiste. Ou bien encore qu'au sein de l'écologie (comme discipline scientifique), les avis peuvent diverger sur les nouveaux écosystèmes créés par les humains — dans le cas aquatique, beaucoup de ces nouveaux écosystèmes (lacs, étangs, plans d'eau, canaux, biefs) sont justement créés par des ouvrages hydrauliques. Une synthèse de plus de 100 recherches scientifiques récentes sur ces sujets a récemment été faite, et un livre collectif d'universitaires nuançant beaucoup le concept de la continuité / discontinuité écologique est paru en 2020. 

La notion de barrière ou obstacle à l'écoulement a certainement du sens pour le géomorphologue (à condition de ne pas oublier les nombreuses barrières naturelles des embâcles, castors, chutes ou cascades), mais elle est par elle-même assez pauvre, au sens où elle réduit son objet à un seul angle de spécialité disciplinaire: chaque rivière n'est pas représentée par tous les humains comme ce qu'elle devrait être dans un idéal géomorphologique de naturalité, chaque ouvrage n'est pas davantage réductible à sa dimension d'obstacle à un écoulement, un sédiment ou un poisson. Nous espérons donc que des approches un peu plus complexes et pluridisciplinaires vont continuer à progresser dans la discussion académique et le débat démocratique. 

Référence : Belletti B et al (2020), More than one million barriers fragment Europe’s rivers, Nature, 588, 436–441

14/12/2020

Les silures dévorent les grandes aloses de la Garonne (Boulêtreau et al 2020)

Jadis, les saumons, aloses et autres migrateurs formaient les poissons de plus grande taille (avec le brochet) dans leur milieu d'eau douce. Mais ce n'est plus le cas avec l'introduction du silure, une espèce venue du Danube qui s'est étendue en Europe occidentale et méridionale. Une étude de chercheurs français menée sur la Garonne montre que ces poissons-chats géants consomment des grandes aloses, et qu'ils sont capables de repérer le comportement particulier de frai de ce migrateur pour profiter d'opportunités alimentaires. On peut certes essayer de réguler le silure dans nos eaux. Mais cela doit nourrir aussi une réflexion sur les objectifs de conservation des poissons migrateurs, qui ne rencontrent plus du tout à l'Anthropocène les conditions de leur expansion maximale voici quelques millénaires, en raison de causes multiples dont la plupart ne vont pas disparaître à court terme. 


Le silure européen Silurus glanis fait partie des 20 plus gros poissons d'eau douce au monde, et c'est le plus gros poisson d'Europe (jusqu'à 2,7 m de longueur totale, deux fois plus que des prédateurs indigènes en France comme le brochet). Sa taille extrême en a fait une espèce populaire pour les pêcheurs sportifs, ce qui a entraîné leur introduction intentionnelle dans certains pays d'Europe de l'Ouest et du Sud.

Mais comme toute espèce introduite, le silure a des effets sur les assemblages d'espèces qui pré-existent à son arrivée dans les rivières. 

De nombreuses espèces de poissons dites "anadromes" migrent entre l'eau de mer et l'eau douce pour frayer. Elle sont généralement protégées de la prédation par d'autres poissons lors de leur migration vers l'amont par leur grande taille à l'âge adulte. Mais les introductions et invasions de nouvelles espèces ont perturbé cette règle ayant émergé de l'évolution, car certaines espèces de poissons prédateurs sont plus grandes que les migrateurs. Dans les eaux douces d'Europe occidentale et méridionale, l'établissement du silure Silurus glanis expose les poissons anadromes adultes à la prédation en augmentant le seuil de taille corporelle auquel les proies deviennent invulnérables. 

Stéphanie Boulêtreau et ses collègues ont analysé le comportement de prédation du silure sur les grandes aloses (Alose alosa), un poisson migrateur jadis commun en Europe, mais aujourd'hui menacé.

Voici le résumé de leur travail : 

"Le silure Silurus glanis est un grand prédateur opportuniste non indigène capable de développer une stratégie de chasse en réponse aux proies nouvellement disponibles là où il a été introduit. La migration de proies anadromes reproductrices comme la grande alose Alosa alosa pourrait représenter cette ressource alimentaire disponible et riche en énergie. Ici, nous rapportons un comportement impressionnant de chasse au silure lors de la reproduction de l'alose dans l'une des principales frayères d'Europe (Garonne, sud-ouest de la France). 

La reproduction de l'alose se compose d'au moins un mâle et une femelle nageant côte à côte, battant la surface de l'eau avec leur queue, ce qui produit un bruit d'éclaboussement audible depuis la rive du fleuve. Le comportement de chasse du silure lors de la reproduction de l'alose a été étudié, la nuit, pendant les mois de printemps, en utilisant à la fois une enquête auditive et vidéo. Simultanément, des individus de poisson-chat ont été pêchés pour analyser le contenu de leur estomac. 

Le silure a perturbé 12% des 1024 actes de frai nocturnes que nous avons entendus, et cette proportion est passée à 37% parmi les 129 actes de frai lorsqu'elle est estimée avec un enregistrement par caméra en basse lumière. Les analyses du contenu stomacal de 251 gros silure (longueur du corps > 128 cm) capturés dans le même tronçon de rivière) ont révélé que l'alose représentait 88,5% des proies identifiées dans le régime alimentaire du silure. 

Ces travaux démontrent que la prédation du silure doit être considérée comme un facteur important de mortalité des aloses. Dans un contexte d'extension de l'aire de répartition européenne du silure dans les eaux douces d'Europe occidentale et méridionale, ce nouvel impact trophique, avec d'autres précédemment décrits pour le saumon ou la lamproie, doit être pris en compte dans les plans européens de conservation des espèces anadromes."

Discussion
Ces travaux confirment d'autres recherches faites dans les eaux françaises sur la prédation des saumons remontants par les silures. Ils soulignent les causes multifactorielles de déclin des migrateurs : outre des barrières physiques, ceux-ci sont confrontés à la pollution, la surpêche et le braconnage, la prédation par de nouvelles espèces, le changement climatique et ses effets océaniques comme fluviaux. 

La stratégie évolutive de la migration permet des gains alimentaires (croissance dans un milieu favorable) mais elle est coûteuse, puisque les animaux y ayant recours parcourent de longue distance, ce qui représente une dépense en énergie et une exposition à divers risques. Le changement progressif des conditions des rivières et des océans à l'Anthropocène est particulièrement défavorable à ces espèces. Cela suggère que si les stratégies de conservation de ces migrateurs visent à juste titre à éviter l'extinction des espèces, elles auront sans doute le plus grand mal à revenir aux quantités d'individus observées avant l'ère moderne. Une discussion des objectifs des politiques publiques en ce domaine serait bienvenue.

Référence : Boulêtreau S et al (2020), ‘The giants’ feast’’: predation of the large introduced European catfish on spawning migrating allis shads, Aquatic Ecology, doi.org/10.1007/s10452-020-09811-8

A lire en complément

11/12/2020

La gestion des étangs piscicoles est appréciée par l'avifaune (Boyer et Bourguemestre 2020)

Le fuligule milouin est une espèce de canard qui a connu une expansion dans les étangs européens à compter de la fin du 19e siècle. Mais l'anatidé a amorcé un déclin à partir des années 1980 et il est considéré comme vulnérable. Un travail de recherche sur les étangs de la Brenne montre que ces plans d'eau sont des habitats d'autant plus favorables qu'ils sont activement gérés, ce qui augmente la productivité piscicole et trophique favorable aux fuligules. C'est un bon exemple de l'évolution de la biodiversité dans les nouveaux écosystèmes créés par les humains. Et une incitation supplémentaire à ne pas opposer sommairement milieux naturels et milieux artificiels, ni biodiversité endémique et biodiversité acquise.


Fuligule mâle, par Neil Phillip (Flickr, CC BY 2.0)

Le fuligule milouin Aythya ferina est un canard plongeur (Anatidés) européen, classé comme espèce vulnérable. Il offre un exemple d'adaptation réussie à un habitat artificiel: le système d'étangs piscicoles. Le fuligule s'est installé à la fin du 19e siècle dans des complexes d'étangs du sud de la Bohême, puis s'est étendu sur une large aire vers le sud-ouest de l'Europe. La hausse du nombre de ses hivernages a été attribuée aux progrès de l'aquaculture dans les systèmes d'étang européens. Mais à partir de la fin des années 1970, un déclin à long terme a commencé dans de nombreuses aires européennes. Il y a donc un besoin d'information sur les facteurs clés affectant l'abondance et le succès de reproduction de cette espèce. Les étangs piscicoles constituent aujourd'hui l'un des habitats les plus couramment utilisés dans de nombreux pays (France, Allemagne, Pologne, République Tchèque), mais la gestion de la pisciculture est susceptible d'affecter positivement ou négativement la vie du fuligule milouin.

Jöel Broyer (OFB, DRAS-Pôle ECLA) et François Bourguemestre (Fédération des chasseurs Indre) ont analysé l'évolution du fuligule milouin dans les étangs de la Brenne. Voici le résumé de leur travail : 

"Les étangs piscicoles constituent un habitat de reproduction majeur pour le fuligule milouin Aythya ferina en Europe. Cette étude a exploré les causes possibles de son déclin récent, en décrivant les conséquences des diverses options de gestion des étangs en Brenne, dans le centre de la France. La densité des couples et le rapport nichée/couple ont été décrits dans un échantillon d'étang soumis à diverses pratiques de gestion, au début des années 2000 et, encore une fois, une décennie plus tard. L'influence de la gestion des étangs sur ces variables a été étudiée par des comparaisons de modèles. 

Au début des années 2000, 69,5% des étangs étudiés étaient fertilisés par les pisciculteurs. Des densités de couples de fuligule milouin plus élevées ont été observées chez ceux qui se nourrissaient artificiellement de la carpe et le rapport nichée/couple était positivement lié à la densité de la biomasse des poissons, à condition que la densité des couples ne soit pas trop élevée. Une décennie plus tard, seuls 25% des étangs étudiés restaient fertilisés. La densité des paires de fuligule milouin était positivement corrélée à la densité de la biomasse des poissons. Mais des ratios nichée/couple plus faibles ont été enregistrés dans les étangs avec alimentation artificielle de la carpe, en raison du fait qu'une densité de couples plus élevée n'y a pas conduit à une augmentation de la densité des couvées. Entre les deux périodes d'étude, le nombre de couples est resté stable dans l'échantillon, mais le rapport nichée/couple a diminué, passant de 0,84 à 0,71. 

Nos résultats soutiennent l'idée que les conditions de l'habitat qui permettent une productivité élevée des poissons étaient également attrayantes pour les couples de fuligules. Ils suggèrent l'hypothèse que la fertilisation des étangs pour améliorer la productivité primaire et, par conséquent, la biomasse des poissons, peut également favoriser le succès de la reproduction des fuligules. Il faut cependant garder à l'esprit que, même avec une gestion active de la pisciculture, la densité de la biomasse des poissons dans les étangs français reste généralement modérée par rapport à celles d'Europe centrale. L'étude n'a révélé aucun effet de la gestion de la chasse puisque l'alimentation de la sauvagine, la lutte contre les prédateurs ou le lâcher de canards colverts n'ont pas influencé de manière significative l'utilisation des étangs par les couples de fuligule ni le rapport nichée/couple".

Ce travail confirme d'autres résultats obtenus par les auteurs en Dombes, Forez ou Brenne (voir par exemple Boyer et al 2015), montrant l'importance de la gestion piscicole des étangs sur la reproduction des Anatidés. La biomasse piscicole et l’état trophique de productivité de l’écosystème sont des facteurs limitants pour les oiseaux.

Référence : Boyer J, Bourguemestre F (2020), Common pochard Aythya ferina breeding density and fishpond management in central France, Wildlife Biology, wlb.00592

09/12/2020

Six députés demandent à Barbara Pompili quand son administration va enfin cesser la casse absurde des moulins et étangs français

Bien loin d'être "apaisée", la continuité écologique nourrit le feu roulant des questions des parlementaires au gouvernement. Six députés, dont quatre de la majorité, s'étonnent ces dernières semaines que le gouvernement ait fait passer le décret scélérat du 30 juin 2020 autorisant la mise à sec des biefs, des canaux, des étangs, des retenues avec destruction des ouvrages sur simple déclaration, sans enquête publique auprès des riverains, sans étude d'impact sur chaque site. Ils font observer que ces ouvrages et ces milieux issus de notre histoire représentent des réserves d'eau, des biotopes pour le vivant, un potentiel hydro-électrique très bas carbone, un patrimoine historique, culturel et paysager. Il serait temps que les bureaucraties ayant programmé la casse du patrimoine français de l'eau reconnaissent explicitement leur erreur d'appréciation, mais aussi que la loi reprécise les contours de la continuité écologique en vue de mettre fin à 10 ans de contentieux permanents.  Il est possible de faire progresser la circulation des poissons par des mesures non destructrices, sans céder à l'horizon intégriste et minoritaire d'une rivière "sauvage" qui serait purgée de toute trace humaine. Il est surtout nécessaire et urgent de recentrer la politique publique de l'eau sur les enjeux apparaissant comme essentiels aux citoyens : prévention du réchauffement climatique par équipement en énergie décarbonée, réduction des pollutions chimiques, gestion des crues et sécheresses frappant de plus en plus durement les territoires, respect des cadres de vie appréciés et de la démocratie locale.


Question N° 34366 de M. Olivier Dassault (Les Républicains - Oise )
M. Olivier Dassault attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur l'effacement et l'aménagement des barrages des moulins prévus dans le décret n° 2020-828 du 30 juin 2020. La démolition des aménagements hydrauliques, qui ont pour certains, plusieurs centaines d'années, est devenue la solution retenue par l'Office de la biodiversité, sans tenir compte des répercussions topographiques, ni des phénomènes de vases communicants. Il s'agit d'une mesure qui entraîne peu à peu l'assèchement de lits dans les environs des ouvrages démantelés. La destruction des digues et des moulins opérée sans études d'impact ni enquêtes publiques met aussi en péril la biodiversité et ne facilite aucunement la libre circulation des poissons migrateurs. Il lui demande donc si des dispositions seront prises rapidement pour supprimer cette réglementation qui va à l'encontre du patrimoine et des milieux aquatiques ruraux.

Question N° 33900 de M. Philippe Chassaing (La République en Marche - Dordogne )
M. Philippe Chassaing appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences du décret n° 2020-828 du 30 juin 2020 (complété par un arrêté du même jour) modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l'eau. Ce texte dispose que tous les travaux visant à la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques et de la continuité écologique relèvent désormais de la simple déclaration (et non plus de l'autorisation) avec, pour corollaire, de rendre obsolètes les études d'impact environnemental et social, les enquêtes publiques, ainsi que l'information des citoyens et des collectifs de riverains. L'incidence directe est qu'il pourrait être procédé plus facilement à la destruction des milieux en eaux d'origine anthropique, c'est-à-dire façonnés par l'homme au cours de l'histoire (biefs, canaux, étangs, plans d'eau, etc.), sans prendre en considération leur rôle écologique (conservation des biotopes qui se sont constitués dans ces milieux), touristique et patrimonial (les 60 000 moulins de France représentant le troisième patrimoine du pays). En effet, les moulins, qui contribuent à la richesse des paysages et du patrimoine local, lorsqu'ils seront privés des cours d'eau qui les alimentent, risquent d'être condamnés à terme. Alors que le processus d'autorisation et d'enquête publique contradictoire consiste précisément en une procédure d'organisation de la démocratie consultative et délibérative, sa suppression devrait logiquement générer de l'insécurité juridique. Outre le manque d'information sur les projets qui pourraient voir le jour dans leur département, les associations et les élus locaux craignent de ne plus pouvoir former de recours contentieux contre les arrêtés autorisant la destruction des « obstacles à la continuité écologique » dans les cours d'eau. Tandis que la circulaire du 30 avril 2019 relative à « la mise en œuvre du plan d'action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique des cours d'eau » n'a, semble-t-il, guère apaisé les inquiétudes des élus et des collectifs de riverains, ces derniers contestent aujourd'hui les dispositions réglementaires visant à passer outre la concertation locale et réclament une transition écologique qui soit non pas punitive, mais « participative » et raisonnée, appliquée au cas par cas, au plus près du terrain, avec le concours de tous les acteurs locaux et dans l'intérêt commun du territoire. Aussi, il lui demande des précisions sur la finalité du décret susmentionné et si elle entend donner suite aux demandes des groupements d'élus et des associations de défense du patrimoine meunier de retirer - ou à tout le moins d'amender - ce texte.

Question N° 33720 de M. Grégory Besson-Moreau (La République en Marche - Aube )
M. Grégory Besson-Moreau alerte Mme la ministre de la transition écologique sur la question de l'avenir des moulins à eau. Le 30 juin 2020, le précédent Premier ministre a accéléré le processus de destruction des moulins en eau en autorisant par décret le passage d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration concernant les démolitions des barrages des moulins. Cette démarche est censée favoriser la préservation de certaines espèces aquatiques et ainsi présenter des vertus en matière de biodiversité sur le long terme. Or, aucune étude d'impact n'a pour le moment démontré l'utilité de ce changement de paradigme sur l'ensemble du territoire. De la même manière, ces moulins à eau, pour beaucoup vestiges de l'époque médiévale, possèdent un potentiel non négligeable en matière d'hydroélectricité. De plus, les aménagements demandés pour leur maintien sont particulièrement onéreux pour les propriétaires et les subventions accordées insuffisantes. Enfin, les moulins à eau ont un rôle prépondérant en matière d'irrigation des plans d'eau. Il conviendrait alors de s'intéresser aux véritables raisons qui menacent aujourd'hui notre faune aquatique et non de pénaliser les propriétaires de moulins à eau, acteurs séculaires de l'équilibre entre l'activité humaine et la préservation de l'environnement. Aussi, il demande si le Gouvernement entend revenir sur cette décision et entreprendre une concertation visant à déboucher sur une solution respectueuse de l'environnement, de nos traditions et de notre patrimoine historique.

Question N° 32890 de M. Vincent Descoeur (Les Républicains - Cantal)
M. Vincent Descoeur appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences du décret n° 2020-828 du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l'eau. Tous travaux ayant pour unique objet, la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques pourront être menés sans autorisation, sur simple déclaration, sans étude d'impact ni enquête publique. Il pourra être ainsi procédé facilement à la destruction de tous les milieux aquatiques façonnés par l'homme au cours de l'histoire (biefs, canaux, étangs, plans d'eau). Ceci aura un impact sur l'environnement (avec notamment la destruction des biotopes qui se sont créés dans ces milieux) ainsi que sur le patrimoine. En effet, les moulins qui contribuent à la richesse des paysages et du patrimoine culturel et industriel français, lorsqu'ils seront privés des cours d'eau qui les alimentent, seront condamnés à terme. L'objet sur lequel repose le décret, celui de la « restauration des fonctions naturelles » est infondé. En effet, dans quelle mesure peut-on déterminer si telle fonction est naturelle ou pas sans qu'une étude d'impact ne soit menée ? Ces lieux forgés à la fois par la nature et par l'homme avaient trouvé un équilibre qui va être désormais profondément remis en question. Aussi, il lui demande des précisions sur la finalité d'un tel décret et s'il entend donner suite aux demandes des associations de défense du patrimoine des moulins de retirer ce texte.

Question N° 32702 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere (La République en Marche - Haute-Vienne )
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité, sur la gestion du patrimoine hydraulique français. En effet, un arrêté du 30 juin 2020 a facilité la destruction des retenues d'eau : une simple déclaration, sans étude d'impact ni enquête publique, est nécessaire. Cela alors que les réserves d'eau s'avèrent primordiales en période de sécheresse pour les poissons, pour la vie aquatique, pour la nappe phréatique, pour les réserves en cas d'incendie. Si la destruction a été partiellement justifiée par la nécessité de permettre « la libre circulation des poissons migrateurs », il apparaît que nombre de moulins, y compris les plus anciens, comprennent des passes, chaussées ou échelles à poissons. De même, la politique menée par les agences de l'eau, qui subventionnent intégralement la destruction des barrages de moulins et surfacturent aux propriétaires les aménagements pour les poissons, pose question. Ainsi, elle souhaiterait savoir si elle compte annuler l'arrêté du 30 juin 2020 et plus largement, quelles actions elle compte mener pour protéger les réserves d'eau.

Question N° 32492 de M. Christophe Jerretie (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Corrèze)
M. Christophe Jerretie attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la question de la préservation et de la sauvegarde des moulins à eau. La loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques prévoit que les ouvrages hydrauliques doivent être « gérés, entretenus et équipés » par leurs propriétaires selon des règles définies par l'autorité administrative. En réalité, les agences de l'eau programment de plus en plus de destructions d'ouvrages hydrauliques. En simplifiant les procédures administratives, le décret du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l'eau permet aux agences de l'eau de continuer plus facilement l'arasement des barrages, faisant ainsi réagir des associations voulant protéger le patrimoine hydraulique français. Cette multiplication des destructions est faite au nom de la continuité écologique et du respect d'une directive-cadre de l'Union européenne visant à améliorer la qualité de l'eau datant de 2000. En effet, les 60 000 ouvrages hydrauliques français seraient des obstacles mettant en péril la continuité écologique des espèces et des sédiments entre les cours d'eau. Néanmoins, les bienfaits en matière de biodiversité de cette politique de destruction sont contestés : les zones humides, qui regroupent une part importante de la faune et de la flore des cours d'eau pourraient être menacées par ces destructions. En conséquence, des milliers d'écosystèmes se retrouveraient en danger par la destruction indirecte de milieux de vie. Des espèces risquent même de disparaître : c'est le cas de la salamandre tachetée qui pourrait voir son habitat s'assécher durant les années à venir. De plus, détruire des moulins revient à détruire un patrimoine qui pourrait s'avérer fort utile en produisant hydroélectricité et farine. À l'heure où la production d'hydroélectricité est mise en valeur (par la loi du 9 novembre 2018 relative à l'énergie et au climat et par celle relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015) et où de plus en plus d'associations se plaignent de voir leur patrimoine hydraulique détruit sans même être consultées par les agences de l'eau, il souhaiterait savoir si le Gouvernement souhaite faire évoluer sa politique de destruction des ouvrages hydrauliques et de continuité écologique en la rendant plus favorable au patrimoine français et à la production d'hydroélectricité.

07/12/2020

Diffuser et utiliser la carte des 25 000 sites français que l'on peut relancer en petite hydro-électricité

Les politiques publiques de prévention du réchauffement climatique accusent des retards, et les Etats sont de plus en plus souvent condamnés devant les cours de justice pour cette raison. En France, nous souffrons notamment d'une mauvaise prise en compte de la petite hydro-électricité, car la direction de l'eau du ministère de l'écologie et son administration ont pris la décision absurde de décourager les relances des moulins par des demandes ingérables, pire encore de détruire ces sites au lieu de les préserver et d'inciter à les équiper. Les associations doivent utiliser la cartographie des sites anciens équipables mise au point par le projet européen RESTOR HYDRO pour saisir les préfets et les élus de la nécessité d'intégrer la relance des petits ouvrages hydrauliques dans tous les schémas et contrats de transition écologique (SRADDET, SAGE, SDAGE, CRTE). 


Le projet européen RESTOR HYDRO a mené dans les années 2010 une évaluation de l’état et du potentiel de restauration de la petite hydroélectricité dans les 27 pays européens. C'est un premier diagnostic, portant notamment sur les sites de moulins, forges, et anciennes usines à eau (voir notre recension de Punys et al 2019).

La carte d'estimation des sites équipables en France est disponible à cette adresse. On peut zoomer sur chaque territoire, ce qui en fait un média d'information très utile. 

Nous souhaitons que cet outil de prise en compte des moulins et autres sites équipables en petite hydro-électricité soit désormais systématiquement intégré :

- dans les schéma régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), qui ont vocation à développer les énergies renouvelables de chaque région,

- dans les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE local, SDAGE de bassin), qui ont vocation à informer les décideurs et citoyens des potentiels énergétiques des cours d'eau,

- dans les contrats territoriaux de relance et de transition écologique (CRTE), qui ont vocation à réduire les émissions carbone de chaque territoire.

Les associations ont vocation à informer les décideurs locaux en utilisant cette cartographie RESTOR HYDRO, mais aussi à l'améliorer par leur connaissance du terrain. A ce sujet, il serait utile que les structures porteuses du projet RESTOR HYDRO mettent les données brutes à disposition en format géolocalisé, afin de permettre une démarche participative (mise à jour et enrichissement des données) ainsi qu'un croisement avec d'autres formats géographiques SIG, pour montrer plus facilement les potentiels par bassins versants ou par régions.

Carte RESTOR HYDRO du potentiel de petite hydro-électricité


A télécharger : Les moulins au service de la transition, le dossier complet (pdf), un document de synthèse pour informer les élus et décideurs des territoires. Les moulins, forges, usines à eau sont présents dans tout le pays, jouissent d'une bonne acceptabilité sociale du fait de leur présence ancienne et offrent des opportunités de déployer une énergie bas-carbone à faible impact environnemental. La transition bien comprise commence par le ré-usage de ce qui est disponible localement et demande peu d'efforts pour être relancé.

04/12/2020

Les stations d'épuration laisseraient passer plus de 100 molécules toxiques dans les eaux françaises (Aemig et al 2021)

Si les années 1980 et suivantes ont vu se développer la lutte contre les nitrates et phosphates, encore inachevée dans plusieurs régions, on commence seulement à mesurer les volumes de micropolluants circulant dans les eaux en France. Dans la première étude de ce genre pour quantifier les contaminants à échelle du pays, les chercheurs ont identifié en sortie de station d'épuration 94 molécules organiques pouvant avoir des effets toxiques sur la santé humaine (88 écotoxiques), 15 molécules inorganiques pouvant avoir une toxicité humaine (19 écotoxiques), pour un total de près de 147 tonnes. Les stations d'épuration ne sont pas prévues pour traiter ces contaminants d'origines très diverses : pesticides, médicaments humains et vétérinaires, hormones, hydrocarbures, métaux lourds, composés de synthèse. L'effet de cette charge toxique sur les milieux aquatiques est très mal documenté à ce jour, malgré leur hausse constante depuis l'après-guerre. Il serait temps que les gestionnaires français de l'eau, au lieu de détruire maladivement des moulins et étangs d'Ancien Régime comme soi-disant pinacle écologique de la rivière "sauvage", s'intéressent sérieusement au dossier de la pollution ainsi qu'à la santé des humains comme à celle des milieux.


Quentin Aemig, Arnaud Hélias et Dominique Patureau (INRAE, ITAP Montpellier, ELSA Montpellier) ont pour la première fois en France tenté de quantifier les micropolluants rejetés par les stations d’épuration. Selon leur modélisation, les 5 milliards de mètres cubes d’eau qui sortent chaque année de ces stations comporteraient environ 147 tonnes de micropolluants.

Voici le résumé de leur travail :
"Les micropolluants émis par les activités humaines représentent une menace potentielle pour notre santé et notre environnement aquatique. Des milliers de substances actives sont utilisées et vont à la STEP via les eaux usées. Pendant le traitement de l'eau, une élimination incomplète se produit. Les effluents rejetés dans l'environnement contiennent encore une partie des micropolluants présents dans les effluents. Ici, nous avons étudié les impacts potentiels sur la santé humaine et le milieu aquatique du rejet de 261 micropolluants organiques et de 25 micropolluants inorganiques à l'échelle de la France. Les données ont été recueillies à partir d'enquêtes nationales, de rapports, d'articles et de travaux de doctorat. Le modèle USE-tox ® a été utilisé pour évaluer les impacts potentiels. Les impacts sur la santé humaine ont été estimés pour 94 micropolluants organiques et 15 inorganiques et sur le milieu aquatique pour 88 micropolluants organiques et 19 inorganiques, soulignant le manque de concentration et de données toxicologiques dans la littérature. Certains hydrocarbures aromatiques polycycliques et pesticides ainsi que l'As et le Zn ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur la santé humaine. Certains pesticides, le PCB 101, la βE2, l'Al, le Fe et le  Cu ont montré les impacts potentiels les plus élevés sur l'environnement aquatique."

Ce schéma résume les molécules organiques et inorganiques étudiées (liste des substances, nombre de substances avec au moins une concentration détectable, nombre de substances dépassant la limite de détection dans plus de 10% des prélèvements, substances à toxicité humaine ou environnementale). 




Voici leur conclusion :

"Les impacts potentiels totaux sur la santé humaine ont varié entre 3 et 14 et 761 à 904 DALY [Disability Adjusted Life Year = cumul année de vie perdue] pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques. Les impacts potentiels totaux sur l'environnement aquatique ont varié entre 18 et 22 et 2 408 à 3 407 milliards de PDF.m3.j [Potentially Disappeared Fraction potentielle d'espèces disparues d'un volume) pour les micropolluants respectivement organiques et inorganiques.

Pour la toxicité et l'écotoxicité, les impacts potentiels ont été calculés avec un petit nombre de molécules par rapport à celles qui avaient été sélectionnées. Cela a mis en évidence le manque de données de concentration et de facteurs de caractérisation. La connaissance réelle des effets des micropolluants sur la santé humaine et l'environnement aquatique est limitée.

Nos études ont soulevé la question de la solution pour réduire les impacts des micropolluants organiques sur la santé humaine et l'environnement aquatique. La réduction ou l'interdiction d'utilisation est préférée en France; ici, nous avons mis en évidence que les micropolluants omniprésents (HAP), interdits (PCB) ou naturels (hormone) sont toujours présents dans les effluents et ont contribué à l'impact calculé signifiant que cette solution n'est pas appropriée pour tous les micropolluants. Les traitements tertiaires sont un autre moyen de réduire les rejets dans l'environnement, mais nous devons savoir s'ils sont suffisants pour réduire les micropolluants ayant les impacts les plus élevés et des études pour prouver que les produits de dégradation, le cas échéant, ne sont pas plus toxiques que les composés d'origine. De plus, on peut également s'interroger sur le coût impliqué par l'ajout de traitements tertiaires: il faut savoir si les options de traitement tertiaire disponibles sont efficaces pour éliminer les micropolluants et si elles sont rentables compte tenu de leur coût et de la diminution de l'impact. Nos résultats ont soulevé des questions sur les impacts des micropolluants inorganiques; en effet, ils sont naturellement présents dans l'eau, la plupart des concentrations dans les effluents des stations d'épuration sont proches des concentrations en rivière mais les impacts estimés montraient un risque élevé en raison de ces substances.

USETox® est basé uniquement sur des données de toxicité chronique et ne tient pas compte des perturbations endocriniennes. De plus, les effets des nanomatériaux, des microplastiques, des gènes de résistance, etc. n'ont pas été pris en compte par cette méthode mais peuvent représenter un impact important sur la santé humaine et l'environnement aquatique. Cependant, cette méthode pourrait être utilisée pour comparer différents scénarii: ajout de traitement tertiaire, réduction des émissions à la source, etc. Ici, comme première étape d'estimation des impacts potentiels, nous nous concentrons sur les valeurs de masse moyennes à l'échelle de la France. On sait qu'il existe une variation spatiale et temporelle des émissions de micropolluants (Lindim et al., 2019); une perspective est d'utiliser ce type de méthode à l'échelle du bassin versant, en considérant d'autres émissions provenant de l'agriculture ou des industries."
Parmi les substances les plus nocives pour les humains, 8 représentent seulement 4 % de la masse totale des 94 micropolluants, mais 94 % de leur impact potentiel. Elles se composent de quatre hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), du dicofol (insecticide organochloré interdit depuis 2010), d’un retardateur de flammes (banni depuis 2004) ainsi que de deux anti-inflammatoires. Du côté de la faune aquatique, les cinq substances ayant le plus d’effet représentent 2 % du total des flux, mais comptent pour 99 % de l’impact. La cyperméthrine (un insecticide), un PCB, un type d’œstrogène naturel (ßE2), l’amoxicilline (un antibiotique) se révèlent comme les plus dommageables.

Discussion
Les pollutions des cours d'eau et des nappes restent mal évaluées, en raison du très grand nombre de substances chimiques (plusieurs dizaines de milliers) qui sont utilisées dans l'agriculture et l'industrie. Bien que présentes en faibles doses, ces molécules peuvent être toxiques dans certains cas, et leurs effets cumulés sont quasi-impossibles à estimer sur l'ensemble des organismes cibles présents dans les rivières et les plans d'eau. 

Ces résultats sont aussi très inquiétants pour la capacité de la France à respecter la directive cadre européenne sur l'eau, dont l'échéance ultime de résultat est fixée en 2027. Plus des deux-tiers des rivières sont en mauvais état chimique, notamment en raison des HAP et des pesticides. Mais les mesures de routine faites dans le cadre de l'évaluation DCE sont loin de comptabiliser toutes les molécules à effet toxique. 

Il est navrant que l'argent public de l'eau continue d'être dilapidé en France dans des mesures absurdes, comme la destruction des ouvrages anciens (moulins, étangs, plans d'eau), alors que la restauration de la qualité chimique de l'eau n'est toujours pas à portée de vue. Les administrations n'ayant pas été capables de hiérarchiser les enjeux et les priorités pour la société porteront une lourde responsabilité en ce domaine. 

01/12/2020

Guide de la continuité écologique et des rivières prioritaires

Après de grands retards et de nombreuses critiques, la réforme ratée de continuité écologique a donné lieu à la définition de rivières et d'ouvrages prioritaires. Nous publions la conférence Hydrauxois donnée à ce sujet, ainsi que la mise à jour du guide des propriétaires d'ouvrages hydrauliques pour répondre aux exigences de l'article L 214-17 du code de l'environnement. Attention, le droit est précis: pour ne pas se mettre en défaut tous les moulins, forges, étangs et plans d'eau concernés par un classement en liste 2 doivent lire attentivement le guide et agir en conséquence. Ne rien faire aujourd'hui, c'est se préparer des ennuis pour demain. 





Les points essentiels à retenir :

- la priorisation des rivières est sans base légale, c'est une décision purement interne de l'administration faussement présentée comme une solution, 

- tous les ouvrages classés en liste 2 restent soumis aux obligations de la loi, tous les ouvrages pourront donc être attaqués par des tiers (ou déclarés "non régulièrement installés" par l'Etat) s'ils ne sont pas en conformité à la continuité écologique au terme du délai légal (délai de 5 ans prorogé une fois, donc travaux avant 2022 ou 2023 selon les bassins),

- nous ne voulons pas de ces diversions, mais l'application de la loi : des solutions de continuité respectant la consistance légale des ouvrages (pas de destruction) et indemnisant les travaux à coût exorbitant (pas de charge publique sur le dos de particuliers),

- si cette mise en conformité est impossible dans les délais pour manque de temps ou d'argent, alors il faut soit réviser la loi (modifier l'article L 214-17 CE posant tant de problèmes depuis 2006) soit réviser la liste de classement en liste 2 pour revenir à des périmètres raisonnables,

- nous appelons tous les maîtres d'ouvrage à se coordonner sur les rivières liste 2, à opposer le même discours aux administrations et syndicats, à saisir leur parlementaire pour que le ministère de l'écologie cesse ses dérives et ses dénis pour trouver de vraies solutions.

Pour rappel : l'association Hydrauxois a demandé au conseil d'Etat l'annulation du processus de priorisation, car il crée des inégalités des citoyens devant la loi et, in fine, ne respecte pas les termes de cette loi en suggérant que les délais légaux ne seront pas respectés. Nous voulons que le ministère de l'écologie et le parlement actent sans détour l'échec de la réforme telle qu'elle été menée par l'administration, pour définir des solutions réellement pérennes. 

27/11/2020

La population de castor dépasse 1,2 million d'individus en Europe (Wróbel 2020)

Le castor eurasien (Castor fiber) est une espèce en pleine expansion. Les réintroductions, qui ont été menées dans diverses parties de l'Europe, ainsi que le taux d'accroissement naturel ont entraîné une augmentation du nombre d'individus. Où en sommes-nous en 2020? Michał Wróbel (Institut de recherche forestière, Pologne) a collecté les informations disponibles pour fournir des chiffres sur la population de castors eurasiens dans toute l'Europe. La population compterait près de 1,2 millions individus. Mais la France a encore un fort potentiel d'expansion du castor. Ce qui devrait occasionner la construction de nombreux barrages en rivière, jugés bénéfiques pour le vivant.

Nous reproduisons ci-dessous les données collectées par le chercheur.



Discussion
Les densités observées en Europe orientale, où le castor a moins régressé qu'en Europe occidentale, suggèrent un fort potentiel d'expansion, notamment en France. Cela implique que la morphologie des rivières peu profondes devrait être modifiée dans les années et décennies à venir — en particulier les têtes de bassin boisées, où le castor trouve des conditions favorables. Dans les rivières dont la lame d'eau est inférieure à 68 cm, les colonies de castors choisissent la stratégie de construction de barrages et retenues (Swinnen et al 2019).

Il sera intéressant d'observer comment les gestionnaires de l'eau, considérant désormais (au plan règlementaire) que tout obstacle de plus de 20 cm est une grave discontinuité écologique, vont accueillir le retour de ces barragistes de la nature. La littérature en écologie ne tarit pas d'éloge sur les castors et leurs bienfaits pour la diversité locale des habitats, l'épuration de l'eau, la création de débordements latéraux, etc.. Pourtant, les barrages et retenues de ces rongeurs semi-aquatiques ont sensiblement les mêmes effets que les plus modestes ouvrages des humains : ils tendent à ralentir l'écoulement et créer des systèmes lentiques, à réchauffer la masse d'eau retenue, à remplacer un lit en sable et gravier par du limon, etc. Par quelles acrobaties intellectuelles va-t-on  changer de discours pour affirmer que les mêmes effets sont tantôt remarquables, tantôt blâmables? A moins que les véritables motivations de certains usagers promouvant des "rivières libres" n'apparaissent plus clairement à cette occasion...

Référence : Wróbel M (2020) Population of Eurasian beaver (Castor fiber) in Europe, Global Ecology and Conservation, 23, e01046 

24/11/2020

Non, la science ne dit pas qu'il faut détruire les ouvrages des rivières

Alors qu'elle ne respecte ni ses engagements sur le réchauffement climatique ni ceux sur les pollutions, la technocratie française de l'eau prétend depuis 10 ans que la destruction des moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques anciens serait une nécessité urgente dictée par la science. C'est un mensonge. Pour justifier ses choix, cette technocratie ne sélectionne qu'une petite partie des recherches, elle mélange sans vergogne la science et l'opinion, elle use d'un argument d'autorité n'ayant pas lieu d'être. Explications.


Depuis 10 ans, le France a engagé la politique la plus ambitieuse en Europe et dans le monde dans le domaine de la continuité écologique des rivières. En particulier la continuité en long, celle qui entend supprimer tout obstacle à la circulation de poissons ou au transit de sédiments. Il s'agit pour cette politique de favoriser la destruction du maximum de chaussées et de barrages, entraînant la disparition des paysages et habitats qui en résultent (plans d'eau, canaux), ainsi que des patrimoines et des usages attachés aux ouvrages. 

Face aux refus que soulève cette politique un peu partout, l'un des arguments les plus souvent entendus pour la justifier s'énonce ainsi: la science affirme que la disparition des ouvrages est une bonne chose.

Cet argument est faux, et il est manipulateur de trois manières. 

D'abord, la science ne parle pas des "bonnes" choses et des "mauvaises" choses, ce qui relève de l'opinion. La science se contente d'établir des faits, d'en chercher les causes et d'en viser des prédictions, elle ne se prononce pas sur le monde idéal. C'est aux citoyens et à leurs élus, une fois correctement informés des données de la science — et de toutes les données —, de décider ce qu'ils veulent pour la société et son environnement.

Ensuite, la science supposément favorable à la destruction des ouvrages a été réduite à l'écologie, en particulier l'écologie de conservation. Or la science ne se résume pas à l'écologie : les ouvrages hydrauliques peuvent être analysés au plan de l'hydrologie, de la limnologie, de l'histoire, de la géographie, de la sociologie, de l'anthropologie, de l'économie, du droit... il y a une véritable usurpation de "la science" si on la résume à une seule discipline. 

Enfin, même au sein de l'écologie formant la justification principale de cette politique, on a réduit l'approche scientifique à celle de chercheurs usant d'un paradigme particulier: seule une nature indemne de toute influence humaine représenterait la nature "de référence", la nature "normale". Or, tous les écologues scientifiques ne sont pas d'accord avec cette approche, certains admettent désormais que la biodiversité évolue, que les nouveaux écosystèmes créés par les humains ont des intérêts et peuvent être conservés.

La Coordination nationale eaux & rivières humaines a publié un recueil de 100 recherches scientifiques menées en France et Europe, toutes parues voici moins de 10 ans, montrant que le discours officiel d'Etat (et de divers lobbies) sur la continuité écologique représente en réalité une sélection arbitraire de certaines conclusions et de certaines approches de la recherche.

Entendons-nous bien : il ne s'agit évidemment pas de prétendre que des ouvrages hydrauliques ne transforment pas les milieux au plan physique, chimique ou biologique. C'est une évidence, beaucoup de recherches l'ont montré. Mais toutes ces transformations ne sont pas négatives, toutes ne sont pas jugées mauvaises par la société et toutes doivent être comparées à d'autres pour en comprendre la portée exacte, avant de prétendre que cela a la moindre gravité, ou même que c'est un problème. Notre pays n'étant par exemple pas capable de mesurer en routine les centaines de polluants circulant dans ses eaux, on peut douter que cet exercice de comparaison et hiérarchisation soit fait avec une grande robustesse. 

Ne confondons plus la science avec les alibis opportunistes de la technocratie. Cela nourrit la disqualification de la parole publique, mais aussi plus gravement le discrédit de la parole scientifique dont on ne sait plus trop si elle représente une recherche neutre de connaissances ou une idéologie au service du pouvoir politique.

A lire

22/11/2020

Le syndicat de la Sarthe SM SEAU déploie le bourrage de crâne pour justifier la casse des ouvrages en rivière

Souhaiter une continuité écologique "apaisée" mais persister dans la diabolisation des ouvrages, la diffusion d'informations incomplètes et trompeuses à leur sujet, l'appel à leur disparition? Cela ne marchera pas. Nous avons besoin d'un nouveau discours public de l'eau et de la rivière, pas de communication superficielle et mensongère. Ainsi dans l'actualité, un syndicat essaie d'obtenir du préfet une déclaration d'intérêt général (DIG) pour des travaux sur le Rhonne, l’Orne Champenoise, la Vézanne et le Fessard, pour un total de 2,98 millions d'euros d'argent public. Le volet sur les ouvrages hydrauliques et la continuité en long est un copier-coller paresseux des dogmes contre les retenues, canaux et plans d'eau, sans aucune prise en compte des évolutions des connaissances scientifiques ni des débats entre les experts de ces questions, sans aucune donnée de terrain analysant ces milieux avant de définir des choix. Nous ne pourrons pas parvenir à un apaisement sur cette question si l'administration valide des dogmes sans consistance menant à dilapider l'argent public de l'écologie dans des travaux sans lien à l'intérêt général et sans ciblage sur les premiers facteurs qui dégradent l'état des cours d'eau et plans d'eau. Les riverains et leurs associations doivent donc refuser ces DIG en enquête publique et aller en justice, car avec le décret scélérat du 30 juin 2020, il n'est plus possible ensuite d'exiger des études d'impact sur chaque casse de moulin, étang ou plan d'eau entraînant la destruction des milieux, fonctions, usages et potentiels liés à ces ouvrages. 


Le Syndicat mixte Sarthe Est Aval Unifié (SM SEAU) organiser une enquête publique pour un projet de travaux de restauration des milieux aquatiques sur les bassins versants du Rhonne, de l’Orne Champenoise, de la Vézanne et du Fessard.

Le syndicat veut obtenir une déclaration d'intérêt général (DIG) et une autorisation environnementale unique. Depuis le décret scélérat du 30 juin 2020, ce moment de la procédure est le seul où les citoyens peuvent s'exprimer. Si le préfet valide la DIG et l'autorisation environnementale dans un arrêté, alors le syndicat et ses exécutants pourront détruire à volonté des ouvrages et des milieux sans avoir à faire d'étude d'impact local ni à soumettre le projet aux citoyens concernés dans le cadre d'une procédure transparente.

Le syndicat mixte SM SEAU propose de donner la prime à l'effacement des ouvrages hydrauliques. 

Il  justifie ses mesures par des propos très généraux et très manipulateurs, dont voici l'exposé :
"Le diagnostic réalisé sur le territoire a mis en avant la présence de plusieurs ouvrages ou plans d’eau impactant la continuité écologique et plus généralement la qualité habitationnelle de la rivière.
Note : La régularité administrative n’est pas avérée pour chacun de ces ouvrages ou plans d’eau, des recherches seront effectuées afin d’identifier ceux qui seraient illégaux.
La présence d’ouvrages hydrauliques et de plans d’eau implantés en travers ou en dérivation du cours d’eau présente de nombreux impacts négatifs. Ces impacts sont proportionnels à l’envergure de l’ouvrage et du plan d’eau (hauteur de chute, surface du miroir d’eau...) et aux caractéristiques du cours d’eau.
En effet, ils peuvent être à l’origine :
− d’une aggravation du phénomène d’eutrophisation et d’une altération de la qualité de l’eau sur les portions aval du cours d’eau (augmentation de la température et de la matière organique, diminution de l’oxygène dissous) ;
− d’un effet d’obstacle pour les poissons en migration et de morcellement des populations ;
− d’un piégeage dans la retenue des sédiments grossiers (sables, graviers, blocs) et des limons (envasement progressif) et donc d’un déséquilibre hydro- sédimentaire à l’échelle de la rivière, avec une accentuation des phénomènes d’érosion plus en aval ;
− d’une homogénéisation des milieux aquatiques avec une modification des peuplements piscicoles et des macro-invertébrés (espèces polluo-résistantes) et une disparition des zones de fraie et de développement des juvéniles pour certaines espèces sensibles à la qualité du substrat (truites, vairons, chabots...) ;
− d’une augmentation des inondations à l’amont et des étiages à l’aval. 
Ces ouvrages et plans d’eau vont à l’encontre du bon état écologique des cours d’eau."
Cette justification reprend tous les dogmes de la continuité écologique et représente un bourrage de crâne. La coordination nationale Eaux & rivières humaines a publié un dossier de 100 recherches scientifiques récentes, en France et en Europe, dont beaucoup concernent des ouvrages et plans d'eau. Il ressort de ces travaux de recherche que 
  • Les milieux créés par les ouvrages hébergent de la biodiversité.
  • La biodiversité des bassins versants évolue depuis des millénaires sous influence humaine, dans le cadre d’une « socio-nature », rendant illusoire la définition administrative d’un « état de référence ».
  • Les ouvrages anciens et de petites dimensions ont souvent des impacts faibles à nuls sur le transit des sédiments ou la circulation des poissons grands migrateurs.
  • Les ouvrages, en particulier les chaines d’ouvrages de type moulins et étangs, assurent une retenue d’eau sur les bassins (surface, nappe), leur disparition altérant ce service environnemental.
  • Les pollutions et les usages des sols du bassin versant ont des effets beaucoup plus marqués sur la dégradation de l’eau que la morphologie du lit.
  • Au sein de la morphologie, les densités de barrages ont des effets faibles à nuls sur la qualité de l’eau et des milieux, voire un certain nombre d’effets positifs mesurés dans divers travaux (dépollution et hausse de biodiversité bêta du bassin en particulier).
  • La restauration écologique, et en particulier morphologique, des rivières est confrontée à des résultats incertains, parfois des échecs.
  • Les effacements d’ouvrages hydrauliques ont parfois des effets négatifs avérés : incision des lits, pertes de milieux (zones humides, ripisylves), pollutions, disparition d’aménités culturelles.
  • Les politiques de rivières sont en déficit de reconnaissance des aspirations des citoyens et des dimensions multiples de l’eau, avec certaines expertises qui ont des biais manifestes mais sont mises en avant sans débat par les gestionnaires.
  • Les résultats en écologie aquatique sont contextes-dépendants (contingents) et cela interdit de faire des prescriptions généralistes sur les ouvrages et leurs milieux, le cas par cas (vue intégrée par site, par rivière, par bassin) étant une absolue nécessité pour ne pas engager des résultats négatifs.
L'association Hydrauxois a donc donné un avis négatif à cette enquête publique. Elle se réserve l'opportunité de requérir en justice avec d'autres plaignants l'annulation d'un arrêté préfectoral qui validerait la présentation mensongère des enjeux de l'eau aux citoyens. Nous appelons toutes les associations de défense des riverains, des rivières et des ouvrages à participer systématiquement aux enquêtes publiques de DIG des syndicats et, si besoin, à ester en justice pour obtenir l'annulation de l'arrête préfectoral qui en découle.

Le gouvernement prétend qu'il va développer la "continuité écologique apaisée". Mais depuis 20 ans, les administrations et les experts de ce gouvernement développent un discours faux et militant de diabolisation systématique des ouvrages hydrauliques, discours que l'on trouve répliqué paresseusement par les syndicats de rivière et les bureaux d'études à qui ces syndicats sous-traitent la justification de leurs travaux.

Nous ne connaîtrons aucun apaisement sur la question des ouvrages hydrauliques tant que l'idéologie de la préférence systématique à la destruction des moulins, forges, étangs, canaux, plans d'eau et zones humides d'origine humaine sera à l'oeuvre dans les choix publics, nationaux comme locaux. 

21/11/2020

Le déclin de la faune sauvage est mal estimé par les indices globaux, qui cachent de fortes disparités (Leung et al 2020)

L'indice Planète vivante (Société zoologique de Londres ZSL, WWF) conclut que le monde a perdu 68% des vertébrés entre 1970 et 2016. Le chiffre est massif, alarmant. Mais le ré-examen des données par des chercheurs montre que 1% des vertébrés ont un déclin extrême, 0,4% une hausse extrême, et les 98,6% restants ne montreraient pas de tendance significative à la hausse ou à la baisse. En revanche, l'analyse plus fine des données par clusters cohérents suggère que des régions (comme l'indo-pacifique) et des règnes (reptile, amphibien) ont des stress plus importants. Les chercheurs appellent à des indices plus qualitatifs pour orienter nos choix en protection de la biodiversité et les rendre plus efficaces.

Dans la revue Nature, Brian Leung et quatre collègues suggèrent que le déclin catastrophique des populations mondiales de vertébrés est mal interprété et surestimé en raison des méthodes statistiques utilisées pour agréger les données.

Voici le résumé de leur recherche :

"Des analyses récentes ont signalé des déclins mondiaux catastrophiques des populations de vertébrés. Cependant, la distillation de nombreuses tendances en un indice moyen global masque la variation qui peut éclairer les mesures de conservation et peut être sensible aux décisions analytiques. 

Par exemple, des analyses antérieures ont estimé un déclin moyen des vertébrés de plus de 50% depuis 1970 (Living Planet Index). Ici, nous montrons cependant que cette estimation est déterminée par moins de 3% des populations de vertébrés; si l'on exclut ces populations extrêmement en déclin, la tendance mondiale passe à une augmentation. 

La sensibilité des tendances moyennes mondiales aux valeurs aberrantes suggère que des indices plus informatifs sont nécessaires. Nous proposons une approche alternative, qui identifie les grappes de déclin (ou d'augmentation) extrême qui diffèrent statistiquement de la majorité des tendances démographiques. Nous montrons que, parmi les systèmes taxonomiques-géographiques de l'Indice Planète Vivante, 16 systèmes contiennent des grappes de déclin extrême (comprenant environ 1% des populations; ces déclins extrêmes se produisent de manière disproportionnée chez les animaux plus grands) et 7 contiennent des augmentations extrêmes (environ 0,4% des populations). Les 98,6% restants de la population dans tous les systèmes n'ont montré aucune tendance mondiale moyenne. Cependant, analysés séparément, trois systèmes déclinaient fortement avec une certitude élevée (tous dans la région indo-pacifique) et sept étaient en déclin fortement mais avec moins de certitude (principalement des groupes de reptiles et d'amphibiens). 

La prise en compte des grappes extrêmes modifie fondamentalement l'interprétation des tendances mondiales des vertébrés et devrait être utilisée pour aider à hiérarchiser les efforts de conservation."

Cette carte montre par exemple les tendances des vertébrés d'eau douce dans le monde. 

Les astérisques rouges et bleus indiquent l'occurrence de grappes extrêmement décroissantes et de grappes croissantes, respectivement. Les distributions affichent le cluster principal de chaque système. Rouge, déclins significatifs; bleu, augmentations significatives; orange, fortes baisses non significatives; vert, fortes augmentations non significatives; jaune, changements faibles). Les cartes ont été créées à l'aide du logiciel ArcGIS par Esri (ArcGIS et ArcMap sont la propriété intellectuelle d'Esri et sont utilisés ici sous licence.

Discussion
Comme explique à l'AFP l'auteur principal Brian Leung, de l'université McGill à Montréal, "réunir toutes les courbes de population en un seul chiffre peut donner l'impression que tout décline partout, en se basant sur les maths plutôt que sur la réalité. Un tableau plus nuancé est plus précis: il y a des foyers de population en déclin extrême, dans des écosystèmes qui en dehors de ça ne sont ni en amélioration ni en déclin. Toutefois il y a aussi quelques zones géographiques où la plupart des populations examinées semblent en déclin. Il est important d'identifier celles-là".

L'écologie est désormais une politique publique fondée sur la science, et elle exige donc des métriques de qualité. Un discours trop flou sur le déclin global du vivant et la nécessité de "tout changer" risque de se traduire par l'impuissance, et surtout par des actions mal ciblées alors que les budgets de protection ou de restauration écologiques sont encore très limités. Dans le domaine du vivant aquatique et amphibie, nous souhaitons que les données soient utilisées de manière plus intelligente afin de hiérarchiser les zones et les espèces à problème. Il est nécessaire que les gestionnaires de l'environnement et décideurs disposent de telles approches plus discriminantes.

Référence : Leung B et al (2020), Clustered versus catastrophic global vertebrate declines, Nature, doi: 10.1038/s41586-020-2920-6

19/11/2020

Des insecticides antipuces surpuissants dans les rivières et plans d'eau (Perkins et al 2020)

Une recherche menée au Royaume-Uni a trouvé du fipronil dans 99% des échantillons de 20 rivières et le niveau moyen d'un produit de dégradation particulièrement toxique de ce pesticide était 38 fois supérieur à la limite de sécurité. Le fipronil et un autre agent neurotoxique appelé imidaclopride, lui aussi retrouvé dans les milieux aquatiques, ont été interdits d'utilisation en agriculture depuis quelques années. Principal suspect: les traitements antipuces des 21 millions de chiens et de chats du pays. Ces produits sont hautement toxiques pour les invertébrés — à titre d'exemple, une seule dose de traitement pour chien a un potentiel toxique suffisant pour tuer 60 millions d'abeilles. L'impact sur les insectes des rivières comme sur les poissons, amphibiens et oiseaux qui en dépendent est à explorer. Espérons que la France se penche aussi sur cette question, car l'analyse des pollutions chimiques et de leurs effets biologiques reste à ce jour très lacunaire au regard du nombre de substances circulant dans les eaux.


Voici le résumé de la recherche des quatre scientifiques anglais :

"On en sait peu sur le devenir environnemental ou l’impact des pesticides utilisés pour lutter contre les parasites des animaux de compagnie. À l'aide des données de l'Agence pour l'environnement, nous avons examiné l'occurrence du fipronil, des métabolites du fipronil et de l'imidaclopride dans 20 rivières anglaises de 2016 à 2018, comme indicateurs de la contamination potentielle des cours d'eau par leur utilisation comme ectoparasiticide sur les animaux de compagnie. Des échantillons d'eau ont été prélevés par l'Agence pour l'environnement dans le cadre de son programme de surveillance chimique et analysés à l'aide des méthodes de spectrométrie de masse par chromatographie liquide / spectrométrie de masse à temps de vol quadripolaire (LC / Q-TOF-MS). Au total, 3861 analyses chimiques ont été examinées et l'importance et les sources potentielles de cette contamination ont été évaluées. 

Le fipronil, le fipronil sulfone, le sulfure de fipronil (collectivement appelés fiproles) et l'imidaclopride ont été détectés dans 98,6%, 96,5%, 68,7% et 65,9% des échantillons, respectivement. Sur l'ensemble des sites fluviaux échantillonnés, les concentrations moyennes de fipronil (17 ng/l, fourchette <0,3–980 ng/l) et de fipronil sulfone (6,5 ng/l, fourchette <0,2–39 ng/l) étaient de 5,3 et 38,1 fois leurs limites de toxicité chronique de 3,2 et 0,17 ng/l, respectivement. L'imidaclopride avait une concentration moyenne de 31,7 ng/l (intervalle <1 à 360 ng/l), qui était inférieure à sa limite de toxicité chronique de 35 ng/l, mais 7 sites sur 20 dépassaient cette limite. Les quotients de risque chronique indiquent un risque environnemental élevé pour les écosystèmes aquatiques dû aux fiproles et un risque modéré à l'imidaclopride. 

Les sites immédiatement en aval des ouvrages de traitement des eaux usées présentaient les niveaux les plus élevés de fipronil et d'imidaclopride, ce qui étaye l'hypothèse selon laquelle des quantités potentiellement importantes de pesticides provenant de produits vétérinaires contre les puces pourraient pénétrer dans les cours d'eau par les égouts ménagers. Ces résultats suggèrent la nécessité d'une réévaluation des risques environnementaux associés à l'utilisation de produits antiparasitaires pour animaux de compagnie et des évaluations des risques que ces produits subissent avant l'approbation réglementaire."

Référence : Perkins R et al (2020), Potential role of veterinary flea products in widespread pesticide contamination of English rivers, Science of The Total Environment,, 143560